Vendredi 22 décembre 2023

CHAPITRE TREIZE: LIFE IS A HIGHWAY – TOM COCHRANE

Life is a highway
I wanna ride it all night long
If you're goin' my way
Well, I wanna drive it all night long

«Ok, attends-moi là, j'en ai pour cinq minutes.

Castiel hocha la tête et Dean sortit de la voiture, ses clefs en main. Il tapa le digicode et monta les marches quatre à quatre jusqu'au couloir de son appartement. Il était désert. Sans doute que tous ses voisins étaient déjà partis rejoindre leurs familles pour les fêtes de fin d'année. Tout en insérant la clef dans la serrure, Dean se demanda ce à quoi pourrait bien ressembler un Noël avec la famille de Cass. Après tout, il savait d'eux seulement ce que Castiel lui avait confié. Dean entra dans son salon qu'il dépassa sans un regard avant de filer dans sa chambre.

Il sortit un sac de voyage de sous le lit et ouvrit sa penderie avant d'y piocher plusieurs vêtements au hasard qu'il plia approximativement avant de les entasser dans le sac. Il se tourna ensuite une seconde fois vers sa penderie et observa le reste de ses possessions en se demandant ce qu'il pourrait bien porter pour se rendre chez les Novak. Malgré la situation précaire dans laquelle il se trouvait – à savoir, et ce malgré les affirmations rassurantes du père de Castiel, le fait qu'il pourrait se faire jeter dehors sans équivoque par la mère de son compagnon – Dean tenait à faire bonne impression. Au moins voulait-il essayer. Il n'était pas la jeune fille rêvée qu'attendait la famille de Cass, il n'était pas vraiment fortuné comme les Novak lui avaient donné l'impression de l'être et hormis sa tenue de travail, il n'avait qu'un seul ensemble qui pouvait ressembler un tant soit peu à ce qu'avait porté Cass le jour où ils s'étaient rencontrés. Dean soupira, secoua la tête et se saisit de la seule chemise blanche et du pantalon noir le moins délavé qu'il possédait et les mit dans son sac. Il se dirigea ensuite vers sa salle de bains pour récupérer le nécessaire à sa toilette et revint dans la chambre pour tirer une boîte carrée recouverte d'un velours noir de sa table de nuit. Le cadeau qu'il avait trouvé pour Castiel. Il le dissimula au fond de son sac en se faisant la note de mentale de peut-être trouver quelque chose à apporter aux parents de Cass qui le recevaient.

Puis Dean referma le sac, le balança sur son épaule, sortit de la chambre, attrapa au vol son chargeur et sortit de l'appartement qu'il verrouilla avant de descendre à toute vitesse les marches de l'escalier. Quand il rejoignit l'Impala, Castiel n'avait pas bougé, sa tête tournée vers la fenêtre depuis laquelle il semblait observer les voitures qui passaient. Dean déposa son sac dans le coffre et rejoignit son compagnon à l'avant. Cass tourna la tête vers lui quand il ouvrit la portière. Dean lui adressa un sourire tout en s'installant.

– Prêt? demanda-t-il et Cass hocha la tête.

Dean inséra un CD dans le lecteur et démarra le moteur. Alors que les premiers accords de la musique retentissaient, Castiel lança, incertain:

– Zeppelin?

Dean eut un grand sourire.

– Tu commences à connaître tes classiques, Cass.

Dean jeta un œil sur sa droite pour voir que Castiel avait lui aussi esquissé un sourire, comme si son commentaire le touchait.

– Je t'ai jamais demandé laquelle tu avais préféré d'ailleurs?

Castiel ne réfléchit que quelques secondes avant de répondre à la question.

Ramble on, je crois.

Dean ne put retenir l'immense sourire qui naquit sur ses lèvres.

– Sérieux?

Castiel haussa un sourcil et inclina la tête sur le côté comme il en avait l'habitude quand quelque chose lui échappait.

– Oui.

– C'est ma préférée aussi, dit-il finalement et la bouche de Cass s'ouvrit dans un «oh» de surprise avant qu'un rictus ne se dessine sur ses lèvres.

La première chanson s'acheva sur quelques notes de guitare et aussitôt après, alors que le feu passait au vert, les premiers accords de Ramble on retentirent. Dean et Cass tournèrent la tête d'un même mouvement l'un vers l'autre. Et quand la voix de Robert Planck monta dans l'habitacle, Dean commença à fredonner.

Leaves are falling all around
[Les feuilles tombent tout autour]
It's time I was on my way
[Il est temps que je me mette en chemin]
Thanks to you I'm much obliged
[Grâce à toi, je suis fort contraint]
For such a pleasant stay
[A un si plaisant séjour]

À mesure que la chanson avançait, Dean augmentait le volume de sa voix tandis que Castiel dodelinait de la tête en rythme. Et puis vint le refrain.

Ramble on
[Partons à l'aventure]
And now's the time, the time is now
[A présent il est temps, le temps est présent]

Ils échangèrent un autre regard et Cass finit par unir sa voix à la sienne, timidement.

I'm goin' 'round the world, I got to find my girl
[Je pars faire le tour du monde, il faut que je trouve ma nana]
On my way
[Sur mon chemin]

Ça n'était même pas vraiment juste mais ce n'était pas ce qui avait de l'importance. Ce qui avait de l'importance c'est qu'alors qu'ils quittaient la ville pour la longue route qu'ils suivraient les prochains jours, Dean et Castiel chantaient en chœur et comme si c'était devenu une habitude, Cass avait couvert sa main de la sienne sur le levier de vitesse. C'était tout ce qui comptait pour Dean.


Dean avait récupéré la vieille Chevrolet de son père quelques temps après avoir obtenu son permis. Il l'avait récupérée dans un état déplorable après que John l'ait emboutie. Un accident pour lequel il s'était fait rafistoler de quelques points sur le front et retiré son permis. Un peu trop d'alcool dans le sang, un excès de vitesse astronomique et une perte de contrôle de son véhicule qui s'était terminée dans un vieux chêne tant et si bien que les médecins affirmaient que c'était un miracle que John s'en soit sorti à si bon compte. La voiture avait été amenée à la casse après l'accident et Dean n'avait pu la récupérer qu' in extremis. On lui avait affirmé qu'elle n'était pas réparable mais l'adolescent qu'il était avait insisté.

Parce qu'il avait une grande affection pour la voiture qui avait accompagné leur enfance à lui et Sam, rythmée par de nombreux déménagements quand John et Mary n'avaient pas encore l'argent pour acheter la maison dans laquelle Dean avait passé une partie de son adolescence. Il y'avait encore le petit soldat que Sam avait coincé dans le cendrier à bord de la voiture. Pas que Dean ait jamais voulu l'en retirer. C'était de bons souvenirs des longs trajets qu'ils avaient partagés enfants.

