Enfin. ça y est.
Après 2 ans d'écriture, voici l'ultime chapitre du tome 2 de Another Destiny.
Merci encore à tous les lecteurs et les lectrices qui nous ont suivi jusqu'ici...
Reconnaissant avec effroi le visage de Noctis, Riku porta une main tremblante à sa poitrine… N'y trouvant aucune trace de blessure. Semi-conscient et niant ce que son cerveau analytique essayait de lui faire comprendre, son regard suivit la direction du baril noir duquel s'échappait encore une fumée étrange et croisa le regard, figé et sidéré, d'Iwako. Son corps bougea tout seul, alors que la magicienne s'affaissait et atterrissait lourdement dans les bras du Maître de la Keyblade, ses longs cheveux bleutés s'emmêlent entre les doigts glacés de panique du jeune homme, alors qu'une fleur pourpre avait éclos comme une marée rouge sur le tissu gris recouvrant le coeur de la jeune femme.
"IWAKO! lâcha le Maître de la Keyblade, la gorge serrée, son corps parcouru de tremblements. Iwako, non, non, non, par pitié!"
"Riku… murmura la magicienne, les yeux à demi fermés à cause de la douleur. J'ai mal…"
Fouillant dans ses poches, le jeune homme extirpa des potions d'Elixir d'une pureté sans égale, les fioles qu'il ne gardait que pour les plus grandes urgences, et les versa frénétiquement sur la blessure béante marrant le torse de sa bien-aimée.
"C'est peine perdue, ricana l'assassin en secouant son arme avec désinvolture, s'avançant vers les deux amants à terre d'un pas nonchalant. Je ne fais jamais les choses à moitié et un simple elixir créé par des mains humaines ne pourra rien faire contre mes balles atomium. Elles contiennent ma propre magie, voyez-vous."
"TAIS-TOI! rugit alors Hayate depuis le centre de la pièce, avant de bondir en direction du traître. Pourquoi as-tu fait cela! Elle allait faire demi-tour!"
"Je n'aurais pas eu à intervenir si tu avais fait ton travail! s'écria en retour l'homme à l'imposante carrure, bien plus imposante que celle du Noctis qu'ils avaient rencontré en bas de la tour. Es-tu donc devenue stupide? Pourquoi avoir voulu la sauver? C'était l'opportunité parfaite pour l'éliminer!"
Bien que Riku sentit les ondes d'impact soulevant sa frange quand leur défenseuse abattit son poing vengeur sur les avants bras levés de Noctis -qui ne recula pas d'un pas- il ne pouvait détacher son regard baigné de larmes de celui, vibrant et effrayé, de la magicienne affaissée entre ses mains. C'est alors qu'elle chuchotait des paroles indistinctes, plus proches d'une lamentation que d'un murmure -une promesses d'amour, une imploration de ne pas la lâcher- que soudain les doigts délicats entrelacés avec les siens se dissipèrent en échardes noirâtres, telles les cendres de la silhouette calcinée s'étant envolée dans sa vision. La panique s'empara du Maître, qui revit la disparition de Roxas et s'empressa, dans un geste désespéré, de rattrapper les fragments envolés. Il s'accrochait à ces poussières aimées, tel un homme fou, tentant encore et encore d'attrapper ce qu'il ne pouvait toucher, de retenir ce qui était déjà parti, alors que le corps inerte d'Iwako avait intégralement disparu de ses bras, ne laissant derrière lui que le silence et les échos de sa terreur…
Une sensation glaciale s'installa dans les membres paralysés de l'homme, à qui le monde avait une fois de plus ôté le foyer, alors qu'une lucidité qu'il voulait être une illusion étranglait ses pensées anéanties par la tragique réalisation de ce qu'il venait de se produire entre ses bras impuissants. Une douleur pour laquelle il n'existait pas de mots déchira son coeur, des supplications résonnant dans les méandres de son esprit, noyé dans les ténèbres d'une indéniable vérité:
son amour n'était plus,
son ancrage n'était plus,
Iwako…
n'était plus.
…
Sora, son cœur battant assourdissant ses tympans, courut aussi vite que ses jambes purent le porter jusqu'à l'endroit où Iwako s'était écroulée, dans les bras de Riku. Il suivit, sans comprendre, le dialogue entre Noctis et Hayate et n'avait détourné son attention de sa meilleure amie que quelques secondes pour observer le début d'un combat colérique. Pourtant, cela suffit à lui faire perdre un précieux temps: quand il tourna à nouveau la tête en direction de ses amis à terre, accroupis sur les dernières marches de l'escalier de cristal, Riku était seul, les bras encore tendus dans une position d'étreinte désertée de tout corps.
Abattu, les jambes de Sora se dérobèrent sous son poids, refusant de le porter, et il tomba lourdement à genoux, la plume de Phénix inutilement serrée dans son poing tremblant.
"Non… souffla-t-il alors que la détresse noyait ses yeux. C'est pas possible… Elle ne peut pas être…?"
Il releva le menton pour chercher les yeux de son meilleur ami, en quête de réponses et aussi de réconfort, mais il ne trouva rien… Rien que les yeux du désespoir, vides de vie et de lumière, figés dans le néant de ses émotions.
"Riku…? appela l'Élu de la Keyblade en lui prenant les épaules entre ses deux grandes mains moites. Où est-elle passée?! J'ai cette plume, je peux la faire revenir!"
"Tu ne peux faire revenir quelque chose qui n'existe pas…" trancha froidement la voix de l'homme qui n'était de toute évidence pas Noctis, quelque part sur sa droite.
L'absence de réaction du jeune Maître de la Keyblade à cette énonciation augmenta la panique déjà lovée dans le ventre de Sora, qui se permit de le secouer gentiment, en répétant son appel:
"Riku!"
