Je n'avais visiblement pas le choix.

Je lui racontai ce moment incroyable que nous avions passé durant notre cours de danse.

De la sensation que j'avais eue pendant et après cet apprentissage.

Vendant amoureusement le corps parfait de Regina. Je décrivais sa façon d'être, sa manière, ses gestes qui l'avaient rendue si irrésistible, si majestueuse.

Puis je m'écroulai de fatigue dans le salon. Je m'endormis.

Les jours passaient, ma souffrance grandissait.

J'envoyais des centaines de messages à Regina, espérant recevoir des nouvelles.

Elle me manquait terriblement.

Zelena me donnait par moment quelques nouvelles, me disait que rien ne changeait.

Je ne savais pas quoi faire.

J'écoutais les conseils de Ruby. Mais rien n'y faisait.

Un jour que je fus chez ma mère, elle me questionna sur mon humeur.

« Qu'est ce qui te rend de si mauvaise humeur en ce moment ?»

« Je suis triste. Je n'ai pas de réponse de sa part.»

« Pourquoi tu t'es entiché d'une américaine ?»

« Tu plaisantes là, j'espère maman ?»

« Je ne te comprends pas, Emma.»

« Moi non plus, à vrai dire. Je te parle d'une femme dont je suis tombé amoureuse. D'une femme que j'aime et qui souffre.»

« Non. Elle te fait souffrir. Et ça je ne le supporte pas.»

« Elle a perdu son père ! Je ne sais pas comment je réagirai si je te perdais !»

« Ce n'est pas une raison.»

« Peut-être que si. Mais je ne veux pas que tu l'a juge. Je veux que tu me soutiennes. »

« Je pense toujours que ce n'est pas la bonne personne pour toi.»

« Qu'est-ce que tu en sais ? Tu ne l'a connais pas.»

« De ce que tu m'en parles. De comment je te vois changer.»

Ce que me disait ma mère à cet instant me faisait tellement de mal.

J'avais besoin d'être soutenue, écoutée durant cette période. Et ma mère avait un tout autre objectif.

Je ne la reconnaissais pas.

Comment pouvait-elle la juger sans connaître Regina ?

« Mais je rêve ! Maman ! Tu t'entends ?»

Avais-je répondu en me levant. Mon ton commençait à monter. Je vivais un cauchemar. Je n'avais vraiment pas besoin de ça. De me mettre à dos ma propre mère.

« Tu vas te calmer ! Je t'interdis de me parler comme ça. Je suis ta mère, je te le rappel !»

« Et ? Ça ne devrait pas te permettre de rabaisser la personne que j'aime, ou de me faire me sentir mal.»

« Tout de suite les grands mots. J'ai quand même le droit de dire ce que je pense.»

« Mais où est ma mère. J'étais venu ici pour partager un déjeuner avec toi. Pensant que ça me ferait du bien. Et c'est tout le contraire. J'aime Regina. C'est la femme de ma vie. J'espère que tu l'accepteras. Que tu l'appréciera. Alors oui, effectivement, nous sommes bien différentes en plusieurs points. Mais elle me tire vers le haut, et c'est tout ce dont j'ai besoin.»

« Et que comptes-tu faire pour la suite de ta vie ?»

« Ça fait des jours que je me pose la question.»

« Tu vas abandonner tes projets de missions ? Pour cette femme !»

« Je n'abandonne pas. J'ai toujours voulu m'accrocher à un projet, à une idée. Qu'elle soit ici, en Afrique, en Asie, ou à New-York. Peu importe où je suis, du moment où je suis utile, et que je peux faire le bien. Je serais heureuse. Je trouverais ma place.»

« Tu te trompes.»

« Je ne me trompe pas. Et tu sais comment je le sais ? Il y a des êtres qui nous touchent, je ne serais l'expliquer. Peut-être que sans que nous le sachions, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque.»

« Tu es bien trop fleur bleu. Ça te passera avec l'âge.»

« Je ne crois pas. C'est ma vision de l'amour. Ce n'est pas parce que tu as décidé d'y renoncer que je dois suivre ton chemin.»

« Tu dis que je suis une mauvaise mère ?»

« Tu t'es demandé pourquoi j'aimais plus que tout aider les autres ? Et quoi qu'il m'en coûte ?»

« Ça va être de ma faute. Tu vas voir...»

« Je tends toujours la main, parce que je sais ce que ça fait d'être abandonné et mise de côté.»

