CHAPITRE 23

Rose retourna l'enveloppe sans l'ouvrir avant de relever les yeux vers Derek.

- Tu as reçu la même.

Il opina et ils regardèrent leurs amis pour comprendre enfin en voyant Anthony et William décacheter les leurs.

- Les invitations de Slughorn ! dirent-ils en chœur.

Devant les mines confuses du reste du groupe, Derek expliqua :

- Mais si, la soirée que Slug veut organiser pour Noël… il nous en a parlé en octobre. Normalement il invite tous les membres de son club, les nouveaux comme les anciens, et d'autres personnes.

- Ah oui, maintenant que tu me le dis… je me souviens que vous nous en aviez parlé, confirma Marc.

- Je me demandais s'il allait nous les envoyer un jour, s'amusa Rose.

- Et moi, si on était toujours invités, sourit Anthony.

William, qui n'avait aucune réaction de surprise, glissa finalement :

- Je savais qu'elles allaient arriver, il me l'a dit hier après le cours.

Michael eut un air moqueur mais fut devancé par Padma.

- Après le cours ? tu prends des cours de rattrapage ?

- Ou tu es juste un gros lèche-bottes ?

William resta impassible le temps que les rires cessent et haussa légèrement les épaules.

- Je devais lui parler pour mon projet de semestre.

Il secoua son invitation pour recentrer la conversation.

- C'est bien le vendredi de la veille des vacances, constata-t-il.

Anthony remonta ses lunettes sur son nez et coula un sourire à Lisa.

- Toujours partante pour une soirée chez Slug ?

Le sourire ravi de la rousse répondit pour elle. Derek était déjà tourné vers Terry et lui caressait le dos de la main. Le brun opina, ses yeux gris rivés aux noirs.

Le sourire attendri de Rose s'évanouit quand elle croisa brièvement le regard de William au moment où Mandy demandait avec qui elle comptait y aller.

- Aucune idée, avoua Rose.

- Et toi Don Juan ?

Idriss affichait son sourire innocent alors que son ami se tournait lentement vers lui.

- Don Juan ? Je croyais que c'était « coureur de jupons » mon surnom.

- Trop long à prononcer, rétorqua aussitôt Nassim. Alors qui sera l'heureuse élue…

- Ce soir-là ? compléta Idriss, pas peu fier de leur synchronisation.

Rose pensa que William n'allait pas réussir à répondre avec amusement vu la tension dans ses épaules. Pourtant il afficha un sourire et secoua la tête avant de considérer le groupe.

- Qui voudrait venir avec moi ?

- Bonne idée, approuva aussitôt Rose, avant de hausser un sourcil vers leurs amis. Et avec moi ?

Michael refusa, car il voulait passer la dernière soirée de l'année avec Cho.

- Marc, tu veux m'accompagner ?

Il hocha la tête en souriant.

- Avec plaisir !

William regardait tour à tour Mandy, Nassim, Idriss et Padma. Il fit des grimaces exagérément écœurées vers ses colocataires.

- Pas vous. Vous allez être trop lourds et je vais passer ma soirée à devoir vous surveiller.

Des pouffement lui répondirent et les deux cousins hochèrent gravement la tête.

- Padma, ça te dirait ?

Le coup d'œil qu'elle lança vers Rose fut extrêmement fugace avant qu'elle accepte, rassérénée par le sourire de son amie. Cette dernière avait entendu sans écouter, amusée à l'idée que Mandy passe sa soirée avec Nassim et Idriss pour seule compagnie. Peut-être que Nassim allait se décider à tenter quelque chose ? Ou peut-être qu'Idriss dévoilerait enfin s'il était attiré ou non par Mandy ?

L'exclamation de Mandy, justement, la sortie de ses pensées.

- Par Merlin ! comment vous allez vous habiller ?

Les Serdaigles échangèrent des sourires.

- Ah si seulement on connaissait quelqu'un qui s'y connaît en vêtements, soupira Lisa.

- Et qui voudrait bien nous aider, ajouta Terry.

Mandy se redressa.

- Si vous demandez gentiment, je pourrai voir ce que je peux faire, lança-t-elle avec nonchalance.

Des rires retentirent, Marc lui attrapa la main et la pressa avec force.

- S'il te plaît Mandy, aie pitié de nous !

- Oui, sinon on sera obligés d'y aller…

- Ne termine pas cette phrase, coupa gravement la blonde, le doigt tendu vers Padma.

- En uniforme ! s'exclama Rose, toute contente devant l'air défait de son ami qui poussa un gémissement dramatique.

- Je me vois dans l'obligation d'intervenir, conclua sévèrement Mandy, récoltant des hochements de tête très sérieux.

Elle désigna Lisa, Rose et Padma pendant que tout le monde se levait.

- Réfléchissez et on fait le point ce week-end.

- Oui Madame.

Souriants, les Serdaigles quittèrent la grande salle pour aller en cours.

Les sourcils froncés de Mandy ne laissaient aucun doute sur le sérieux de la situation – du moins à ses yeux. Padma et Lisa, elles, se retenaient clairement de rire tandis que Rose avait plongé la tête dans son armoire pour cacher son sourire.

- Non, vous n'irez pas en jean !

Cette fois Padma craqua et son rire résonna dans la chambre.

- C'est trop facile, s'amusa Lisa en secouant la tête.

Rose lui adressa un sourire complice en revenant vers son lit, les bras chargés. Elle déposa la pile de vêtements sur son matelas.

- Voilà ce qui pourrait aller… avec quelques modifications.

- Tu réfléchis et je reviens après m'être occupée du cas de Padma. Allez hop !

- Oui cheffe, gloussa la Préfète en se laissant entrainer vers son placard.

Elles marmonnaient dans leur coin tandis que Rose passait en revue ce qu'elle avait sorti, écartant telle ou telle pièce après réflexion. Après une longue discussion, les Serdaigles en étaient arrivés à la conclusion que la fête de Slughorn serait habillée, mais pas aussi formelle que le bal du Tournoi des Trois Sorciers.

Pas plus avancée, Rose gonfla les joues avant de poser machinalement les yeux sur la photo accrochée à la porte de son armoire. Un sourire s'étala sur son visage en voyant les douze personnes costumées qui semblaient passer une excellente soirée. Son regard s'attarda quelques secondes sur William et Derek, puis sur elle-même, qui semblait petite entre eux deux.

Elle détailla sa tenue du regard et un air victorieux prit le pas sur son sourire amusé. Sa tenue d'Halloween ! Voilà ce qu'elle pouvait utiliser ! Rose extirpa les différents éléments de son déguisement et les étala sur son lit. Lisa fut à côté d'elle en un éclair, se tapotant la bouche du doigt. Finalement, elle se lança :

- Si j'étais toi, je changerais la couleur de la jupe.

Rose hocha la tête, convaincue par son idée.

- Pas bête. Je vais sûrement changer le haut… ou du moins enlever le nœud.

- Et mettre un soutien-gorge, alors, pouffa Lisa, imitée par Rose.

- Toi, tu as trouvé de quoi satisfaire Mandy ?

- Franchement, j'hésite à tout simplement remettre ma robe du bal, avoua Lisa. Mandy pourra facilement l'ajuster, enfin il me semble… et je n'ai rien d'autre d'assez formel.

- Ben, pourquoi tu ne remets pas ton costume d'Halloween toi aussi ? demanda Rose innocemment.

Leurs rires se mêlèrent et Lisa la poussa du coude en souriant.

- Bien que j'imagine qu'Anthony serait ravi, je ne pense pas que ça collerait avec l'ambiance générale.

Rose fut de nouveau pensive et elle désigna sa jupe noire.

- On peut aussi dupliquer celle-là, si tu veux. Ça te fait une base pour assortir avec un haut.

Lisa partit à son tour dans ses pensées et c'est ainsi que Mandy les retrouva : plantées entre les deux lits, très concentrées et muettes.

- Je vois que vous prenez ça très à cœur, s'amusa la blonde, les ramenant à la réalité.

- On suit les instructions, rétorqua Lisa, un sourire aux lèvres.

Elles entreprirent d'expliquer leur idée à Mandy qui approuva d'un signe de tête, puis fit un geste vers Rose pour qu'elle duplique les jupes. Mandy changea d'autorité l'une d'elles en bleu turquoise et la tendit à Lisa pour qu'elle l'essaie.

Rose farfouilla dans ses affaires, à la recherche du haut parfait. Elle en mit quelques-uns de côté tout en surveillant Lisa et Mandy du coin de l'œil, bientôt rejointes par Padma, resplendissante dans une robe aux tons orangés.

Sa préférence alla vers un haut noir qu'elle jugeait relativement simple : moulant, il avait un col bateau qui dévoilait largement ses épaules et les manches trois quarts n'avaient aucune fioriture.

Rose le dupliqua et rangea tous les autres vêtements qui trainaient afin de bien visualiser sa sélection, plantée au bout de son lit, caressant distraitement Kietel du bout des doigts.

- Euh, Rose, fit la voix de Mandy, à présent près d'elle. C'est très… noir tout ça…

- Pour le moment, sourit Rose. Donnez-moi votre avis, d'accord ? Colovaria !

Et la jupe fut d'un vert profond. Un second sort et le haut était argenté. Lisa secoua immédiatement la tête.

- Trop Serpentard !

Rose plissa le nez et opina lentement avant de tenter une autre combinaison de couleurs qui fit intervenir Padma.

- Trop banal.

Mandy regarda Rose, puis leva un doigt. Elle partit vers son lit, sembla chercher quelques instants avant de revenir avec un épais livre.

- Manuel de couture pour tous niveaux ?

Mandy hocha la tête et tourna les pages, puis pointa du doigt.

- Voilà : la complémentarité des couleurs. J'étais en train de me demander si on pourrait…

Elle ne termina pas sa phrase et ses trois amies échangèrent des regards amusés.

- Ah si, c'est ce qu'il me semblait. On va pouvoir associer un vert similaire à celui de tes yeux avec un rouge bordeaux, expliqua-t-elle finalement.

Rose opina, subjuguée par les paroles de Mandy, et elle recula pour la laisser faire.

Une poignée de secondes plus tard, la tenue de Rose était prête : le haut arborait le rouge profond choisi par Mandy et la jupe, le vert qui irait évidemment très bien à Rose. Elle n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche que la couturière en cheffe de la chambre agitait de nouveau sa baguette. Le nœud qui ornait le haut ajouré du costume de Rose fut décousu, changé de couleur et fixé à l'arrière de la jupe. Mandy hocha la tête, satisfaite de son œuvre.

- Merci Mandy, sourit Rose en enfilant la tenue.

- C'est parfait, commenta Mandy. Lisa, je pense qu'on pourrait raccourcir ta jupe…

Elle réfléchit un peu plus longuement et proposa à Lisa une palette de trois couleurs après avoir jeté un œil à son épais livre. Rose écoutait d'une oreille tout en ajustant les brides de ses chaussures à talons – les mêmes que pour Halloween, mais qui portaient désormais la même teinte que sa jupe. Elle remit sa bague sertie d'émeraudes et regarda son pendentif qui plongeait sous son haut. On voyait à peine les oreilles de la panthère qui dépassaient, ce qui arracha un sourire à Rose. Elle forma un chignon lâche en bas de sa nuque et se jeta un regard satisfait.

À chaque fois qu'elle croisait son reflet dans un miroir, Rose évitait de regarder la ligne blanche qui lui barrait le visage. Pourtant, ce jour, elle lui jeta un œil, presque malgré elle. Une petite grimace lui froissa les traits et l'image de William qui caressait son visage avant de l'embrasser s'imposa dans son esprit. Ses lèvres se pincèrent.

Est-ce qu'il la voyait tant que ça quand il était si proche d'elle ? Est-ce qu'il faisait semblant de ne pas être dégouté ? Et si un jour, il la trouvait finalement hideuse ?

Rose prit une longue inspiration et se força à desserrer le poing, puis elle secoua la tête pour effacer ces pensées. Elle se retourna vers ses amies qui semblaient aussi contentes qu'elle de leurs tenues. Elles échangèrent des sourires avant que Rose regarde Mandy.

- Mandy, qu'est-ce qu'on aurait fait sans toi ?

- Vous auriez mis des jeans, soupira la blonde sous leurs rires.

- Merci pour ton aide, ajouta Lisa. Je suis désolée que tu ne viennes pas.

- C'est pas grave ça.

- Tu vas faire quoi ce soir-là ? s'inquiéta Padma.

Un petit sourire éclaira le visage de Mandy.

- Ah, pauvre de moi, coincée pour la soirée entre Idriss et Nassim ! Comment m'en dépêtrer ?!

Des pouffements s'élevèrent dans leur chambre, et c'est l'esprit léger que les quatre amies descendirent dans la Salle Commune, leurs belles tenues rangées dans leurs placards.

- C'est bon, vous serez présentables pour la soirée ? taquina Michael en les voyant redescendre.

- À peu près, commenta simplement Padma pendant que Lisa levait les yeux au ciel.

- Tout ça grâce à Mandy, je suis sûr, estima Idriss.

Il lança un regard vers la blonde qui lui sourit en confirmant d'un air grave.

- Absolument. Sans moi ça aurait été une catastrophe.

Rose s'était perchée sur l'accoudoir du fauteuil de Derek.

- Vous ne faites plus vos devoirs ?

- On n'en pouvait plus, avoua Terry. Donc on s'est mis à glandouiller.

- Ce qui est un bon programme, vu que ces quatre-là ne sont pas du tout concentrés, termina Marc en désignant les joueurs de Quidditch.

- C'est à cause de Will et de ses entrainements, ça ! s'exclama aussitôt Michael.

- Entrainement, entrainement… le mot est faible… j'aurais plutôt dit torture, au stade où on en est.

- À ce point ? s'étonna Rose, un sourcil haussé vers le capitaine de l'équipe.

Les yeux bleus pétillaient d'humour lorsqu'il lui répondit.

- Que veux-tu, on est endurant ou on ne l'est pas… Clairement, mon équipe est bonne… mais uniquement au printemps, quand il fait soleil, vingt degrés à l'ombre et seulement si le match dure moins de dix minutes.

Il termina sa tirade par un clin d'œil à Rose qui se mordilla instantanément la lèvre avant de lui sourire, sourde aux protestations outrées qui s'élevaient autour d'elle. Elle regarda William argumenter amicalement avec ses joueurs tout en songeant qu'elle avait l'impression de ne pas s'être retrouvée seule avec lui depuis des semaines – alors que ça ne faisait que cinq jours. Enfin, deux si elle n'occultait pas le moment où il l'avait attirée dans un couloir entre deux cours, pour lui administrer un baiser qui l'avait laissée tremblante de désir tout le restant de la journée.

- Rose ! avait fait la voix chaleureuse de William.

Elle l'avait cherché du regard et s'était approchée de lui, un sourire naissant sur les lèvres, délaissant Lisa et Anthony qui étaient déjà loin.

- Viens, avait-il intimé en lui tendant la main sans la toucher au vu du couloir bondé.

Bientôt il avait écarté une tapisserie et l'avait entrainée dans le corridor sombre. Aussitôt le lourd tissu retombé, il s'était tourné vers elle.

- Ma Rose, avait-il commencé tout en glissant sa main contre sa joue. Dis-moi, tu ne suis pas aveuglément tous les garçons qui t'appellent au détour d'un couloir ?

Elle avait pouffé de rire et s'était rapprochée de lui, venant jouer avec le nœud de sa cravate.

- Non. Uniquement les hommes forts.

- Me voilà rassuré.

Leurs sourires s'étaient évanouis à l'instant où leurs lèvres s'étaient liées.

- J'ai pensé à ça toute la matinée, avait avoué William après un long baiser.

Rose avait arqué un sourcil.

- Bon d'accord, et hier aussi.

Elle avait hoché sévèrement la tête avant de rire à son tour, puis avait laissé William mener leur nouvelle étreinte, retenant difficilement un gémissement lorsqu'une langue s'était insinuée dans sa bouche et que son dos s'était retrouvé plaqué au mur.

Ils ne s'étaient séparés que lorsque la cloche avait sonné la fin de la récréation, pantelants et débraillés. William avait rajusté sa chemise déboutonnée et Rose avait rapidement tressé ses cheveux ébouriffés. Un sourire en coin, elle avait annoncé avec légèreté :

- Tu es seulement le quatrième cette semaine.

- Le quatrième quoi ?

- Homme fort.

Ses grands yeux pleins d'innocence n'avaient pas empêché le grognement de William qui avait de nouveau coincé Rose entre son corps et le mur. Il avait embrassé son cou, puis l'avait léché du bout de la langue avant de mordiller le lobe de son oreille. Au soupir mal maitrisé de Rose, il s'était éloigné et avait ancré ses yeux bleus dans les siens, puis lui avait adressé un sourire désarmant avant de secouer la tête, amusé. Rose l'avait attiré contre ses lèvres une dernière fois, souriant autant que lui.

La voix d'Anthony la tira de son monde intérieur.

- Bon, puisque personne n'arrive à faire ses devoirs et que les joueurs de Quidditch ont fini d'être dramatiques… et si on faisait une séance de pratique ?

Sa proposition récolta un enthousiasme collectif qui enferma les douze Serdaigles dans un dortoir jusqu'à l'heure du diner.

Rose posa sa plume et délaissa son devoir en entendant des pas derrière elle. Bientôt une main frôla son épaule.

- Rose, quelle surprise !

- Salut Will.

Il s'installa d'autorité à côté d'elle, elle haussa un sourcil.

- Tu veux étudier à côté de moi ?

Il secoua la tête, croisa les bras et se laissa aller contre le dossier de sa chaise sans la quitter des yeux.

- J'attends une fille, confia-t-il finalement.

- Ah bon ? à la Bibliothèque ? s'étonna Rose.

- Moui, grimaça-t-il. C'est un peu une intello, très intéressée par ses cours et ses succès académiques.

Il haussa les épaules.

- Mais bon, que veux-tu… je m'adapte.

- Quel sacrifice, ironisa-t-elle.

Elle referma son manuel de Métamorphoses.

- C'est amusant, parce que moi aussi j'attends quelqu'un.

- Ah bon ? Qui ça ?

- Un joueur de Quidditch, bien sûr.

- Évidemment. Il est sympa ?

- C'est un garçon charmant.

- Un garçon ?!

- Pardon, un homme très viril charmant.

- Ça me parait déjà plus plausible. Lui aussi c'est un intello ?