Alors après l'accident de son père – et malgré ses protestations – Dean avait entièrement retapé la voiture. Avec l'aide de Bobby – et cela leur avait pris des mois – il avait réussi à faire retrouver sa grandeur d'antan à l'Impala, comme s'il n'y avait jamais eu d'accident.

À partir de ce jour-là, c'était Dean qui les conduisait Sam et lui chez leur père ou leur mère, qui, s'ils vivaient encore dans le même État, s'étaient assez éloignés l'un de l'autre pour que Dean et Sam ne voient leur paternel que pendant les vacances scolaires.

Ces trajets entre Lebanon et Lawrence étaient sans doute les meilleurs souvenirs que Dean gardait de son adolescence. Sans doute parce qu'ils n'incluaient pas de père alcoolique et dégoûté ou de mère indifférente. Juste Sam et lui et la route droit devant. Ils passaient les trajets à chanter en chœur – quand Sam arrêtait de bouder parce que Dean, comme il conduisait, choisissait la musique «et les passagers se la ferment merci bien» – et à discuter de tout et de rien. Parfois, cela lui manquait.

Quand Dean gara l'Impala sur le parking d'un motel perdu au bord d'une route nationale ce soir-là, il songea que son premier jour de voyage avec Castiel ressemblait un peu à ceux qu'il avait partagés avec son frère. Évidemment, l'ambiance était différente, les discussions pas les mêmes et pour une fois, personne ne contestait ses goûts musicaux, mais Dean retrouvait ce qu'il appréciait tant dans ces longs road trips.

Partager un moment privilégié avec quelqu'un qu'il aimait.

Dean éteignit les feux et la radio et se tourna vers Castiel qui s'était assoupi. Il s'accorda un instant pour contempler le visage paisible de son petit ami. Sa tête reposait contre la vitre, aplatissant un peu ses cheveux noirs en bataille. Cass avait, pour une des rares fois depuis la veille, cette expression dénuée de tout trouble et Dean fut tenté de lui accorder un peu plus de repos. Parce qu'il savait que lorsqu'il le réveillerait, ses pensées reviendraient vers le réveillon.

Celles de Dean n'en étaient jamais loin. Jusqu'à présent – et Dean espérait continuer au moins jusqu'à leur arrivée à Amherst – il avait fait en sorte de cacher sa propre anxiété à Cass. Son petit ami n'avait pas besoin de ça et si Dean avait accepté l'invitation des Novak, c'était uniquement parce qu'il savait que Castiel avait besoin de soutien. Il aurait aimé avoir quelqu'un qui l'épaulait quand il avait dû traverser ce que vivait Cass aujourd'hui. Bien sûr, il avait eu Charlie, sans qui il ne serait pas là où il était aujourd'hui. Et Sam, même s'il était encore trop petit pour comprendre qu'il existait des gens comme son père qui pensaient que l'amour aussi devait être rangé dans des cases bien définies. C'était quelqu'un pour lui tenir la main, pour appuyer ses propos quand on poserait des questions, ce soutien-là qu'il aurait voulu avoir. À défaut, il pouvait l'offrir à Castiel.

Cela ne l'empêchait pas d'être nerveux. Il n'avait jamais fait ça. Rencontrer la famille de ses petits amis. C'était une étape qu'il n'était pas certain d'être prêt à franchir et puis Cass avait raison. Les circonstances faisaient que cela arrivait vite. Trop vite? Dean n'était sûr de rien. Parce que tout allait trop vite avec Castiel en même temps qu'il avait l'impression de se consumer à une lenteur exagérée pour lui. Parce que ses désirs et ses réserves s'emmêlaient quand il était question de Castiel.

Il songeait à une histoire pérenne avec Cass et en même temps, cela le terrifiait. Ses sentiments le terrifiaient. Mais il ne pouvait s'empêcher de vouloir essayer. Cass en valait le coût, il en était persuadé. Bien qu'il ait déjà envisagé un millier de choses qui pourraient mal tourner.

Dean secoua la tête. Mieux valait éviter d'y penser. Alors avec un soupir, tout en se recomposant une expression neutre, il posa une main sur l'épaule de Cass.

– Debout, princesse. On est arrivé.

Castiel papillonna des paupières avant de lui adresser une œillade ensommeillée qui se transforma bien vite en roulement d'yeux désabusés. Dean émit un rire étouffé et se pencha vers son petit ami pour déposer ses lèvres sur son front.

– Tu as besoin d'un baiser pour te réveiller?

Castiel ne lui laissa pas le temps de s'enfuir et agrippa l'arrière de sa nuque pour l'embrasser à pleine bouche.

– Ceux-là fonctionnent mieux, commenta le doctorant une fois qu'il fut libre de parler et Dean sourit parce qu'il ne savait pas trop comment réagir quand il sentait ses entrailles se réchauffer aussi agréablement, quand Castiel faisait ces choses inattendues.

Il embrassa encore une fois Cass du bout des lèvres avant de se reculer et de sortir de la voiture. Castiel l'imita quelques secondes plus tard et ce fut d'un même mouvement qu'ils récupérèrent leurs sacs dans le coffre de l'Impala avant de se diriger vers l'entrée du motel.

L'endroit avait été décoré pour les fêtes de Noël. En plus de l'insigne en lettres lumineuses, une discrète guirlande dorée ornait la devanture du toit. Les fenêtres avaient été aspergées de fausse neige qui scintillait aux couleurs des guirlandes multicolores entourant l'encadrement. Enfin, une couronne avait été accrochée à la porte qu'ils poussèrent, faisant retentir une clochette.

Une jeune femme était installée au comptoir de l'accueil, occupée à consulter un énorme registre. Elle releva la tête en les entendant arriver et leur adressa un sourire poli. Dean et Castiel s'approchèrent du comptoir tout en laissant errer leurs regards sur la pièce. Dean remarqua un petit sapin dans un coin de la pièce. Il avait été décoré par des guirlandes d'un rouge profond et quelques boules. Une étoile avait été accrochée à son sommet tandis que son pied était entouré par de nombreux paquets aux emballages chatoyants. Il eut l'impression d'entendre les accords d'un chant de Noël, comme étouffés par la porte qui menait sans doute au bar-restaurant indiqué par une pancarte un peu plus loin sur la route.

– Messieurs? interrogea la jeune femme.

– C'est possible de passer la nuit ici? demanda Dean en avisant le portoir à clefs derrière la secrétaire, quasiment vide. Ils n'étaient visiblement pas les seuls à rejoindre leurs familles par les routes.

– Il nous reste une seule chambre.

La jeune femme les toisa un instant.

– Avec un lit king size.