« Maintenant nous avons le droit à l'enfant abandonné !» Me criait elle.

« Ce n'est pas ce que je dis. Mais Regina à mon amour. Et j'espère que tu le comprendras. Depuis qu'elle est dans ma vie, je me sens bien. Comprise, heureuse, amoureuse ! Je n'avais jamais autant rêvé, de toute ma vie. C'est une femme extraordinaire. Quand je l'ai rencontrée, je n'aurais jamais pensé qu'elle aurait autant d'impact dans ma vie.»

« Je ne veux pas te voir pleurer quand elle te brisera le cœur. Je t'aurais prévenu.»

« Je te connaissais pas ce visage... Je suis désolé que tu sois comme ça. Sache en tout cas, que mes semaines à New-York ont été fabuleuse.»

Sans attendre de réponse, je me levais et quitta son appartement.

Je ne voulais pas entendre une parole désagréable supplémentaire.

Dès que je sortis de l'appartement, j'envoyai un message à mon frère.

« Neal, qu'est-ce qu'elle a maman en ce moment ?»

« Un date qui s'est mal passée.»

Ce n'est pas parce qu'elle foirait sa vie amoureuse, qu'elle devait gâcher la mienne !

J'étais hors de moi !

Je m'étais toujours dit qu'il valait mieux rester célibataire, du moment où je ne tombais pas sur la bonne personne.

C'était dur de suivre ce dicton. Car nous avons tous l'envie de trouver sa moitié, son idéal.

Mais ce n'est rarement si simple.

Au plus profond de moi, je me disais qu'il fallait que je trouve quelqu'un qui apporte de la valeur à ma vie. Pas qui m'en enlève.

J'ai eu beaucoup de mal à apprendre le mot 'non', à savoir le dire à quelqu'un d'autre.

Apprendre à dire stop, quand quelqu'un dépassait mes limites.

Mais grâce à ça, j'ai appris qu'un 'non' pour les autres, était un 'oui' pour soi-même.

Apprendre à se connaître, à se faire du bien, à se respecter.

Les douleurs, ou les idées qu'on perçoit peuvent être des messages. Il faut savoir les écouter et s'écouter.

J'essayais de prendre des nouvelles de Regina, tous les trois jours auprès de sa famille.

Ne voulant embêter quotidiennement Zelena, qui m'envoyait d'elle-même par moment des messages. Je tentais d'écrire à Grinhilda ou Thyllis.

Le dernier message que je reçu de la sœur aînée, était:

« Bonjour,

Regina a pu repartir à New-York dans la journée. Après trois semaines ici, elle a fait le choix de retourner travailler.

Leria doit passer la voir dans les prochains jours. En tant qu'ancienne psy, elle m'a dit de lui laisser le temps de faire son deuil et de ne rien brusquer.

Zelena.»

Regina avait donc repris l'avion. Pourquoi ne m'écrivait-elle pas ?

Je comprenais l'espace et la distance que pouvait créer la mort et le deuil d'une personne.

Mais je ne m'étais pas rendu compte à quel point ça pouvait faire du mal à l'entourage.

Grinhilda était adorable. Ayant repris les cours en Italie, notre décalage horaire était moins important. Nous échangions souvent via les réseaux sociaux.

Mais plus le temps était passé ces dernières semaines, et plus je souffrais de la distance avec Regina.

En essayant de parler à Grinhilda j'avais l'impression d'une certaine manière de continuer de garder un lien avec elle, au travers de sa sœur.

« Comment tu vas aujourd'hui ?» Me demanda-t-elle.

Je n'avais pas baissé les bras sur l'apprentissage de l'anglais, ces trois dernières semaines. Et je continuais de le pratiquer à travers nos messages.

« Effondrer. J'ai appris plutôt dans la journée, grâce à ta sœur, que Regina était retournée chez elle, à New-York.»

« C'est une bonne chose ! Travailler lui permettra de reprendre une activité. Et de ne pas passer ses journées à se morfondre.»

« Sans doute. Je suis horrible. Je ne te demande même pas comment tu vas ? Tu es celle qui a l'air le plus impactée par ce qui vous arrive.»

« J'aime notre père. Mais je n'ai jamais eu le lien qu'avait Regina. Aucune de nous d'ailleurs.»

« J'ai cru comprendre effectivement que le lien était très fort entre eux deux. Compensant le caractère de votre mère.»

