Hey !
Bon, voilà techniquement le dernier chapitre de l'histoire ! (Je dis le dernier parce qu'il reste un GROS épilogue donc je reprends la correction de ce pas. J'arrive enfin à la fin de cette histoire. Houra)
(Evidemment, gros TW guerre/violence physique sur ce chapitre)
Bonne lecture à vous !
Le feu, la cendre et ce qu'il reste derrière
.
C'est pire que la panique. La peur qui explose dans la tête d'Aqua parasite la moindre de ses pensées. Elle suffoque, s'arrête en plein combat, esquive de peu la paire de griffes qui passe près de son visage. Elle achève son adversaire d'un coup dans l'estomac avant de se tourner.
Larxene.
Il est arrivé quelque chose à Larxene.
Non, ça ne se peut pas. Elle refuse. S'élance et oublie les vampires restant dans la salle. Pas besoin de penser, son instinct la guide vers la bibliothèque. Un adversaire va pour lui fondre dessus, mais le petit corps agile de Xion lui barre la route. L'ennemi retombe, inerte, et sa cadette disparaît aussitôt dans une autre bataille.
Elle entend Saïx crier, mais elle ne s'arrête pas. Demyx passe au travers d'une vitre, mais il rentre à nouveau par celle d'à côté.
Un couloir.
Les rideaux brûlent. Une lumière de jour au milieu de la nuit, aveuglante et chaude. Aqua avait oublié ce qu'était la chaleur, avant de s'allonger contre Larxene. Elle ne se souvenait pas des peaux tendres et des lèvres, ni des mains qui passent dans les cheveux. Les siècles avaient effacé ce qu'elle savait du contact humain, les sensations, les odeurs faibles et d'autant plus précieuses.
Larxene a ravivé tout ça.
Et Larxene est en danger.
— Je vois qu'on accourt vite. C'est l'humain qui t'inquiète ?
Cette voix.
— Désolé. Mon dernier repas commence à remonter, j'ai dû reprendre des forces.
Non, non non. Ses veines se vident.
— Écarte-toi, elle crache à l'intention d'Ardyn.
— Quelle hargne. Tu n'as pas changé, Aqua.
Lui non plus. Cette tignasse mauve, sale, pleine de mèches collées par le sang sec. Et celui frais qui lui coule encore de la bouche et macule ses doigts. Ces dents aiguisées, si longues, ce visage en triangle émincé qui sombre dans l'ombre de le feu découpe sur sa face. Ce manteau déchiré qu'il laisse glisser comme un poids qu'on abandonne.
Au cou d'Ardyn, des centaines de cicatrices décorent sa peau. Flocons blancs, points enfoncés, des crocs qui sont passés et repassés par là. Des souvenirs de douleur.
— Je te déchirerai la gorge si tu ne dégages pas d'ici tout de suite, Aqua insiste.
— Je doute que tu y arrives.
Sur ses gardes, elle guette aux quatre coins de la pièce. Mais les couleurs sont toujours aussi vives, les sons puissants. Les ombres restent tapies à leur place.
Il n'a pas l'intention de se battre.
— Maintenant, si tu le veux bien, j'aimerais m'occuper de Xemnas avant que mon vieil ami ne se réveille.
Il s'arrête, hausse un sourcil. Secoue la tête. Il a senti quelque chose.
— Ou avant qu'il ne se joigne à nous.
— Et tu crois que je vais te laisser faire ?
— J'espère. Parce que le temps que tu perds est précieux à ton amie. Je crois que je me suis laissé aller. La soif, tu sais ce que c'est.
Aqua se fige. Entre les éclats de bois brûlés, elle perçoit nettement l'odeur du sang de Larxene. Son goût qui flotte autour d'eux.
Et le bruit étouffé de ses gémissements.
— À toi de voir quelle vie tu préfères sauver. Mais, entre nous, je crois qu'elle t'en voudrait de perdre le précieux temps qu'il lui reste.
Elle doit le retenir. Xemnas ne fera pas le poids seul, et même si elle sent la présence de Xehanort, rien ne dit qu'il aura fini de boire avant qu'Ardyn ait achevé sa sombre tâche. Aqua n'a pas d'autre choix. C'est son devoir. Son rôle, en tant que bras droit.
Mais cette voix. Ces sanglots brisés.
— Le choix t'appartient, le vampire ricane.
