De bonnes fêtes à tous.
chapter 32: finale, sonata for a moment's solace
[Sonata : Composition instrumentale en plusieurs mouvements, caractérisée par la structure de son premier mouvement, dit de forme sonate, comportant habituellement une exposition, un développement, une réexposition.]
Les combats commencèrent à faiblir en début d'après-midi. Sakura terminait tout juste de remettre en état la cheville foulée d'un ninja de Kiri et releva les yeux vers son patient suivant lorsqu'elle réalisa qu'elle n'avait plus entendu d'appel à l'aide depuis un bon moment. Au-dessus du corps allongé, elle tomba sur l'aide-soignant qui l'assistait depuis plusieurs heures déjà. Celui-ci lui retourna son regard et Sakura fut rendue muette de surprise en constatant l'identité de l'homme en question.
L'air tout aussi abasourdi, Kabuto cligna des yeux.
L'instinct prit le dessus et elle sauta sur ses pieds pour récupérer ses gants, mais avant qu'elle ne puisse faire un geste dans leur direction, Kabuto expira un souffle exaspéré et pointa son hitai-ate, qui portait la marque du tourbillon. Elle se détendit et secoua la tête en exhalant. Naruto. Toujours et encore, Naruto.
Le sourire de Kabuto dégoulina d'une commune miséricorde.
À présent qu'elle reprenait son rythme normal, au lieu d'accourir au chevet du patient suivant aussi vite qu'humainement possible, la fatigue finit par la rattraper. Vidée de ses forces, elle jeta un regard circulaire dans la tente, découvrant une rangée de couchettes alignées avec une précision militaire et l'impression réconfortante du ninjutsu médical dans l'air. Quelques brancards faisaient encore leur chemin à l'intérieur, là où des ninjas-médecins prenaient la relève, et Sakura s'autorisa à laisser s'envoler la culpabilité d'une pause bien méritée. Elle fit le compte des médics en service et fut rassurée d'en trouver une poignée seulement manquant à l'appel - la plupart devaient déjà être alités, par épuisement de leurs réserves de chakra ou après avoir défendu le village - et les équipes de Chûnin dont elle les avait fait accompagné paraissaient en majorité indemnes.
– Yakushi-san ! cria une voix enfantine et Kabuto vacilla légèrement, prêt à s'écrouler.
Sakura n'hésita pas une seconde. Elle l'attrapa par le coude et l'aida à se redresser. Il ne l'en remercia pas, ne détourna pas une fois les yeux du trio de Genin qui trottinait dans leur direction.
– Natsu, Aki, Makoto, appela-t-il et ses doigts se mirent inconsciemment à briller d'une lueur verte tandis qu'il chancelait vers eux. Êtes-vous blessés ?
– Ils vont bien, répondit une voix peu familière, calme et uniforme.
Un homme de haute taille entra dans la tente sur leurs talons, les cheveux noirs, la peau légèrement tannée et des yeux dorés, suivi de près par une jeune femme aux longs cheveux blonds.
– Tous les Genin sont en bonne forme, juste épuisés. Tu peux arrêter de te ronger les sangs.
Kabuto croisa les bras sur son torse.
– Rien de tel, Utakata, rétorqua-t-il vertement. C'était juste par automatisme. Où se trouve notre illustre chef ?
L'homme - qui portait un bandeau doté de six petites lignes ondulées, faisant mine de bulles ou de tentacules - lui jeta un regard incrédule, mais finit tout de même par répondre.
– Naruto-sama a emmené Gaara, Haku et son nouveau Jules pour régler les derniers détails avec Nagato. Nous devrions nous préparer à de nouvelles recrues sous peu, je crois.
– Gaara-sensei nous a dit de venir voir si vous aviez besoin d'aide, s'exclama la petite kunoichi à la tignasse rouge en tirant du bras son jumeau et son autre coéquipier.
