Chapitre 21
Renée vient d'arriver, elle est attablée face à Charlie dans la cuisine, lieu de toutes les discussions sérieuses, je suis debout contre le plan de travail, mes mains calées sur les bords, j'hésite encore à rester. Elle ne sait pas encore que nous savons qu'elle a trompé Charlie. On est samedi 1er avril, la date est adéquate pour cette révélation.
"Poisson d'avril, ta fille n'est pas ta fille mais celle du meurtrier psychopathe d'il y a vingt ans !"
« Alors, commence Renée en entourant sa tasse de café de ses mains.
Elle aussi doit ressentir la différence de température par rapport à Phœnix mais on finit par s'habituer à l'enfer froid et humide qu'est Forks.
« Il y a un problème avec Bella ? Elle s'est encore fait virer ?
Elle tourne sa tête vers moi et affiche un mélange de déception et de colère.
« Non, Bella ne pose aucun problème. Peut-être qu'au lieu de l'accabler, tu aurais pu approfondir les raisons qui l'ont poussée à détériorer ce panneau, au lycée. Pour ce qui est de l'appel, elle m'a dit que son camarade l'avait mal comprise.
« Les raisons qui l'y ont poussée ? Répète Renée. C'est une ado, elle voulait juste s'amuser et elle n'a pas montré de remord.
« Renée, je ne t'ai pas fait venir pour parler de ce que Bella a fait mais pour parler de ce que toi, tu as fait.
Renée fronce les sourcils et se redresse.
« Et... qu'est-ce que j'ai fait ?
« Tu m'as trompé.
Une totale incompréhension s'affiche sur le visage de ma mère.
« Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ? Je ne t'ai jamais trompé.
« Ne me mens pas.
Renée se lève avec colère, elle pose ses mains sur la table pour se pencher vers son ex-mari.
« Je ne te permets pas de m'insulter de la sorte, s'énerve-t-elle. Pour qui me prends-tu ? Je ne t'ai jamais trompé.
« Bella t'a entendu en parler.
Renée secoue la tête parce qu'elle sait qu'elle n'a jamais dit ça. Elle se tourne vers moi.
« Qu'est-ce que t'es allé raconter à ton père ?
« Je t'ai entendue, lui envoyé-je, croisant mentalement les doigts pour que ça passe.
À nouveau, elle secoue la tête.
« Tu as dû mal comprendre.
Elle se tourne vers Charlie.
« Elle a mal compris. Ta seule preuve, c'est une mauvaise compréhension de ta fille.
« Bella est la preuve de ta trahison, Renée.
Elle le regarde puis moi.
« Je suis une preuve, déclamé-je.
« Nous avons fait un test de paternité, elle n'est pas ma fille. Tu m'as donc trompé.
Renée se laisse tomber sur la chaise, complètement abattue.
« Je m'en souviendrai si je t'avais trompé, Charlie et je ne t'ai jamais trompé.
« Et pourtant, souligne-t-il en faisant un signe vers moi.
« Si Bella n'est pas ta fille, elle ne peut donc pas être la mienne non plus parce que je le jure sur ma vie, je ne t'ai jamais trompé.
« Comment ne peut-elle pas être ta fille ? Tu l'as mise au monde.
« C'est déjà arrivé que des bébés aient été échangés à la naissance, déclare-t-elle. C'est forcément ce qui est arrivé.
Ma mère est sincère. Je ne vois aucun mensonge transparaître. Enfer ! Ma mère n'est pas ma mère non plus ? Ça va beaucoup trop loin... tout ça parce que j'ai voulu me sortir d'affaire, une fois.
« Il n'y a qu'un moyen de le savoir, déclare Charlie. Excuse-moi de ne pas te croire sur parole mais si tu veux me convaincre, tu vas devoir faire un test de maternité.
« Faisons ça, accepte Renée sans hésitation.
Je suis de retour dans la salle d'attente du laboratoire d'analyses mais cette fois, avec ma mère. Elle a directement pris rendez-vous pour cet après-midi. Notre déjeuner en "famille" a été silencieux et pesant. Nous passons dans le cabinet d'analyses, c'est la même femme que l'autre jour. Elle se rappelle sûrement de ma première visite et je me demande ce qu'elle pense de tout ça, maintenant.
Comme les résultats prennent 48h pour nous parvenir, Renée a prolongé son séjour au motel de la ville. Le lendemain, elle me propose de profiter de ce dimanche pour se balader à la plage. Nous commençons notre balade en silence. Il n'y a personne aujourd'hui, le temps est gris et moche, j'imagine que les gens en ont marre de ce temps grisâtre. Je ne suis pas très à l'aise ici mais j'imagine que tant que je ne m'approche pas de l'eau ou d'un miroir, ça ira.