Elle le fixe, la rage au cœur. Avec tout ce qu'elle a pu accumuler de colère au cours des siècles derniers. Toute sa haine pour un monde sans compassion qui excécute à la chaîne.
Ardyn représente tout ce contre quoi elle a lutté.
Et elle s'écarte pour le laisser passer.
— On se retrouvera tout à l'heure, il promet.
Mais elle ne prend pas le temps de lui répondre.
Larxene. Larxene est là, contre une des étagères de la bibliothèque. Une de celles que le feu n'a pas encore gagnées. Elle contemple, impuissante, le sang qui coule à la naissance de sa gorge. Et celui qui s'échappe de son ventre en mare écarlate.
Ardyn ne paie rien pour attendre.
— A-aqua…
Larxene ne la regarde pas. Elle n'a sans doute même pas remarqué qu'Aqua était là.
C'est un appel au secours lancé dans le vide.
— Je suis là.
La vampire se précipite à ses côtés. L'odeur enivrante la frappe, mais elle sait résister à ce genre d'appels. Aussitôt, ses doigts vont chercher le pou de Larxene. Il est faible. Une bougie qui vacille au milieu d'une tempête. Ardyn a bien calculé son coup.
— Aqua… crachote Larxene.
— Je m'occupe de toi.
Aqua déchire d'un geste le haut de la blessée et découvre avec délicatesse la plaie qui lui ouvre le ventre. Préparée au pire spectacle, elle est au moins rassurée de voir que les organes sont toujours à leur place. Pas de boyaux hors du corps. Seulement du sang – beaucoup de sang. Trop. Elle ne pourra pas arrêter l'hémorragie.
Elle ne peut pas la sauver.
Une douleur aiguë la brûle.
Pas encore.
Aqua savait que Larxene partirait un jour. Parce qu'elle se lasserait du manoir, ou parce qu'elle mourrait, comme tous les humains. Comme tous les vampires, un jour ou l'autre, même si leur temps s'étire plus loin.
Mais pas ce soir.
Pas dans ses bras.
— Ça fait m-mal…
La peur dans ce regard tremblant retourne l'estomac d'Aqua.
— Je veux pas crever.
— Tu ne mourras pas.
— Je v-veux pas…
Elle caresse ses cheveux poisseux. C'est trop tard et elle ne peut pas le lui dire, elle ne peut pas accepter ça, pas après cette longue traversée des siècles en solitaire.
Larxene a rendu les jours plus légers. La vie supportable, drôle, excitante. Surprenante. Les nuits en valait la peine, si elle les passait avec elle. Aqua ne veut pas perdre ça. Mais si elle part, pour toujours…
Non.
— Larxene, tu ne vas pas mourir. Mais tu dois m'écouter.
Il reste une solution.
— Je vais t'aider.
La mourante hoche la tête sans la regarder. Ses yeux pleins de terreur cherchent une image dans le vide. Son corps se soulève, fébrile, douloureux. Un souffle court d'animal qui va vers la mort. Ses poumons cherchent désespérément ce que son sang ne peut plus lui apporter.
— Larxene.
— Je veux pas c-creuver…
Sa main refroidit. La chaleur humaine déserte sa peau.
— Je veux pas…
Asra se mord la lèvre.
Si elle avait eu le choix, elle aurait dit non. Si elle avait pu, elle aurait refusé. Elle savait, à sa seconde venue au monde, qu'elle ne voulait pas de cette vie-là. Mais quand elle a rouvert les yeux, le mal était fait.
— Je suis là, elle la rassure.
Elle s'apprête à faire ce à quoi on l'a condamnée, malgré elle.
Mais il n'y a pas d'autre choix.
— Je-
— Larxene, écoute-moi. Tu vas vivre. Mais tu dois faire exactement ce que je dis.
D'un coup de crocs vif, Aqua ouvre son poignet.
— Tu vas vivre, elle répète.
Larxene ne la regarde pas. Mais elle hoche la tête, faiblement. C'est peut-être un tour de son imagination. Une preuve que la vampire invente pour se rassurer.
Qu'importe. Aqua inspire un grand coup, puis elle glisse ses doigts sous le visage de son amante pour le redresser. Elle caresse ses lèvres, chaudes pour la dernière fois. L'invite à les ouvrir, son pouce glissé entre ses dents.
— Je suis désolée.
Elle ravale un sanglot en collant la plaie fraîche contre sa bouche.
. . .