De toute évidence habitués à ses pitreries, ils affichèrent tous deux une mine tant amusée que résignée, et Sakura sentit son cœur se serrer au souvenir de sa propre équipe de Genin et de leur potentiel si seulement ils avaient su aller au-delà des apparences.
– Je peux toujours les emmener chercher des provisions, si Kabuto-san a besoin de repos, proposa la jeune femme blonde dans un sourire. Il y en aura même pour vous, si l'envie vous en prend.
– Merci, Hotaru, répondit Kabuto, passant une main sur son visage et manquant presque de faire valser ses lunettes.
Il jeta un regard à Sakura, ses yeux noirs l'observant un moment, avant d'ajouter
– Et pour Haruno-san, également, si tu veux bien. Assurez-vous que les autres équipes prennent le temps d'avaler quelque chose. J'aurais horreur que vous vous mettiez à tomber d'épuisement tour à tour et à encombrer mon hôpital. Et trouvez-moi l'écervelée qui me sert de tante, au passage. Elle arrive toujours à trop en faire.
Utakata émit un rire moqueur.
– Koto te le fera sentir si elle t'entend parler d'elle comme ça, le prévint-il tandis que la jeune femme poussait les Genin à ressortir dans la tempête.
Le visage de Kabuto eut un étrange tic nerveux.
– Vous vous appelez par votre nom, maintenant ? demanda-t-il, l'horreur naissante.
Un léger sourire, poli, et peu digne de confiance, étira les lèvres de l'autre.
– Elle insiste. Apparemment, me devoir une dette de vie mérite d'être officiellement adopté dans le clan Ookami. Je suis pourtant presque sûr de n'avoir jamais entendu parler d'une telle coutume de ta part, Kabuto. Au cas où tu l'aurais oublié, lorsque nous étions à Iwa, je me souviens bien avoir…
– Haruno, voici Utakata, l'hôte de Rokubi, intervint Kabuto en croisant les bras sur son torse, un regard noir fixé sur l'autre ninja d'Uzushio. Utakata, je te présente Haruno Sakura, l'apprentie de Tsunade des Sannin.
Utaka arqua un sourcil et jeta un regard équivoque en direction de l'homme aux cheveux gris, mais ne s'appesantit pas davantage sur le sujet. Portant son attention sur Sakura, il inclina poliment la tête.
– Haruno-san. Je tiens à vous remercier pour tous vos efforts. Vous avez guéri plusieurs des mes camarades et nous vous en sommes très reconnaissants.
Prise au dépourvu, Sakura lissa sa jupe et lui offrit un sourire.
– Ce n'est rien, répondit-elle. Vous faites partie de sa famille, après tout.
L'homme sourit à son tour, plus gaiement cette fois-ci, comme s'il s'agissait de la réponse parfaite.
– Quel est l'intérêt de s'entraîner à devenir un ninja lorsque la casquette de diplomate te sied si bien ? marmonna Kabuto en repoussant sa monture sur son nez.
Le chakra d'Utakata grossit soudain, complètement à l'opposé de son expression de tranquillité et il lui fallut un moment avant de comprendre que c'était le pouvoir de son bijou et non le sien qui s'agitait - illustrant son agacement. Sakura se figea sur place, prise entre la tension de son corps prêt à s'armer et la confiance qu'elle voulait lui accorder.
Utakata se contenta de poser une main sur son torse et d'inspirer profondément, ses yeux se voilant, comme s'il voyait quelque chose qu'ils ne pouvaient rêver d'apercevoir. Le tension s'amenuisa et il cligna, reprenant conscience de son environnement, pour froncer les sourcils vers Kabuto.
– Tu sais bien que Saiken est loin d'apprécier ce genre de commentaires, le morigéna-t-il. Et ce n'est pas comme si tu n'avais jamais rencontré Gaara et Karin. Si je n'avais pas un minimum de tact, nous ne vivrions que de la pêche. Nos fermiers et marchands nous auraient claqué la porte au nez il y a bien longtemps.