Elle confirma d'un hochement de tête.

- Même s'il ne le montre pas toujours, il est très impliqué dans ses cours. Il est très sérieux… quand il veut.

Un demi sourire flotta sur ses lèvres avant qu'il demande :

- Et avec toi, il est sérieux ?

Rose le considéra un instant avant de répondre d'une voix douce.

- J'espère. Parce que moi, oui.

William décroisa les bras et enveloppa une main de Rose de la sienne.

- Je suis sûr qu'il est très sérieux. Plus qu'il ne l'a jamais été.

Le sourire rayonnant qui lui envoya Rose rendit William muet quelques secondes.

Finalement, il rapprocha sa chaise de la sienne et sortit des affaires de son sac avant que sa main ne revienne couvrir celle de Rose, son pouce caressant ses doigts.

Elle le regarda faire, puis se réinstalla correctement sur sa chaise encore une fois, son corps s'était penché vers William sans qu'elle n'y prête attention.

- Ma Rose, tu sais que ça va être difficile de me concentrer sur quoi que ce soit alors que tu es juste à côté de moi ?

- C'est pourtant pas la première fois qu'on fait nos devoirs ensemble, nota Rose avec confusion.

- On est rarement seuls.

Elle réfléchit un instant. Il était vrai que la seule occurrence qui lui venait à l'esprit c'était…

- L'année dernière, pendant mes BUSE. Le soir où on est allés diner tard, après tout le monde.

- Je me souviens. C'était presque de la torture, avoua-t-il, sa voix basse.

Il poursuivit devant le sourcil levé.

- On n'était que tous les deux, je commençais à maitriser mon sort et à me détendre, tu étais si concentrée sur ton livre… Honnêtement je suis content qu'il n'y ait eu personne avec nous, parce que je pense que je te dévisageais tellement que ça ne devait pas être discret.

La caresse sur sa main se fit plus insistante.

- Et j'avoue que partager notre repas rien que tous les deux, c'était un moment dont j'avais envie depuis longtemps.

Ils échangèrent un long regard.

- Comme je l'ai maudit, ce soir-là… Zabini, précisa-t-il en un murmure devant l'air perplexe de Rose.

Elle eut un infime mouvement de recul.

- De débarquer comme ça, de t'arracher à moi, continua-t-il sur le même ton bas. Et surtout de me faire revenir sur terre en me rappelant que c'était lui et toi et pas toi et moi.

Les yeux verts étaient écarquillés et rivés sur William. Un pouce vint délicatement décoincer la lèvre qu'elle mordillait. Elle sourit.

- Maintenant c'est toi et moi, affirma-t-elle avec douceur.

Sans attendre de réponse, Rose se pencha vers William et posa ses lèvres sur les siennes. Sa réaction fut immédiate : il l'enlaça et glissa sa main libre dans les cheveux qui dansaient sur sa nuque.

- Maintenant c'est toi et moi, répéta-t-il avant de l'embrasser à nouveau.

Ils avaient fini par arrêter de s'embrasser, à la demande réticente de Rose qui craignait que Madame Pince les surprenne et les chasse de sa Bibliothèque. William avait poussé un soupir dramatique, récoltant un petit rire de Rose.

- La Bibliothèque, quelle idée aussi…

- C'est le lieu parfait pour le moment, se défendit-elle. Ils sont tous en Botanique et personne ne vient jamais par ici.

- J'avoue que tu as choisi l'endroit le plus reculé. Je sais même pas si la vieille Pince viendrait jusque-là ! s'amusa William.

Rose réprima un sourire et haussa une épaule dans le but de paraitre nonchalante.

- Ça a le mérite de nous donner un peu d'intimité, dit-elle finalement.

Une grande main se pressa sur sa cuisse et des lèvres se posèrent brièvement dans son cou.

- Ce qui me donne deux ou trois idées très peu scolaires, lui susurra William à l'oreille.

Rose rougit dans un mélange de gêne et d'envie, et au regard satisfait de William, elle fit mine de chasser sa main qui caressait sa cuisse. Il ne bougea pas d'un centimètre et lui décocha son sourire le plus charmeur. Elle soupira et secoua la tête, tentant vainement de chasser de son esprit les envies qui y dansaient.

- Avoue que tu as envie de me sauter dessus, murmura-t-il, un sourire en coin.

Elle n'essaya même pas de nier et hocha la tête, consciente que son regard passait des yeux de William à ses lèvres. Il inspira et la pression sur la jambe de Rose s'accentua lorsqu'à son tour, elle posa la main sur la cuisse de William, laissant ses doigts caresser le tissu.

- Laisse-moi t'embrasser encore une fois, pria-t-il, ses yeux bleus assombris très proches de ceux de Rose.

Pourtant elle trouva, elle ne sut où, la force de secouer la tête et de reculer contre sa chaise. Il écarquilla les yeux et se racla la gorge.

- Tu as plus de volonté que moi, fit-il, clairement partagé entre l'admiration et la frustration.

- Il en faut bien une, sourit Rose doucement, tout aussi insatisfaite que lui.

Ils se redressèrent pour faire face à la table, leurs chaises collées, leurs mains toujours sur la cuisse de l'autre. Ils jetèrent un œil à leurs livres posés devant eux avant de se regarder, peu motivés à l'idée d'étudier maintenant.

- Bon, on va faire la deuxième chose pour laquelle j'ai un grand talent : discuter, trancha William en repoussant un manuel.

- Et ton premier talent, c'est… ?

Il fit danser ses sourcils de façon évocatrice, arrachant un petit rire à Rose.

- Quelle prétention.

- Tu dis ça parce que tu n'y as pas assez assisté, insista-t-il.

Elle leva les yeux au ciel et ses joues rosirent au souvenir de leur premier rancard. William secoua légèrement la tête, comprenant son trouble.

- Ce n'était qu'un avant-goût ça, ma Rose…

Ils se regardèrent avec intensité et la main libre de Rose vint pousser son torse alors qu'elle souriait finalement.

- Mais quel tentateur…

Un sourire charmeur plus tard et Rose en oublia presque où ils se trouvaient.

- William, soupira-t-elle. On a dit au cinquième rendez-vous, pas au troisième. Tu précipites tout.

Son air faussement sérieux cachait mal son sourire, mais William opina.

- Pardon. Je garde toute l'étendue de mes talents secrète jusque-là alors.

Rose s'empourpra de nouveau elle venait de repenser aux paroles de Ludmila, des semaines auparavant, et se rappela qu'elle n'avait pas un dixième de l'expérience de l'homme charmeur en face d'elle. Et si elle ne faisait pas le poids face à son désir ? Et s'il la trouvait ennuyante et maladroite ? Et s'il était frustré avec elle ?

- À quoi tu penses, ma Rose ?

Il libéra encore la lèvre inférieure de Rose et plongea son regard redevenu sérieux dans le sien. Elle prit une inspiration et s'étonna elle-même.

- Je crois que… je n'ai pas autant d'expérience que ça et que tu risques d'être déçu, débita-t-elle avant d'en perdre le courage.

La caresse tendre qu'il imprimait sur sa joue se figea.

Mais qu'est-ce qui te prend ?! Tu vas le faire fuir !

Elle n'osait plus bouger et attendait qu'il réagisse.

- Ça t'inquiète ?

- Que tu sois déçu ?

Il secoua doucement la tête.

- Que j'ai plus d'expérience que toi.

- Un peu, admit-elle faiblement.

- Y'a pas de raison, ma Rose, assura-t-il. Déjà, non, je ne serai pas déçu.

Un sourcil se haussa.

- Parce que c'est toi, chuchota-t-il en reprenant sa caresse sur son visage. Je ne suis jamais déçu, quoi qu'on fasse ensemble.

Rose appuya sa joue contre la paume de sa main, fermant à moitié les yeux.

- Et puis, ça veut dire que je vais peut-être t'apprendre deux ou trois trucs, et ça…

Il tendit son corps vers le sien.

- Ça m'excite beaucoup, susurra-t-il, arrachant un frisson à Rose qui dut se forcer à fermer la bouche.

Même si elle ne se lassait pas de l'effet qu'il lui faisait avec de simples mots, son ventre était toujours un peu noué d'appréhension. Rassemblant une nouvelle fois son courage, elle reprit :

- Tu vas devoir presque tout m'apprendre alors.

Elle pria intérieurement pour qu'il comprenne et pour qu'aucun sourire ne lui réponde elle ne savait pas si elle aurait supporté qu'il se moque d'elle, même gentiment.

- Tu… hésita-t-il après un silence passé à observer les traits inquiets de Rose. Tu n'as jamais…

Il laissa sa phrase en suspens. Un très petit « non » échappa à Rose, qui était bien incapable de parler davantage. William resta silencieux suffisamment longtemps pour la faire paniquer. Elle pressa ses doigts contre lui.

- Dis quelque chose ?

Enfin, il se racla la gorge.

- Je suis partagé entre le besoin de te rassurer, parce que c'est pas important ma Rose que tu aies moins d'expérience que moi. Ça ne change rien au fait que j'ai constamment envie de toi.

Il esquissa un sourire qui commença à rassurer Rose, en plus de ses paroles qui l'hypnotisaient presque. Il poursuivit.

- Et la fierté – très homme préhistorique viril, j'en suis conscient, crois-moi – d'être ta première expérience et de te voir découvrir ça avec moi.

Son ton s'était fait plus bas et il avait inconsciemment caressé les lèvres de Rose à plusieurs reprises. Elle se détendait peu à peu et bientôt il l'attira contre lui pour l'envelopper de ses bras. William jeta un œil autour d'eux, puis glissa sa main sous les cuisses de Rose pour la soulever avec facilité et l'asseoir sur lui. Elle se tendit légèrement, ce qui le fit sourire.

- Ne t'inquiète pas, tu ne risques pas de m'écraser.

Il se laissa aller contre le dossier de sa chaise pendant que Rose posait sa tête au creux de son cou. Elle fit quelques baisers à sa peau, et, imitant sans le vouloir ce qu'il faisait parfois, la lécha doucement avant de la mordiller. Un grognement bas lui répondit.

- Ma Rose. Vraiment, tu es intenable, on est dans un endroit public.

Elle sourit contre lui et se redressa pour le regarder.

- Pardon, murmura-t-elle.

Il fronça les sourcils et elle leva l'un des siens.

- La semaine dernière, dans la salle de Divination, commença-t-il. Ce n'était pas… trop pour toi ?

- Non, répondit-elle, perplexe.

- Tu t'es forcée ? demanda-t-il un peu brutalement.

- Pas du tout, affirma-t-elle avec un sourire.

Il hocha la tête, rasséréné.

- Tu me le dis, hein, reprit-il, toujours dans sa réflexion, si tu ne veux pas faire quelque chose. C'est normal de dire non.

Son air très sérieux fut imité par Rose, qui opina.

- Je ne t'en voudrai jamais, et ça ne changera rien à mon… désir pour toi.

Sa légère pause n'échappa pas à Rose, qui se fustigea mentalement.

Non tu n'aurais pas préféré qu'il dise « amour » !

Un pouce caressa sa joue William attendait visiblement qu'elle réagisse à son tour.

- D'accord, répondit-elle simplement.

- Je peux t'embrasser ?

- Oui, souffla-t-elle.

- Tu es sûre ?

- Certaine.

- Parce que je ne voudrais pas t…

Elle coupa sa phrase et effaça son air malicieux en posant sa bouche contre la sienne.

Lorsqu'ils se quittèrent presque deux heures plus tard, ils se recoiffèrent en échangeant des sourires coupables de ne pas avoir su résister à l'envie de s'embrasser à plusieurs reprises, entre deux conversations. Jamais leurs corps n'avaient été sans le contact de l'autre, même lorsque Rose s'était rassise sur sa propre chaise.

William lui vola un dernier baiser et partit, comme convenu, s'asseoir à une table bien plus centrale pendant que Rose quittait la bibliothèque pour retourner dans la Salle Commune.

Elle fut accueillie par le reste des sixièmes, installés à une table.

- Ah, voilà notre retardataire !

- Désolée, grimaça Rose. Je n'ai pas vu l'heure passer.

Lisa lui jeta un très bref regard complice.

- Tu étais où ? demanda la voix empreinte de curiosité de Michael.

Rose n'eut pas le temps de répondre que Mandy s'écria théâtralement :

- Avec l'homme mystère !

Des sourires amusés se tournèrent vers elle et Rose ne put que confirmer. Anthony commença à ouvrir la bouche mais Lisa le coupa, l'air de rien.

- Et elle nous en parlera quand elle le voudra.

L'air féroce de Mandy quand elle riposta fit pouffer ses amis.

- Une promesse, c'est une promesse ! Ça fait deux fois, alors tu dois me donner son nom !

Flute. J'avais oublié ce détail.

Rose gagna de précieuses secondes pendant que ses amis faisaient des commentaires. Elle avait en effet promis de dévoiler l'identité de « l'homme mystère » si elle le revoyait… L'ennui, c'est qu'elle n'y avait plus pensé et qu'aucun nom ne lui venait à l'esprit, uniquement le visage de William et ses yeux si intenses.

Vite Rose, vite !

Le déclic se fit une fraction de seconde après une relance de Mandy, qui n'était pas prête à lâcher l'affaire.

- Seamus Finnigan.

Des exclamations étonnées lui répondirent, et, ignorant le regard moqueur de Derek, Rose remercia mentalement William de lui avoir mentionné le Gryffondor la semaine précédente. Elle n'avait aucune idée du réel intérêt que Seamus lui portait – elle penchait plutôt pour de la pure jalousie de la part de William, mais il ferait une parfaite diversion pour le moment.

Satisfaite de son idée, elle s'installa avec ses amis et sortit les devoirs sur lesquels elle n'avait absolument pas avancé, malgré environ trois heures passées à la Bibliothèque.

C'était la troisième fois que Michael fronçait les sourcils et perdait le fil de la conversation en cours, et Marc finit par s'en inquiéter.

- Ça va ?

Le brun opina, mais soupira à peine quelques secondes plus tard.

- Mais qu'est-ce qu'elles ont à nous dévisager comme ça ? ronchonna-t-il.

Onze paires d'yeux suivirent la direction qu'il indiquait, entre les tables de Gryffondor et Poufsouffle. Aussitôt, un groupe de filles pouffa avant de se détourner d'eux. Les Serdaigles s'entreregardèrent et suspendirent leurs discussions le temps d'observer le manège de cette poignée d'étudiantes.

Elles regardaient vers leur groupe, faisaient des commentaires, riaient ou rougissaient. Et recommençaient.

Pensive, Lisa se touchait les lèvres. Elle se tourna vers sa droite.

- Will, lève-toi une seconde, s'il te plait…

L'intéressé eut l'air désarçonné mais obtempéra lorsque Marc et Terry insistèrent à leur tour.

Le résultat fut immédiat : des gloussements résonnèrent dans la Grande Salle et Rose croisa les bras, un sourcil envolé très haut sur le front.

- Mystère résolu, se satisfit Padma. C'est l'effet capitaine de Quidditch.

- Soit ça, soit c'est… commença Idriss avec son air malicieux.

Derek lui fit signe de continuer.

- Qu'elles se marrent parce qu'elles ne comprennent pas ce qu'Hagrid fait à notre table.

Aux regards incrédules autour de lui, il pointa vers William.

- Ben si… oh pardon Will ! Je t'avais pas reconnu sous tous ces poils !

Hilares, les Serdaigles ne s'arrêtèrent pas à cette remarque.

- Oui, c'est vrai, maintenant que tu le dis…

Marc fut coupé et devancé par Nassim.

- On voulait t'en parler depuis un moment.

Le capitaine de Quidditch attendit la suite sans rien dire.

- Tu sais, ça fait un moment qu'Halloween est passé… C'était une super fête mais…

- Il serait temps de t'en remettre ! T'as plus besoin de nous faire peur ! termina Idriss triomphalement.

- N'hésite pas, on connait deux ou trois sorts qui pourront t'aider, renchérit Mandy en approchant la main de sa baguette.

William, l'air terrifié, plaqua ses mains sur ses mâchoires et son menton pour reculer loin d'eux. Lisa réfléchit encore un moment et lâcha :

- Ou alors elles sont juste choquées de voir une personne de quarante ans assise à une table d'étudiants.

- Je te préviens, si tu te fais virer de l'école parce que tu as menti sur ton âge, je témoignerai pas en ta faveur, ajouta Nassim.

- Excusez-moi d'avoir l'air plus mature que vous ! rétorqua finalement la victime du soir.

- Will, mature ? N'importe quoi, pouffa Padma.

- Comment elle s'appelle ta nouvelle conquête déjà ? s'enquit Michael, très intéressé.

- Quel rapport avec ma maturité et la barbe qui va avec ?!

- Disons que quand on enchaine les filles comme tu le fais, difficile de te qualifier de « mature », s'esclaffa Idriss.

Rose patouillait dans son assiette, évitant soigneusement de croiser les regards de ceux qui l'entouraient : Lisa, Terry, Derek et le principal sujet de leur conversation, William. Bien sûr, ce fut Mandy qui insista :

- C'est vrai, tu disparais régulièrement en ce moment… Allez, comment elle s'appelle ?

- Tu nous la présentes quand ?

- C'est rare que tu sois aussi discret, nota Terry, malgré le coup de pied lancé par Rose dès qu'il avait ouvert la bouche.

William secoua la tête sans faire mine de répondre, ce qui ne fit que les encourager. La voix de Derek s'imposa finalement par-dessus celles des autres après un soupir excédé de sa part.

- Dis-leur, sinon ils vont pas te lâcher et on va encore passer la soirée à parler de tes histoires de filles, et franchement… j'aimerais autant qu'on discute de Quidditch.

À nouveau scruté par le reste du groupe, William coula un très bref regard à Rose, qui avait haussé un sourcil, très intéressée par la réponse qu'il allait donner. Il soupira à son tour et céda avec un sourire.

- Après la débâcle avec Rebecca, si ça vous dérange pas j'aimerais bien garder certains trucs pour moi. Mais promis, je vous la présenterai au moins la veille de notre mariage.

- Ah mince, rétorqua Mandy dans la foulée.

Elle continua sous les regards inquisiteurs :

- On n'est pas près de la rencontrer !

Une vague de rires les secoua, pendant laquelle William et Rose échangèrent un regard amusé. Une fois calmé, Idriss se tourna d'un bloc vers Rose.