« Oui. Plusieurs histoires de famille compliquées. Je n'ai pas toujours tout compris non plus. Mais elle t'en parlera sûrement.»

« Je ne sais pas. Malheureusement ta sœur n'est pas très bavarde concernant son passé.»

« Notre mère n'était pas aimante. Elle n'aurait jamais dû être mère. Elle ne nous choyait pas comme aurait dû le faire une mère. Quand j'étais enfant, cela était difficile d'observer cet amour particulier qu'avaient mes parents. C'est Zelena et Regina qui nous ont élevés. Notre père était aimant, mais il ne s'est jamais dressé contre notre mère. L'amour rend aveugle. Et il était totalement aveuglé par une femme méprisante.»

« Je suis désolé. Vous êtes malgré cela une famille magnifique.»

« Excepté Briana qui marche sur les pas de notre mère. J'ai honte d'elle...»

« Tu sais, chaque famille a ses problèmes malheureusement. »

Je passais les jours suivants à réfléchir.

À remettre en question ma vie, les attentes que j'avais.

Je m'étais toujours projeté à ce moment-là, à une vie de voyage, de coordination de projet, à la rencontre de situations plus incongrues les unes que les autres.

Mais j'avais surtout une façon qui mettait propre de voir ce déroulement.

Et finalement, avec le recul, et la distance qu'il y avait entre Regina et moi. Et de la peine que ça m'a causée. Je prenais conscience que je pouvais avoir tout cela, mais d'une tout autre manière.

Ça me rappelait grandement cette phrase, que j'avais vu une fois sur une affiche dans un marché.

On y voyait un petit chat renversé, la tête à l'envers.

En dessous était écrit « Il suffit de changer de point de vue, pour y trouver le bonheur.»

Finalement, la solution m'apparaissait comme une évidence.

Je me cassais la tête à réfléchir, à décortiquer chaque idée. Mais au fond, je savais. Et j'écoutais souvent mon instinct, mon cœur.

Il ne s'était jamais trompé avec moi.

De toute façon, il me serait impossible de vivre avec le regret d'avoir mis de côté Regina.

C'était donc décidé, j'étais prête à déménager à New-York.

Je trouverais bien quelque chose à faire là-bas, qui me conviendrait.

Mais avant d'envisager un poste, il me fallait pratiquer davantage l'anglais.

Mais c'était une réelle motivation pour moi.

Je m'étais mis dans le coin de ma tête, l'idée de contacter une ancienne étudiante de mon Master. Qui avait pu, à l'époque de ma formation, intervenir durant une journée porte ouverte, pour nous raconter son parcours.

Elle avait fini par travailler dans une ONG internationale qui possède des bureaux à New-York. C'était donc faisable.

Une idée comme une autre après tout.

Je m'inscris dès le lendemain à une formation accélérée d'anglais.

J'occupais mes journées comme je le pouvais. Attendant patiemment des nouvelles de ma chère et tendre.

Je ne savais pas combien de temps lui laisser. Jusqu'à où je pouvais me permettre de la harceler.

J'étais inquiète. Très inquiète.

Heureusement, j'avais Ruby pour m'épauler dans cette épreuve. Comme à chaque fois, elle ne me décevait pas.

Neal passait me voir de temps en temps, ou m'appelait.

Nous avions, malgré son emploi du temps d'étudiant bien chargé, fait quelques sorties tous les deux, ou avec Ruby.

En revanche, je ne prenais que peu de nouvelles de ma mère.

J'étais très triste de son comportement. Et j'attendais des excuses de sa part qui ne venaient pas.

La vie et les expériences me donnaient raison sur un point.

J'avais toujours su que rien ne se gagnait facilement. C'est une leçon que j'avais eue de ma grand-mère étant enfant.

Elle m'avait dit un jour.

« Lorsque tu seras sur le chemin, pour devenir une bonne personne, pour accomplir ton destin. Tu feras évidemment face à des jours difficiles. A des gens qui te barreront la route du bonheur.

Parfois même, pensant t'aider. Alors que ce ne sera pas le cas.

Mais aie toujours en tête, que des jours meilleurs arriveront.

Que les étapes difficiles font partie du processus, indispensable à ton évolution.

Grandir, mûrir. C'est aussi avoir le courage de quitter son ancienne vie, de quitter ce qu'il faut quitter pour tout recommencer.»

Et bien à ce moment, à cet instant. Me revenaient en tête des paroles si sages.

