CHAPITRE 2 :

- Malfoy. Draco Malfoy. Tu as eu un rencart avec Draco Malfoy ?

- Oui, Draco Malfoy. Et non ce n'était pas du tout un rencart et pour l'amour de Merlin Ginny baisse d'un ton!

Hermione jeta un coup d'oeil de part et d'autre de la cuisine des Weasley qui était – par chance – complètement vide, à l'exception de Ginny Potter. Molly leur avait demandé d'aller chercher quelques couverts supplémentaires pour le repas et Hermione avait saisi l'occasion pour un tête à tête avec Ginny. Les conversations privées étaient chose rare lors des dîners dominicaux au Terrier et Hermione avait besoin de discuter de son étrange rencontre avec quelqu'un qui ne s'appelait pas Harry ou Ron.

- Mais tu vas dans un café moldu. Et il s'est juste assis à ta table ?

- En quelque sorte. Il s'est avancé avec son arrogance habituelle et m'a accusé de voler sa table pour le contrarier.

Ginny lui lança un large regard inquisiteur.

- C'est tellement absurde ! Pas le côté arrogant, hein, mais le fait que vous alliez tous les deux au même endroit... C'est bizarre. Ça, et le fait qu'il ai réussi à tenir une conversation civilisée avec toi.

Hermione fronça les sourcils en se remémorant leur échange. Ça lui avait aussi semblé absurde, au début.

- De quoi il avait l'air ? Demanda Ginny en coupant court à ses réminiscences.

Seul. Maigre. Fatigué. Brisé mais persévérant. Exactement comme moi.

- Perdu, répondit doucement Hermione.

- Je veux bien te croire, dit Ginny après avoir hoché la tête avec sympathie. Je crois qu'il n'a personne dans sa vie.

- Les filles !

Le cri perçant de Molly Weasley brisa le calme de la cuisine, faisant sursauter les deux jeunes femmes qui manquèrent de faire tomber les assiettes qu'elles tenaient.

- Franchement, j'aurais pu aller chercher ces assiettes moi-même avec le temps que ça vous a pris ! Allé, oust, vous papoterez plus tard ! Dit-elle en les poussant hors de la cuisine vers la salle à manger.

- Désolée maman, répondit docilement Ginny en passant devant elle.

Hermione resta près de Ginny alors qu'elles rejoignaient le reste du groupe.

- S'il te plaît, n'en parle à personne. De Malfoy. Je pense qu'Harry et Ron en ferait tout un plat. Et ce n'était rien du tout, murmura-t-elle.

- Bien sur Hermione, je ne dirai rien.


Ginny tint à moitié sa promesse. Lorsqu'elle et Harry se mirent au lit ce soir là, elle raconta à son mari la rencontre d'Hermione avec Draco. Harry posa ses lunettes sur la table de chevet et se tourna vers sa femme, les sourcils froncés.

- Hermione a eu un rencart avec Malfoy ?

- Non, pas vraiment, répondit Ginny en levant les yeux au ciel. Disons qu'ils ont eu une sorte de... retrouvaille autour d'un café. Hermione a dit que la discussion avait été plutôt agréable.

Les sourcils d'Harry se froncèrent d'avantage.

- Ne dit rien à Ron, d'accord ? Hermione ne voulait même pas que je t'en parle.

- Je ne dirai rien à Ron, lui promit Harry.

Il avait bien l'intention de tenir sa parole. Mais alors que Ginny s'endormait peu à peu, Harry était en alerte. Il se remémora la discrétion qu'il avait aussi promit à Draco, six ans et quelques auparavant, lorsqu'il était venu jusqu'à son palier pour lui rendre visite. Il avait tenu parole pour l'instant et avait pratiquement oublié cet événement. Harry repoussa ce souvenir mais ne pu s'empêcher de penser au chemin qu'avait prit la vie de Draco depuis la fin de la guerre.


Lundi matin Draco était pleinement réveillé à 5h05. Cette fois, ce fut l'anticipation et non la douleur qui l'avait tiré du sommeil. Peut-être devait-il adapter sa routine, étant donné que son horloge interne le faisait se lever si tôt. Je suis en contrôle.