- Tiens, puisqu'on parle de la vie amoureuse de tout le monde, comment ça va avec Finnigan ?

Rose leva un sourcil vers Mandy, qui lui sourit de toutes ses dents. Elle vit du coin de l'œil l'expression de William qui était passée de la complicité à la surprise la plus totale. Il cala son menton sur sa main et attendit patiemment la réponse de Rose.

- Tout va pour le mieux, merci, sourit-elle vers Idriss.

Padma se pencha inconsciemment vers elle alors que Mandy opinait légèrement, fascinée. Rose abdiqua en soupirant.

- Notre dernier rancard était parfait, lâcha-t-elle à ses amies avides d'informations. J'ai hâte de le revoir.

Padma, Mandy et Lisa eurent des soupirs d'envie et Michael railla bien vite l'air rêveur de Rose qui lui répondit en tirant la langue. William ne regardait pas Rose, mais sa mimique de satisfaction et son sourire en coin étaient difficiles à manquer.

Rose continua à l'ignorer avec difficulté alors que tout le monde se tournait vers Nassim qui reprenait la parole.

- Bon, je suis bien content pour Rosinette, mais Will, ta barbe…

Il laissa un silence s'installer pendant lequel William croisa les bras.

- Tu vas bientôt la raser ou tu tentes de lancer une nouvelle mode ?

Les yeux bleus se firent joueurs et il passa lentement la main le long de ses mâchoires.

- Au vu des réactions qu'elle suscite, commença-t-il tranquillement en désignant le groupe de filles qui avait provoqué cette discussion, je pense que je vais la garder encore un peu.

Son sourire suffisant fit ricaner les garçons et lever les yeux au ciel à Lisa. Rose resta aussi neutre que possible elle ne gloussait peut-être pas en observant William, mais elle n'en pensait pas moins concernant sa barbe. Elle ne se lassait pas de sentir ses poils râper contre son visage et son cou. Ce n'était donc sûrement pas elle qui l'inciterait à aller se raser – Halloween terminé ou pas.

- Je vais peut-être m'y mettre, marmonna Idriss sous un rire d'Anthony alors qu'ils s'affalaient dans les canapés de la Salle Commune.

- Ah tu vois, j'ai déjà lancé une mode ! se réjouit William.

Rose fut distraite de leur joute verbale par Derek qui faisait rouler son épaule gauche.

- Douloureux ? s'enquit-elle en se penchant vers lui.

- Un peu, admit-il. J'ai mal paré un coup de mon partenaire à la boxe.

- Il a tapé fort ? s'alarma-t-elle.

- Suffisamment pour j'ai encore mal. Mais ne t'inquiète pas, ajouta-t-il devant le visage pâle de sa meilleure amie, demain ça ira mieux.

- Tu as mis du baume ?

- Pas encore eu le temps.

Tout en parlant avec lui, Rose avait laissé ses doigts errer sur l'épaule de Derek et y effectuait de légères pressions, jusqu'à ce qu'il grimace pour lui indiquer qu'elle avait trouvé. Elle commença à se lever pour aller chercher la crème miraculeuse que les joueurs de Quidditch utilisaient tous, quand une main lui fit signe de rester assise.

- Laisse, je vous en ramène, j'allais chercher un livre dans ma chambre.

Ils échangèrent un sourire et William fila dans les escaliers. Idriss l'interrompit à mi-chemin en criant :

- Et le Cluedo !

- Je suis pas ton elfe, ronchonna-t-il sans se retourner.

- Ça valait le coup d'essayer, soupira Idriss vers Nassim qui hochait gravement la tête.

Rose eut un léger sourire en coin et reporta vite son attention sur Derek, qui semblait moins préoccupé qu'elle ou Terry. Ils l'encadraient tous les deux sur un canapé, tendus vers lui.

- Je vous assure que ça va, répéta Derek. C'est vraiment rien.

Les regards de Rose et Terry se croisèrent et ils se firent un faible sourire, reconnaissant dans les yeux de l'autre la panique qui les saisissaient lorsque Derek n'allait pas bien. Le grand blond finit par marmonner :

- Détendez-vous ou éloignez-vous, j'arrive plus à réfléchir.

Il leur adressa un sourire rassurant et prit d'autorité leurs mains pour les poser sur ses cuisses, puis laissa aller sa tête contre le dossier.

- Là, voilà. Tout va bien.

- Mais oui, tout va bien, répéta une voix enjouée. Il est pas en sucre votre Derek.

Un sourire malicieux croisa le regard de Rose et William lui tendit un tube qu'elle attrapa en le remerciant.

- Allez, étale-lui ça et demain il est comme neuf, insista William en s'asseyant dans le fauteuil le plus proche.

Toujours concentré sur le canapé, il avait nonchalamment posé une boite sur la table sans jeter un œil vers Idriss, qui grommela « ben tu vois que tu pouvais le ramener, mon jeu ».

Rose regarda le tube et le tendit à Derek, qui avait retiré son pull en grimaçant.

- Fais-le s'il te plait mon chat, je vais trop galérer avec la main droite.

Un coup d'œil vers Terry qui secoua la tête n'aida pas Rose.

- Non, à ton tour. La dernière fois je me suis fait engueuler.

- Tu lui as fait mal ? interrogea Lisa.

- Pas du tout ! protesta le brun. Il m'a engueulé parce que j'y allais trop doucement !

Quelques rires lui répondirent.

- Engueulé ?

Les épaules de Derek se soulevèrent, car l'idée qu'il passe un savon à son petit ami lui paraissait improbable. Terry sourit.

- Disons qu'il a râlé. Un peu. Alors, c'est ton tour.

Peu rassurée, Rose retira le capuchon et déposa une grosse noisette de crème au bout de ses doigts. Les yeux noirs de Derek brillaient d'amusement, et elle leva les yeux au ciel en s'apercevant que ceux de William aussi.

Allez Rose, ils t'ont appris à faire. Il n'est pas en sucre.

Se concentrant finalement, elle prit le temps d'appliquer la pommade sur la peau de Derek, étalant une large couche aux endroits qui le faisaient le plus grimacer. Un petit soupir fit relever la tête de Rose, qui se rendit compte qu'elle avait un public.

- Si seulement j'avais quelqu'un pour me dorloter comme ça aussi, fit Idriss, l'air envieux.

- Tu cherches au moins ? rétorqua immédiatement Marc.

- Non, dit-il en retrouvant son habituel air malicieux, déclenchant des rires autour de lui.

- Allez, mets le jeu en place au lieu de jacasser, lança Nassim après lui avoir flanqué un coup de coude.

Un nouveau silence s'étira dans le groupe, uniquement troublé par le bruit des cartes qu'on mélangeait et du plateau de jeu qu'on installait sur une table basse. Une nouvelle voix intervint.

- William a l'air très impliqué dans la guérison de Derek, nota Anthony.

- C'est que je m'inquiète pour mes joueurs, répondit William avec un sourire. Encore deux ou trois entrainements avant les vacances, je veux m'assurer que Derek sera bien présent.

- Tortionnaire, gémit aussitôt Michael.

- Je suis sûr qu'il essaie de nous faire démissionner avant le prochain match, se plaignit Idriss.

- Pour vous remplacer par des filles, compléta Nassim, à moitié hilare.

Le capitaine en question haussa les épaules et se tourna vers ses joueurs, sans avoir manqué les lèvres de Rose qui s'étaient furtivement pincées.

- Si elles sont meilleures que vous, je vous remplacerai sans hésiter.

De nouvelles protestations lui répondirent, parmi lesquelles on entendit distinctement « Aucune loyauté ! », ce qui fit rire tout le monde une nouvelle fois.

Les doigts de Rose terminèrent enfin leur massage et elle recula pour laisser Derek se rhabiller.

- Tiens, fit-elle en tendant la crème à William. Je vais me laver les mains, j'avais oublié à quel point ça pue votre truc.

- Tu pourrais aller reposer le tube dans ma chambre au passage ! la héla-t-il alors qu'elle s'éloignait.

- Je suis pas ton elfe ! riposta-t-elle sans se retourner, avec un sourire aux lèvres que personne ne vit.

Lorsque Rose redescendit, la partie était en cours et elle rejoignit Lisa avec qui elle faisait apparemment équipe ce soir-là.

- Tu triches pas cette fois hein, ironisa Rose à voix basse.

- Je triche jamais moi, se défendit la rousse. C'est Nassim qui est trop strict.

Elles partagèrent un rire Lisa adorait tricher en toute discrétion et se faisait rarement pincer par les autres. Les seules fois où elle s'abstenait de « forcer le destin », c'était quand elle faisait équipe avec Nassim, qui ne plaisantait pas avec ça.

Après une petite demi-heure, une voix murmura près de Rose :

- Elle triche, ta copine…

- Mais non. Elle adapte le cours du jeu à sa volonté, rétorqua-t-elle sur le même ton.

Un petit rire fit sourire Rose et elle lança un rapide regard à William. Il secoua la tête en souriant et reporta son attention sur Anthony qui le sollicitait pour jouer leur tour.

Rose et Lisa ne gagnèrent pas la partie malgré leurs efforts combinés – Rose n'était pas difficile à convaincre pour tricher – mais comme le disait Lisa, peu importait de gagner, l'important était de ne pas se faire attraper par les autres. Cela ne les empêcha pas de monter dans leur chambre en pouffant, après une dernière étreinte de Rose à Derek, qui la rassura pour environ la centième fois de la soirée au sujet de son épaule qui allait déjà mieux.

Le lendemain, William interrompit leur jeu de cartes en cours en arrivant tardivement dans la Salle Commune. Idriss leva la tête vers leur ami.

- C'est à cette heure-ci que tu arrives ?! On a déjà fait plein de parties, t'as tout raté.

- Quelle tragédie, rétorqua platement William en s'asseyant avec eux.

- C'est quoi ta…

- Lisa, n'en profite pas pour tricher ! coupa Terry, visiblement ébranlé.

- Je triche pas, je profite de la distraction générale, fit-elle avec innocence.

- Bref, tu triches, marmonna Nassim en croisant les bras.

La rousse haussa les épaules sans que son sourire faiblisse tandis que Rose se cachait derrière sa main pour rire. Michael se tourna vers William.

- Alors, c'est quoi ?

Tout le monde regardait William avec intérêt – enfin, plutôt la boite qu'il avait posée sur ses genoux.

- Mon projet de Potions du semestre, expliqua-t-il en la posant finalement sur la table basse. Et aussi…

Il jeta un coup d'œil vers Rose avant d'ouvrir le couvercle et de révéler une vingtaine de fioles calées dedans.

- Le cadeau de Noël de Rose.

Un petit silence plana alors que les regards allaient de l'air impassible de William au sourcil haussé de Rose. Padma craqua la première.

- Et c'est…

- Laisse-nous deviner ! s'écria d'un coup Idriss. Alors, je dirais… une potion qui apprend à faire les tâches ménagères !

Des rires fusèrent autour de la cheminée et William secoua la tête.

- Un élixir pour contrôler ses pulsions animales ! estima Anthony avec un sourire.

- Mais non, contra patiemment Michael. Une solution pour faire survivre les plantes en milieu hostile !

- Et le milieu hostile c'est…

- Les mains de Rose !

Ils s'esclaffèrent tous, même Rose qui ne cessait de scruter les traits détendus de William.

- Je sais ! Une potion pour rendre moins têtue…

- Et autoritaire ! compléta Marc en pouffant avec Lisa.

Rose leva les yeux au ciel pendant que les autres riaient et continuaient à lancer des hypothèses de plus en plus farfelues. Son sourcil se leva haut sur son front lorsque Mandy murmura à son intention :

- Ou alors, un philtre d'amour… Vu qu'il te regarde régulièrement comme si tu étais la huitième merveille du monde, ajouta la blonde avec malice.

À défaut d'une meilleure répartie, Rose se contenta de grogner.

- Mais t'as fini oui… Bon alors ?

Elle s'était tournée vers William, les bras croisés.

- Qui a vu juste ?

- Aucun d'entre vous ! Toutes vos idées sont intéressantes et je commence à regretter mon choix de projet…

Rose fit un petit bruit dédaigneux et désigna les fioles, sous les rires des autres qui redoublèrent lorsque William reprit la parole.

- Je confirme, au prochain semestre, je me penche sur cet élixir qui rend moins autoritaire.

Il se pencha néanmoins et extirpa un flacon à l'intérieur duquel brillait un liquide bleu foncé.

- Potion anti-douleur.

Rose resta muette, ses yeux allaient de la potion au visage de William.

- Mais attention ! reprit le brun avec sérieux, un doigt en l'air. C'est un concentré, alors les doses à prendre ne sont pas les mêmes.

- C'est pour ça qu'elle n'est pas bleu clair, comprit Derek.

- Exactement, confirma William avant de se tourner vers Rose.

Elle garda les yeux sur la fiole pendant qu'il s'expliquait.

- Tu peux prendre maximum six gouttes toutes les douze heures. Sinon il y a des effets secondaires assez puissants.

- Comment tu le sais ? s'enquit Terry.

- Parce que j'ai fait des tests.

- Sur des victimes ou des volontaires ? s'amusa Lisa.

- Sur lui-même ! lança Nassim, alors que William confirmait d'un hochement de tête.

- Mais… c'est pas dangereux ? interrogea Padma après un silence général.

William haussa les épaules et assura que Slughorn l'avait supervisé de très près lors de ses essais. Il rit lorsque tout le monde insista pour connaitre les fameux effets secondaires – sauf peut-être Rose, toujours plongée dans son monde intérieur, où elle pouvait se blottir contre William et l'embrasser avec toute la tendresse qu'elle ressentait pour lui à cet instant.

- … et aucune sensation pendant plus d'une journée, racontait William quand elle prêta de nouveau attention au groupe. Pas de douleur, pas de froid, chaud, faim, soif, sommeil… Rien. J'étais dans le brouillard complet.

- Il était insupportable ce jour-là, commenta Nassim pour alléger l'atmosphère. J'ai dû m'occuper de lui comme d'un gros bébé.

William lui décocha un sourire amusé puis reprit son sérieux et indiqua le couvercle de la boite en bois.

- J'ai noté les instructions là.

Comme Rose ne disait toujours rien, il eut un moment d'hésitation avant de continuer.

- J'ai pensé que ça te serait utile, pour…

- Pour mes douleurs menstruelles, termina Rose en retrouvant finalement l'usage de la parole. William, merci. Ça me touche beaucoup.

Elle répondit timidement à son grand sourire avant d'examiner le contenu du coffret et d'y replacer la fiole que William avait sortie. Elle fronça les sourcils.

- Slughorn t'a laissé tout prendre ? Comment il va te noter ?

- Il en a gardé une partie, corrigea William et Rose hocha la tête, rassurée.

Elle referma le couvercle et adressa un nouveau sourire à William, ignorant le regard pesant de Mandy.

Lorsqu'ils se levèrent pour aller diner, Rose ne put manquer la remarque marmonnée par la blonde :

- Le retour du prince charmant.

Un sourcil se leva avant qu'elle ne lui sourie sans lui répondre. Rose signala qu'elle allait ranger la boite dans le dortoir.

- Ne m'attendez pas, lança-t-elle à ses amis, un pied sur la marche. Je vous rejoins à la Grande Salle.

Elle avait besoin de quelques instants seule afin de se maitriser et d'éviter de se comporter comme la fille éperdument amoureuse et émerveillée qu'elle était.

- Ah Rose, attends, j'ai oublié un détail !

Elle s'arrêta et regarda William la rejoindre en bas des escaliers alors que Derek poussait leurs amis vers la sortie.

- C'est bon, ils connaissent la route, et moi j'ai…

- Faim, soupira Terry sous les rires du groupe qui sortait.

Rose souriait toujours, amusée, alors que William captait son regard une fois seul avec elle. Elle glissa spontanément sa main sur sa joue.

- Merci, répéta-t-elle.

- Mais de rien ma Rose, répondit-il en l'attirant près de lui, lui faisant descendre la marche sur laquelle elle était toujours perchée.

Il lui retira le coffret des mains pour le poser au sol, et elle se lova enfin contre lui, fermant à moitié les yeux au contact de ses bras autour d'elle. Elle le laissa chercher avec douceur ses lèvres et retint un soupir d'aise pendant leur baiser. Lorsqu'ils se séparèrent, un demi sourire se forma sur ses lèvres, et elle élabora devant son air interrogateur.

- Mandy a des soupçons te concernant. Elle a trouvé ce cadeau digne d'un prince charmant.

Rose passa sous silence le fait que ce surnom avait été attribué puis retiré à William bien avant ce soir-là. Il eut un geste d'évidence.

- Et est-ce que c'est complètement faux ? Je ne crois pas.

Rose poussa son épaule devant son air satisfait, réprimant un sourire avec difficulté.

- Ça m'étonne que personne n'ait fait de commentaire d'ailleurs, lança William.

- Concernant ton évident béguin pour moi ? s'amusa Rose.

- Béguin, répéta-t-il, ses épaules soulevées par un rire. C'est assorti à ton expression « coureur de jupons », remarque.

Le rire de Rose accompagna le sien avant qu'il ne poursuive.

- Ma Rose, j'ai une idée. Et si notre quatrième rendez-vous se faisait au vu et au su de tout le monde ?

Rose haussa les deux sourcils et William embrassa rapidement sa joue, incapable de résister.

- Tu veux dire qu'on avoue tout ?

Elle ne pensait pas qu'il voudrait déjà faire ça…

- Non, marmonna-t-il en nichant son nez dans son cou, ce qui la fit sourire. Pas encore.

Comprenant enfin, Rose opina et sa main se perdit dans les cheveux de William.

- Quatrième rancard pour nous, premier pour les autres ?

Il ponctua son hochement de tête par un baiser sous son oreille.

- C'est d'accord.

- Chouette.

Le petit rire de Rose se perdit contre la bouche qui réclamait encore la sienne. William s'écarta légèrement et continua sa réflexion.

- Pas samedi, j'ai prévu un long et douloureux entrainement de Quidditch.

Rose se mordilla la lèvre pour s'empêcher de rire.

- Dimanche après-midi alors ? On pourrait se balader dans le parc s'il ne pleut pas.

- Parfait, valida William, un sourire satisfait aux lèvres.

Il caressait distraitement le bras de Rose et ils restèrent plus longtemps que de simples amis le feraient au pied des marches, incapables de rompre le long regard qu'ils partageaient. Rose était déchirée entre la tendresse et le désir, tout en pensant que ce n'était pas la pire des situations, après tout.