Mais il ne put prendre davantage le temps de se soucier de l'état catatonique de son ami, qu'un projectile de lumière vint heurter le sol en cristal qui éclata à sa droite, le forçant à esquiver et à rouler sur le côté. Il redressa alors son visage mouillé de larmes et aperçut Hayate, brillant de mille feux à présent, plus aveuglante que le cristal accroché en haut du dôme qu'elle éclipsait de sa luminescence. Un vent de tempête se leva, fouettant les cheveux de Sora sur son front, alors qu'une puissante onde de choc partit du corps de la défenseuse pour venir submerger tout le palier de cristal tandis qu'elle mugissait, des veines de rage faisant palpiter la lumière sous sa peau craquelée:
"BAHAMUUUUUT!"
Sous les yeux terrifiés de Sora, Noctis avança de quelques pas calmes vers la jeune femme furieuse, de la fumée l'enveloppant et transformant son apparence en un homme colossal. Si ses traits faciaux demeuraient proches de ceux de celui dont il avait volé le visage, sa mâchoire autoritaire, ses yeux de métal froid et sa cape rouge sang reposant sur son armure noire, dorée et vermeille ne laissaient plus aucune place au doute: il n'était pas humain.
"Où est Noctis…?" lui demanda Sora, se sentant désemparé et trahi.
"Notre cher Noctis est déjà rentré chez lui… répondit-il d'une voix gutturale qui fit trembler les semelles de Sora, en daignant lui jeter un regard méprisant. J'ai pris bien soin de renvoyer mon descendant dans son monde pour qu'il accomplisse le destin que j'ai prévu pour lui…"
"Mécréant! hurla Hayate en lui assénant un violent coup de pied en pleine mâchoire, qui émit un étrange craquement rappelant le choc d'un marteau sur une enclume. Amnésique, elle ne constituait aucun danger! Ton action était cruelle et stupide: avec plus de temps à notre disposition, nous aurions pu trouver une solution!"
"Futile réflexion, siffla le dénommé Bahamut entre ses dents, en remettant son menton déplacé d'un coup de poignet agacé. Tu nous a fait perdre un précieux temps… Sais-tu donc combien de monde ont disparu par ta faute?"
"Imbécile… grogna Hayate, les larmes aux yeux, qui semblait tout de même désarçonnée par les reproches de cet étrange colosse armuré. Elle avait mérité plus de temps que moi… Sa rédemption aurait pu tous nous sauver… À présent, qui sait ce qu'il va advenir des mondes à cause de ton acte…"
"L'humanité t'a rendue faible! cracha l'homme en fronçant ses sourcils noirs. Tu aimais vraiment cette créature?"
Une partie de la joue d'Hayate tomba tel un morceau de porcelaine, et ses larmes désespérées s'engouffrèrent dans le trou ainsi généré, regorgeant de pure lumière. Sora, n'en pouvant plus d'assister à ce drame en simple spectateur, chercha frénétiquement dans sa poche de pantacourt la Clé du Feu… qui ne s'y trouvait plus. Cependant, refusant de rester les bras ballants, il accourut vers la jeune femme, Tendre Promesse dans le poing, se positionnant devant elle et menaça leur adversaire de sa Keyblade.
"Pathétique, siffla Bahamut en gonflant ses épaules d'un air intimidant, en se contentant de projeter le corps de L'Élu sur le côté d'une pichenette. Après quoi il reprit à l'adresse de Hayate: Tu n'es pas si différente de Kros… Mais je l'ai punie: elle a pris la place de la prisonnière. Du reste… ce qu'elle a fait de toi te donne également le statut de fugitive, il me semble…"
Un son désagréable, tel un essaim d'abeilles, retentit dans le silence du palier de cristal, et une imposante arme ressemblant à une gigantesque épée d'onyx apparut bientôt dans le poing du l'homme, qui leva lentement sa lame pour menacer le visage d'Hayate de sa pointe, en déclarant d'une voix tranchante:
"Moi, Bahamut le Draconéen
et Grand Juge du Conseil,
te condamne au même sort qu'elle!"
Hayate, après avoir séché ses larmes d'un revers de bras percé de filaments de lumière, se redressa fièrement et, après un fugace coup d'oeil en direction de Sora, qui était pétrifié par la puissance de l'homme en noir, elle proclama d'une voix puissante qui fit vibrer les entrailles de l'Elu de la Keyblade:
"Alors voici donc ce que tu es tragiquement devenu? Un bourreau déguisé en tyran? Même si je n'ai pas récupéré tous mes pouvoirs, je ne peux fermer les yeux face à cette félonie…"
La colère faisant briller ses iris gris, désagréablement similaires à ceux de son adversaire, elle ajouta, d'un ton impérial:
"Je ne laisserai pas tes actions impunies, Usurpateur. Et pour ce faire, je vais récupérer ce qui m'appartient…"
Elle leva le bras droit sur le côté, tendant sa main libre traversée par une fente de lumière, et planta cette fois ses iris brillant dans ceux de Sora, en murmurant, ses sourcils roses abaissés d'un air sincèrement navré:
"Je suis désolée, Sora…"
Une subite sensation de brûlure dans la paume de l'Élu lui fit réaliser que Chaîne Royale venait de reprendre son apparence initiale dorée et argentée. Il n'eut pas même le temps de réagir que la Keyblade disparut de son poing pour se rematérialiser entre les doigts confiants d'Hayate.
"Mets-toi à l'abri…" avertit-elle avant de fondre telle une tempête solaire sur son ennemi, la pointe de la clé géante s'enfonçant déjà dans un pli de l'armure rappelant des écailles de dragon, témoignant de son habileté avec cette arme.
"Ploie devant moi, la menaça Bahamut en retirant la Keyblade de sous son aisselle pour cogner Hayate en pleine figure, à l'aide de son coude, faisant éclater quelques parcelles de sa peau à l'impact. Ce corps n'a pas la puissance nécessaire pour m'affronter!"
