12 - Midorima Shintaro x OC [Jalousie] - Petit coup de pouce
Le jeune homme rongeait son frein, assis sur un banc non loin de la grille de son lycée, en voyant deux personnes discuter ensemble joyeusement. Jaloux, lui ? Non, c'était impossible. Il connaissait à peine cette fille et avait dû lui parler une fois ou deux… Mais dans ce cas, pourquoi avait-il sans cesse envie d'assommer Takao quand il était proche d'elle, et même quand il ne l'était pas ? Depuis quelque temps, Midorima Shintaro n'était plus sûr de rien, concernant ce qu'il ressentait. Il était complètement perdu, mais hors de question que quelqu'un soit au courant de cela car il savait qu'il en entendrait parler pendant longtemps.
Elle… Uranaka Saori, en première année à Shutoku, comme Takao et lui… Depuis qu'il l'avait rencontré, le shooter ne se reconnaissait plus. Il pouvait même dire qu'elle avait mis sa vie sens dessus dessous. Il rougissait sans raison quand elle daignait le regarder, il ne parvenait plus à dire un mot de manière intelligible quand elle était dans les parages, et le pire, selon lui, c'était qu'il était incapable de marquer des paniers quand elle était présente à l'entraînement. Et cela, il ne pouvait pas l'accepter. En effet, en la présence de la jeune fille rousse, il avait le sentiment que les objets chanceux perdaient leur pouvoir protecteur.
L'avait-elle ensorcelé ? Shintaro l'ignorait mais le fait de la voir si proche de Takao ne lui plaisait pas du tout. Surtout qu'elle le remarquait à peine… Certains diraient qu'il était jaloux de la proximité entre Saori et Takao mais non, il avait déjà réfuté ce fait.
A chaque fois qu'elle entrait dans son champ de vision, il ne pouvait s'empêcher de l'observer. Bien qu'il ne l'admettrait jamais devant tout le monde, il s'avoua à lui-même qu'elle était plutôt jolie… Jolie ? Le mot était un peu fort... mignonne, c'était mieux. De grands yeux noisettes rieurs, de longs cheveux roux ondulés arrivant au milieu du dos, une silhouette assez voluptueuse…
Stop ! Le vert ne put empêcher ses joues de rougir à cette pensée indécente. Pour se donner une contenance, il remonta ses lunettes sur son nez et détourna les yeux de cette scène irritante.
Ah enfin ! Uranaka prenait congé de son coéquipier… Mais elle ne lui adressa même pas un regard, ce qui l'irrita de manière déraisonnable. Il ne voulait pas qu'elle fasse attention à lui, bon sang ! Il s'en moquait complètement !
Bon, il valait mieux qu'il oublie ce qui venait de se passer, il était juste fatigué, oui voilà. Et il fallait dire qu'il n'était pas aidé avec l'énergumène qui lui servait de coéquipier, justement. D'ailleurs, le voilà qui arrivait vers lui en courant. Toujours plein d'énergie, même après un entraînement… Le vert à lunettes soupira avec agacement avant de lever les yeux au ciel.
_ Ah, tu es là, Shin-chan !
Comme à chaque fois qu'il entendait ce surnom idiot, Midorima retint une envie de siffler entre ses dents et il jeta un regard peu amène au brun qui lui souriait d'un air étrange. Qu'avait-il encore derrière la tête ? Peut-être valait-il mieux qu'il ne cherche pas à le savoir, pour sa santé mentale…
_ Je ne suis pas sourd, Takao, soupira-t-il en se levant du banc, viens, on y va.
_ Hai !
Tiens donc, Midorima serait-il énervé ? A en juger par le regard noir qu'il venait de recevoir, Takao en était certain. Il était curieux de savoir ce qui avait pu le mettre dans cet état, même s'il avait déjà sa petite idée. En effet, le meneur brun avait pu remarquer que son coéquipier était intéressé par Uranaka Saori, bien qu'il s'en défende, même si personne n'était dupe. A chaque fois que la rousse entrait dans son champ de vision, les joues de Midorima prenaient une jolie couleur rouge et il était comme ailleurs… Si cela n'était pas un signe qu'il craquait complètement pour elle, le brun aux yeux de faucon ne savait pas ce que cela pouvait être.
Takao connaissait cette jeune fille depuis quelques semaines seulement mais ils s'étaient très vite rapprochés. Ils s'appelaient déjà par leur prénom, voire même des petits surnoms, on pouvait dire qu'ils avaient eu tous les deux un coup de foudre amical. De plus, lors d'une conversation, la jolie rousse lui avait avoué qu'elle était quelque peu troublée par le basketteur de la Génération Miracle, ce qui l'avait fait sourire d'un air moqueur. Il ne cessait de tenter de la convaincre de parler à Midorima mais elle avait peur de se rendre ridicule donc elle refusait, prétendant qu'elle attendait d'être moins timide pour enfin oser lui adresser la parole.
En songeant à cela, le numéro dix de Shutoku se dit que c'était vraiment dommage car il était certain que ses amis étaient faits l'un pour l'autre. De toute façon, il n'avait pas dit son dernier mot, c'était bien mal le connaître. Il avait déjà sa petite idée pour faire en sorte que les choses se passent comme il le désirait. Et ces deux-là lui en diraient des nouvelles… Un petit sourire entendu étira ses lèvres tandis qu'ils quittaient le lycée pour enfin rentrer chez eux.
OoOoOoO
Bon sang ! Pourquoi était-elle aussi effrayée à l'idée de faire face à Midorima Shintaro, le joueur vedette de leur équipe de basket ? C'était très simple, Saori en était folle depuis quelques semaines, déjà, et elle ne voulait pas se rendre ridicule en bafouillant comme une idiote devant lui. Pour tenter de calmer les battements effrénés de son cœur, elle passa ses doigts dans ses cheveux roux de haut en bas, à plusieurs reprises. De manière générale, ce geste avait toujours eu tendance à l'apaiser mais apparemment, pas cette fois.
_ Je ne peux pas reprocher à Kazu-kun de vouloir m'aider mais son ami m'intimide tellement, murmura-t-elle faiblement.
Midorima Shintaro, l'ancien shooter de la Génération Miracle… Il lui avait volé son cœur un matin de juillet, alors qu'elle cherchait son livre d'histoire partout. Sans rien dire, il avait posé le sien sur son bureau, lui faisant comprendre qu'ils allaient le partager, pour l'heure suivante.
En effet, elle était tombée dans sa classe qui était aussi celle de son nouvel ami, Takao Kazunari, qu'elle surnommait Kazu-kun. En songeant à lui, elle se disait que sa gaieté était vraiment rafraîchissante. Parfois, la jeune fille se demandait même pourquoi elle n'était pas tombée amoureuse de lui, après tout il était très mignon lui aussi. Et puis cela aurait sans doute été plus simple de se déclarer à lui. Mais son cœur avait choisi Midorima, malgré elle. C'était à croire qu'elle aimait se compliquer la vie…
D'ailleurs, le petit sourire à peine esquissé que le vert à lunettes lui avait adressé à ce moment-là l'avait troublée et elle s'était détournée pour cacher ses rougissements. Seulement, le brun l'avait prise en flagrant délit et elle n'avait pas pu le nier quand il lui en avait parlé. Depuis ce moment, Saori ne parvenait plus à le regarder dans les yeux quand elle le voyait, et elle se contentait de l'ignorer, se disant qu'elle n'avait aucune chance avec le basketteur aux cheveux verts. Elle attendrait que son trouble diminue avant d'oser lui parler, ce qui pourrait prendre du temps, ce dont elle était pleinement consciente.
En soupirant, la jeune fille se laissa tomber sur son futon, ses yeux noisettes rivés sur le plafond de sa chambre. Pourquoi les gens tombaient-ils amoureux, si c'était pour souffrir comme des damnés ? Elle n'avait jamais compris. Cela aurait tellement été plus simple si elle avait aimé un garçon plus accessible, ou si elle avait eu plus confiance en elle…
Il ne servait à rien de se lamenter sur son sort ainsi, elle avait mieux à faire. Sitôt cette pensée émise, Saori se leva de son futon et se dirigea vers son bureau afin d'allumer son ordinateur. Elle avait des recherches à continuer pour un devoir sur un auteur français qu'elle devait rendre la semaine suivante. Cela lui permettrait d'oublier un peu Midorima et les sentiments qu'elle lui portait, au moins pendant quelque temps.
Une chose à savoir sur elle, c'était qu'elle adorait les langues, elle n'avait pas moins de trois options en plus dans son emploi du temps. L'anglais ne comptait pas car il était obligatoire, en plus de cette langue, elle avait français, allemand et italien. Elle avait hésité aussi à prendre espagnol mais les cours tombaient en même temps que ceux d'italien donc elle avait dû faire un choix.
Alors qu'elle était concentrée dans ses recherches, des coups discrets furent frappés à la porte de sa chambre.
_ Saori, on mange dans cinq minutes, l'avertit sa mère de sa voix douce.
