Je tiens à préciser que ce chapitre a été écrit voilà trois ans maintenant et que le choix du pays n'a strictement rien à voir avec la guerre...

OoOoOoOoOoO

L'entrée principale était une grotte gigantesque naturellement taillée dans la roche, foisonnante de buissons et de fleurs en tout genre. Il fallait venir en bateau et les rues les plus utilisées dans ce dédale de galeries étaient en réalité des rivières souterraines.

Il y avait des salles au plafond vertigineux, des cachettes secrètes, de grands corridors où poussaient des stalactites et des stalagmites, des pièces individuelles aussi, des réfectoires, des ateliers,...

Bref une véritable ville enterrée à l'abri des regards humains.

Draco y avait passé toute son enfance, et il était très content d'y retourner pour les vacances d'été. Sa maison lui manquait, les interactions avec ses pairs lui manquaient et son père lui manquait.

Depuis tout petit, il se rappelait de la présence rassurante de son paternel. Il n'était certes pas démonstratif, mais il était là aux moments primordiaux de la vie de son fils unique.

Son premier repas.

Sa première mise à mort d'un traite.

Son premier rituel.

Et les actes chez eux comptaient bien plus que les mots. Draco se trouvait chanceux d'avoir été éduqué suffisamment. Le jour de son intronisation, il le savait déjà, se passerait sans aucun accro ; parce qu'on lui aura tout montré avant.

Draco était puissant.

En règle générale, les héritiers ne créaient pas leur premier né avant d'avoir 15 ou 16 ans. Mais lui était un Malfoy, et son père l'avait bien formé.

D'ailleurs, son père l'avait prévenu, ce mois-ci il devra créer son premier né. Draco avait hâte ! Il ne voulait pas se tromper ; si le choix de l'humain était primordial, le respect du rituel l'était tout autant.

Son père lui avait dit que l'un de leurs ancêtres avait mal réussi son premier né et qu'au lieu d'avoir une connexion unique et privilégiée avec celui-ci, il devait au contraire le surveiller constamment. Draco voulait éviter ce drame et il s'était renseigné toutes les nuits de cette année (il avait du temps à perdre la nuit, vous pensez bien) ; sa résolution était prise, il irait en Russie.

Les Russes sous leurs dehors froids et ombrageux étaient bouillants et déterminés. Il avait besoin d'avoir quelqu'un à ses côtés capable de comprendre rapidement la situation, de le freiner si il le fallait, et d'être implacable parfois. Il avait envie de goûter à la rudesse de ce peuple d'humain.

Aussi, lorsque son père lui posa la question quelques jours plus tard, au moment du banquet dans la grande salle, Draco le lui annonça immédiatement et sans tergiverser plus que cela.

Son père ne paru pas excessivement surpris de ce choix et lui demanda juste si il voulait partir le récupérer lui même, ou si il devait envoyer des gardes pour lui en rapporter un échantillon.

Draco qui savait déjà la bonne réponse à cette question, pour que le lien soit le plus complet possible, lui répondit qu'il verrait dès le lendemain pour prendre quelques gardes de troisième génération, des vivres ainsi que des bateliers et leur bateau.

C'est que la Russie, même par voie souterraine, est loin ! Son père se contenta d'acquiescer et la discussion repartit sur un autre sujet.

Aussi, le lendemain matin, Draco emmena avec lui une vingtaine de ses pairs, pour aller chercher son premier né. Avec l'excitation du voyage et de ce qui allait suivre, ses yeux avaient viré au rouge sang, et des frissons lui parcouraient l'échine.

Ils montèrent dans les trois bateaux en bois à la proue relevée, s'installèrent sur les bancs et commencèrent à ramer en rythme. Il n'y avait évidement pas de voile, puisque l'ensemble du voyage se ferait sans voir le soleil.

Rapidement, ils débouchèrent sur un canal plus large, puis encore sur un autre plus imposant qui récupérait l'ensemble des canaux sous l'Angleterre. Leur espèce avait fait tailler, par des esclaves humains, dans la roche, de vraies autoroutes invisibles aux yeux des habitants de la surface afin de ne dépendre que d'elle même.

Arrivés sur le canal principal, ils savaient qu'à la force des bras il ne leur faudrait qu'une petite semaine pour arriver sous Saint Petersbourg.