La défenseuse cracha sur le côté avant d'effectuer un prodigieux salto arrière vers le sommet de la tour, atterrissant sur le cristal géant qui dominait la salle circulaire de sa hauteur. D'un habile moulinet, elle métamorphosa Chaîne Royale en une longue épée dorée et argentée, dont le pommeau était orné d'ailes se repliant sur le manche, et dont le haut de la lame cliquetait magiquement à l'aide de rouages d'or. Bahamut se téléporta plus proche de sa proie et déversa une salve de projectile atomium qui firent exploser l'intégralité de la structure porteuse de la voûte de la tour. Hayate ignora l'attaque brutale et planta noblement sa nouvelle arme au centre du cristal géant, telle Excalibur. La pierre qui se mit alors à luire et à s'éteindre de manière régulière, rappelant des battements de cœur. Il sembla à Sora que son diamètre diminuait jusqu'à ce qu'il réalise que Chaîne Royale venait d'intégralement absorber le cristal de Lux. La lumière froide qui baignait jusque-là toute la tour s'éteignit brutalement, plongeant le disque de vitraux brisés dans la pénombre. Les deux seules sources de lumière restantes prenaient leur source dans l'épée légendaire infusée de Lux, et dans Hayate, flottant au-dessus du terrain alors qu'elle esquivait rapidement des attaques frontales de Bahamut, son corps plus brillant qu'un soleil. La jeune femme prit soudain de la hauteur et, mimiquant le mouvement d'une joueuse de cartes étalant tout son jeu sur la table, elle brisa Chaîne Royale en une trentaine de lames plus petites, qui allèrent se placer tout autour de son corps telles des lunes argentées ou des rayons qui émaneraient d'elle à la manière d'une auréole guerrière. Sora se souvint de cette attaque, qu'elle avait jadis utilisée sur le Titan de Lave, et se surprit à attendre avec hâte qu'elle relâche les lames enchantées sur le meurtrier d'Iwako.
Bahamut parut anticiper l'attaque, car deux gigantesques ailes de dragon noirs jaillirent soudain de ses omoplates pour venir envelopper tout son corps d'un cocon protecteur, à la manière d'une chauve-souris, tandis qu'une pluie mortelle de lames s'abattaient sur lui. Les épées transpercèrent la membrane du draconéen, laissant des trous fumants à leur surface, mais cela ne l'empêcha pas de continuer à avancer jusqu'à son opposante, qui maniait pourtant les fragments de la Keyblade à la perfection par la pensée. La vision titanesque à laquelle il assistait avait totalement fait oublier à Sora la présence de Riku, toujours inerte, sur un côté du cercle de cristal…
Ce qui n'était pas le cas de Bahamut, qui rencontra bientôt le corps du jeune homme de son pied armuré avec lequel il le poussa sans ménagement hors de son chemin, en grognant avec dédain:
"Pousse-toi, inutile rejeton…"
"Ne le TOUCHE pas!" vociféra Hayate en se jetant enfin contre son adversaire, pour essayer d'attraper Riku avant qu'il ne tombe de la structure de la tour en train de s'écrouler.
Le chevalier dragon utilisa l'une de ses ailes trouées pour balayer Hayate et Riku qu'elle tenait contre elle. Elle fut projetée non loin de Sora, qui courut à elle et son meilleur ami, visiblement évanoui, en s'écriant:
"Haya laisse-moi t'aider!"
"Tu ne peux rien pour moi…murmura-t-elle stratégiquement tout en commandant à ses lames de se transformer en laser de lumière pour brûler Bahamut et l'empêcher d'approcher. Riku et toi devez quitter cette tour avant qu'elle ne s'écroule sur vous… Je vais te faire gagner du temps, mais allez-vous en!"
"NON! s'irrita avec passion Sora en se plaçant devant elle pour pouvoir plonger son regard océan dans ses iris froid. Je partirai pas sans toi! Et il doit bien y avoir un moyen pour que je puisse t'aider à battre ce malade!...Il… Il a tiré sur Iwa!"
Hayate soutint son regard, fronçant ses sourcils roses virant à présent sur le doré, le sondant jusqu'à son âme. Puis elle ferma le poing dans l'air, projetant une sphère de lames acérés sur Bahamut hurlant à présent de frustration, avant de répondre à Sora d'une voix dure:
"Il y a bien un moyen de nous faire gagner du temps… car tu as un pouvoir unique qui pourrait nous rendre intouchable par cette brute. Mais cela peut être extrêmement dangereux pour toi."
Le cerveau de l'Élu, boosté par l'adrénaline du combat, réfléchit à toute vitesse… De quel pouvoir voulait-elle bien parler? L'Eveil? Sur Riku? A quoi cela allait-il servir contre l'homme reptile géant qui se mettait à présent à cracher des lasers bleu sombre pour se débarrasser des petites keyblades qui l'assaillaient de toutes parts. Ou alors voulait-elle parler de…?
"Fusionne avec moi." proposa franchement Hayate avec un fugace petit sourire espiègle.
Sora sentit son coeur rater un battement. Si elle lui soumettait cette possibilité, ce devait être parce que cela était à nouveau possible…? Cela voudrait-il dire qu'elle avait récupéré ses souvenirs et que la malédiction du Manoir était levée…? La joie inespérée de l'Élu retomba toutefois quelque peu après avoir jeté un rapide coup d'œil inquiet à Riku, couché à ses côtés, toujours immobile, puis un autre aux dizaines de Keyblades qui assaillaient le traître au centre du palier. Le jeune homme osa tout de même questionner, en plein désarroi:
"Haya… Qu'est-ce qui se passe? Qui… es-tu? Qu'est-ce qui va m'arriver si on fusionne?"
Un nuage de doute passa dans les iris gris ciel de la jeune femme, qui prit le temps d'observer les parties visibles de sa chair en train de se désagréger par endroits pour laisser échapper la lumière dorée dont elle paraissait être composée.
