Elfe Bêta : Mokonalex


Allongé sur son lit, dans le dortoir désert des 7ème année de Gryffondor, Harry ruminait sa nouvelle déconvenue. Il avait refusé de céder à Ron et à Hermione qui insistaient pour savoir ce qui le rendait ronchon. Sa mauvaise humeur les ayant lassés, Harry s'était retrouvé tout seul dans le dortoir et ne s'en portait pas plus mal. Une lettre traînait encore sur la couverture près de lui. Albus Dumbledore la lui avait envoyée via hibou au petit déjeuner dans la Grande Salle. Ron, avec sa délicatesse coutumière, avait voulu la lire et comme Harry refusait, il avait tenté de lui arracher ladite lettre de force. Hermione était intervenue, outrée de l'attitude du rouquin. Harry s'était empressé de ranger le parchemin dans sa chemise sous le regard inquisiteur de Ron.

Le jeune Gryffondor poussa un soupir, s'étira comme un chat et reprit une nouvelle fois la lettre pour la relire.

Cher Harry

Je t'octroie un budget de cent cinquante gallions pour te refaire une garde-robe correcte. Je sais bien que tu ne manques pas d'or mais considère que tu es en mission pour l'Ordre du Phénix et que ce sont tes frais pour cette mission. Comme tu ne retourneras sûrement plus chez les Dursley, tu n'auras pas à craindre que tes nouveaux vêtements ne soient jetés ou brûlés. Je sais que cette pensée t'empêchait d'acheter de nouveaux vêtements, ou du moins en quantité et qualité correctes.

Choisis des choses qui te mettront en valeur, tu es censé vouloir séduire Severus. Je sais combien cette mission est difficile pour tous les deux, mais vous vous en sortirez très bien, j'en suis sûr. Le Professeur Rogue a reçu lui aussi ce même budget et devra faire un effort dans son apparence. Il faut que vous soyez crédibles.

Cet après-midi tu pourras aller à Pré-Au-Lard avec les autres. Sois prudent surtout, il y aura des professeurs et des membres de l'Ordre pour assurer ta sécurité.

Essaie de t'amuser quand même.

Albus Dumbledore

PS : L'or te sera remis par Monsieur Rusard. Il sera à la Grande Porte comme d'habitude et ne te posera aucune question.

°Je vais devoir me relooker, ça pourrait être marrant au final. Je vais en profiter un peu pour les faire chier, tous ! Au moins ils auront une bonne raison de raconter des conneries dans la Gazette du Sorcier une fois que toute l'opération se mettra en place. °

Harry se releva et plia la lettre du Directeur très soigneusement. Il se mit ensuite à quatre pattes et tira sa malle de sous son lit. Il cacha la lettre au milieu des vieilles affaires héritées de Dudley puis il referma le couvercle, le scella par un sortilège que lui avait enseigné Remus et repoussa la malle sous le lit.

°On n'sait jamais, Ron est capable de fouiller partout pour lire la lettre. Dumbledore a raison, on ne peut pas lui faire confiance. C'est quand même dingue, il est jaloux, indiscret… Va falloir qu'il change ! Merlin… comment il va prendre ça, quand il va croire que Rogue et moi on… misère…°

Harry poussa un soupir à fendre l'âme et se passa une main nerveuse dans les cheveux. Un coup d'œil sur sa montre lui indiqua qu'il était temps qu'il se rende à la Grande Salle pour déjeuner. L'heure de la sortie au Pré arriverait ensuite très vite. Tout en descendant les sept étages, Harry songeait aux évènements de la semaine. Il était arrivé à une sorte d'accord avec le ténébreux Professeur Rogue. Après tout, il était aussi une victime dans cette histoire et il en voulait à mort à Drago Malefoy d'avoir raconté un mensonge à Voldemort. Ce ressentiment avait coûté à Drago trente points pendant le dernier cours de potions plus une retenue avec Rusard tous les soirs pendant une semaine, pour avoir jeté un ingrédient dans le chaudron d'Harry lorsque celui-ci s'était tourné pour prendre son touilleur en bois. Les élèves des deux Maisons rivales s'étaient regardés avec surprise et n'avaient pas osé faire une réflexion de peur d'aggraver l'état de leurs sabliers.

