C'est la saison des citrons... Aussi, ce chapitre est noté M.
Chapitre 23
L'air était frais. Un léger cliquetis régulier rythmait le silence. Hermione sentait peser sur son corps le poids d'un drap épais ou d'un couvre-lit crocheté. Elle eut un soupir de contentement. Et soudain, elle se souvint. Il y avait eu l'antidote, Bellatrix Black, la douleur, Rogue, Ginny Weasley, sa mort dans l'ancien monde et… sa résurrection dans le nouveau. Ses paupières sursautèrent et s'ouvrirent brutalement. C'était fait. Elle avait réussi. Ils avaient réussi. Hermione amena les yeux sur ses mains tremblantes. Elle était bien là, vivante et légère, tellement légère. Même son cœur lui paraissait moins lourd. Enfin, elle comprit. Les souvenirs de son ancienne vie étaient toujours là, mais seulement en filigrane et surtout, sans aucun affect, exactement comme s'il serait agi de l'existence d'une autre.
Ses yeux se posèrent sur une unique silhouette sombre à son chevet, Rogue. Il était assis, à l'envers, sur une chaise aux tubulures rouillées. Il avait un avant-bras pendant, l'autre replié contre son front sur le dossier écaillé, baguette en main. Ainsi, il était demeuré à ses côtés, cette nuit-là.
La petite pièce au papier peint défraîchi était toute aussi miteuse qu'à son arrivée, mais, à présent que plus rien ne pressait, elle eut le loisir de l'observer dans ses détails. L'association de la penderie de Formica jauni et des rideaux aux fleurs fanées, qui ondulaient sous un mince courant d'air comme la queue d'un chat, lui donnaient un air pauvret. La fine tringle à rideaux métallique, tordue, se cognait en rythme contre le dormant de la fenêtre. Une table de chêne sombre, qui ressemblait plutôt à un établi, bouchait l'angle adjacent. Dans le dos de l'homme, le mur opposé était entièrement occupé par une bibliothèque édentée, dont certains casiers avaient été vidés, d'autres rangés à la hâte. Près du lit, un valet de chambre portait la veste longue du maître des potions.
Elle écarta le drap bordé jusqu'à son menton et s'assit au bord du lit qui grinça légèrement. Derrière elle, Rogue eut un grognement presque imperceptible alors qu'elle se redressait, rajustant l'élastique cuit de son caleçon trop grand et tirant sur son tee-shirt si ample qu'il la couvrait jusqu'à mi-cuisse. Alors qu'elle s'avançait vers la fenêtre entrouverte, elle perçut enfin les bruits de la ville, lourde, à peine éveillée et pourtant déjà menaçante, comme un énorme dragon qui somnole. Un vrombissement avala au loin le jappement d'un renard et une automobile démarra péniblement. D'un doigt, elle écarta le rideau dentelé et posa des yeux fatigués sur le quartier ouvrier encore léthargique. Les lampadaires pâlissaient dans l'aube grise, les toits levaient au ciel leurs antennes tordues comme autant de doigts déformés et suppliants. L'atmosphère était pleine des vapeurs de gasoil mêlés aux odeurs nauséeuses des faubourgs.
Elle fit un pas de côté pour observer la course en crabe d'un chat décharné et la lame de parquet sur laquelle elle avait posé ses orteils nus lança un craquement sonore. Derrière elle, Rogue sursauta.
- Miss Granger, marmonna-t-il, à peine éveillé.
- Je me sens très bien, anticipa-t-elle, le menton haut.
Elle l'entendit lisser ses vêtements, les talons de ses bottes claquèrent sur le plancher alors qu'il la rejoignait. Il se posta au plus près d'elle, le regard perdu dans les reliefs flous de Carbones-les-Mines.
- Vous m'en voyez ravi.
Il n'avait pas même semblé la regarder, quoi qu'elle devinât qu'il avait observé sa posture, de dos, pour vérifier qu'elle ne mentait pas. Oui, elle se sentait réellement bien… ou tout du moins, pas si mal.
- Vous contemplez le paysage délicieux qui a forgé mon rapport au monde, Miss Granger, ironisa-t-il, lèvres pincées.