Dean s'efforça de ne pas chercher à analyser le ton de leur interlocutrice. C'était une habitude qu'il avait prise il y'a longtemps pour éviter de réagir aux piques et aux insultes qu'on pourrait lui lancer. C'était une façon comme une autre de se protéger bien que la jeune femme en face d'eux n'ait pas vraiment l'air d'accorder un quelconque crédit à ses préférences.

– Ca ne sera pas un problème.

– Parfait!

La secrétaire sortit un formulaire d'un tiroir et tendit un stylo à Dean qui s'en saisit et alors qu'il remplissait le document, elle s'était déjà retournée pour attraper le dernier trousseau de clefs. Au moment où elle le tendait à Castiel tandis que Dean apposait sa signature sur le formulaire, des applaudissements leur parvinrent de la pièce d'à côté.

– Oh. C'est la soirée karaoké de Noël, fit la jeune femme en voyant leurs expressions perplexes. Si vous souhaitez dîner au bar-restaurant, la condition, c'est de participer ce soir. Le repas sera offert à la table de la meilleure performance. Votre chambre est au deuxième étage.

Dean acquiesça. Ils s'engagèrent dans la cage d'escalier après avoir remercié la jeune femme.

– On devrait participer, fit Castiel alors qu'ils atteignaient le deuxième étage. Tu as tes chances. Et puis…

Cass s'interrompit une seconde et se mordit la lèvre.

– Et puis? l'encouragea Dean.

– Et puis j'aimerais beaucoup te réentendre chanter…

Dean sourit et attira Castiel à lui d'un bras autour de sa taille, sans cesser de marcher. Il déposa un baiser dans ses cheveux avant de déclarer:

– De toutes façons, je ne suis pas sûr qu'on trouve quoique ce soit d'ouvert à moins d'une demi-heure de route…

Ils entrèrent dans la chambre. Elle n'était pas grande et n'avait de mobilier que le nécessaire. Ses murs, comme le reste du motel, étaient lambrissés ce qui lui donnait l'allure d'un chalet dans les montagnes à l'ambiance chaleureuse. Dean déposa son sac dans un coin de la pièce. Quand il se retourna, il croisa le regard de Castiel qui l'observait au centre de la pièce. Dean haussa un sourcil tout en se rapprochant de son petit ami.

– Un problème, Cass?

L'intéressé secoua la tête et réduisit la distance qui les séparait. Doucement, il attrapa une des mains de Dean et entrelaça leurs doigts avant de relever la tête pour plonger son regard dans le sien.

– Non. Au contraire.

Et sans crier gare, il lui vola un tendre baiser qui laissa Dean interdit quelques secondes, sans trop comprendre ce qu'il venait de se passer.

– Je suis content que tu sois avec moi.

Dean ne sut pas quoi répondre immédiatement, encore en train d'essayer de comprendre ce qui avait amené Cass à cette conclusion mais Dean ne voyait rien qui justifiait les paroles de Cass. Cependant c'était aussi ce qu'il aimait tant chez lui. Son imprévisibilité, ces choses qu'il faisait parfois sur un coup de tête, sans trop réfléchir, un peu à l'opposé de ce qu'il était en temps normal, mesuré et réservé. Et Dean aimait autant ce côté-là que celui plus sage de Cass. Il sourit avec tendresse.

– Je le suis aussi. D'être avec toi.

Et il attira Castiel dans un autre baiser.


Castiel suivit Dean alors qu'il entrait dans le bar-restaurant du motel. Ce dernier n'était éclairé que par des lumières tamisées d'un violine lui donnant une allure presque intimiste. L'endroit était quasiment plein. Il ne restait que quatre tables libres, dont deux situées au fond de la pièce, engoncées entre deux banquettes accolées aux fenêtres. Même le bar était occupé par plusieurs hommes discutant à voix basse avec le barman. De l'autre côté de la pièce, une petite estrade accueillait une famille chantant joyeusement Jingle Bells dont les paroles étaient diffusées sur le mur par une vidéo projecteur. Un sourire échappa à Castiel. Il se souvenait de l'époque où sa mère les emmenait, lui et ses frères et sœurs, chanter des cantiques pour récolter des fonds au profit de l'église de leur paroisse.

Un homme les rejoignit presque aussitôt qu'ils furent entrés, un bocal transparent rempli de papiers pliés en deux sous le bras.

– Bienvenus messieurs. Ma collègue vous a déjà expliqué les règles de ce soir?

Dean acquiesça et l'homme retira le couvercle de son bocal avant de le leur tendre.

– Vous allez tirer au sort un numéro. Quand on vous appellera, vous viendrez sur scène pour chanter.

Ils hochèrent la tête de concert.

– A toi l'honneur, Cass, lui souffla Dean et Castiel s'exécuta.

Il fouilla un moment au fond du bocal avant d'en extirper un papier. Le numéro sept. Un chiffre que Castiel aimait bien. Il n'était pas certain d'être très à l'aise avec l'idée de chanter devant une salle comble – après tout, il n'avait pas le talent de Dean – mais si cela pouvait lui permettre de réentendre la voix de son petit ami, il pouvait bien se plier au jeu.

– Je vous installe? demanda l'homme.

Dean et Castiel acquiescèrent. Le serveur les entraîna vers une des banquettes dans le fond de la salle. Castiel ne le dirait sans doute pas à haute voix mais il en était heureux. Un peu d'intimité avec son petit ami était tout ce qu'il désirait pour l'instant. Peu importe à quel point cela pouvait sonner niais. Peu après qu'ils se soient assis, le serveur revenait avec le menu, consistant en une seule fiche plastifiée recto-verso. Castiel la parcourut rapidement des yeux avant d'arrêter son choix sur un simple plat de pâtes à la carbonara. Il reporta ensuite son attention sur la scène en face de lui. Une jeune femme s'y trémoussait presque langoureusement sur les paroles de Mariah Carey.

– Elle en fait un peu trop, pas vrai? commenta Dean.

Castiel reporta son attention sur lui. Il affichait un sourire amusé tandis qu'il s'était appuyé sur la table pour se pencher vers lui. Le doctorant hocha la tête en rendant son sourire à Dean.

– Ou bien elle est fauchée, ou bien elle n'a pas envie de passer la nuit toute seule…

Cette fois, Castiel laissa échapper un rire étouffé et secoua la tête, désabusé avant qu'une lueur joueuse ne s'allume dans son regard.

– Est-ce un message subliminal, Dean?

L'intéressé l'observa un moment, silencieux, ses yeux verts plantés dans les siens, indéchiffrable, comme s'il évaluait ses paroles. Puis brusquement, un pied rentra en collision avec sa cheville et si la surprise lui coupa le souffle, Castiel fit de son mieux pour ne pas laisser paraître quoi que ce soit. Dean se mordit la lèvre, comme s'il retenait un rictus et le doctorant ne put s'empêcher de l'imiter quand un feu dévastateur prit naissance dans ses entrailles. Dean avait-il la moindre idée d'à quel point ce geste le rendait désirable?