Au moment de la sortie, Severus, d'une voix douce, avait lancé :

— Harry ? Tu resteras deux minutes, je veux te parler.

Harry, qui était au courant de ce qu'avait prévu de faire le Maître des Potions, avait juste hoché la tête sans paraître surpris. Ron l'avait regardé la bouche grande ouverte et les oreilles écrevisses, et Hermione la bouche pincée et les yeux plissés, signes d'une grande concentration. Elle avait ensuite traîné Ron par le bras jusque dans le couloir et ils avaient attendu qu'Harry sorte.

Seul avec Severus, Harry avait laissé deux minutes passer, montre en main. Un sortilège lancé par le Maître des cachots avait permis de rendre le mur de la classe transparent de leur côté et ils avaient vu Ron et Hermione près de l'entrée de la classe et Drago Malefoy qui, intéressé, rodait un peu plus loin en surveillant la porte.

— Bien, soupira Severus, ça marche. On les intrigue. Vous savez ce que vous devez faire, Potter ?

— Oui, Professeur, mais je vous rappelle que vous devez m'appeler Harry, sinon nous ne serons pas crédibles.

— Potter, la comédie c'est pour les autres, pas pour nous !

— Comme vous voudrez, Monsieur, mais si vous vous oubliez… on est grillés !

— POTTER !

— Ok, ok… j'ai rien dit.

— Bon, ça devrait aller, vous pouvez sortir. N'oubliez pas ce qui est prévu.

Harry hocha la tête et entrouvrit la porte de la classe, et laissant la main sur la poignée baissée, il lança de façon à être entendu :

— À demain, Severus.

— À demain, Harry, répondit son complice.

Le jeune Gryffondor sortit ensuite comme si de rien n'était et referma la porte derrière lui. Aussitôt, Ron et Hermione se jetèrent sur lui.

— Eh ! Mec ! C'est quoi ce binz' ? Rogue t'appelle Harry et te tutoie maintenant ? Et tu l'appelles Severus ? À quoi tu joues ? C'est le bâtard graisseux, merde ! La Chauve-souris des cachots !

— Ça ne te regarde pas, Ron ! Ce ne sont pas tes affaires ! D'abord la lettre de ce matin que tu as voulu m'arracher pour la lire, ensuite tu écoutes aux portes les conversations privées ! Je ne te félicite pas ! Et tu le laisses faire, Hermione ? Bravo !

Un peu plus loin, Drago faisait semblant de lacer sa chaussure et n'en perdait pas une miette. Satisfait, il se releva et quitta le couloir des cachots.

— Harry, on n'a pas écouté à la porte, tenta de se justifier Hermione. On t'attendait, c'est tout. Mais c'est vrai que c'est étrange, Rogue t'a tutoyé et appelé Harry. Comment ça se fait ?

— Nos relations se sont améliorées. C'est tout. Dumbledore lui a demandé de m'entraîner, c'est pour ça. Il s'est oublié, normalement on ne se parle comme ça qu'en privé. Pas de quoi fouetter un chat.

— Et il te voulait quoi ? insista Ron qui n'y croyait pas vraiment.

— Me donner l'horaire de mon prochain cours d'Occlumancie, t'es content ?

— Oooohh ! Tu as repris l'Occlumancie, s'extasia Hermione. C'est bien qu'il ait accepté de te reprendre.

— Ordre du Directeur, c'est tout. On y va ? Je n'ai pas l'intention de prendre racine dans le couloir des cachots.

Pendant le reste de la semaine, Ron, Hermione et Malefoy n'avaient, ni posé de question, ni cherché à le suivre. L'opération relookage était à présent lancée et la suspicion de retour chez Ron et Hermione.