Riku serre la main de Vanitas comme le dernier fil ténu qui le raccroche à la réalité. Il sait, il sent au plus profond de lui, qu'ils ne sont rien face au vampire qui se lève devant eux. Son corps se dresse dans un bruit d'os sec qui craquent les uns après les autres. Son soupir lui donne la nausée alors que la créature passe ses jambes par-dessus le bord du cercueil. Des jambes longues et maigres cachées sous une tenue du siècle passé. Un tissu lâche comme celui d'une robe, tombé sur ses chevilles, fendu jusqu'à la cuisse sur les deux côtés.
Il avance à son rythme, lent. Transforme les minutes en années. Les années en seconde. Le temps se mêle et s'efface parce qu'il n'y a plus de temps, au fond. Juste cet homme, ce monstre qui approche.
— Ce n'est pas pour lui qu'on t'a réveillé, Vanitas feule.
— Alors j'espère que vous avez une bonne raison d'avoir troublé mon sommeil. Je n'aime pas être dérangé.
Son regard lui passe au travers, le brûle et le décortique. Riku inspire. Ce type voit en lui, il sait. Il ne fouille pas ses pensées. Pas besoin, il lit tout ce qu'il a besoin de savoir sur son visage, c'est déstabilisant. Il le scrute, l'air trop satisfait pour ne pas lui glacer le sang. Mais l'unique humain de la pièce ne se sent pas l'envie de fuir.
— Riku, donc.
Il devrait hocher la tête. Mais ses os sont figés.
— Intéressant.
Son nom. Il a dit son nom. Il ne s'est pas présenté pourtant, il… Est-ce que le sang de Sora et de Vanitas lui a suffi à comprendre ? Peut-être qu'il peut lire leur mémoire à travers les gouttes avalées, comme lui a retrouvé la sienne en léchant le poignet blessé du noiraud.
Il y a tant de possibilités. Tant de choses que Riku ne sait pas, fort de son ignorance crasse sur cet univers.
Mais l'univers, pour l'heure, se résume à cet homme.
Cet homme qui lève la tête, ses traits soudains tirés.
— Le manoir est attaqué, Vanitas reprend, froid.
— J'entends ça.
— Par Ardyn.
Xehanort ne répond pas, mais il plisse les. Riku a beau tendre l'oreille, il est incapable de percevoir ce que l'autre entend.
— Ils sont beaucoup plus nombreux que nous, et une partie de leur troupe s'est dirigée vers le château des Gainsborough, Sora reprend, plus calme. Xemnas a pu contenir l'attaque jusqu'à maintenant, mais…
— Il est en train de perdre.
Il perçoit d'ici quelque chose qui leur est inaccessible. C'est glaçant.
— Vous auriez dû me réveiller avant.
— L'attaque ne devait pas avoir lieu si tôt.
— Quand bien-même.
C'est vrai. Il aurait pu participer aux préparatifs, Riku ne l'avait même pas envisagé. Mais il sait, ils savent tous ici pourquoi est-ce qu'ils ont attendu le dernier moment. Xehanort aussi doit savoir, vu comme son sourire d'allonge
— Nous aurons une longue discussion, tous les deux, il promet.
Tous les deux. Riku inspire. Sa voix le traverse, et ses yeux. Tout. Il ne se sent plus exister.
— Mais pour l'heure, j'ai un problème plus important à régler.
Le vampire se tourne, et ses épaules échappent un grincement sec. Un bruit de brindille qu'on écrase ou d'arbre qui s'écroule, Riku ne saurait dire. Il le regarde avancer dans le couloir. Et comme le nuage duveteux dans sa tête s'évapore, il se souvient du feu et de la guerre.
Xehanort lui donne l'impression d'avancer au rythme d'une tortue éclopée. Ses gestes sont lents et précis, pourtant il termine à l'autre bout du couloir en quelques secondes. Il leur faut courir pour le rattraper.
Riku le regarde, incrédule. C'est… C'est comme de voir un film et de réaliser qu'on a raté une scène.
— Quelle vermine, il soupire en posant un pied sur la première marche de l'escalier.
Il relève la tête. En haut, le feu fait rage et mange les murs. Une langue brûlante qui gagne lentement mais sûrement du terrain. Riku perçoit la chaleur, et la douleur des cris qui se mêlent. De corps qu'on brise. Il croit reconnaître une chevelure familière au milieu des décombres. De longues mèches tout de blanc et de noir comme les cheveux de Xigbar. Il se détourne.