- Je comprends mieux votre peu de goût pour les autres.
Une femme aux talons bruyants traversa la rue et tous deux suivirent des yeux son imperméable cramoisi qui disparut au loin.
- Où est Bellatrix ? demanda-t-elle finalement.
- Partie. Autour de trois heures, ce matin.
Chaque silence entre leurs échanges était pesant, aussi dur à transpercer que le cuir d'un dragon.
- Pourquoi pas vous ?
Rogue leva un sourcil circonflexe et croisa les bras sur sa poitrine. Il s'était délesté de son habituelle cape d'hiver qu'il portait d'ordinaire même en été, ainsi que de sa redingote étriquée déposée plus loin sur le valet de bois, et n'était plus couvert que d'une chemise sombre.
Elle esquissa un sourire mais n'insista pas. Son visage redevint grave.
- Cela a fonctionné... constata-t-elle à nouveau, comme pour le prendre à témoin.
- En effet.
- Vous ne semblez même pas surpris ?
- Miss Granger... pensez-vous réellement que je vous aurais laissée livrée au hasard du danger, en n'étant pas fermement certain que vous aviez vu juste quant à vos antidotes ?
Hermione fronça les sourcils. Il lui avait semblé si évident de trouver le perce-neige et les jujubes parmi les ingrédients que le maître des potions lui avait fournis, la veille... Elle ne s'était même pas demandé s'il avait vérifié qu'elle ne s'était pas lamentablement trompée, en suggérant les deux alternatives.
- Mais comment...
Elle fronça les sourcils.
- Votre mère !
- Touché.
- Elle connaissait tous les ingrédients, bien sûr. Comment ai-je pu oublier de lui demander confirmation...
La serdaigle secoua le visage, soudain un peu honteuse de sa grossière négligence lors de son échange avec Eileen Prince.
- Une preuve de votre inexpérience, sans aucun doute, railla-t-il.
Hermione eut soudain envie de lui lancer un coup de coude sous les côtes, mais se ravisa. Rompant finalement un long silence, elle eut un sourire pâle.
- Professeur ?
Il grogna.
- Que devrais-je faire à présent ?
Elle avait fui Poudlard en n'ayant laissé aucun indice derrière elle, ni prévenu personne. Le Ministère la rechercherait à coup sûr dès demain, quand le collège se serait aperçu de son absence, au moins pour se vanter de sa capture. Sa baguette serait surveillée, tout comme ses déplacements magiques. A cette question, Rogue plissa les yeux et une ride se dessina au coin de ses lèvres. Son regard resta suspendu à l'horizon blême.
- Disparaissez. Cachez-vous. Faites-vous oublier, trancha-t-il.
Son conseil était à la fois évident, pertinent et terriblement effrayant. Se faire oublier… de tous ? Se cacher… comment ?
- J'ai du mal à imaginer comment il me serait possible de me cacher du ministère…
- Ce n'est pas une entreprise à la portée de tous mais… j'y ai longuement songé… Vous avez des parents Moldus, et le ministère se fiche bien du monde moldu, quoi qu'il en dise. Personne n'ira vous traquer là-bas. Ceci est d'autant plus vrai avec l'avantage de la cape de Potter maintenant en votre possession. Cependant…
Les sourcils de Rogue se froncèrent plus subtilement, comme s'il était prêt à dire quelque chose de très gênant, ou de grotesque. Il lui lança un regard à la dérobée.
- Il vous faudra laisser quelque part votre baguette.
Hermione sursauta. La solution était aussi évidente que radicale. Elle devrait disparaître du monde magique et donc, cesser de la pratiquer.
- Abandonnez-la avec quelques vêtements.
La serdaigle plissa le front.
- Certaines potions de magie noire ont le pouvoir de tuer, et c'est le cas de la vôtre. La plupart du temps, les corps disparaissent, évanouis, totalement supprimés du monde. Alors…
- Ils suivront la trace de ma baguette, découvriront mes vêtements et… penseront que j'ai été détruite par la potion ?
- Ingénieux, n'est-ce pas ? se vanta-t-il avec un sourire malin.
Hermione eut un rire jaune.