– Non, répondit ce dernier au bout d'un moment et l'extrémité de son pied dessinait déjà de lents va-et-vient sur le mollet de Castiel.

Il ne l'avait pas quitté des yeux et comme souvent, le doctorant était incapable de détacher son regard des orbes émeraudes.

– Il n'y a qu'une seule personne ici avec qui j'ai envie de passer la nuit, ajouta-t-il sur un ton bas et grave qui fit remonter des frissons le long de la colonne vertébrale de Castiel.

Son visage prit feu aux mots de Dean. Castiel baissa brusquement la tête pour masquer la rougeur de ses joues. Le pied de Dean ne cessait de se frotter contre son mollet ce qui ne l'aidait pas vraiment à se concentrer sur quelque chose qui ferait disparaître ce que ses mots réveillaient en lui. Il risqua un regard par-dessus ses cils et vit son petit ami sourire, visiblement fier de lui. Dean croisa son regard et son sourire s'élargit.

– Quoi, tu l'as cherché, Cass.

C'était vrai. Alors Castiel sourit simplement. Au même moment, le serveur revint vers eux pour prendre leur commande et le pied de Dean quitta son mollet. Quand l'homme repartit, la jeune femme descendait de l'estrade et un autre serveur plongeait son bras dans un second bocal rempli de morceaux de papier. Après en avoir extirpé un, l'homme prit un micro pour annoncer les prochains candidats.

– Et c'est au tour… du numéro sept!

Dean et Castiel échangèrent un regard. Castiel passa une main nerveuse dans ses cheveux.

– Tu devrais sûrement y aller seul…

Dean haussa un sourcil.

– Certainement pas.

– Dean, je…

Il détestait être le centre de l'attention, encore plus quand il ne maîtrisait pas du tout la situation. S'il chantait parfois sous la douche comme la plupart des gens, il ne s'était jamais essayé à l'exercice en dehors de sa salle de bains.

– Oh, allez, Cass. Ça va être marrant.

– Parle pour toi. Tu sais chanter.

– Hey. C'est pas AGT [16]. On est juste là pour s'amuser.

Castiel lui adressa un regard alarmé mais Dean fit comme s'il n'en avait rien vu. Il se leva et lui tendit une main. Le doctorant la regarda un moment avant de soupirer et de s'en saisir. Dean serra sa main dans la sienne et lui adressa un sourire rassurant. Castiel déglutit péniblement et se laissa tirer vers la scène. Quand ils montèrent sur l'estrade, le serveur leur tendit un micro que Dean prit avant de se tourner vers le mur où pour l'instant, seul un écran blanc était diffusé. Dean expira un souffle court, comme s'il se préparait pour un gros effort physique, et Castiel haussa un sourcil, alarmé.

– Dean?

– Tout va bien.

Il lui sourit.

– C'est juste… la dernière fois que j'ai fait ça, je veux dire, chanter devant un public, je… j'avais pas vingt ans. C'est hum…

Doucement, Castiel pressa sa main dans la sienne et lui sourit. Il comprenait. Il savait que Dean avait renoué avec la musique il y'a peu et il comprenait sans mal que cette nouvelle première fois pouvait être… pesante. Dean lui sourit et après un instant d'hésitation, il s'installa à même le sol, au bord de la scène. Castiel l'imita et pressa son épaule contre celle de son compagnon.

– Prêts? leur demanda le serveur et ils acquiescèrent d'un même mouvement. Hum… vous êtes?

– Dean. Et voici Castiel.

L'homme sourit avant de lancer sur un ton enjoué:

– Alors voici Dean et Castiel sur Merry Christmas, d'Elton John et Ed Sheeran!

Presque aussitôt, les premiers accords de la chanson retentirent. Castiel fut heureux d'avoir écouté la radio deux ans plus tôt et de connaître à peu près l'air de la chanson. Dean prit le lead et entama les premières paroles.

Build the fire and gather 'round the tree
[Allume le feu et réunissons-nous autour du sapin]
Fill the glass and maybe come and sing with me
[Remplis les verres et viens chanter avec moi]

Castiel se souvint à temps qu'il devait joindre sa voix à celle de son petit ami et il se pencha vers le micro que tenait Dean. Leurs têtes se frôlèrent dans le processus.

So kiss me under the mistletoe
[Alors embrasse-moi sous le gui]
Pour out the wine, let's toast and pray for December snow
[Verse le vin, trinquons et prions pour qu'il neige en décembre]
I know there's been pain this year, but it's time to let it go
[Je sais que cette année a été difficile mais il est temps de lâcher prise]
Next year, you never know [L'année prochaine on ne sait jamais]
But for now, Merry Christmas, we'll [Mais pour le moment, Joyeux Noël, nous]
Dance in the kitchen while embers glow
[Dancerons dans la cuisine pendant que les braises rougeoient]
We've both known love, but this love we got is the bеst of all
[Nous avons tous deux connus l'amour mais celui qu'on a est le meilleur de tous]
I wish you could see you through my eyes, then you would know
[J'aimerai que tu voies à travers mes yeux, ainsi tu saurais]
My God, you look bеautiful
[Mon Dieu, que tu es magnifique]
Right now, Merry Christmas
[Maintenant, Joyeux Noël]

Castiel se tut pour laisser Dean entamer une nouvelle partie solo tandis qu'il songeait que les paroles reflétaient plutôt bien ses propres pensées. Alors que Dean lui lançait un court regard avant de se concentrer à nouveau sur les paroles, il en profita pour se gorger une nouvelle fois de sa voix qu'il aimait tant. Il se fit une note mentale de lui demander de chanter plus souvent. C'était addictif. Sa voix était addictive. Le voir ainsi était addictif.

The fire is raging on
[Le feu est dévorant]
And we'll all sing along to the song
[Et on chante tous ensemble cette chanson]
Just having so much fun
[On s'amuse tellement]
While we're here, can we all
[Maintenant que nous sommes ici, pouvons-nous]
Spare a thought for the ones who have gone?
[Accorder une pensée à ceux qui nous ont quittés]

Castiel se rapprocha du micro une nouvelle fois.