William réagit le premier lorsque les ongles de Rose s'attardèrent sur sa nuque, créant une caresse qu'il eut du mal à interrompre.

- Ma Rose. Il faudrait qu'on descende.

- Sinon tes colocataires vont encore t'accuser de profiter de jeunes filles innocentes.

Il éclata de rire et Rose lui envoya un regard malicieux.

- Crois-moi, ce n'est pas le qualificatif qu'ils te donneraient.

- Je veux même pas savoir, sourit-elle avant de désigner les dortoirs féminins du pouce. Je reviens.

William l'attendit et ils entrèrent dans la Grande Salle ensemble.

- Vous en avez mis du temps, attaqua aussitôt Mandy.

- Il en avait, des instructions à te donner, taquina Terry en souriant à Rose qui se contenta de hausser les épaules une fois assise.

- Que voulez-vous, elle comprend vite mais il faut lui expliquer longtemps, soupira William avant de lancer un clin d'œil à Rose qui répondit d'une haussement de sourcil.

- Il faut dire qu'avec le flot continu de paroles, c'est pas toujours facile de savoir où il va ni ce qui est important à retenir.

Son ton très calme et son air sévère coupèrent la parole à William.

- Ah ! J'ai gagné ! s'exclama-t-elle.

- Tu as réussi à le faire taire…

Le ton admiratif de Nassim était exagéré et surtout, les fit tous rire.

Alors qu'ils mangeaient en parlant des derniers potins de l'école, Rose retira discrètement sa chaussure et tendit la jambe jusqu'à toucher celle de William, assis en face d'elle. Elle vit la tension dans ses épaules disparaitre alors qu'elle le caressait du bout du pied, prenant garde à ne pas fixer William trop longtemps. Il lui adressa un rapide sourire et sa main gauche plongea tout naturellement sous la table sans qu'il n'interrompe ni son repas, ni sa discussion. Ses doigts s'enroulèrent à la cheville de Rose et la caressèrent à leur tour, ne s'arrêtant pas, même lorsque Marc posa une question à Rose qui dut faire un effort de concentration pour lui répondre.

- Oui, c'est début janvier, le quatre.

- Ah, c'est bien toi la prochaine à avoir dix-sept ans alors.

- C'est ça, sourit Rose. Bientôt majeure et respectable.

La main de William s'immobilisa contre son pied et Rose s'obligea à ne surtout pas le regarder, préférant se concentrer sur les moqueries de ses amis qui lui assuraient que la majorité ne la rendrait pas plus respectable que maintenant. Nassim et Idriss échangèrent un regard, visiblement un peu déçus.

- On sera encore en vacances, clarifia Nassim quand Michael leur demanda ce qui leur arrivait.

Rose esquissa un léger sourire, comprenant qu'ils étaient dépités de ne pas pouvoir organiser de fête.

- Moi qui me faisait une joie de célébrer Rose, se plaignit Idriss.

- De picoler toute la soirée, oui, corrigea William, l'air moqueur.

- Peut-être. N'empêche.

Lisa leva les yeux au ciel et Rose posa son menton sur sa main.

- Serais-tu rassuré si tu pouvais venir « me célébrer » au Manoir ?

Les yeux d'Idriss s'agrandirent et il se redressa d'un coup, imité par son cousin.

- J'ai pensé à ça il y a quelques temps. Ça vous dirait qu'on fête mon anniversaire chez moi avant de revenir à Poudlard ?

Devant quelques hochements de tête, elle poursuivit.

- Vous pourriez venir le 4 le matin ou le midi, on passerait la journée ensemble et on fêterait ça le soir ? Et le dimanche, Ted nous emmènerait à la gare, comme cet été.

Rose déplaça ses couverts dans son assiette pour se donner une contenance en attendant les réponses de ses amis, qui ne tardèrent pas.

- Mais trop bien ! s'exclama Nassim le premier.

Son enthousiasme fit sourire Rose, et bientôt tout le monde acceptait sa proposition – sauf William qui n'avait encore rien dit.

- Will ?

- Il faudra que je voie avec mes parents, dit-il. Je ne sais plus ce qu'ils ont prévu de faire début janvier.

Son air très sérieux contrastait avec les sensuelles caresses sur la cheville de Rose, qui pensa comprendre le message : il viendrait, mais voulait donner le change devant les autres.

- Oh, protesta Idriss, tu vas pas laisser passer l'opportunité de faire la fête chez Rose quand même !

- Avec son père super cool !

Cette fois Rose éclata de rire.

- Tout ça parce qu'il nous a laissés boire de l'alcool cet été, s'amusa-t-elle.

Nassim et Idriss lui renvoyèrent des sourires bien trop innocents pour être honnêtes et Mandy les poussa du coude.

- Ne les écoute pas. C'est une super idée, Rose. On sera tous là.

Elle insista lourdement sur le mot « tous » en lançant un regard à William qui sourit à moitié.

- J'ai dit que je verrai avec mes parents, pas que je refusais.

Rose regarda ses amis avant de hocher la tête, ravie de les accueillir chez elle pour son anniversaire. Il ne lui restait plus qu'à écrire à son père pour lui demander son accord, même si c'était plus pour le prévenir qu'autre chose.

À la fin du diner, elle trouva parfaitement difficile de s'arracher à son siège pour retourner dans la Salle Commune. La main de William était restée sur elle et ses caresses s'étaient faites de plus en plus insistantes. Ils n'osaient pas se regarder de peur d'être beaucoup trop transparents aux yeux des autres. C'est seulement lorsque Derek poussa Rose du coude et marmonna « hé, numéro deux » que William réagit et lâcha le pied de Rose avec un sourire angélique. Elle se racla discrètement la gorge en se levant pour enfin suivre ses amis dans les couloirs.

Un frisson parcourut Rose et elle se pelotonna autant que possible dans sa cape d'hiver.

- Allez Rosinette, courage, ils ont bientôt fini ! encouragea Terry.

- Rappelez-moi pourquoi c'est nous qui sommes là et pas les autres ? ronchonna-t-elle.

- Parce qu'on est sympas et qu'on s'est sacrifiés, répéta Marc en grelottant autant qu'elle. Mais je regrette.

- Et aussi parce que tu avais très envie de voir le capitaine de l'équipe à l'œuvre, rappela Lisa dans un chuchotis.

Rose poussa un petit grognement et n'ajouta rien, préférant faire ce que venait de mentionner Lisa : regarder William voler sur le terrain de Quidditch. Elle sourit malgré elle en l'observant diriger son équipe avec fermeté. Ils devaient être gelés et probablement épuisés, mais ils jouaient avec une concentration admirable.

Enfin, les sept joueurs atterrirent sur l'herbe glacée, et Derek tourna la tête vers Rose et ses compagnons qui attendaient patiemment près des vestiaires. L'équipe se rapprocha d'eux tout en commentant leur session tout juste terminée.

- Ben alors, qu'est-ce que vous faites là ? s'étonna Idriss le premier.

- Vous avez trouvé la porte de sortie du château ? taquina William en posant la caisse de balles par terre.

Rose et Lisa lui tirèrent la langue de concert, puis se tournèrent vers les trois filles de l'équipe.

- On est venus vous secourir.

- Nous secourir ? hésita Siobhan.

- Vous arracher aux griffes intransigeantes de votre capitaine, clarifia Terry.

- Vous devez être frigorifiés, estima Marc.

Son hypothèse fut aussitôt confirmée par Grace qui claqua involontairement des dents.

- Et voilà, soupira Rose en s'avançant pour lui frotter les bras. Allez, suivez-nous, on vous ramène tout de suite au château. On va aller se réchauffer.

- Riche idée, valida Michael en saisissant les balais de tout le monde pour les ranger avec l'aide de Derek.

Marc et Idriss ouvrirent la marche, Rose la ferma avec Grace, Siobhan et Leah devant elles.

- Vous inquiétez pas, on va s'occuper de vous, nous, disait Rose avec bienveillance et humour, récoltant des sourires des plus jeunes.

- M'attendez pas, surtout, protesta une voix grognonne bien loin derrière elles.

Rose leva les yeux au ciel et fit signe à ses camarades de continuer.

- Avancez, je l'attends sinon il sera encore plus insupportable à votre prochain entrainement.

De petits rires accompagnèrent Rose alors qu'elle faisait demi-tour pour s'arrêter devant William qui fermait la porte des vestiaires. Elle esquissa un petit sourire auquel il refusa de répondre. Elle fit la moue, il soupira.

- Arrête, j'essayais d'être fâché.

Le sourire de Rose s'agrandit et il secoua la tête, craquant enfin. Comme à chaque fois, le ventre de Rose se serra devant l'expression séductrice de William. Il lui tendit le bras pour qu'elle mette sa main dans le creux de son coude.

- Te voilà coincée entre mes griffes pour tout le trajet, prévint-il.

- Tant mieux, répondit Rose en se rapprochant de lui.

Il vint caresser brièvement sa main gantée.

- Et pourquoi spécialement aujourd'hui ?

- Parce qu'il fait très froid et que tu es inflexible avec les entrainements et tes joueurs.

Il la considéra un instant, pensif.

- Tu me trouves trop autoritaire ?

- Ah non, ça c'est mon trait de personnalité, plaisanta Rose.

Ils partagèrent une sourire amusé et elle reprit plus sérieusement.

- Il faudrait demander à tes joueurs… enfin, jusque-là, aucun n'a démissionné, n'est-ce pas ?

- C'est vrai, concéda-t-il. En fait, tu voulais juste une excuse pour venir m'admirer voler.

- Aussi, admit Rose, à la surprise de William qui s'arrêta de marcher pour la regarder.

Un sourire confiant souleva le coin de ses lèvres et Rose dut faire tous les efforts du monde pour ne pas venir l'embrasser.

- Tu vois que tu es la cheffe de mes groupies, finalement.

Elle se mit à rire et ils reprirent leur marche.

- C'est toujours intéressant de te voir mener ton équipe, minimisa Rose.

- Et ça te plait quand c'est moi qui ai le contrôle ?

Le changement du ton de sa voix était immanquable et le rouge aux joues de Rose n'eut rien à voir avec le froid.

- Arrête, murmura-t-elle rapidement. Les autres ne sont pas loin.

Il lui décocha son sourire charmeur et n'insista pas, clairement satisfait par la réaction de Rose.

- Bon, et qu'est-ce que vous avez prévu pour consoler mon équipe ? demanda-t-il alors qu'ils retrouvaient la chaleur du hall d'entrée.

- Un gouter, répondit simplement Rose en lâchant le bras de William avec réticence.

- J'aurai dû m'en douter, s'esclaffa-t-il.

Ils arrivèrent les derniers dans la Salle Commune et, après s'être effleuré la main et avoir échangé un regard lourd de leur envie de se lover l'un contre l'autre, qu'ils mirent de côté pour le moment, ils rejoignirent leurs amis près d'un feu brulant.

Les joueurs de Quidditch avaient disparu pour aller se changer, William les imita pendant que les autres disposaient un petit festin incluant des brioches et du chocolat chaud sur la table basse.

Leah, Siobhan et Grace s'installèrent naturellement près de Rose qui les accueillit avec chaleur et les écouta parler de l'entrainement tout en leur tendant des tasses fumantes.

William arriva le dernier et protesta vivement en se rendant compte qu'il ne restait plus de place pour lui.

- Voilà ce qui arrive quand on harcèle d'honnêtes joueurs : on est exclu ! triompha Idriss en mordant dans une brioche.

William croisa les bras et l'ignora, cherchant malgré tout une place du regard. Comme personne ne faisait mine de bouger, il se renfrogna.

- Si encore tu promettais de nous épargner au prochain entrainement… commença Michael.

- On pourrait faire un effort, compléta Leah.

- Vous pouvez toujours y croire, rétorqua William avec un sourire qu'il semblait incapable de réprimer.

Il fit un geste vers les tasses de chocolat chaud, décidé à rester debout, mais Terry secoua la tête et repoussa sa main.

- C'est pas seulement les joueurs qui subissent ton inflexibilité… ce sont aussi leurs partenaires et leurs amis !

Des rires répondirent à la remarque de Terry et au « désolé » lancé par Derek qui lui avait embrassé la joue.

Les muscles des bras de William jouèrent sous son pull et il faisait une tête déçue qui ne sembla émouvoir personne… sauf Rose. Elle se racla la gorge alors que le capitaine d'équipe lançait un regard presque désespéré aux victuailles étalées sur la table et aux fauteuils près du feu. Trop attendrie pour résister, Rose se leva et saisit une tasse pleine avant de se diriger vers lui. Elle passa derrière le canapé où il s'était planté et lui tendit la boisson sans un mot. William en avala quelques gorgées sans la quitter des yeux.

- Merci ma Rose.

- Je t'en prie, fit-elle du bout des lèvres.

La main dans la poche de son jean, elle se pinçait furieusement la cuisse pour s'empêcher de se pendre à son cou.

- Évidemment, il fallait qu'elle craque ! s'exclama Nassim.

- Alors qu'on était à deux doigts de lui faire annuler les prochaines séances de torture !

- Même pas en rêve, répliqua William en s'arrachant à sa contemplation de Rose. Allez, poussez-vous maintenant.

Son ton porta assez d'autorité pour que ses amis lui fassent une place tandis que Rose retrouvait son siège initial. Elle lui tendit assez naturellement une viennoiserie qu'il prit en la remerciant d'un clin d'œil.

Par Circée. Ça me fait toujours autant d'effet.

Leur échange leur fit manquer le froncement de sourcils de Grace et le regard de Siobhan qui allait de Rose à William. Mandy, elle, n'avait pas raté leurs airs perplexes et c'est son soupir dramatique qui fit presque sursauter Rose comme William.

- Non, pas encore… mais un jour, sûrement, répondit la blonde à la question muette des plus jeunes.

Un sourcil plus confus que jamais se leva sur le visage de Rose, qui ne se rendit même pas compte que plus personne ne parlait. Ses yeux verts s'accrochèrent à ceux de Mandy, qui dirigea le regard vers William avant de fixer à nouveau Rose. Ils comprirent en même temps, et Rose haussa les épaules pour toute réaction. Elle allait sortir une platitude sur l'obsession de Mandy à vouloir former des couples, mais l'air décidément joueur de William la coupa dans son élan. Elle n'attendit pas longtemps avant qu'il se tourne vers elle et demande d'un ton léger :

- Au fait Rose, c'est toujours bon pour demain ?

Jouant le jeu, elle fronça les sourcils.

- Demain ?

- Notre promenade à deux, clarifia-t-il en parlant bien clairement.

La réponse, « oui bien sûr », fut noyée par une exclamation de surprise, puis de douleur et plusieurs éclats de rire. Se détournant du regard très amusé de William, Rose contempla Mandy qui venait, de toute évidence, de s'écrier tellement fort qu'elle en avait recraché son chocolat chaud… par le nez. Rose eut une petite grimace coupable et tendit la main vers son amie.

- Tu ne t'es pas fait mal ?

- Non, non… mais on s'en fiche de ma douleur ! se reprit la blonde en désignant Rose et William. Un rendez-vous ? Tous les deux ?

Alors qu'ils opinaient de concert, le « c'est pas trop tôt » marmonné par Marc arracha une nouveau sourire à Rose. Elle finit par faire un vague geste de la main pour inciter le groupe à changer de sujet, ce qui fonctionna après quelques questions que les deux intéressés esquivèrent habilement.

Toutefois, au regard lancé par Mandy, Rose sut que son amie n'en avait pas terminé avec elle, et elle se prépara mentalement à son flot de paroles à venir.

Aussitôt la porte de leur dortoir fermé, cela se déroula exactement comme elle l'avait imaginé : Mandy lui tomba dessus et ne la lâcha plus.

- Un rancard ! Avec le prince charmant !

Elle pouffa légèrement et se contenta de hocher la tête.

- Mais… fit Padma d'un coup. Et Seamus ?

- C'est pas sérieux entre nous, broda rapidement Rose. On ne s'est vus que deux fois je te rappelle.

- Tu vas lui dire ?

Elle haussa une épaule.

- Non… on ne s'est pas promis d'exclusivité.

- Vous avez décidé ça quand ? s'enquit Lisa.

Cette fois, elle pouvait être honnête.

- Il me l'a proposé hier soir, quand on est restés seuls avant de vous rejoindre pour diner.

- Ah c'est pour ça que vous avez mis autant de temps à descendre ! comprit Mandy.

- C'est ça. Écoutez, prévint-elle en levant les mains, ne vous emballez pas trop.

Elle poursuivit malgré la bouche ouverte de Mandy.

- On en a parlé, et on s'est rendu compte que notre attirance physique était toujours là. Donc on a décidé de se retrouver tous les deux, pour voir ce que ça donne.

Elle s'assit sur le bord de son lit.

- Voilà, on tente, histoire de savoir si on se supporte dans un contexte plus… romantique, hésita-t-elle. Et aussi si William n'a pas envie de sauter sur tout ce qui bouge dès qu'on se sépare.

Rose se mordilla la lèvre, consciente que parmi tout ce qu'elle disait, ce dernier point contenait un fond de vérité à ses yeux. Elle agita un doigt menaçant vers ses amies.

- Et je veux pas qu'on en fasse toute une histoire ! Sinon je vais avoir trop la pression et vous allez le faire fuir.

- Quand même… William, le prince charmant.

Lisa leva les yeux au ciel et Rose s'autorisa un sourire. Mandy vint lui presser l'épaule, contenant son énergie.

- Bon, ma Rosinette, quoi qu'il se passe, je suis contente pour toi et que vous essayiez au moins quelque chose.

- Merci, dit-elle avec sincérité.

- Tu sais que ça va être terrible de ne pas te harceler de questions ? demanda Padma.

- Oh, je me doute…

Un silence plana, rapidement brisé par leur habilleuse en cheffe.

- Et donc… qu'est-ce que tu vas mettre ?!

Leurs éclats de rire allégèrent l'ambiance très solennelle et Rose expliqua qu'ils avaient prévu de se balader dehors si la météo était clémente.

- Bonne idée. Emballée comme tu le seras, si à la fin il est intéressé par toi, ce sera pour ton cerveau et ta personnalité et pas seulement pour ton physique.