Il acheta son café et patienta à sa table. Ce matin là, Hermione Granger ne le déçu pas. Elle était entrée - en tenue de travail, comme toujours – et avait dégagé ses cheveux en arrière avant de tourner la tête vers lui. Elle lui avait lancé un petit sourire et fait un signe de tête avant de passer sa commande.

En sortant elle avait levé la main en signe d'au revoir et Draco le lui avait retourné.

Eh bien, c'est que tu serais presque convaincant dans ton rôle d'humain fonctionnel lambda. Draco ordonna à son énervante conscience de la fermer.

Les autres jours de la semaine, Hermione et Draco incarnèrent leurs rôles de personnages aimables et avenants. Draco évita de se rendre au coffee shop le week-end et profita du temps clément pour voler au dessus du domaine. Granger était-elle allée au café ? Il s'aperçu qu'il était bien trop concentré sur ce que pouvait faire Granger de son temps libre et préféra s'entraîner à des manœuvres dangereuses pour distraire son esprit. Je suis en contrôle.

La semaine suivante amena les mêmes comportements et Draco l'accepta comme partie intégrante de sa routine matinale. Prendre son café. S'asseoir. Lever les yeux quand Granger entrait. Faire un signe de tête poli. Suivre ses mouvements jusqu'au comptoir. Lui retourner son geste quand elle sortait. Répéter du lundi au vendredi.

Mais se fut sans compter sur Granger, qui envoya valser sa précieuse routine pourtant si soigneusement et méticuleusement rythmée. Le troisième lundi de leur petit jeu, dix minutes après son heure habituelle d'arrivée, Granger avait pratiquement couru jusqu'à la table de Malfoy.

- Tu peux surveiller ça pour moi ? Merci !

Avant même que Draco ai pu commencer à formuler une réponse, elle avait laissé tombé son sac et un tas de cahier devant lui et s'était précipitée vers le comptoir. Ce devait être un de ses matins où elle était à la fois sur-préparée mais aussi complètement dépassée par un quelconque événement se déroulant au bureau.

Granger était revenue rapidement avec sa boisson et avait commencé à fourrer un maximum de ses affaires dans son sac – Draco avait remarqué qu'il était magiquement élargit au vu de la véritable librairie qu'elle transportait avec elle.

- Salut Malfoy, on se voit demain !

Et, sur ces mots, elle avait jeté son sac sur son épaule et s'était précipitée vers la porte avant qu'il n'ai pu murmurer un « A plus tard Granger ».

Ça n'avait pas été inintéressant. Hermione Granger avait, le temps d'une brève minute, eu suffisamment confiance en Draco pour laisser ses affaires à ses bons soins.

Ils n'étaient pas amis. A peine des connaissances. Et pourtant, elle avait eu confiance en lui et l'avait remercié, sans absolument aucune raison.

La semaine suivante leur routine fut la même. Peut-être était-ce uniquement dans l'esprit de Draco mais il lui semblait que son sourire était de plus en plus grand à chaque fois. Il avait l'air d'un sourire sincère plus qu'un étirement de lèvre poli. Mais ça devait seulement être son imagination.

Et puis un lundi Hermione arriva 15 minutes en avance. Elle sourit à Draco mais, au lieu de continuer vers le comptoir, elle s'approcha de sa table. Oh putain par Merlin, que venait-elle lui dire ?

- Hey, ça te dérange si je m'assois ? J'ai un peu de temps avant d'aller travailler.

Draco passa en revue différentes réponses :

Pourquoi ?

Sérieux, pourquoi ?

C'est une blague ?

Tu me prends pour un idiot ?

Bordel qu'est-ce qu'il t'arrive Granger ? Tu ne te souviens pas de toutes les choses terribles – vraiment affreuses – que je t'ai dite au collège ?

Mais il répondit plus simplement par un « bien sur » et indiqua la chaise libre face à lui d'un mouvement de la tête.

Elle sourit, encore ce sourire, et posa son sac au sol.

- Tu veux quelque chose ? Ici ce que je préfère par dessus tout c'est le Chaï Massala, j'en prends un chaque matin.

C'était donc ça, sa commande. Draco secoua la tête et indiqua sa tasse presque pleine.