"Je ne te laisserai pas mourir… promit-elle en serrant un poing maintenant composé de quatre doigts. Je suis ton bouclier…"
Elle sourit tristement avant de poser deux yeux mi-amusés mi-attristés sur Sora en le grondant faussement, alors que le jeune homme essayait d'ignorer le fait que la moitié de son visage avait à présent disparu, brisé, tel le visage d'une poupée de verre:
"Combien de fois faudra-t-il que je te le répète?"
Elle se remit sur ses jambes et lui tendit la main, l'invitant à fusionner. Après une dernière seconde d'hésitation, Sora sauta sur ses jambes et lui prit délicatement la première, puis la seconde main entre les siennes, avec la peur de les briser à chaque instant. Les pourtours de son corps se mirent presque immédiatement à luire de la même aura dorée qu'Hayate, et son instinct de survie lui commanda derechef de la lâcher, à cause de la déferlante d'énergie qu'il sentait influer dans ses veines. Au centre de l'arène qu'était devenue le sommet de la tour de cristal écroulé, Bahamut dut comprendre la manoeuvre, car il s'écria, fulminant, des mèches noires et grises se collant à ses tempes moites tout en les pointant d'un bras accusateur:
"NON! Tu n'as pas le droit, Parjure! Ce duel judiciaire se passe entre toi et moi! Tu sais très bien que je ne peux attaquer un mortel! Fourbe!"
Ainsi c'était cela le plan d'Hayate, comprit Sora en ouvrant de grands yeux surpris. Mais alors, il allait aussi être son bouclier contre le Draconéen, d'une certaine manière? La jeune femme se réjouissait visiblement de la confusion et de l'outrage générés chez son adversaire, car elle lui jeta un regard mauvais en ricanant:
"Ma meilleure amie m'a appris à tricher…"
La vision de Sora se brouilla alors que Hayate se jetait sur lui pour le prendre dans ses bras, un rayon de soleil l'aveuglant littéralement. Il ferma les yeux, sentit ses pieds quitter terre et se fit submerger par une vague d'ardeur.
L'Élu avait déjà ressenti une énergie comparable déferler en lui lorsqu'il avait fusionné avec Hayate pour combattre Arlène, mais il se sentit tout de même submergé par l'incontrôlable flux de puissance qui s'engouffra dans son coeur et dans son corps alors qu'il synchronisait son être avec celui d'Hayate. Ses veines se mirent à palpiter sous sa peau, telles des rivières de lave prêtes à déborder, et il dut se recroqueviller sur lui-même quelques secondes pour se recentrer et ne pas perdre le contrôle de la violente source de lumière qu'il était en train d'incorporer, craignant de perdre l'esprit comme lorsqu'il avait touché le Cristal géant dans le royaume des monstres. Quand il quitta sa position foetale, il poussa un cri vindicatif tout en jetant ses bras et ses jambes de côté, activant enfin la Fusion la plus puissante qu'il ait jamais réalisé.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il nota qu'il flottait à présent au-dessus du corps inanimé de Riku, ses habits ayant pris une éblouissante couleur blanche et nacrée, à présent recouverts de symboles couronnés argentés. Le pourtour de son corps brillait pareillement à celui d'Hayate et il repéra les trentaines de lames magiques revenir à lui quand il les convoqua mentalement, tournoyant lentement dans son dos en spirales lunaires, attendant ses ordres.
La voix d'Hayate dans son cœur lui soufflait ses actions et lui indiqua que Bahamut revenait à la charge sur sa gauche. Sora fila dans les airs telle une étincelle de lumière, esquivant l'énorme épée qui s'abattit sur le palier de vitraux dans un bruit de verre brisé.
Bahamut redressa ensuite son imposant corps et darda deux yeux remplis d'ire sur Sora, en crachant avec mépris:
"Alors tu te sers d'une nouvelle sorcellerie pour fuir ton jugement? Mais nul ne peut échapper à la Justice divine…"
"De quel droit me parles-tu de JUSTICE?! Hurlèrent les voix combinées de Sora et Hayate, tandis que l'Élu levait les deux bras au-dessus de sa tête. Iwako n'avait pas mérité le sort injuste que tu lui as réservé, MEURTRIER!"
Bahamut resta immobile quelques instants, sondant l'être symbiotique en face de lui de ses iris bleu métallique, avant qu'il ne change encore une fois d'aspect: un masque de fer vint bientôt recouvrir son visage, ne laissant visible que son regard froid et des dizaines de longues épées dorées et noires vinrent s'agglutiner dans son dos, formant une nouvelle paire d'ailes draconiques faite d'acier tranchant.
"Ainsi tu poursuis ta conduite insensée… commenta-t-il d'un timbre sombre, en empoignant le manche de sa lame principale à deux mains gantées. Fort bien. Je n'ai pas besoin de toute ma puissance pour te forcer à te séparer du corps de ce misérable mortel…"
Tandis que leur ennemi se ruait sur Sora à une vitesse foudroyante, le jeune homme abattit ses bras vers l'avant, ordonnant aux dizaines de lames de Chaîne Royale de fondre sur l'assassin noir. Les épées d'argent virvelotèrent, tels des oiseaux de lumière, en sa direction et le forcèrent à reculer, tandis que certains projectils allaient abattre un des derniers piliers de métal ouvragé qui soutenait encore la structure de la tour de cristal. Courroucé, Bahamut prit également son envol et projeta, dans un rugissement sauvage, une salve de lasers bleu sombre qui jaillirent de ses ailes déployées. Sora fila dans l'air, plus véloce que le vent, tournoyant en tous sens pour esquiver les traits mortels, les lames magiques qui l'entouraient le protégeant également, renvoyant les charges magiques directement sur leur lanceur. Elles explosèrent sur lui à l'impact, néanmoins Sora créa derechef un bouclier de lumière devant lui, prêt à une riposte de la bête furibonde. Bahamut fondit en effet sur lui une nouvelle fois, ayant changé son épée en hallebarde acérée, et déchira le voile de protection sans ménagement, pour se saisir du cou de Sora dans ses grandes mains griffues. Il envoya le corps du jeune Élu mordre la poussière, éclatant le sol de verre à l'impact, avant de s'avancer vers lui d'un pas triomphal, la pointe de sa longue lance crissant sur les vitraux endommagés derrière sa cape vermeille claquant au vent.