_ D'accord, maman, répondit-elle avec un sourire, j'arrive tout de suite.
Pendant que sa mère ferma la porte et repartit dans la cuisine, Saori enregistra son travail et mit son ordinateur en veille. Pour une fois qu'un devoir la passionnait, il fallait qu'elle continue sur cette lancée, aussi décida-t-elle de reprendre une fois qu'elle aurait fini de dîner.
Sur cette pensée, la jeune fille quitta sa chambre d'un pas décidé et descendit dans la salle à manger où elle rejoignit son père et son petit frère qui étaient déjà installés. Ces scènes familiales lui apportaient toujours du réconfort quand elle en avait le plus besoin, et en ce moment c'était le cas. Même si étrangement, son instinct lui disait de se méfier car la tension était présente dans l'air.
_ Bon appétit, tout le monde !
Alors qu'elle mangeait de bon appétit, la voix de son père, Kenjiro, retentit autour de la table, provoquant un léger frémissement chez elle. Pourquoi toujours elle en premier ? Elle posa ses baguettes et attendit qu'il parle enfin. Il n'avait pas l'air mécontent, c'était déjà cela…
_ Saori, tes cours se passent bien ?
_ Je fais de mon mieux, Papa.
Le père de famille hocha la tête, satisfait de cette réponse. Il savait que sa fille n'était pas la meilleure élève mais tant qu'elle se donnait à fond, il ne pouvait rien lui reprocher. Il n'ignorait rien des efforts qu'elle faisait, en dehors des cours. En ce qui concernait son fils, hélas, c'était complètement différent. Reiji était un bout en train qui faisait rire ses camarades mais s'il voulait aller à Shutoku comme sa sœur, il allait falloir qu'il travaille davantage au collège. Surtout s'il voulait continuer le basket…
Voyant le regard sombre de son père se porter sur son jeune frère, la rousse frissonna. Qu'est-ce qu'il avait encore fait ? Pas encore une mauvaise note, quand même ? À son tour, elle se tourna vers lui et le vit recroquevillé sur lui-même. Pas bon…
_ Reiji, je crois savoir que tu as reçu la note de ton contrôle de japonais, non ?
_ Oui, Papa, fit le brun d'une petite voix.
Le contraste entre la sœur aînée, Saori, et le frère cadet, Reiji, était vraiment saisissant. La jeune fille était rousse, couleur qu'elle tenait d'un ancêtre français qui revenait de temps en temps au fil des générations, la peau pâle avec quelques tâches de rousseur sur ses pommettes, tandis que le collégien était aussi brun que son père et possédait le même teint hâlé. En revanche, les deux enfants avaient hérité des yeux noisettes de leur mère, Iori.
_ Si tu ne te mets pas sérieusement au travail, je serai dans l'obligation de t'interdire le basket tant que tes notes ne remontent pas, le menaça Kenjiro.
Non, il n'aimerait pas en arriver là mais son fils devait comprendre que les études étaient toutes aussi importantes que les activités de clubs. Et si pour cela, il devait se montrer plus sévère avec lui, il le ferait sans hésiter.
_ Je t'aiderai, petit frère, intervint Saori, ne voulant pas qu'une telle chose arrive.
_ C'est une bonne idée, approuva le patriarche en hochant la tête, la mine moins sévère.
Sur ces mots et ayant fini de dîner, le père se leva et quitta la pièce, laissant planer derrière lui un silence glaçant. Décidément, ce repas de famille avait été particulièrement tendu, songea la lycéenne en se levant à son tour. Pas du tout ce qu'elle avait espéré, finalement…
Son frère étant retourné dans sa chambre, elle se retrouvait à présent seule dans le salon. Cela ne servait plus à rien de rester ici, autant retourner à son tour dans sa propre chambre pour continuer son devoir, se dit-elle en soupirant. Enfin, si elle y parvenait…
_ Espérons que demain, l'ambiance soit plus légère, lâcha la rousse dans un murmure, en montant les escaliers.
OoOoOoO
Plus d'un mois s'était écoulé après cette discussion et Saori était vraiment fière de son petit frère. En effet, Reiji faisait tout ce qu'il pouvait avec son aide pour faire progresser ses notes au collège. Et cela commençait à payer car la veille au soir, il leur avait annoncé, à leurs parents et elle, qu'il avait obtenu cinquante-trois points sur cents à son contrôle de mathématiques, une grande première.
En songeant à la réaction de son père, Saori ne put réprimer un sourire attendri. Il était indéniablement fier de son fils et des progrès qu'il avait accomplis même si la rousse était certaine qu'il pouvait encore mieux faire. Mais chaque chose en son temps..
En ce qui la concernait, rien n'avait vraiment changé au lycée. Ses notes s'étaient un peu améliorées aussi et la jeune fille s'entendait toujours très bien avec Takao, ils étaient très proches mais sa timidité envers Midorima ne disparaissait pas. Il fallait vraiment qu'elle change cela car elle se trouvait un peu ridicule.
La rousse soupira alors qu'elle refermait sa boîte à bento, ayant fini de déjeuner. Il lui restait encore une trentaine de minutes avant la reprise des cours et elle se demandait ce qu'elle allait bien pouvoir faire en attendant. Pourquoi ne pas se dégourdir les jambes ? Cela pourrait être agréable, d'autant plus que le temps s'était amélioré depuis ce matin. Et cela lui permettrait de réfléchir un peu.
Sur cette pensée, Saori se leva, rangea sa boîte à bento et sortit de la salle de classe pour aller en direction des escaliers. Il n'y avait pas à dire, marcher faisait beaucoup de bien, surtout quand on commençait à avoir les jambes engourdies.
Soudain, la jeune fille se sentit observée mais elle décida de ne pas y faire attention, car cela lui arrivait souvent, ces derniers temps. Elle réprima tout de même un frisson désagréable car évidemment, ce n'était pas agréable d'être épiée de la sorte. En effet, apparemment elle avait tapé dans l'œil d'un garçon de la classe voisine et il commençait à être vraiment insistant. A croire qu'il ne comprenait pas le mot "non".
Heureusement, une silhouette reconnaissable s'approchait d'elle à grandes enjambées et elle l'accueillit avec un sourire plein de soulagement. Et aussitôt que Takao était arrivé à sa hauteur, la sensation d'être observée avait disparu.
_ Il n'a toujours pas arrêté ? demanda le brun en fronçant les sourcils, alors qu'il voyait le responsable s'éloigner.
_ Comme tu peux le voir, soupira la rousse, agacée et un peu effrayée de ce manège.
Le soulagement de son amie était palpable. Takao savait que Saori n'était pas aussi à l'aise qu'elle voulait bien le montrer et il y avait de quoi. Il voulait l'aider mais jusqu'à maintenant, elle avait toujours refusé qu'ils mangent ensemble le midi, prétextant qu'elle préférait être seule. Le brun savait qu'elle appréciait les moments de solitude mais il n'avait pas confiance en ce garçon qui l'épiait tel un stalker. Car qui pouvait savoir ce qu'il était capable de faire… ? Il fallait trouver une solution à ce problème car cela durait depuis bien trop longtemps à son goût.
Un sourire étira soudain ses lèvres et il prit son amie par le poignet avant de commencer à marcher, l'emmenant ainsi avec lui. Il était temps qu'elle comprenne que Midorima n'était pas un monstre, comme certaines rumeurs le prétendaient, et qu'elle n'avait donc aucune raison d'être timide avec lui. Et puis, le meneur aux yeux de faucon devait bien avouer qu'il avait hâte de voir la tête de son coéquipier quand il amènerait Saori avec lui. Il fallait dire que, quand il avait une occasion parfaite d'embêter son cher Shin-chan, il n'y avait aucune raison pour lui de ne pas en profiter.
Mais que faisait-il, à la fin ? Saori ne comprenait pas trop ce qui était en train de se passer mais l'expression taquine sur le visage de Takao ne lui disait rien qui vaille. Elle essayait de récupérer son poignet mais il était trop fort pour elle.
_ Je peux savoir ce que tu fais, Kazu-kun ? s'impatienta-t-elle.
_ Tu verras bien, chantonna-t-il en lui adressant un petit clin d'œil.
Tout en suivant le brun malgré elle, la jeune fille se dit qu'elle n'était pas au bout de ses peines, avec lui. Mais malgré tout, elle ne put empêcher un sourire amusé de naître sur son visage.
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Pendant ce temps, Midorima se trouvait avec les autres membres de son équipe de basket et terminait tranquillement son déjeuner. L'absence de Takao était vraiment agréable, il n'entendait pas sa voix quelque peu agaçante, surtout quand il le taquinait. Certes, il avait été un peu surpris quand il leur avait annoncé les quitter pour quelques instants mais cela lui fournissait un répit non négligeable, il n'en était donc pas mécontent.
Seulement, le vert à lunettes comprit vite que c'était trop beau pour être vrai car en tournant la tête sur sa gauche, une vision très agaçante lui apparut. Uranaka avec Takao, tout sourire et paraissant vraiment très complices, alors qu'ils venaient vers eux… Le shooter de la Génération Miracle serra les poings et se détourna pour essayer de ne plus y penser.