- J'ai ce qu'il me faut.

Bizarre, non ? Hermione Granger lui proposant d'aller chercher son café, comme si ce n'était pas grand chose. Comme s'il n'avait jamais été un sale et répugnant harceleur pendant des années. Comme si elle n'avait pas été torturée - quasiment à mort - dans sa propre maison. Et maintenant elle revenait pour s'installer à la table qu'ils partageaient, comme si tout était normal, naturel.

Hermione s'assit et souffla sur sa tasse de thé avant de boire une gorgée. Mais au lieu de se baisser pour attraper un livre ou l'un des nombreux papiers que renfermait son incommensurable sac, elle s'adressa à lui :

- Alors, comment était ton week-end ?

Comment était mon week-end ? Comment était mon putain de week-end ? Bordel si c'était une dimension alternative alors Draco jouerait le jeu jusqu'à ce que la réalité le rattrape. Il réalisa qu'il devait avoir mis un peu trop de temps à répondre car le regard engageant d'Hermione s'effrita pour laisser place au doute et à l'inquiétude.

Désolé Granger mais j'ai passé trop de temps seul et coincé avec ma foutue conscience pour me souvenir de comment tenir une conversation normale.

- Hm, c'était bien. Comme le temps était bon j'ai pu voler un peu.

Par Salazar Serpentard, il était en train de lui parler de la putain de météo.

- C'était chouette, hein ? Je suis allée chez mes parents pour leur rendre visite et j'ai aidé ma mère à mettre une clôture autour du jardin. Tu voyages pas mal pendant les week-end, non? Je ne vois pas bien quand est-ce que tu peux découvrir de nouveaux talents, vu que cette saison de Quidditch est terminée.

- Ah... Mh... Ouais, je vais à l'agence la semaine. Je remplis des rapports le matin et ensuite je transplane à l'entrainement d'une ou deux équipes le reste de la journée. Les matchs amicaux ont lieu le week-end, mais seulement le matin, et ils ne commencent pas avant un mois dans tous les cas.

Pourquoi était-il en train de s'égosiller ?

- Ça doit être chouette de voyager autant, surtout si c'est dans le coin. J'ai fait des demandes pour plusieurs conférences internationales, on verra lesquelles seront approuvées par le comité budgétaire. Ils n'avaient pas l'air très disposé à m'envoyer à la conférence des gobelins cette année... mais j'ai réussi plusieurs débats sur les peuples Mer, ce qui veut dire un autre voyage en Méditerranée, certainement au printemps.

- Je ne savais pas qu'ils te laissaient quitter le pays si souvent. Le Ministère ne tombe-t-il pas en ruine sans ton génie ?

- Si, et quand je rentre tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, donc de rien, dit-elle en souriant narquoisement par dessus sa tasse.

Hermione jeta un coup d'oeil à son poignet et avala le reste de son thé.

- Je dois filer. A demain, Malfoy.

Elle l'avait dit comme si c'était normal, comme si il était normal. Draco passa une main tremblante dans ses cheveux blonds presque blancs. Il était temps d'en parler à son prochain rendez-vous. Je suis en contrôle.


Hermione était une nouvelle fois en train de saccager sa routine. Maintenant les matinées débutaient par une entrée, un balayage de cheveux et une approche vers Draco suivit d'un « Je peux m'asseoir un peu avec toi ? ».

Et Draco répondait toujours « bien sur » avec un hochement de tête vers la chaise.


Mars 2007

Ce mercredi, Draco quitta l'agence juste avant 11h et marcha quelques pâtés de maison le long du Chemin de Traverse. Il entra dans un appartement familier en grès rouges polies et monta l'escalier qui le mena jusqu'au cabinet du Guérisseur Browning. Draco était toujours parfaitement à l'heure, ce qui signifiait que la sorcière de l'accueil le faisait directement entrer et qu'il n'avait pas à supporter des bavardages sans intérêts.

Draco s'installa dans un confortable fauteuil en cuir et se prépara mentalement pour son rendez-vous mensuel. Face à lui, dans une chaise à haut dossier, était assise la seule personne au monde qui connaissait tout le chemin parcouru par Draco en neuf ans.