Draco avait désigné une grande ville, car il ne voulait pas d'un cul terreux incapable de s'orienter et terrifié à l'idée de quitter son petit cocon.

Ils firent des pauses dans les villes et villages qu'ils traversaient, Draco en profita pour régler quelques affaires que son père lui avait désignées ; il tua quand cela fut nécessaire, il coupa des mains parfois et tortura d'autres fois. Chez eux, on ne plaisantait pas avec la loi.

Son père lui avait dit qu'avec leur mode de communication de toute façon peu arrivaient à lui échapper sur plus de quelques jours. Donc, que lorsque contrevenants il y avait c'est que c'était fait exprès. Tout le monde savait à quoi s'attendre, tout le monde connaissait les règles et pourquoi elles étaient mises en place.

Son père voulait bien aider les suicidaires puisque cela rajoutait à son prestige ; il n'avait aucun problème de morale.

Du coup, effectivement, une semaine après leur départ ils accostaient au ponton d'arrivée. Un escalier en bois les conduisit à une salle plus grande, qui les mena directement à leur auberge.

Ce n'était pas une auberge traditionnelle, comme celle que l'on peut voir en surface. Plutôt un entrelacs de pièces taillées dans le roc, les lits et les armoires directement ciselés. On entendait le bruit de l'eau qui gouttait, certains murs étaient suintant d'humidité et l'éclairage se faisait par un jeu compliqué de miroirs depuis la surface.

Mais c'était toujours chez eux, dans le territoire de leur clan et Draco et ceux qu'il avait emmenés avec lui, étaient bien ici.

Ils se décidèrent pour poser rapidement leurs affaires, les laissant à découvert n'ayant aucune crainte quand a un quelconque vol, et partirent immédiatement à la recherche du futur Premier né.

Une longue cheminée contenant des échelles de cordes les mena au château de Mikhailovski directement dans les jardins d'été. De là, en petits groupes ils partirent repérer la ville qu'aucun d'eux ne connaissaient. Et ils se réunirent ensuite plusieurs heures plus tard, pour convenir que certainement un premier né Russe était une bonne idée.

L'image que ce peuple leur avait laissé sur la journée était très positive : fier de ses racines, autonome et fort.

Les jours suivants, seul Draco erra dans les rues. Les autres n'avaient aucunement de décision ou de conseil à lui donner et il devait choisir seul, selon son instinct. Ils n'étaient là que pour sa protection et pour l'accomplissement du rituel après tout.

Il alla aux alentours du palais de Tauride, visita la gare de Finlande, entra dans le musée d'histoire politique, continua jusqu'au cimetière. Mais sur une semaine, si il avait senti quelques bribes qui auraient pu convenir, il n'avait jamais eu d'accroche sûr et certaine. La semaine suivante, il déambula donc dans tout le sud de la ville vit les palais, la cathédrale et la synagogue mais il ne ressentit rien d'autre que ce qu'il avait déjà pu apercevoir.

Il allait donner l'ordre de faire machine arrière et de rentrer en Angleterre dépité, lorsque près de l'oceanarium il discerna une fragrance magnifique !

Un jeune homme d'une trentaine d'année, aux cheveux bruns coupés courts, aux épaules larges, un chapeau à large bords qui le protégeait du froid, yeux noisettes, dont la force physique prédominait à l'œil nu.

Il marchait d'un bon pas, en regardant droit devant lui, et même si il était bien plus grand que Draco (ce qui était normal puisque Draco n'était encore qu'un enfant) l'adolescent prédit que cela ne serait pas une gêne d'avoir un premier né qui en imposait.

Il savoura un instant encore ce parfum puissant qui lui retournait les sens et se décida à emboîter le pas à l'homme.

Très vite, celui-ci se rendit compte qu'il était suivi.

En même temps, Draco était un prédateur et les humains avaient toujours eu en sa présence ce sixième sens qui les poussaient à fuir. À la décharge de l'humain, Draco ne renifla pas l'odeur de peur panique qu'il haïssait, mais plutôt celle d'une crainte intriguée. D'ailleurs, c'est ce qui le convainquit à entrer en action ; il ne voulait pas d'un premier né timoré et cet humain là conviendrait donc parfaitement.

Il lui attrapa le bras, sans serrer trop fort, pour ne pas le lui arracher et lui chuchota près de l'oreille :

- Si tu tiens à ta vie, tu me suis, sans faire d'histoire, sans hurler tout en continuant de marcher normalement.