Arrivé dans la Grande Salle, Harry s'installa à table sans un mot ni un regard pour personne. Ses condisciples, témoins de son altercation matinale avec Ron, le surveillaient du coin de l'œil. Harry remplit son assiette distraitement, en songeant à ce qu'il allait bien pouvoir faire de ses cent cinquante gallions. Cette pensée était très excitante et il se mit à sourire dans le vague. Bien entendu, Hermione et Ron se regardèrent, se posant la même question au même moment. Seamus choisit alors d'intervenir.

— Harry ? Tu vas au Pré tout à l'heure ?

— Ouais… fit le jeune Élu, un air extasié et rêveur sur le visage.

— Tu viens avec nous chez Zonko ?

— Nan, j'ai des trucs à faire.

— Quoi ? insista Ron qui avait suivi le bref échange avec Seamus.

— De quoi je me mêle, hein ? réagit aussitôt Harry.

Il regarda machinalement vers la Grande Table Professorale. Le Professeur Rogue le regardait. Lorsqu'Harry croisa son regard d'onyx, le Maître des cachots lui fit un petit sourire et un clin d'œil.

Harry, surpris, en avala sa salive et timidement lui rendit son sourire, puis il se détourna, gêné.

° Merlin, le con, il joue bien son rôle. Il est arrivé à me surprendre. Faut que je fasse gaffe ! °

L'échange un peu inattendu entre Severus et Harry n'avait pas échappé à Hermione, et son regard allait de l'un à l'autre. Harry baissait obstinément la tête et Ron, vexé, boudait. Un coup d'œil à la table des Serpentards apprit à la brune Gryffondor que Drago Malefoy n'avait pas perdu non plus une miette de l'interaction, et les yeux froncés, il regardait alternativement son Directeur de Maison et sa Némésis.

— Bien, je n'ai pas rêvé. Malefoy est aussi surpris que moi, songea Hermione. J'aimerais comprendre. Rogue et Harry se détestent. Normalement. Or depuis une semaine, il agit étrangement. Non, ils agissent étrangement. J'aimerais en avoir le cœur net, Rogue a fait un clin d'œil et un sourire à Harry…

Une fois son repas expédié, Harry sortit rapidement sans attendre personne. Pour lui, c'était évident, Ron et Hermione mordaient à l'hameçon, et il supposait que Malefoy aussi, mais il lui fallait une confirmation. Il alla attendre le Maître des Potions dans le couloir des cachots. Il n'eut pas à poireauter très longtemps, le claquement des bottines du maître des lieux se fit bientôt entendre sur les dalles de pierre.

— Potter, soupira Severus Rogue, que faites-vous là ?

— Je vous attendais, murmura Harry. Besoin d'un débriefing, là.

— Ok, entrez donc dans cette salle.

Severus Rogue ouvrit la première porte qui se trouvait près d'eux et ils entrèrent dans un cachot humide où étaient entreposés des chaudrons éventrés et des paillasses ruinées par les explosions de chaudrons au cours des années passées.

— Alors ? Que se passe-t-il ? s'inquiéta le Professeur Rogue.

— Comment réagit Malefoy ? Vous avez remarqué ? Parce que je vous préviens que du côté des Gryffondors, ça bouge. Ron me fait la gueule, Hermione est persuadée qu'on lui cache des trucs et il ne va pas se passer deux jours avant que tous les Rouge et Or ne m'accusent de haute-trahison. Je vous rappelle quand même que les Serpentards, c'est l'ennemi !

— Noooon ? s'amusa la Terreur des cachots, je n'avais pas remarqué, figurez-vous ! Je vous rappelle, Potter, que votre cher père et votre très cher parrain ont fait de ma vie d'élève ici un enfer, au cas où vous l'auriez oublié.

— Non, Professeur, je n'ai pas oublié, vous ne manquez jamais de me le rappeler, ça ne risque pas de m'échapper d'ailleurs. Ceci dit, je ne suis pas là pour parler d'eux. Malefoy ?

— Il marche… peut-être pas autant que Weasley et Granger, mais ça fonctionne.