« Tu aurais pu m'appeler, me reproche-t-elle au bout d'un moment. Tu m'as manquée.
« J'ai été occupée, désolée. Tu sais ? Nouvelle vie, nouveaux amis, j'ai dû tout recommencer à zéro.
« Tu m'en veux de t'avoir forcée à venir vivre chez ton... hum chez Charlie ?
« Il est toujours mon père, lui signalé-je. C'est pas une histoire de sang... ou de gênes.
« Oui, bien sûr.
« Tu m'échangerais ?
« Quoi ?
« Si je ne suis pas ta fille, ce dont tu sembles être sûre, tu m'échangerais contre ta vraie fille ?
« Tu es ma fille, il n'est pas question de t'échanger mais je voudrais connaître celle que j'ai mise au monde, bien sûr. Tu aimerais connaître tes vrais parents ?
« Oui. Je veux les voir et avoir des réponses à certaines questions.
« Alors, dis-moi, tu t'es bien adaptée à ta nouvelle vie ? Tu t'es fait des amis ?
« Ouais et j'ai un petit-ami, maintenant.
« Oh ? Fait-elle surprise. Comment s'appelle-t-il ? Quel âge a-t-il ? Est-il mignon ? Gentil ?
« Edward, 17 ans et oui, mignon et gentil.
« C'est super. Est-ce que tu penses que tu pourras me le présenter avant que je ne repartes ?
Je manque de lui dire que c'est trop tôt mais... on a prévu un mariage.
« Ouais, j'imagine qu'il est temps pour les présentations parentales.
« Tu te souviens de notre discussion sur les protections ?
Ah. Merde.
« Ou dois-je faire un rappel ? Ajoute-t-elle sous mon silence.
« Non c'est bon, je m'en souviens et t'inquiète, on se protège et tout ça.
Elle hoche la tête, rassurée. Alors qu'un craquement surgit derrière nous. Nous nous retournons et trouvons Jacob avec une légère grimace sur le visage, le pied sur une branche de bois flotté.
« Pardon, je tombe mal.
Il me fixe avec un certain mécontentement.
« Tu es Edward ? Demande Renée en mettant les deux pieds dans le plat.
Jake paraît outrageusement offensé.
« Non, maman, c'est Jacob, le fils du meilleur ami de papa. Jacob, c'est Renée, ma mère.
« Bonjour, la salue Jacob avant de se tourner vers moi. Hum, il faudrait qu'on parle, plus tard, quand tu auras un moment.
« Ok, je t'appellerai.
« Vous pouvez parler maintenant, si vous voulez, propose Renée.
« Vous êtes sûre ? S'enquiert-il.
« Oui, oui, bien sûr. Discutez ensemble, les jeunes, je vais marcher, tranquillement.
Renée mets ses paroles à l'œuvre en s'éloignant de nous. Je la regarde s'éloigner un moment puis me tourne vers Jake. Il me fait un signe de tête pour que je le suive, dans l'autre direction. Quand il estime être suffisamment loin de ma mère, il s'assoit sur un tronc échoué, à califourchon et me présente la place devant lui. Je m'assois de travers pour lui faire face mais laisse mes deux jambes sur le côté.
« J'ai entendu votre conversation. Enfin, la fin, tout du moins. Je ne m'attendais pas à ça. Tu couches avec lui ? Je pensais que tu ne faisais que le manipuler ?
Il est clairement dégoûté par l'idée que j'ai des rapports sexuels avec mon petit-ami.
« Bah... rien ne m'interdit de coucher avec qui je veux, lui fais-je remarquer. C'est ok si l'idée de coucher avec quelqu'un ne te plaît pas mais ce n'est pas le cas de tout le monde.
« C'est pas ça, réfute-t-il. Je t'ai dit qu'il n'était pas un mec bien, Bella. Il est dangereux.
« Moi aussi, rétorqué-je.
« Tu ne sais... absolument rien, Bella.
« Je pense que c'est toi qui ne sais absolument rien, Jake. Le dernier meurtre de Forks date d'il y a 20 ans, c'était un psychopathe qui a tué sa femme. Ton père a peur de moi parce qu'il a vu ça chez moi et tu penses que c'est Edward qui est dangereux ?
« Le dernier meurtre date d'il y a une semaine, Bella. Juste une semaine.