– Merry Christmas, everyone
[Joyeux Noël à tous]
So just keep kissin' me under the mistletoe
[Alors continue de m'embrasser sous le gui]
Pour out the wine, let's toast and pray for December snow
[Verse le vin, trinquons et prions pour qu'il neige en décembre]
I know there's been pain this year, but it's time to let it go
[Je sais que cette année a été difficile mais il est temps de lâcher prise]
Next year, you never know
[L'année prochaine on ne sait jamais]
But for now, Merry Christmas, we'll
[Mais pour le moment, Joyeux Noël, nous]
Dance in the kitchen while embers glow
[Dancerons dans la cuisine pendant que les braises rougeoient]
We've both known love, but this love we got is the bеst of all
[Nous avons tous deux connus l'amour mais celui qu'on a est le meilleur de tous]
I wish you could see you through my eyes, then you would know
[J'aimerai que tu voies à travers mes yeux, ainsi tu saurais]
My God, you look bеautiful
[Mon Dieu, que tu es magnifique]
Right now, Merry Christmas
[Maintenant, Joyeux Noël}

Alors qu'ils entamaient le second couplet, Dean tourna la tête vers Castiel et lui sourit. Castiel lui rendit son sourire, une douce chaleur se répandant dans tout son corps. C'était presque comme s'ils chantaient l'un pour l'autre et cela réveillait un drôle de sentiment au fond de Castiel.

– I feel it when it comes
[Je le sens quand il arrive]
Every year helpin' us carry on
[Chaque année, il nous aide à avancer]
Filled up with so much love
[Rempli de tant d'amour]
All our family and friends
[Toutes nos familles et amis]
Are together where we all belong
[Sont ensemble, où nous avons tous notre place]
Merry Christmas, everyone
[Joyeux Noël à tous]

De nouveau, Castiel joignit sa voix à celle de son petit ami.

– It's Christmas time for you and I
[C'est Noël pour toi et moi]
We'll have a good night and a Merry Christmas
[Nous passerons une belle soirée et un Joyeux Noël]

It's Christmas time for you and I
[C'est Noël pour toi et moi]
We'll have a good night and a Merry Christmas
[Nous passerons une belle soirée et un Joyeux Noël]
It's Christmas time for you and I [C'est Noël pour toi et moi]
We'll have a good night and a Merry Christmas
[Nous passerons une belle soirée et un Joyeux Noël]
It's Christmas time for you and I
[C'est Noël pour toi et moi]
We'll have a good night and a Merry Christmas time [17]
[Nous passerons une belle soirée et un Joyeux Noël]

Quand la chanson se termina, Castiel se surprit à regretter l'instant. Dean souriait toujours, ses yeux plongés dans les siens et ce ne fut que lorsque on les applaudit qu'ils furent capables de se sortir de leur transe. Dean se releva et lui tendit une main pour l'aider à faire de même avant de murmurer à son oreille.

– Tu n'es pas aussi mauvais que tu voulais me le faire croire.

Castiel sentit son cœur louper inexplicablement un battement. Dean rendit le micro au serveur avant d'entraîner Castiel dans son sillage jusqu'à leur table. À peine étaient-ils installés qu'on venait leur servir leurs plats. Alors qu'il entortillait un spaghetti autour de sa fourchette, Castiel surprit la jeune femme qui avait chanté juste avant eux les observer. Même si elle semblait un peu plus intéressée par Dean que par lui. Castiel fit un discret signe de tête dans sa direction.

– Je crois qu'elle aimerait beaucoup que tu passes la nuit avec elle… murmura-t-il et Dean jeta un œil par-dessus son épaule.

Dean grimaça.

Son of a bitch. Je pensais que j'avais été assez clair.

Castiel haussa un sourcil.

– Elle me fixait déjà quand on chantait. Je n'avais pas besoin de te dire ce que je t'ai dit à l'oreille mais visiblement elle n'a pas compris le message...

Dean se tut un instant, l'air de réfléchir.

– Elle nous regarde toujours ?

Castiel acquiesça. Dean roula des yeux, visiblement ennuyé. Castiel ne put s'empêcher d'émettre un gloussement. Mais son rire mourut dans sa gorge aussitôt que Dean se fut saisi de sa main, posée sur la table et qu'il ait pressé un tendre baiser sur une phalange. Il l'observa un instant, la bouche entrouverte de surprise et Dean ne fit que lui sourire, de ce sourire en coin qui faisait s'affoler son cœur.

– Quoi ? Aux grands maux les grands remèdes, angel.

Castiel rit de nouveau parce que ce qu'essayait de faire Dean faisait étrangement écho à des pensées qu'il avait eues alors qu'ils n'étaient encore qu'amis. C'était profondément stupide mais l'idée qu'on soit un peu jaloux de la chance qu'il avait d'être avec lui plaisait à Castiel. Il jeta un œil en face. La jeune femme les observait toujours, mais cette fois, son expression était fermée. Le doctorant se mordit la lèvre pour ne pas rire. Elle finit par croiser son regard et détourna le regard et cela procura un intense sentiment de satisfaction à Castiel. Et un brusque élan de possessivité. Dean l'avait choisi lui et il était prêt à le montrer à qui voudrait bien le remarquer.

Et cela lui donnait une impression stupide de toute puissance.

– Cass… si tu continues de me regarder comme ça… je ne réponds plus de rien.

Et la voix de Dean était étrangement rauque. Castiel se rendit soudain compte qu'il le fixait et si son regard était aussi brûlant que ses entrailles en ce moment-même, il comprenait ce que voulait dire Dean.

– Désolé.

Il baissa les yeux vers son plat de pâtes. Dean le toucha du bout du pied et Castiel redressa la tête.

– Ca ne veut pas dire que je n'aimerai pas que tu me regardes comme ça… à un autre moment.

Et Dean agrémenta sa réplique en glissant langoureusement sa langue contre ses lèvres. Castiel savait le geste parfaitement maîtrisé. Il le foudroya du regard, faussement irrité.

– Si tu veux que je cesse de te regarder comme ça, Dean, arrête de jouer les allumeurs.

Cette fois, Dean éclata d'un rire franc qui fit sourire Castiel avant qu'il ne le rejoigne.


Sans grande surprise pour Castiel – qui arguait que Dean avait été le meilleur ce soir – ils remportèrent le karaoké. Après avoir remercié chaleureusement les restaurateurs, Dean et Castiel remontèrent à leur chambre. Ils avaient encore pas mal de route à faire et même si Dean était habitué aux longs trajets – quoi qu'il en fasse beaucoup moins depuis qu'il avait emménagé dans son appartement – il préférait être en forme pour le lendemain.

Sauf qu'à peine la porte fut-elle refermée qu'il fut acculé contre celle-ci, la bouche de Cass s'appliquant déjà à redessiner sa gorge. Visiblement, le doctorant était loin d'adhérer au programme de Dean. Il laissa égoïstement son petit ami parcourir sa peau de ses lèvres quelques secondes avant de se dérober et de poser deux mains contre le torse de celui-ci pour l'éloigner un peu.