Deux ans de rendez-vous obligatoires chez un guérisseur, c'est ce qui avait été assigné à Draco lors de sa sentence, après la guerre. Au début les rendez-vous avaient lieu deux fois par semaine et avaient été particulièrement éprouvants.

Maintenant, des années plus tard, Draco continuait de se rendre volontairement - en payant de sa poche - à des rendez-vous mensuels. Seul son patron savait où il se rendait le troisième mercredi de chaque mois à 11h précise. Mais les employés de l'industrie du Quidditch avaient des horaires si étranges – transplaner ou cheminetter n'importe quand pour pour rencontrer des joueurs ou aller à des entraînements – que personne n'y prêtait attention.

- Bonjour Draco, comment vas-tu depuis la dernière fois que nous nous sommes vus ?

Browning commençait toutes ses séances par cette question. Un homme chauve, aux yeux presque noirs – affûtés et élargis par des lunettes à montures dorées – que Draco jugeait comme ayant atteint la soixantaine. Trop vieux pour être allée à Poudlard avec Lucius. Une plume flottait juste à côté de la chaise du guérisseur, suspendue au dessus d'un parchemin et prête à noter les réponses de Draco – ou plutôt, l'avis que se faisait Browning sur les réponses de Draco.

- Mh... Bien, j'imagine.

Draco avait l'impression de ne jamais avoir la bonne réponse à cette question d'ouverture. Oh bien, vous savez ! Légèrement suicidaire mais maintenant j'ai l'impression d'être entré dans une réalité alternative où je retrouve Hermione Granger tous les matins autour d'un café, donc les envies d'auto-mutilations sont reléguées au second plan pour le moment.

- Je vois.

Gratte, gratte, nota la plume.

- Rien de particulier que tu voudrais ajouter sur ton état émotionnel ces jours-ci ?

Draco soupira. C'était la danse qu'ils faisaient à chaque rendez-vous. Draco faisait une déclaration vague et peu descriptive sur ses sentiments dans laquelle Browning plongeait et la plume grattait le parchemin jusqu'à ce que Draco lui donne une ouverture.

- Eh bien... Je fais toujours des cauchemars.

Gratte, gratte, gratte.

- Et en quoi consistent ces cauchemars ?

Draco se déplaça dans son siège. Il avait ouvert la plaie. Peut-être Browning en sucerait-il le poison ?

- Mh... Toujours les mêmes. Le Seigneur des Ténèbres me fait torturer des gens ou Il torture des gens... et ce gigantesque serpent...

Draco frissonna et s'interrompit. Gratte, gratte.

- Et as-tu pris une quelconque potion pour repousser ces cauchemars ?

Son ton était neutre, professionnel. Draco avait passé suffisamment de temps ici pour savoir qu'il ne s'agissait pas d'une accusation mais d'une simple question pour préciser une information.

- Non. Je n'ai pas consommé.

Browning hocha la tête mais ne fit pas d'éloge. Draco était sevré de potion de Sommeil sans Rêves depuis des années maintenant. Il prenait un Philtre de Paix de temps à autre - les très mauvais jours - mais ce n'était pas addictif.

- Et comment se passe le travail ?

Plus de grattements. Il avait déjà dû se faire un avis sur l'état mental de Draco. Plus besoin de la plume opportuniste pour l'instant.

- Bien, comme d'habitude.

- Des nouvelles de ta mère récemment ?

- Oui, elle est toujours à Vienne. Je pense qu'elle va prolonger son séjour.

- Et qu'en penses-tu ?

Draco haussa les épaules. Sa mère était une femme adulte avec rien d'autre pour la rattacher à sa patrie que Draco. Elle pouvait bien faire ce qu'elle voulait. De plus, c'était plus simple d'ignorer les commentaires passif-agressif de Narcissa sur le fait que Draco n'avait toujours pas de femme - ou de relation significative - lorsqu'ils arrivaient par courrier.

- Ça va, vraiment. Je pense toujours que c'est plus simple pour elle à l'étranger.

- Et qu'as-tu fait de ton temps libre ?