L'info est donc arrivée jusqu'ici. Je garde une expression impassible tout en me demandant si Jake n'est pas en train d'insinuer que ça pourrait être Edward alors que la suspecte numéro 1 se trouve devant lui.
« Et tu vas me dire que c'est Edward, c'est ça ? Me moqué-je.
« Non, ce n'est pas Edward mais...
« Jacob, stop. On a déjà eu cette discussion. À vrai dire, tu devrais même oublier l'idée de sortir avec moi un jour parce que, qui sait ? Je pourrais te faire du mal.
« Dis pas de connerie, lâche-t-il.
Il soupire.
« Tu sais quoi ? Tu ne veux pas écouter mes avertissements, grand bien te fasse mais oublie ce que je t'ai dit, ne m'appelle pas si jamais t'es en danger. Je vais pas te protéger si tu n'essayes pas de le faire toi-même. Les autres ont raison, je n'ai pas à perdre mon temps avec toi alors que tu n'es probablement pas quelqu'un de bien.
Il se lève et s'éloigne en direction de la forêt. Je le regarde partir et me relève qu'une fois qu'il a disparu de ma vue. Je serais blessée si j'en avais eu quelque-chose à foutre mais ce n'est pas le cas alors je souris. Je retrouve ma mère qui fait tout juste demi-tour au bout de la plage, elle me sourit quand elle me voit venir à elle.
« Vous avez déjà fini de discuter ? S'étonne-t-elle. Jacob a l'air très gentil mais il faudrait lui dire de s'habiller un peu plus, il va attraper la mort.
« Mh, oui, c'est vrai ça. Je n'ai même pas fait attention mais je crois que c'est une habitude, ici. Ce n'est pas le premier que je vois habillé comme en été. C'est probablement à cause des stéroïdes.
« Ils se droguent ? S'affole-t-elle. Je ne pensais pas que la drogue serait venu jusqu'ici. Charlie est au courant ?
« Je ne crois pas.
J'ai dit ça au hasard. En fait j'ignore complètement pourquoi ils sortent en short et en t-shirt ni comment Jake a fait pour changer aussi rapidement et à ce point mais ce n'est pas comme si ça me concernait, de toute façon. Il fait bien ce qu'il veut avec son corps. Néanmoins, les stéroïdes me paraît être l'explication la plus plausible. Je sors mon téléphone et lui envoie un sms :
N'empêche, je te trouve assez mal placé pour m'avertir des dangers de ma relation alors que tu ne peux pas avoir obtenu ton corps bodybuildé en si peu de temps sans avoir pris des stéroïdes... mais tu vois, moi, je ne te fais pas de leçon.
Je rejoins Edward qui m'attend près de sa voiture sur le parking du lycée. Il sourit et retire les mains de ses poches quand j'arrive devant lui, il m'attrape et m'embrasse.
« Au fait, j'ai oublié de te dire mais j'avais rompu avec mon copain de Phœnix avant que toi et moi... avant le bal et tout ça.
« Ton copain de Phœnix, j'avais oublié son existence, sourit-il. Tu ne lui as pas brisé le cœur, j'espère ?
« Il était dévasté.
Edward n'a aucune empathie puisqu'il sourit amusé. En même temps, le malheur de mon ex-copain imaginaire fait son bonheur puisque je suis devenue sa petite-amie.
« Au fait, nouveau rebondissement. Mon père a fait venir ma mère pour avoir des explications sur sa tromperie et elle jure qu'elle n'a pas trompé mon père et elle était sincère. Elle a juré sur sa vie.
Je fixe Edward avec sérieux.
« Ma mère n'est peut-être pas ma mère non plus, conclus-je.
« Un échange à la maternité ?
« C'est ce qu'elle pense, opiné-je. Nous aurons les résultats demain.
Il me prend dans ses bras.
« J'imagine que ça ne t'aide pas à savoir qui tu es.
« Plus j'avance et plus j'ai l'impression de moins le savoir.
Il embrasse mes cheveux.
« Ça va aller, me rassure-t-il. Tu finiras bien par trouver les réponses.
Il resserre sa prise autour de moi.
« Tu es bien née à Forks ?
J'opine de la tête.
« Les naissances ne doivent pas être très nombreuses ici, il sera probablement assez facile de retrouver qui sont tes parents.
Il reste quelques secondes silencieux avant d'ajouter :
« Si ta mère a vraiment été honnête, bien sûr. Sinon, retrouver ton père ne dépendra que d'elle.
Je me détache pour pouvoir le regarder.
« Elle a juré, rétorqué-je. Elle a juré sur sa vie qu'elle n'avait pas trompé Charlie, c'est grave si elle a menti.
