Le silence était pesant tandis qu'ils avançaient dans la forêt. Leurs jambes avaient été déliées pour qu'ils puissent marcher, mais leurs mains étaient toujours attachées dans leur dos. Harry était presque sûr qu'avec des liens si serrés, il était impossible que leurs circulations ne soit pas coupées. Shacklebolt était à la tête du groupe. Deux autres sorciers les encerclaient de chaque côté et quelque part derrière eux, Harry pouvait entendre la Métamorphomage ce prendre les pieds dans les racines.
Lorsqu'ils atteignirent le camp, Harry était glacé jusqu'aux os. Ses mains étaient toutes engourdies de même que ses pieds. Personne ne semblait disposé à lui jeter un sort de chaleur, sans doute trouvaient-ils que ce châtiment conviendrait pour le punir de la morsure.
Mais alors que son esprit s'affolait à essayer d'échafauder un plan qui leur permettrait de prendre la poudre d'escampette, il surprit à plusieurs reprises les coups d'œil que lui jetait Draco. Depuis qu'il avait dévoilé le nom et la condition de non-mage d'Harry à leurs assaillants, Draco restait silencieux. En jetant en regard en coin au blond, Harry découvrit l'agitation dissimulée dans ses yeux gris perle.
Trébuchant sur ses propres pieds, Harry serra les dents et se renfrogna. Il aurait pu empêcher tout ça s'il était resté et avait raconté ce qu'il avait vu à Severus. Toutefois, les chances que Draco ne soit plus qu'une coquille vide avant que le maître des potions ne puisse venir au secours de son filleul étaient trop importantes.
Au moins, grâce à son intervention, Draco était en vie et non pas couché dans la neige froide à attendre que les créatures de la forêt ne viennent se repaître de sa chair en toute impunité.
Un groupuscule de tente apparut soudainement devant eux. Harry cligna des yeux de surprise avant de réaliser que des protections avaient sûrement été lancées autour de leur emplacement pour les rendre invisibles.
A première vue, les tentes ne payaient pas de mine. Elles étaient de couleur brune et paraissaient pouvoir s'envoler au moindre coup de vent. Harry n'eut pas l'opportunité de pouvoir examiner davantage le camp, que Draco et lui furent poussés vers l'une des deux plus grandes tentes.
Shacklebolt et la Métamorphomage disparurent dans l'une d'entre elles, tandis que Draco et Harry furent poussés à l'intérieur d'une autre. Les deux garçons furent alors contraints de se mettre à genoux, puis on les laissa livrés à eux-mêmes.
Harry adopta une position un peu plus confortable. Ses jambes étant libres, il put s'assoir sans y mettre tout son poids. Il était consterné par leurs comportements négligeant, les sous-estimaient-ils au point de les laisser sans surveillance ? Il grimaça lorsqu'un tiraillement douloureux se répandit dans tout son corps frigorifié. Il avait l'impression qu'un million de couteaux s'enfonçaient dans sa peau, que quelqu'un s'amusait à les remuer avant de les retirer lentement puis de recommencer aussitôt. Il serra les dents pour éviter qu'un gémissement ne traverse la barrière de ses lèvres, tandis qu'il tentait de gigoter le moins possible, s'efforçant de défaire les cordes qui lui maintenait les poignets.
Comme le voulait la tradition du monde sorcier, l'intérieur de la tente était beaucoup plus vaste que ne le laissait supposer l'extérieur. La pièce dans laquelle ils se trouvaient semblait être la seule. A première vue, la tente était inutilisée avant qu'ils ne soient jetés à l'intérieur. Elle avait probablement été apportée dans l'objectif d'y parquer des prisonniers ou d'être utilisé comme simple salle de stockage.
Il n'existait qu'une seule issue et la tente était dépourvue de fenêtre. De plus, le sol sur lequel ils reposaient était fait d'un bois rugueux, ce qui n'offrait pas la possibilité de creuser un trou pour s'échapper. Autant dire que les options pour les sortir de ce guêpier étaient assez réduites. D'autant plus que la baguette de Draco avait été saisie et qu'Harry était bien incapable de produire la moindre parcelle de magie.
« Qu'est-ce que tu fous ? » à la question de Draco, Harry cessa de bouger. Jusqu'à maintenant, il avait complétement oublié la présence de l'autre adolescent à ses côtés.