Son futur Premier né du comprendre qu'il ne ferait pas le poids, malgré l'apparence de Draco qui était celle d'un enfant de douze ans, parce qu'il ferma brièvement les yeux et se mit ensuite à sa hauteur.

Ce fut une autre histoire lorsqu'ils arrivèrent tous les deux à la cheminée dans les jardins d'été...

L'humain ne voulait pas descendre.

Impossible pour lui de ne serait-ce que regarder dans le trou.

Il devait sentir les autres, les accompagnateurs de Draco, qui les attendaient en bas. Et d'ailleurs il le lui dit, d'une voix grave, résonnante et belle :

- Je ne sais pas ce qu'il y a là dedans mon garçon, mais je suis plus effrayé par ce trou que par toi, alors ce que tu as à me dire tu me le dis ici, d'accord ?

Et Draco, avec qui son père avait très clair ; il ne voulait pas d'esclandre, et certainement pas en plein jour, se résolu à l'assommer pour pouvoir rejoindre son monde.

Ce ne fut certes pas très pratique ni même très confortable, parce que la descente était longue, mais Draco n'avait pas une force d'humain et il s'en sorti très bien.

La suite ne fut plus qu'une formalité.

Directement sous Saint Petersbourg, sans attendre le retour en Angleterre qui de toute façon aurait tué un simple humain, il emmena son captif dans la salle des rituels.

Tous les villages de leur peuple possédaient une salle pour les rituels, même le plus petit ou le plus insignifiant d'entre eux.

Celle de Saint Petersbourg était merveilleuse. La roche, noire comme du charbon, contenait toute une myriade de gemmes bleues; des saphirs, des lapis lazulis, des sodalites,... Les pierres reflétaient la lumière apportée par les miroirs, de l'eau qui semblait turquoise serpentait le long du sol et il trônait au milieu de la pièce un autel rectangulaire. Celui-ci semblait être éclairé d'une lumière verte pâle qui rehaussait le charme de la pièce.

Draco c'était toujours senti à son aise dans les salles de rituel, mais celle-ci avait quelque chose de spécial à ses yeux. Parce qu'il la trouvait magnifique où peut-être n'était-ce que la naissance de son premier né qui le rendait quasiment fébrile !

Il laissa les autres s'installer autour de lui, et se concentra sur son fardeau qu'il n'avait toujours pas lâché. Il l'installa nu sur la pierre froide de l'autel et pu le regarder tout à loisir sans aucune gêne puisque l'humain, sous la pression, avait fini par s'évanouir pour de bon. De toute façon que l'homme soit évanoui ou pas, il aurait regardé. Parce que son espèce ne faisait pas de la nudité une question de pudeur comme chez les humains.

Il s'entailla le poignet et fit couler son sang dans une sorte de gobelet en terre cuite. Puis, il cracha à l'intérieur et mélangea le tout. Il lui fallait lui donner à boire aussi de son venin.

Ensuite lorsque la musique résonna et la magie du lieu s'amplifia, il sembla alors à Draco que les gemmes brillaient plus fort, que l'eau courait plus vite sous ses pieds, ses yeux se révulsèrent et il sourit.

C'était le moment clé de ce rituel, il fallait que l'humain se réveille, ne prenne pas peur et boive de lui même le contenu du gobelet. Il fallait que la magie de Draco soit plus forte que sa volonté à lui.

Cela nécessitait une grande force mentale ; il devait lui donner envie...

Envie de se réveiller.

Envie de boire.

Envie de se laisser aller.

Envie d'être à lui.

Longtemps la musique résonna.

Longtemps l'humain lutta, mais finalement il bu, et définitivement il l'eut !

OoOoOoOoOoO

Plus tard, lorsque son premier né se réveilla, Draco était à ses côtés. Ils étaient rentrés en Angleterre et l'adolescent l'avait placé d'autorité dans sa chambre.

Il l'avait veillé toute la semaine. La transformation était terrible, surtout pour les premières générations lui avait dit son père. Et Draco, prévenant, l'avait fait boire, l'avait soutenu, lavé, et fait manger un peu.

Il était là surtout parce que dès qu'il se réveilla, il lui tendit son poignet. Avidement, l'ancien humain s'accrocha à son poignet et bu le sang qui en coulait.

Draco ne voulait certainement pas rater cette étape là.