Rose haussa un sourcil intéressé elle n'avait jamais vu la chose comme ça. Elle se laissa emporter par l'enthousiasme de ses amies et elles s'amusèrent à sélectionner une tenue adéquate – et validée par Mandy – avant de se coucher tout en partageant des anecdotes sur leurs vies amoureuses, pas toujours glorieuses, mais qui les firent beaucoup rire.

Le lendemain, Rose se leva avec une légère boule au ventre sans comprendre pourquoi.

On était dimanche, elle allait voir William en tête à tête et…

Oh. Voilà.

Et tout leur groupe d'amis était au courant.

Elle soupira en s'habillant chaudement et démêla ses boucles avec un peigne à très larges dents dans la salle de bain, décidant de se préparer réellement pour son rendez-vous plus tard. Pour le moment, elle avait hâte d'être au petit déjeuner car son ventre n'arrêtait pas de gargouiller.

Elle ne sut pas pourquoi, mais c'est en posant le pied sur une marche pour descendre dans la salle commune qu'elle se souvint d'un rêve qu'elle avait fait dans la nuit. Elle revit quelques images fugaces et ralentit le pas en essayant de les imprimer dans sa mémoire.

Une pièce à la lumière blanche, des éclats de voix et une étrange sensation, comme lorsqu'on sort dans le froid et que notre souffle se bloque un instant dans notre poitrine.

Elle descendit une marche supplémentaire.

Un paysage familier fait d'arbres, d'herbe et du bruit d'oiseaux gazouillant, des feuilles qui craquent, desséchées, sous un pas pressé.

Étrangement, une odeur un peu acre envahit Rose et elle fronça le nez.

La sensation de l'eau dans laquelle un corps s'immerge, des muscles qui s'activent pour résister à l'appel du fond noir et glacé puis une poussée, et la terre qui se tasse sous des pas mouillés.

Si seulement elle pouvait se retourner…

La surface de l'eau, comme une flaque d'abord, puis de puis en plus grande et un reflet qui y apparait petit à petit, seulement troublé par les remous de l'eau…

- Rose !

La vision disparut, le souvenir glissant à travers les doigts de Rose qui se força à ouvrir peu à peu les paupières qu'elle avait fermées sans le contrôler.

- Tu rêves encore, Rose, taquina une voix amicale.

Elle sourit à Mandy et dévala les dernières marches en revenant à la réalité, laissant derrière elle les brumes de ces étranges songes qui la poursuivaient depuis des semaines.

Peu importe, ce ne sont que des rêves.

En vérité, Rose était plus frustrée qu'elle ne voulait l'admettre d'être incapable de s'en souvenir et d'y donner un sens. Son attention se concentra sur Mandy qui l'attendait.

- Avoue…

Rose sourit en anticipation.

- Tu pensais au prince charmant !

- Exactement, soupira-t-elle en passant son bras sous celui de son amie pour enfin se diriger vers la Grande Salle.

Le petit déjeuner fut tout ce qui égaya leur matinée car ils se plongèrent dans leurs manuels scolaires dès leur retour dans la Salle Commune.

- Je comprends rien à ce paragraphe, murmura Terry en posant son front contre sa main, le coude sur la table.

Sept têtes se redressèrent alors qu'il pointait une page du manuel de métamorphoses. Padma se pencha par-dessus son épaule alors que les autres cherchaient dans leurs propres livres.

- Ah oui, moi non plus j'ai pas trouvé ça clair, confirma Lisa. J'avais décidé de laisser tomber pour le moment.

Anthony remonta ses lunettes sur son nez et relut le passage puis tiqua.

- Est-ce que ça veut dire qu'il faut tourner la baguette ? Ou seulement faire un cercle ?

Au sourire de Terry, Rose haussa un sourcil.

- Ça me rassure que vous soyez aussi perdu que moi, expliqua-t-il, faisant sourire son amie à son tour.

- Moi je comprends qu'on doit faire une forme de cercle avec la pointe de la baguette, estima Derek.

- Flute, protesta Mandy, moi c'était faire tourner la baguette sur elle-même…

Ils échangèrent un regard perplexe.

- Bon ! s'exclama Michael en sautant sur ses pieds. Il n'y a qu'un moyen de le savoir.

Il dirigea sa baguette vers Derek avec vivacité et ouvrit la bouche, bien décidé à tester une méthode ou l'autre.

- Mais ça va pas ?! s'étrangla Terry alors que Derek croisait les bras, peu perturbé par la menace.

- Tu vois, il est d'accord, se réjouit Michael.

Concentré, il entama son incantation… pour pousser un cri outré. Sa baguette venait de lui échapper des mains pour s'envoler derrière lui.

- Pas cool. J'allais enfin résoudre le mystère.

- Désolée, fit Rose en retenant un sourire et en baissant sa baguette. Trouve un autre cobaye.

Au regard que Michael jeta dans la salle, Padma s'écria :

- Non mais t'es fou ! Hors de question !

De petits rires échappèrent au groupe.

- Et si on demandait aux septièmes ? proposa finalement Anthony, bien plus raisonnable que son ami.

Terry eut un geste d'évidence vers le préfet, soulagé d'avoir une alternative.

- Ils sont où ?

- Aucune idée, admit Anthony après un regard dans la pièce circulaire.

- Ils ont pas parlé de la bibliothèque ?

- Peut-être…

- Oh j'ai la flemme d'aller les chercher, ronchonna Mandy.

- On peut attendre midi, suggéra Lisa. C'est pas urgent ?

- Pas du tout, confirma Terry. Je vais faire autre chose en attendant.

- Comme ce pa-ssio-nnant commentaire pour Rogue, soupira Derek, imité des autres.

Un petit pouffement satisfait les fit tous grogner.

- Tiens c'est marrant, je ne l'ai pas noté dans ma liste celui-là… Oh mais je suis bête ! C'est celui que vous faites à ma place !

Mandy leur adressa un grand sourire forcé. Lisa leva les yeux au ciel et ils se replongèrent dans leurs parchemins, n'échangeant plus que des mots en lien avec les devoirs qu'ils s'acharnaient à abattre.

- Je sature, déclara Padma peu après midi.

- Pareil, soupira Terry.

- Ça tombe bien.

- Pourquoi, Rose ? s'amusa Michael.

- À ton avis, gronda l'intéressée. J'ai faim.

Les rires qui l'entourèrent la firent finalement sourire.

- C'est ça aussi quand on mange trois miettes au petit déjeuner, lui reprocha Derek en vissant son flacon d'encre.

Rose lui lança un coup de coude joueur tout en protestant, mais son meilleur ami n'en démordait pas, convaincu qu'elle se sous-nourrissait et risquait de s'écrouler à tout moment.

Tous les soupçons de Derek parurent se confirmer alors qu'il fixait d'un œil perplexe l'assiette peu remplie de Rose.

- Mais laisse-la tranquille, intervint Lisa avec amusement. Du point de vue d'une personne qui mange des quantités raisonnables, Rose est loin de mourir de faim.

Peu convaincu, Derek remplit de nouveau sa propre assiette, vidée en un temps record. Il ne se radoucit que lorsque la main de Rose se posa sur sa cuisse et la pressa trois fois, ce qui lui donna le signal pour l'écouter sans qu'elle ne parle.

- Ne t'inquiète pas. Je suis juste un peu nerveuse de retrouver William après manger.

Il tourna ses yeux noirs vers elle.

- Et contente quand même ?

- Très contente et impatiente.

Son grand sourire permit à Derek de se détendre sous le regard amusé de Terry qui était le seul à comprendre l'origine de leurs échanges silencieux.

Les septièmes s'installèrent bientôt avec eux pour être aussitôt sollicités.

- Vous voilà enfin !

- On désespérait de vous voir !

Idriss se tourna vers ses amis et désigna les sixièmes du pouce.

- Je vous l'avais dit qu'on allait leur manquer.

- Comme quoi, parfois tu as raison, admit Marc.

Idriss se pencha vers lui et rétorqua d'un ton menaçant :

- Sois gentil sinon je te demande devant tout le monde où tu as passé ta matinée.

Marc n'eut pas le temps de répliquer que Mandy était déjà sur l'affaire.

- Ah on va enfin savoir son nom !

Tout en esquivant comme il le pouvait les questions qui pleuvaient, Marc lança un regard suppliant à Rose qui retint un soupir mais lui fit un signe de tête très discret. Elle savait déjà comment détourner l'attention de sa curieuse amie et elle avait attendu un maximum, au cas où…

- Hé Will, lança Rose avec le sourire le plus énamouré qu'elle put esquisser. Tu n'as pas oublié notre balade hein ?

Son intervention eut l'effet escompté et Mandy – ainsi que le reste de leur tablée – abandonna son interrogatoire pour écouter la réponse de William, qui ne tarda pas malgré son évidente surprise.

- Bien sûr que non. Comment je pourrais oublier ?

Rose se mordit à la lèvre, cherchant quelque chose pour continuer à capter l'attention de Mandy.

- Tu feras attention, elle n'a presque pas mangé, intervint Derek avec calme. Je ne voudrais pas qu'elle fasse une hypoglycémie.

Rose haussa un sourcil amusé et William eut un petit rire à la répartie de Terry :

- Au pire vous faites votre rendez-vous dans les cuisines.

- Ah, quel meilleur endroit pour séduire Rose Wayne, en effet ?

- Une après-midi dans la réserve de Honeydukes, ça doit marcher aussi, estima Nassim.

Rose agita un doigt appréciateur vers lui.

- Ouh ça me plait ça. La prochaine fois je sors avec Nassim.

Parmi les rires qui secouèrent les Serdaigles, celui de Rose se coupa bien vite lorsqu'elle reçut un coup de pied dans le tibia. Elle grimaça avant de regarder Mandy qui avait définitivement oublié la vie sentimentale de Marc et faisait les gros yeux à Rose. Satisfaite, l'Animagus adressa un clin d'œil à Mandy et lui rendit son sourire lorsque son son amie se détendit enfin.

- Désolée, marmonna la blonde à Rose alors qu'elles rejoignaient leur dortoir.

- C'était mérité, pouffa Rose. Je l'ai fait exprès.

- Bon Rose, commença Lisa. Tu es sûre que tu as assez mangé ?!

Elles éclatèrent de rire pendant que Rose commençait à se changer. Une fois ses épais bas enfilés, elle jeta un œil dubitatif à la robe en maille accrochée à la porte de son armoire.

- J'ai peur d'avoir froid.

- Tu rigoles ! Elle est ultra épaisse ta robe.

- Froid aux fesses.

Une fois leur gloussement calmé, Lisa reprit :

- Elle arrive à quoi, mi-cuisses ?

- Un peu plus.

- Franchement, tu t'en fais pour rien. La jupe de l'uniforme est à peine plus longue et elle n'est pas aussi épaisse.

- Et puis si tu as froid… commença Padma.

- Tu pourras toujours te blottir dans les grands bras musclés de Will ! termina Mandy, provoquant de nouveaux pouffements dans la chambre.

Convaincue, Rose l'enfila par-dessus un tee-shirt très moulant qui achèverait de lui tenir chaud. Elle eut une dernière hésitation devant ses cheveux. William les aimait longs et détachés mais entre la cape, l'écharpe et le vent éventuel, elle se décida pour une tresse assez lâche sur le côté. Ils seraient maintenus et William aurait tout le loisir de pouvoir passer les doigts dedans sans tout défaire. S'il en avait envie.

Rose se força à arrêter de mordiller sa lèvre inférieure et appliqua le baume magique qu'elle ne quittait plus. Il réparait avec une rapidité saisissante ses lèvres qu'elle abimait sans cesse et les laissait toutes douces. Remerciant encore mentalement Amalie pour cette trouvaille, elle prit sa cape et ses gants mais abandonna l'écharpe après un coup d'œil par la fenêtre : il n'y avait pas de vent alors la protection de sa cape suffirait. Une fois ses Doc Martens lacées, elle quitta la chambre en même temps que ses amis.

Dans la Salle Commune, il lui sembla que la totalité des Serdaigles était là, occupés sérieusement devant des manuels scolaires, en petits groupes avec des jeux, en solitaire avec un livre…

Réprimant un grognement, détestant d'avance l'idée que toute sa maison la voie partir au bras de leur capitaine de Quidditch, elle fit une pause près de ses amis et joua nerveusement avec sa cape pliée dans ses bras. Elle discuta un instant puis lança :

- Je sors. Si vous le voyez, dites-lui que je l'attends aux escaliers.

Nassim leva un pouce dans sa direction et Derek lui fit un grand sourire, puis Rose les quitta tout en s'enveloppant dans sa cape d'hiver.

Une silhouette près de la fenêtre du couloir la fit s'arrêter net.

- Ma Rose, dit-il en se tournant vers elle, son sourire charmeur aux lèvres.

- William. Je croyais que tu étais dans ton dortoir.

- J'ai pensé que tu ne voudrais pas traverser toute la Salle Commune avec moi, estima-t-il avec justesse. Pour éviter de te faire agresser par mes groupies déchainées.

- Bien vu, sourit Rose en prenant la main qu'il lui tendait.

Il l'attira près de lui sans avoir à forcer. Son air malicieux fit hausser un sourcil à Rose.

- Je peux t'embrasser même si ce n'est que notre premier rendez-vous ?

Riant doucement, Rose hocha la tête et garda ses yeux rivés dans les prunelles bleues alors qu'il caressait sa joue avant de relever suffisamment son visage pour accéder à sa bouche, qu'elle lui céda sans résistance. Ses lèvres contre les siennes, elle se rapprocha de William jusqu'à sentir son torse contre elle. Il passa sa langue contre sa lèvre inférieure mais recula avant d'aller plus loin et lui fit un clin d'œil qui empêcha Rose de répliquer quoi que ce soit.

- On arrête maintenant, sinon on atteindra jamais le parc, s'amusa-t-il.

- Bonne idée, sourit Rose en retrouvant sa voix.

William lui reprit la main sans vraiment y penser et ils descendirent de la tour.

- Alors Mandy et Padma t'ont harcelée de questions ?

- Pas tellement. J'ai tout de suite calmé le jeu à vrai dire. Si je les empêche de me parler de toi, je n'ai pas besoin de mentir.

- Quel cerveau. J'ai fait presque pareil de mon côté.

- Presque ?

Il grimaça.

- Disons que j'ai aussi largement fait entendre que tu n'étais pas différente des autres.

Il sentit la raideur soudaine de Rose, alors il chercha son regard des yeux.

- Tu sais que ce n'est pas vrai, ma Rose. C'était juste une bonne excuse pour qu'ils n'insistent pas trop.

Il descendit la dernière marche avant elle pour lui faire face, attendant sa réponse.

- Je sais, lâcha Rose du bout des lèvres. C'est juste…

Comme elle laissait sa phrase en suspens, la main de William retrouva sa joue et il murmura :

- Ma Rose, tu es spéciale pour moi.

Il lui sourit avec tendresse.

- Et vraiment si tu n'es pas convaincue… pour qui d'autre j'irais me balader dehors en plein hiver écossais ?!

Le rire de Rose fit briller ses yeux bleus et il l'embrassa rapidement sans s'attarder. Elle descendit la dernière marche et ils reprirent leur route en bavardant.

- Je t'assure, on a pas triché, insistait Rose alors qu'ils atteignaient le hall d'entrée.

- Mais oui, je te crois.

Le ton dubitatif de William fit rire Rose.

- Ça n'a servi à rien de toute façon. On n'a même pas gagné.

- Tu vois que vous trichiez.

- À peine. Un tout petit peu.

William sortit le premier et tendit le bras à Rose qui s'y accrocha avec ravissement. Il avait remarqué qu'elle aimait bien se tenir à lui comme ça et il ne s'en plaignait pas. Ils restèrent muets une poignée de secondes le temps de s'habituer au froid qui les avait saisis.

- Ma petite amie est une tricheuse, se désola William en s'éloignant du château, une Rose abasourdie à son bras.

- Ta petite amie, répéta-t-elle.

Il posa le regard sur elle, pris de doute.

- Trop tôt hein ? J'ai hésité, j'aurais pas dû.

- Non. Enfin, se reprit-elle devant l'expression de William, je veux dire non, ce n'est pas trop tôt.

D'anxieux, le visage de William passa à joyeux et un sourire irrésistible éclaira ses traits.

- Enfin, corrigea-t-il, ma petite amie secrète. Qui, si j'en crois les discussions récentes, est également celle de Seamus Finnigan, un mec banal de Gryffondor.

Rose pouffa et se mordit la lèvre pour calmer son sourire.

- Mais non voyons. On ne s'est vus que deux fois.

- Ah oui c'est vrai. Et votre dernier rencard était parfait et tu as hâte de le revoir.

Il lui décocha un sourire très amusé alors qu'elle rougissait légèrement.

- Tu sais pourquoi c'est son nom qui m'est venu à l'esprit ?

William secoua la tête.

- Parce que tu m'as dit que Seamus me regardait. Ce dont je ne suis toujours pas convaincue, d'ailleurs, ajouta-t-elle après réflexion.

Il resta silencieux une poignée de secondes avant de marmonner :

- Pourquoi, tu as fait des statistiques en l'observant ?

Rose ne put s'empêcher de sourire et elle pressa le bras de William.

- Mais non voyons.

Elle se noya dans ses pensées puis s'immobilisa.

- Par Merlin, si.

- Pardon ? rétorqua immédiatement William en se tournant vers elle.

Elle claqua des doigts, le regard toujours lointain.

- C'est pour ça que personne n'a rien dit quand j'ai lâché le nom de Seamus.

- Rose.

- Parce que ça fait deux semaines que j'arrête pas de regarder vers lui !

- Rose.

Comme elle secouait la tête sans réagir, il prit son menton entre ses doigts et la força à le regarder.

- Ma Rose.

Revenant à la réalité, elle considéra William.

- Pardon, chuchota-t-elle. Je t'assure que je viens juste de m'en rendre compte. Et que je ne l'ai jamais regardé comme je te regarde toi. Le pauvre.

Le sourire qu'avait commencé à esquisser William s'évanouit.

- Ne le plains pas en plus. La plus jolie fille de l'école le mate sans vergogne, il n'est pas à plaindre.

La moue perplexe de Rose fit enfin sourire William.

- Tu m'en veux ?

- Pas du tout. Mais, peut-être, si tu peux arrêter de le mater ?

- Je ne matais pas. Je faisais des observations scientifiques.

Considérant où ils se trouvaient, c'est-à-dire loin du château, Rose se rapprocha de William et posa sa main sur son torse.