Et voilà la question au million de Gallion. Browning connaissait trop bien Draco à présent et ses précédentes réponses comme « rien du tout » et « j'ai juste fait l'imbécile sur un balais » c'étaient certainement retrouvées avec « préoccupant » inscrit à côté sur le parchemin.

Foutu pour foutu, il n'avait personne d'autre dans sa vie à qui raconter sa situation avec Granger.

- J'ai en quelques sortes... retrouvé une ancienne camarade de classe.

C'était techniquement vrai.

- C'est à dire ? Où cela a-t-il eu lieu ?

Même si ce n'était pas évident à son timbre de voix, Draco spécula que Browning était surpris. Après tout, le seul ami qu'avait mentionné Draco – ou qu'il avait tout court, en fait – était Théodore Nott.

- Dans ce coffee shop moldu dans lequel je vais toujours. Il s'avère qu'elle s'y rend chaque matin aussi.

- Etiez-vous amis à Poudlard ?

Draco se mit à rire – à vraiment rire – à cette question.

- Par Merlin non. Je suis certain qu'elle me haïssait de tout son être.

Ce seraient les seuls détails que Browning obtiendrait cette fois-ci. Parce que Browning savait déjà tout d'Hermione Granger. Il y avait probablement des rouleaux et des rouleaux de parchemin, classifiés quelques parts, des précédentes séances de Draco à propos d'Hermione Granger. Les quelques premières années de soins avaient impliqué leurs lots de confession et de regret à son sujet. Mais il ne s'aventurerait pas sur ce chemin, pas aujourd'hui. Gratte, gratte, gratte. Putain de plume.

- Alors était-ce une rencontre déplaisante ?

- Mh... Au début. Mais on a réussi à parler un peu. On ne s'était pas vu depuis des années donc j'imagine que c'était plus le choc qu'autre chose.

- Et ces rencontres ont continué ?

- Oui. Elle a récemment commencé à s'asseoir à ma table, avec moi.

- De quoi parles-tu avec elle ?

- Ça ne fait que quelques fois, répondit Draco en haussant les épaules. On s'en tient au travail.

- Comment te sens-tu, à force de passer du temps avec elle ?

Comment il se sentait ? C'était comme s'il tenait à peine le coup. Elle, plus que quiconque, aurait du le fuir. Ou lui hurler dessus. Le maudire. Lui cracher à la figure. Sortir sa baguette et l'éradiquer de la surface de la terre. C'était une culpabilité écrasante, mélangée au soulagement et à la confusion chaque matin dès qu'il regardait Hermione Granger. Et elle agissait comme si tout était foutrement normal.

- Bouleversé.


Jeudi et vendredi matin Hermione demanda si elle pouvait s'asseoir avec Draco, et Draco répondit « bien sur ».

Mais durant le week-end, dans sa grande maison de campagne, Draco se retrouva à ruminer au sujet de cette nouvelle entente avec Granger. Evidemment, elle avait du en parler à Weasley. Et Potter. Oui, sans aucun doute. Ils avaient probablement dû avoir un sacré fou rire en imaginant Granger en train de prendre un café, chaque matin, avec le furet pathétique et solitaire. Le petit Furet Mangemort, tombé si bas qu'il était devenu client d'un café moldu parce qu'il était trop effrayé par certains établissements magiques.

Vint lundi, Draco avait enduré un week-end d'insomnies et était d'une humeur massacrante. Puis Granger arriva, marchant jusqu'à sa table avec ce putain de sourire aux lèvres alors qu'elle tirait la chaise face à lui et s'asseyait. Une petite seconde.

- Bonjour ! Dit-elle joyeusement.

Elle sorti son journal, le déposa sur la table et s'en alla chercher son thé.

Mais elle ne lui avait pas demandé si elle pouvait s'asseoir avec lui aujourd'hui ! Elle s'était juste installée et avait étalé toutes ses merdes comme si la putain de table lui appartenait, sans jamais se demander ce que Draco pouvait en penser ! Quelle impertinence ! Je suis en contrôle.

Et la voilà qui revenait avec son mug fumant et qui s'installait de nouveau, toujours sans prendre la peine de lui demander comment il se sentait en sa présence.