Kabuto roula légèrement des yeux, mais ne le contredit pas. Il se contenta de jeter un regard par-dessus son épaule sur le champ de bataille boueux qui s'étendait tristement à l'horizon sur des tons fondus de gris et de vert.
– Nagato, alors ? demanda-t-il avec réserve en ajustant de nouveau ses lunettes.
Utakata inclina la tête.
– Où Nagato va, je ne doute pas que Konan suivra.
La mine de Kabuto s'illumina d'un air vicieux.
– Cinq jinchûriki, le Dieu de la Tempête, quelques centaines d'Uzumaki, une poignée de clans aux pouvoirs qu'on croyait éteint dans la chute, le dernier des Yuki, et quelques douzaines de ninjas surpuissants, comptant un utilisateur du Rinnegan… Je me demande bien combien de mâchoires vont tomber lorsque les daimyô et les chefs de village vont apprendre la nouvelle.
Dit comme ça… Sakura expira discrètement et s'assura que ses mains ne tremblaient pas. Ça avait… dangereuse allure. Pas vis-à-vis des autres pays, car elle connaissait Naruto, savait combien il voudrait préserver la paix, mais pour Uzushio elle-même. Car elle avait été par une fois détruite à cause de la dangerosité de ses habitants, et la menace venait de décupler.
– Est-ce que tout… ira bien ? tenta-t-elle, capturant l'attention des deux hommes et assombrissant leur expression. Contre le reste du monde ninja. La fois dernière…
– La fois dernière, Uzushio n'avait pas quatre hôtes fidèles au Uzukage, sans compter les deux autres qui lui porterait assistance au moindre son de cloche, s'amusa une femme et Sakura se retourna pour voir le Mizukage approcher, un bras bercé contre sa poitrine et deux gardes du corps à l'air légèrement malmené oscillant nerveusement derrière elle.
Sakura se redressa, son chakra se rassemblant automatiquement et elle jeta un regard sur l'autre femme pour s'assurer que ses soins seraient bien accueillis. Mei lui tendit son bras cassé sans trop y réfléchir, son attention toujours fixée sur un des ninjas d'Uzushio.
– Et le monde a bien changé. Je ne peux rien promettre avant d'avoir pris le temps d'engager des négociations avec votre Kage, mais si Uzushio cherche à créer des alliances, Kiri est suffisamment proche pour qu'une relation conflictuelle ne nous diminue pas l'un comme l'autre. D'un point de vue tactique, bien entendu.
– Surtout quand on sait que Kiri est encerclé par les eaux et que notre Dieu de la Tempête a plus que mérité son nom, moqua Kabuto et Sakura commençait à comprendre pourquoi c'était à Utakata qu'on laissait la diplomatie.
Le jinchûriki poussa un grognement et frappa sa main contre la bouche de son ami avant de s'incliner poliment devant le Mizukage, ignorant les bousculades de Kabuto pour l'esquiver.
– Merci à vous, Mizukage-sama, offrit-il et Sakura était dans l'angle parfait pour deviner le pincement aigu qu'il délivra au flanc de Kabuto. Si c'est votre intention, il me tarde de prendre part aux négociations. À présent, si vous voulez bien m'excuser, je pense que mon compagnon s'est réellement surmené et qu'il gagnerait à quelques heures de repos.
Mei poussa un rire et lui fit un signe lorsque Sakura libéra son bras.
– Tu as beau avoir l'apparence de ton père, tu as hérité des belles paroles de ta mère, dit-elle amusée. La prochaine fois que j'enverrai un messager, j'ose espérer qu'il ne se fera pas dévorer. Ces deux-là en ont encore de mauvais souvenirs.
Le garde au cache-œil toussa, sa dignité grandement offensée, tandis que celui aux lunettes s'empourpra et laissa tomber son regard sur le sol, l'air embarrassé. Kabuto affichait une mine complaisante, du moins de ce que Sakura pouvait en voir derrière la main prévenante d'Utakata alors qu'il se faisait entraîner à l'extérieur.