Pourquoi son imbécile de coéquipier avait-il eu une idée aussi stupide que d'amener cette fille avec lui ? Et puis, pourquoi était-il aussi énervé de les voir ensemble ? Shintaro ne savait plus à quel saint se vouer car quand cette fille était présente, elle le déstabilisait complètement, malgré lui. Pour ne pas se ridiculiser plus qu'il ne l'avait déjà fait, il décida de faire comme si Uranaka n'était pas là.
Enfin du moins l'espéra-t-il car malheureusement pour lui, ce fut la jeune fille rousse qui prit place à ses côtés, tandis que Takao s'installa entre leur capitaine et elle. Le shooter envoya un regard plein de suspicion en direction du brun, se disant qu'il était en train de mijoter quelque chose. Et en effet, le petit sourire narquois qu'il affichait à son intention était on ne peut plus révélateur. Le basketteur retint une furieuse envie de l'étrangler et reprit la dégustation de son repas, sans faire plus attention à lui.
Mais bien sûr, Shintaro ne put faire autrement que d'écouter la conversation malgré lui, et il se maudissait pour cela. Décidément, quand elle était dans les parages, ses objets chanceux n'étaient plus du tout efficaces, et cela se confirmait encore aujourd'hui.
_ Sérieusement, Kazu-kun, il n'y a que toi pour faire une bêtise pareille, fit soudain Saori avant de pouffer, devant un Takao fier de lui.
_ C'était pire qu'une simple bêtise, Takao, intervint Midorima sans le réaliser, devinant ce que le numéro dix était en train de raconter. Ne te donne pas le beau rôle, nanodayo.
Le ton sec employé par le vert à lunettes interpella le meneur brun qui lui lança une œillade surprise avant de sourire d'un air entendu.
_ Oh mais serais-tu jaloux, Shin-chan ? le taquina Takao sans la moindre gêne.
A l'entente de cette phrase, Midorima réprima un frémissement, son coéquipier était un peu trop proche de la réalité, à son goût. Euh… A quoi venait-il de penser, à l'instant ? Non, il n'était pas le moins du monde jaloux, et il ne voyait pas par rapport à quoi il le serait.
_ La ferme, Takao, soupira-t-il sans plus argumenter.
En entendant cette phrase familière dans la bouche du basketteur, Saori ne put retenir un petit sourire à la fois amusé et attendri. Même si elle ne le fréquentait pas plus que cela, elle commençait un peu à le connaître, à force d'observation. Midorima n'était pas un garçon qui s'exprimait clairement sur ses sentiments, il utilisait des moyens détournés pour faire comprendre aux gens qu'il les appréciait… bien qu'il le niait automatiquement, bien trop mal à l'aise si on le mettait en face de ce qu'il ressentait. Et c'était bien ce côté distant et maladroit qui l'avait d'abord attirée, chez lui.
Et puis, elle devait avouer que la relation qu'il avait nouée avec Takao était vraiment drôle. Combien de fois s'était-elle retenue de rire en les entendant se chamailler de la sorte, pendant les interclasses ? Non, la rousse ne les comptait plus.
Le temps était passé drôlement vite, quand même, se dit la jeune fille en entendant la cloche retentir, annonçant le début des cours de l'après-midi. Ce n'était pas dans ses habitudes d'être en compagnie d'autres personnes, le midi, mais cela lui avait permis d'éviter de penser à celui qui l'épiait comme un vautour, à chaque fois qu'il en avait l'occasion. Et puis, elle avait enfin réalisé que Midorima faisait certes partie de la Génération Miracle mais qu'il restait un adolescent comme un autre, avec ses qualités et ses défauts. Du coup, Saori avait l'impression de se sentir plus à l'aise en sa présence, même si elle ne lui parlait pas encore.
Ah, le cours allait commencer, se dit-elle en voyant sa professeure d'histoire entrer dans la salle. Elle penserait au reste plus tard, il était maintenant temps qu'elle se concentre sur le cours.
OoOoOoO
Alors qu'elle se trouvait sur le chemin du retour, Saori n'était pas vraiment très rassurée. Elle se trouvait seulement à quelques rues de chez elle mais elle avait une impression très vivace d'être suivie. Pourtant, elle avait fait attention à ce que Ikeda ne la voit pas partir… Bon, elle n'avait aucune preuve qu'il s'agissait de lui, elle lui laissait donc le bénéfice du doute.
En tout cas, aujourd'hui encore, Ikeda Masato -de son nom complet- n'avait pas manqué de venir lui poser toujours cette même question. Et la rousse lui avait encore donné la même réponse car non, elle ne voulait pas sortir avec lui. Heureusement que Takao et Midorima étaient arrivés entre deux car elle avait pu partir avec eux, à la fin des cours.
Les deux garçons se rendaient à l'entraînement de basket et elle avait eu la chance qu'ils passent justement devant les toilettes des filles du premier étage, Ikeda l'ayant bloquée juste devant, à sa sortie.
En tout cas, le froncement des sourcils de Midorima n'était pas passé inaperçu aux yeux de Saori quand elle avait expliqué à Takao ce qui s'était passé, juste avant. Elle se demandait à quoi le vert avait bien pu penser, de tout cela. Sans doute ne le saurait-elle jamais, alors autant éviter de se poser des questions.
Elle était allée au gymnase avec eux, le temps de se remettre de ses émotions, et elle avait regardé le début de l'entraînement. Puis, elle avait salué tout le monde avant de partir, songeant avec espoir que son harceleur était peut-être rentré chez lui.
Mais alors qu'elle approchait de chez elle, Saori n'en était plus du tout aussi sûre et cette impression d'être suivie se renforçait au fil des minutes qui s'écoulaient. Elle accéléra donc le pas, tout en regrettant de ne pas avoir attendu Takao, qui lui avait proposée de la raccompagner, le temps que cela se tasse. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle n'en fasse qu'à sa tête ? Elle tâcha de faire comme si de rien n'était mais elle n'avait qu'une seule envie : s'enfermer dans sa maison à double-tour.
La jeune fille rousse se le jura : à partir du lendemain, elle allait attendre son ami et elle rentrerait avec lui, même si pour cela, elle rentrerait plus tard chez elle. Mais elle ne voulait plus être effrayée de la sorte. Elle ne le supportait plus.
_ Je suis rentrée, s'annonça-t-elle d'une voix tremblante en fermant la porte d'entrée.
Bien sûr, personne ne répondit. Ses parents étaient encore au travail et son frère avait entraînement de basket. Pour une fois, elle aurait bien aimé que quelqu'un soit là, car elle avait vraiment besoin de ne pas être seule.
Alors qu'elle se déchaussait pour enfiler ses chaussons, Saori entendit une vibration venant de son téléphone, dans la poche de sa veste. Mais tout en appuyant sur la petite enveloppe sur l'écran, elle se dirigea jusqu'à la fenêtre du salon et frissonna quand elle aperçut une silhouette devant chez elle, visiblement en train de fixer la maison. Elle ne pouvait pas distinguer son visage mais elle était certaine d'une chose : il la regardait. D'une main rendue tremblante par la peur, la lycéenne de Shutoku replaça le rideau du salon et exhala un soupir pour tenter de se calmer.
Vite, il fallait qu'elle se concentre sur autre chose sinon elle allait devenir folle… Et le message de son ami était parfaitement tombé. Une distraction bienvenue, songea-t-elle.
De Takao Kazunari
A Uranaka Saori :
Bien rentrée ? ^^
Tout s'est bien passé ?
De Uranaka Saori
A Takao Kazunari :
Oui, je suis rentrée…
De Takao Kazunari
A Uranaka Saori
Je t'appelle quand je suis rentré chez moi et tu as intérêt de me dire ce qui s'est passé, Saori-chan.
A la vue de cette réponse, Takao fronça les sourcils. Ce n'était pas le genre de Saori de lui envoyer des messages aussi courts. Il espérait qu'elle allait bien. Bon, il n'avait pas le temps de lui répondre mieux que cela maintenant, mais il le ferait dès la fin de l'entraînement.
Midorima ne cessait de jeter des coups d'œil vers son coéquipier et il se demandait pour quelle raison il pouvait bien être aussi tendu. Serait-ce par rapport à ce qui s'était passé avec Uranaka, avant l'entraînement ? En tout cas, quand il avait entendu les explications de la jeune fille, il avait comme ressenti une gêne dans le creux de son estomac. Ce garçon lui faisait peur, de toute évidence…
Et puis, s'il était vraiment honnête envers lui-même, chose rare quand il s'agissait d'Uranaka Saori, le basketteur devait reconnaître qu'il n'avait vraiment pas apprécié le fait que ce garçon se retrouve aussi proche d'elle, physiquement parlant. Il avait même eu la folle envie de l'éloigner d'elle avant de lui prendre le poignet pour l'éloigner de celui qui l'effrayait. Comme s'il avait voulu la protéger… Là, oui, il avait été jaloux… Même s'il n'en comprenait pas la raison, ou qu'il refusait de comprendre.