— Je trouve que ça va un peu vite, ça va lui paraitre suspect, non ? Après tout ça ne fait que huit jours que Voldemort…

— POTTER !

— Pardon… Vous-Savez-Qui, vous a donné la mission saugrenue et complètement idiote de me séduire. Si on ne ralentit pas un peu, ça ne sera pas crédible. Je vous rappelle qu'on était censés se détester.

— Non, Potter, rectification, JE VOUS DÉTESTE !

— Ça tombe bien moi aussi, soupira Harry. Au fait, je vais au Pré, tout à l'heure, dépenser les sous-sous de ce cher Albus.

— Vous allez acheter quoi ? s'inquiéta le Directeur de Serpentard.

— De quoi me déguiser en tapette, puisque, paraît-il, j'en suis une depuis une semaine ! Marrant, j'étais pas au courant.

— Calmez-vous, Potter, nous sommes dans la même galère. Je vous rappelle que je ne suis pas non plus intéressé.

— Vous y allez aussi ?

— Pas le choix, Potter, ce sont les ordres du Directeur.

Severus renifla et afficha une mine dégoûtée.

— Voulez-vous qu'on leur donne un petit coup de grâce cet après-midi ? Ensuite je vous préviens je ne fais plus rien de la semaine, j'ai besoin de penser à autre chose !

— Bon, si vous voulez. Vous avez un plan ou on improvise ? demanda l'Élu avec intérêt.

— Pas de plan, je ne suis pas inspiré, on verra au moment venu si on se croise. Surtout ne faites rien d'extravagant ! Si je me rends ridicule à cause de vous, vous le paierez Potter, je vous le promets !

— Parce que je ne serai pas ridicule moi, peut-être, à soi-disant sortir avec VOUS ? Vous avez l'âge de mon père et vous n'êtes pas un prix de beauté !

— Merci de votre sollicitude, Potter, mais un petit binoclard maigrichon, ce n'est pas mon genre, non plus !

— PARFAIT ! Je m'en vais ! Et si je ne vous croise pas, je vous préviens, ça suffira pour cette semaine ! Me ridiculiser et foutre ma vie en l'air, c'est pas un truc que j'ai envie de faire tous les jours.

— Potter… j'oubliais… Lucius Malefoy risque de vouloir vérifier par lui-même que les ordres du Seigneur des Ténèbres ont bien été respectés, je tenais à vous le dire car c'est tout à fait son genre. Il ferait n'importe quoi pour me prendre en défaut et me mettre en difficulté. Il faudra que nous pensions à une stratégie assez vite.

— Bien. Je suis d'accord. Et franchement, ça ne m'étonne pas de ce connard peroxydé !

— Langage, Potter !

— Nan. Nous sommes en mission, pas en cours. Si vous me tirez des points quand on bosse sur cette satanée panade, je me plaindrai au Directeur et vous vous débrouillerez tout seul !

Harry n'attendit pas que le Professeur Rogue enregistre la menace et réagisse. Il le planta là et quitta le cachot précipitamment. Pansy Parkinson qui l'aperçut, fronça les sourcils et ne commença à s'inquiéter de la présence du Survivant dans cette pièce que lorsque dix secondes plus tard, elle vit son Directeur de Maison en sortir également et partir dans la direction opposée. Pansy se précipita pour raconter l'anecdote à Drago Malefoy.

L'Élu sortit du Hall du château avec l'intention de trouver Argus Rusard pour ensuite filer vers Pré-Au-Lard, seul si possible. Il vit le vieux concierge qui houspillait des premières années qui jouaient avec des cailloux. Il s'approcha du vieil homme mal rasé et sale.

— Monsieur Rusard ? Je viens de la part du Professeur Dumbledore, Monsieur.

— Je vous attendais, Potter. Prenez ceci et filez. Ordre du Directeur.

Argus Rusard sortit de la poche de sa redingote râpée une bourse pleine de gallions et la mit dans la main tendue d'Harry.

— Merci, Monsieur.