- Je peux t'embrasser pour me faire pardonner ?

- Tu dois m'embrasser pour te faire pardonner.

Les yeux de William brillaient d'envie et Rose se mit sur la pointe des pieds pour venir poser sa bouche sur la sienne. Il l'enlaça pour la maintenir contre lui mais la laissa mener leur baiser. Elle glissa ses mains contre sa nuque et une inspiration la plaqua complètement contre lui. À la surprise de William, elle lui mordilla la lèvre avant d'y passer la pointe de sa langue, lui arrachant un soupir un peu rauque. Il lui donna accès à sa bouche et Rose sentit la pression des doigts de William s'accentuer sur ses hanches alors que leurs langues jouaient ensemble.

Il laissa partir Rose avec réticence et embrassa ses lèvres une dernière fois avant de desserrer son étreinte. Elle reposa les talons au sol avec un sourire aussi satisfait que le sien.

Ils reprirent naturellement leur promenade, la main de Rose de nouveau dans le creux du bras de William.

- Ma Rose, je ne t'ai pas redit, mais bien sûr que je serai là pour ton anniversaire.

Elle hocha la tête.

- J'avais compris ton message par cheville interposée.

- Ah tant mieux, sourit-il. Tu veux aller par ici ou là ?

Il désignait deux chemins et Rose pointa vers le lac, précisant qu'elle aimait bien se balader le long de l'étendue d'eau.

- Il n'y a vraiment personne aujourd'hui, nota-t-elle.

- C'est parce que j'ai fait réserver le parc pour nous, affirma William avec sérieux. Afin de n'être dérangés par personne.

- C'était une excellente idée, tu as bien fait.

- J'enverrai la facture au manoir Wayne, à l'adresse de ton père.

Rose perdit son sérieux et son rire s'envola dans le froid de l'hiver.

- Surtout mentionne bien que c'était pour un rencard amoureux avec sa fille, il sera ra-vi.

William eut l'air pensif.

- Tu crois qu'il va réagir comment quand il saura pour nous deux ?

- Je sais pas trop. Il était déjà curieux après t'avoir rencontré à la gare.

- Re-rencontré tu veux dire.

Au froncement de sourcils de Rose, il continua :

- Je l'avais vu à l'infirmerie quand tu venais de…

- Me transformer, acheva Rose pour lui. Derek m'en avait parlé, c'est vrai. Mais vous n'aviez pas vraiment fait connaissance si ?

- Pas vraiment. J'ai juste beaucoup insisté pour avoir l'autorisation de venir te voir, résuma-t-il avec un sourire en coin. Heureusement que Derek est intervenu en ma faveur au final.

Rose lui caressait le bras du bout des doigts et il l'observa faire avant de poursuivre.

- Il est très protecteur, ton paternel.

- Plus que ce que je croyais, confirma Rose. C'est fou comme ma maladie nous a rapprochés.

Elle arrêta de parler, prise dans ses pensées concernant la discussion probablement houleuse qui se profilait pour Noël entre son père et elle. William se resserra contre elle et en levant les yeux vers lui, elle sentit disparaitre la tension qui était née dans son ventre.

- Alors, il t'a posé des questions sur moi ?

- Oui.

Un silence plana.

- Ah mais tu ne vas pas m'en dire plus en fait ? s'amusa-t-il.

Rose marmonna et il se pencha.

- Répète ?

- Il a demandé si tu étais mon petit ami. Deux fois, ajouta-t-elle encore plus bas.

- Quel visionnaire, ton père.

William se redressa fièrement et Rose secoua la tête en souriant malgré elle.

- Et tes parents, tu vas leur parler de nous ? finit-elle par demander avec timidité.

- Vu que ma mère me demande de tes nouvelles régulièrement depuis juin dernier, ça me semble plutôt à propos.

- De mes nouvelles ? Mais elle ne m'a rencontrée qu'une fois…

William lui lança un regard furtif avant de se concentrer sur sa marche.

- Je lui avais déjà parlé de toi avant, admit-il. Et aussi cet été, quand je suis venu pour l'enterrement d'Olivia et fin aout.

Rose faillit trébucher à force de garder les yeux sur William. Il la stabilisa d'un geste vif.

- Attention ma Rose. Regarde où tu mets les pieds, ça peut aider.

- Tu es beaucoup plus intéressant à observer.

- Je n'en doute pas. Remarque, ça me donne une bonne excuse pour te serrer contre moi.

Elle éclata de rire lorsqu'il ajouta :

- N'hésite pas à te prendre le pied dans ce caillou, là.

- J'ai rêvé de toi l'autre nuit, lâcha-t-elle brutalement comme le souvenir lui revenait à l'esprit.

- Un rêve… intéressant ? s'enquit William, et sa mine séductrice ne laissa aucun doute à Rose sur ce qu'il voulait dire.

- Pas cette fois. Je ne me souviens pas exactement, mais c'était complètement improbable, il y avait une histoire de bateau et… quoi ?

- Qu'est-ce que tu as dit ?

- Il y avait un bateau… redit Rose, perdue.

- Non avant, bien avant.

Elle haussa un sourcil, remontant le fil de leur conversation.

Oh par Circée. Quelle nouille.

- « Pas cette fois », répéta William, les yeux pétillants. Donc c'est déjà arrivé.

- Peut-être, marmonna Rose.

Elle regardait le bout de ses chaussures alors qu'ils s'étaient arrêtés de marcher. William lui fit face et, à sa surprise, la prit dans ses bras. Elle se blottit contre lui et entendit sans le voir le sourire de William.

- Ouh, j'ai tellement envie de savoir.

Comme elle ne réagissait pas, il lui releva le menton.

- Déjà parce que je suis curieux.

Rose esquissa un sourire et le laissa parler.

- Et aussi parce que la couleur de tes joues est devenue irrésistible.

Il les embrassa sans cesser de sourire, amusé par l'évidente gêne de Rose. Lorsque les lèvres de William attinrent les siennes, elle se laissa aller contre lui le temps du baiser, recula la première et recommença à marcher. Il ne disait rien alors Rose rassembla son courage.

- Ça m'arrive de temps en temps, dévoila Rose du bout des lèvres.

William craqua alors qu'elle laissait le silence s'étirer.

- C'était quand la dernière fois ?

Elle lui jeta un coup d'œil et réprima un sourire devant sa mine empreinte de curiosité.

- Jeudi soir.

Comme il ne disait plus rien, Rose haussa un sourcil vers lui. Il secoua la tête en souriant.

- J'essaye de limiter mes questions. Je ne veux pas te forcer à tout me dire. Mais bon, si tu veux en parler, je suis évidemment tout ouïe.

- Je ne m'en souviens pas bien, de celui-là. Juste que tu étais là, et que c'était…

- Bien, j'espère, intervint-il, incapable de résister.

- Très bien, sourit Rose. Je me suis réveillée parce que…

Elle s'interrompit et rougit plus que William n'avait jamais vu.

- Dis-moi que c'est parce que tu as poussé un cri de plaisir qui a réveillé toute la chambre. Voire tout l'étage des filles.

- Les mecs, franchement… Non, c'est parce que j'ai… enfin… t'as compris.

- Non, rétorqua aussitôt William, clairement décidé à la faire terminer sa phrase.

Rose soupira et secoua la tête, puis s'inclina devant sa détermination.

- Parce que j'ai eu un orgasme qui m'a réveillée, débita-t-elle enfin.

- Oh ma Rose, fit-il, sa voix basse.

William s'était arrêté et il riva ses yeux dans ceux de Rose. Elle n'arrivait pas à déchiffrer son expression. Est-ce qu'il trouvait ça bizarre ? Elle paniqua légèrement.

Mais pourquoi j'ai dit ça ?!

- Ne te moque pas de moi, prévint Rose avec incertitude.

- Me moquer ? Je te garantis que c'est la dernière chose qui me vient à l'esprit.

- Et la première ?

- Ah ça, ma Rose...

Il regarda autour d'eux, fit face à Rose et prit son visage entre ses mains.

- C'est plutôt quelque chose comme ça…

Il posa sans douceur sa bouche sur la sienne, mordilla aussitôt la lèvre de Rose et insinua sa langue dès qu'elle desserra les mâchoires, capturant la sienne pour venir la suçoter et même la mordiller à son tour. Les muscles de Rose se contractèrent et un gémissement lui échappa. William tirailla ses cheveux pour la forcer à pencher la tête tout en la tenant fermement par la taille. Il embrassa son cou et les doigts de Rose resserrèrent leur prise sur ses épaules quand il lécha furtivement le lobe de son oreille. Il revint sur sa bouche pendant que sa main s'insinuait sous la cape de Rose. Un doigt se glissa d'abord le long du col de sa robe puis dévala son corps et William posa sa paume contre son sein pour s'y arrêter. Il baissa les yeux pour voir Rose retirer ses gants avec hâte, et bientôt elle repoussait son pull et son t-shirt pour étaler ses doigts sur la peau chaude de son ventre. À l'inspiration de William, Rose eut un léger sourire et se justifia.

- C'est pour me tenir chaud, tu comprends.

- Fais donc, ne risque pas l'hypothermie.

Alors elle explora lentement le torse de William tout en réclamant ses lèvres. La main posée sur son sein imprima quelques caresses puis continua sa descente après un évident frisson de Rose. Les yeux fermés, concentrée sur le baiser langoureux qu'ils partageaient, elle sentit néanmoins des doigts effleurer sa cuisse puis sa robe remonter et enfin un index suivre la démarcation de son bas. La main de William remonta encore avec lenteur, comme prudemment, et Rose comprit qu'il lui laissait le temps de l'arrêter.

Ce qui n'était pas du tout ce qu'elle avait en tête, alors elle captura la langue de William entre ses dents. Il s'immobilisa et un grognement monta de sa gorge quand Rose suça sa langue en un mouvement qui lui fit oublier sa prudence. Sa main se retrouva enroulée autour de la hanche de Rose, sur sa culotte, avant qu'il ne puisse s'en empêcher. Ils collèrent leurs bassins sans jamais arrêter de s'embrasser. Le bout des doigts de Rose imprimait des arabesques sur la peau de William, puis elle laissa sa main dériver vers le bas, suivant la ligne de poils sous son nombril pour passer sa ceinture et s'aventurer le long de la braguette de son jean. Le toucher était ténu, elle n'osait pas appuyer fort pourtant les doigts de William se crispèrent, froissant le sous-vêtement délicat, accentuant leur pression sur sa peau. Rose eut un soupir sonore, bientôt imité par William. En réponse, Rose insista sur sa caresse pour enfin sentir vraiment l'érection de William. Elle pressa un peu plus sa paume et fut récompensée par un pouce qui effleura son entrejambe une première fois… puis une seconde…

- William, murmura-t-elle, au supplice.

Il déglutit avant de répondre sur le même ton.

- Tu veux qu'on arrête ?

- Oui. Non.

L'indécision de Rose le fit sourire et il plongea son regard dans celui qui réclamait son attention.

- Non, j'ai pas envie d'arrêter, clarifia-t-elle finalement. Mais on est…

Elle désigna les alentours d'un signe de tête, ce qui parut ramener William à la réalité.

- Dehors, compléta-t-il. Ben j'avais oublié.

- Moi aussi, pouffa Rose.

- Ne fais pas cette tête déçue, exigea-t-il alors qu'il retirait sa main et rebaissait sa robe. C'est ta faute si on ne fait pas d'exhibitionnisme aujourd'hui.

Un nouveau rire lui répondit et Rose s'affaira à rajuster les vêtements de William à son tour. Il l'arrêta alors qu'elle allait remettre son t-shirt dans son jean.

- Je vais le faire ma Rose, souffla-t-il. Si tu continues à me toucher maintenant, il faudra que tu achètes une nouvelle culotte.

Rose se sentit rougir et le laissa faire, se préoccupant de rajuster sa cape en attendant. Ils se raclèrent la gorge en même temps et échangèrent un regard amusé.

Cette fois, lorsqu'ils reprirent leur route, William prit la main de Rose dans la sienne après un sourire charmeur dans sa direction. Rose regarda autour d'eux : ils étaient vraiment seuls dans le parc aujourd'hui. Et il ne faisait pas si froid que ça. En tendant un peu l'oreille, elle fut détrompée : le stade de Quidditch était occupé, d'après les vagues éclats de voix qu'elle put percevoir.

- Qu'est-ce que tu écoutes ?

- Je viens de me rendre compte qu'il y a d'autres personnes dehors. Au stade.

- Oui, ce sont les Poufsouffles, confirma William qui ajouta : j'ai accès au planning des entrainements de toutes les équipes en tant que capitaine. Je t'avais dit que j'étais le capitaine de l'équipe de Serdaigle ?

Rose posa une main sur sa poitrine, choquée.

- Quoi ? Mais je n'en savais rien ! s'exclama-t-elle. Quelle surprise, mon petit ami est capitaine de Quidditch.

Il lui lança un regard en coin et capta son sourire joueur.

- Ça me rassure, au moins je sais que tu n'es pas avec moi pour mon statut.

- Oui, contrairement à toutes les précédentes, marmonna Rose avant de pouvoir s'arrêter.

- Dites donc… numéro cinq, miss Wayne.

Rose s'esclaffa et lui accorda ce point avec grâce avant de reprendre un air pensif en regardant le bord du lac.

- À quoi tu penses ?

- C'est ici que tu as eu ton premier rencard avec Megan Jones, lâcha-t-elle en désignant le banc à côté duquel ils allaient passer.

- C'est possible.

Il s'arrêta et fronça les sourcils.

- Comment tu le sais ?

Rose ouvrit la bouche et la referma.

Par Merlin, j'aurais mieux fait de me taire. Réfléchis Rose, réfléchis !

- Si je te dis que c'est parce que je suis secrètement meilleure amie avec Megan, est-ce que tu me crois ?

- Absolument pas, nia-t-il en esquissant un sourire.

Rose se mordit la lèvre et s'éloigna de William le temps de retrouver le buisson où elle avait passé une partie du rencard en question.

- Je le sais parce que j'étais là-dedans.

Le silence se prolongea, William croisa les bras.

- Comment tu pouvais savoir qu'on avait rendez-vous là ? Tu m'espionnais ?

- Non non non ! protesta-t-elle vivement en l'observant. C'était un accident !

- Je comprends rien, ma Rose, capitula-t-il.

Elle prit une inspiration et lâcha un petit soupir.

- Ce jour-là, Michael et Derek sont partis courir. Je les ai accompagnés pour lire au bord du lac.

William hocha la tête pour montrer qu'il écoutait.

- Ils avaient presque terminé et j'ai voulu les surprendre, alors je me suis transformée et je leur ai sauté dessus quand ils sont arrivés par là.

Ils échangèrent un sourire amusé.

- Je me souviens les avoir croisés en arrivant. Mais tu n'étais pas là.

- Parce que quand on a entendu quelqu'un arriver, le premier réflexe de Derek a été de me cacher dans ce buisson. Michael a vu que c'était toi et j'ai voulu sortir.

- Mais tu es restée planquée parce que…

- Megan est arrivée. Je n'ai pas osé me transformer de peur de rester coincée dans les branches. Et puis qu'est-ce qu'on aurait dit si j'étais sortie du buisson ? « Faites pas attention, c'est juste Rose qui vérifie l'intégrité des végétaux de l'école » ?

William eut un petit rire qu'elle imita.

- Donc tu es restée là-dedans… tout le temps ?

- Non, dit-elle en un souffle. Je suis restée sans bouger et je t'assure que j'ai essayé de vous ignorer mais par Merlin, que c'était compliqué…

Elle eut un petit sourire crispé.

- À un moment donné, j'ai eu une ouverture et j'ai pu sortir sans que vous me voyiez. Je me suis éloignée, transformée et j'ai foncé au château.

Rose joua avec un caillou du bout du pied.

- Est-ce que j'ose te demander quand tu as eu une ouverture pour t'échapper ? murmura William.

- Oui tu oses, parce que tu es curieux, rétorqua-t-elle avec un petit sourire. Quand vous vous êtes embrassés.

Sa voix s'était faite timide et elle refusait toujours de croiser son regard.

- Bref j'étais là, et je regrette de ne pas avoir fermé ma bouche en passant à côté de ce banc.

Elle osa enfin lever les yeux vers William pour le voir soupirer et décroiser les bras.

- Je suis désolé, ma Rose.

- Désolé ? C'est moi qui suis désolée ! s'insurgea-t-elle. J'aurais dû sortir tout de suite de mon buisson, mais j'ai complètement paniqué. Et de te voir avec une autre fille, ça m'a totalement paralysée.

Elle prit la main qu'il venait de lui tendre.

- Maintenant c'est toi et moi, rappela-t-il en se rapprochant d'elle.

Rose opina et lui accorda un sourire plus détendu. Il se pencha pour l'embrasser avec douceur, frôlant d'abord ses lèvres avant d'appuyer plus fort et de glisser sa main dans sa nuque. Rose noua ses doigts contre le cou de William puis laissa trainer ses ongles sur sa peau. Il manifesta son contentement en coulant sa langue dans la bouche de Rose. Elle se colla contre lui, déjà essoufflée, et laissa un petit grondement rouler dans sa gorge quand William effleura ses côtes et sa poitrine. Il pointa sa langue sur ses lèvres avant de s'éloigner de quelques centimètres. Son pouce caressa tendrement sa joue. Rose était hypnotisée par ses yeux bleus et écarquilla un peu plus les siens.

- T'es belle ma Rose.

Ils sourirent pendant un nouveau baiser léger et lièrent leurs mains. William amorça le mouvement pour qu'ils repartent en direction du château.

- On rentre ? J'ai très envie de passer le restant de la journée avec toi, commença William. Au chaud.

- Moi aussi. Mais les autres…

Il soupira.

- Vont se demander pourquoi on est si longs. On peut retourner dans la Salle Commune se réchauffer devant la cheminée ?

- Seulement si tu restes près de moi, quémanda Rose.

Peu habitué à ses demandes, William se tourna vers elle de surprise pour répondre la seconde suivante.

- Bien sûr. Il faudra juste te retenir de te jeter sur moi en public. Si tu y arrives.

- Je ferai de mon mieux, promit Rose avec un sourire en coin. Ça ne va pas être facile.

- Je sais bien, soupira William en lâchant sa main pour lui tenir la porte ouverte.