Pourquoi son coeur battait-il plus vite quand elle était là ? Pourquoi son souffle se coupait-il quand elle lui adressait un regard ? Pourquoi se sentait-il fébrile à l'idée qu'elle puisse lui parler ? Pourquoi n'aimait-il pas quand un autre garçon s'approchait d'elle, fût-il Takao ? Et, le plus important pour lui, pourquoi ses objets chanceux perdaient-ils leur pouvoir de protection en sa présence ? Que de questions, mais aucune réponse.
Bon, il fallait qu'il se reconcentre sur son jeu, il ne voulait pas perdre de temps car il était hors de question que son équipe perde encore contre Seirin, lors des qualifications pour la Winter Cup. Une fois avait largement suffi.
Cependant, la scène qui s'était déroulée entre la rousse et Ikeda -il le connaissait à cause de sa réputation pas très glorieuse- resta dans un petit coin de sa tête. Peut-être qu'il y aurait quelque chose à faire pour le faire cesser ses actions…
Pourquoi se prenait-il la tête avec tout cela ? Cela ne le concernait même pas en plus, et il ne la fréquentait pas. Elle était amie avec Takao, pas avec lui… Décidément, cette fille avait le don de lui retourner le cerveau et Midorima regrettait presque de l'avoir rencontrée. Bien qu'ils ne se parlaient pas, mais chut… Mais qu'est-ce que ce serait s'ils se mettaient à parler ? Euh… il ne voulait pas y penser, bien trop compliqué pour lui.
_ Oh, Midorima ! l'appela Miyaji sur un ton agacé. Reprends l'entraînement ou je te casse tes lunettes !
Le vert à lunettes sursauta à cette réprimande pour le moins inhabituelle. En effet, ce n'était pas son genre de bayer aux corneilles pendant les heures de pratique, chose très déroutante pour lui. Il se hâta de prendre un ballon et se mit à travailler son dribble, comme ses autres coéquipiers, ne voulant pas se prendre un autre rappel à l'ordre.
Mais malheureusement pour lui, quelques instants plus tard, le regard en coin de Takao dans sa direction ne passa pas inaperçu… et la lueur de moquerie qui y brilla pendant un moment, non plus. Il n'y prêta pas plus d'attention et se concentra sur son entraînement. Il aurait tout le temps de subir les taquineries de son imbécile de coéquipier plus tard. Là, ils avaient autre chose à faire.
OoOoOoO
Un peu plus tard dans la soirée, alors qu'elle était dans sa chambre après avoir fini de dîner, Saori tenait son téléphone dans ses mains, allongée sur le dos dans son futon. Elle relisait le dernier message de Takao, voulant comprendre pour quelle raison il allait l'appeler. Avait-il deviné que quelque chose n'allait pas, à la simple lecture de son message ? Certes, habituellement, ses réponses n'étaient pas aussi courtes mais elle ne pensait pas qu'il la connaissait si bien que cela.
Ses yeux noisettes se perdirent ensuite dans la contemplation du plafond blanc de la pièce. Pourquoi avait-il fallu qu'elle attire l'attention d'un garçon comme Ikeda Masato ? D'autant plus qu'elle n'avait rien fait pour. Elle se souvenait très bien de la façon dont tout avait commencé.
La première fois qu'il était venu lui parler, c'était lors d'une pause entre deux cours. Il s'était présenté à elle et ils avaient parlé de manière simple et agréable. Quand il était retourné dans sa classe, il l'avait saluée avec un sourire et elle s'était même dit qu'il était plutôt gentil. Mais au fil des semaines, son comportement avait commencé à changer et Saori avait cherché de plus en plus à l'éviter.
Ikeda se montrait de plus en plus familier avec elle et il ne cessait d'essayer de la toucher, d'une façon ou d'une autre. Il l'appelait même par son prénom alors qu'elle ne lui en avait pas donné l'autorisation, n'étant pas assez proches pour cela. Et il insistait pour qu'elle en fasse de même avec lui. Elle n'était plus du tout à l'aise avec lui et il lui faisait un peu peur, parfois. Surtout quand il lui demandait d'être sa petite amie, sans oublier aussi cette manie qu'il avait de l'épier comme un vautour, au lycée… La rousse avait beau refuser à chaque fois, il revenait sans cesse à la charge.
Comment avait-elle pu se tromper à ce point sur lui ? Et était-ce lui qui la suivait quand elle rentrait chez elle, après sa journée de cours ? Saori ne le savait pas et tout cela allait finir par la rendre dingue ! Il fallait qu'elle sache car c'était bien connu que tant qu'on ne savait pas contre quoi on devait se battre, on ne gagnait jamais. Mais dans le même temps, elle n'était pas certaine de vouloir le savoir, c'était paradoxal quand elle y réfléchissait deux minutes.
_ Il faut que j'arrête de penser à ça…, murmura-t-elle dans un souffle qui se perdit dans le silence de sa chambre.
Dans sa maison, il n'y avait plus aucun bruit. Il était plus de 23h et son frère était sans doute déjà couché, ainsi que ses parents qui commençaient très tôt le lendemain. Cela ne l'aidait pas à se calmer. La solitude lui était en général bénéfique mais pas cette fois. Elle aurait tout donné pour avoir quelqu'un avec qui parler.
Le sommeil ne venait pas, malgré tous ses efforts. Et Takao qui ne l'avait pas encore appelée… Il n'avait peut-être pas pu la prévenir, les imprévus arrivaient aussi. Seulement, à peine avait-elle pensé cela que son téléphone se mit à vibrer sur son futon, l'arrachant à ses pensées sombres dans un sursaut. Heureusement qu'elle avait pensé à le mettre sur vibreur, sinon sa sonnerie aurait réveillé toute sa famille, songea-t-elle en s'asseyant, le téléphone dans ses mains. Elle se hâta de décrocher pour ne pas le faire attendre plus longtemps.
_ Hey, Kazu-kun !
_ Dis-moi ce qui se passe, Saori-chan.
Ah d'accord, il attaquait directement. Cela voulait sans doute dire qu'il était inquiet pour elle. Et en effet, il avait des raisons de l'être, bien qu'il ne le sache pas encore. Devait-elle lui dire ? La lycéenne verrait bien au moment venu.
_ Rien de spécial, mentit-elle en se mordant la lèvre, pourquoi tu me demandes ça ?
Saori entendit un soupir à l'autre bout du fil. Mais elle n'eut pas le temps d'y songer davantage qu'il reprit dans un souffle :
_ Ne me la fais pas à moi, s'il te plaît. Tu crois que je ne vois rien, ou quoi ?
_ Kazu-kun, je…, commença-t-elle avant de s'interrompre.
_ Tu ? insista-t-il doucement.
Takao était assis dans son lit, attendant avec impatience les paroles de son amie. Cela faisait plusieurs semaines qu'il la sentait de plus en plus inquiète à la fin des cours et cela l'agaçait de ne pas savoir pourquoi. Et la scène qu'il avait surprise plus tôt dans l'après-midi ne l'avait pas rassuré. Que lui cachait-elle ? Car oui, le meneur aux yeux de faucon était certain que Saori lui cachait quelque chose. Et il voulait savoir ce que c'était, voulant simplement l'aider. Il espérait juste que ce n'était pas trop grave.
_ Dis-moi, Saori-chan, je sais que quelque chose te tracasse.
La voix douce du basketteur amena inexplicablement des larmes aux yeux noisettes de la jeune fille. Larmes qu'elle s'empressa d'essuyer d'un geste rageur. Pourquoi fallait-il qu'elle pleure, maintenant ? Peut-être que l'inquiétude qu'elle décelait dans la voix du basketteur y était pour beaucoup.
Poussée par un besoin irrépressible, la rousse commença à tout lui raconter, sans rien omettre, de ce qui se passait. Takao ne faisait aucune remarque, la laissant parler à son rythme, ce dont elle lui était reconnaissante. En effet, elle n'était pas sûre de pouvoir continuer son récit s'il l'interrompait.
_ Et tu ne m'en parles que maintenant ? soupira-t-il de l'autre côté du combiné quand elle avait terminé. Enfin, c'est fait au moins. Tu comptes faire quoi, à présent ?
_ Je ne sais pas…
Non, Saori ne savait pas comment faire pour se débarrasser de ce stalker qui lui rendait la vie impossible. Cela lui pesait sur les nerfs et elle voulait trouver une solution car elle n'en pouvait plus.
De son côté, le brun aux yeux de faucon serrait son poing libre, après avoir entendu le récit de son amie. Cet Ikeda était vraiment un cinglé, car oui, le basketteur était presque certain que c'était lui qui suivait Saori jusque chez elle. Il avait vu le regard qu'il posait sur la jeune fille et c'était un regard de prédateur. Cela ne pouvait plus durer et il savait comment faire bouger les choses.
