Réponse aux anonymes : Avril : merci pour tes reviews, j'espère que la suite te plaira :)
Bonne lecture !
Chapitre 5
Quatre heures plus tard, John et Mary avaient eu le temps de faire leurs devoirs, réviser leurs derniers examens de la semaine à venir, et tenté d'aider Sherlock à plusieurs reprises, en acceptant d'écouter toutes ses avancées et ses théories. Il réfléchissait mieux à voix haute.
Et le moins qu'on pouvait dire, c'était qu'il avait avancé.
Il y avait plusieurs douzaines de personnes s'appelant Morstan au Royaume-Uni. Mary avait toujours trouvé cela inutile, d'abord parce qu'elle n'en avait rien à faire de son ascendance, ensuite parce qu'elle gageait que les assistantes sociales avaient forcément dû faire ces recherches quand ils l'avaient trouvée.
Mais Sherlock n'était pas comme eux. Ils avaient accès (tout à fait illégalement, au demeurant) aux bases de données de l'état, ce qui lui permettait, à travers les déclarations des individus, de retracer tous ceux susceptibles d'avoir eu un enfant dix-huit ans plus tôt.
Et il s'avérait que cela réduisait sacrément le champ des possibilités.
Il avait ensuite concentré ses recherches sur deux points : la couverture, dont la qualité laissait supposer un haut niveau de vie, et l'enfant morte qui portait exactement le même patronyme que Mary.
Le fait que cette petite fille morte dans un accident ait eu des parents manifestement très aisés, bien le genre à avoir une couverture monogrammée ne faisait que rajouter à ses suspicions.
John pouvait voir son esprit foisonner de liens, d'hypothèses et de possibilités.
— C'est assez fascinant à observer, je dois le reconnaître, indiqua Mary.
Sherlock en pleine réflexion était un spectacle passionnant. Il avait tenté d'appeler des boutiques et fait des mails à d'autres pour tenter de connaître la provenance de la couverture, faisait trois trucs à la fois, bondissait de l'ordinateur à son téléphone au carnet dans lequel il prenait des notes, tout en observant parfois Mary très intensément, pour tenter de déterminer si elle ressemblait à telle ou telle photo d'un ou d'une Morstan, dont il piratait les comptes sur les réseaux sociaux au passage.
— Ouais, je trouve aussi, répondit John en rayonnant de fierté.
Il ne faisait rien pourtant, mais il avait toujours l'impression que le génie de Sherlock rejaillissait sur lui.
— Tu restes dîner ? demanda John. Il est tard.
Mary se mordit la lèvre.
— Tu penses que je peux rester dormir, si j'envoie un SMS à mon père d'accueil ? En ce moment, ils accueillent deux autres jeunes ados en situation d'urgence et la maison est un peu pleine.
Mary n'avait rien de particulier contre les gens, mais elle n'appréciait pas pour autant leur compagnie. Au foyer, ça ne lui posait pas de souci car par essence, il y avait toujours du monde. Mais en famille d'accueil, cela dépendait de la composition du foyer accueillant, et de si ceux-ci avaient d'autres placés à charge en même temps. Ça pouvait aussi bien aller de deux ou trois personnes à huit autour d'une table, et Mary avait du mal avec ça.
— Il te laisserait dormir à la maison ? demanda John.
— SI je le préviens, oui. Il serait même ravi de se débarrasser de moi un soir.
— Ils ne s'occupent pas bien de toi ? Je croyais que ça allait.
— Ça va, répondit Mary. Mais je vais avoir dix-huit ans en février, ils n'ont pas l'habitude d'avoir des gens si vieux. Et puis les deux gosses en situation d'urgence, c'est compliqué aussi. Ils sont gentils, mais totalement trauma. Pas évident au quotidien. Mais ils essayent quand même de s'occuper de moi, vérifier que je suis pas laissée pour compte, tu vois ce que je veux dire. Une soirée où je ne suis pas là, c'est jamais qu'une soirée où ils seront un peu plus libres.
John hocha la tête.
— Je vais demander à Violet. Mais ça ne devrait pas poser de problème, je pense. Tu prendras ma chambre et je dormirai avec Sherlock, c'est pas un souci pour moi.
— Qu'est-ce que tu fais là ?
John releva la tête de son téléphone, surpris d'entendre la voix de Sherlock. Il semblait perdu dans sa tête depuis un sacré moment, et n'était que peu remonté à la surface, même pendant le dîner. Violet avait accepté sans aucune difficulté que Mary dorme à la maison, à la condition que John partage sa chambre avec Sherlock, ce que tout le monde avait accepté. Ce n'était pas comme s'ils manquaient de place dans le manoir des Holmes.
Violet et Sieger adoraient Mary, et celle-ci le leur rendait bien. Elle n'avait jamais présenté la moindre jalousie à l'égard de John, qui avait été adopté et avait désormais une famille bienveillante auprès de lui, et elle appréciait sincèrement les soirées en famille des Holmes. Même si ça impliquait que Sherlock était là physiquement sans décrocher un mot car perdu dans sa tête, que Violet parfois s'absentait brutalement à cause d'une fulgurance mathématiques, et que Sieger semblait le seul normal dans l'affaire.