Rose s'esclaffa en entrant derrière lui et ils remontèrent tranquillement vers la tour Serdaigle. À leur surprise, leurs amis ne se trouvaient pas dans la Salle Commune. William passa derrière Rose et dégrafa sa cape pour la faire glisser sur ses épaules et l'en débarrasser. Elle le remercia d'un sourire et le contempla faire la même chose. William intercepta son regard.

- Rappelle-toi ta promesse, taquina-t-il avec un clin d'œil.

- Déloyal, rétorqua-t-elle d'un ton léger en le contournant pour se planter devant la cheminée.

Après avoir déposé les capes sur le dossier du canapé, William vient se poster près d'elle et étendit les doigts vers le feu à son tour.

- Au fait, il y a un truc que j'ai remarqué. Mais peut-être que j'interprète mal.

- Oui ?

- Comment je m'appelle ?

Ébahie, Rose resta un instant bouche bée.

- Mais, William, qu'est-ce qui…

Il eut son sourire joueur et agita un doigt.

- Bon, laisse-moi vérifier la seconde partie de ma théorie plus tard.

Devant l'air perplexe de Rose, il ajouta :

- Fais-moi confiance ma Rose, ce n'est rien de vraiment important, juré.

Elle haussa un sourcil, tiraillée entre le doute et l'amusement puis lui sourit. Elle jeta un regard rapide autour d'eux : personne ne se préoccupait de ce qu'ils faisaient, alors elle prit appui sur le bras de William pour se hisser à sa hauteur et embrasser sa joue. Il tourna la tête et elle en profita pour poser rapidement ses lèvres sur les siennes. Elle recula pour se remettre à sa place initiale et se mordilla la lèvre pour réprimer un sourire.

- Aucune tenue, aucune décence, râla William.

Elle pouffa et rétorqua :

- Elle est très bien ma tenue.

- Je confirme.

Ils se jetèrent un regard en coin.

- Un peu trop de couches à mon avis mais bon…

Rose rougit malgré elle et elle recommença à malmener sa lèvre inférieure.

- Plus qu'à attendre le cinquième rencard pour me les enlever.

William tourna vivement la tête vers elle et elle sourit pleinement devant sa réaction. Il lui adressa son sourire le plus charmeur puis recula pour s'asseoir dans le canapé.

- Ne me fais pas trahir notre promesse avant, alors, grogna-t-il après l'avoir regardée s'installer près de lui.

Rose se perdit un instant dans son regard brulant, se penchant inconsciemment vers lui.

Les yeux bleus se posèrent sur ses lèvres une seconde, et William délogea encore une fois la lèvre coincée entre les dents de Rose. Elle prit une inspiration soudaine et se leva d'un bond pour contourner vivement le canapé. Elle ramassa machinalement sa cape et William se racla à la gorge au moment où quelques voix leur firent tourner la tête.

- Ah, vous êtes rentrés ! s'exclama Lisa en descendant les escaliers.

- Il y a quelques minutes.

- Entrainement pratique ? devina William en désignant le dortoir masculin d'où Lisa, suivie des autres, était apparue.

Ils s'installèrent sur les sièges près d'eux.

- Vous ne nous en voulez pas ? s'inquiéta Terry.

- Mais… non, pourquoi ?

- C'est bien que vous vous soyez entrainés sans nous, se réjouit William. Ça vous permet d'essayer d'atteindre notre niveau.

Le groupe s'esclaffa, sauf Rose et Mandy qui se livraient une bataille de regards sans merci. Padma suivait leur échange muet, visiblement très amusée.

- Bon, lança soudainement Nassim. C'était bien votre « balade » ?

Au regard que William lui lança, il haussa les épaules.

- Autant en parler tout de suite, comme ça c'est fait.

William consulta Rose du regard et la laissa parler.

- Bien sûr que ça s'est bien passé. Vous savez comme moi que Will est d'excellente compagnie.

- Et que Rose, en plus d'être bon public, a des talents sociaux remarquables. Quand elle veut.

Elle esquissa un demi sourire et déclara monter ranger sa cape. Inévitablement, Mandy, Lisa et Padma la suivirent sous différents prétextes.

- Alors, alors ?! fit Mandy une fois la porte fermée.

- Vraiment bien, soupira Rose en suspendant son vêtement.

- Pas gênant ?

- À aucun moment. Il était comme d'habitude. En plus charmeur.

- Vous vous êtes embrassés ? questionna Padma.

- Oui, à la fin, avant de rentrer au château, minimisa Rose.

Elle leva un sourcil mais refusa d'en dire plus, à part pour leur rappeler que ce n'était pas leur premier baiser et que William n'avait pas changé de technique entre temps.

- Vous allez vous revoir ?

- On n'en a pas parlé. J'espère que oui, ajouta Rose devant l'air déçu de Mandy. Je vous ai dit, on voit déjà avec ce premier rancard. On aura le temps de se reparler plus tard.

- Oui, d'ici trois ou quatre ans… glissa Padma, les faisant rire toutes les quatre.

Elles redescendirent ensemble pour se joindre au jeu lancé par Idriss en attendant l'heure du diner.

William et elle échangèrent quelques regards assez brulants tout le restant la soirée, et lorsqu'un soupir échappa à Rose au milieu d'une nouvelle partie de cartes et que Derek lui lança un coup de coude dans les côtes, elle déclara forfait, donna ses cartes à Michael et monta se coucher, les joues en feu.

Lisa se pencha vers son lit et murmura :

- Rose, tu descends avec nous ?

- Non, allez-y, je viendrai plus tard, souffla-t-elle. J'ai super mal dormi, je vais essayer de me reposer avant le cours de ce matin.

Son amie hocha la tête et fila rejoindre les autres pour le petit déjeuner. Derek attendait déjà au pied des marches, les bras croisés sur sa large poitrine.

- Elle est où ?

- Elle se repose, lui apprit Lisa. Elle nous demande de ne pas l'attendre, elle essaie de se rendormir.

Le grand blond fronça les sourcils et tenta de capter sa meilleure amie.

- Mon chat.

- Derek. J'ai mal dormi, répéta-t-elle. Je viens plus tard.

- Je remonte après le petit-déjeuner.

- D'accord.

Il lança un nouveau regard vers les dortoirs des filles, fit volte-face et rejoignit le groupe de sixièmes dans la Grande Salle. Derek mangea rapidement, toujours en quantités incroyables, clairement préoccupé par l'absence de Rose.

- Elle a tourné toute la nuit, dit Lisa, tout aussi soucieuse que lui. Elle s'est transformée plusieurs fois mais ça n'a pas eu l'air de l'aider.

- Pourtant hier après le cours de yoga elle avait l'air super détendue, intervint Padma.

- Peut-être qu'elle a fait des cauchemars ? avança Terry. Ça lui arrive de temps en temps, et ils sont assez intenses d'après ce que j'ai compris.

Derek opina pour confirmer, repoussa ses couverts, et, se saisissant de quelques toasts, il se releva.

- Allez à la bibliothèque et en cours comme prévu, je remonte la voir. Je verrai si elle descend. On se retrouve en DCFM après la récréation.

Il remonta vers la tour en enjambant les marches quatre à quatre et arriva au pied des escaliers des filles sans être essoufflé. Il patienta quelques minutes après avoir délicatement signalé sa présence à Rose.

Enfin, elle apparut en haut. Toujours en pyjama, elle venait de remonter ses cheveux pour les nouer au sommet de sa tête. Derek remarqua immédiatement ses yeux rougis, son air un peu perdu et sa main appuyée contre sa poitrine, mais il la laissa le rejoindre sans rien dire. Il l'entraina devant une cheminée, content que la Salle Commune soit quasiment vide à cette heure, et s'installa avec elle sur un canapé libre. Rose se blottit contre lui et soupira, un peu tremblante.

- Je suis désolée. J'ai fait des cauchemars toute la nuit, et en me réveillant ce matin…

Un petit reniflement l'interrompit.

- Je me suis rappelée qu'Olivia était…

Elle ne termina pas, déglutit et essuya de sa manche les nouvelles larmes perlant à ses paupières. Derek l'avait entourée de ses bras et elle se laissa aller contre lui.

- Parfois, j'ai l'impression que j'oublie… et certains jours, ça me revient en pleine face, et cette nuit, j'ai rêvé d'elle sans arrêt. Même en me transformant, ça n'a rien arrangé…

Il la laissa reprendre son souffle, le visage pétri d'inquiétude. Il était inhabituel que la version « animale » de Rose ne parvienne pas à l'apaiser. Rose tourna ses yeux brillants vers lui.

- J'arrête pas de repenser à tous les moments où j'ai ri, plaisanté, été joyeuse, alors qu'Olivia n'est plus là, et je… je sais pas…

- Tu culpabilises ? demanda-t-il avec douceur.

Elle hocha la tête, frotta encore machinalement sa cage thoracique où les deux battements de cœur se répondaient.

- Je suis consciente que c'est débile, mais c'est plus fort que moi. Je me sens coupable d'être heureuse et de m'amuser.

- C'est pas débile mon chat, corrigea-t-il. Je pense même que c'est normal. Tu apprends à vivre sans elle, petit à petit.

- Mais pourquoi je l'oublie alors ? Pourquoi j'oublie qu'elle est morte ?

Sa voix s'était faite plus aigüe et les commissures de ses lèvres se tournaient vers le bas. Derek lui embrassa la tempe, désemparé devant son chagrin.

- Tu n'oublies pas mon chat, tu fais ton deuil.

Ils échangèrent encore quelques phrases, et il la laissa se pelotonner contre lui pour laisser échapper encore des larmes. Elle s'apaisa peu à peu, rassurée par son calme et sa tendresse, ses émotions encore tourbillonnantes se calmèrent pour lui permettre de respirer plus tranquillement.

Il l'incita doucement à se redresser, puis à aller s'habiller après qu'elle eut mangé quelques tartines qu'il força presque dans sa bouche alors qu'elle tentait de reculer.

- Mange.

Son ton implacable arracha un petit sourire à Rose qui se laissa faire.

Ils se dirigèrent vers la salle de cours ensemble. Si les yeux de Rose étaient encore un peu rouges, elle s'était redressée et personne n'aurait vraiment pu voir, sans la connaitre un minimum, que quelque chose n'allait pas.

Sa détermination, réveillée par celle de Derek, ne l'empêcha malgré tout pas d'être distraite pendant le cours et elle écouta à peine, la voix peu engageante de Rogue la plongeant à nouveau dans son monde intérieur, où elle pouvait revoir Olivia.

Au déjeuner, les septièmes les rejoignirent et William s'assit naturellement près d'elle, avant que Lisa ne puisse le faire. Coincée entre les deux garçons les plus costauds de leur groupe, Rose se sentit à la fois toute petite et parfaitement protégée – de quoi, elle n'en avait aucune idée. Évidemment, le brun remarqua immédiatement l'air parfaitement absent de sa petite amie.

- Ma Rose ? murmura-t-il près d'elle.

Elle tourna le visage vers lui et se mordilla la lèvre pour retenir de nouvelles larmes qui menaçaient de retomber depuis le cours de DCFM.

- Je suis désolée, réitéra-t-elle, la voix un peu rauque de se retenir de pleurer. C'est juste…

Elle fit une pause pour constater que tous ses amis la regardaient. Elle se racla la gorge et parvint à s'expliquer.

- Olivia. Il y a des jours avec et des jours sans, résuma-t-elle. Aujourd'hui, c'est plutôt un jour sans…

Elle se força à esquisser un petit sourire, ce qui ne fit qu'accentuer son expression de tristesse. Derek lui avait pris la main sur la table et lui pressait les doigts.

- Ça va passer, je vous assure, ajouta-t-elle. Désolée si je suis un peu ailleurs.

- Tu n'as pas à t'excuser, glissa délicatement Marc. On est là, si tu veux en parler.

Son propos fut appuyé par plusieurs têtes qui opinaient.

- Et on te laisse tranquille si c'est ce que tu préfères, termina Lisa.

Rose hocha la tête à son tour et les remercia, avant de se préoccuper de la fourchette qu'une main tendait vers elle.

- Mange.

- Oui mon cœur, répondit Rose à Derek qui n'était pas disposé à la laisser sauter des repas.

Elle dégagea sa main droite de la sienne et s'exécuta sous son regard bienveillant. Des doigts s'insinuèrent contre sa cuisse gauche aussitôt l'attention du groupe d'amis ailleurs que sur elle. Ils imprimèrent quelques caresses par-dessus sa jupe que Rose interpréta comme une manifestation de soutien et de tendresse. Dès qu'elle put le faire avec discrétion, elle imita William pour venir passer ses doigts par-dessus les siens, tentant de lui communiquer sa gratitude et son affection à son tour. Elle évita sciemment de croiser son regard, craignant de laisser son chagrin déborder, ne voulant pas encore être le centre de l'attention collective. Ils finirent le repas les doigts entrelacés, posés sur la jambe de Rose. Ce simple geste l'apaisa tellement qu'elle ne vit pas l'heure passer, et bientôt ils durent se séparer pour retourner en cours. Avant de suivre les sixièmes à la Bibliothèque avant le cours de Sortilèges, elle adressa un regard à William qu'il interpréta correctement.

- Toujours, ma Rose. Je suis là.

Elle acquiesça d'un signe de tête et lui envoya un petit sourire, encore un peu faible – mais il estima que c'était un très bon début.

- On se revoit avant le diner, dans la Salle Commune d'accord ? chuchota-t-il avant de la laisser partir.

- On a un entrainement de Quidditch, rappela Derek qui était resté près d'eux, incapable de s'éloigner de sa meilleure amie.

La mine de William fit faire un petit geste à Rose et elle parla avant qu'il ne le fasse.

- Alors je te verrai au diner.

Le petit sourire coupable qu'il esquissa lui confirma qu'il avait eu dans l'idée d'annuler la séance pour rester avec elle. Il lui pressa rapidement la main et après un dernier regard, ils se séparèrent à la sortie de la Grande Salle.

Rose n'avança pas ses devoirs à la Bibliothèque, trop perdue dans les méandres de ses souvenirs, mais accorda un peu plus d'attention au cours de Flitwick, sans toutefois parvenir à exécuter le sortilège qu'il demandait. Le professeur ne fit pas de remarque pendant le cours, mais demanda à parler à Rose alors que la cloche sonnait la fin des deux heures de la séance.

- Miss Wayne ?

- Je suis désolée Professeur, commença-t-elle rapidement. Je passe seulement une journée difficile. Mais je vous promets de travailler le sortilège pour vendredi et de rattraper mon retard.

Il lui sourit avec indulgence.

- C'est tout ce que je voulais entendre. Ma porte est toujours ouverte pour vous apporter mon soutien, rappela-t-il.

Rose lui adressa un sourire, attendrie par la gentillesse de son Directeur de Maison, et prit congé de lui après lui avoir souhaité une bonne journée.

Un peu dans le brouillard qu'elle n'arrivait toujours pas à chasser, malgré sa volonté et les efforts de ses amis et de son professeur, Rose retrouva Derek qui l'attendait dans le couloir. Les sixièmes passèrent plus d'une heure à la Bibliothèque puis se séparèrent, les joueurs devant bientôt rejoindre leur équipe sur le terrain de Quidditch. Les autres remontèrent dans leurs dortoirs avant le diner.

Rose traina un peu dans la chambre, désireuse de faire quelque chose pour s'occuper l'esprit. Elle rangea un peu son coin comme souvent en désordre, et referma l'album photo qui la suivait partout et qu'elle avait consulté ce matin, une fois seule. Il contenait beaucoup de photos d'elle et Olivia, et elle avait ressenti le besoin de les regarder, comme pour l'aider à se souvenir de sa gouvernante quand elle était encore en bonne santé et pleine de vie.

Elle ordonna ses vêtements et commença même machinalement à préparer sa valise pour leur départ de samedi matin. Elle empila quelques livres, mais laissa celui offert par William et l'album photo sur sa table de chevet – elle les glisserait dans son sac à dos à la dernière minute.

Ses amies, qui l'avaient suivie et imitée, la laissèrent globalement tranquille, sans toutefois s'empêcher de discuter entre elles, ce dont Rose leur était reconnaissante, n'ayant pas envie qu'un lourd silence plane sur la pièce.

Pendant le diner, une fois les douze Serdaigles réunis, Rose fut globalement plus présente, même si elle manqua une grande partie des conversations, son esprit l'éloignant du présent pour se perdre dans les méandres de sa mémoire. Malgré tous ses efforts pour visualiser autre chose, chaque fois que son attention faiblissait, l'image d'Olivia, affaiblie, mourante, s'imposait sous ses yeux. Elle ne cessait de secouer la tête, tentant de chasser ces souvenirs pour les remplacer par de meilleurs, ceux où sa Nanny était pleine de vie, ceux dont elle voulait se souvenir pour toujours. Dans la Salle Commune, après un énième geste agacé de sa part, Lisa se pencha vers elle, préoccupée. Rose soupira.

- Je n'arrive pas à visualiser Olivia autrement que le jour où elle est partie, résuma-t-elle d'une voix étranglée. Pourtant j'essaie de conjurer de meilleurs souvenirs… rien à faire.

Elle termina sa phrase dans un souffle qui incita Derek à poser sa main sur elle.

- Tu as des photos d'elle ? demanda subitement Marc.

Rose opina lentement.

- Dans la chambre, j'ai un album photo.

- Tu serais d'accord pour nous les montrer ? tenta William, comprenant où son ami voulait en venir.

Elle hésita quelques secondes avant d'accepter.

- Je vais le chercher.

Elle redescendit avec l'album dans les mains, reprit place et l'ouvrit avec précaution.

Peut-être que c'est une bonne idée finalement.

La première photo fit s'exclamer Padma.

- Oh tu es trop mignonne dessus !

Rose lâcha un bruit non identifiable qui fit sourire ses amis, puis pointa vers Olivia, qui tenait un bébé de quelques mois dans les bras.

- Elle est arrivée chez nous très tôt. Elle n'était pas là à ma naissance, mais honnêtement c'était tout comme…

Ses traits se détendirent un peu à la vue de la gouvernante d'à peine vingt ans, très souriante, un bébé aux yeux verts gigotant dans ses bras.

- Attends, attends, marmonna une voix vers sa gauche.

Une main se tendit et attrapa l'album pour le retirer à Rose, qui n'eut pas le temps de protester. William parcourut rapidement les pages, visiblement en quête de quelque chose de particulier.