"Je n'ai pas le droit de te tuer, inconscient humain. Mais je peux te faire connaître les affres d'une douleur éternelle…"
Sous le regard incompris de Sora, le sol et les murs tout autour de lui se confondirent soudainement, se combinant, pivotant, et tournoyant pour former de nouvelles structures cristallines qui s'abattirent, intransigeantes et sans répit, sur l'Élu qui para comme il le pouvait à l'aide des keyblades enchantées liées à son âme. Il reçut cependant plusieurs projectiles compacts, qui le forcèrent à effectuer un Soin XX sur son corps blessé.
"Tu crois sincèrement pouvoir tenir tête à celui que tes semblables nomment le "Dragon des Dimensions"? ricana Bahamut, avec toutefois de l'agacement dans le ton. Je suis le Gardien de l'Espace, la Matière obéit au moindre de mes désirs…"
Bahamut serra l'une de ses serres devant son visage de fer et un cristal longiligne se forma soudainement, telle une lame de glace, autour des membres de Sora, emprisonnant tout son corps à l'exception de son visage, tordu par la douleur et la colère. Le dragon humanoïde se saisit brutalement de la mâchoire de l'Élu et s'apprêtait à toucher son front de sa main libre, lorsque Sora sentit Hayate lui insuffler une nouvelle vague de force cosmique. Ce fut donc avec un sourire provocateur et un timbre confiant que les deux voix des amants lui lancèrent à l'unisson:
"Quelle arrogance… Et si on te faisait un peu redescendre sur terre, espèce de vieux lézard rouillé?"
Derrière son masque, Bahamut écarquilla ses grands yeux bleus en notant un cercle alchimique constitué de glyphes cuivrées et de runes complexes s'allumer subitement à ses pieds. Il tenta de se téléporter… Mais il ne fut pas assez véloce. Une pluie de lames de lumière, tombant du ciel ouvert, vomissant une tornade éclatante, s'abattit sur tout le côté droit de son armure sombre. Son épée de bourreau se désintégra sous la violence du rayon destructeur, de même que le bras qui la maniait et l'une des ses ailes de métal fut arrachée par la même occasion.
"NON! rugit Bahamut en jetant un regard outré et enragé à son membre manquant, déjà en train de repousser dans une gerbe de sang et de filaments de chair. Cela ne se peut!"
Dans un cri de guerrier, Sora parvint enfin à briser le cristal qui le retenait en milliers de petits morceaux et se mit à flotter au-dessus de leur adversaire à terre.
"Tu as trop longtemps méprisé les humains et sous-estimé la force de leur cœur, reprit la voix royale de Hayate par la bouche de Sora, tandis que les dizaines de keyblades se ressemblaient dans sa main pour n'en faire à nouveau plus qu'une. Et c'est ce qui causera ta perte…"
Sora fondit sur leur ennemi, Chaîne Royale pointée vers lui dans une attaque vengeresse, mais celui-ci la para du revers de son gantelet noir gauche.
"C'est ce que nous verrons, Avatar Blasphématoire…" maugréa la voix mauvaise du Draconéen, tandis qu'une sphère atomium se formait à nouveau dans sa paume intacte.
Sora sentit un vent de panique l'envahir alors que ses forces le quittaient progressivement. Maintenir une Fusion d'une puissance aussi colossale lui avait demandé une dépense en énergie magique et physique prodigieuse et il savait qu'il ne pourrait pas rester dans cette forme encore très longtemps.
Ils devaient en finir avec ce dragon, ici et maintenant.
"Sora… appela soudain la voix d'Hayate dans son esprit. On peut le vaincre. Mais laisse-moi prendre le contrôle quelques instants…"
Après quelques secondes d'hésitation, il abattit Chaîne Royale sur la sphère en train de se former devant lui et l'explosion résultant du choc des deux magies le projeta vers l'arrière, l'aveuglant totalement.
Lorsqu'il rouvrit ses paupières, il nota qu'il ne se trouvait plus dans la tour de cristal, mais sur un morceau de mosaïques brisées au milieu d'un vide d'une blancheur diaphane. Il sentit également une source de chaleur rassurante repliée entre ses bras et il manqua de s'étrangler de joie en comprenant qu'Hayate était toujours accrochée à son buste, ses cheveux roses duveteux lui chatouillant le menton.
Quand elle releva la tête vers lui, il vit avec un soulagement inespéré que son visage était à nouveau entier, intact, pareil à celui qu'il connaissait et qu'il aimait tant. Plus aucune cicatrice ne courait sur sa peau, magique ou non, ses belles lèvres rouges s'étiraient en un sourire charmeur, faisant remonter ses jolies pommettes paillettées de tâches de son sur ses yeux gris ciel brillant d'émotions.
"Haya…? osa demander Sora, fou de joie mais également totalement perdu. Est-ce que tu as… Est-ce que tu te souviens…?"
Il se sentit rougir, ce qui accentua le sourire de sa bien-aimée qui se jeta alors sur lui, entourant ses joues de ses petites mains pour déposer un baiser volé sur les lèvres du jeune homme, avant d'expliquer:
"Dès que j'ai posé le pied sur le dernier palier de la tour, j'ai cru que ma tête allait exploser à cause de la prodigieuse quantité de souvenirs que j'ai récupérés à ce moment-là. De ma vie passée, mais pas seulement car… Le premier souvenir dont je me suis rappelée, était notre discussion dans le Manoir Oblivion…"
Elle posa un regard langoureux et intense sur Sora, qui ne put le soutenir plus longtemps et agrippa fermement la jeune femme entre ses bras, enfouissant son nez en trompette dans son cou chaud et parfumé, serrant toujours plus son étreinte, de peur de la laisser partir à nouveau.