Et pour être honnête, elle ne pouvait l'en blâmer. Qu'un ennemi naturel plaide en sa faveur et promette presque la paix pour les années à venir méritait bien un peu d'arrogance.
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Jiraiya les entendit avant de les voir.
– … ne laisserai pas le fils de Fugaku toucher… toucher à mon fils ! Il est bien trop âgé, et Naruto, bien trop jeune ! Ils ont presque soixante jours de différence, juste ciel ! L'écart est trop important, pas vrai, Sarutobi-sama ? Ça l'est, ça l'est.
Au lieu d'une réponse, seul résonna un soupir marquant la patience de son interlocuteur.
– Je ne sais pas pour vous, déclara une voix fort amusée et légèrement tiraillée, mais pour ma part, je ne comprends pas bien comment c'est arrivé en premier lieu. J'ai toujours cru Arashi plus ou moins asexuel. Il y a bien eu quelques béguins ici et là, mais l'étendue de son désir a toujours été qu'on lui tienne la main. Et il nous laissait tomber chaque fois que nous sortions pour flirter. Il préférait aller s'entraîner, l'homme. Qu'aurais-je pu penser d'autre ?
Un léger reniflement moqueur.
– Étant donné qu'il est parvenu à s'entourer, deux vies de suite, des plus belles et dangereuses femmes d'Uzushio et qu'il est toujours en vie, il a bien fait. Shunka et Yui l'auraient éventré sans une once d'hésitation s'il n'avait fait que leur jeter un seul regard lubrique, et en souriant, attention. C'est ce qu'il s'est passé lorsqu'elles ont rencontré Danzo pour la première fois, du moins.
Sarutobi marqua une pause songeuse et poussa un fredonnement.
– Maintenant que j'y pense, peut-être serait-ce la meilleure façon de nous décharger de la situation présente. Je demanderai à Orochimaru s'il est possible de les faire revenir.
Une voix vaguement familière émit un rire.
– J'aurais presque oublié votre impitoyabilité, vieil homme. Mais après tout ce qui s'est passé, il y a des chances pour que Sire Pâté de Poisson ne vous le reproche pas.
– Kagami, fit Sarutobi d'un ton las.
– Son nom n'est pas Pâté de Poisson ! protesta véhément Minato.
Les trois ninjas morts-vivants tournèrent au coin du couloir de l'hôpital.
– Il est nommé d'après le héros d'un livre majeur !
Il rajusta sa prise sur le corps osseux et avachi du Ninja Copieur Kakashi, qu'il avait lancé par-dessus son épaule, afin de pouvoir agiter les bras en direction de l'homme aux cheveux bruns sur sa gauche.
– Le sauveur du monde ninja ! Naruto ! Comme dans tourbillon !
Uchiha Kagami lui jeta un regard dubitatif par-dessus la tête de l'homme que lui et Sarutobi portaient entre eux. Jiraiya pouvait associer ces vêtements à un souvenir net, et il ne put s'empêcher de se demander pourquoi le chef de l'Akatsuki n'avait pas encore été mis au fer. Ou tué, à tout le moins. Naruto devait très certainement être impliqué dans l'affaire.
– Et comme dans pâté de poisson, rétorqua Kagami. Et si tu t'es vraiment marié à une Uzumaki, tu devais savoir exactement ce dans quoi tu te lançais en faisant porter à ton enfant le nom d'une garniture du plat qu'ils sont génétiquement prédestinés à adorer. Vous saviez qu'à Uzushio, il y avait plus de restaurants spécialisés dans les ramens que quelconque autre sorte de service de restauration ? Et qu'un Uzumaki était capable de manger deux fois son poids en ramen en un seul repas ? J'ai vécu là-bas pendant des années et j'ai pu en être témoin de mes propres yeux. Et le pire, c'est qu'ils m'ont infecté. Je détestais les ramens avant de déménager là-bas, et maintenant je ne demande plus que ça.