« J'essaie de me libérer », il désigna les cordes qui maintenaient ses mains liées derrière son dos d'un geste de la tête.
Avant même que Draco n'ouvre la bouche, Harry pouvait sentir le regard dédaigneux du blond sur lui. « Au cas où tu l'aurais oublié, ses cordes ont été créées magiquement,», rappela-t-il. « Ce qui signifie qu'il est impossible de s'en défaire sans baguette, baguette qui, à l'heure actuelle, n'est plus en ma possession grâce à ses sauvages totalement dépourvus de savoir-vivre. »
Harry laissa un petit sourire orner ses lèvres. Malfoy avait l'art de trouver des prétextes, aussi saugrenu soit-il, pour laisser libre cours à son mécontentement.
Il n'était même pas surpris par le comportement de Draco. « Crois-moi, je suis bien conscient de la situation dans laquelle on est, mais ça ne veut pas dire que je ne peux rien tenter. Avec de la chance, ils pourraient avoir commis une erreur dans l'incantation qui aurait fragilisé les liens, ou quelque chose du genre », murmura-t-il à Draco alors que ses dents claquaient à cause du froid.
Ils tombèrent dans un court silence avant que Draco ne ressente le besoin de parler. « Je ne comprends pas ces gens. » Harry se contenta de hausser un sourcil, attendant que le blond poursuive. Toutes ses années en sa compagnie lui avaient appris que son ami aimait être dramatique. Lorsque Draco s'aperçut qu'il ne comptait pas lui demander plus d'explication, le blond se vexa mais reprit quand même.
« Ce sont des rebelles. Ils se battent pour les droits des moldus, des nés-moldus et pour tous ceux qu'ils estiment être opprimés sous le régime du Seigneur des Ténèbres. Dans tous les cas, ils auraient dû te laisser partir dès qu'ils ont appris que tu étais un cracmol. Il n'y a aucune raison pour que tu sois retenu prisonnier ici, avec moi. » Au fur et à mesure que Draco parlait, Harry sentit l'anxiété commencer à s'installer progressivement en lui. Il savait que Draco pensait faire au mieux. Et peut-être que s'il n'avait pas évoqué son nom, le plan aurait pu fonctionner. En attendant, Harry doutait qu'il puisse faire quoi que ce soit pour changer leur situation actuelle.
Ils ne purent aller plus loin dans leur conversation, puisqu'ils furent interrompus lorsque quelqu'un pénétra dans la tente où ils étaient retenu captif. Harry baissa la tête, gardant son regard braqué sur un point au niveau de ses genoux. « Tu-Sais-Qui est vraiment tombé si bas qu'il a recours à des mômes pour faire le sale boulot à sa place ? C'est pathétique. » La voix grondante rendit Harry nerveux. Comme si cette journée n'était pas déjà assez éprouvante, il fallait en plus qu'il tombe sur lui.
« Puisque vous êtes encore jeunes et inexpérimentés mes petits gars, je vais vous faire une fleur et me présenter. Je me nomme Alastor Maugrey, mais vous me connaissez certainement en tant que Maugrey Fol Œil. » Draco prit une grande inspiration et Harry ne compris que trop bien la réaction de son ami.
Maugrey était connu pour être le receleur de l'ordre lorsque les prisonniers était peu disposés à cracher ce qu'ils savaient. Autrement dit, c'était lui qu'on envoyait quand une personne devait être torturée.
L'homme se rapprocha, et Harry put presque sentir son œil magique d'un bleu électrique, scruter le fond leurs âmes. « Quelle piètre équipe vous formez. Le morveux Malfoy, tu ressembles à ton père, et crois-moi, il n'y a pas de quoi être fier », dit la voix bourrue avec mépris.
Draco ne tarda pas à réagir à l'insulte. « Retire ce que tu viens de dire ! Mon père est le bras droit du Seigneur des Ténèbres et je m'efforce d'être à son image », déclara-t-il d'une voix emplie de colère. Le bruit de la peau claquant la chair résonna, faisant sursauter Harry. Au même moment, Draco proféra un flot de jurons que Harry ignorait qu'il connaissait. L'atmosphère était tendue et Harry ne put s'empêcher de frissonner.
Severus devrait surveiller ses paroles en présence de son filleul. Son langage quelque peu fleuri se répercutait sur le précieux rejeton Malfoy.