Rapidement fatigué, John avait laissé Mary se reposer et lui avait prêté sa chambre comme convenu, et après une douche rapide, il avait rejoint celle de Sherlock, et sa place dans le lit, comme la veille.
Et même si son meilleur ami n'avait pas été très attentif à tout ce qui s'était produit depuis deux ou trois heures, John croyait quand même qu'il avait suivi les grandes lignes.
— Ben j'dors. Enfin, je joue sur mon téléphone là, mais je dors ici ce soir.
— Ah bon ? s'étonna Sherlock.
John était capable de dire qu'il était totalement revenu à la surface. Ce n'était pas juste un rapide passage dans la réalité avant de replonger aussi sec dans les méandres de ce qu'il appelait son Palais Mental, mais qui était encore extrêmement fragile. Il lui arrivait souvent de se perdre dans sa tête pour le consolider, surtout quand il avait beaucoup sollicité ses fonctions intellectuelles. John ne comprenait pas trop le lien de cause à effet, mais quand Sherlock utilisait son génie — comme en lui proposant de résoudre le mystère de la vie de Mary — après il avait besoin de se reposer à l'intérieur de lui-même et de consolider son propre cerveau pour éviter de s'épuiser et de tout détruire. Ça n'avait pas vraiment de sens pour John, parce que son cerveau était normal. Ce que Sherlock décrivait, on aurait dit un jeu vidéo, avec des barres de vie, et des moments de repos pour gagner de l'énergie, et pour ranger son inventaire plus efficacement pour retrouver les armes, les artefacts et les potions lors du prochain combat. Ça paraissait aberrant que ça existe pour de vrai, mais l'effet se vérifiait à chaque fois en ce qui concernait Sherlock.
Quand il avait fini, il revenait à la réalité, et il s'y ancrait pour de bon. Même si ça lui prenait parfois quelques minutes pour recoller tous les morceaux ensemble et savoir ce qui s'était passé durant son indisponibilité mentale, John voyait au fond de ses yeux qu'il était vraiment là.
Et il en était content. Il aimait passer des soirées avec ses parents adoptifs, ou du temps avec Mary, parce qu'elle était son amie. Mais il avait besoin de Sherlock dans son existence. Ça faisait une demi-heure qu'il envisageait vaguement de dormir mais que le jeu stupide sur son mobile le tenait éveillé à causes de vies supplémentaires qu'il ne voulait pas gâcher, et au final il remerciait les concepteurs du jeu de le rendre stupidement addictif. Au moins il était toujours éveillé quand Sherlock lui revenait.
— Mary est dans ma chambre. Donc je dors avec toi, précisa-t-il.
Adossé contre la tête de lit, Sherlock allongé à ses côtés, il vit clairement les yeux de son ami papillonner furieusement, alors qu'il refixait ses idées. C'était un spectacle fascinant. Sherlock avait des cils de fille. Mary le lui avait déjà dit, et elle n'était pas la seule. Des tas de femmes tueraient pour avoir ses cils sans avoir à apposer le moindre mascara et John, que Dieu lui pardonne, avait une grande fascination pour les yeux de Sherlock.
— Ah oui. Maman a dit oui. Elle reste dormir. D'accord. Et les sablés ?
Le cœur de John se gonfla. Sherlock n'avait pas oublié qu'en théorie, ils auraient dû faire leurs gâteaux de Noël aujourd'hui.
— C'est encore le week-end demain. Mary ne restera pas au-delà du petit déj, promis. On aura tout notre temps. C'est la tradition.
Sherlock lui sourit, se redressant pour venir s'assoir sur le lit, dépliant chaque centimètre de son corps, étirant son dos, ses bras, ses jambes. Ça aussi, il le faisait toujours après une longue période à l'intérieur de lui-même. Comme s'il avait besoin de se réapproprier son corps, de retrouver des sensations.
Et comme toutes les fois où il avait été témoin de ce spectacle, John le vivait difficilement. Tandis que lui s'amusait au rugby durant toutes ses années de collège et lycée, Sherlock avait pratiqué la danse classique et les arts martiaux, n'importe lequel tant qu'il apprenait à se défendre et maintenir ses attaquants hors de portée, puisqu'il haïssait être touché par n'importe qui.
Il y avait gagné un corps fin, musclé, et dont il était parfaitement conscient jusqu'au bout des ongles. Quand il s'étirait, c'était en toute conscience qu'il faisait bouger chaque muscle à chaque endroit de son corps. Et quand, comme aujourd'hui, il portait son pyjama habituel d'hiver, en soie légère qui ondulait autour de son corps, eh bien John pouvait littéralement voir chaque muscle se contracter sous le tissu fin du vêtement. Quand Sherlock levait les bras pour les étirer vers le ciel, le haut de son pyjama remontait avec lui, dévoilant une bande de peau dans le bas de son dos et sur ses abdos dessinés, et John sentait sa bouche s'assécher.
