Chapitre 23

Je suis assise sur le rebord de ma fenêtre, je regarde l'obscurité emprisonnée sous la forêt. Renée n'est toujours pas rentrée et je pense qu'elle est retenue à l'hôpital, ça veut donc dire que c'est plus grave qu'un simple effet esthétique. Ou alors elle est vraiment allée à Port Angeles et a eu un accident ou bien elle n'a pas vu le temps passer et elle est sur le chemin du retour. Mon téléphone me tire de mes réflexions, je me lève, le récupère et répond au numéro non enregistré.

« Bella, s'affole ma mère. Bella !

Je me crispe.

« Maman ?

« Bonsoir, Bella-Bella, me répond une voix d'homme.

« Qui êtes-vous ? Et qu'est-ce que vous avez fait à ma mère ?

« Viens le voir par toi-même. Nous sommes dans la salle des fêtes de Beaver, nous t'attendons mais oublie tes animaux de compagnie, viens seule ou ta mère mourra.

Il raccroche avant que je ne dise quoi que ce soit. Beaver est à côté, il me faut moins de dix minutes pour l'atteindre en voiture. Je ne sais pas qui est ce type ni qui sont les animaux de compagnie dont il parle. Les Cullen, peut-être ? Je me rhabille en vitesse, descends sans faire de bruit. Dans mon monstre, quand je me regarde dans le rétroviseur, je vois mes yeux entourés de noirs, comme un mauvais smoky eyes, ça me donne l'air d'un zombie. Je n'ai pas le temps de m'attarder, cependant. Je démarre et fonce vers Beaver. Je mets un temps avant de trouver la salle des fêtes, située à l'écart de la ville. Je me gare, sors et me précipite à l'intérieur.

La salle est vide et silencieuse, je fais le tour de moi-même et quand je reviens au point de départ, il est apparu. Comme il l'a fait cette fois-là, dans le bateau de Will. Je plisse les yeux. À ce stade, je ne sais pas encore s'il est réel ou si c'est une hallucination. Ses yeux sont noirs, il me sourit diaboliquement.

« Je voulais attendre d'avoir soif à nouveau avant de te faire venir à moi.

Il commence à marcher mais pas vers moi.

« Tu n'es pas une hallucination ?

Il s'arrête un instant et ricane puis reprend sa marche. Il semble tourner autour de moi comme un prédateur qui vient de piéger sa proie.

« Tu ne me demandes pas où est ta mère ?

« Je suppose que tu l'as déjà tuée.

Il me regarde et plisse les yeux.

« Je pensais que tu serais dans tous tes états. Je m'attendais à des pleurs, des cris...

Il se téléporte devant moi.

« Des suppliques, chuchote-t-il.

Il s'éloigne et reprend son cercle autour de moi, je me tourne pour le garder face à moi.

« Mais tu es étrangement trop calme. Tu n'as même pas sursauté quand je me suis précipité sur toi.

Il fait tourner sa main entre nous.

« N'as-tu pas peur ? N'as-tu pas compris ce que j'étais ? Je suis revenu parce que je pensais que tu l'avais fait mais visiblement, tu m'as pris pour une hallucination. Alors, dis-moi, si j'étais une hallucination, qui aurait tué cet humain ?

"Humain", ça veut dire que lui, ne l'est pas. Il est bien un vampire, alors ou quelque-chose d'autre qui boit du sang. Ça veut aussi dire que je n'ai pas tué Will.

« Je pensais que c'était moi.

Il s'arrête et me regarde en penchant la tête.

« Intéressant, souffle-t-il.

Il est à nouveau devant moi.

« Pourquoi n'as-tu pas peur ? Pourquoi ne pleures-tu pas pour la mort de ta mère ?

« J'suis une psychopathe.

Je hausse les épaules comme ponctuation.

« Une vraie de vraie ?

Je hoche la tête, il sourit.

« Tu ferais un excellent vampire. Peut-être que tu voudrais une vie éternelle ? Rejoins mon clan et parcourons le monde ensemble. Toi, moi et ma compagne.

« Pourquoi ne pleure-tu pas pour la mort de Laurent ? Lui renvoyé-je.

« Laurent ne m'importait pas, il n'est qu'une pièce rattachée que nous avons tolérée. Il n'était pas si marrant. Il n'aimait pas qu'on joue avec la nourriture alors que c'est le plus intéressant dans la chasse.