Ce petit moment d'égarement fut balayé lorsque deux botes apparurent dans son champ de vision. « Mais toi, en revanche. » Devant le manque de réaction d'Harry, une main vint empoigner ses cheveux pour l'obliger à basculer la tête en arrière et le forcer à lever les yeux.
Harry ne savait pas trop à quoi il s'attendait. Curieusement, Maugrey n'avait pas tellement changé depuis la dernière fois qu'Harry l'avait vu, bien des années auparavant. Son visage grossièrement sculpté avait gagné de nouvelles cicatrices et il lui manquait toujours une partie de son nez. Dans ses cheveux hirsutes se trouvaient désormais des mèches argentées, signe que le temps n'avait pas épargné l'homme.
« Tu as énormément changé, Harry Potter. Tu devrais être fière de ressembler autant à ton père et à ta mère. » Maugrey lâcha finalement ses boucles et son souffle se coupa comme s'il c'était pris un coup de poing dans le ventre.
Faisant rouler sa nuque complètement raide après avoir dû adopter une position si inconfortable, Harry lança un regard noir au sorcier. « Croyez-moi, si j'avais eu la possibilité de ne pas leur ressembler, je l'aurais saisie sans aucune hésitation. Malheureusement, à part me scarifier le visage et m'arracher les yeux, je n'ai rien trouvé qui puisse faire une telle chose. » La force du coup qui le heurta à la fin de sa diatribe le fit basculer en arrière, le mettant sur le dos. Il cligna des yeux plusieurs fois pour endiguer le surplus d'eau, refusant de laisser les larmes déborder.
« Laissez-le tranquille ! Attaquez en vous à quelqu'un qui est en capacité de se défendre. Evidemment, qui pourrait s'attendre à mieux de la part d'un fou amoureux des sang-de-bourbes ? Rendez-moi ma baguette et je vous montrerais comment un sorcier digne de ce nom est censé se battre. » S'égosilla Draco.
« Silencio. » Bien que les lèvres de Draco ne cessèrent d'articuler des mots, aucun son ne les franchirent. Satisfait du calme instauré, Maugrey reporta son attention sur le brun. « Une missive indiquant ta présence dans notre camp a déjà été envoyée à Albus. Il devrait la recevoir d'ici demain. » La baguette de Maugrey était restée braquée sur Draco durant toute la durée de sa déclaration.
Cette mise en garde était sans équivoque : si Harry tentait de reproduire la même chose qu'avec Shacklebolt, il devrait s'attendre à ce que Draco en subisse les conséquences.
C'est pourquoi il n'esquissa pas un geste quand Maugrey sortit une fiole de l'une de ses poches. « Mais même si Albus n'apprendra la bonne nouvelle que demain, rien ne nous empêche de commencer dès maintenant. Cela nous garantira également que tu ne seras pas en état de t'échapper. » La fiole contenait une potion épaisse et brunâtre. Harry sentit la terreur lui nouer l'estomac en comprenant ce qui allait lui arriver. Maugrey tenait le flacon juste devant son visage, hors de sa portée comme pour le narguer.
Maugrey déboucha la fiole et renifla la substance. « Après que tu te sois enfui, seulement une poignée des potions a pu être sauvée, et celle-ci fait partie des rares que nous avons pu récupérer. Il paraît que certaines potions deviennent plus efficaces au fil des ans. Vérifions si c'est le cas pour celle-ci. » Harry essaya de s'enfuir, mais Maugrey fut plus rapide et l'immobilisa en appuyant son genou sur sa poitrine. De sa main libre, Maugrey força la mâchoire encore douloureuse d'Harry à s'ouvrir pour pouvoir lui administrer le liquide.
Harry crachota quand sa bouche fut soudainement envahie d'une mixture visqueuse, et essaya de se dégager de la poigne du rebelle, afin de se débarrasser de la potion au goût infect. Malheureusement, Maugrey réagit immédiatement.
L'homme obstrua les voies respiratoires d'Harry, en recouvrant de sa paume son nez et sa bouche. Luttant contre Maugrey, Harry cherchait désespérément à se soustraire de son emprise pour pouvoir cracher la potion. En dépit de son âge et de son handicap, Maugrey parvint à maintenir Harry à terre sans trop d'efforts.