- Bon week-end ? J'ai voulu prendre un peu de temps libre pour aller voir mes parents encore une fois, mais t'as vu qu'ils sont en pleine discussion pour lever l'interdiction du crin de licorne dans les vêtements ? J'ai du envoyer tellement de hiboux que ma maison commence à ressembler à la poste.

Elle marqua une pause pour boire une gorgée de son thé et Draco saisit finalement son ouverture.

- Granger, dit-il lentement. Qu'est-ce que tu fous ?

Elle l'observa, troublée.

- Désolée quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire ?

Draco souffla d'irritation.

- Qu'est-ce que tu fais, là ? Avec moi ?

Il fut soulagé de voir une légère rougeur apparaître sur ses joues. Tant mieux, il avait de l'effet sur elle et maintenant il n'était plus le seul mal à l'aise.

- Je pensais que, tu sais – j'étais juste... Tu veux que je m'en aille ?

- Non !

Sa réponse devait-elle être si rapide et désespérée ? Maintenant Granger avait l'air encore plus perdue.

- Ok, commença-t-elle doucement. Je pensais juste que tu étais... D'accord que je me joigne à toi. Si j'ai fait quoi que ce soit qui t'ai offensé alors je –

- Non ! Ce n'est pas ça !

Il la coupa car il savait parfaitement comment allait se terminer sa phrase et s'il entendait ces mots sortir de sa bouche, il aurait besoin d'au moins 14 Philtres de Paix pour finir la journée.

- Qu'est-ce qu'il se passe alors ?

Oh par Merlin, elle avait l'air inquiet à présent. Sa pitié allait le rendre malade.

- Ecoute, je veux juste savoir... Pourquoi est-ce que tu es venue me voir en premier lieu ? Pourquoi est-ce que tu continues à venir jusqu'ici tous les matins ?

Il espérait ne pas avoir l'air trop pathétique mais merde, il avait besoin de savoir.

Hermione le regarda pensivement et il observa la compréhension naître dans ses yeux. Elle voyait parfaitement ce qu'il lui demandait.

- A chaque fois que je te regarde, je me vois.

Draco remarqua que ses mains s'agrippaient à son mug fermement, comme s'il la raccrochait à la table. Elle prit une inspiration profonde et poursuivit :

- S'il te plaît ne – ne te vexe pas, s'il te plaît. Je sais que je dépasse les bornes. Mais ce regard, ce regard si spécial que tu as... Je ne l'ai jamais vu ailleurs. Uniquement quand je regarde dans le miroir.

Elle s'arrêta là - peut-être pour laisser une chance à Draco de lui hurler dessus, ou de riposter ou de simplement s'en aller - mais Draco eu l'impression qu'une force invisible le maintenait en place et qu'il ne partirait pas, même pour tout l'or du monde. Si c'était la seule et infime chance pour qu'une autre personne sur cette foutue planète le comprenne, alors il la prendrait. Même si cette personne était Hermione Granger.

- Je ne pense pas que je puisse l'expliquer correctement. Je viens ici chaque matin parce que ce sont les seuls brefs moments où je peux exister anonymement. Je n'ai pas à répondre à tout ce qu'on attend de moi. Je peux juste exister. Je ne suis pas « la sorcière la plus brillante de son époque » ou « l'acolyte féminine intelligente d'Harry Potter ». Je suis juste une femme, s'en allant au travail et qui savoure son thé du matin. Mais dernièrement je pense que je me suis trop reposée sur ce sentiment. Je m'inquiète du fait que si je le laisse prendre le dessus... Si j'en ai besoin de plus en plus... Alors qu'est-ce que ça veut dire de la vie que je mène ?

» Donc, ces derniers temps, depuis que je te vois ici, j'ai cru que je l'avais imaginé. Tous les jours, je te regardais juste pour m'assurer que je n'avais pas rêvé. Parce que tu es un rappel si puissant de ma vie cachée que j'essaie de repousser le matin – de ma vie magique – que ta présence n'a cessé de me sortir de ça. Et quand tu me regardais... Je me suis dit que tu étais peut-être là pour les mêmes raisons. Simplement exister, paisiblement, ce petit instant de la journée. Tu vois ce que je veux dire ?