Il luttait vraiment de toute ses forces pour chasser les images qui dansaient dans son esprit, celles où il posait la main au creux des reins, où se bouche se posait sur le ventre, où sa langue redessinait le tracé des muscles abdominaux. C'était mal. Il ne devait pas.
— Tu vas bien ? demanda-t-il à la place. J'commence à être crevé et j'ai envie de dormir.
— Dors. Je n'ai pas sommeil. Tu veux du violon ?
Le regard enchanté de John parlait pour lui. Hochant la tête, Sherlock sortit du lit — et mit fin à la vue de John, ce qui n'était peut-être pas si mal, après tout, personne ne pouvait prédire ce qui se produirait si ça durait trop longtemps — et traversa la pièce pour trouver son archet.
— J'allume ta lampe de chevet, indiqua John. Tu peux éteindre le plafonnier.
Il était certes capable de dormir avec la lumière allumée, mais pas quand la chambre était illuminée comme Versailles. Sherlock obéit, remit la main sur son violon. John brancha son téléphone à charger pour la nuit, se glissa sous les couvertures de son côté, et ferma les yeux. L'archet se mit à danser sur les cordes, baignant la pièce d'une douce mélodie. Douce nuit, sainte nuit. Sherlock était dans le thème de Noël. John adorait ça.
Il se laissa bercer par les cantiques.
Il avait chaud. Le brasier le brûlait. La peau, les cheveux, les yeux. Il n'entendait plus rien, et sa vision était de plus en plus réduite à cause de la luminosité trop importante du feu. Il hurla, mais il n'entendit aucun cri. Pourtant, il savait qu'il hurlait. Il appelait Papa. Maman. Harry. Il était dans la voiture, il devait les sortir de là, ils étaient au milieu des flammes, il devait sortir, ils devaient tous sortir. Il faisait trop chaud. C'était trop lumineux. John ne voyait plus rien. Il y avait trop de lumière. Ou bien c'était ses yeux qui avaient brûlé. Il ne savait plus.
Il se réveilla en hurlant, le même cri qu'il tentait de pousser dans son rêve. La pièce était entièrement plongée dans le noir. Il ne savait pas où il était.
— JE SUIS AVEUGLE, hurla-t-il en pleurant.
La crise de panique était l'une des plus violente de ces dernières années. Il s'était fait à l'idée que ses parents étaient morts, et il n'en cauchemardait plus aussi souvent qu'avant. Mais cette fois, le rêve, avait été réaliste. Il avait réellement senti la brûlure du feu sur sa peau, sur son visage, ses yeux. Dans sa chambre à lui, il y avait toujours une veilleuse, très faible mais bien présente. Il y avait aussi les étoiles phosphorescentes, collées au mur. John avait conscience que ça faisait gamin de huit ans, mais Sherlock les avait installées pour lui, après son emménagement, précisant pour le rassurer quand il faisait des cauchemars, et ça fonctionnait.
Mais ici, dans la chambre de Sherlock, le génie dormant dans le noir le plus complet, il n'y avait rien pour le rassurer quand il se réveillait au milieu de la nuit.
Et John n'arrivait pas à quitter son rêve, durant quelques secondes. Il pleurait toujours, tremblant et frémissant, persuadé d'être aveugle, que ses yeux avaient brûlé dans un incendie qu'il n'avait même pas vécu.
Et puis le miracle survint.
— John, je suis là.
La voix, chuchotée à son oreille. La lumière, allumée dans un petit clic sur son interrupteur. Les bras de Sherlock qui se refermèrent autour de lui, accompagnant son mouvement pour ne pas le blesser.
— Shhhh, tout va bien. Je suis là.
— Je ne suis pas aveugle, bégaya John.
Il voyait son corps. Il voyait ses mains. Il voyait les bras de Sherlock contre lui qui le tenaient. Il voyait les draps du lit, la couette repoussée au loin quand son réveil en sursaut l'avait redressé. Il ne voyait pas Sherlock, qui était derrière lui, mais il sentait son odeur. Il connaissait cette odeur par cœur, sans être capable de l'expliquer. Ils avaient pourtant le même savon et le même shampooing, mais Sherlock sentait différemment. Il sentait lui.
— Tu n'es pas aveugle, confirma Sherlock. Et tu es en sécurité à la maison, avec moi. Tout va bien.
La rationalité avait beau revenir doucement à John, il continuait de trembler. Et même pas parce que Sherlock le pressait contre lui, uniquement à cause de son cauchemar. Ce qui le faisait se sentir vaguement pathétique, s'il devait être honnête.
— Je ne te lâche pas, indiqua Sherlock. Calme-toi. Tout va bien.
Il prononçait chaque mot lentement, à voix basse, détachant les syllabes. John avait parfaitement conscience que c'était une technique de manipulation visant à l'apaiser, et descendre son rythme cardiaque erratique, ça fonctionnait parfaitement bien.
Sherlock dut sentir qu'il se détendait contre lui, que ses muscles se relâchaient car lui-même desserra légèrement son étreinte.
— Allonge-toi tranquillement, ça va aller. Je t'accompagne.