— Potter, fit le vieux concierge en inclinant la tête.

Harry mit rapidement la bourse dans sa poche et se dirigea tranquillement vers les grilles de Poudlard. Il marcha jusqu'aux limites du château en faisant sauter avec ravissement la bourse bien ronde, dans la poche de sa robe. Il jeta rapidement un coup d'œil autour de lui, mais ne reconnut pas les élèves qui l'entouraient, aucun n'étant de sa Maison ou de son année.

Le premier arrêt « relookage » d'Harry fut pour le coiffeur magique. Il entra dans la boutique, un peu intimidé. Heureusement, elle était déserte. Un jeune homme efféminé, habillé d'un pantalon de cuir noir moulant et d'un tee-shirt collant se précipita pour lui demander ce qu'il souhaitait. Un coup d'œil sur le badge que le jeune portait à la poitrine apprit à Harry qu'il s'appelait Byron.

— Heuuu… voilà… Byron, je voudrais bien changer de look. Vous avez une idée ?

— Court ou long ?

— Ben, chais pas trop. J'ai pas l'habitude, mes cheveux ne poussent pratiquement pas.

— Je vois… Faut manger un peu plus, voyons ! Et ça s'arrangera !

— Vous croyez ?

— Bien entendu ! Alors ? insista le coiffeur en se tortillant devant la glace pour admirer la coupe de son pantalon.

— Long alors, si on peut.

— On peut. Asseyez-vous, je vous passe un peignoir tout de suite.

— Byron, j'adore votre pantalon et votre tee-shirt. Ça vient d'où ? demanda Harry en examinant scrupuleusement la tenue du jeune coiffeur, tandis qu'il tenait les manches du peignoir pour qu'Harry les enfile.

— Ooohhh ! On a envie de séduire un beau jeune homme ?

— Comment vous savez ça, vous ? s'amusa l'Élu.

— Je vois pas un de ces coincés d'hétéros s'habiller comme ça, mon chou !

°Mon chou ? Retenez-moi je vais l'étriper ! Heuuu… pas avant d'avoir été coiffé quand même, Ry… Pousse pas ! Respire et ça ira mieux… Pense à la tête de Ron et de la fouine ce soir ! Ouais, surtout de la fouine ! Et celle de Severus ! Hein ? Depuis quand c'est Severus, lui ? Nan ! La tronche du bâtard graisseux. °

— Alors ? Vous avez trouvé ces merveilles où ?

— Chez GaiChiffon, voyons ! Et si vous voulez vraiment changer de look, faut pas garder les lunettes non plus.

— Héééé ! Je vois rien du tout sans !

— Évidemment ! On ne porte pas de lunettes pour faire joli ! Enfin… pas trop, soupira Byron en levant les yeux au plafond. Avec des yeux magnifiques comme vous avez, c'est un péché de les cacher ! Je vais vous marquer l'adresse sur un parchemin tout à l'heure. Bon alors, on y va ? Je vais déjà les allonger magiquement, décida-t-il les doigts dans les cheveux noirs d'Harry. Ensuite on choisira une coupe et une couleur.

— Couleur ?

— Moui… je verrais bien des p'tites mèches rouges ou bleues, par ci, par là… insista-t-il en prenant sa baguette magique.

— C'est bien ça ? Des mèches ?

— C'est hyper tendance, mon chou ! Vous allez faire des ravages ! Prêt ? On y va !

Deux heures plus tard, Harry sortait de chez Byron avec les cheveux longs jusqu'au milieu du dos, effilés en longues mèches dont certaines étaient bleues et une longue frange, elle aussi effilée, lui couvrait le front et tombait sur ses yeux et son nez. Byron avait d'ailleurs poussé un cri en découvrant la cicatrice l'identifiant comme Harry Potter. Il avait malgré tout promis le silence, et s'était fait une joie de donner à Harry toutes les adresses nécessaires à un changement extrême de look, trop content d'être dans le secret des Dieux : Harry Potter, le Survivant, était gay et voulait séduire un garçon !