L'homme finit par lâcher le flacon désormais vide et enserra la gorge d'Harry de son autre main. La pression qu'il exerça sur sa trachée fut suffisante pour pousser Harry à renoncer à se débattre. Il était complètement impuissant et l'homme pouvait, d'un simple geste, lui tordre le cou s'il faisait le moindre mouvement imprudent. Harry doutait que l'homme irait aussi loin, mais il avait eu vent des prétendus accidents survenus systématiquement lorsque Maugrey était laissé seul avec un prisonnier récalcitrant.
Alors que le manque d'air se faisait de plus en plus oppressant, Harry sentit son corps agir indépendamment de sa volonté. La potion glissa lentement dans son œsophage à mesure qu'il déglutissait, laissant un arrière-goût épouvantable.
Maugrey le relâcha après s'être assuré que la potion ait été ingérée. Nauséeux, Harry se mit sur le flanc sitôt que l'homme se fut éloigné pour vomir, espérant pouvoir évacuer le breuvage de son organisme ainsi. Son estomac protestait violemment contre la chose infâme qu'il avait dû absorber.
Avec les mains attachées dans le dos, Harry se recroquevilla du mieux qu'il put alors qu'il subissait les soubresauts de son abdomen. C'était une douleur pire que celle qu'il avait éprouvée lorsqu'il avait été frappé pour avoir mordu Shaklebolt. Au moins, n'avait-il pas été obligé d'avaler le sang de l'homme.
Son champ de vision commençait déjà à s'obscurcir au moment où le regard d'Harry croisa celui de Draco. La raison pour laquelle le blond n'avait rien tenté pour lui venir en aide lorsque Maugrey l'avait contraint à boire la potion, s'expliquait par le fait qu'il était maintenu par la Métamorphomage.
« Fait de beaux rêves, Potter », prononça Maugrey avant de quitter la tente et de laisser le rabat se refermer derrière lui.
Sous l'emprise de plus en plus forte de la potion, Harry luttait pour garder les yeux ouverts et scruter les alentours. Bien qu'il soit conscient du regard que lui portaient Draco et la femme, Harry peinait à se focaliser sur l'un ou l'autre.
Des larmes lui brouillèrent la vue sans qu'Harry ne puisse prononcer un seul mot.
Ses prémonitions passées ne pouvaient guère être comparées avec celle qu'il avait présentement, puisqu'Harry avait abandonné toute illusion de contrôle. Il se sentit sombrer dans l'obscurité avant que des images ne commencent à se succéder sous ses yeux, bien loin de l'endroit où reposait son corps.
Tel un fantôme, il survolait les scènes en perpétuel changement. Certaines défilaient si vite qu'il se demandait s'il était possible de ressentir des haut-le-cœur alors qu'il n'était même pas éveillé.
Harry se trouvait maintenant dans une rue moldu qui lui était, hélas, bien trop familière à son goût. Little Whinging abritait le quartier pavillonnaire de Privet Drive, qui se composait de maisons mitoyennes ennuyeuses et sans aucun charme. La rue était bordée de lotissements presque tous identiques, alignés les uns après les autres pour une clientèle élitistes. Les véhicules avaient été remplacés par des modèles plus récents et plus sophistiqués, et le numéro huit était désormais orné d'un rosier blanc, ce qui n'était pas le cas la dernière fois qu'il avait mis les pieds ici.
Guidé par une force mystérieuse, il traversa sans le moindre problème la porte close de quatre Privet Drive. L'odeur des détergents déclencha chez Harry un froncement de nez, voilà l'un des nombreux aspects de cette maison qu'il ne regrettait pas. Semblable aux autres habitations, la demeure était érigée sur deux étages.
À l'intérieur de la maison, le souci du détail était poussé à l'extrême, surpassant même celui du jardin parfaitement agencé. Les photos de la grande boule rose affublée d'un chapeau rayé de couleurs variées avaient disparu.* À présent, les clichés représentaient un gros blond dans différentes situations.
Il dépassa le placard sous l'escalier tout comme la cuisine sans y prêter attention. La présence des dernières nouveautés technologiques dans la salle de séjour ne suscita aucune surprise chez Harry. Après tout, étant mariée au directeur de Grunnings, la mère de famille se devait de faire étalage de sa richesse devant les invités. Harry secoua la tête et se mit à gravir les escaliers.
Il longea la chambre de son oncle et de sa tante ainsi que la salle de bains avant de flotter dans ce qu'il se souvenait être la chambre de Dudley.