Plus le premier né mettait du temps à le reconnaître comme son géniteur, moins le lien serait fort. Le blond n'avait donc pas hésité une seule seconde, et l'attente avait été tellement courte que l'on ne pouvait décemment pas appeler cela une attente.

Son premier né fini par émerger vraiment, après quelques minutes collé à son poignet, et il regarda intrigué l'endroit où il se trouvait.

La chambre de Draco ne contenait pas d'eau, elle n'en était pas moins immense. Taillée sur plusieurs niveaux, comme un escalier très lent, des niches de différentes tailles servant d'étagères étaient présentes sur les murs et les miroirs reflétaient une roche bleue claire. Le lit trônait au milieu comme pour conquérir l'espace par sa seule présence. Une table et des chaises avaient aussi été taillées dans le haut de la pièce.

- Comment te sens-tu ? Murmura l'adolescent blond.

- Bien, je...vais bien, il me semble s'entendit-t'il répondre.

- Et,... Est ce que tu as un nom ? Demanda narquoisement Draco.

- Vladimir accorda le Russe, d'une voix légèrement enrouée.

Il aurait voulu questionner, demander, interroger mais il ne le pouvait pas. Il percevait très bien qu'il avait changé, que ce n'était pas normal, mais il n'avait plus peur, comme si... comme si on l'a lui avait retiré.

Draco se rapprocha un peu plus du trentenaire, et lui demanda de le regarder dans les yeux. Incapable de résister, n'y même de penser à s'y soustraire son premier né le fit. Et alors, sans même bien comprendre pourquoi ou comment, parce qu'il ne vit aucune image défiler, ni ne perçut aucune intrusion mentale, il sut.

Il sut où il était, avec qui il était et ce que cela signifiait.

Il sut que c'était irrévocable, irrémédiable et qu'il avait dit oui. Il se souvenait d'avoir dit oui dans cette grotte...

- Allonge toi lui dit doucement Draco, restes ici encore un peu, le temps d'appréhender.

Et donc, Vladimir s'allongea, s'obligea à fermer ses yeux qu'il n'avait plus envie de fermer, et accepta les caresses et les murmures que Draco lui prodiguait.

Il était bien.

Juste il était bien.

OoOoOoOoOoO

- Père, j'ai à vous parler enchaina sans aucun rapport avec la conversation précédente un soir d'août Draco.

Ils étaient dans la salle commune, et mangeaient. Draco qui adorait le poulet grillé en était à sa troisième cuisse, et il se battait présentement avec un os récalcitrant qui ne voulait pas s'ouvrir comme il le souhaitait.

La moelle, qu'il aimait cela !

Son père hocha la tête et le garçon repris.

- C'est à propos des lettres que je vous ai fait transmettre cette année, vous savez le jeune humain dont je vous ai parlé.

Son père lui indiqua qu'il avait tout son intention.

- Je me demande, si je ne devrais pas essayer... Et j'aurai aimé avoir votre avis sur la question.

- Et bien, je pense qu'un essai cette année sur les nuits ne te coûtera pas grand chose et tu seras fixé très certainement à la fin de ton année dans la continuité ou non de cette tentative.

- Mais père, si cette vérification est prometteuse vous rendez vous compte de ce que cela signifie ?

- Draco, sourit Abraxas taquin, je ne vais pas remettre ton intelligence en doute mon garçon, mais toi te rends tu compte, que c'est moi qui te l'ai appris ? Si je t'ai dit oui, et bien... C'est que je t'ai dit oui.

- Effectivement, père, je suis juste un peu inquiet parce que la rentrée approche à grands pas et que je ne pense pas que Vladimir soit prêt à subir cet éloignement forcé... J'ai la tête ailleurs en ce moment, merci de votre bénédiction dans ce cas, lui répondit contrit Draco.

- Tu n'as qu'à prendre Vladimir avec toi, je pense que c'est tout à fait normal ce qu'il se passe entre vous deux mon fils. Tu as mis un moment relativement long pour le choisir, et je pense que vous vous accordez très bien. Peut-être sans doute un peu trop, mais cela seul l'avenir nous le dira.

- Merci Père, je vais de ce pas lui dire que je l'emmène avec moi. Vous faites deux heureux je crois, en me disant ces mots. Merci, on commençait sérieusement lui et moi à s'inquiéter.

Et Abraxas, sourit simplement en voyant son fils quitter la table avec un empressement soudain.