Castiel lui lança un long regard mi-désabusé, mi-réprobateur. Mais Dean ne manqua pas l'étincelle blessée dans ses yeux et il s'empressa de dissuader Cass de suivre le cheminement de ses pensées en posant doucement ses lèvres sur les siennes. Le doctorant en sembla surpris mais accepta le baiser. Dean se recula d'un demi-centimètre.

– Ne te méprends pas, Cass, j'aimerai beaucoup que tu continues ce que tu faisais mais si on se lance sur cette pente, je crois que je ne serai pas capable de faire le chemin jusqu'à chez tes parents.

Castiel le contempla un instant, presque interdit et Dean sourit. Il leva une main pour caresser avec tendresse la joue de Cass qui resta étrangement stoïque avant de s'éloigner avec brusquerie et lui tourner le dos. Dean fronça les sourcils, incapable de comprendre ce revirement inattendu.

– Cass? demanda-t-il timidement.

Le doctorant ne se retourna pas et Dean fronça les sourcils. Il ne comprenait pas ce qu'il prenait à Castiel. L'avait-il vexé au point qu'il se décide à le bouder? Le jeune homme secoua la tête – il n'allait pas laisser la situation s'envenimer – et s'approcha de son petit ami qui était parti fouiller dans ses affaires, sans doute en quête d'un pyjama. Castiel ne semblait pas l'avoir entendu et Dean attendit qu'il se redresse pour l'enlacer fermement par derrière. Ses bras entourèrent la taille de Cass tandis qu'il déposait son front contre l'épaule du doctorant et la gratifiait de légers baisers. Castiel restait tendu dans ses bras mais Dean pouvait sentir qu'il luttait de toutes ses forces pour ne pas se laisser fondre contre lui. Distraitement, Dean remonta le long du cou de Cass avec ses lèvres sans cesser de l'embrasser.

– Hey. Je veux juste nous éviter un accident. Parce que si on restait debout toute la nuit…

Il mordilla le lobe de l'oreille tout en murmurant à voix très basse ces quelques mots. Il vit les frissons naître sur la peau de Castiel et sourit avant de l'embrasser encore. Finalement, Castiel se laissa aller contre lui.

– Je sais, Dean.

L'intéressé fronça un sourcil.

– Alors pourquoi… oh. Putain, Cass… espèce de manipulateur!

Ce dernier rit doucement avant de se retourner dans ses bras et d'accrocher les siens autour du cou de Dean. Il l'embrassa du bout des lèvres avant de rappuyer son front contre le sien.

– Tu m'as allumé toute la soirée. Et je suis censé ne pas réagir? À quoi tu t'attendais exactement?

Dean l'embrassa à son tour en souriant.

– Ok, tu as gagné celle-là, concéda-t-il tout contre les lèvres de Cass avant de s'appliquer à lui donner un nouveau baiser.

Leurs lèvres s'effleurèrent dans un ballet lent, comme si elles essayaient de se découvrir millimètre par millimètre, dans une exploration minutieuse et langoureuse. Dean sentait ses entrailles prendre feu, un feu lent, consumateur. Les flammes léchaient avec langueur chaque parcelle de son bas-ventre, sa peau s'électrifiait et Dean songea qu'il ne pourrait jamais se détacher des lèvres de Cass si chaque baiser lui procurait cette sensation. Parce que toute sa vie, il était certain que jamais il n'avait ressenti ça en embrassant quelqu'un. Jamais personne n'avait réussi à lui faire perdre pied de la sorte, juste en posant ses lèvres sur les siennes.

Dean ne revint à la réalité que lorsqu'il sentit un mur entrer en contact brutal avec son dos. Il eut à peine le temps de comprendre ce qu'il se passait, alors que Cass avait lâché sa bouche seulement pour respirer, que son petit ami revenait à l'assaut et l'embrassait encore. La main de Castiel venait de se poser sur sa hanche et Dean dut se retenir de mordre la lèvre de son compagnon quand son corps prit feu. Il ne comprenait vraiment pas les réactions de son organisme à des choses aussi futiles. Cass n'avait même pas encore appuyé ses doigts sur sa peau et Dean était déjà brûlant. Ça n'avait aucun sens, c'était grisant et il en perdait la tête.

Cette fois les doigts de son petit ami étaient parvenus à se glisser sous son tee-shirt, et s'appliquaient à prodiguer des caresses à la chaleur dévorante sur son ventre. Cass détacha ses lèvres de sa bouche pour mieux embrasser sa joue et Dean fit de son mieux pour garder un pied sur Terre.

– Cass… t'as entendu un seul mot de ce que j'ai dit? fit-il d'une voix rauque, brisée par le désir que son petit ami n'avait aucun mal à faire naître en lui.

Et le pire c'est qu'il ne faisait vraiment pas grand-chose et Dean était déjà pantelant. Au fond de lui-même, le jeune homme savait que ses protestations étaient aussi vaines que malhonnêtes parce qu'il n'avait aucune envie que Cass s'arrête. Ce dernier cessa un instant ses baisers, sans pour autant retirer sa main de sous le tee-shirt de Dean, pour le regarder, un sourcil haussé. Et si son expression aurait pu être drôle, elle ne fit qu'assécher la bouche de Dean. Le bleu des yeux de Cass avait presque disparu, entièrement mangé par ses pupilles dilatées.

Dean n'avait vraiment aucune idée, jusqu'à présent, d'à quel point il avait effectivement allumé Castiel, selon les mots du susnommé. Il n'avait vraiment pas la moindre idée de l'existence de la bête sauvage qu'il venait de réveiller et il aimait bien trop les promesses nichées dans ce regard animal.

Ils n'allaient définitivement pas dormir longtemps cette nuit.

– J'ai parfaitement entendu, Dean.

La voix de Cass, aussi éraillée que la sienne, réveilla des dizaines de frissons partout sur son corps et au mouvement involontaire des doigts du doctorant contre sa peau, Dean fut certain que ce dernier s'en était rendu compte. Quelques secondes à peine plus tard, Cass avait approché ses lèvres de son oreille, l'effleurait tendrement avant de murmurer:

– Mais t'est-il jamais venu à l'esprit que je pourrais ne pas avoir envie que tu parviennes à nous conduire chez mes parents?

Avant que Dean ait pu répondre quoi que ce soit, Cass déposait un baiser juste en-dessous du lobe de son oreille et Dean se mordit violemment la lèvre pour ne pas laisser échapper le cri qui était né dans sa gorge. Il ignorait qu'il s'agissait de l'une de ses zones érogènes…

– Qui te dit que je n'aimerai pas qu'on reste dans cette chambre toute la journée?