- Fantastique. J'ai hâte de roder sans but, nue, sans fin, sous la cape d'invisibilité, pour éviter la Brigade Magique.
Rogue ne broncha pas. Il paraissait étonnamment grave.
- Croyez-vous qu'ils finiront par m'oublier ?
- Le ministère ? Oh… très certainement. Ils auront votre baguette. Et il sera dans leur intérêt d'étouffer l'affaire. Imaginez, si le monde magique apprenait que finalement, votre potion était bien réelle et qu'ils vous ont sacrifiée sur l'autel de leur position contre la Magie Noire…
Elle appuya sa tempe frisée contre la vitre collante et leva vers Rogue un regard incertain, alors qu'il laissait retomber ses yeux sombres dans les siens.
- Et vous ?
Il leva un sourcil.
- M'oublierez-vous ?
Les mots franchirent ses lèvres bien plus rapidement qu'elle ne l'aurait souhaité. L'avait-elle seulement souhaité, d'ailleurs ? Son cerveau n'eut pas le temps de songer à censurer cette question bien trop impliquante. Elle avait déjà jailli à la face d'un Rogue qui demeura totalement impassible.
- Voilà un questionnement des plus puérils, Miss Granger.
Tout en se parant de mépris, il n'avait pas arraché ses yeux des siens, et son expression se colora tour à tour de crainte, d'incertitude et…. d'envie ? Depuis le début de leur échange, il se tenait proche, trop proche d'elle. Évidemment, cela ne posait pas question tant que l'ambiguïté ne prenait pas autant de place entre eux. Mais à présent… Hermione sentait son souffle étonnamment lourd contre son front. Son regard était indéchiffrable, multiple. Ses narines tremblèrent et sa bouche s'entrouvrit à peine, comme pour l'attirer à lui tout en la tenant à distance. Et elle, toute mue par ce paradoxe, se sentit pencher dangereusement, irrémédiablement. Elle risqua une brève œillade vers sa bouche et rougit instantanément, la gorge serrée et les lèvres sèches.
- Granger… gronda-t-il dans un murmure si rauque qu'il manqua de mourir dans sa gorge.
Son ton n'était pas aussi réprobateur qu'il semblait l'avoir voulu et bientôt, la lueur de l'aube morne ne perça plus entre leurs deux visages. Hermione avait avancé le sien, lentement, sûrement, et lui n'avait pas battu en retraite. À présent, alors que leurs lèvres se frôlaient, Rogue avait conservé les yeux bien ouverts, espérant peut-être contrôler ainsi l'improbable tournure que prenaient les événements. Il eut un soupir lourd de sens, et de désir.
- Je crois que nous devrions faire ce pour quoi on nous a blâmés, murmura-t-elle en un souffle.
Sans plus d'hésitation, elle posa une main sur ses bras croisés et s'éleva sur la pointe des orteils pour venir poser sa bouche contre la sienne, serrant fort les paupières comme pour annuler son appréhension. Elle n'avait pas pris la peine de s'assurer qu'il n'allait pas la repousser avec l'énergie du refus. Leur soirée dans la Salle sur Demande lui paraissait si loin, si surréaliste… Heureusement, il n'en fit rien. Quand elle recula légèrement, elle croisa un regard insondable, des sourcils qui se froncèrent à peine, une moue à la fois tentée et affolée par la tentation. Sans prévenir, ce fut lui qui plongea sur sa bouche, plus franchement, plus désespérément qu'elle ne l'avait fait. Il n'y eut alors plus de doute, aucun d'eux ne repousserait l'autre. Ils ne prononcèrent pas un mot, quand le baiser se rompit dans un froissement humide. Le regard d'Hermione criait : « encore » et celui de Severus accueillit cette demande avec avidité. Leurs lèvres se happèrent une nouvelle fois, plus ardemment. Son grand nez, à lui, se nicha au flanc du sien et ses longues dents, à elle, ne firent obstacle à aucun des hommages qu'il lui rendit. « Encore »… Il dégagea sa main droite et la glissa tout contre la joue