Bien qu'elle ait subite de nombreux changements, elle restait toutefois similaire par certains points. D'aussi loin qu'Harry se souvienne, la chambre de Dudley avait toujours été encombrée de bric-à-brac et d'autres babioles inutiles. Même si la chambre avait conservé son désordre habituel, les jouets pour enfants avaient laissé place à des objets qu'Harry imaginait mal être utilisé par son cousin. Il faut dire que Dudley n'avait jamais été très porté sur le sport, sauf quand il s'agissait de pourchasser un pauvre gamin pour le passer à tabac ensuite. Harry avait donc du mal à comprendre pourquoi le moldu avait un punching-ball.
Harry abandonna l'examen de l'état des lieux pour se concentrer sur la seule personne présente dans la pièce. Dudley avait tellement grossi depuis la dernière fois qu'il l'avait vu qu'il ressemblait dorénavant à un bébé épaulard. Le garçon blond était assis sur son lit, qui menaçait de s'effondrer d'une seconde à l'autre sous son poids.
Quand il s'approcha, Harry fut stupéfait de constater que Dudley avait de la poudre blanche dans la main. Tandis qu'il observait, Dudley boucha l'une de ses narines avant de se pencher pour venir renifler fortement ce qu'il tenait. « Merde. J'aurais tellement aimé que tante Pétunia puisse être là pour voir ça. Sa progéniture adorée en train de se droguer. Ils trouveraient sûrement un moyen de mettre ça sur le compte de ma mauvaise influence. »
Harry ressentit le tiraillement familier qui précédait une vision imminente s'accentuer, cependant, une douleur fulgurante lui transperça l'épaule et se propagea tel un feu de forêt avant que n'émerge la nouvelle scène.
Harry se réveilla en sursaut, submergé par la douleur de sa migraine qui s'amplifiait alors qu'il ouvrait les yeux. Il poussa un petit gémissement tandis qu'il prenait lentement conscience de ce qui l'entourait.
Harry se plia sur le côté et expulsa le maigre contenu de son estomac sans plus de retenu. Une fois qu'il eut fini, Harry se roula sur le dos, geignant en raison des ondes de souffrances qui déferlèrent de son épaule. Il avait dû se débattre pendant son inconscience.
Maintenant complétement éveillé, il serra les dents pour endurer la douleur et s'efforça de se remémorer les innombrables visons qu'il avait perçus.
Il se redressa avec précaution et faillit perdre l'équilibre face au mal de tête qui martelait ses tempes avec une intensité grandissante.
« Putain », murmura-t-il. Il résista à la tentation de fermer les yeux, de peur d'être aspiré dans d'autres visions.
Dans la semi-obscurité, Harry pouvait distinguer la chevelure de Draco grâce à la faible luminosité qui s'y reflétait. Le blond était d'une blancheur inhabituelle, même pour lui. « Tu es réveillé Harry ? » interrogea Draco en s'approchant jusqu'à ce que leur corps soit presque collé l'un à l'autre.
« Non, je suis somnambule ». Il se mordit la langue, regrettant ses paroles face à l'expression blessée de Draco. « Désolé de t'avoir entraîné dans ce pétrin ». Harry déplaça ses jambes pour esquiver le coup de pied que Draco lui destinait. Suite à ce mouvement, une vague de nausée l'envahit malgré le vide de son estomac.
En prenant appui sur Draco, Harry réalisa l'ampleur des tremblements qui agitaient son corps. Malgré la chaleur ambiante, ses os étaient comme faits de glace et des sueurs froides lui coulaient le long du dos, si bien que sa chemise de nuit, rendue humide par sa transpiration, lui collait à la peau.
« Le balafré, arrête d'agir comme un Gryffondor en te prenant pour le centre du monde. Nous n'en serions pas là si les autres n'avaient pas décidé de faire preuve de couardise et de nous abandonner. Quand mon père entendra parler de ça… »
« Tu réalises qu'avant de pouvoir le rapporter à ton père, il va d'abord nous falloir trouver un moyen de nous échapper d'ici. » Harry grogna et laissa sa tête reposer sur l'épaule de Draco. L'une des choses qui le dérangeait particulièrement avec cette potion, c'est qu'elle le rendait vulnérable.