- Tu cherches une photo précise ? s'enquit Terry, coupé dans son élan alors qu'il s'apprêtait à poser une question à Rose.

- Des photos de Rose toute nue, dévoila William avec sérieux.

Au milieu des ricanements, Padma intervint :

- Genre, Rose bébé dans son bain ? Mes parents en ont des dizaines comme ça de ma sœur et moi.

- Ah moi pareil, confirma Michael. J'ai jamais compris l'intérêt.

- Oui tout à fait, c'est ça que je cherche, des photos de bébé Rose. C'est tout ce qui m'intéresse, rien d'autre.

Rose ne tenta pas de réprimer le premier sourire entier et sincère qu'elle avait depuis le matin.

- Tu n'en trouveras pas, prévint-elle.

- Oh je vois, glissa Idriss. Tu les as toutes données.

Sous les rires, il continua sur sa lancée en s'adressant à William.

- Fais gaffe quand même. Tu risques de tomber sur une photo de Zabini à poil.

William ignora les rires pour jauger la réaction de Rose, qui balbutia :

- Euh, non, aucun risque.

- Tu les as détruites ? chuchota Nassim avec un air conspirateur alors que Rose avait levé un sourcil.

Malgré tout, elle ne répondit pas à sa provocation et laissa Marc prendre la parole.

- Remarque, ce serait plutôt le genre de Will d'avoir une collection de photos de toutes les fi…

- Ce que tu vas faire, c'est que tu ne vas pas terminer cette phrase, menaça William en pointant vers son ami, qui arbora le sourire le plus innocent possible.

Le silence qui s'ensuivit fut brisé par Michael qui se tourna vers Nassim.

- Non mais vous imaginez l'épaisseur de l'album ?! Vous l'auriez forcément remarqué dans votre dortoir !

Un grognement agacé fut noyé sous l'hilarité générale. William se radoucit toutefois en entendant le petit rire de Rose et décida d'ignorer les quolibets de ses amis. Il tapota une photo pour attirer son attention.

- C'est qui, là ? Je te reconnais à cause des cheveux, mais le garçon…

- Ben c'est moi, répondit Derek à sa place.

- Mais quoi ?! s'écria Lisa. Tu es tout petit !

- J'avais six ans, ronchonna le blond.

- Tu fais la même taille que Rose ! contra Anthony.

Les deux complices échangèrent un sourire.

- Que voulez-vous, il a grandi pour nous deux après.

- C'est quand cette photo ?

- Le jour de notre rencontre, chez moi, révéla Rose, attendrie par le souvenir. C'est Olivia qui l'a prise sans nous le dire.

- Vous avez tout sali la baie vitrée, s'amusa Padma en montrant les traces de mains.

- On venait de gouter, expliqua Derek.

- Ah, voilà ce qui a scellé leur amitié : la bouffe.

Rose envoya un sourire vers Idriss pendant que tout le monde s'esclaffait. À la demande de Mandy, ils racontèrent qu'ils s'étaient rencontrés ce jour-là grâce à leurs pères qui espéraient voir une amitié se former entre les deux petits sorciers. Rose précisa que c'était cette même année qu'elle avait été retirée de l'école primaire moldue.

- Je pense qu'Olivia, et mon père probablement, craignaient que je sois trop isolée puisque je ne voyais plus d'enfants de mon âge.

Elle esquissa un nouveau sourire nostalgique en regardant la photo et pressa les doigts de Derek posés sur sa cuisse. William tourna quelques pages supplémentaires et désigna un nouveau cliché. Rose rassembla ses souvenirs.

- Ça, c'est en France.

- Oui, on s'en doutait, répliqua Anthony en pointant la tour Eiffel en arrière-plan.

Rose hocha la tête et se laissa peu à peu glisser à terre, s'installant entre les jambes de Derek, les coudes sur la table basse pour être plus proche des photos. Elle ne vit pas l'échange de regards satisfaits entre son meilleur ami et William.

- On y est allés pour des vacances, au printemps. Mon père avait des affaires là-bas, alors il nous a emmenés avec lui. Pendant qu'il travaillait, on visitait Paris avec Olivia.

Elle fronça les sourcils.

- Après on est allés tous les trois dans une autre ville, mais je sais plus laquelle. Dans le sud, je crois…

Elle tourna quelques pages, plongée dans sa mémoire.

- Il n'y en a pas beaucoup avec ton père, risqua prudemment Terry.

- Il n'était pas très présent. Son travail passait avant tout… C'est comme ça, ajouta-t-elle devant les mines attristées de Lisa et Mandy. Il a changé depuis deux ans.

Une petite boule dans sa gorge l'empêcha de continuer, alors elle se racla la gorge.

Par Merlin que je n'ai pas envie de me disputer ave lui pendant les vacances. Ça m'épuise d'avance.

- Oh là là vous êtes trop mignons sur celle-là !

- Mignons ? grogna Derek vers Padma, qui lui fit une mimique moqueuse.

- Regarde-les, si souriants et si bien coiffés, taquina Nassim.

- Très nerveux aussi, s'amusa Marc.

- Vous moquez pas, protesta Rose, on était tous pareils le premier jour à Poudlard.

- Merlin je me souviens comme vous étiez inséparables au début, dit Anthony. Impossible d'avoir l'un sans l'autre.

Derek arborait un sourire attendri et jouait distraitement avec les cheveux de Rose.

- Tu me terrifiais au début, confia soudainement Lisa à Rose.

- Ah bon ?

- Tu étais très fière, super froide, j'osais à peine t'adresser la parole.

Rose eut une grimace contrite.

- Désolée. Je pense que j'essayais de me faire à l'idée d'être loin du Manoir… et de me retrouver entourée d'enfants.

- Quelle épreuve pour Miss Wayne, soupira Idriss, une main tragique posée sur son front. Loin de ses serviteurs, avec d'autres personnes de son âge dans sa chambre…

- Le cauchemar ! s'esclaffa Michael.

Imitant les autres, Rose rit tout en tournant d'autres pages de l'album.

- Ah, ça c'est nous tous !

- Comme on est beaux, se réjouit Mandy.

- Et encore sobres.

Au milieu des rires, Derek s'interrogea :

- Je croyais que tu l'avais mise sur ton armoire celle-là ?

- Je l'ai enlevée pour les vacances.

- Elle fait ça dès qu'on quitte Poudlard, ajouta Lisa.

Rose confirma d'un hochement de tête.

- Tu te trimballes tes photos à chaque dois ? s'étonna Marc.

- Oui… à chaque fois je me dis que c'est stupide, mais je peux pas m'en empêcher. Je pense toujours « au cas où »…

- Au cas où on ne revienne pas ?

Elle opina et dévoila la dernière photo. Ses amis l'observèrent un moment.

- Qu'est-ce qu'ils sont beaux, murmura Padma.

- C'est ta mère ?

Rose émit un petit son approbateur sans rien ajouter, concentrée sur le bonheur évident de ses parents le jour de leur mariage.

- Tu leur ressembles, lâcha Michael sans réfléchir.

Elle tiqua, relevant brièvement sa lèvre supérieure pour dévoiler ses dents, mais ne dit rien.

- Surtout à ton père, commenta Anthony. Vous avez la même… attitude.

- De noble Sang-Pur tu veux dire ? s'amusa enfin Rose, un sourire se formant sur ses lèvres.

- Voilà.

- Est-ce que tu as dû apprendre à te comporter d'une certaine manière, dans des situations formelles par exemple ? demanda Marc avec curiosité.

- Bien sûr. Qu'est-ce que c'était ennuyant ces leçons… souffla-t-elle en gonflant les joues. Olivia disait que c'était le prix à payer pour porter mon nom de famille et qu'il fallait lui faire honneur. Alors elle ne plaisantait pas avec ça.

- Donc tu obéissais bien sagement. Brave.

Rose gronda carrément à la réflexion de William pendant que les autres pouffaient autour d'eux.

- C'est bien la seule personne qui pouvait lui faire faire des trucs sous la contrainte, sourit Derek.

- Même pas avec toi ?

- J'ai jamais essayé, confia-t-il en gratouillant le crâne de Rose. Trop risqué.

Elle secoua la tête, un large sourire au visage. Lorsqu'elle ferma l'album rempli de souvenirs subitement moins douloureux, elle jeta un regard sévère à Idriss qui ne la lâchait plus des yeux.

- Seulement si tu me laisses gagner.

- Même pas en rêve ! s'écria-t-il en sautant sur ses pieds.

Il fila à toute vitesse pour revenir avec plusieurs boites de jeu. Il les présenta à Rose qui choisit le Taboo après réflexion.

- Hé mais pourquoi elle peut choisir elle ?! s'insurgea Mandy. D'habitude tu nous laisses pas le choix !

- Trop peur des représailles, résuma le septième avec un sourire complice à Rose.

- Moi je comprends, compatit William en déballant le jeu. Allez, on fait les équipes !

- On sépare Derek et Rose ! annonça aussitôt Nassim. Je sais pas comment, mais je suis sûr qu'ils trichent !

- Pas de preuve, pas de triche, marmonna Derek sans pour autant contester la décision.

William avait plissé les yeux vers Rose qui avait immédiatement pris un air innocent. Il lui fit signe de le rejoindre et elle se déplaça vers lui en se retenant de rire.

- Terry aussi, grommela le capitaine.

Cette fois Rose gloussa en tendant la main vers leur ami. Ils complétèrent leur équipe avec Nassim, Anthony et Padma.

Lisa adressa un silencieux « merci » à Rose, pour avoir fait en sorte que Nassim ne soit pas dans son équipe et qu'elle puisse tenter de tricher tranquillement. Rose se contenta d'un sourire entendu et se concentra sur son équipe.

- Bon, et pour éviter de se faire engueuler par Nassim, les mains derrière le dos quand on fait deviner un mot.

- Oui mon capitaine, rétorqua aussitôt Rose, amusée par l'autorité naturelle de William qui donnait des instructions.

Il s'interrompit le temps de considérer Rose, puis hocha la tête. Idriss reprit le contrôle et lança les hostilités.

- On fait les cartes bleues et c'est nous qui commençons !

- Et pourquoi ?

- Parce qu'on a la personne la plus jeune avec nous, fit-il du tac au tac en désignant Mandy.

Nassim accepta d'un air très sérieux et alla se placer derrière Michael pour contrôler qu'il ne triche pas. Puis il donna le feu vert, Padma retourna le sablier et ils regardèrent leur ami se démener pour faire deviner son premier mot à son équipe.

- Un hippogriffe ! tenta finalement Lisa.

- C'est pas un animal ! s'énerva Michael, très pris par le jeu.

La rousse croisa les bras et se reconcentra.

Au final, Michael fit trouver trois mots avant de passer la main à l'équipe adverse. À tour de rôle, l'un des Serdaigles s'escrimait à définir un mot pendant que des propositions fusaient. Rose n'osa pas regarder vers William lorsqu'elle eut en main le mot « secret » pourtant c'est lui qui trouva. Lorsqu'elle se rassit, elle se débrouilla pour se mettre sur le tapis, non loin de lui, et posa discrètement sa main sur le pied de William, frustrée de ne pas pouvoir s'installer contre lui et lui toucher le bras. Lui ne put s'empêcher de la frôler en retour dès qu'il le pouvait, l'épaule, le bras, et même la nuque alors que les autres étaient captivés par Marc, bloqué par une carte que personne ne devinait. Un frisson saisit Rose lorsque les ongles de William touchèrent sa peau et elle se mordilla la lèvre pour retenir un soupir. Elle finit par se retourner pour le regarder.

- Merci de m'avoir changé les idées tout à l'heure, avec les photos.

Il lui décocha son plus beau sourire et Rose reconnut dans ses yeux pétillants la tendresse qu'il lui portait. Ne voulant pas céder à la tentation de se blottir dans ses bras devant tout le monde, elle murmura :

- Du coup il te faut une photo de moi nue ?

Les yeux bleus s'écarquillèrent.

- Pour ton album souvenir, précisa Rose, un sourire grandissant aux lèvres.

Un petit rire échappa à William et il reprit vite contenance.

- Si c'est toi qui proposes, je ne vais pas refuser… Je saurai en faire bon usage, promis.

Cette fois Rose n'eut aucune répartie et rougit légèrement.

- Par contre tu vas être déçue, tu seras toute seule dans ce fameux album, ajouta-t-il.

- Tant mieux, grommela Rose, recevant un nouveau rire en retour.

- Dites, vous me le dites si je vous gêne ! protesta Nassim qui attendait qu'ils lui accordent de l'attention.

- Tu nous gênes, rétorquèrent-ils en chœur, abandonnant leurs messes basses.

Lisa pouffa derrière Nassim, puis le poussa à l'épaule alors qu'il ronchonnait de plus belle.

- Allez, je tourne le sablier ! annonça Mandy.

Rose et William conjuguèrent leurs efforts à ceux des autres, un petit sourire niais en prime.

Leur soirée s'acheva par une victoire de l'équipe d'Idriss, et Nassim n'y trouva rien à redire. Rose ne cessait de lancer des coups d'œil complices à Lisa, curieuse de savoir si elle était parvenue à tricher.

Derek la prit dans ses bras pour lui souhaiter une bonne nuit et s'assurer qu'elle se sentait mieux. Rose le remercia une nouvelle fois pour son soutien et confirma qu'elle allait bien, toujours un peu triste mais plus abattue comme pendant la journée.

- Heureusement que tu es là, chuchota-t-elle, serrée contre lui.

Il déposa un baiser sur sa tête et sourit. Rose inspira son odeur familière et rassurante.

- Si tu passes encore une nuit difficile, viens me voir, d'accord ?

Rose opina en s'écartant de lui.

- Promis. Bonne nuit ! lança-t-elle aux autres qui montaient se coucher.

Derek secoua la tête, apparemment amusé.

- Quoi ?

- Il est encore là, dit-il, mystérieux. Je monte.

Rose n'eut pas besoin de réfléchir au sens de ses paroles, car elle venait juste d'entendre le rire de William. Elle resta concentrée sur son meilleur ami.

- Tu n'es pas obligé, contra-t-elle.

- Je sais bien, sourit-il.

Il devança, comme souvent, ses pensées.

- Tu me partages avec Terry et tu le vis très bien non ?

- Absolument.

- C'est pareil pour moi. Bonne nuit mon chat.

- Bonne nuit mon cœur, répondit Rose, un sourire apaisé aux lèvres.

Elle le regarda disparaitre dans le dortoir masculin, puis se pencha pour ramasser le pull que Mandy avait oublié, tombé entre la table basse et un fauteuil.

- Ça y est, elle fait le travail des elfes de maison, déclara une voix derrière elle. Il est temps de rentrer au Manoir !

Rose lui envoya un sourire en se redressant, puis désigna vaguement l'endroit d'où elle l'avait entendu rire.

- Tu cherchais de nouvelles modèles pour tes photos ? s'enquit-elle d'un ton détendu.

- Oui, mais bizarrement dès que je leur dis que ce n'est pas pour moi, elles ont toutes l'air très déçu… Pourtant Idriss est séduisant, non ?

Demande donc à Mandy !

- Il ne vaut pas son capitaine de Quidditch, répliqua Rose en affichant le même sourire joueur que William.

- Quelle réponse parfaite, se réjouit-il tout en s'approchant. Je discutais Quidditch avec Grace et Siobhan. J'ai eu subitement un truc capital à leur dire en attendant que tous nos amis montent se coucher.

Presque malgré elle, Rose avait imité ses mouvements et s'était assise sur le canapé à côté de lui. Sa main sur sa cuisse, il tourna sa paume vers le plafond et Rose vint naturellement y poser ses doigts. Il referma les siens et la regarda qui se décalait pour être plus proche de lui.

- C'est dans les moments comme aujourd'hui que je regrette un peu notre décision, fit-il après quelques secondes à contempler les traits de Rose. Tu avais besoin de tout le soutien possible et je n'ai pas pu être autant là pour toi que je l'aurais voulu.

Touchée, Rose inclina légèrement la tête sur le côté et sourit.

- Tu as été là, contra-t-elle néanmoins. Tu as même compris tout de suite que quelque chose n'allait pas.

Elle vint lui caresser la joue, incapable de résister à son envie de le toucher.

- Ça m'a vraiment aidée, tous les petits gestes, tous les petits mots que tu as eus, termina-t-elle dans un souffle. Merci.

- C'est normal ma Rose, rétorqua-t-il, la voix un peu enrouée.

Son bras enlaça la taille de Rose, collant leurs corps, et il pencha la tête vers son visage.

- J'ai envie de t'embrasser, mais…

- Mais quoi ? murmura-t-elle après un silence.

- Je sais pas si le moment est bien choisi.

- Il est très bien choisi. J'ai envie aussi. Embrasse-moi.

William ne protesta pas plus et Rose se sentit fondre au contact de ses lèvres. Leur baiser fut doux et tendre, exactement ce dont elle avait besoin et envie à ce moment-là. Le petit soupir qui lui échappa lorsqu'ils se séparèrent fit sourire William, visiblement soulagé par sa réaction.

Ils restèrent un moment l'un contre l'autre, à se regarder, échangeant de temps à autre un baiser. Totalement détendue, vaincue par la fatigue, Rose étouffa un bâillement. William sourit à nouveau, l'embrassa furtivement et se redressa.

- Allons nous coucher.

Rose opina et copia ses gestes. Il l'accompagna au bas des marches du dortoir, lui tendit le pull et l'album qu'il avait portés pour elle.

- Bonne nuit ma Rose, chuchota-t-il, lui caressant discrètement le bras.

- Bonne nuit William.

Ils se quittèrent après un long regard, à défaut de s'embrasser au milieu de la Salle Commune.

Rose retrouva ses amies, rendit son pull à Mandy et devança sa question.

- Oui, j'étais avec William. Il a été adorable, il voulait s'assurer que j'allais mieux.

- Normal, venant du prince charmant…

Rose leva les yeux au ciel sans cesser de sourire.

- Merci de m'avoir soutenue, lança-t-elle à ses amies. Ça m'a vraiment aidée à me sortir de mes idées noires.

Elles se couchèrent après quelques paroles rassurantes. Rose ferma ses rideaux et, si elle mit longtemps à s'endormir, cette fois c'était parce qu'elle repensait aux personne qui faisaient partie de sa vie : ses amis formidables, son petit-ami parfait, Derek et la femme qui l'avait vue grandir et l'avait aimée dès le jour de leur rencontre, presque dix-sept ans auparavant.