de la fugitive, son pouce s'attarda contre sa bouche comme pour la pénétrer. Il se contenta finalement de couler contre sa lèvre inférieure, gonflée d'envie, en l'emportant légèrement avec lui. « Encore » … ordonnèrent ses yeux brillants, avant qu'elle n'avance vers sa bouche une langue décidée, qu'il accueillit contre la sienne avec un grondement étouffé. Lentement, Severus laissa sa main gauche fondre le long du bras ballant et nu d'Hermione, la pulpe de ses phalanges caressant subtilement l'intérieur de son poignet. Leurs doigts s'entremêlèrent finalement, paume contre paume. Elle s'ôta subrepticement de leur baiser. Ses yeux ne chantaient plus le même « encore ». Cet « encore » -là était différent. Plus ambitieux, mais moins confiant. Tirant Severus par la main, elle recula jusqu'à sentir le plateau de chêne massif du bureau s'écraser à l'arrière de ses cuisses nues. Il n'opposa aucune résistance à ce geste et se laissa emporter à sa suite. Hermione bénit alors le jour de ne pas s'être complètement levé. Là, à demi-nue, prisonnière de son initiative, elle préférait ne pas croiser son regard. Elle se l'avoua, enfin... elle était un peu gênée. C'était sans compter sur ses mains, qu'elle avait si longuement observées ces derniers mois, et qui traçaient sur ses avant-bras des chemins légers, presque tendres. Les yeux jais de Severus cherchèrent les siens et, ne les trouvant pas, il fit lentement pivoter son visage de ses doigts posés sur sa mâchoire. Là, dans ses prunelles obsidienne, elle découvrit beaucoup de désir, d'envie, d'attention aussi. Ses lèvres étaient entrouvertes, et lentement, sa main droite se porta au col de sa chemise auquel il donna un peu de mou. "C'est vrai qu'il fait chaud", songea-t-elle. Finalement, elle se hissa sur le plateau de bois et l'attira à elle, une main glissée entre les boutons de sa chemise. Lui, en profita pour écarter ses genoux en y appuyant sa cuisse et vint apposer son entrejambe tout contre le sien. Il eut un soupir, ferma les paupières. Sa bouche s'entrouvrit et Hermione vit passer furtivement sur sa lèvre inférieure la pointe de sa langue. Là, elle n'y tint plus, et s'empara à nouveau de lui, avec moins d'égards, plus d'appétit, cette fois. Il expira contre sa joue et la suivit dans ce baiser sans équivoque. Ses mains se posèrent sur les genoux nus d'Hermione et glissèrent peu à peu sur la peau fine de l'intérieur ses cuisses jusqu'à l'orée de son caleçon trop grand. Elle soupira dans sa bouche, et arrêta la progression de ses mains en y plaquant les siennes, presque brusquement. Alors qu'il l'interrogeait du regard, interdit, elle guida l'une de ses mains jusqu'à son centre, qu'aucun sous-vêtement ne rendait inaccessible, et surtout pas ce short détendu. Elle était trempée, ouvertement, absolument trempée. Les paupières de Rogue cédèrent un instant, ses narines palpitèrent, et il l'embrassa de nouveau, taisant un grognement dans sa bouche. C'est l'un de ses pouces qu'il choisit de faufiler entre ses replis jusqu'à son bouton palpitant.
- Oui… laissa-t-elle échapper.
La bouche d'Hermione demeura entrouverte alors qu'il la quittait pour cheminer sous son oreille, dans un creux qui la fit frissonner. Elle aurait trouvé tellement excitant qu'il glisse là quelques mots crus, bien choisis, distillés… mais il n'en fit rien. Il resta absolument silencieux et ne laissa rien trahir de son bouillonnement intérieur. Alors que son pouce la caressait, toujours lentement, mais régulièrement, elle se prit a déjà vouloir plus. Il avait faufilé une main sous son tee-shirt, tout aussi large que son short, et l'avait posée sur son sein, sans rien faire de plus.
- Vos doigts… souffla-t-elle dans ses cheveux.