Même moi, je ne jure pas pour mes mensonges parce que c'est significatif, comme un serment, un contrat avec la vie.
« Certaines personnes ne mettent pas tellement de poids dans le fait de jurer parce qu'ils savent que, de toute façon, il ne va rien arriver.
« C'est un contrat avec la vie, objecté-je. En tout cas, c'est ce que je pense et les contrats doivent être respectés. Tous les contrats.
Edward et moi attendons Renée chez Bessie, après les cours. Je lui ai envoyé un sms ce midi pour lui donner rendez-vous et elle a semblé ravie au vu des emoji qu'elle a utilisé dans sa réponse.
« Tu es nerveux ? Demandé-je à Edward.
Il s'est installé à mes côtés sur la banquette pour laisser la place d'en face à ma mère qui n'est pas encore arrivée. Edward pose son bras derrière moi, sur le dossier de la banquette et me sourit doucement.
« La rencontre avec les parents est une étape importante, il paraît... mais non, j'ai confiance en mon charme naturel.
« Le charme Cullen, c'est ça ?
Il acquiesce d'un sourire puis m'embrasse. Un raclement de gorge nous force à nous détacher.
« Vous êtes mignons, fait Renée avec émerveillement. Bonjour, je suis Renée, la mère de Bella.
« Edward, enchanté, se présente mon petit-ami.
Ma mère s'installe face à nous, son visage exprime son ravissement. Il ne fait aucun doute que le charme Cullen existe. Nous commandons une gaufre pour le goûter et une boisson, sauf Edward qui se contente d'une boisson.
« Tu es sûr que tu ne veux rien d'autre ? Demande Renée. C'est moi qui invite si c'est une question d'argent.
Edward lui sourit, trop amusé pour que ça ne soit qu'un sourire poli. Je comprends tout à fait ce qui l'amuse.
« Merci à vous mais j'ai juste soif, je ne suis pas un gros mangeur.
« Très bien, comme tu veux. Alors, je veux tout savoir. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
« Au lycée, réponds-je avec évidence.
« Nous sommes partenaires en biologie, agrémente Edward. Nous avons sympathisé et avons découverts que nous avions pas mal de points communs. Et de fil en aiguille...
Le sourire de ma mère s'étire.
« Le premier amour, c'est si mignon. C'est comme ça que j'ai rencontré ton père, me raconte-t-elle. Nous étions dans le même cours de sport, je lui suis tombée dessus.
« Techniquement, je suis le deuxième amour de Bella, corrige Edward.
Eh, je commence à en avoir marre de voir mes mensonges me revenir à la figure.
« Ah bon ? S'étonne Renée. Tu as eu un autre petit-ami en arrivant ici ? C'était Jacob, n'est-ce pas ? Ça explique son attitude quand j'ai cru qu'il était...
Le regard de ma mère passe sur Edward, elle décide de se taire en réalisant qu'elle foutait peut-être un peu la merde.
« Non, Jake est juste un ami. J'avais un petit-copain à Phœnix mais pas longtemps et ce n'était pas sérieux alors je ne t'en ai pas parlé.
« Oh, d'accord, eh bien, j'imagine que si tu m'as parlé d'Edward c'est que c'est sérieux ?
« Oui.
« Tu penses la même chose ? Demande Renée à Edward.
« Absolument, confirme-t-il.
La discussion suit son cours, ma mère ne demande pas quels points communs nous relient, ce qui m'aurait un peu foutu dans la merde, elle sait que je ne lis pas et ne m'a jamais vue écouter de la musique classique. Suite à une question, Edward parle de son ambition d'ouvrir une libraire ou de gérer une bibliothèque. Comme l'avenir est sur le tapis, ma mère en profite pour me demander si j'ai finalement une idée de ce que je veux faire.
« Épouse au foyer.
Ma réponse ne semble pas satisfaire ma mère qui me regarde avec désapprobation.
« Ou aider Edward à gérer son business.
« Ne mise pas tout ton avenir par rapport à Edward, Bells, me conseille-t-elle. Outre le fait qu'on ne sait pas de quoi l'avenir est fait, travailler en couple peut être assez pesant. Vous aurez besoin de temps à part, l'un et l'autre et si vous êtes amenés à rompre, ça sera plus compliqué encore.
« Je rebondirai, la rassuré-je.
« Nous resterons ensemble, certifie Edward de son côté.
Une fois que nous avons fini notre goûter, je quitte Edward qui retourne chez lui pendant que je ramène Renée à son motel.