Sans oublier que cela fournirait un prétexte tout trouvé pour que Midorima et Saori passent plus de temps ensemble, l'air de rien. Un petit sourire amusé naquit sur ses lèvres à cette pensée. Que ne ferait-il pas pour les mettre ensemble ? Mais le plus drôle serait sans doute la réaction de son coéquipier quand il verrait Saori avec eux.
_ A partir de demain matin, je viens te chercher et je te raccompagne le soir, je ne te laisse plus seule, trancha Takao sur un ton sans réplique.
_ D'accord, céda la rousse avec un petit sourire. Merci d'être mon ami, Kazu-kun, ajouta-t-elle après un léger silence.
_ Pas de quoi !
Après cette mise au point, les deux adolescents passèrent plusieurs heures à parler, afin que Saori pense à autre chose. Mais il était grand temps qu'ils aillent dormir pour être en forme au lycée, le lendemain matin. La jeune fille souhaita une bonne fin de nuit à son ami et elle raccrocha, un léger sourire aux lèvres.
Il était plus de 3h du matin et elle était censée se réveiller dans à peine 3h30. La nuit allait être courte, songea-t-elle en s'allongeant confortablement dans son futon.
OoOoOoO
Plus d'une semaine s'était écoulée depuis cette discussion téléphonique nocturne et comme prévu, Saori ne rentrait plus seule le soir. Il était prévu au début qu'elle se rende à la bibliothèque du lycée pour y faire ses devoirs pendant que les garçons avaient entraînement mais à chaque fois, elle avait eu la mauvaise surprise d'y retrouver Ikeda qui venait encore et toujours la harceler avec cette question. A la place, elle se trouvait donc dans le gymnase, regardant les garçons s'entraîner. Elle savait qu'Ikeda n'oserait pas la suivre jusque là donc elle en profitait pour avoir un peu de tranquillité.
Et cela, Midorima l'avait parfaitement remarqué. Dire que cela l'agaçait était un parfait euphémisme, il ne supportait plus de voir Ikeda Masato tourner autour d'Uranaka ainsi comme si elle était une proie innocente. Il allait falloir que ce jeune vautour apprenne ce qu'était le respect des femmes, et il se ferait un malin plaisir de s'y coller.
Sans oublier qu'il y avait du nouveau aussi : la rousse aux yeux noisettes commençait à lui parler et mine de rien, c'était plutôt agréable. Oui, il se contredisait mais jamais il ne l'admettrait à voix haute. Ce serait une occasion parfaite pour que Takao se moque de lui et il trouvait que cela arrivait trop souvent, ces derniers temps. En tout cas, étrangement, ses objets chanceux avaient retrouvé leur pouvoir protecteur, et ce malgré la présence de la jeune fille.
Shintaro s'en rappelait comme si c'était hier : il avait commencé à parler avec Saori dès le lendemain matin de cette scène désagréable qu'il avait surprise avec Takao, et quand elle lui avait adressé un doux sourire, son coeur avait manqué un battement. Il avait marmonné un simple "Bonjour" avant de se détourner pour cacher ses joues rougissantes. Depuis, ils échangeaient de plus en plus de mots et il aimait ces petits moments seul avec elle, quand son maudit coéquipier ne les gâchait pas avec ses apparitions très agaçantes.
Et contrairement à Takao, Saori ne se moquait pas de ses objets chanceux de Oha-Asa, elle paraissait même s'y intéresser sincèrement, voulant le connaître comme elle le lui avait affirmé, la veille au soir. D'ailleurs, pour aujourd'hui, Shintaro lui avait amené son objet chanceux à elle mais il n'avait pas osé le lui donner. Il se trouvait dans la poche gauche de son pantalon d'uniforme et il ne restait pas beaucoup de temps pour le lui remettre.
Alors qu'il continuait son chemin tranquillement, revenant de la salle des professeurs, le numéro six de Shutoku fronça les sourcils tandis que ses prunelles vertes lançaient des éclairs. Uranaka et Ikeda qui discutaient ensemble, normalement semblait-il. Il s'apprêtait à passer son chemin quand la crispation sur le visage de la jeune rousse l'alerta. Manifestement, ce n'était pas une conversation normale…
_ Je t'ai déjà dit non, Ikeda-kun, entendit-il sa camarade dire d'une voix blanche.
Non à quoi ? Ne contrôlant plus les mouvements de son corps, Midorima se dirigea vers eux et jeta un regard noir vers le brun qui lui souriait d'un air supérieur. Il contint sa colère et se tourna vers Saori, qui semblait soulagée de le voir.
_ Uranaka, le professeur de maths m'a demandé de venir te chercher, mentit-il à la perfection.
_ Oh.. d'accord, lui répondit-elle, commençant à marcher vers lui.
Seulement, Saori se fit arrêter par Ikeda qui lui attrapa le poignet, le visage fermé. Pétrifiée par l'aura que le brun aux prunelles sombres dégageait, la jeune fille ne tenta pas de se libérer. Et pourtant, elle le voulait désespérément.
_ Tu peux y aller plus tard, non ? fit-il remarquer sur un ton assez dur. Reste un peu avec moi, Saori-chan.
_ Elle doit y aller maintenant, tu parleras avec elle plus tard, lui asséna le vert tout aussi tranchant. Viens, Uranaka.
Ou jamais, si cela ne tenait qu'à lui. Voyant qu'Ikeda ne lâchait pas la rousse, Midorima s'approcha de plus belle et retira lui-même cette main qui entravait les mouvements de la jeune fille, pour la libérer de son emprise.
_ Ta manière de te comporter avec les femmes est très déplaisante, Ikeda, lâcha-t-il avant de lui tourner le dos, une main sur l'épaule de Saori pour la faire avancer devant lui. Quand elle dit non, c'est non.
Alors qu'il les regardait partir, une lueur mauvaise dans les yeux, Ikeda Masato se jura qu'il n'en resterait pas là. Uranaka Saori serait à lui, il l'aimait bien trop pour la laisser à un autre, fût-il Midorima Shintaro. Un sourire sinistre prit naissance sur son visage tandis qu'il se rendait à son tour dans sa classe. Oui, elle tomberait amoureuse de lui, ce n'était qu'une question de temps, à présent.
Bien sûr, Saori n'était pas dupe du prétexte inventé par le basketteur pour la faire partir mais elle était vraiment heureuse de son aide. Le calme revenait petit à petit en elle et elle s'avoua que la présence de Midorima à ses côtés y était pour beaucoup. Elle se sentait apaisée quand elle était avec lui, et elle pourrait y prendre goût très vite.
_ Merci, Midorima-kun, fit-elle d'une voix douce alors qu'ils arrivaient devant leur salle de classe.
Balayant ses remerciements d'un geste de la main, le jeune homme hocha la tête sans répondre, ne sachant simplement pas quoi dire. Mais la reconnaissance d'Uranaka lui faisait plaisir, comme pouvait en témoigner son léger sourire qu'elle ne vit pas, bien trop occupée à regarder devant elle pour ne pas se prendre un mur.
En tout cas, jamais il n'aurait imaginé que cela avait pris de telles proportions. Comment un garçon de son âge -même en général- pouvait-il se comporter de la sorte avec la fille qu'il était censé aimer ? Pour qu'elle le remarque ? Cela n'avait aucun sens pour lui, car il était évident que c'était plus effrayant pour la fille concernée qu'autre chose, comme en témoignait le comportement de la jeune fille rousse avec Ikeda. Jamais il ne pourrait se conduire ainsi, c'était un peu trop extrême pour lui.
Puis l'objet chanceux de la jeune fille se trouvant dans sa poche se rappela à son bon souvenir. Devait-il lui donner maintenant, profitant de l'absence de Takao, ou bien attendre ? Non, il patienterait encore un peu car ce n'était pas encore le bon moment.
_ Depuis combien de temps ça dure ? demanda-t-il soudain, sincèrement préoccupé.
Bon évidemment, il s'en défendrait mais rien ne l'empêchait de poser la question, Takao ayant refusé d'y répondre, lui disant que leur amie serait plus à même de le faire, vu qu'elle était la première concernée.
_ Bien trop longtemps à mon goût, sourit-elle tristement en s'arrêtant de marcher. Depuis fin mai, je crois…
Sentant le regard de Midorima se poser sur elle, Saori releva la tête et put remarquer la lueur d'inquiétude qui brilla brièvement dans ses beaux yeux verts. Il paraissait vraiment préoccupé par ce qui lui arrivait et venant de lui, cela la touchait terriblement.
Plus d'une fois, Takao lui avait dit, sur un ton de conspirateur, que son coéquipier s'intéressait à elle mais Saori ne l'avait jamais cru. Jusqu'à aujourd'hui. Elle était à la fois heureuse et malheureuse que Midorima la considère enfin comme une amie. Cela voulait dire qu'ils s'étaient rapprochés mais pas suffisamment pour qu'il tombe amoureux d'elle, comme elle l'espérait. Elle décida donc de se contenter de ce qu'elle avait, ne voulant pas se montrer trop gourmande et finir par tout perdre.