C'est peut-être son imagination. Oui, peut-être qu'il n'y avait pas de corps.
Un feulement sec s'élève.
— Tu dois rester dans les geôles ! Vanitas lui crie.
Riku comprend qu'on parle de lui. Il n'avait pas réalisé qu'il les avait suivis.
— Tu tiendras pas deux minutes ici, va te mettre à l'abri, il insiste.
Cette fois, Sora a l'air d'accord avec lui. Mais Riku ne veut pas redescendre et les laisser là. Ce serait… Il connaît ces gens, ceux qui se battent et qui peut-être mourront. Il ne peut pas rester sans rien faire.
— Zexion est toujours pas revenu.
— Et Larxene s'en occupe !
— Ça fait un moment qu'elle est partie, c'est pas normal.
— Si elle a crevé, t'y pourras rien. C'est la merde Riku, retourne au sous-sol.
Il va pour protester, mais le sifflement d'un vampire ennemi coupe pour à la conversation. La chose saute et s'arrête devant eux, sont corps plié comme celui d'une araignée. Elle sourit en les voyant. Et puis, son expression se fige.
Ses muscles se détendent. Xehanort la fixe, d'un calme impassible. Il s'avance la main levée. Approche ses doigts décharnés de la tignasse brûlée. Caresse brièvement la joue.
— Ardyn n'apprendra jamais de ses erreurs, il soupire. Le nombre importe peu. De petites choses comme vous ne peuvent rien contre mon clan. Il n'a même pas pris la peine de vous entraîner.
Il secoue la tête comme on déplore un mauvais élève. Puis il empoigne les cheveux de la créature.
Riku détourne les yeux. Pas assez vite, cependant, pour rater la torsion subite de son cou. Le craquement qui lui parvient le hantera pendant des jours, comme le bruit de la tête qui va rouler plus loin dans les flammes.
Le corps décapité tombe devant eux dans un silence étonnamment doux.
Xehanort se redresse, satisfait.
— Désertez tous le salon. Je ne veux voir personne dans cette pièce.
Riku ne comprend pas. Il inspire, cherche du regard une prise au milieu du chaos. Mais un choc soudain le renvoie en arrière.
— Désolé.
Le regard de Vanitas s'attarde brièvement sur lui alors qu'il tombe sur le cul, devant les escaliers qui mènent sous la terre.
— On se retrouve tout à l'heure.
— Attends !
Mais la porte se ferme, et les poings de Riku qui frappent contre le bois n'y peuvent rien.
Le bruit des affrontements lui parvient, étouffé, dans l'ombre et l'impuissance qui s'abattent soudain sur lui.
Il porte sa main à son pendentif.
Maintenant qu'il est en sécurité, il peut sentir la peur grandir dans son ventre.
. . .
Vanitas enfonce ses crocs dans la gorge du vampire. Il n'a pas de mal à lui briser la nuque – un moyen efficace de les mettre hors d'état de nuire, le temps que le feu ou le soleil termine le travail – mais c'était sans compter sur l'ombre qui s'approche de lui à sa droite.
Heureusement pour lui, Demyx est un rapide. La vitesse, c'est son point fort. Un instant le vampire fixe son pote, prêt à bondir. Et la seconde d'après, Dem lui tord les bras dans le dos.
— Bas les pattes !
Il les arrache d'un coup sec, mais l'ennemi gesticule encore. Dommage pour lui, il ne peut pas se protéger de la lame qui vient lui trancher le cou. Et d'une caboche de plus qui termine au milieu des flammes. Un avantage, cet incendie. Ardyn l'avait sans doute prévu pour y plonger leurs corps mais pour l'heure, ce sont surtout ceux de ses propres troupes qui l'alimentent.
Vanitas ne va pas s'en plaindre.
— Je l'avais repéré, il crache.
— Tu pourrais juste dire merci, tu sais ?
— Dans tes rêves.
Le couloir est vide. Ils en profitent pour reprendre leur souffle, mais le fracas qui résonne dans la salle principal les alerte.
— Reste ici, Van lui intime.
— Ça a vraiment l'air d'être la merde là-bas.
— Xehanort y est.
— Oh. Ardyn aussi, je suppose.