« Qu'est-ce que cette potion t'a fait ? Je n'ai jamais rien vu de tel. Severus n'a rien laissé entendre à son sujet et même les mangemorts n'en ont jamais fait mention au Seigneur des Ténèbres lorsqu'il jugeait bon de torturer quelqu'un. » Un frisson parcourut l'échine d'Harry à l'entente des paroles de Draco.
Harry cracha pour faire disparaître le goût amer de la bile de sa bouche, puis il se décala de sorte à ne plus prendre appui sur Draco. « Ne t'inquiète pas. Ils ne t'en donneront pas. Et même s'ils le faisaient, je doute que cela ait beaucoup d'effet. Ton sang ne répond pas aux exigences de cette potion, » dit-il, incapable de se retenir de lancer cette petite remarque acerbe.
Hier encore, ou peut-être même l'avant-veille, n'ayant aucune idée du nombre d'heures écoulé depuis qu'il avait perdu connaissance, Draco le regardait se faire rabaisser à cause de son sang impur. « Ils ne m'ont même pas gardé attaché. Me considèrent-ils vraiment comme une menace si insignifiante ? » Ce n'était définitivement pas le genre de Maugrey. Cet homme était paranoïaque comme pas deux.
Harry se plaça derrière son ami et, avec précaution, entrepris d'inspecter la corde qui entravait les poignets de Draco du bout des doigts. En examinant la pression exercée par le nœud, Harry comprit que Draco avait tenté de se libérer pendant qu'il était sous l'emprise de la potion. « La responsabilité de notre surveillance a été confiée à la Métamorphomage. À mon avis, elle t'a estimé dans un état si misérable qu'elle a décidé qu'il était inutile de te maintenir attaché. Malencontreusement, elle est partie en oubliant de relancer le sortilège. Sans doute se sentait-elle encore étourdie après la rencontre de son nez avec le sol. »
Harry tira délicatement sur le nœud, et un léger sourire de contentement se dessina sur ses lèvres en constatant que les liens se relâchaient. « Tu y crois, toi ? Elle faisait l'idiote en métamorphosant une partie de son visage en celui d'un animal et s'attendait à ce que je rie de ses pitreries. » Draco se retourna en massant ses poignets rougis et probablement douloureux. « Mais, je dois bien le reconnaître, la voir sortir avec le nez en sang était franchement hilarant. »
Draco se mit debout avec une certaine raideur et baissa les yeux sur Harry. « Tu peux te lever tout seul ? » Malgré la rudesse de ses paroles, Draco tendit sa main qu'Harry saisit sans mot dire, avant de se hisser sur ses deux pieds avec difficulté. La prise s'avéra nécessaire car Harry oscillait d'avant en arrière, semblant avoir du mal à maintenir son équilibre. Ses jambes tremblaient légèrement, témoignant de sa faiblesse et de son instabilité. « Quoi que cet homme t'ait donné, c'est foutrement efficace. Tu crois qu'on pourrait en faire rentrer en douce dans la salle commune de Serpentard pour certaines fêtes ? »
Grimaçant d'inconfort, Harry s'appuya lourdement contre le corps plus grand de Draco. « Pour les autres, ça aura juste le goût d'urine. Pourquoi ne pas commencer par nous tirer d'ici, nous chercherons quelque chose que tu pourras fournir à tes petits camarades lors de ces soirées guindées plus tard. »
Chaque pas qu'il faisait soutenu par Draco, amplifiait la douleur lancinante qui embrasait son épaule. Malgré les bonnes intentions de Draco, Harry ne parvenait pas à synchroniser ses jambes avec celles du blond, transformant chacun de ses mouvements en une explosion de souffrance. « Si tu as une idée pour nous sortir d'ici, je suis preneur, » demanda Harry. Il était hors de question qu'il reste de son plein gré.
En outre, il avait eu une vision assez claire de ce qu'il allait se passer par la suite, mais avant cela, il était primordial qu'ils parviennent à trouver un moyen de quitter la tente.
Harry ramena son regard sur Draco lorsque ce dernier émit un léger grognement à ses côtés. « C'est une tente de mauvaise qualité, qui n'a rien à voir avec celle que j'ai à la maison, » dit Draco d'un ton dédaigneux. « Cependant, je reconnais le travail réalisé par le fabricant, et même si le produit est bon marché, ils se sont assurés qu'il serait impossible de s'introduire et de sortir sans passer par les sorties attitrées. Ils ont appelé ça, la sécurité enfant, ça garantit aux adultes que les adolescents ne puissent pas se faufiler hors des tentes pendant les matchs de Quidditch. »
« Donc la seule solution est de passer par la porte, » dit Harry en s'efforçant de garder une voix enthousiaste, conscient que leur évasion dépendait de cette unique option. Draco chancela, mais réussit à se rattraper juste à temps avant d'entraîner Harry dans sa chute. Manifestement, Harry n'était pas le seul à subir les conséquences de leur immobilité prolongée.