Fin mai ? Cela faisait donc plus de quatre mois qu'Uranaka subissait ce forcing de la part d'Ikeda ? Non, Midorima n'était vraiment pas content du tout. Il était plus que temps que tout cela cesse enfin.
_ Pourquoi tu ne dis rien aux professeurs ?
_ C'est sa parole contre la mienne, répondit-elle du tac au tac.
La jeune fille n'avait pas tort. Les professeurs ne feraient rien s'ils n'avaient pas de preuves sur le harcèlement que lui faisait subir cet imbécile, Shintaro le savait. Mais cela lui donna une idée et il savait d'avance que Takao serait ravi de lui donner un coup de main. Bon, il le taquinerait sans doute mais c'était pour une bonne cause. Lui qui ne voulait rien à voir à fare avec cette histoire se retrouvait dedans jusqu'au cou, mais le vert refusait de la laisser tomber. Et puis, on ne faisait pas souffrir impunément la fille qu'il aimait.
Euh… aimer ? C'était donc cela ? C'était cela la raison de cette jalousie qui le brûlait intérieurement ? C'était une évidence, maintenant qu'il s'en était rendu compte. Seulement, il ne se voyait pas le lui avouer car pour lui, il était impossible que ce soit réciproque. Et jamais il ne l'admettrait devant quiconque, plutôt devenir muet. Midorima décida donc de le garder pour lui, même si cela allait finir par inévitablement le faire souffrir. Il ne le montrait pas mais lui aussi avait un coeur, un coeur qui pouvait aimer, rire et pleurer.
Dans tous les cas, Ikeda Masato n'était pas au bout de ses surprises, il allait payer d'une manière ou d'une autre les frayeurs qu'il causait à son amie.
OoOoOoO
Les cours étaient terminés depuis près de deux heures et l'entraînement de basket battait son plein. Saori gardait ses yeux rivés sur ses deux amis, même si par moment, elle fixait Midorima plus longtemps que nécessaire. Enfin, il fallait reconnaître que le voir ainsi dans son élément était plutôt troublant. Concentré, ne faisant attention à rien d'autre qu'au ballon qu'il avait dans les mains au moment de tirer… cela le rendait encore plus beau à ses yeux. Elle pourrait l'admirer pendant des heures et des heures.
Soudain, alors qu'elle baissait les yeux sur l'écran de son téléphone qui venait de vibrer, la jeune fille entendit le rire de Takao résonner dans le gymnase. Se demandant ce qui venait de se passer, elle releva aussitôt la tête et elle vit le brun et le vert au centre du terrain, l'un hilare et l'autre l'assassinant du regard.
_ Bah alors Shin-chan, c'est le ballon qu'il faut regarder, pas les gradins, lâcha le numéro dix entre deux rires. La prochaine fois, évite de rattraper le ballon avec ta tête, ça fait un peu désordre.
_ La ferme, Takao, gronda le shooter de la Génération Miracle, à la fois gêné et furieux.
_ Hey, Saori-chan, tu viens de louper quelque chose de drôle ! l'interpella le brun sans se soucier de la remarque de son coéquipier.
Takao se hata d'aller expliquer à son amie ce qui venait de se passer pendant qu'elle était occupée sur son téléphone et celle-ci ne put empêcher un rire cristallin de passer la barrière de ses lèvres. Ravi de son effet, le meneur se mit à rire de plus belle avec elle, alors qu'ils s'approchaient tous les deux du centre du terrain, où Midorima se trouvait encore.
_ Tu sais, Midorima-kun, je n'y connais pas grand-chose au basket, je l'avoue, mais je pense que rattraper le ballon avec ta tête est le moyen le plus sûr de faire perdre le ballon à ton équipe, le taquina-t-elle avec un sourire à la fois amusé et plein de douceur. Évite de faire ça en match, hein ?
_ Tu ne m'apprends rien, nanodayo, ronchonna le numéro six sans plus la regarder.
En effet, il avait été trop perdu dans sa contemplation de la jeune fille et n'avait pas vu la passe de Takao à son intention. Le ballon avait donc atterri dans sa tête, faisant tomber ses lunettes par terre, ce qui avait déclenché le rire du brun aux yeux de faucon.
_ Ca arrive aux meilleurs, tu sais, dit-elle pour le réconforter.
_ Dans ce cas, il est vraiment très fort car ça lui arrive souvent, ces derniers temps, l'enfonça Takao, en retenant difficilement son envie de rire.
_ Kazu-kun, laisse-le un peu tranquille, s'il te plaît, tu ne vois pas qu'il ne sait plus où se mettre ? l'acheva la jeune fille avant de pouffer de plus belle. Et puis, c'est le métier qui rentre.
Avec des amis pareils, pas besoin d'ennemis, songea le vert à lunettes en leur envoyant un regard noir. Heureusement, l'entraînement venait de se terminer, ainsi il n'était pas obligé de rester ici pour écouter leurs moqueries incessantes. Et aussi leurs rires qui ne semblaient pas non plus vouloir s'arrêter.
Se dirigeant vers les vestiaires, Shintaro empoigna son t-shirt au niveau de son coeur, en se rappelant le rire de la jolie rousse, à ses dépends. Pourquoi ne parvenait-il pas à lui répondre mieux que cela quand elle le taquinait de la sorte ? Pourquoi était-il aussi faible devant elle ? Être amoureux le rendait complètement stupide et il n'aimait pas cela le moins du monde. Mais s'il voulait passer du temps avec elle, il faudrait bien qu'il le supporte.
Sur cette pensée, le basketteur entreprit de se changer afin de ne pas la laisser seule plus longtemps que nécessaire, alors qu'il vit Takao entrer à son tour dans les vestiaires. Oui, il était complètement mordu, pas de doute, se dit-il en soupirant. Il ne se reconnaissait plus et ce n'était pas fini…
Une vingtaine de minutes plus tard, les trois adolescents marchaient tranquillement en direction de la maison de Saori, des rires et des moqueries fusant dans l'air. Sans oublier bien sûr des ronchonnements et des menaces… en ce qui concernaient ces dernières, seul Takao était concerné.
_ Pourquoi tu ne dis rien à Saori-chan ? se plaignit le meneur aux yeux de faucon alors qu'il venait de se prendre une tape sur l'arrière de sa tête. Elle se moque de toi aussi, hein ?
_ C'est ta mauvaise influence sur elle, rien d'autre, nanodayo, expliqua le vert sans le regarder. Et puis, je ne frappe pas les femmes, alors tu prends le double pour elle.
_ Shin-chan est vraiment susceptible, quand même, fit remarquer le brun à la jeune fille qui se trouvait entre eux.
Certes, Kazunari n'avait pas tort mais c'était à croire qu'il les cherchait, aussi. Ce qu'elle ne put s'empêcher de lui dire, sur un ton moqueur.
_ Mais c'est à croire que tu aimes ça, Kazu-kun, vu que tu en redemandes.
Il n'y avait pas à dire, les trajets en compagnie des deux basketteurs, que ce soit le matin ou le soir, étaient toujours très animés. Il n'y avait pas une seule fois où Saori ne les avait pas entendus se chamailler. Et depuis quelque temps, elle se rajoutait en taquinant soit l'un soit l'autre, selon la situation. Il était loin le temps où elle n'osait pas adresser la parole à l'as de Shutoku mais la rousse ne regrettait rien… ou presque. Car oui, elle regrettait juste que ce soit la présence d'Ikeda Masato qui ait poussé Midorima à lui adresser la parole. Mais bon, au moins elle avait la chance de lui parler et même de le taquiner un peu, ce qu'elle n'échangerait pour rien au monde.
Soudain, un frisson remonta le long de son échine quand une sensation familière et désagréable l'atteignit de plein fouet. La lycéenne s'arrêta instantanément de marcher et se retourna vivement. Personne. Était-ce son imagination ? Non, cette sensation était bien trop forte pour l'avoir rêvée.
_ Que se passe-t-il, Uranaka ? fit soudain la voix de Midorima.
_ Je ne suis pas certaine mais…
_ On est suivis, c'est ça ? comprit le brun, terminant la phrase à sa place, voyant qu'elle ne continuait pas.
Saori hocha la tête et frissonna de plus belle. C'était encore pire qu'avant, comme si une menace planait sur elle et c'était vraiment pesant. L'ambiance avait changé du tout au tout entre les trois adolescents. Les yeux écarquillés, la rousse vit enfin apparaître cette silhouette qui la hantait depuis des mois. C'était donc bien Ikeda qui la suivait comme son ombre, tous les soirs !
_ Tu te montres enfin, déclara Takao sans le moindre sourire.
Les prunelles noires d'Ikeda brillaient d'un éclat étrange, qui ne plaisait pas aux deux garçons. Qu'avait-il l'intention de faire ? Les basketteurs le comprirent très vite quand ils le virent se placer devant Saori en lui tendant la main.
