Chapitre 19

Steve fut réveillé le lendemain matin par un bruit provenant du rez-de-chaussée. Il se leva en sursaut, passa un t-shirt, se félicita d'avoir passé un short la veille après leurs activités nocturnes et se saisit de son pistolet.

"Qu'est-ce que tu fais ? demanda Charlie d'une voix rauque.

- Rien, rendors-toi." répondit-il en chargeant son arme.

Alarmé par le bruit, Charlie commença à se redresser.

"Il y a quelqu'un en bas, chuchota Steve.

- Non, les sortilèges…"

Une alarme magique sonna alors dans la chambre et le sorcier l'arrêta d'un mouvement de main avant de se lever, tout comme Steve, et de se saisir de sa baguette.

"Tu fais quoi là ? chuchota le militaire.

- Il y a quelqu'un en bas.

- Oui, c'est pour ça que tu restes ici.

- Ne sois pas bête, je viens avec toi.

- Non !

- Alors, tu viens avec moi !" conclut Charlie en sortant de la chambre.

Steve le rattrapa dans le couloir et lui fit comprendre de se mettre derrière lui. Ils descendirent l'escalier en silence, Steve vérifiant les angles morts avant d'avancer, Charlie, torse-nu sur ses talons. Des bruits venaient de la cuisine, le militaire ouvrit la porte, arme en avant.

"Pas un geste ! cria-t-il avant de découvrir sa mère, une poêle à la main. Maman ?

- Eh bébé.

- Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il, halluciné de la voir là.

- Je prépare des œufs, répondit-elle comme si la situation était tout à fait normale.

- Non, je veux dire, qu'est-ce que tu fais là ? s'agaça-t-il.

- Arrête de jouer avec ton arme et viens déjeuner, dit-elle en versant les oeufs brouillés dans une assiette. Tu veux un jus d'orange ?"

Ce fut à ce moment-là qu'elle remarqua Charlie.

"Bonjour monsieur, vous êtes ?

- Charlie, madame.

- Aurais-je interrompu quelque chose ?" demanda-t-elle d'un ton mauvais.

Le sorcier regarda Steve, ne sachant pas comment réagir.

"Je t'avais dit qu'il valait mieux que tu restes en haut, dit le militaire en espérant que son amant comprendrait le message.

- Non madame, juste mon départ. Je vais, je vais aller m'habiller.

- Non, bien sûr que non, vous devriez rester, j'adorerais en savoir plus sur les relations que vous entretenez avec mon fils."

Le ton jovial dissimulait mal la menace que le couple perçut. Ils échangèrent un regard dans lequel le plus jeune tenta de faire comprendre à son amant qu'il devait vraiment partir.

"Non, merci, mais j'ai une plongée de prévue ce matin.

- Quel dommage, dit Doris d'une voix très hypocrite. Une prochaine fois.

- Bien sûr."

Steve regarda son homme partir et sentit que sa mère l'observait.

"Il n'est pas qu'un ami, n'est-ce pas ? demanda-t-elle en passant devant lui avant le plateau petit-déjeuner.

- OK, maman ! Maman !

- Viens, assis-toi.

- Maman. Je ne veux pas de petit-déjeuner.

- Ton système de sécurité est inutile.

- Ok, tu sais quoi ? Stop. Qu'est-ce que tu fais ici ?"

Elle s'assit et commença à manger tout en lui répondant.

"Je n'ai jamais quitté l'île, mais ça tu le savais puisque Catherine a fait des recherches.

- Pourquoi as-tu demandé aux agents de faire demi-tour ?

- Je peux être très persuasive…

- Je le sais, pourquoi as-tu fait ça ?

- Je voulais rentrer à la maison, je suis fatiguée de fuir.

- OK, alors où étais-tu ces dernières semaines ?

- J'avais juste besoin d'un peu de temps, je n'étais pas sûr de comment tu le prendrais.

- Tu aurais dû m'en parler.

- Bien sûr, tu n'aurais jamais été d'accord.