Il voyait ce qu'elle voulait dire. Il voyait si foutrement bien ce qu'elle voulait dire que Draco ressentit un étrange mélange de pur chagrin et d'euphorie monter en lui. Mais avant de s'abandonner à ses sentiments, il avait besoin d'une autre réponse.

- Et que pense ton mari de nos rencontres matinales ?

Hermione fronça les sourcils avec confusion.

- Qui ?

- Ton mari. Weasley.

- Ron !?

Son rire lui tira quelques ronflements dont elle n'avait pas l'air d'avoir honte et Draco ne fut pas certain d'avoir compris la blague. Quand elle se remit de ses gloussements, elle lui donna une vrai réponse.

- Ron et moi ne sommes plus ensemble depuis plusieurs années maintenant. On est toujours meilleurs amis, bien sur, mais non, Ron et moi ne sommes ni mariés ni ensemble. Il est avec Padma Patil depuis quelques temps, tu te souviens d'elle ?

- Je crois. Notre promotion. Serdaigle ? Celle à qui il a fait passé un moment spectaculairement atroce au bal de Noël en quatrième année ?

- Oh oui. Il s'est ridiculisé pas mal de fois ce soir là, répondit-elle avec un sourire en coin. C'est un peu devenue une private-joke entre eux maintenant.

Draco ricana mais décida de garder ses commentaires désobligeants sur Ron pour lui-même.

- Alors, dis moi Granger, as-tu épousé l'un de ses nombreux frères ? N'y en a-t-il pas une quinzaine d'autres qui attendent dans les coulisses ?

- Non, dit-elle en levant les yeux au ciel. Et puisque que le fait que je sois toujours une pathétique célibataire à l'air de t'intéresser, je t'épargne cette peine. Je suis sans attaches pour l'instant.

- Oh ! Mh... Je n'étais pas en train de me moquer, dit-il d'un ton blême.

Eh ben super, elle allait disparaître et imaginerait le pire de lui. Mais elle l'observa avec le même air horrifié.

- Oh ! Je croyais que... Bref, peu importe, dit-elle d'une petite voix alors qu'un silence embarrassant s'installait entre eux.

C'était normal de sa part d'imaginer le pire de lui. Après tout, qu'avait-il fait – hormis être un impitoyable harceleur - pour inspirer de la compassion ?

Je suis en contrôle.

- Bon, jouons fairplay Granger. Je reçois des lettres hebdomadaires de ma propre mère qui m'informent que je suis, comment dirais-je ? Toujours un pathétique célibataire. Elle adore aussi me rappeler que je n'ai toujours pas produit d'héritier ou même réussi à construire une quelconque relation.

Ce ne fut qu'un court instant, mais Draco la vit cligner des yeux de surprise face à cette confession – qu'il avait faite juste pour enterrer la hache de guerre - avant de lui offrir une tentative de sourire.

- Ça à l'air assez intrusif. Heureusement, mes parents sont moins indiscrets à propos de ma vie amoureuse. J'aimerais dire la même chose pour Ginny.

Elle baissa les yeux vers sa montre et fronça les sourcils. Avait-elle vraiment l'air de ne pas vouloir partir ?

- Il va falloir que j'y aille. On se voit demain ?

Il acquiesça et elle se leva pour aller au travail.

- Granger, attends.

Il allait paraître désespéré et enfantin, mais il avait besoin d'être sur.

- Ce que tu as dit... A propos de pourquoi tu venais me parler ? Tu l'as parfaitement bien expliqué. Je crois que je pensais juste que tu... te moquerais de moi, finit-il avec amertume, furieux contre lui-même d'avoir révélé ses craintes.

- Non, Malfoy. Je ne ferais jamais ça.

Pas même à toi, ne fut pas dit, mais Draco pu presque le lire sur ses lèvres.


Il tentait de ne pas boire d'alcool les jours de semaine. Mais cette conversation matinale avec Hermione l'avait fait invoquer une bouteille de Firewhisky le soir même, dès qu'il fut rentré du travail. Il s'était versé un verre et s'installé devant la cheminé de sa chambre. Draco avait remué le liquide ambré dans son verre en cristal pendant que les mots d'Hermione résonnaient à nouveau dans son esprit.