Même en pleine possession de ses moyens, John n'était pas capable d'aller à l'encontre d'un ordre de Sherlock. Alors au milieu de la nuit, le corps frémissant de terreur et le cerveau saturé, il n'allait certainement pas discuter.
Il se laissa glisser sans la moindre élégance, comme s'il essayait de tomber sur le matelas. Et Sherlock, avec douceur, accompagna le mouvement pour qu'il ne tombe pas, mais s'allonge tranquillement, bien au chaud sous la couette. Et même quand John fut totalement installé sur le flanc, il ne l'avait toujours pas lâché, s'installant dans son dos, l'enveloppant de tout son corps.
— Tu veux respirer profondément avec moi ? proposa Sherlock à son oreille.
En cet instant précis, John en avait bien besoin. La panique, la douleur, la terreur et le cauchemar refluaient. Relégués très loin dans son esprit, qui balbutiait et hurlait tout à la fois des mots en vrac du genre « Sherlock, cuillère, moi, autour, derrière, jambes, blllblnjkdna-biiiiiiiiip » et rupture d'anévrisme.
Car si Sherlock pensait que leur position était anodine, il n'en était rien. Le jeune génie était beaucoup plus grand que John. Il l'entourait totalement, son torse épousant son dos. Son bras droit était sous la nuque de John, le gauche passait sur sa taille et avait trouvé la main jumelle pour la saisir et la poser sur le cœur battant de John. Et ses jambes se collaient à celles de John, voire s'emmêlaient au niveau des chevilles. Durant toute leur vie ensemble, ils avaient partagé de nombreux moments d'intimité, et un lit à de nombreuses reprises.
Pourtant, c'était la première fois qu'ils parvenaient dans une telle position, et que John était douloureusement conscient que si Sherlock avait été nu, ça aurait été absolument parfait pour le pénétrer.
Au passage, il réalisa qu'il avait toujours aimé Sherlock, et l'avait physiquement désiré, mais jamais en imaginant être le passif des deux. Pourtant, à cet instant là, ça ne lui aurait posé aucun problème. Voire il le désirait.
— Ou tu peux me raconter, si tu préfères. Si ça peut t'aider, ajouta Sherlock.
Sa voix était douce et basse. Il avait laissé la lumière de la lampe de chevet, et son ampoule orangée projetait une lumière réconfortante. La voix de Sherlock, si John avait dû la décrire, avait exactement la même teinte que la lumière.
En outre, son souffle venait s'échouer contre l'oreille de John, à la fois caresse et chatouille, et ça faisait presque physiquement mal tellement c'était bon.
— Désolé, répondit-il à la place, se concentrant de toutes ses forces pour essayer de contrôler son bas-ventre. Je suis un peu pathétique, là non ?
— Je ne vois pas en quoi.
— Me réveiller en pleurant et en tremblant à cause d'un cauchemar... je n'ai plus six ans.
— À six ans, tu ne cauchemardais pas parce que tu n'avais pas de traumatismes. Tu étais un enfant heureux, et on t'a pris ce bonheur. Il n'y a rien de pathétique à ça.
Il était plus simple pour eux d'avoir cette conversation sans se regarder. John se sentait plus en confiance pour dire tout ce qu'il n'osait pas avouer en temps normal.
— Je pensais l'avoir dépassé, ce traumatisme. Ça faisait longtemps que j'avais pas eu de mauvais rêves de ce genre. Je m'en veux quand même, j'espère n'avoir réveillé personne. Déjà toi, je trouve que ça fait trop.
— Je me fiche de dormir, John. Je suis ravi que tu me réveilles, si c'est pour t'aider à aller mieux.
La sollicitude dans la voix de Sherlock, c'était presque trop. John en arrivait presque à détester la mue qu'il avait connu à l'âge de quatorze ans, lui permettant de gagner cette voix profonde qui lui faisait penser à du chocolat fondu.
— Et je pense que la situation de Mary t'a sans doute plus remué inconsciemment que tu ne le pensais. C'est tout.
John médita sur ces mots un instant. Sherlock n'avait pas tout à fait tort. Il voyait Mary tous les jours au lycée, mais il ne pensait pas, dès qu'il la voyait, à son statut d'orpheline. C'était un être humain et c'était son ami avant d'être un statut familial particulièrement triste. Mais la veille, ils avaient tellement fait de recherche pour tenter de trouver le passé de la jeune femme que cela avait dû s'insinuer en John, lui rappelant sa propre condition d'orphelin.
— Sherlock... est-ce que c'est mal de penser que parfois, j'aurais voulu être dans la voiture avec eux ? demanda John à voix basse.
Sherlock se raidit légèrement, dans son dos. Mais John continua vaillamment.