"Je savais…murmura-t-il, sa voix légèrement brisée par l'apaisement. Je savais que ton coeur n'avait pas pu oublier…"
"Et tu as tenu ta promesse, poursuit-elle tendrement en déposant sa petite paume sur la joue de Sora, qui ferma les paupières à ce contact. Tu m'as offert de nouveaux souvenirs après mon amnésie. Même si la malédiction du Manoir, de toute manière, n'allait pas m'empêcher très longtemps de retomber …"
Elle marqua une petite pause avant de baisser le ton et les yeux. Sora était si proche de son visage qu'il pouvait presque discerner chaque cil rose cachant ses paupières tels des éventails duveteux. Il se permit de caresser une de ses pommettes tachetée du plat du pouce, affectueusement et se sentant sourire béatement. Mais il n'était pas préparé à l'aveu qui s'échappa soudain de la bouche de la femme de son coeur tandis qu'elle relevait un visage rayonnant vers lui:
"Je t'aime, Sora."
Le jeune homme sentit sa respiration se bloquer, comme si elle venait de lui mettre un coup au ventre. Comme son corps et son esprit avaient vécu, en l'espace de quelques minutes, un véritable ascenseur émotionnel avec tout ce qu'il s'était passé au sommet de cette tour, il dut prendre quelques instants avant d'accepter le bonheur qui venait de le heurter dans ce moment incongru et l'accepter…
Sa lumière dans les ténèbres, elle se tenait devant lui et attendait sa réponse, des larmes bordant la frontière de ses paupières telles des perles. Il ne fuirait pas, il n'allait pas la décevoir. Cependant le surplus de sentiments lui brouilla la vue et sa propre déclaration fut ponctuée de reniflements, tandis qu'il séchait rapidement un oeil embrumé d'un coin du poignet avant de souffler, la voix assourdie par un sanglot empêtré dans sa gorge:
"Moi aussi je t'aime Haya…"
A peine eut-il prononcé ces mots que le barrage dans son ventre, qui avait retenu toute sa tristesse et sa détresse ces derniers mois, lâcha soudainement, apaisant enfin son âme et soulageant son cœur alourdis de tracas. Grâce à la Fusion irréelle qu'ils étaient en train de vivre (et sur laquelle l'Élu n'avait aucun contrôle), il put ressentir également les sentiments d'Hayate alors qu'ils tombaient dans les bras l'un de l'autre, cherchant le contact rassurant et familier du corps de l'être aimé. La jeune femme déversa dans son coeur une brise de crainte, un ouragan d'amour, une rafale de joie, un vent de courage et… une tempête lancinante de regrets... Se rendant enfin compte que quelque chose ne tournait pas rond, Sora releva la tête, ses cheveux en pics se séparant de la chevelure rose de sa compagne, et sonda ses prunelles célestine… La froide résolution qu'il y rencontra ne lui plut guère.
La jeune femme refusa de soutenir son regard et brisa le contact visuel pour regarder ses pieds, honteuse. L'Elu suivit son mouvement de tête et remarqua enfin que leur maigre îlot de sureté flottant dans le vide blanc alentours représentait une partie d'un dessin beaucoup plus vaste. Il arborait un unique pétale blanc-rosé de lotus. Le reste de l'image avait disparu…
"Où sommes-nous?" se décida à demander le jeune homme, qui se doutait cruellement de la réponse.
"Dans mon coeur… admit Hayate avec mélancolie, gardant les yeux baissés. Du moins, sur son dernier fragment…"
Un prodigieux bruit sourd retentit au-dessus de leur tête, provenant du néant monochrome, et Hayate jeta un rapide coup d'oeil à une scène qui se déroulait devant elle, invisible aux yeux de Sora, avant de reprendre d'un ton urgent:
"Nous n'avons plus beaucoup de temps. Je…"
Hayate pinça ses jolies lèvres en forme de pomme et fronça ses sourcils roses de douleur. Sora lui caressa gentiment le haut de l'épaule. Il voulait qu'elle arrête.
"Mon temps est révolu...Je vais bientôt cesser d'être celle que tu connais…"
"Quoi…?" souffla Sora, tombant des nues, en reculant sa nuque vers l'arrière, frappé par la surprise. Qu'est-ce que tu veux dire?"
"Ce serait trop long à expliquer, mais j'aimerais que tu retiennes une chose…"
"NON! protesta Sora en secouant la tête, alarmé. Je ne peux pas te perdre toi au-"
Hayate le coupa en enveloppant le visage de Sora de deux mains aimantes et l'embrassa avec douceur et passion. Le jeune homme dut s'avouer vaincu par ces arguments, son cœur à nouveau submergé par la tendresse et la résignation qu'ils étaient métaphoriquement capables de partager sans parole lors de la Fusion. Il lui rendit son amour de toute son âme, car le corps n'avait plus sa place en ce lieu de délices immatériels…
Mais Hayate brisa soudainement leur Lien éthéré
et Sora atterrit douloureusement sur le sol de la réalité.