Atteindre l'ouverture de la tente ne posa aucun problème. « A ton avis, » commença Harry dans un murmure, « quelles sont les probabilités qu'ils se soient endormis et qu'ils nous aient totalement oubliés ? » Même sans le voir, Harry était certain que Draco levait les yeux au ciel, exaspéré par sa question.
Lorsqu'ils soulevèrent le rabat de la tente, un vent glacial les accueillit de manière impitoyable. Harry prit une profonde inspiration et sentit l'air glacé remplir ses poumons, tandis que ses yeux balayait rapidement les alentours. La neige avait recommencé à tomber pendant qu'ils étaient sous la tente, ajoutant une couche fraîche de blanc à leur environnement déjà froid et inhospitalier. Un feu crépitait entre les deux tentes, ce qui constituait la seule source de lumière dont disposaient Harry et Draco maintenant qu'ils étaient à l'extérieur.
Harry frissonna et se serra plus étroitement contre Draco. « On dirait que tu avais raison. Si tous les rebelles sont si peu vigilants, il n'est pas étonnant que le Seigneur des Ténèbres n'éprouve aucune difficulté à les appréhender.
- Draco, je pense que tu as peut-être parlé un peu trop vite. » Harry était à deux doigts de loucher pour ne pas perdre de vue la baguette braquée sur son visage. La voix d'Harry tremblait légèrement, mais il s'efforçait de garder son sang-froid.
« Faites demi-tour et retournez immédiatement sous la tente, » grogna Maugrey, la pointe de sa baguette brillant intensément. « Une fois à l'intérieur, Potter, nous t'administrerons une autre dose de potion, cela devrait suffire à t'assommer jusqu'à l'arrivée de Dumbledore. Et, nous deux. » La crispation de Draco ne passa pas inaperçue aux yeux d'Harry au moment où la baguette de Maugrey se tourna vers lui. « Il est temps que nous ayons une petite conversation. Étant donné que tu es le fils de Lucius Malfoy, je suis convaincu que tu possèdes un grand nombre d'informations dont nous pourrions tirer parti. Par chance, il n'y a personne pour s'immiscer dans nos affaires. »
Les propos de Fol Œil poussèrent Harry à se demander où se trouvaient les autres sorciers. Maugrey, si confiant quant à la sécurité de leur camp, avait pris la décision de les éloigner ? Soit l'homme croyait être capable de s'occuper sans problème de deux jeunes, surtout quand le seul sorcier n'avait pas sa baguette. Soit Maugrey l'avait fait exprès pour pouvoir travailler en paix.
Un pressentiment persistant lui souffla que ce n'était pas la première option.
Ni Harry, ni Draco ne bronchèrent quand Maugrey fit un pas vers eux. À la place, Harry se courba soudainement en deux pour vider son estomac. Étant complètement à jeun, ce qu'il rendit fut de l'acide gastrique, provoquant une sensation de brûlure et laissant un goût amer dans sa bouche. À sa plus grande joie, Harry vit quelques gouttes s'écraser sur les bottes de Maugrey. Même si cela paraissait insignifiant, cela lui permettait au moins de lui apporter un semblant de réconfort dans cette situation.
« Crucio. »
Des cris déchirèrent sa gorge, et même la poigne de Draco sur lui ne fut pas assez forte pour le maintenir debout. Harry heurta le sol enneigé dans un bruit sourd, se contorsionnant dans tous les sens pour échapper à ce déchaînement de douleur, mais tous ses efforts furent vains. La souffrance pulsait à travers chaque fibre de son être, le laissant sans défense face à cette agonie insupportable.
Après un temps qui lui parut interminable, la douleur finie enfin par s'estomper. Harry avait l'irrésistible envie de se recroqueviller en position fœtale, afin de préserver son corps traumatisé de tout autre dommage. Mais son épaule blessée et la douleur persistante de la malédiction paralysaient ses membres, alors Harry tenta plutôt de garder une respiration régulière.