Il lève le bras pour caresser ma joue mais il disparaît avant de l'atteindre et un gros boom retentit au loin. La porte, au fond de la salle, a été défoncée et j'entends gronder. Le grondement provient de la pièce où le vampire, James si je me souviens bien, s'est échoué. Je m'approche et vois qu'en fait, c'est Edward qui l'a percuté, si vite qu'ils ont tous les deux traversé plusieurs mètres et une porte en moins d'une seconde. Même moins que ça pour que je n'ai pas pu le voir.

Je regarde une télé et un magnétoscope mis en pause sur l'image de moi qui me suis cachée dans les vestiaires pour ne pas faire le spectacle de danse de mon école. Je me rappelle que ma mère n'arrêtait pas de m'appeler, affolée, l'image me montre en train de lui sourire comme si je ne l'avais pas effrayée. Ma mère n'est pas morte, elle n'a jamais été ici. C'est une bonne chose.

« T'es qui, toi ? Grogne James.

« Celui qui va te tuer.

Ce qu'il se passe ensuite va trop vite et je ne veux pas faire partie des dégâts collatéraux alors je m'écarte de l'ouverture créée par les deux et m'assois contre le mur, maintenant mes genoux contre moi pour me faire la plus petite possible. J'ai bien fait parce que la suite de leur bagarre se déroule dans la grande salle. Carlisle et Jasper arrivent et choppent les bras de James pour le maintenir en place.

« Laissez-moi lui arracher la tête, réclame Emmett joyeusement quand il apparaît derrière lui.

Alice apparaît près de moi, un genou à terre, elle me regarde avec inquiétude.

« Est-ce que ça va ?

« Ouais, il m'a rien fait.

Edward vérifie qu'Emmett sépare bien la tête du vampire de son corps puis se tourne vers moi, il se téléporte lui aussi devant moi. Je lui tends la main pour qu'il m'aide à me relever et je regarde Carlisle enflammer le corps de James qui part rapidement en fumée violacée.

« Ça crame bien, un vampire, remarqué-je.

Carlisle se tourne vers moi puis me sourit avant de s'approcher.

« J'ai crains que tu ne sois choquée mais tu ne l'es pas.

« Bah, vous savez, je ne suis pas... normale. Vous non plus, cependant. Moi au moins, mon anormalité est normale, la votre est... surréaliste. Vous êtes des vampires aussi ?

« Oui, nous le sommes.

« Il y a d'autres couleurs de yeux que le doré, le rouge et le noir ?

« Non, les yeux rouges est dû au sang humain, doré au sang animal et noir quand on a soif.

« Vous êtes des vampires, soufflé-je. Woaw.

« C'est ce que je ne pouvais pas te révéler tant que nous n'étions pas mariés, m'avoue Edward. Mais maintenant...

Il se tourne vers le feu de joie.

« Tu as dit que tu me le dirais aussi si tes doutes se confirmaient sur mon père.

Il hoche la tête en se tournant à nouveau vers moi.

« Il est peut-être un vampire et s'il l'est, tu serais une sorte d'hybride, vampire et humaine mais avec toutes les spécificités d'une humaine et rien qui se rapporte au vampire à part peut-être ce don qui a peut-être fait ce truc à ta mère.

Edward m'attrape les épaules.

« Pourquoi tu ne m'as pas appelé ? Pourquoi tu es venue ici, seule ?

« Il m'a fait croire qu'il avait ma mère et qu'il allait la tuer. Quand je suis arrivée, c'était silencieux et il était seul, je me suis dit qu'il l'avait tuée mais il a juste volé une cassette que ma mère avait à Phœnix. Et il m'a dit de venir sans mes animaux de compagnie, j'ai cru qu'il parlait de vous.

« Non, il ne savait pas que tu connaissais des vampires. Il se demandait ce que je foutais là et pourquoi j'intervenais.

« Attends mais ça veut dire que l'homme-loup et l'homme-serpent...

« Je ne sais pas, me dit Edward. Il y a pensé, il avait peur qu'ils rappliquent donc ils les a vus et son camarade a bien été tué mais je ne sais pas s'ils sont réels ou si tu les as fait apparaître pour te protéger, la dernière fois.