_ Viens avec moi, Saori-chan, tu sais que je suis celui qu'il te faut, admets-le, lâcha-t-il avec un sourire étrangement tendre. Je peux te rendre heureuse, j'en suis sûr.
Quoi ? Mais non ! Pourquoi elle admettrait une chose qu'elle ne pensait pas le moins du monde ? Cela n'avait aucun sens. En tout cas, Ikeda s'était vraiment persuadé qu'elle l'aimait et elle se demandait ce qu'elle avait bien pu faire ou dire pour qu'il pense cela.
_ Je suis très bien avec mes amis, Ikeda-kun, dit-elle en lui faisant face, la présence de Midorima et Takao lui donnant du courage pour l'affronter. Je t'ai déjà dit que je refusais de sortir avec toi et ça n'a pas changé.
Avec appréhension, Saori vit le visage du garçon se fermer brusquement, avant qu'il ne tente d'attraper son poignet. Seulement, elle fut tirée en arrière et elle vit Midorima juste devant elle, et Takao à côté de lui. Le meneur se tourna vers elle et lui adressa un clin d'oeil réconfortant, ce qui marcha.
_ C'est fini, Ikeda, tu as perdu, lui asséna durement Takao en le foudroyant du regard. Laisse Saori-chan tranquille, elle ne veut pas de toi, elle vient de le répéter à l'instant.
_ Elle ne veut juste pas reconnaître qu'on est faits l'un pour l'autre ! s'écria le harceleur en la pointant du doigt. C'est pour ça que je la suivais, je voulais tout savoir d'elle !
_ Tu aurais simplement pu lui parler, tu ne crois pas ? Là, tout ce que tu as réussi à faire, c'est l'effrayer, continua le numéro dix de Shutoku sur le même ton tranchant. Et ce que tu fais, c'est du harcèlement.
_ Je ne la harcèle pas, je l'aime !
Drôle de façon d'aimer quelqu'un, se dit Midorima sans prononcer un mot. Certes, il ne connaissait pas grand-chose de l'amour mais il était certain que le comportement obsessionnel d'Ikeda n'avait rien à voir avec ce sentiment. C'était malsain, rien de plus. Violer le jardin secret d'une personne était grave, très grave.
Et puis, même si elle ne sortirait jamais avec lui, jamais Midorima ne la laisserait avec un garçon capable d'un tel comportement. Ce serait bien trop dangereux pour elle et il voulait simplement qu'elle soit heureuse, même avec un autre. Enfin, c'est ce qu'il aurait voulu dire mais sa jalousie n'était pas d'accord.
_ Tu as admis devant témoin ton comportement abject avec Uranaka et les professeurs vont en entendre parler, lâcha soudain le shooter de la Génération Miracle en dardant sur lui un regard plein de mépris.
_ C'est votre parole contre la mienne ! s'énerva le brun aux prunelles sombre en serrant les poings.
_ Ta parole ? fit Takao avec un sourire narquois sur son visage. C'est drôle que tu dises ça car c'est justement elle qui va prouver ce qu'on avance.
Toujours le même air moqueur au visage, le meneur aux yeux de faucon appuya sur une touche de son smartphone et toutes les personnes présentes purent écouter le début de la conversation qu'ils venaient d'avoir un peu plus tôt. Fier de lui, Takao coupa l'enregistrement d'un geste désinvolte.
_ Tu as tout enregistré ?!
_ Oui, alors à partir de maintenant, laisse Saori-chan tranquille car si j'apprends que tu recommences, les professeurs auront vent de ce qui s'est passé, le menaça le basketteur.
Ikeda foudroya les garçons du regard, comprenant qu'il ne pouvait plus rien faire… pour le moment du moins. Il lui suffisait d'attendre que la jolie rousse soit seule pour aller la voir, et il n'allait pas s'en priver. Les menaces de ces deux idiots de sportifs ne lui faisaient pas peur car son amour pour Saori était plus fort que tout.
_ J'en ai pas fini avec vous, lâcha-t-il avant de tourner les talons, de la rage dans les yeux.
Avec soulagement, la lycéenne de Shutoku le regarda partir mais sa dernière phrase était un peu inquiétante. En tout cas, elle était vraiment reconnaissante de ce que ses amis venaient de faire pour elle.
_ Merci, les garçons, murmura-t-elle, les yeux fermés.
_ C'était l'idée de Shin-chan, tu sais, lui apprit Takao avec un clin d'oeil amusé vers le mentionné.
Le dit Shin-chan lâcha un soupir désabusé, il fallait toujours que son coéquipier parle trop. Uranaka n'avait pas besoin de savoir que cela venait de lui. Le jeune homme à lunettes retint son envie de le frapper et préféra se tourner vers la rousse qui lui adressait un sourire lumineux.
_ Merci d'avoir fait ça pour moi, Midorima-kun, déclara-t-elle d'une voix douce.
_ Ce n'était pas spécialement pour toi, nanodayo, nia-t-il, les joues rouges.
_ C'est évident, ironisa Takao avant de sourire d'un air narquois.
_ La ferme, Takao.
Sur ces sages paroles, les trois adolescents reprirent enfin leur route, oubliant volontairement ce qui venait de se passer, profitant simplement d'être ensemble. Finalement, Saori n'avait besoin que de cela pour être heureuse.
OoOoOoO
Après cette discussion pour le moins animée avec Ikeda, trois semaines s'étaient écoulées. Trois semaines durant lesquelles la jolie rousse aux prunelles noisettes avait pu profiter d'une tranquillité nouvelle, enfin libérée du poids qu'il représentait sur sa vie. Bien sûr, elle n'avait pas oublié la dernière phrase qu'il avait prononcé avant de les quitter mais Midorima devait avoir raison : ce n'était que pure bravade de sa part pour ne pas perdre la face. Même si elle devait avouer que la lueur d'hésitation dans son regard vert l'avait alertée, elle préférait se laisser convaincre qu'elle l'avait imaginée.
Les cours de la journée venaient de se terminer et ce soir, Saori ne pouvait pas rentrer avec ses amis car sa famille et elle étaient invités chez son oncle paternel. Elle se retrouvait donc seule, pour la première fois depuis longtemps, devant son casier dans le genkan du lycée, afin d'enfiler ses chaussures.
Malgré tout, une lueur d'appréhension pouvait être aperçue au fond de ses prunelles chocolat. En effet, elle ne bénéficiait pas de la présence rassurante d'au moins un de ses deux amis du club de basket et son instinct lui disait de se méfier. Qu'elle n'était pas seule, dans ce genkan presque déserté par ses camarades lycéens.
_ Non, pas ça, souffla-t-elle en frissonnant.
Cette sensation qu'elle avait oublié faisait son grand retour, signe qu'Ikeda n'avait pas retenu la leçon. Et cela se confirma quand elle releva la tête et qu'elle le vit juste devant elle, lui coupant toute route jusqu'à la sortie.
_ Ikeda-kun ?
_ C'est bien moi, Saori-chan, confirma-t-il avec un sourire presque cruel. Je savais que ma patience allait porter ses fruits.
L'expression sur le visage du brun ne lui disait rien qui vaille et il n'y avait plus personne dans les environs. Il avait bien calculé son coup, elle devait l'admettre, bien que cela ne réglait pas son problème. Il avait dû s'assurer que ses deux amis étaient bien au club de basket avant de venir la voir. Sa minutie avait quelque chose d'effrayant.
_ Tu es à moi, Saori-chan, je t'aime et je ne te laisserai pas à un autre.
La menace contenue dans sa voix n'était pas pour rassurer la jeune fille, dont le corps se mettait à trembler. Mais hors de question d'abandonner sans se battre.
_ Je ne t'appartiens pas, je n'appartiens à personne.
En entendant cette phrase, le sang d'Ikeda ne fit qu'un tour et il plaqua ses mains sur les portes des casiers, au niveau de la tête de Saori, tout en l'emprisonnant avec son corps. Un sourire fou vint assombrir son visage.
_ Sors avec moi, Saori-chan, tu seras la plus heureuse du monde, je te le promets.
_ Je t'ai déjà dit non, je ne suis pas amoureuse de toi, Ikeda-kun, répéta-t-elle d'une voix tremblante.
_ Si, tu l'es ! cria-t-il en frappant le poing contre les casiers. Ne mens pas, tu n'as pas le droit !
Comment avait-elle pu croire que tout serait terminé ? Pourquoi ne s'était-elle pas davantage méfiée ? Elle espérait vraiment que quelqu'un vienne l'aider, même si au fond de son coeur, elle ne voulait voir personne d'autre que Midorima Shintaro, celui qui avait capturé son coeur depuis bien longtemps.
_ Je ne te mens pas, Ikeda-kun…
_ Si, parce que sinon, jamais tu ne m'aurais souri comme ça, jamais tu n'aurais passé autant de temps avec moi, jamais tu n'aurais laissé tes amis pour venir avec moi quand je t'appelais, énuméra-t-il fébrilement sur ses doigts. Tu m'aimes, je le sais !