Ça explique le bruit. Demyx jette quand même un coup d'œil en coin dans le couloir, des fois que le vieux serait en difficulté. Mais la première chose qu'il voit, c'est le corps de Xemnas. Une plaie déchire son épaule jusqu'à la moitié de son torse – torse qui se soulève difficilement. Merde, il a pris un sacré coup. Heureusement que le vieux est arrivé, sans ça, Dem en connaît un qui aurait perdu sa tête.
— T'approches pas, Van siffle, se posant entre lui et le macabre spectacle.
— J'regarde juste.
— T'as pas mieux à faire, là ?
Si, mais Dem est curieux. Il fait un pas dans la pièce.
Aussitôt, le feu s'éteint.
Non pas le feu. Il en sent toujours la chaleur, diffuse et lointaine. Le bruit lui parvient par éclat, crépitant. Une bougie. Il tend la main et croit sentir ce qui pourrait être un mur, pourtant mou sous ses doigts.
Mais il ne voit rien.
Tout est loin, perdu dans un brouillard pâteux. Les odeurs se mêlent comme une grande tâche de couleur qu'il ne perçoit bientôt plus.
Puis une force brusque le tire en arrière.
— T'es buté ou t'as envie de crever ? Vanitas crie
La lumière revient, et Demyx cligne des yeux.
— Purée. C'était quoi ce truc ?
— Ardyn. Et si t'as pas envie qu'il t'égorge dans son piège, t'as intérêt à courir dans l'autre direction.
Wow. Demyx était déjà impressionné par les pouvoirs de Xehanort. Mais ce qu'il a senti, là… Ses sens coupés, ses émotions avalées. Deux emprises enserrées autour de son cou. Il n'a même pas eu le bon sens d'avoir peur.
— Mm, ouais. T'as raison.
Aucune chance pour qu'il survive dans ce truc. Dem voit d'ici un ennemi jeté par une fenêtre terminer contre le mur du salon. Le pauvre se redresse lentement, tâtonne autour de lui sans comprendre ce qui se passe. Il avance un pas après l'autre. Ses pieds traversent les flammes d'une poutre effondrée.
Il ne réagit pas.
Il avance dans le feu, et il s'y promène sans comprendre ce qui lui arrive.
Demyx déglutit. Ouais, il va aller se battre de l'autre côté.
— Bah putain.
— Eh ! Y a besoin de monde derrière !
Le cri d'Axel les tire de leur contemplation. Aussitôt, les deux vampires se précipitent dans le jardin. Ils essaient tant bien que mal d'ignorer le hurlement millénaire qui pulse depuis l'entrée du manoir. Demyx ne sait pas auquel des deux chefs appartient cette voix, et mieux vaut ne pas se poser la question alors qu'un adversaire l'attrape à la gorge.
Il le jette dans la fontaine, mais un autre surgit.
— Merde !
Tiens, Joshua. On ne l'entend pas jurer tous les jours, lui.
Demyx broie le poignet qui passe devant sa bouche, l'arrache d'un coup de dent, puis il éjecte le corps du vampire ennemi. Quelqu'un d'autre l'achèvera pour lui, parce qu'il en repère déjà un nouveau qui s'avance. Deux yeux brillants et une langue sortie qui lui rappelle ses pires soifs.
— Ils sont trop nombreux ! Sora hurle quelque part à sa gauche.
— Ils continuent d'arriver !
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Ardyn a fait sa réserve. Ses soldats sont nombreux.
Mais viendra un moment où la fatigue les aura. Demyx avant d'y retourner. Il relève la tête. Aperçoit la silhouette de Naminé, entourée de sombres formes. Avant qu'il ait pu voler à son secours, la meutes de créatures assoiffées se jettent ensemble sur elle. Son corps mince disparaît. Xion va pour l'aider, mais deux autres choses la prennent à revers.
Merde. Là, c'est trop. Littéralement, ils ne tiendront pas longtemps. Zack en décapite deux d'un coup dans un coin, mais un troisième saute dans son dos et il les voit tomber ensemble dans la fontaine, là où Demyx s'est débarrassé d'un de ses assaillants. Sans réfléchir, il se précipite pour l'aider.
— Dem ! Fait gaffe a…
Axel n'a pas le temps de finir. Ou alors c'est lui qui n'entend pas. Un ennemi immense lui percute le flanc et il roule plus loin, la bête toujours accrochée à sa taille. Il hurle comme ses ongles lui labourent le torse, et il lui faut faire un effort immense pour se tordre et échapper aux griffes du vampire.