Avant que Jiraiya ne puisse appréhender la réponse de Minato - qui se devrait être particulièrement hilarante, car l'homme avait toujours fait dans la niaiserie, et bien qu'il le cache, cela finissait toujours par ressortir lorsqu'il s'emportait - le talon pointu des sandales de Tsunade lui rentra dans le pied et il sursauta vivement, sauvant de peu la bassine d'eau qu'il avait entre les mains.
– Fais attention, le gronda Tsunade et il afficha une grimace, mais c'était déjà trop tard.
Les trois foulées s'étaient interrompues à quelques mètres et il pouvait sentir leurs regards peser sur lui. Avec le reste de sa dignité - dont il ne restait que des miettes, à ce stade - il ajusta le joli chapeau dont Tsunade l'avait revêtu pour célébrer sa victoire.
Et maintenant qu'il y pensait, il leur faudrait avoir une sérieuse discussion sur les activités auxquelles elle s'adonnait si elle avait à portée de main l'un de ces machins qui semblaient être taillés pour lui.
Minato émit un hoquet horrifié et bafouilla :
– Je… je crois que j'ai besoin de m'asseoir une minute. Sage, ma tête.
De l'autre côté du lit d'hôpital, Orochimaru releva les yeux, arquant un sourcil froidement moqueur avant de reprendre le bandage de quelques coupures peu profondes. Ses cheveux étaient ramenés en une queue de cheval, ce qui donnait à son visage une allure étrangement androgyne, et son petit chapeau d'infirmière n'était pas moins troublant. Il paraissait parfaitement serein, dans un voilage de robes trop court et trop rosé à son goût, mais après tout, ce crétin n'avait jamais rechigné à jouer les kunoichi lorsque la mission l'imposait. Et à cette occasion, Tsunade avait insisté.
Jiraiya ne doutait pas qu'il s'agissait d'une vengeance personnelle pour cette fois - cette glorieuse victoire - où il les avait poussés, Orochimaru et elle, en récupération de ses gains à s'habiller en soubrettes,
– Ta tête ? Mes yeux, répliqua Kagami d'un ton étouffé, aigu, plein d'agonie. Ah ! Mes pauvres yeux. J'ai un Sharingan je vous rappelle, bande de pervers écervelés ! Jamais je n'arriverai à oublier.
Peut-être était-ce mesquin de sa part, mais Jiraiya était bien content de partager sa souffrance avec quelqu'un.
Tsunade, béni soit son vilain petit cœur de sadique, fut tout à fait insensible au mélodrame se déroulant autour d'elle. Elle se redressa, indiqua à un Chûnin hébété de prendre la relève et se tourna vers les nouveaux arrivés.
– Lequel d'entre vous est blessé ? demanda-t-elle en plantant ses mains sur ses hanches, examinant les six shinobi l'un après l'autre.
Kagami leva immédiatement la main, fermant les yeux et tendant le bras vers Jiraiya d'un air de désespoir.
– Je suis traumatisé à vie, insista-t-il. Le trauma s'amplifie rien que de me trouver en sa présence. Faites-le partir.
– Hé ! protesta Jiraiya, parce que s'il était forcé de porter ce truc idiot, alors il se l'approprierait jusqu'au bout des ongles. J'aimerais bien te voir porter un costume d'infirmière avec autant de panache !
Orochimaru émit un rire un peu trop mesquin.
– Je doute que ce mot signifie ce que tu penses qu'il signifie, Jiraiya, dit-il, puis il jeta un regard au reste d'entre eux. Tsunade, Itachi souffre d'une toux débilitante et probablement fatale qui à cette heure a résisté à tous les traitements à ma connaissance. Tu auras peut-être plus de chance avec lui, étant donné les… divergences dans nos éventails de compétences.
Minato fit volte-face.
– Orochimaru ? piailla-t-il, ses yeux s'arrondissant à en être inquiétant.
Il tourna légèrement au vert et sembla défaillir, tant son corps se pencha d'un côté puis de l'autre.
