Le sport, c'était fatiguant. La Crosse, encore plus. Si l'on ajoutait à cela les courbatures que cela occasionnait, on imaginait bien le côté désagréable de la chose. Certains trouvaient le sport agréable, libérateur, se sentaient bien après en avoir fait. Pas Stiles. Luisant de sueur, il puait le fauve même s'il s'était changé. En tout cas, la première chose qu'il ferait en rentrant serait assurément de se laver. Il le fallait. Même son père refuserait de lui faire un câlin s'il sentait autant. Parce que même s'il détestait le fait de se dépenser dans ce sport qu'il trouvait pourtant intéressant, Stiles continuait d'aller à ses séances de torture dans l'espoir de finir par ressembler à quelque chose. Tous les mecs de son équipe étaient taillés comme des dieux. Le vilain petit canard de la bande savait bien qu'ils faisaient de la musculation à côté, mais il ne voulait pas se donner cette peine. Il était contre la torture, encore plus lorsqu'elle venait de soi-même. Lui, ce qu'il désirait, c'était juste avoir un peu de muscles, ne plus être juste une brindille. Il avait cela de bien qu'il mangeait sainement. C'était un bon début, non ?
Mais comme Stiles n'était autre que le petit génie de la meute, c'est peu étonné qu'il répondit à un appel de Scott qui, à peine parti de l'entraînement, se retrouvait avec un souci surnaturel sur les bras. Naturellement, il avait besoin de l'expertise de son meilleur ami qui, s'il était une bonne poire, décida qu'il en avait assez de lui obéir comme un chien. A force de mensonges et de négociations en tous genre, Stiles réussit à obtenir de Scott qu'il ne l'oblige pas à venir sur place. En contrepartie, l'alpha lui envoya des photos sur lesquelles l'hyperactif devait se pencher sans attendre pour lui faire un rapport détaillé dans les plus brefs délais.
C'était déjà ça de gagné.
Il s'y attela alors dès qu'il réussit à allumer son ordinateur pour le moins capricieux, ordinateur qui était d'ailleurs complètement en train de rendre l'âme mais qu'il ne pouvait pas imaginer remplacer pour l'instant, faute d'argent. Tant qu'il réussissait à le démarrer… C'était bien. Après, le reste n'était qu'accessoire. Si travailler sale et couvert de sueur le minait et le dérangeait profondément, il ne s'arrêta toutefois pas avant d'avoir terminé – se connaissant, il ne s'y serait pas remis de sitôt et Scott lui aurait cherché la misère. Ainsi, il mit le point final à ses recherches puis à son rapport trois bonnes heures plus tard. Il envoya le tout à Scott, accompagné d'un emoji représentant tout simplement son humeur actuelle : un doigt d'honneur. Honnêtement, il n'avait pas peur de son meilleur ami, ni des potentielles répercussions de son geste – assez léger si l'on savait de quoi il était capable –. En fait, pour être plus clair, il se fichait royalement des potentielles conséquences de son espèce de provocation. Scott lui avait pourri une partie de son début de soirée, juste pour ne pas avoir à faire les choses lui-même. Un doigt d'honneur était une bien faible compensation par rapport à ce qu'il ressentait à l'heure actuelle. Et puis ça soulageait un peu. Sincèrement, parfois, Stiles avait envie de l'envoyer balader de manière plus directe, mais il peinait à le faire. Parce que dans le fond… Scott n'était pas méchant, juste… Con. Autant dire les choses comme il le fallait.
Lorsqu'il ferma son ordinateur, Stiles poussa un petit cri de victoire. Techniquement, il était enfin tranquille et c'était tout ce qu'il attendait. Son besoin de se détendre et de se laver était réellement urgent et s'il avait réussi à mettre la priorité sur ce qui était important – contrairement à un certain alpha –, maintenant… Il devenait sa propre priorité. Parfois, c'était sympa de penser à soi et rien qu'à soi. Très franchement, il méritait de prendre soin de lui et de faire une chose qui ne lui arrivait que très rarement.
Se faire couler un bain.