— On va jamais s'en sortir !
Il ne sait même plus qui crie.
— Attention !
Mais il sent la douleur brusque d'un coup dans sa joue et bientôt, il attaque au hasard pour se libérer. Le sang lui coule dans les yeux. S'il avait au moins atteint la fontaine, il pourrait libérer sa vue. Mais le liquide le force à serrer les paupières, et l'odeur métallique brouille son odorat. Il essaie de deviner les contours de la forme qui l'écrase contre la terre, en vain. Tout ce qu'il sait, c'est que l'ennemi est lourd pour lui.
Il mord dans le vide, encore et encore, jusqu'à ce que ses dents s'enfoncent dans une chair inconnue. Mais quand un des adversaires lâche, un autre arrive. C'est interminable.
C'est la merde. Ils sont plus puissants, certes, mais trop peu nombreux. Comme une meute de loups ensevelie sous une vague de fourmis, les muscles paralysés par la douleur et ma fatigue. Ils n'ont même pas eu le temps de se préparer ni de chasser la veille, leurs plus grands atouts ne sont pas au mieux de leur forme. C'est foutu.
Foutu.
Les mots résonnent dans sa tête comme une triste mélodie. Une musique de fin de film.
Et puis, Demyx comprend. Ce n'est pas une mélodie qu'il entend. C'est une voix.
Une voix familière.
Le poids qui l'étouffe disparaît.
— Dem ! Lève-toi, vite !
Il doute de pouvoir obtempérer. Mais une main solide tire sur son bras pour le forcer à se lever. Une odeur familière l'enveloppe.
Il se sent sourire.
. . .
Sora ? Est-ce que Sora va bien ? Et Vanitas ?
Riku se mord la lèvre. Il caresse incessamment le bijou autour de son cou. S'il était arrivé quelque chose à Sora, il l'aurait senti. Et si quelqu'un s'en était pris à Vanitas… Il ne peut qu'espérer que la chose toucherait suffisamment son ami pour qu'il le comprenne à travers leur lien.
— Ça va, de votre côté ?
Il se tourne vers ses deux compagnons d'infortune. Roxas hoche la tête. L'inquiétude lui passe brièvement sur le visage mais il inspire. À la lueur de la torche qui danse contre le mur, sa tignasse prend la couleur du feu. Des épis désordonnés, immobiles. Pas le moindre courant d'air pour les défaire.
— Ça va.
La voix de Neku est plus grave. Riku devine pourtant qu'elle est jeune, à la fin de sa mue. Il a quoi, dix-sept ans ? Dix-huit, peut-être ? Il n'est pas sûr qu'il soit majeur. mais si ça se trouve, il est plus âgé que lui. Possible qu'il se plante complètement.
Une vague sensation de douleur lui traverse les côtes. Il se tend aussitôt.
Sora. Sora a été touché. La sensation s'estompe. Puis rien ne vient. Ça veut dire qu'il va bien ? S'il était mort, il le saurait, hein ? De toute façon, il ne peut pas mourir comme ça. Peu importe l'arme qui le touche, et à quel endroit, le feu et le soleil sont ses deux seules faiblesses. Et si son corps brûlait, il le sentirait. Sora va bien. Voilà.
Il doit s'en convaincre.
Au-dessus de leur tête, le silence laisse parfois la place à de longs rugissements. Des cris de guerre étouffés qui leur parviennent de loin. Le feu ne descendra pas ici, mais Riku ne peut pas s'empêcher de surveiller du coin de l'œil l'autre bout du couloir. Et si ? Et s'ils se trompaient, et si leur courte vie s'arrêtait brusquement ce soir ? Certains vampires les ont vus entrer. Ils savent qu'un repas se cache ici, ils pourraient venir s'octroyer une petite pause à l'ombre. Ce n'est pas avec cette pauvre torche que les humains pourront se défendre.
Neku se tend. Il écarquille les yeux.
— Eh ? Ça va ? Roxas s'inquiète.
Riku s'approche aussitôt de lui.
— C'est rien, Neku les rassure. C'est…
Il caresse sa main autour du bracelet à son poignet. Une chaîne en argent, où prend un petit pendentif rond et rouge au milieu de pierres d'ambre. Un cadeau d'Aqua ? De Joshua ?
— Josh a pris un mauvais coup. Bien fait pour lui.