« Leur conversation n'avait pas vraiment de sens, alors je ne sais pas. En tout cas, ma mère est vivante.

Et je n'ai pas tué Will, ajouté-je dans mon esprit.

« Nous devrions y aller, annonce Carlisle. Edward, récupère la cassette, il ne faut pas laisser ça ici.

Edward retourne dans la petite pièce puis revient avec, il me la donne. Nous allons à l'extérieur, je me dirige vers mon monstre, tenant Edward par la main et ce n'est que lorsque j'arrive à sa hauteur que je me rends compte que mon camion est le seul véhicule dans le parking de la salle des fêtes. Je me tourne vers les autres Cullen, du moins, ceux qui sont venus sauf Edward qui est à mes côtés.

« Vous êtes venus à pieds.

« Une petite marche ne fait jamais de mal, s'amuse Edward.

« Tu m'as déjà dit ça, l'autre fois.

Il me sourit.

« Nous te demandons de ne parler de tout ce qui est surnaturel à personne, les vampires, les dons...

« Eh bien, tant que vous ne dites à personne que j'ai rendu ma mère malade... un secret pour un secret.

Carlisle hoche la tête.

« D'ailleurs, ma mère est venue vous voir ? Demandé-je.

« Oui, elle est toujours à l'hôpital, je l'ai gardée en observation. Elle ne voulait pas rester mais j'ai obtenu 24h pour découvrir ce qu'elle a. j'espère avoir le temps de trouver. Je fais des heures supplémentaires, j'ai dû mettre mes recherches en pause quand Alice m'a alerté sur ce qui allait se passer, là-dedans.

« Ok, merci.

Edward monte avec moi dans mon camion, je pose la cassette entre nous, sur la banquette. Un regard dans le rétro me montre un reflet normal. C'est déjà ça. Quelques minutes plus tard, je me gare devant chez moi et remarque que la lumière du salon est allumée.

« Ton père s'inquiète, il sait que tu es partie et il vient d'entendre le moteur de ton pick-up. Je dois partir avant qu'il ne me voit, ouvre la fenêtre de ta chambre.

Edward sort du monstre et la ferme sans trop de bruit puis il disparaît. Je sors à mon tour et claque la portière. La porte s'ouvre avant que je n'atteigne les trois marches du perron. Charlie est furieux, il me laisse entrer.

« Dans la cuisine, Bella.

Je m'y dirige, allume la lumière et m'installe sur la chaise. Charlie s'assoit de l'autre côté.

« J'ai entendu ton camion démarrer, m'indique-t-il. Ça m'a réveillé et j'ai décidé d'attendre ton retour. Où est-ce que tu es partie ?

« J'avais besoin de réfléchir.

« Et tu ne peux pas le faire dans ta chambre ?

« J'ai peur que maman meurt.

Bon, je n'ai pas peur mais je n'ai pas envie, c'est la même chose.

« Oh, trésor, souffle-t-il en agrippant mes mains. Elle ne va pas mourir, voyons.

Je hausse les épaules.

« J'avais juste besoin de conduire sans but, me vider l'esprit, ce genre de trucs. Je ne voulais pas t'inquiéter.

« D'accord, eh bien, si ça te reprend, j'aimerai que tu me préviennes, même si je dors. Écoute, tu n'es pas obligée d'aller en cours, demain et vendredi. C'est bientôt les vacances, de toute façon et avec toute cette histoire, ta mère qui est malade, ça a l'air de te perturber.

Honnêtement, ça va mais je ne vais pas dire non à des vacances anticipées. Je hoche la tête et Charlie décide qu'il est temps que j'aille me coucher. J'essaye d'écouter à travers ma porte que je viens de fermer, quand j'estime que je suis tranquille, je me dirige vers la fenêtre et l'ouvre. Une ombre apparaît sur l'arbre qui me fait face, je reconnais Edward même s'il est très peu éclairé par la lumière de ma chambre. Je me recule et il saute gracieusement de la branche au rebord de ma fenêtre, il la traverse bien plus habilement qu'il ne l'a fait l'autre soir et je me dis qu'il avait dû faire semblant d'être un humain lambda.

Il prend mon visage en coupe et m'embrasse. J'ai l'impression qu'il ne m'a pas vue depuis des mois alors que ça ne fait que cinq minutes, plus ou moins.