Severus se redressa et, feignant l'étonnement, il ouvrit sa bouche sur la sienne, plus entreprenant, plus envahissant que jamais. Elle se laissa fondre un long moment puis, se saisissant de sa main, elle la porta à bouche pour passer sa langue le long de son majeur et de son annulaire. Il l'observa et se mordit la lèvre, fort, comme pour faire taire un grognement qui aurait été bien trop animal. Tout était clair. Hermione bougea un peu contre lui et évacua son bas de pyjama, devenu totalement inutile. A peine le tissu tombé au sol, il répondit à sa prière, et glissa en elle les deux doigts choisis, lui arrachant un cri plus franc. Severus se saisit alors de sa baguette qui reposait tout près sur le bureau et, d'un informulé, fit taire les bruits de la rue et de la maison. Ainsi, personne ne les entendrait non plus.
- Vous êtes plutôt du genre bruyant ? haleta-t-elle, ironique.
- Pas exactement. Mais…
Il ne fit aucune allusion à son expressivité.
- Ce bureau, par contre, est plutôt du genre… branlant.
A ces mots, ses doigts commencèrent lentement à s'activer en elle et elle ne répondit plus de rien. Elle s'agrippa tant bien que mal à ses épaules et se contenta de laisser exploser le plaisir qu'il lui donnait, en la caressant exactement comme elle l'aurait fait elle-même. Pliant à chaque retour ses phalanges au fond d'elle, il ponctuait ses allers et venues d'une pression de son bassin contre le sien, qui ne laissait aucune place à l'imagination.
- Oh…
Les mots la quittaient à présent et elle n'eut même pas conscience de sa position qu'elle aurait trouvée presque vulgaire, jambes grandes ouvertes, ses talons reposant sur le bord du plateau. Sans y prêter attention, elle descendit ses doigts vers ses lèvres gonflées et le rejoignit dans ses caresses. Severus avait passé un bras autour de sa taille et la soutenait de plus en plus activement, alors qu'elle sentait ses forces la quitter.
- Je vais jouir, souffla-t-elle contre ses lèvres, comme effrayée, les yeux crispés.
Severus embrassa sa jugulaire et y planta ses dents, fermement, lui arrachant un gémissement.
- Non, attends.
Il s'immobilisa. En un instant, tout son plaisir dégringola, elle qui était presque au sommet. Elle rouvrit ses paupières fourbues et lança sa tête en arrière, riant nerveusement, prête à l'insulter. Il avait lâché sa prise et elle s'était retenue in extremis pour ne pas s'affaler sur le bureau. Un instant plus tard, qui lui parut une éternité, il posait la vieille chaise de Formica devant elle, et plongeait sa bouche avide entre ses cuisses. Hermione hurla, ou grommela quelques mots auxquels elle n'eut même pas le loisir de réfléchir tant la surprise et le plaisir l'emportèrent. La langue de Severus allait lentement, mais sûrement et, lentement mais sûrement, elle reprit le chemin vers la jouissance. Elle avait été si proche… Quel salaud. Quel… génie… Son bassin ondulait légèrement à sa rencontre. La cadence était parfaite, le toucher ni trop appuyé, ni trop léger, bon sang… Hermione se mordit la lèvre et tendit l'une de ses jambes pour la poser sur son épaule. Elle se laissa faire un moment, jusqu'à le désirer si fort que ses simples caresses ne lui suffirent plus.
- Severus… appela-t-elle.
Ce n'était pas la première fois qu'elle gémissait son prénom, et il ne sembla pas y prendre garde.
- Severus ?
Un son discret et presque inattentif lui fit comprendre qu'il l'avait entendue. Elle le saisit alors doucement par les épaules et le repoussa juste assez pour se dégager de lui, presque à regret. Sans ménagement, elle s'apprêta à prendre place sur lui, quand il l'arrêta :
- Je ne crois pas que cette vieille chaise résistera à tes assauts, prévint-il.