Roxas sourit, amusé. Ils ne sont pourtant dupe ni l'un ni l'autre, et la peur revient sur eux comme une couverture qu'on remonte. Neku s'inquiète. Et vu le personnage auquel il est lié, Riku comprend qu'il n'assume pas. Joshua a l'air insupportable, avec ses airs de petits princes et ses manières distinguées qui transpirent l'arrogance. Son blabla incessant.
Mais Riku est mal placé pour parler. Vanitas n'est pas un modèle de sainteté.
Vanitas. Et si c'était pour lui que Sora avait réagi ? Si…
S'il lui arrive quelque chose, qu'est-ce qu'il fera ? Il est venu ici pour suivre son meilleur ami, mais ce serait mentir que d'affirmer qu'il reste uniquement pour lui. Est-ce qu'il supporterait encore ces murs, s'ils étaient tachés dû sang de Van ? Est-ce qu'il saurait reconstruire une relation, si celle-là se termine sur une mort pleine de questions sans réponses ? De plaies purulentes ? Ils doivent parler. Régler ce qui n'a pas pu l'être il y a cent ans. Ils…
Son ventre se serre. Cette fois, ça dure plus longtemps. Ce n'est pas vraiment douloureux, mais de savoir que c'est Sora qui a pris ce coup…
Il faut qu'il s'en sorte. Qu'ils s'en sortent, tous les deux.
— Zexion n'est toujours pas revenu, Roxas note.
— Larxene non plus, Riku soupire.
Elle avait l'air sûr d'elle en partant, mais il l'a vue sauter et grimacer. Et si elle s'était blessée ? Un vampire l'aura rattrapée, et…
— L'incendie a dû leur barrer l'accès à la cave, il assure. Ils ont dû se planquer ailleurs. Peut-être qu'ils ont réussi à fuir dehors.
Personne n'y croit. Mais tout le monde se raccroche à cette idée. Que peuvent-ils faire d'autre ?
Neo aurait agi. Lui, il serait sorti. Il aurait mordu la chair ennemi, bu jusqu'à plus soif, recommencé encore et encore. Riku n'a pas le moindre doute là-dessus. Mais il n'est pas Neo. Il n'a pas sa force ni sa vitesse, ni cet entêtement à toujours vouloir aller contre les règles.
Neo est mort. Pas lui.
Si au moins ils pouvaient savoir depuis combien de temps ils sont là. Mais personne ici n'a eu le temps de récupérer son portable. Dans le feu de l'action, ils ont déserté leurs chambres aussi vite qu'ils l'ont pu. Riku regrette toutes ces fois où son père lui a dit de s'acheter une montre. Accrochée à son poignet, elle ne l'aurait pas quitté.
Les minutes passent, et il ne peut pas les compter. Peut-être que ce sont des heures qui s'écoulent. Au bout d'un moment, il a faim. Et soif. Roxas partage une bouteille d'eau avec eux – il a été bien inspiré de l'emmener. Ils n'ont même pas prévu de réserves de nourriture…
Et si le siège durait plusieurs jours ? Ils vont mourir de faim. Ou ils devront tenter de sortir et, peut-être…
Toc.
Ils se tournent tous les trois.
Toc.
Toc.
Se relèvent subitement.
Toc.
Quelqu'un. Quelqu'un essaie de tirer la trappe. Pas l'entrée du sous-sol cachée dans le manoir, non. La trappe, leur unique possibilité de fuite par le jardin. Pourquoi ? On ne peut pas l'ouvrir depuis l'extérieur. Les habitants du manoir le savent. Donc, ce n'est pas quelqu'un d'ici qui essaie d'ouvrir.
Le groupe se fige.
— Merde, Neku crache.
Il s'approche.
Toc
Se recule aussitôt. Le bois craque. Quelqu'un tire.
La personne essaie de forcer l'entrée.
— Il faut qu'on sorte, Roxas fait remarquer. Maintenant.
Ils échangent un regard, courent à l'autre bout du couloir. S'arrêtent devant la porte. Ils hésitent Riku sent encore la chaleur qui pulse derrière, comme une menace qui plane. L'incendie. Merde. Peut-être que cet accès est condamné. Si le feu à rampé jusqu'à la porte, ils ne pourront pas passer par là, même s'il arrivent à l'enfoncer.
Riku serre son bijou.
Sora n'est pas mort, il l'aurait senti. Peut-être qu'ils ont gagné, et qu'ils ne peuvent tout simplement pas passer par ici.