Tout autour d'eux, la tour de cristal était sur le point de s'effondrer, les dégâts causés par l'affrontement entre Hayate et Bahamut (auquel l'Élu n'avait pas pu assister visuellement) ayant sans aucun doute détruit sa structure même. Des flèches acérées de cristaux blancs et bleus chutaient ici et là dans un bruit de verre brisé assourdissant, brisant un peu plus le palier de vitraux qui se fracassait en milliers de fragments de miroirs. Hayate se trouvait toujours dans ses bras, sous la forme d'une silhouette de pure lumière à présent, les fissures dorées ayant presque intégralement remplacé sa peau, dont les filaments fragiles se tenaient encore précairement les uns aux autres par dieu sait quelle magie. Sora sentit une vague de panique l'envahir: quelque chose pulsait à l'intérieur de ce qu'il restait du corps de sa bien-aimée. Quelque chose d'une puissance dévastatrice…
Le jeune homme apercevait encore, entre ses paupières mi-closes, deux yeux célestes l'observer au milieu d'un disque solaire. Puis, contre toute attente, d'Hayate se saisit de la chaîne du collier qui pendait toujours fidèlement autour du cou de l'Élu et l'arracha d'un coup sec. Le pendentif en forme de couronne disparut dans la main lumineuse de la jeune femme, sous les yeux incompris et choqués de Sora, tandis qu'elle lui demandait pardon d'une voix vibrante et étrangement réverbérée, tel un échos:
"Grâce à ceci, j'espère ne pas t'oublier… encore une fois…"
Le jeune homme n'eut pas le temps de se défendre ou de poser la moindre question que sa bien-aimée le poussa violemment en arrière. Il perdit l'équilibre et tomba sur les fesses à côté du corps inanimé de Riku, alors qu'un rideau doré sortait du sol autour d'eux pour venir se refermer en dôme protecteur au-dessus de leur tête.
Un bouclier de protection, comprit Sora en sautant sur ses jambes pour aller cogner contre sa surface magique et sur laquelle son poing rebondit comme sur un ballon dans un bruit sourd et étouffé.
Hayate lui jeta un dernier regard langoureux, chargé d'amour et d'excuses, après quoi elle lui tourna le dos et s'avança sans peur en direction d'un imposant dragon hérissé de métal noir, son unique aile rouge sang le faisant planer dans le ciel nocturne, incarnation de la mort survolant un pays désolé. Chacun des pas étincelants de la silhouette faites de paillettes d'or se reflétaient à l'infini sur les éclats de cristaux sur lesquels elle paraissait glisser sans les toucher, ses pieds nus formant des auréoles dorées à chaque contact avec leur surface limpide aussi pure que du cristal stellaire. La gueule béante du dragon cauchemardesque s'ouvrit alors lentement, une lueur bleue meurtrière visible au fond de sa mâchoire couronnées de crocs d'acier, menaçant la sylphide de lumière dont le corps émettait à présent des ondes de choc de plus en plus cadencées et rapprochées.
"NON! hurla Sora à pleins poumons, suppliant, des larmes ruisselant sur ses joues tandis qu'il frappait, encore et encore, le bouclier qui allait le protéger. HAYATE FAIS PAS CA!"
Mais elle ne l'écouta pas.
Il aperçut vaguement un radieux et brûlant soleil entrer en collision cataclysmique avec une forme bleu sombre, puis un puissant bruit de détonation l'assourdit totalement, alors qu'un faisceau de lumière incandescent lui brûlait les rétines et qu'il se sentait chuter dans le vide, le sol de vitraux à ses pieds ayant été réduits en poussière par la puissance de la déflagration.
Son dos heurta abruptement un sol glacial et dru. Il gémit de douleur, ses tympans assourdis par le bruit de l'explosion, sentant également plusieurs côtes se briser au contact de ce qui semblait être de la roche. Le souffle coupé par la souffrance, il entrouvrit les yeux, juste assez rapidement pour apercevoir leur dôme de lumière se résorber lentement, le plongeant alors dans l'obscurité d'une nuit étoilée et le silence oppressant de ses oreilles meurtries. Il essaya de respirer plus calmement et profondément, mais chaque inspiration lui brûlait les poumons et les reins… et le cœur.
Brisé tant psychiquement que moralement, Sora resta couché dans les décombres de la tour de cristal, les yeux mi-clos rivés sur le ciel muet au-dessus de lui, alors que de petites perles de lumières et de cristal tombaient encore ici et là, tout autour de lui, à la manière de flocons de neige irréels. Dans l'esprit du jeune homme, un brouillard noirâtre d'images s'enchevêtraient, l'étouffaient, affolaient son pouls et son sang.
Xion… Elle s'appelait Xion. Elle était lui, il était elle, et elle avait accepté l'oubli pour qu'il vive… Iwako s'écroulait, le buste rouge de sang. Riku seul, tendant des bras vacants. Un homme dragon le combattant dans un duel à mort. Le baiser d'Hayate et ses yeux, disparaissant avec l'éclatement de son corps…
"Je t'aime, Sora…"
Les yeux océan du jeune homme se remplir de larmes, vagues de tristesse qui ne tardèrent pas à déborder de ses paupières, telle une rivière de souffrance relâchant toute sa panique, sa peine et sa détresse le long de ses joues. Son cœur, cruel et douloureux, ne parvint plus à endiguer le raz-de-marrée de ses émotions, qui l'étouffaient, brûlaient ses poumons, sa gorge et son crâne.
Rage- Choc- Incompréhension- Peine- Bonheur éphémère- Ardeur- Frayeur- Désespoir…
Sora desserra les mâchoires, renversa sa nuque vers l'arrière, ses cheveux en pics s'enfonçant dans la poussière de cristal, tandis qu'un long râle rauque s'échappait de sa gorge parcourue de veines apparentes. Alors que tout son corps se convulsait et que ses traits faciaux se tordaient en une horrible grimace de souffrance, il hurla…
Il hurla.
Maudissant le ciel noir, le destin, son impuissance, lui-même… tout.
Puis, harassé par la fatigue, ses yeux se voilèrent et il resta là, allongé, sans vie, épuisé…
Seul.
Sora ferma les paupières, sa respiration peinant à passer la barrière de ses sanglots, tremblant à présent de tous ses membres traumatisés.
Seul.
Pourquoi se relever? Quel intérêt? Il avait tout perdu… Sa meilleure amie, la femme de sa vie… Tout.
Seul.
….
….
…
…..