— Je ne suis pas suicidaire, je ne veux pas être mort, pas vraiment. Je ne veux pas brûler vif, être blessé et perlcus de fractures ouvertes, ou avoir la moelle épinière sectionnée par le choc. Mais c'est juste que parfois, je me dis... que quelque chose est absurde. Je n'étais pas avec eux, parce que j'étais avec toi. Je ne suis pas mort parce que tu m'as sauvé, et aujourd'hui je vis encore parce que tu es là, que ta famille m'a sauvé, que tu as continué à me sauver. Mais... c'est tellement de contraintes. Pour toi, pour Violet, pour Sieger, même pour Mycroft. Vous avez mis tellement d'énergie pour moi, et d'argent de la part de tes parents. Si j'avais été dans la voiture, tout serait fini. Personne n'aurait de chagrin d'être le survivant car on serait tous morts. Personne n'aurait de culpabilité de faire peser son existence à des gens trop bons pour être vrais car on serait tous morts. Personne ne cauchemarderait au milieu de la nuit en gâchant le sommeil d'un autre car on serait tous morts. Je sais... que si c'est moi qui étais mort, et que Harry était vivante par exemple, je voudrais qu'elle vive à fond sans être triste pour nous. Et... je suis heureux de vivre, Sherlock, de vivre avec toi, de savoir que tu seras toujours là dans mon existence et que je serai toujours dans la tienne. Et je suis heureux de vivre à fond, de profiter de tout le temps qui leur a été volé. Je sais que tu crois pas en Dieu, moi non plus, je sais pas si je crois au Paradis, mais quelque part, je veux quand même croire qu'ils sont heureux pour moi. Mais parfois, je pense que j'aurais voulu être dans la voiture avec eux.
Son discours manquait sans doute de cohérence, mais il était profondément sincère.
— Je ne crois pas que ça soit mal, finit par répondre Sherlock. Tu as le droit de ressentir ce que tu veux. Cela dit, il paraît que je suis sociopathe ou psychopathe, ou les deux à la fois, alors j'imagine que je suis très mal placé pour te répondre.
John laissa échapper un éclat de rire étranglé. Sherlock avait essuyé son lot d'insultes plus ou moins imaginatives, au lycée. Il n'avait jamais cherché à se défendre, et John non plus. Ça les amusait plus qu'autre chose. Même si parfois, John se disait que c'était partiellement sa faute, à force de le traiter de génie et d'applaudir à chacun de ses éclats depuis l'enfance, il ne pouvait pas décemment devenir autre chose que terriblement arrogant.
— Mais en ce qui me concerne, je suis très heureux que tu sois en vie. Que tu n'étais pas dans cette voiture. Je suppose que c'est objectivement quelque chose que je ne devrais pas dire mais... Si tu étais mort, je n'aurais pas été capable de survivre.
— Pourquoi il faudrait ne pas le dire ?
— Parce que toi, tu as dû survivre au décès de ta famille. Il semblerait déplacé que je reconnaisse ne pas être capable de faire de même si cela m'arrivait, alors que tu n'as pas eu le choix.
John haussa les épaules. Sentit plus distinctement au passage le visage de Sherlock contre ses omoplates.
— Dis ce que tu veux. Pour ce que ça vaut, je crois aussi que si tu mourrais, je n'y survivrais pas.
— Je propose une solution efficace pour ça, alors : ne mourrons pas, asséna Sherlock, totalement sérieux.
John eut envie de rire de nouveau. Les brumes de son cauchemar semblaient bien loin. Il était au chaud, à la maison, en sécurité, avec Sherlock. Il n'y avait pas de meilleur endroit au monde.
— Ça marche, répondit-il avec autant de sérieux que son ami. On peut s'endormir comme ça, s'il te plaît ? J'ai pas envie de refaire une crise d'angoisse, si tu me lâches.
C'était entièrement faux. Il ne se sentait pas du coup encore sur la brèche, capable de vriller à la moindre peccadille. Mais il voulait dormir ainsi. Ou au moins s'endormir. Il savait que Sherlock ne dormirait pas. Il ne savait pas dormir autrement que sur le ventre. Mais il serait capable de rester ainsi jusqu'à l'endormissement de John, voire après, juste pour s'assurer qu'il allait bien et qu'il prenait le repos que lui-même se fichait de prendre pour lui.
— Bien sûr, acquiesça Sherlock.
Ce fut là que l'improbable se produisit. À l'appui de ses mots, il hocha la tête, la décalant pour cela au-dessus de l'épaule de John. Dans l'encolure de son pyjama, au creux de son cou, il sentit le visage de Sherlock se frotter contre lui, la barbe naissante invisible du génie qui piquait tout doucement. Puis Sherlock poursuivit son mouvement, abaissa davantage son visage, nicha son nez contre la jugulaire de John.
Et ses lèvres pressèrent, un bref instant, juste là, entre l'épaule et le cou, la peau nue libérée par le haut de pyjama lâche que John portait.
Ce ne fut rien, presque une caresse fantôme, mais John pouvait affirmer sur tout ce qu'il avait de plus sacré que c'était bien les lèvres de Sherlock Holmes dans le creux de son cou.
La sensation s'évanouit presque aussitôt, mais John n'avait pas rêvé.
— Je vais éteindre, décréta Sherlock sur un ton beaucoup trop fébrile pour ne pas pousser John à s'interroger.
Mais cela resta au fond de ses esprit, son imagination galopant à toute vitesse. Il sentait, derrière lui, Sherlock qui s'éloignait, se retournait à moitié, s'étirait pour atteindre l'interrupteur de la lampe de chevet et replonger la chambre dans le noir.