Il était vaguement conscient des tremblements qui agitaient son corps, résultat combiné du maléfice et des effets résiduels de la potion. En se remémorant les paroles de Maugrey, une nouvelle vague de nausée envahi Harry. Il n'était pas sûr de pouvoir supporter une autre potion aussi rapidement après la première.
Une main agrippa violemment ses boucles brunes, et Harry fut brutalement redressé sur ses jambes, la prise ferme qu'exerçait Maugrey sur lui était la seule chose qui le maintenait debout. « C'était un acte très stupide, Potter. »
Tout en parlant, Maugrey le secouait sauvagement, le traitant comme une proie prise entre les crocs d'un chien. Harry resta apathique et ne bougea pas le moindre muscle, son regard demeurait fixé sur un point au-dessus de l'épaule de Maugrey, observant attentivement l'obscurité qui les enveloppait.
Maugrey fut pris au dépourvu lorsque les jambes d'Harry cédèrent sous son poids. Un sourire glacial s'esquissa lentement sur le visage d'Harry alors que ses yeux épuisés se plantèrent dans les siens avec une lueur sinistre. « Vous allez regretter d'avoir mis vos petits amis à l'écart, » susurra-t-il d'une voix menaçante. « De toute façon, même s'ils avaient été là, leur présence n'aurait probablement pas suffi à vous sauver. »
« Qu'est-ce que tu racontes, mon garçon, qu'as-tu vu ? » Au lieu de répondre, Harry laissa échapper un gémissement de douleur. Il n'y avait aucune chance qu'il révèle quoi que ce soit concernant ses visions à Maugrey.
Soudain, les yeux de Maugrey se révulsèrent et l'homme poussa un grognement. Sans rien ajouter, Fol Œil le relâcha et Harry s'effondra dans la neige, inerte.
Les yeux mi-clos, Harry regarda Maugrey stupéfixer Draco avant de faire volte-face, lançant déjà des malédictions dans les ténèbres qui entouraient le petit campement.
Il ne fallut pas longtemps avant que des sortilèges du même ordre ne soient renvoyés, bien qu'aucun d'entre eux ne soit létal. Il était peu probable que leurs assaillants osent utiliser l'Avada Kedavra, au risque de toucher Draco et de subir la colère du patriarche Malfoy. Harry aurait bien aimé entendre l'explication donnée à Lucius pour justifier la mort prématurée de son fils.
Avant l'avènement de Voldemort, Alastor Maugrey était un Auror respecté. Cependant, depuis la prise de pouvoir du Mage Noir, l'homme avait rejoint les rangs des rebelles, et malgré le passage des années, Maugrey était parvenu à conserver sa forme physique et sa détermination à se battre.
Des ténèbres surgirent plusieurs silhouettes habillée de robes noires et arborant des masques blancs qui dissimulaient leur visage. « Draky chéri, ta chère tante est venue te ramener à la maison. » Les paroles de Bellatrix Lestange étaient parfaitement audibles alors qu'elle jetait maléfice sur maléfice en direction de l'ex-Auror. Les éclairs dévastateurs jaillissaient de sa baguette, déchirant l'obscurité et projetant des ombres dansantes.
À la différence des mangemorts, Maugrey n'avait aucune intention de faire preuve de retenue. Il était clair que l'homme tentait de gagner du temps jusqu'à l'arrivée de ses compagnons. Ou peut-être prévoyait-il d'emporter le plus de personnes possible avec lui dans la tombe.
Jetant un regard empli de colère à Maugrey, toujours occupé à lancer des sorts, Harry se traîna péniblement vers le corps pétrifié de Draco. Les yeux gris et désorientés de son ami fixaient le ciel alors qu'Harry s'écroulait à plat ventre à ses côtés, haltant et épuisé.
Harry roula sur le flanc pour être en mesure d'observer Draco tandis que sa vision devenait de plus en plus imprécise. Ses paupières étaient lourdes, prêtes à se refermer sur son regard fatigué. Harry tendit sa main et saisit fermement l'ourlet de la manche de Draco. Même s'il doutait que Draco puisse le voir, un mince sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'il était une fois de plus emporté par les ténèbres qui se transformeraient bientôt en de nouvelles visions.
Autour de lui, les bruits de la bataille continuaient à raisonner, emplissant l'air de cri et de hurlement de douleur.
A suivre…