Si seulement Kushina pouvait le voir, songea Jiraiya avec mélancolie. Jusqu'à la fin, elle n'avait jamais vraiment cessé de l'appeler son « impossible écervelé au joli minois » et elle se délecterait d'une telle scène. En grande partie à ses dépens, assurément, mais Jiraiya trouva que cela vaudrait la moquerie que Minato manquerait à s'épargner.
Lésé par leur comportement à tous, Sarutobi exhala, envoyant toutefois un regard particulièrement sévère à une impénitente Tsunade et dit :
– Kakashi est inconscient depuis une bonne demi-heure. Obito… ressent encore les effets de la modification comportementale implantée par le Sharingan. Je ne suis pas certain de savoir ce que nous devrions faire pour lui et je crains que le seul qui aurait pu nous répondre nous ait quittés il y a bien longtemps.
Tsunade se pinça discrètement les lèvres et fit un pas de côté, enjoignant Jiraiya à en faire de même.
– Kakashi, ici. Déposer l'autre là-bas. S'ils ne sont pas à l'article de la mort, ils peuvent encore attendre. Uchiha, étant donné que tu es sur le point de mourir et que nous avons besoin que tu restes en vie suffisamment longtemps pour que tu nous remettes ton rapport, salle d'examen 67. Jiriaya, Orochimaru, vous m'assistez.
Elle se dirigea vers la porte, marquant une courte pause pour déposer un baiser sur le front de Sarutobi en passant. Il lui sourit et tapota son épaule, puis suivit le pas de Kagami pour venir déposer l'homme qu'il soutenait sur le second lit.
Il suffit d'un regard sur le visage pâle de Minato pour que Jiraiya roule les yeux et le décharge de Kakashi.
– Va trouver ton fils, lui ordonna-t-il gentiment. Nous survivrons même si tu disparais une ou deux heures, tu sais, et je suis sûr que Naruto sera ravi de pouvoir passer un moment avec son père.
Minato sourit doucement et passa une main dans ses mèches blondes.
– J'ai… Sensei, il est Uzukage, à présent, balbutia-t-il avec une sorte de douloureuse fierté dans la voix. J'étais là le jour de sa naissance, et maintenant, c'est un Kage. Il peut se vanter d'avoir fait ami-ami avec le Kyûbi et d'avoir vaincu l'Akatsuki. N'est-ce pas incroyable ?
Surprenant, certes… mais tout à fait prévisible, également. Jiraiya sourit à son tour, au souvenir de la brillante andouille qu'il avait traîné derrière lui en quête de Tsunade, ce garçon qui avait refusé d'abandonner, quelles qu'en soient les conséquences. Effectivement. C'était le genre de personnes qu'il pouvait imaginer faire renaître Uzushio de ses cendres.
– Même le plus puissant des ninjas a besoin d'un père, à l'occasion, lui rappela Jiraiya en lui tapant l'épaule. Et je parie que c'est encore plus vrai pour Naruto, avec la vie qu'il a eue. Oust, gamin. Tu trépides d'impatience, ça se voit.
Minato se reprit, lui offrit ce sourire éclatant dont son fils avait hérité et disparut dans un flash de couleur jaune.
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Obito se réveilla dans le silence complet avec un sérieux mal de crâne, l'odeur de désinfectant attaquant ses sens et une présence familière penchée sur lui. Il exhala et tourna la tête, le tissu lisse de l'oreiller glissant contre ses cicatrices, mais n'ouvrit pas les yeux. N'en ressentit pas l'envie. Ne voulait pas faire face à ce qui se présenterait à lui une fois qu'il l'aurait fait.
Il y eut un moment de parfaite immobilité, puis soudain, du mouvement. Obito le suivit de près, ne se laissa pas réagir lorsque des doigts agiles s'enroulèrent autour de son poignet, soulevant sa main pour venir caresser sa paume du pouce. Kakashi ne pipa mot, et Obito céda, ouvrit les yeux et trouva le Ninja Copieur directement dans son champ de vision.