Harry jeta un coup d'œil sur le parchemin que Byron lui avait remis et il se mit à sourire mystérieusement. Il chercha parmi les vitrines et les enseignes la boutique de l'opticomage…

Lorsque l'heure du retour à Poudlard approcha, Harry, chargé de plusieurs sacs en cartons, entreprit de retourner vers l'école. Il avait tout fait pour éviter ses condisciples, sachant très bien qu'ils concentreraient l'essentiel de leur visite chez Zonko, Honeydukes et les Trois-Balais.

Arrivé dans la salle commune des Rouge et Or, Harry monta vers son dortoir sans un regard vers les élèves qui étaient sur place. Il fouilla vivement dans un des sacs en carton et en sortit une fiole de verre dont il avala goulument la potion. Il conjura ensuite un miroir et tira la langue. Un magnifique piercing argenté transperçait douloureusement ce muscle sensible et mobile et la potion devait favoriser la cicatrisation.

°Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire ! Heureusement que pour demain, avec cette potion, ce sera cicatrisé. Et je vais déjà pouvoir manger ! Qu'est-ce qu'elle a dit la fille ? Que ça provoque des sensations quand on embrasse ou qu'on… Rhhhooo ! La vache ! C'est chaud, quand même…. Enfin… je le saurai pas, c'est pour faire semblant ! °

Un Evanesco débarrassa Harry du miroir devenu inutile. Il déballa ensuite rapidement ses nouveaux vêtements des cartons. Pour une fois, il allait pouvoir porter un pantalon qui n'aurait pas besoin de ceinture pour ne pas tomber par terre. En effet, tous ses vêtements autres que l'uniforme classique de Poudlard étaient des reliquats ou plutôt des haillons ayant été portés autrefois par Dudley, la baleine qui lui servait de cousin. Dudley, qui savait pertinemment qui allait hériter de ses vieux habits, s'arrangeait pour qu'ils ne soient plus mettables avant qu'Harry ne les obtienne. La seule fois où Harry avait acheté des vêtements neufs avec Hermione, la Tante Pétunia les avaient brûlés dans le jardin pour ne pas que leur « monstruosité » n'affecte la maison. Harry n'avait même pas eu le loisir de lui expliquer que c'étaient des vêtements moldus qui venaient de chez Harrods.

Harry rangea soigneusement sa nouvelle garde-robe dans sa malle habituellement presque vide. Il eut un sourire machiavélique en regardant quelques uns de ses achats.

— Amusons-nous, songea-t-il. C'est l'heure du dîner, voyons voir la tête de tout ce petit monde !

Harry se déshabilla prestement et enfila ses nouveaux vêtements et ses nouvelles chaussures. Comme on était samedi, le port de l'uniforme de l'école n'était pas exigé. Harry avait acheté la même tenue que celle que portait Byron, le coiffeur de Pré-Au-Lard. Il avait fallu qu'il s'allonge sur son lit et rentre son ventre déjà plat pour pouvoir fermer le bouton et la fermeture éclair du pantalon, mais le résultat était plus que satisfaisant. Le tee-shirt noir presque transparent et sans manches le collait comme une seconde peau, dévoilant le nouveau tatouage celtique qu'Harry arborait maintenant autour de son biceps droit, et il dessinait à la perfection les carrés de chocolat et les pectoraux, résultats d'années de Quidditch. Le Gryffondor rangea avec une petite pointe de nostalgie ses vieilles lunettes au fond de sa malle. Il n'en avait plus besoin, ayant opté pour un sortilège de correction visuelle, plus douloureux sur le coup et plus cher aussi que la paire de lentilles magiques s'adaptant automatiquement à la vue.

Après avoir mis ses nouvelles bottines en peau de dragon, Harry enfila le blouson de cuir assorti à son pantalon et descendit l'escalier qui menait à la salle commune. Un silence soudain l'accueillit et les têtes se tournèrent vers lui. Ron, qui venait d'entrer avec Hermione, Dean et Seamus, faillit en laisser tomber son sac de Dragées Surprises de Bertie Crochue.