Il revint ensuite se positionner contre John, posant sagement sa main sur la hanche de son ami, l'autre toujours sous son cou. Mais il se tenait plus loin qu'avant. Pas de beaucoup, juste assez pour que John se pose des questions. Lui-même luttait contre l'érection irrépressible qui s'était déclarée quand Sherlock l'avait effleuré de sa bouche, et qu'il avait bien du mal à calmer. S'il avait dû se coller contre Sherlock, ses sentiments physiques auraient été plus qu'évidents. Se pouvait-il que Sherlock veuille éviter qu'il ne sente quelque chose de similaire, et que ce soit la raison pour laquelle il restait un peu plus loin, que ses jambes ne soient plus emmêlées à celles de John ? Ou bien au contraire, il voulait donner de l'espace à John pour lui permettre de se calmer, et de faire redescendre la pression (et le reste) ?
L'esprit de John paraissait si foisonnant de possibilités, et parfaitement incapable de dire à son meilleur ami « hé, je bande en fait, et toi ? » si bien qu'il ignorait comment il allait réussir à s'endormir dans ses conditions.
Puis la voix étouffée de Sherlock lui parvenait, tendre mélodie à son oreille. Sherlock ne chantait pas très bien, sa voix ne se prêtait bizarrement pas vraiment à l'exercice, mais il avait l'oreille absolue, une incroyable capacité de composition, et il avait le sens de rythme. Ainsi, quand bouche fermée, il chantonnait à base de mumulements les mélodies qu'il avait l'habitude de jouer au violon pour John, ce dernier se relâcha totalement. Il ferma les yeux, et s'abandonna au murmure doux derrière lui, et au sommeil qui vint le cueillir plus tôt que prévu.
Au réveil, Sherlock avait disparu, ce qui n'était pas une surprise, et n'avait rien d'inquiétant. Il dormait toujours moins que John. Même si pour le coup, il avait vraiment dû peu dormir. Il avait tenu jusqu'à ce que John dorme suffisamment profondément pour ne pas recommencer à cauchemarder, puis il avait enfin pu le lâcher pour adopter sa posture de sommeil, il ne devait plus lui rester beaucoup d'heures de sommeil.
Sur le chemin pour le petit déj, John vérifia d'un bref coup d'œil que son génie de meilleur ami était dans son laboratoire, et semblait physiquement aller bien. Il n'alla pas l'embêter. Sherlock saurait lui dire s'il avait besoin de compagnie.
Puis il vérifia que Mary était réveillée, en profita pour récupérer des fringues dans sa chambre, avant qu'ils n'aillent déjeuner tous les deux.
— Je t'ai entendu crier cette nuit, non ? Ça va ? interrogea la jeune femme après les politesses d'usage du genre « tu as bien dormi, oui merci ton lit est très confortable ».
— Ouais, cauchemar, répondit John. Ça va. Sherlock m'a calmé.
Mary le regarda d'un air soupçonneux. John n'avait pas vraiment prévu de lui dire, estimant que sa conversation nocturne avec Sherlock et ce qui s'était ensuivi ne regardait qu'eux... et il se retrouva, dix secondes plus tard, à tout lui raconter dans les moindres détails. Il était résolument très faible face au regard accusateur de Mary. Elle n'avait rien besoin de dire pour le faire parler, il lui suffisait de quelques mimiques avec ses yeux. C'était presque frustrant, d'être aussi faible.
— Waoh, commenta Mary à la fin de son récit. Il est fou de toi à un point que je ne pensais pas.
John se mordit les lèvres, gêné. Ils étaient assis en tailleur face à face sur la moquette de la chambre de John, tout petit déjeuner complètement oublié.
— Quoi ? demanda-t-il, surprise. Tu vas pas le nier là quand même ? Tu le vois, non ? C'est d'une évidence à crever les yeux. Il te calme, te prend dans ses bras, te serre contre lui, écoute tes questionnements existentiels d'orphelin au milieu de la nuit, t'embrasse, te chante des berceuses jusqu'à ce que tu t'endormes... qu'est-ce qu'il te faut de plus, à la fin ? Un panneau clignotant lumineux disant « John, je t'aime » ?
Tout son sarcasme ne suffisait pas à apaiser John. Bien sûr, présenté comme ça, ça paraissait évident. Presque simple. Dans n'importe quel film, les indices auraient été suffisamment gros pour que le spectateur hurle au cliché. Dans la vraie vie, tous les détails prenaient une dimension majeure et faisaient pencher John d'un côté ou de l'autre.
— Tu oublies deux choses, répondit-il. Deux problèmes majeurs.
— Lesquels ? demanda Mary d'un ton de défi qui disait clairement « vas-y, challenge-moi, j'ai réponse à tout et je vais les détruire, tes arguments ».
Si seulement ça avait pu être si simple.
— Premièrement... admettons que tu aies raison. Je dis bien « Admettons ». Admettons que Sherlock ait des... sentiments pour moi. Des sentiments qui sont différents de ceux qu'on a toujours eu l'un pour l'autre depuis l'enfance.