Pendant ce temps-là, bien cachée au coin du mur, une personne écoutait cette conversation, très agacée. Il recommençait, il avait mis le temps, se dit Midorima en jubilant intérieurement. Heureusement qu'il passait par-là, sinon il n'aurait jamais su. Comme quoi, cela avait parfois du bon d'oublier son objet chanceux dans le casier de son pupitre.
Ne pouvant plus rester sans rien faire alors que cet ordure menaçait Uranaka, Shintaro sortit de sa cachette et il profita qu'aucun des deux ne l'avait vu arriver pour prendre la main de la jeune fille afin de l'attirer à lui. Surpris, Ikeda n'eut pas le temps de la retenir et son geste se figea quand ses yeux sombres rencontrèrent ceux plein de colère du basketteur, qui le paralysèrent sur place. Il comprit alors qu'il allait mettre sa menace à exécution et qu'il avait… perdu.
Sans faire plus attention à lui, Midorima tira la jeune fille par le bras et marcha en direction du gymnase d'un pas rapide, obligeant Saori à presque courir pour rester à sa hauteur. Non loin du bâtiment, il s'arrêta dans un coin tranquille, connu seulement du club de basket et lâcha le bras de la rousse dans le même temps.
Après un laps de temps trop long pour elle, il se tourna enfin et darda sur elle un regard intense, empreint d'une colère qu'elle espérait ne pas être dirigée contre elle. Elle n'avait rien fait qui aurait pu la provoquer. Autant ne pas s'imaginer des choses, il valait mieux qu'elle attende ses explications… enfin, s'il daignait lui en donner.
_ Je ne supporte plus de voir ça, lâcha soudain le vert dans un souffle. Je ne supporte plus de le voir comme ça avec toi…
Saori sentit des frissons intenses et agréables lui parcourir l'échine en entendant ces mots. Des mots que, à en juger par la surprise qu'elle voyait dans ses yeux, le basketteur n'avait pas eu l'intention de dire. Serait-il… jaloux ? Mais jamais elle n'avait remarqué quelque chose dans son comportement qui le laisserait présager. Un ami distant mais présent quand elle en avait besoin, voilà comment il était avec elle. Le seul moyen d'en avoir la confirmation était de le lui demander mais son courage lui faisait quelque peu défaut.
Midorima se traita de tous les noms d'oiseau qu'il connaissait. Comment avait-il pu faire une bourde pareille ? Uranaka allait se douter de quelque chose, maintenant, c'était obligé. Mais le pire fut d'entendre la question qu'elle lui posa ensuite, d'une voix un peu hésitante :
_ Midorima-kun, tu es… jaloux d'Ikeda-kun ?
En y réfléchissant, la rousse se disait que c'était la seule explication possible, ce qui fit naître en elle un espoir, maigre mais présent, qu'il puisse partager ses sentiments.
Ce qu'il pouvait détester quand il était mis face à ce qu'il ressentait, se dit Shintaro en se détournant pour cacher ses joues brûlantes. Devait-il lui dire et prendre ce risque ? Bon sang, c'était vraiment difficile quand même ! Ne pouvant pas prononcer un seul mot, bien trop gêné pour cela, il se contenta de hocher la tête sans la regarder, pour la même raison. Il était au pied du mur et il n'était pas un menteur, sauf quand les circonstances l'exigeaient, songea-t-il quand il se rappela du mensonge raconté à Ikeda, quelques semaines auparavant.
Le numéro six de Shutoku s'était rarement senti aussi mal à l'aise, son souffle lui manquait, son coeur battait la chamade dans sa cage thoracique et ses mains devenaient moites. Quelle horreur !
Midorima était vraiment jaloux d'Ikeda ? Saori n'en revenait pas tandis qu'un sourire commençait à apparaître, son espoir se faisant plus puissant. Comme quoi, son ami Takao n'avait pas raconté n'importe quoi, comme elle le pensait sincèrement. Jamais elle n'aurait pu imaginer une telle situation entre le vert et elle.
_ Pour quelle raison ? lâcha-t-elle en lui faisant face, remarquant ainsi son visage écarlate.
_ Parce que Shin-chan est amoureux de toi, tout simplement, intervint la voix moqueuse de Takao, derrière un arbre.
Les deux adolescents sursautèrent dans un bel ensemble en entendant cette voix et Shintaro le fusilla du regard, le menaçant des pires représailles quand il reviendrait dans le gymnase. Il allait vraiment finir par le tuer, un jour. Il ne pouvait pas se taire, maintenant elle était au courant !
_ Amoureux… de moi ? répéta la rousse, la bouche entrouverte de surprise.
Le coeur de la jeune fille battait à tout rompre dans sa poitrine et elle se sentait étrangement bien. Comme sereine et pleine d'espoir pour l'avenir. C'était inexplicable mais son amour pour le basketteur à lunettes l'était tout autant. Et c'était très bien ainsi.
_ Je vous laisse parler tous les deux, maintenant, leur annonça le meneur aux yeux de faucon, l'air de rien. A plus tard, Shin-chan, Saori-chan, et ne faites pas de bêtises, d'accord ?
_ La ferme Takao, nanodayo, gronda son coéquipier, retenant son envie de le frapper.
Alors que le brun retournait dans le gymnase -non sans rire, bien évidemment- Midorima le fixait, une envie de meurtre dans ses prunelles vertes. Toujours à mettre les pieds dans le plat, celui-là, se dit-il en soupirant. Comment il allait s'en sortir, à présent ? Pas par une pirouette, c'était certain.
Tandis qu'il se posait toutes ces questions, Shintaro sentit avec un temps de retard Uranaka se coller à lui, la tête baissée contre son torse, ses mains agrippant son haut au niveau de son coeur. Bon sang ! Elle ne pouvait que remarquer les battements effrénés de son myocarde, en étant aussi proche de lui. Il ne savait plus où se mettre et il se demandait ce qu'elle pouvait bien faire. Jamais elle ne s'était comportée ainsi avec lui, ni avec Takao, d'ailleurs. Que se passait-il, enfin ?
_ Je peux enfin te le dire, maintenant, fit la rousse en souriant, gardant la tête baissée, celui dont je suis amoureuse depuis tout ce temps, c'est toi, Midorima-kun.
Le cerveau de Midorima se mit en mode veille en entendant les mots de la jeune fille. Il n'était pas certain d'avoir bien entendu ce qu'elle venait de dire mais à en juger par les réactions de son corps, il avait bien compris. Ses bras se mirent à bouger tout seuls et ils s'entourèrent autour de la rousse, pour la serrer un peu plus contre lui. Ce serait mentir de dire qu'il était parfaitement à son aise mais il devait avouer qu'il se sentait un peu apaisé de l'avoir dans ses bras. Tant que personne ne les regardait, bien sûr.
Saori, elle, profitait simplement de ce moment hors du temps et elle n'attendait pas spécialement qu'il lui dise ces trois mots car rien qu'à voir sa réaction aux mots de Takao, elle savait que c'était réciproque. Et c'était tout ce qui lui importait. Bien sûr, elle avait envie de les entendre mais elle lui laisserait le temps dont il aurait besoin.
_ Ferme les yeux, Uranaka, lui dit-il tout à coup.
Tellement bien dans ses bras, Saori obtempéra sans se poser de question. Elle sentit le doigt du basketteur relever doucement son menton et avec surprise, elle sentit quelque chose de chaud et doux se poser sur ses lèvres. Elle ouvrit les yeux subitement et elle comprit que Midorima était en train de l'embrasser, un baiser aussi léger qu'un bruissement d'ailes de papillon, avant qu'il ne se redresse, les joues brûlantes.
En vérité, la rousse ne devait pas être dans un meilleur état mais elle aurait voulu que cela dure plus longtemps. Malgré tout, Saori décida de le taquiner un peu, ne pouvant pas s'en empêcher :
_ Tu m'aimes, alors, Shin-chan ?
_ Non, pas du tout, nia-t-il les joues encore plus rouges. Et ne m'appelle pas comme ça.
_ Plus crédible que toi, je ne trouve pas, se moqua-t-elle gentiment, en se serrant davantage contre lui. Tu ne sais vraiment pas mentir, hein ?
Voulant avoir la paix, Midorima hocha finalement la tête sans la regarder, confirmant ainsi ses sentiments à Saori, dont la joie ne connut plus de bornes.
_ Tu es mon petit ami, maintenant ?
_ Tant que tu me fiches la paix avec ce surnom ridicule, bougonna-t-il.
_ D'accord, Shin-kun, accepta-t-elle dans un doux sourire, ce sourire qu'elle ne réserverait qu'à lui.
Certes, Midorima Shintaro n'avait pas un caractère des plus simples à cerner, mais Saori l'aimait du plus profond de son coeur. Après tout, il l'avait sauvée des griffes du garçon qui lui faisait peur et à présent, la jeune fille savait qu'elle pouvait regarder vers l'avenir.
Un avenir radieux, songea-t-elle alors qu'elle se mit sur la pointe des pieds pour l'embrasser amoureusement. Dans ses bras, elle avait trouvé sa place.