Dean retint à grand-peine le juron qui voulait fleurir sur ses lèvres quand Cass se mit à mordiller la peau fine au même endroit qui avait failli lui arracher un cri à peine trente secondes plus tôt et il lui fallut presque trente autres pour réussir à formuler une phrase complète et intelligible:

– Hum… le fait qu'on soit justement ici, dans cette chambre, au beau milieu de l'Ohio [18], plutôt que chez toi ou chez moi.

Castiel grogna, ce que Dean interpréta comme une manifestation d'approbation contrariée de la part de son petit ami. Dean esquissa un sourire avant de se décoller un peu du mur pour mieux se presser contre Cass. Ce dernier réagit presque aussitôt et l'appuya de nouveau contre le lambris avant de lui-même se coller à Dean qui étouffa un autre juron quand presque chaque parcelle de son corps se trouva en contact avec celui de son petit ami. Castiel prit aussitôt possession de ses lèvres, dans une demande impérieuse, presque brutale, emplie d'un désir non contenu qui cette fois, eut raison de toutes les réserves de Dean qui émit un faible gémissement. Il sentit Cass sourire contre ses lèvres et ne put s'empêcher de l'imiter. Bientôt, une main se glissait entre leurs deux corps, descendait paresseusement le long des abdominaux de Dean et s'arrêtait juste au niveau de son nombril. Cass dégagea ses lèvres des siennes un instant pour plonger son regard dans le sien, une question dans les yeux. Dean le gratifia de son plus beau sourire en coin.

– Qu'est-ce que tu attends? Ne t'arrête pas en si bon chemin.

Cass roula des yeux avant de plonger son visage dans la nuque de Dean qui songea un instant n'avoir jamais cru qu'être ainsi épinglé contre un mur puisse être si agréable. La main de Cass n'avait pas bougé et Dean fronça un sourcil, intrigué. Son assentiment n'avait-il pas été assez clair? Mais alors que Cass embrassait distraitement sa nuque, il l'entendit murmurer:

– Je ne sais pas… je croyais que tu étais fatigué…

Dean rit doucement. Qu'est-ce qu'il lui avait pris de tomber amoureux d'un manipulateur pareil? La pensée le troubla un instant et il préféra la chasser en agrippant avec brusquerie les cheveux de Cass pour lui donner un baiser fiévreux. Dans le même temps, son autre main se glissa dans le dos de son compagnon pour batailler avec sa chemise enfoncée dans le jean, la libéra et enfin, se glissa au creux des reins de Castiel qui s'appuya un peu plus contre lui quand Dean commença à caresser la peau.

– Je le suis plus tellement… murmura-t-il tout contre les lèvres de Cass et ce dernier attendit à peine qu'il ait terminé sa phrase pour l'embrasser encore.

Et soudain, la main toujours coincée entre leurs deux corps descendit plus bas et Dean perdit pied.

– Bordel, Cass!

Ses doigts se resserrèrent dans le dos de son compagnon quand ce dernier refit se promener les siens sur son désir naissant qui pulsait presque douloureusement entre ses jambes. Est-ce que Castiel avait la moindre idée de ce qu'il faisait? Dean songea qu'il pourrait presque venir, juste là, parce que Cass le touchait et c'était un peu pathétique. Il n'était plus un adolescent et il se maîtrisait d'habitude. Pourtant Castiel avait l'alarmante capacité de lui faire perdre la tête.

Dean décida de reprendre un peu de contrôle sur la situation et sans cesser de découvrir le dos de son petit ami d'une main, il lança la seconde à l'assaut du torse de son compagnon et entreprit de la faire glisser le long de ce dernier pour rejoindre sa jumelle, toujours occupée à rendre Dean pantelant et son corps alangui.

Cass couina quand Dean imita son geste et ce dernier ne put s'empêcher de sourire contre la bouche de son compagnon avant de l'embrasser encore avec fièvre. L'autre main de Cass s'était enfoncée dans ses cheveux et les agrippait fermement.

Sans préambule, Cass tira sur les mèches châtaines, brisa le baiser et força Dean à relever sa tête qui heurta le mur sans ménagement et avant que le jeune homme n'ait pu comprendre ce qui prenait à Castiel, ce dernier s'appliquait à marquer la peau de son cou de ses dents. Dean gronda et sans son consentement, comme mues par un instinct dont seul son corps était l'instigateur, ses mains se précipitèrent sur les boutons de la chemise de Cass et les ouvrirent un à un. Castiel n'avait pas cessé d'attaquer sa peau – Dean ne serait pas étonné de la retrouver rouge le lendemain et il ne s'en plaignait pas vraiment – sans même donner l'impression de s'être rendu compte de ce que Dean faisait.

Il ne releva la tête que lorsque Dean tira sur ses manches pour retirer le vêtement et lui lança un regard à mi-chemin entre la surprise et la fièvre. Dean partit à l'assaut de ses lèvres, se décollant enfin du mur pour pousser Cass vers le lit de l'autre côté de la chambre. Son instant d'étourdissement passé, Cass entreprit à son tour de retirer à Dean les couches de vêtements qui le séparait de sa peau nue. Il arracha avec brusquerie la chemise de flanelle et la jeta au sol sans ménagement avant de s'attaquer au tee-shirt que Dean portait dessous. Alors qu'ils reprenaient tout deux l'air que leurs baisers incessants leur volaient, Dean l'entendit marmonner:

– Tu portes trop de vêtements.

Le jeune homme rit avant d'embrasser encore Cass du bout des lèvres.

– Ne sois pas si impatient.

Et alors qu'il achevait de reculer, Cass tira le tee-shirt vers le haut, indiquant à Dean de lever les bras. L'instant d'après, le tee-shirt avait rejoint le reste de leurs vêtements sur le sol et ils basculaient sur le lit, Dean recouvrant Castiel de son corps tandis que leurs lèvres continuaient de danser l'une contre l'autre. Il sentit que Castiel remuait les jambes contre lui et jeta un œil en arrière pour le voir retirer ses chaussures sans même prendre la peine d'en défaire les lacets. Quand enfin, il en extirpa ses pieds, elles atterrirent près du lit dans l'indifférence générale et Castiel recula pour mieux s'installer sur le matelas. Dean brisa le contact de leurs deux corps quelques secondes, ce qui lui valut un feulement contrarié, pour retirer ses propres chaussures. L'instant d'après, il rejoignait Cass sur le lit et se pressait contre lui tandis que ses jambes encadraient les hanches de son compagnon. Après lui avoir donné un autre baiser enfiévré, Dean se redressa un peu pour contempler son compagnon. Castiel lui renvoya son regard tandis qu'il détaillait ses cheveux encore plus désordonnés qu'à leur habitude, ses yeux réduits à une immense sphère noire cerclé d'un bleu sombre, ses lèvres rougies de baisers et son corps offert à lui.