Stiles pénétra dans la salle de bain et actionna le robinet. Il mit sa main sous le jet d'eau et grimaça d'inconfort. Evidemment, la vieillesse des canalisations de la maison faisait qu'un torrent glacé s'écoulait durant un moment. Ainsi, il devait donc attendre encore et c'était une chose qu'il avait oubliée. Il passa donc un certain temps à patienter avant de pouvoir enfin régler la température à sa convenance et de soupirer de bien-être : là, il serait bien. Maintenant, il ne manquait plus qu'à le laisser couler. Quoiqu'il ajouta rapidement une tonne de gel douche pour être sûr d'être recouvert de mousse lorsqu'il irait se prélasser dans l'eau chaude. Stiles pouvait abuser un peu, il ne se faisait jamais plaisir et c'était peu de le dire. Il avait toujours eu la fâcheuse habitude de faire passer tout le monde avant lui. C'était louable, mais sans limite, cela devenait dangereux. Plusieurs fois, Stiles avait été à la limite de se perdre, de s'oublier. Heureusement, il se reprenait toujours au bon moment, mais venait un moment où ce n'était plus vivable. Il ressentait réellement le besoin de penser un peu à lui, de se faire plaisir, de prendre soin de lui. Personne n'irait le faire pour lui, pas même son père – adorable mais aveuglé par le travail –, alors autant le faire lui-même. Penser comme cela était un peu difficile, mais Stiles travaillait sur lui, histoire que cela devienne doucement un automatisme, de s'accorder quelques petites faveurs et moments tranquilles. Il risquait sa vie presque tous les jours. A côté, un bain n'était pas cher payé.
Lorsque le niveau de l'eau fut suffisant, Stiles ferma le robinet et se dévêtit lentement. Chaque vêtement finit au sol dans un bruit aussi discret que léger et la peau claire parsemée de grains de beauté apparut au grand jour. L'hyperactif s'étira, histoire de détendre rapidement ses muscles endoloris avant de plonger dans l'eau chaude. Autant maximiser son plaisir à l'avance. Quel mal y avait-il à cela ? Enfin, il fut prêt. Mit une petite musique d'ambiance sur son téléphone, qu'il posa au bord du lavabo. D'agréables frissons le parcoururent. C'était fou comme il lui en fallait peu, mais à quel point ce peu faisait du bien ! Stiles se donnait toujours tellement qu'il oubliait parfois le bonheur que procurait ce genre de petites choses, ces attentions un peu trop rares. Et enfin, oui, enfin, Stiles posa le pied dans l'eau, avant de s'allonger avec langueur dans la baignoire. Un soupir de bien-être légèrement sensuel passa la barrière de ses lèvres. Un bain, bordel ce que c'était bon ! Il ferma les yeux et se laissa aller. Rien de tel qu'une petite entrevue avec lui-même dans l'eau chaude pour le détendre et le faire penser à autre chose. Ce soir, il était son propre prince, sa priorité.
Et franchement, c'était agréable, lui donnait une sensation de liberté qu'il pensait parfois ne pas mériter. Il avait beau se répéter de temps à autres qu'il avait le droit de penser à lui, une petite voix dans sa tête continuait de lui marteler régulièrement que c'était égoïste. Qu'on pouvait avoir besoin de lui. Sauf que Stiles avait réellement besoin de se relâcher. Autrement, viendrait un jour où il s'oublierait définitivement : là, ce serait problématique. Parce qu'il deviendrait inefficace tant il voudrait faire bien. Et au final, l'inutilité finirait par le caractériser. C'était forcément ce qu'on lui reprocherait. Le pire, c'est qu'il l'accepterait. Parce qu'il l'aimait, cette meute. Elle était tout pour lui. Grâce à elle, il avait trouvé un but, une raison de se lever le matin. Autrefois, il était un garçon joyeux et plein de vie, mais celle-ci avait perdu de ses couleurs lorsque sa mère était montée au ciel. Claudia était un soleil et sans elle, il avait un peu… Perdu pied. Il vivait, faisait ce qu'on lui demandait, essayait de s'amuser, de rencontrer des enfants de son âge et c'est là que Scott était arrivé. Déjà, son quotidien s'était égayé, mais rien n'avait plus de sens que la formation de cette meute. En fait, pour réellement vivre et pas seulement exister, Stiles avait besoin de se sentir utile et parfois, de se ressourcer. S'il finissait par trouver un équilibre, eh bien… Sa vie serait sans doute… Belle. Stiles ne cherchait pas le bonheur, tout simplement parce qu'il n'y croyait pas vraiment. Il faisait partie de ces gens à qui il n'arrivait que des broutilles ou des choses… Embêtantes. Bien sûr qu'il lui arrivait du positif de temps à autres, mais il préférait ne pas s'attarder dessus, histoire de ne pas être déçu par la prochaine merde qui lui tomberait dessus. Là, il profitait du bain : mais une fois sorti, il oublierait vite et se remettrait dans un état d'esprit adéquat pour effectuer quelques recherches personnelles, mais qui pourraient toujours aider la meute si besoin.