De toute évidence, les précautions de John exaspéraient Mary, mais elle se contenait de manière admirable, attendant impatiemment la suite.
— Comment veux-tu qu'une relation entre nous soit égalitaire ? C'est absurde, Mary. Ça ne pourra jamais jamais marcher. Il est le putain de génie qui connaît l'intégralité des répertoires d'une bonne douzaine de musiciens classiques, et qui me joue ou me chante leurs mélodies pour m'endormir. Il est le mec qui calme mes crises d'angoisse parce que je suis encore aussi pathétique qu'un môme de huit ans qui fait des cauchemars. Il est l'étudiant brillant qui a deux ans de moins que moi, mais qui a fini le lycée depuis quelques mois alors que je suis en dernière année, et on sait tous qu'il va nous pondre deux ou trois thèses en quelques années. Il est le futur de l'humanité. Il pourrait être la personne qui va découvrir comment guérir le cancer ou créer un vaccin contre le VIH, pour l'amour du ciel. Comment veux-tu que je tienne la comparaison ? Ça ne durera pas plus de cinq minutes.
Mary le regarda avec cet air de condescendance bienveillante, un mélange étrange et pourtant harmonieux, qui pouvait si souvent se peindre sur les traits de Sherlock.
— Premièrement, je pense que tu te dévalorises énormément. Il n'y a rien de pathétique à faire des crises à n'importe quel âge quand on a des traumas comme les tiens. Tu n'es pas un génie, d'accord. Je ne nierai jamais qu'il est plus intelligent que toi, que moi aussi. Voire que nous deux réunis. Mais tu as des qualités qu'il n'a pas, tu es brillant aussi, et tu peux lui apporter une humanité et une bienveillance qu'il n'aura jamais. Et puis...
Elle s'interrompit un instant, pour mieux rassembler ses pensées.
— ... même si on n'est pas très nombreux au village, Sherlock a quand même rencontré beaucoup de gens, depuis le début de sa vie. Et pourtant personne n'a pu te détrôner de la place que tu occupes auprès de lui. Je ne vois pas pourquoi ça changerait. Je ne prétends pas réellement comprendre pourquoi il t'aime comme ça...
John lui renvoya un regard étonné, presque insulté.
— Ne me regarde pas comme ça, idiot. Bien sûr que je sais que tu es l'être le plus mignon, adorable, exquis, divin, insérez les synonymes désirés, de la planète, et pourquoi on peut tomber amoureux de toi. Mais je le sais pour les gens normaux. Pour Sherlock... il y a une part d'incompréhension de savoir pourquoi toi et pas un autre.
— Sherlock n'est pas anormal ! se hérissa John.
Mary fronça les sourcils, avant de réaliser ce qu'elle venait de dire.
— Oui d'accord, pardon, je me suis mal exprimée, c'est pas ce que je voulais dire. Mais bref, ça répond à ton premier argument. Et le deuxième ?
— Toujours le même, répliqua John sans hésitation. Il. Est. Mon. Frère.
Mary leva les yeux au ciel, et pendant un bref instant, John crut qu'elle allait lui jeter quelque chose au visage, n'importe quoi à portée de mains, un oreiller, un plaid, un chausson.
À la place, elle préféra dégainer son téléphone.
— Résolvons ce débat une bonne fois pour toute... marmonna-t-elle. Inceste. Voila. La définition de Wikipédia.
— Quel crédit peut-on accorder à Wikipédia ?
— Ça nous fera une base de travail. Tu écoutes ? Je cite, « L'inceste est un rapport sexuel entre apparentés, frappé d'interdits variables selon les époques, les pays, la nature des liens de parenté, l'âge, les lois en vigueur. Ce peut être une relation entre membres d'une même famille dont le degré de parenté ou d'alliance interdit le mariage civil ou religieux ».
— Ça me paraît être exactement mon cas, répondit John, lugubre.
— Mais non ! s'agaça Mary. Ils disent bien que ça varie, et surtout que ça dépend du lien de parenté.
— Nous sommes frères ! Je ne vois pas ce qu'il te faut !
— Adoptifs ! Vous n'avez aucun lien de sang ! Et ce n'est pas vraiment comme si vous aviez grandi ensemble comme des frères. Tu as été adopté à l'âge de quatorze ans, bon Dieu ! C'est quand même assez grand pour savoir ce tu veux, qui tu aimes. Et tes sentiments n'ont pas brusquement changé quand on a bêtement apposé des signatures et des tampons officiels sur un document !
— « le degré de parenté interdit le mariage », répéta John. C'est exactement le cas, quand même, non ?
— Franchement, je ne sais pas. Tu n'es qu'un Holmes par adoption. Par le rajout d'un tiret. Je suis pas sûre que ça t'empêche d'épouser un Holmes natif. Puis c'est pas comme si tu voulais épouser ta mère adoptive non plus, hein. Quoi que. Tu sais que y'a des Japonais en couple qui sont légalement le parent de l'autre ?
— Pardon, quoi ? s'ahurit John.