– Dommage, fit-il après quelques secondes. J'espérais te surprendre la larme à l'œil.
Kakashi l'observait, l'hitai-ate relevé pour révéler sa deuxième pupille, et ce fut un choc. Déconcertant, déroutant… de voir l'œil qu'il lui avait offert de si près. Son œil, qui était à l'origine de sa réputation, qui avait aidé à en faire l'un des shinobi les plus puissants du monde.
Et Obito s'était servi de son jumeau et en avait tué par millier.
– S'il y a un pleurnichard dans cette pièce, Obito, ce n'est certainement pas moi, rétorqua Kakashi, comme par habitude, comme s'il n'avait pas passé les vingt dernières années séparé par un gouffre béant.
Kakashi dut penser la même chose, car sa prise sur la main d'Obito se raffermit, et il baissa les yeux vers celle-ci. Sa peau était presque trois tons plus clairs que la peau pâle qu'il avait hérité des Uchiha, et avait une légère teinte verdâtre qui se faisait plus discrète d'habitude, mais qui ressortait sous l'éclairage peu flatteur de l'hôpital. Obito eut la subite envie d'arracher sa main à la sienne pour la cacher sous les draps, mais il ne parvint pas à s'en convaincre complètement.
Kakashi le touchait. Ses mains étaient tièdes.
Cela faisait… des années qu'Obito n'avait plus été exposé à cette chaleur typique. Au moindre contact, à vrai dire.
– Comment vas-tu ? demanda Kakashi et cela suffit à lui faire clore les yeux.
– Bien…, parvint-il à répondre et lorsque Kakashi lui fit comprendre combien il était sceptique, il rouvrit un œil pour le foudroyer du regard. Je ne mens pas.
Il se redressa pour venir s'adosser sur les oreillers. Rien que les plus simples efforts lui donnaient une impression de faiblesse et de fragilité.
– Mais si tu remets en question mes intentions…
– Je voulais juste savoir comment tu allais, insista-t-il, moqueur.
Peut-être même qu'il y croyait. Le Sage seul savait combien Kakashi pouvait être imprévisible, dans son genre. Il poussa un soupir et massa ses cicatrices, une habitude qu'il n'avait jamais vraiment réussi à perdre.
– Faible…, finit-il par admettre. Je crois que… mon animosité s'est évaporée, celle-là même qui m'a fait tenir toutes ses années. Il n'y a… plus rien. Il va me falloir un peu de temps pour m'y faire.
– Et tes intentions ? l'incita-t-il, l'œil se plissant sous la contrainte d'un sourire invisible.
Obito marqua une pause, juste quelques secondes, car il n'avait jamais vu une telle expression sur le visage de Kakashi auparavant. Jamais.
Il déglutit et sur un rire creux, se força à détourner le regard.
– Ne t'en fais pas. Kotoamatsukami ne peut être brisé, affirma-t-il, maussade.
Il leva ses doigts jusqu'à sa tempe.
– Je sais que je ne peux pas m'en prendre à Konoha, que j'y suis loyal et que mon raisonnement était faux.
Il vint tapoter son torse, là où Sasuke l'avait poignardé, et dont rien de l'entaille ne restait.
– Ça… n'a tout simplement pas encore atteint cette partie-là.
Et il n'y avait rien de plus frustrant. Obito songeait à son ultime objectif et aspirait, et pourtant, il savait également que plus jamais il ne le poursuivrait. Et peut-être qu'un jour, il ferait la paix avec cet état de fait, mais pour le moment ce n'était rien qu'une étrange et presque douloureuse fracture.
Mais, ce que son père - et il en avait un, un père qui l'avait aimé, avait voulu le meilleur pour lui et le détestait probablement, à présent - ce que son père avait dit n'était pas faux. Ce que Kakashi avait dit n'était pas faux. Il voulait voir Rin l'accueillir en souriant lorsqu'il passerait dans l'autre monde. Il voulait qu'elle l'accueille par son prénom et qu'elle sache quel genre de personne il était, et non pas qu'elle se détourne de lui à cause de ses méfaits. Et peut-être était-ce inévitable, à cause des personnes qu'il avait déjà tuées, des vies qu'il avait ruinées, mais… l'inverse était tout aussi probable.