Neku essaie d'ouvrir, en vain.
— Merde, il jure. C'est bloqué.
— Bloqué ? Roxas demande en s'approchant.
Il essaie de pousser, à son tour. Tape son épaule contre le bois. En vain.
— Il s'est passé un truc. Quelque chose a dû tomber de l'autre côté. Ou quelqu'un a bloqué les poignées pour éviter qu'on quitte les souterrains.
Quelqu'un, comme Vanitas. Il leur a bien dit de ne pas sortir tant que personne ne venait les chercher. Mais si personne ne peut entrer…
Ils se concertent du regard. Et soudain, ils le remarque.
Le silence. Long silence.
Plus de gris, ni de rugissement, ni de douleur. L'odeur de brûlé qui leur parvient n'est peut-être que le souvenir de l'incendie.
La guerre ne fait plus de bruit. Et ça veut dire…
— On fait quoi ? Roxas demande.
Ils ne leur restent qu'une seule solution. Qui que soit la personne qui attend derrière la trappe, c'est désormais leur seule issue. Et ils ne tiendront pas longtemps enfermés ici.
— Il faut qu'on ouvre, Riku déclare.
— On va se faire bouffer, Neku rétorque.
— Pas forcément.
Il sort son pendentif de sous son haut.
— On l'aurait senti, si Ardyn avait gagné. Ni Sora, ni Axel ni Joshua ne sont morts.
— Ardyn a peut-être fait des prisonniers, Roxas fait remarquer.
Mais il savent tous les trois qu'ils n'ont pas le choix. Prisonnier ou pas, perdants ou gagnants, il faut qu'ils sortent d'ici.
— J'imagine qu'il vaut mieux mourir bouffé que de crever de faim pendant des jours, Roxas soupire.
Sur ces sages paroles, ils retournent vers la trappe. Le ventre lourd. Les mains fébriles d'appréhension.
Toc.
Toc.
TOC.
L'inconnu s'acharne.
TOC.
Qui qu'il soit, ils vont devoir y faire face.
TOC.
C'est Riku qui, le premier, s'avance. Il caresse l'une des barres de sécurité en acier qui condamne l'entrée. Elles sont plus légères que celles de la chambre de Xehanort. Assez pour qu'il les déplace seul. Il en enlève une. Deux.
Les tocs s'arrêtent.
— Ouvrez ! une femme crie.
La voix étouffée qu'il entend ne lui dit rien. Si c'est une vampiresse, elle n'est pas d'ici.
Son sang se glace.
Il serre la troisième barre.
— C'est bon ! Vous risquez rien, on a nettoyé le terrain !
Demyx ?
Sans réfléchir, Riku se débarrasse de la dernière entrave. Il défait les loquets. Peut-être qu'il se trompe. Le timbre est lointain, étouffé par le mélange de métal et de bois qui les sépare. Mais c'est trop tard pour y penser.
Ils se reculent tous les trois alors qu'une lumière bleue envahit soudain la pièce.
— Eh ben ! C'est pas trop tôt !
Ce n'est pas Demyx qui descend devant eux. En fait, ce n'est pas une membre de leur clan. Même pas un visage familier qu'ils auraient aperçu sur le champ de bataille. Juste une parfaite inconnue.
Ses cheveux tombent en boucle dans son dos. Dans ses yeux, un vert familier se mêle au rouge du sang. Quelques gouttes perlent encore de sa bouche.
Celui de Riku ne fait qu'un tour.
— Qui êtes-vous ?
Ce n'est pas Demyx, non. Mais elle lui ressemble.
— Quand on est poli, on décline son identité avant de demander celle des autres.
Elle a le même rire.
— Mais je suppose que tu es Riku.
Il ne l'a jamais vue. Même Neo ne la connaît pas.
Mais il comprend. Au moment où elle pose sa main sur sa poitrine, l'autre serrée autour de son sceptre, la réponse lui semble évidente.
— Aerith Gainsborough. Régente du clan Gainsborough pendant les périodes de sommeil d'Ifalna.
Elle s'avance à sa rencontre, et toute l'inquiétude qui lui soulevait le cœur s'efface. Aerith.
Leurs alliés sont là.
Le silence dehors. La fumée des cendres qui se dispersent dans la fraîcheur d'une fin de nuit. Les faibles conversations qui s'élèvent.
Le calme et le soulagement.
Ça y est. La guerre est terminée.