« Je n'ai pas à répondre à tout ce qu'on attend de moi. Je peux juste exister » c'était ainsi qu'Hermione avait expliqué sa présence au coffee shop. Et même s'ils ne pouvaient pas être plus différents - Sang-Pur et née moldue, Serpentard et Gryffondor, paria et héroïne - elle avait dit reconnaître une similitude entre eux. Si on effaçait certains aspects de leur passé, Draco réalisa qu'elle avait raison.

N'avaient-ils pas été pas tous deux des enfants chargés de faire des choses que la plupart des adultes étaient trop lâches pour accomplir ? Ils partageaient même certainement quelques cauchemars. Ils avaient tous les deux survécus, contre toute attente. Et au vu de sa confession de ce matin, il semblerait qu'ils fassent de leur mieux pour ne pas s'écrouler sur eux-même depuis.

Donc elle ne s'était pas marié au Weasley en fin de compte. C'était un élément tout à fait interessant. Draco était parti du principe qu'ils étaient un couple marié et heureux depuis un certain temps maintenant, avec au moins quatre enfants. Mais en fait, s'il réfléchissait bien à ce qu'il savait de Granger – et en gardant à l'esprit ces mots aujourd'hui – c'était logique. Le monde entier attendait que Granger et Weasley fassent exactement ça. Il se demanda comment les choses s'étaient finies entre eux, mais su qu'il ne pourrait jamais poser la question. Hermione semblait être passée au dessus de cette relation, si son fou rire voulait bien dire quelque chose.

Draco termina son whisky en une gorgée et décida qu'il n'avait pas très envie de diner.


- Bonjour.

- Granger.

Hermione s'assit en face de Draco avec un sourire timide et il réprima l'envie de lever les yeux au ciel et de faire un commentaire acerbe. Pas la peine jouer les crétins si vite.

Elle avait l'air fatigué aujourd'hui. Avait-elle passé la nuit éveillée à se remémorer leur conversation de la veille ? Il devait probablement avoir l'air d'un mort vivant.

- Malfoy, au sujet d'hier...

Oh par Merlin, c'est parti. Bien sur qu'elle voudrait discuter de ses putains de sentiments à propos de leur conversation.

- Non, Granger, ça va ne –

- Non, écoute Malfoy je ne veux pas que tu penses que j'essayais de –

- Granger, sérieusement ça n'a pas d'importance, oublie ça et... Bordel de merde, de qui on se moque ?

Il n'avait pas prévu de laisser transparaître son irritation mais elle l'avait mit hors de lui en une minute et son plan pour être aimable avait volé en éclat.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- De qui on se moque ? Toi et moi, on est pas... Bref, c'est juste étrange tout ça et tu ne penses pas que c'est naïf de croire qu'on est juste deux potes du collèges qui se retrouvent? On ne l'a jamais été et tu le sais. Il y a trop d'histoire entre nous.

Pourquoi, pourquoi, pourquoi faisait-il ça ? Pourquoi avait-il ce besoin de tout foutre en l'air dans sa vie ? A cause de ce que tu as fait. A cause de tout ce que tu as fait. Surtout à elle.

- Tu as raison, répondit-elle calmement.

Draco acquiesça d'un air maussade, sachant que peu importait ce que représentaient ces matins pour lui, ça n'avait plus d'importance à présent. Granger partirait et quand elle le ferait, il resterait là. Un anonyme dans le monde, seul avec les voix dans sa tête.

Mais elle ne parti pas. A la place, Hermione se racla la gorge, dégagea quelques boucles de son épaules et lui tendit la main.

- Salut. Je suis Hermione Granger.

Draco fixa sa main tendue. Son regard se levant rapidement vers ses yeux bruns et il n'y vit aucune moquerie, aucune tromperie. Granger n'était que passion et sincérité. Il regarda de nouveau sa main et tout ce qu'elle représentait. Une chance. Un nouveau départ. Et à ce stade pour Draco, une ligne de survie.

Il prit la main qu'elle lui offrait.

- Draco Malfoy.


Merci à tous et à toutes pour votre lecture, n'hésitez pas à me faire vos retours (que ce soit pour me corriger ou pour me donner votre avis).

La suite le 4.01

A bientôt !