Prestement, il prit sa main et tomba à la renverse sur le lit, dont il rejoignit la tête après s'être défait de ses bottines d'un mouvement preste des pieds. Tout embrouillée de désir, elle se plaça sur lui, à califourchon. Elle ne se laissa pas le temps de le détailler avant de fondre sur lui, et bien mal lui en prit, car la vision était hautement érotique. Le maître des potions gisait là, adossé au mur, les cheveux dépeignés, les bras ballants, la chemise fermée à demi-sortie de son pantalon de velours noir, la bouche encore luisante de l'avoir embrassée à n'en plus pouvoir. Il plaça ses mains à plat sur les cuisses d'Hermione et leva le menton pour venir prendre ses lèvres, doucement. Elle baissa les yeux vers son bas-ventre et aurait pu rougir, si tout ce qui s'était déroulé durant les minutes précédentes n'avaient pas annihilé toute honte possible. Elle glissa alors ses mains entre eux et dégrafa la boucle de sa ceinture, puis le bouton et la fermeture de son pantalon. Enfin, elle faufila ses doigts dans son caleçon et se saisit de lui, avec hâte et appréhension. Il inspira et souffla lourdement, posant brutalement sa main sur la sienne.
- Patience, souffla-t-il.
Elle leva un sourcil interrogateur, réaction qu'elle avait héritée de lui, à n'en pas douter. Severus se pencha vers sa veste et retira de l'une des poches intérieure un minuscule étui de cuir noir.
- Patience… s'impatienta-t-elle, roulant des yeux, en ondulant légèrement contre lui, se courbant pour embrasser langoureusement la peau juste sous son oreille.
Impassible, il dénoua de ses longs doigts le lien qui maintenait la pochette fermée et en ouvrit le rabat, la commissure des lèvres plissée en un sourire infime. A l'intérieur se trouvaient quatre fioles. Hermione eut le temps de repérer du Veritaserum, une potion antidouleur, une préparation pour un sommeil sans rêve et… un philtre contraceptif, qu'il préleva avant de laisser tomber l'étui sur la tablette de nuit. Le sourcil d'Hermione se percha plus haut.
- Ce n'est pas comme si je venais de me débarrasser de la totalité des cellules qui auraient pu présenter le risque que je tombe enceinte, railla-t-elle.
- On n'est jamais trop prudent.
De l'index et du pouce, il dévissa sans broncher le bouchon de liège qui fermait le petit flacon. Elle tendit la main, mais rien ne vint.
- Je vais la boire, qu'on en finisse, s'exaspéra-t-elle.
- D'ordinaire, je prends moi-même mes potions contraceptives, expliqua-t-il.
- Quoi ? Mais… Je pensais que…
- Que la besogne était réservée aux femmes ?
Elle haussa les épaules, incrédule.
- Une seconde preuve de ton inexpérience, sans doute, railla-t-il en levant brièvement les yeux vers elle.
Sans réfléchir, elle enfonça son index dans son plexus, et il eut un soubresaut accompagné d'un rire rauque. Avec dextérité, elle s'empara du flacon, un éclat malin dans le regard.
- Ouvrez la bouche, Severus Rogue, ordonna-t-elle.
Il s'exécuta.
- Je n'ai pas demandé de fermer les yeux, compléta-t-elle en se penchant pour passer grossièrement la langue sous sa lèvre supérieure.
Il eut un grondement bref, de ceux qui précèdent l'attaque du fauve. Alors, lentement, Hermione versa le liquide poisseux, d'un bleu sombre, entre les lèvres entrouvertes tendues vers elle. Aussitôt, elle l'embrassa de toute sa bouche, comme si finalement, elle ne parvenait pas à accepter pleinement qu'il fut le seul à porter la responsabilité de l'absorption de cette fichue potion.
- Attends… l'interrompit-il à nouveau, les yeux inhabituellement bas. Je suis… simplement… je suis heureux que tu aies choisi demeurer parmi les lotophages…
Severus l'observa un moment et Hermione eut un sourire sincère avant de déposer sur ses lèvres un baiser bien plus tendres que les précédents. Enfin, appuyant son front contre le sien, elle plongea sa main entre eux et le guida en elle avec une infinie lenteur. Quand elle le prit il eut, pour la première fois, un long gémissement rauque, et sa main agrippa sa nuque. "Oh oui… Merlin…", elle n'osait pas s'exprimer davantage, car il restait si silencieux, presque totalement muet. Quand leur baiser cessa, elle attrapa son regard et ne le lâcha plus. Il y avait dans ses yeux autant de brume que sur le Lac Noir au printemps, et autant de désir que dans les siens. C'était un peu effrayant. Elle initia un pas lancinant, appuyé, marquant une pause après chaque longue pénétration, se suspendant au sommet de son sexe à chaque retrait. Elle prit soin d'orienter précisément son bassin pour que son clitoris vienne lécher le bas-ventre du maître des potions, frémissant sous la sensation de ce peau à peau. Cherchant davantage de contact, elle décréta une trêve durant laquelle elle défit fébrilement les boutons de sa chemise, du bas vers le haut, avant d'en écarter les pans dans un geste vainqueur. Enfin, elle découvrit son torse, pâle, à peine plus velu que ses bras. Elle s'y appuya des deux mains pour reprendre sa danse, à présent désorganisée.