« Ne me refais plus jamais ça, souffle-t-il en posant son front contre le mien. J'ai cru que je n'arriverai jamais à temps. Quand Alice a vu ce qui allait se produire... j'ai cru que j'allais devenir fou.

« Je vais bien, lui assurai-je.

Il secoue la tête, les yeux fermés mais le front toujours contre le mien.

« Il semble que tu te foutes royalement de ta sécurité, de vivre ou de mourir mais ce n'est pas mon cas ni celui de tes parents. Il faut que tu réalises que tout le monde ne peut pas être détaché comme tu l'es et tu dois agir en conséquence. Est-ce que tu comprends ?

Je hoche la tête. Ses doigts font des mouvements sur mes joues, comme s'il voulait être sûr que c'est moi qu'il touchait.

« Il allait te tuer, déclare Edward, mais il voulait te transformer sauf que tu n'allais pas réagir de la façon attendue, tu allais mourir quand même. Te voir mourir dans la vision d'Alice a été horrible.

« Parce que je serais une hybride ?

« Je ne sais pas pourquoi. On n'a jamais vu d'hybride vampire-humain alors on ne sait même pas si c'est ce que tu es. Tu veux bien que Carlisle fasse des analyses sur toi, pour le savoir ?

« Ouais, je voudrais bien savoir, moi aussi.


Edward est resté dormir avec moi mais il n'est plus là quand je me réveille. Il a baissé la fenêtre mais n'a pas pu la verrouiller de l'extérieur, je la verrouille puis vais prendre une douche. Comme il est presque midi, je ne prends pas de petit-déjeuner. Charlie est au travail, j'en profite pour faire ma part de ménage comme je ne l'ai pas encore fait cette semaine. Je fais une pause pour manger et continue ensuite. Renée arrive alors que le sol est encore mouillé, elle retire ses chaussures et me rejoint pour m'enlacer.

« Tu étais à l'hôpital ? M'intéressé-je.

« Oui, excuse-moi de ne pas avoir appelé, j'ai laissé mon téléphone ici.

Elle pointe l'appareil sur la table basse du salon.

« Alors ?

« Il ne sait pas non plus ce que j'ai mais il m'a dit de me préparer et de préparer mes proches parce que je suis en train de mourir.

Je fronce les sourcils.

« Comment il sait que tu meurs s'il ne sait pas ce que c'est ?

« Il dit que mes veines sont noires parce qu'elles sont nécrosées. Il dit que ça arrive sur les cadavres. Les plus petites veines, comme ici et les extrémités en premier.

Elle me montre ses doigts, elle a du noir autour de ses ongles.

« C'est là où le sang disparaît en premier, ce qui nécrose les veinules et les tissus alentours. J'ai toujours du sang mais mon sang se nécrose aussi, petit à petit.

« Je suis désolée.

Je voudrais vraiment l'être.

« Ma chérie, chuchote-t-elle.

Elle me reprend dans ses bras. C'est un peu gênant parce que je sais que je devrais me sentir coupable et je n'ai pas envie de voir ma mère mourir, à fortiori, par ma faute. Elle me guide vers le canapé et nous nous asseyons. Edward m'a dit un jour que ça devait être facile de ne rien ressentir mais je pense qu'il se trompe, vraiment. Si je me sentais coupable, si je m'inquiétais alors je pourrais inverser les choses, je pourrais commander à mon don de s'arrêter mais je ne ressens rien et je ne sais pas arrêter mon don. Je ne peux rien faire, je me sens impuissante et je ne suis même pas triste.

« Il faut que j'appelle Phil, j'ai besoin de le voir avant que...

Une larme coule sur sa joue mais ma mère l'essuie.

« Tu n'est pas censée être à l'hôpital ?

« Ils ne peuvent rien faire et je ne veux pas finir mes jours là-dedans. J'ai plein de choses à faire avant de mourir. Quand Phil sera là, je reprendrais une chambre au motel, je ne veux pas que tu découvres mon cadavre un matin en te levant.

« Ça ne me dérange pas.

Ma mère arrête son geste, la main tendue vers son téléphone, elle se redresse et me fixe sans savoir quoi penser.

« Je veux dire, tu es ma mère, je suis là pour toi, jusqu'à la fin.

Elle me sourit finalement, semblant comprendre. Elle a dû se demander si j'étais normale avec ce que je venais de lui dire.