Alors que son cerveau sombrait peu à peu dans l'obscurité de l'inconscience et de l'anéantissement, une petite lueur argentée se manifesta dans une partie insoupçonnée de son coeur et son esprit lui ordonna brutalement:
"Non! Lève-toi! Tu dois trouver Riku!"
Après plusieurs inspirations laborieuses et quelques échecs à cause de la faiblesse et de la fébrilité de son corps, Sora fit alors un effort surhumain et se força à rouler sur le côté, gémissant de douleur. Comme il reprenait enfin ses esprits et s'incarnait à nouveau dans la chair, il réalisa soudain qu'un violent élancement irradiait également dans toute sa cuisse gauche. Il tourna le regard et nota, avec une grimace de dégoût, qu'une longue chose noire s'était plantée dans sa jambe. L'objet l'empêchant de se mouvoir, il serra les dents, empoigna son bout froid et dur comme le métal et l'arracha dans un cri étouffé. Il examina ce qu'il avait pris pour une barre de fer et réalisa, les yeux écarquillés, qu'il s'agissait en réalité d'une longue dent noire.
Un croc que Bahamut avait dû lui laisser en guise d'amer souvenir…
Dans une montée de rage, Sora leva un bras et s'apprêta à jeter le reste de son ennemi le plus loin possible dans les décombres de la tour éventrée, de même que cette satanée plume de Phénix qui lui avait été totalement inutile. Puis, après quelques instants de doute, il se ravisa et fourra sèchement le croc arraché dans son grand short.
Après quoi il se mit à ramper sur le ventre dans des débris de pierres et de cristal à tâtons, ignorant le sang qui coulait abondement de sa jambe dans son sillage, à la recherche urgente du corps de son meilleur ami, priant de toute son âme pour qu'il ait survécu à la chute….
Il finit bientôt par le dénicher devant deux colonnes brisées, inerte, mais entier.
L'Élu de la Keyblade se hissa en râlant jusqu'à Riku, usant de ses coudes car ses jambes refusaient de le porter. Dès qu'il fut assez proche, il prit son pouls et étrangla un cri en sentant une faible pulsation sous ses doigts.
Sora posa sa paume droite sur le t-shirt déchiré de son meilleur ami, convoquant toute sa magie de soin… mais sa main se contenta de clignoter d'une faible lumière verte, sans résultat…
La Fusion l'avait vidé de toute son énergie magique.
"Pas ça… Pas ça… "répéta-t-il en essayant de s'asseoir, retombant plusieurs fois contre Riku, à cause de l'épuisement.
Plusieurs larmes roulèrent des joues de Sora pour tomber dans le sable sur lequel il était couché, tandis qu'il farfouillait comme il le pouvait dans la poche de son pantacourt, en suppliant à mi-mots, frénétiquement:
"Pas ça… pas ça… je t'en prie… reste avec moi…"
L'énergie du désespoir lui permit de brandir enfin la carte de des Amoureux et, presque aussitôt, une puissante lumière en jaillit, de même qu'une adorable créature au pelage turquoise qui en bondit avec un rassurant petit cri aigu.
"Carbuncle…" appela Sora, dont les yeux se voilaient de pigments noirs.
Le petit Gardien sauta immédiatement dans les airs et le rubis qu'il arborait au milieu du front se mit à luire intensément durant plusieurs minutes, tel un phare brillant de mille feux au milieu de la nuit environnante. Peu à peu, Sora récupéra sa vision, mais également ses mouvements et sa respiration. Lorsqu'il fut capable de se remettre sur ses genoux et qu'il passa sa grande main sur ses flancs et sa cuisse, n'y sentant plus aucune douleur, il lâcha à l'adresse du renardeau aux longues oreilles qui attendait sagement, assis devant lui:
"Tu es un vrai petit miracle… Tu nous as sauvé, Carbuncle."
La petite bête émit un de ses petits adorables couinements et sauta dans ses bras, s'y lovant de bonne grâce.
Sora osa alors un regard à sa droite, aux pieds des deux piliers écroulés, et se permit un infime sourire lorsqu'il vit Riku se remettre également sur ses jambes, lentement certes, mais enfin capable de se mouvoir.
"Riku!" s'écria Sora avec un soulagement sans nom, tandis que son meilleur ami semblait tituber, son visage caché sous ses cheveux argentés en bataille.
Carbuncle cria à nouveau dans ses bras. Mais le piaillement sonnait cette fois différemment… Comme il sentait que la boule de poils se mettait à trembler contre lui, Sora tenta de le calmer, en demandant:
"Ça ne va pas? Qu'est-ce que tu as…?"
Le petit Gardien se mit alors à grogner en direction de Riku et Sora, alarmé, observa enfin plus attentivement la posture de son meilleur ami.
A présent, le jeune Maître de la Keyblade se tenait bien droit au milieu des ruines de la tour de cristal, cadavre antique gisant au milieu d'une brume mystique, son torse puissant se levant et s'abaissant rapidement, ses poings serrés le long de son corps.
"... J'ai gagné…" murmura alors le jeune homme aux cheveux argentés.
Quelque chose ne tournait pas rond.
"...Riku…?" tenta à nouveau de l'apostropher Sora, son ventre gargouillant à présent de frayeur et le faisant reculer à terre par réflexe, Carbuncle toujours caché dans son coude.
Le jeune homme en face de lui rejeta enfin son crâne vers l'arrière, révélant son visage altier derrière une cascade glacée de cheveux d'argent…
…Ses yeux d'ambre fusillant l'Élu de la Keyblade d'un regard victorieux.
FIN DU TOME 2
Nous sommes heureux d'avoir pu finir cet tome malgré toutes les embûches de nos vies personnelles et professionnelles.
Nous allons prendre quelques temps pour préparer un grandiose début de tome 3.
Nous espérons de tout coeur vous y retrouver et que vous ne nous en voudrez pas trop...
Joyeuses fêtes...?