Le sexe avec Severus était parfait ou du moins, il lui convenait parfaitement. Elle choisissait le rythme, il y répondait, elle choisissait l'angle, il l'appuyait… "Bordel…", songea-t-elle crûment. Elle aurait voulu l'encourager, le pousser plus loin, plus fort, alors elle laissa exploser dans sa tête ces mots qu'elle n'osait dire : "Baise-moi, baise-moi… Prends-moi plus fort, plus fort… plus loin… Severus… Oui… Plus vite… au fond… au fond…"
Les paupières de Severus se crispèrent et il passa sa langue sur ses lèvres asséchées par une respiration trop rapide. Lentement mais sans lâcher la cadence, il embrassa sa mâchoire jusqu'au creux de son oreille, où il murmura :
- Dis-le tout haut…
Elle gémit. Bon sang ! Foutue et bénie légilimancie.
- Dis ces mots, Hermione…
Elle secoua la tête. Non, pas comme ça, c'était trop… vulgaire, trop… pas assez…
- Baise-moi… chuchota-t-il.
Son souffle était brûlant, ses paroles, incandescentes. Hermione était découverte, mise à nu. Il emmêla ses doigts dans ses cheveux, à la base de sa nuque et elle releva le menton, juste assez pour qu'il plaque contre sa jugulaire une bouche dévorante.
- Baise-moi… prends-moi plus fort…
Elle accéléra la cadence, ou peut-être était-ce de son fait, à lui. Bientôt, le lit vint cogner si fort contre la cloison qu'elle le bénit d'avoir lancé une insonorisation. Et son sexe, son sexe cognait si fort contre… « Morgane toute puissante », songea-t-elle.
- Plus fort… haleta-t-il, la voix légèrement moins grave qu'à l'ordinaire.
La main qu'il avait perdue dans sa tignasse voyagea lentement à plat le long de son dos voilé de sueur, pour venir s'échouer sur sa hanche, dont il empoigna vivement la chair. Peut-être était-ce pour tenter de maîtriser le rythme, ou pour se raccrocher désespérément à la réalité.
- Plus loin ? questionna-t-il contre son oreille, haletant.
- Oui, Severus, oui, osa-t-elle répondre, le visage à présent perdu dans ses cheveux et dans un plaisir qui envahissait jusqu'au moindre recoin de son corps et de son esprit.
Son front vint s'échouer sur l'épaule du maître des potions.
- Plus vite…
- Oui ! Oh… oh oui…
Elle perdait pied. Elle aurait pu hurler, pleurer, paniquer devant tant d'intensité. Et ses mots… Morgane… il semblait la prier de le prendre, plus vite, plus fort, et elle en égarait tout simplement ses esprits.
- Au fond… au fond… murmura-t-il dans de longs, lents, lancinants mouvements.
Le sang bourdonnait aux oreilles d'Hermione qui n'entendait plus que leurs souffles mêlés dans le brouhaha de ses sensations. Et soudain, tout se suspendit. Le temps vola en éclat, elle perdit toute notion de qui elle était. Tout ce que son corps savait, c'est que l'orgasme venait de la saisir, déferlant, impétueux, plein. Elle se laissa alors traverser par un long râle et s'effondra contre lui. Ses tympans sifflaient, sa gorge brûlait. "Je t'aime, je t'aime", scanda-t-elle en secret, la joue pressée contre sa clavicule. Les mots avaient éclaté dans son esprit comme une évidence.
- Je t'aime… je t'aime… murmura-t-il contre sa tempe, à bout de souffle.