— Hééé, mec ! Mais qu'est-ce que tu as fait ? Tu n'as plus de lunettes ? Et tes cheveux ? C'est quoi ces mèches bleues, t'es bizarre… Et tes fringues ? C'est quoi ces fringues ?

Harry ne répondit pas, mais leur fit un sourire, sa langue étant trop engourdie et douloureuse pour qu'il puisse parler. Il se demanda même comment il allait faire pour manger, et envisagea deux secondes d'aller demander une potion à Severus Rogue, avant de changer d'avis, persuadé que la Terreur des cachots ne lèverait pas le petit doigt pour l'aider.

Un peu dans la lune, il descendit les sept étages et se dirigea vers la Grande Salle, totalement insensible aux regards des élèves qu'il croisait. Pourtant, il sortit de sa rêverie lorsqu'une voix connue l'appela.

— Harry ?

— 'o'esseu' 'um'le'o'e ?

— Qu'est-ce qu'il t'arrive, mon garçon ? s'inquiéta le vieil homme, les sourcils froncés.

Harry tira la langue et montra son piercing au Directeur qui éclata de rire.

— Je vois ! Et je parie que c'est douloureux et que tu te demandes comment tu vas manger, pas vrai ? Ne t'inquiète pas, je t'envoie le Professeur Rogue avec une potion et ça va s'arranger. Au fait, ta tenue est très réussie, c'est parfait ! Très sexy… Bravo !

Le vieil homme tourna prestement les talons et vira au coin d'un corridor laissant Harry abasourdi. Il jeta un coup d'œil sur ses vêtements.

°C'est bien alors ? Mouais, mais lui, il n'a pas de goût, faut voir ce qu'il met… des couleurs criardes, des motifs dignes de Luna Lovegood, à croire qu'ils ont le même fournisseur ! °

Amusé malgré tout, Harry entra dans la Grande Salle en se mêlant aux autres élèves dont la plupart ne le reconnaissait même pas.

Il s'approcha de la table des Gryffondors et retira son blouson qu'il posa sur le banc et entreprit de s'asseoir, gêné par le pantalon de cuir trop étroit. Toutes les têtes se tournèrent vers lui en voyant sa tenue, sa coiffure et son bras tatoué. Il entendit quelques soupirs, masculins et féminins, qui le firent sourire. Lavande ouvrit des yeux de la taille des soucoupes d'Hagrid et donna un grand coup de coude à Parvati.

— Harry ? Ben dis-donc ! T'es super comme ça ! J'adore ton nouveau look ! T'as plus de lunettes ? T'as des troooop beaux yeux !

Harry se contenta de sourire devant la volubilité de Lavande et l'expression sidérée de Parvati qui en oubliait de se servir en entrées.

— Tu dis rien ? Pourquoi tu réponds pas ?

Harry secoua la tête et ouvrit la bouche. Parvati se pencha et sursauta lorsqu'elle vit la barre de métal qui traversait la langue d'Harry.

— Lav', il a un piercing à la langue ! J'hallucine !

— Hein ? Montre ! Montre ! S'te plaît !

Harry tira de nouveau la langue et Lavande grimaça.

— Merlin… ça doit faire un mal de chien !

Le jeune Élu soupira et hocha la tête en regardant les deux filles qui aussitôt arborèrent un air compatissant. Ils furent interrompus par Hermione, Ron, Dean, Seamus et Neville qui s'installèrent autour d'eux très bruyamment, comme d'habitude.

— Putain, le con ! s'exclama Ron Weasley. Il a un tatouage ! Mais t'es malade Harry, qu'est-ce qui t'a pris ?

— Ronald ! Langage ! pesta Hermione. Harry, franchement ce n'est pas pour dire mais ta tenue… c'est limite question bon goût. Tu aurais dû nous demander de venir acheter des vêtements avec toi !

— C'est clair, mec, t'es pas doué ! râla Ron la mine dégoûtée. Tu ressembles à une tapette ! T'as vu tes cheveux ?