Alors qu'il s'attardait sur le torse de Castiel – et il était plus musclé que Dean ne l'aurait cru – il songea que tout ceci semblait tellement irréel. Qu'il soit ici, dans cette chambre de motel avec Cass, gonflé de désir, proche de lui faire l'amour comme son corps le lui réclamait depuis des semaines. Que Cass soit ainsi offert à lui, son corps brûlant si proche du sien, comme dans ses fantasmes les plus réalistes. Dean se mordit la lèvre.

– Tu aimes ce que tu vois? lui demanda doucement Castiel, après s'être mordu la lèvre comme chaque fois qu'il tentait quelque chose qui ne s'autorisait jamais en temps normal, et un frisson fusa le long de sa colonne vertébrale au son de la voix rauque, trop rauque de désir.

Dean se pencha à nouveau pour voler un baiser à Cass.

– Tu es… tu es tellement beau, Cass…

En temps normal, Dean aurait sûrement rougi de ses paroles mais il était bien trop perdu par le tumulte de sentiments qui explosaient dans sa poitrine pour en avoir le discernement nécessaire. Et Cass qui agrippait sa nuque avec violence pour faire se rencontrer leurs lèvres dans un baiser abrupt, animal ne lui en aurait de toutes façons pas laisser l'occasion. Cass se redressa pour les faire basculer sur le flanc et vint se coller tout contre Dean qui l'enlaça par automatisme pour mieux rapprocher leurs torses. Ses doigts agrippèrent une épaule tandis que ceux de Cass dessinaient chaque recoin de sa poitrine, effleurant les pectoraux avant de caresser son ventre et ses hanches. Dean se frottait déjà contre Cass, dans un lent mouvement de va-et-vient, faisant entrer en collision leurs désirs éveillés, encore enfermés dans leurs pantalons et cela finit par leur arracher un même cri étouffé. Ils s'embrassèrent encore et soudain, la main de Cass s'était posée sur la boucle de sa ceinture et Dean rompit le baiser avec douceur pour plonger son regard dans celui de Castiel.

– Tu es sûr?

Cass lui répondit d'abord par un baiser enflammé.

– Oui! Mon Dieu, Dean, je n'ai jamais été si sûr de toute ma vie.

Et il ne laissa pas à Dean le temps de répondre car il l'embrassait encore. Quand il reposa ses doigts sur sa ceinture, cette fois, Dean le laissa faire.


Castiel somnolait, dans les bras de Dean, enfoui sous les draps et pressé contre le corps nu de son petit ami. Ses yeux se fermaient sans son consentement alors qu'il était encore perdu dans les brumes de l'orgasme et qu'il aurait voulu contempler le visage de Dean un peu plus longtemps.

Il n'avait jamais été du genre à chercher le plaisir physique par tous les moyens. Celui la valait les moqueries de ses frères et sœurs mais Castiel était plutôt un romantique et il imaginait l'amour, l'union de deux corps, comme un acte solennel entre deux âmes qui partageaient un lien profond. C'est pourquoi il n'avait pas eu beaucoup de partenaires dans sa vie, si ce n'était celui avec qui il avait découvert les plaisirs de la chair et un ou deux ex avec qui il avait cru que ça marcherait. Ça avait été agréable mais rien de bien transcendant et Castiel avait fini par croire que c'était simplement comme ça qu'on faisait l'amour.

Dean venait de lui prouver le contraire. Dean venait de lui montrer qu'avant, il n'avait pas justement fait l'amour avec qui que ce soit. Parce que ce qu'il s'était passé ce soir transcendait tout le reste. Dean lui avait dit qu'il oublierait tout le reste le jour où leurs corps s'uniraient, et si ses paroles étaient galvanisées par l'instant, Castiel pouvait assurer qu'il avait eu raison.

Dean lui avait fait perdre pied avec la réalité, Dean l'avait emmené au septième ciel et Castiel avait bien conscience d'au combien cela paraissait cliché de penser ce genre de choses mais il ne voyait pas d'autres qualificatifs à ce qu'ils venaient de faire. Ça avait été merveilleux et doux et tellement tout ce dont il avait rêvé.

Dean avait calmé ses ardeurs, son empressement animal par de longues et tendres caresses et ils s'étaient embrassés à en avoir mal aux lèvres jusqu'à faire l'amour dans un silence apaisant, avec langueur, loin, très loin, de la passion qui les avaient menés au fond de ce lit mais c'était encore mieux, avait réalisé Castiel alors que Dean s'appliquait à marquer sa peau de baisers délicats, que s'ils avaient fait ça avec fièvre.

C'était… indescriptible. Et Castiel était certain qu'il n'aurait pas le droit à une meilleure expérience avec qui que ce soit d'autre. Et il ne voulait pas connaître autre chose que l'amour avec Dean. Il ne savait pas non plus si son corps saturé d'endorphines lui soufflait ces mots-là ou s'il les penserait encore demain en se réveillant.

Alors qu'il sentait sa tête devenir lourde, Dean bougea. Castiel voulut se presser de nouveau contre lui mais le corps de son petit ami lui échappa et il marmonna quelque chose que Dean ignora. Il l'entendit fouiller – sans doute dans ses affaires – mais Castiel était encore trop embrumé pour essayer de voir ce qu'il faisait alors il laissa simplement sa tête s'enfoncer dans l'oreiller.

Quelques secondes plus tard, Dean était de retour dans le lit et Castiel s'empressa de se coller contre son compagnon qui passa un bras autour de sa taille. Le doctorant appuya son crâne contre l'épaule de Dean et laissa échapper un soupir de bien-être. Contre son flanc, les muscles de Dean roulaient régulièrement.

– Qu'est-ce que tu fais? marmonna-t-il, sa voix pâteuse de fatigue.

Dean embrassa tendrement son front.

– Rien d'important, angel. Rendors-toi.»

Castiel était trop embrumé par la fatigue, une fatigue euphorique, béate pour protester et il laissa ses yeux se fermer, ses doigts se refermer sur l'épaule de Dean, près de sa tête. Il s'endormit au son d'un crayon grattant le papier.


[16] Abréviation de America Got A Talent.

[17] Paroles extraites du duo Ed Sheeran-Elton John, Merry Christmas (2021).

[18] Dans cette fic, Dean et Castiel habitent quelque part non loin de Lawrence au Kansas. Ils se rendent dans le Massachussetts. D'après Google Maps, l'Ohio se situe à peu près entre les deux. Et pour le funfact, j'ai voulu placer les parents de Cass dans cet état, puisqu'il s'agit de celui dont est originaire Misha Collins. Quant à Lawrence, je pense qu'aucune précision ne s'impose…


Et voilà pour ce petit chapitre de transition ! Demain, on rencontre enfin la famille de Cass dans le quatorzième chapitre de cette fanfiction intitulé Dusk 'till Dawn. A demain !