Un soir, alors que nous étions attablés en terrasse avec Ruby profitant des dernières belles soirées avant l'hiver.

Je reçu un appel de Regina. Enfin.

Le temps attendu et si redouté moment, arriva.

Pourquoi redouté, me demanderiez-vous ?

Et bien, malgré mon envie quotidienne depuis des semaines d'avoir de ses nouvelles.

J'avais aussi l'inquiétude des retrouvailles, pour diverses raisons.

Qu'allait-elle me dire ? Voudrait-elle encore de moi ?

Que devrais-je lui dire ? Lui demander ?

Comment la retrouverais-je après ça ?

Ruby avait le sourire aux lèvres. Elle partageait tous ces moments-là avec moi depuis tellement de jours.

Je l'embêtais fréquemment à lui raconter mes idées, mon anxiété... Et cela en boucle.

Mais je décrochai après précipitation.

« Regina ! Où étais tu passée ?»

« Emma. Je suis désolé. Sincèrement désolé de mon comportement. Je... Je comprendrais si tu ne voulais plus me parler. Ne plus rien partager.»

« Ne dis pas n'importe quoi ! Je meurs d'inquiétude depuis des semaines, Regina. J'ai seulement besoin de te parler, de savoir que tu vas bien. J'aimerais être là !»

« Vraiment ? Mais mon comportement de ces derniers temps n'est pas excusable.»

« Le mien non plus. Je n'aurais jamais dû te laisser. Je m'en veux aussi terriblement.»

« Rejoins-moi alors !»

« Vraiment ? À New-York ?»

« Non. J'ai quitté les États-Unis. Je te prends un billet et je te l'envoie.»

« Mais où es-tu ?»

« A Porto-Rico. Tu veux toujours me rejoindre ?»

« Bien sûr ! Peu importe où tu es. La Chine, l'Australie, l'Afghanistan ou le Yémen. Je te rejoindrais là où tu veux.»

« Je t'aime, Emma.»

« Je t'aime Regina.»

Je l'entendis raccrocher.

Mais je ne voulais pas. Je voulais en savoir davantage.

Elle avait quitté le pays, mais pourquoi ? Quand ?

Je déposais mon téléphone sur la table, encore abruti de cette situation. L'amour se portait sur mon visage.

Je levai les yeux pour y voir mon amie, les coudes sur la table, ses mains soutenant son visage. Un regard amusé.

« Quoi ?»

« Tu es si amoureuse. C'est si beau.»

« Je l'aime.»

« Je le sais. Mais si vous vous séparez un jour, sache que je ne croirais plus jamais en l'amour. Ma vie amoureuse et son destin sont sur vos épaules. »

Je passai le reste de la soirée, le sourire accroché aux lèvres, le cœur empli de papillons.

Je me sentais emplie d'un sentiment de bonheur, et de légèreté.

J'avais enfin des nouvelles de Regina, cela suffisait à me combler de bonheur. Comme quoi les petites choses simples, me convenaient parfaitement.

Je ne savais pas quand serait mon départ pour Porto Rico, mais connaissant Regina, ce serait dès le lendemain, ou incessamment sous peu.

Une fois rentrée chez nous, Ruby m'aida à préparer ma valise. Je ne savais pas pour combien de temps je partirai.

Je devais la rejoindre dans un pays que je ne connaissais pas. Je ne savais pas à quoi m'attendre.

Je ne déménageai pas. Légalement, cela serait un chemin compliqué, et je ne pouvais me projeter davantage à cette idée, sans en discuter avec la concernée.

« Tu vas me laisser seule ici alors ? »

« Ruby ! Ne dis pas ça. Tu es mon amie. Je ne t'abandonne pas. Jamais. Tu es et restera toujours ma meilleure amie. »

« Tu promets ? »

« Idiote ! Evidemment ! Je pars un temps, mais je reviendrai. Et comme d'habitude, on se tient au courant. On se téléphone. Et tu sais que l'Amérique n'est qu'à quelques heures seulement de Paris. »

« Règle tes affaires de cœurs d'abord. Nous en discuterons plus tard. Conquiert le cœur de ta belle avec bravoure et fais-moi rêver. »

« C'est mon objectif premier. Vraiment, elle me comble de bonheur. Je suis attiré follement d'elle. »

« Je suis heureuse pour vous deux ! Et n'hésite pas à me la présenter dès que tu seras prête. »

« Promis. »