Mais Stiles n'avait jamais été quelqu'un de foncièrement chanceux et il aurait dû deviner ou au moins s'attendre à ce que quelque chose vienne ruiner son moment de plaisir on ne peut plus pur.
Oui parce qu'il se trouva plongé dans le noir au bout de quelques minutes. La musique continuait de sortir de son téléphone, mais la salle de bain était dans une toute autre ambiance. Non, réellement, prendre un bain dans l'obscurité n'était pas quelque chose de super agréable. Stiles soupira. Evidemment, les plombs avaient sauté et il avait fallu que ça arrive au moment où il prenait enfin un peu de temps pour lui, pour se détendre. Il pesta en se redressant. Il devait y en avoir un, là-haut, qui ne le portait pas dans son cœur, ce n'était pas possible autrement.
- Bordel de merde, jura-t-il.
Les coupures de courants… C'était toujours embêtant. Par chance, ce genre d'évènements était rare à Beacon Hills, mais cela arrivait le plus souvent dans les moments où on s'y attendait le moins. Et bien évidemment, cela arrivait lorsqu'il avait un moment de tranquillité. Stiles soupira et aligna les insultes envers cette puissance supérieure qui les lui brisait. Son langage extrêmement fleuri eut le mérite de lui permettre de se défouler un peu. Maintenant, il allait falloir qu'il se lève, histoire d'aller checker le compteur et, si sa manipulation habituelle ne marchait pas, il irait récupérer une lampe de poche. Oui mais en attendant, son défi principal était de sortir de la baignoire sans tomber. Il faisait nuit et il n'y voyait rien, rien du tout. Son téléphone continuait de diffuser la musique, mais l'écran était en veille et n'éclairait donc pas une seule partie de la pièce. Stiles plissa les yeux, mais il n'arriva pas à discerner quoi que ce soit, pas même la forme des meubles de la salle de bain. Nouveau soupir. Super… Voilà une affaire qui serait tout, sauf rondement menée. Merde, il ne savait même pas où il avait mis sa serviette ! Et dire qu'il n'était toujours pas sorti du bain.
Ce qui était le plus idiot dans cette histoire, ce n'était pas ce bon moment gâché, ni cette coupure d'électricité. Non, le plus stupide, c'était la musique et Stiles n'avait pas lésiné sur le volume. S'il avait été un loup, nul doute qu'il aurait su faire la part des choses, qu'il aurait dissocié One More Time des Daft Punk des pas qui montaient lentement les escaliers. Peut-être qu'il aurait pu réagir et se débrouiller dans le noir avant que la porte ne s'ouvre. Peut-être que, musique éteinte, il aurait perçu l'intrusion à temps.
Mais avec son ouïe humaine et la discrétion de l'intrus, comment aurait-il pu deviner ? Comment aurait-il pu s'attendre à ce qui allait suivre ?
Stiles ne prit conscience de tout cela que lorsque la porte de la salle de bain s'ouvrit brusquement. Dès lors, il n'eut le temps de rien faire, pas même de se rendre compte de ce qui allait lui arriver la seconde d'après. On lui enfonça violemment la tête sous l'eau. Stiles se débattit comme il le put, paniquant comme jamais, sans rien comprendre. Mais il n'était qu'un adolescent, un humain parmi d'autres, aveuglé par l'obscurité, rendu sourd aux bruits extérieurs par la musique. Le temps passa, les murs furent éclaboussés par l'eau meurtrière, la silhouette noire de l'intrus également. Ses lunettes à vision nocturne lui permirent de voir l'horreur qu'il commettait sciemment. Sans être touché, il regarda tout autant qu'il ressentit la résistance du jeune homme nu dans l'eau, mais cela n'allait pas durer. Il maintint sa prise plus fermement, sans faiblir. Les bulles d'air s'amoncelèrent et éclatèrent à la surface de l'eau.
Bientôt, il n'y en eut plus aucune.