Et ainsi qu'il était, Obito se pensait un jour capable de la regarder dans les yeux, s'il en avait la chance.
Rationnellement, il avait conscience que le Kotoamatsukami était en grande partie responsable de l'acceptation rapide qu'il accordait à de telles pensées, mais il s'en fichait. Ne pouvait pas s'en soucier, n'en avait pas envie, et n'essaierait même pas de combattre le pouvoir de Shisui. C'était qui il était aujourd'hui, brisé, cabossé, déchu, et il l'avait accepté.
Lorsqu'il releva les yeux, Kakashi l'observait toujours, l'expression placide sous le masque et les yeux songeurs, contemplatifs.
– Tu comptes partir, déclara-t-il soudain.
Obito considéra lui mentir, travestir la vérité jusqu'à ce que Kakashi le laisse tranquille, mais il en avait assez des tromperies. Il n'avait fait que ça ces dernières années et n'était-ce pas un comble ? Lui, qui avait voulu construire un monde parfait dénué de mensonges, en avait bâti les fondations sans dire un seul mot authentique à quiconque.
– Oui, admit-il. Je ne peux pas… Je ne peux pas rester ici. Kotoamatsukami a beau avoir entamé le processus, je dois encore tout réarranger à l'intérieur, et si je reste, ça risque bien de me détruire.
Il se souvint alors des paroles de Kakashi dans le Kamui, se souvint de son offre, aussi surprenante, déconcertante et malvenue qu'elle avait été, sa volonté d'aider à répandre une réelle paix dans le monde, mais il n'en fit pas mention. Peut-être avait-ce été un mensonge, une tentative désespérée de l'atteindre, et Obito n'avait aucune intention de l'y tenir.
Et pourtant, Kakashi n'hésita pas une seconde avant d'ajouter :
– Ça te dirait, un peu de compagnies ?
Obito referma le poing, les doigts raides, et c'était certainement une coïncidence s'il tenait toujours la main de Kakashi dans la sienne. Un hasard.
Il ne répondit pas, là non plus, mais Kakashi croisa son regard et ce fut tout ce dont il eut besoin pour comprendre.
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Le hurlement de fureur de Tsunade, lorsqu'elle revint et trouva deux lits vides de leur occupant respectif et une fenêtre ouverte, parvint à faire trembler le fondement même de l'hôpital.
– Ce salaud de pervers incapable, enragea-t-elle, laissant de son poing un cratère de la taille d'un gros rocher dans le mur. Lorsque je lui mettrai la main dessus, je vais tordre son petit cou d'ingrat de première !
– Oh, regarde, il a laissé une note.
Jiraiya attrapa avec méfiance la boule de papier avant que Tsunade ne puisse la réduire en tout petits morceaux. Il lut les mots écrits à la va-vite et, grimaçant, entreprit de reculer.
– Hm. Oups, oublie ça. Ce n'est rien qu'un tas de… ah !
Tsunade tira sa main du deuxième cratère qu'elle avait enfoncé dans le mur - plus près du crâne de Jiraiya, cette fois - pour venir lui arracher le papier des mains et en lire le contenu.
Je me suis perdu sur le chemin de la vie, mais ce n'est qu'un au revoir. Demandez à Iruka-sensei de prendre soin de M. Ukki pour moi.
Jiraiya saisit sa chance et détala.
(Qui sait, ç'aurait même pu réussir, s'il n'avait pas porté des talons.)
Pour ceux qui veulent savoir : Ukkī-kun, également connu sous le nom de M. Ukki, est une plante en pot appartenant à Hatake Kakashi qui apparaît souvent en arrière-plan de diverses scènes se déroulant dans l'appartement de Kakashi.