— Une sombre histoire d'héritages et de droits encore pas tout à fait au point pour les personnes du même sexe. Quand ils sont en couple et qu'ils veulent pouvoir faciliter la transmission de leur patrimoine dans une société qui reconnaît très mal l'union de personnes du même sexe, y'en a un qui adopte l'autre... comme ça, ils font partie de la même famille et le problème est résolu.
— Waoh, commenta John. C'est fou ce que je me sens mieux, après une telle histoire, vraiment.
— Allez râle pas, c'était juste pour te montrer que ça va, en fait toi !
John leva les yeux au ciel, tandis que Mary poursuivait. Articles à l'appui, elle fit de son mieux pour le convaincre que ce qu'il pensait être un délit ne l'était pas, dans une situation précise, et au vu des éléments de faits. Elle eut du mal à être crédible quand l'article Wikipédia, qu'elle lisait, mentionna que la situation pouvait tout à fait s'appliquer en cas de relation familiales liées à l'adoption. Mais elle insista surtout sur la construction sociétale, et le fait que dans leur cas, qui n'était pas normé par la loi, seule comptait l'appréciation des protagonistes et des tiers impliqués.
— Et en plus, c'est surtout un problème quand y'a un mineur dans l'affaire, parce qu'en plus, il y a viol. Vous avez le même âge !
— Deux ans de moins, marmonna John.
— Un an et demi, corrigea Mary. Il va avoir dix-huit ans dans trois semaines. Il est sexuellement majeur et en mesure de donner son consentement. Et il te serre dans ses bras comme si sa vie en dépendait toute la nuit.
Dire que John n'était pas convaincu était un euphémisme, mais elle voyait vaciller ses résolutions. Clairement, l'opinion de John était biaisée par le fait qu'il avait besoin de barrières, fussent-elles imaginaires, pour s'empêcher d'y croire. Il préférait souffrir toute sa vie de n'avoir rien tenté que de souffrir du rejet. C'était, certes, une réaction parfaitement humaine, mais totalement infondée selon la jeune femme. Sherlock était particulier, et tous les indices habituels qu'on pouvait trouver chez un être humain attiré par un autre (tous ces comportements débiles et souvent stéréotypées, de rouler des mécaniques pour les mecs à glousser pour les filles) était totalement absent de son caractère. Mais dans sa manière bien à lui d'exister, il gravitait littéralement autour de John comme s'il était le Soleil et toute la voie lactée au passage.
Elle tenta de l'achever en lui lisant l'article 10 de la loi de 1956 condamnant l'inceste en Angleterre, et qui mentionnait uniquement comme une infraction le fait pour un homme d'avoir un rapport sexuel avec une femme qu'il sait être sa petite-fille, sa fille, sa sœur, sa demi-sœur ou sa mère, même si le lien de parenté n'est pas juridiquement établi. Sherlock n'entrant en aucun cas dans la définition d'une femme, il y avait peu de chances que John soit un jour inculpé, même ça ne parvenait pas à calmer John. Son blocage était trop profond.
Mary essayait d'argumenter sur le fait que Sieger et Violet n'avaient aucune raison de lui en vouloir même s'il se mettait à furieusement rouler des pelles à leur deuxième fils biologique quand on frappa soudain à la porte, et que Sieger entra dans la pièce.
— John ? Sherlock ? appela-t-il en entrant.
— J'suis là ! Sherlock est dans son labo, répondit aussitôt John en se relevant précipitamment.
Il ne faisait rien d'autre que discuter avec sa meilleure amie, sagement assis sur le sol de sa chambre, mais au vu de la teneur de leur conversation, il se sentait comme pris sur le fait et il se sentait bêtement rougit.
Sieger dut s'en rendre compte, parce qu'il le regarda d'un air soupçonneux.
— Tout va bien les enfants ? Mary ? John, tu...
—- J'suis juste venu chercher un pull ce matin ! le coupa John. J'ai dormi avec Sherlock cette nuit, promis. Dans la chambre de Sherlock, juré. Tout va bien. On discutait juste.
Sieger avait l'air de plus en plus perplexe. Rien dans la scène ne semblait suspecte, John portait effectivement un sweat gris par-dessus son pyjama de Noël, Mary était totalement habillée d'un jean et d'un gros pull, la chambre était rangée et le lit parfaitement fait, et il n'était absolument pas inquiet. Mais plus John tentait de se justifier, plus il avait l'air louche inutilement.
— Je voulais juste vous dire de ne pas tarder à déjeuner, les enfants. Mary doit être rentrée chez elle ce matin.
Ils hochèrent la tête, et Sieger s'en alla, refermant la porte derrière lui. John était toujours écarlate de gêne, planté comme un piquet au milieu de sa chambre.
Mary explosa de rire à peine la porte refermée.
— Tu n'as jamais paru aussi louche qu'en cet instant ! se moqua-t-elle. Maintenant, il doit être totalement persuadé qu'on couche ensemble alors que ce n'est pas le cas, alors que tu étais nettement plus discret et cohérent quand on était vraiment ensembles ! C'est le monde à l'envers !
John ne trouva absolument rien d'intelligent à lui répondre.
Reviews; si le coeur vous en dit ? :)