Personne n'eut le temps de protester devant l'insulte, le Professeur Rogue venait de s'approcher de la table des Rouge et Or ce qui eut pour effet d'interrompre les bavardages. Il leva un sourcil amusé devant la tenue du Survivant.

— Monsieur Potter, susurra-t-il, ce nouveau look est très intéressant. Il y a combien de choses nouvelles à découvrir ?

Harry se mit à rougir légèrement pendant que Rogue se penchait pour regarder le tatouage.

— Joli, admit-il. Harry… ouvre la bouche et tire la langue.

Le Monstre des cachots venait de sortir de sa poche une fiole de cristal contenant ce qu'Hermione reconnu être une potion anti-douleur. Harry obéit sous l'œil intrigué de ses amis.

— Eh bien… je vois que tu n'as pas eu peur, fit-il en examinant le piercing. Avale-ça et tu pourras manger. Demain ce sera fini, tu as pris de la potion cicatrisante ?

Harry se contenta d'hocher la tête et avala la potion que le Maître des cachots lui versait à présent dans la bouche, sa main gauche posée sur la nuque d'Harry, ses longs doigts glissés dans les mèches bicolores magiquement allongées des cheveux d'Harry. La Terreur des Gryffondors se pencha à l'oreille de l'Élu et suavement lui murmura :

— Monsieur Potter, vous tentez le diable, savez-vous ? Vous n'imaginez même pas tout ce que ça peut faire comme effet, un piercing sur la langue ! Réfléchissez-bien à toutes les possibilités… aux sensations que vous pouvez donner à quelqu'un d'autre…

Harry se mit à rougir violemment et lorsque le Professeur Rogue se redressa et que son regard brûlant croisa les yeux d'émeraude, Harry gêné, baissa la tête.

— Trop facile, pensa Severus, amusé, en retournant s'asseoir. Une vraie fille ! On lui dit un truc et il sait plus où se mettre… Finalement, il tient moins de ce connard de James Potter que je le pensais. Et il est plus mignon, maintenant qu'il n'a plus les affreuses binocles style son idiot de père.

Ron et Hermione avaient suivi l'échange Rogue/Harry avec stupeur.

— Si tu nous expliquais, mec ? Tu t'es fait percer la langue ? interrogea Ron d'un ton inquisiteur.

— Whaooouuu ! Trop cool, fit Dean épaté, t'as pas eu trop mal ?

— Si, un peu, mais ça va maintenant. Sev… le Professeur Rogue vient de me donner une potion anti-douleur, ça fait du bien.

— Tu veux bien nous dire comment il savait que tu avais ce truc dans la bouche ? Et qu'est-ce qu'il t'a dit à l'oreille pour que tu sois écrevisse comme ça ?

À cette pensée, Harry se remit à rougir.

— Ron, crois-moi… tu voudrais pas savoir… non je t'assure, tu voudrais pas !

Ron fronça les sourcils et Hermione, la bouche pincée, regarda vers la Table Professorale et vit que la Terreur des cachots ne lâchait pas Harry des yeux. Drago Malefoy, à la Table des Vert et Argent, était au bord de l'apoplexie, tandis que ses condisciples regardaient Harry et commentaient avec force gestes le nouveau look de l'Élu.

— En plus tu as fait un tatouage ! constata Ron en reniflant de désapprobation. Maman va pas aimer, tu sais, et Ginny non plus.

— Ginny, j'en ai rien à foutre, c'est fini avec elle et ta mère, Ron, je l'adore, tu le sais, mais c'est pas ma mère ! Dumbledore aime mon nouveau look et ça me suffit.

— Et Rogue ? tenta Hermione, une idée derrière la tête.

— Sans commentaire… termina Harry en rougissant de plus belle.

— Tu me le paieras, Severus, je t'assure que tu me le paieras, marmonna l'Élu comme pour lui-même.

Mais Hermione qui avait l'ouïe fine, entendit ce ronchonnement et regarda de nouveau vers la Table des Professeurs.