- Non, certainement pas.

- Tu vois ?"

Steve commençait à perdre son sang froid, sa mère ne faisait que lui mentir, il le sentait. Ce fut là qu'il remarqua des sacs de voyage dans le salon.

"C'est quoi ça ? Les sacs ? Tu as prévu de rester ?

- Oui, t'es d'accord ?

- Maman !

- Quoi ?"

Son sang-froid était à deux doigts de lâcher, il prit une grande inspiration pour essayer de se calmer avant de répondre.

"Wo Fat est toujours en liberté, d'accord ? Je ne pense pas qu'ici soit l'endroit le plus sûr où tu puisses être.

- Tu t'inquiètes trop pour moi, d'autant plus que je crois que c'est plutôt à cause de Charlie que tu ne veux pas que je reste."

Le cerveau de Steve sembla se figer à ces mots et tous ses doutes qu'avait éveillé Joe en lui posant sans cesse des questions sur l'anglais lui revinrent.

"Quoi Charlie ? demanda-t-il sur la défensive.

- Il est qui pour toi ?

- Je ne pense pas avoir de comptes à te rendre.

- Pardon ? J'avais tout prévu pour toi, tu ne vas tout de même pas gâcher ta vie avec un garde forestier !"

Soudain Steve comprit et il sentit son sang quitter son visage.

"Tout ça… tout ça… Catherine qui me draguait tout le temps, Joe qui n'arrêtait pas de me pousser vers elle, c'était toi ? Est-ce que, est-ce que tu as payé Catherine pour qu'elle essaie de me séduire ?

- J'essayais de t'assurer une belle vie !

- Qu'est-ce que tu sais de ma vie ? Rien, que ce que Joe en a vu, tu ne sais rien ! se mit à crier le jeune homme.

- Je suis ta mère ! Je sais ce qui est bon pour toi et ce n'est pas un petit fantasme passager qui va changer ça !

- Charlie n'est pas un fantasme passager maman, on est ensemble depuis douze ans ! Douze ans maman ! Et il est la seule personne qui m'ait permis de garder toute ma raison. Sans lui je serais mort ! C'est ça la superbe vie que tu me prévoyais ? que je meurs à vingt-et-un ans ?"

Le portable de Steve sonna, mais celui-ci ne l'entendit pas tant il était énervé.

"Tu devrais décrocher." annonça Doris avec calme.

Il prit une grande inspiration avant de répondre, il avait une enquête.

"Maman, Charlie ne sortira pas de ma vie, soit tu l'acceptes, soit tu tires un trait sur moi. Et ce soir si tu es encore dans la maison, c'est moi qui pars."

Il ne laissa pas le temps à sa mère de répondre et monta dans sa chambre, il se changea à toute vitesse et quitta la maison en claquant la porte. Il ne fut pas surpris de trouver Charlie dans sa voiture.

"Tu as entendu ?

- Tu criais."

Steve souffla et démarra, ce ne fut qu'une fois en route qu'il réalisa les sacs de Charlie à l'arrière.

"Tu vas quelque part ?

- Je pense qu'il est plus raisonnable que je rentre. Ta mère ne veut pas de moi dans ta vie et je pense qu'il sera plus facile pour toi de trouver une solution à cette situation sans moi."

Steve décrocha sur le bas-côté et pila, les secouant fortement tous les deux.

"Il est hors de question qu'elle te mette dehors, d'accord ? dit-il, énervé en se tournant vers son amant.

- Steve, si je reste, tu ne trouveras aucune solution, tu seras plus concentré sur moi que sur la situation.

- Si elle me force à choisir, ce sera toi, toujours toi, murmura-t-il en s'approchant de Charlie pour l'embrasser.

- J'ai entendu quand tu l'as crié tout à l'heure."

Ils s'embrassèrent, puis Steve redémarra.

"Reste, prends un hôtel ou vas chez Danny, mais ne pars pas. Tu viens d'arriver, tu avais prévu de rester quelques jours."

Il y eut un silence de plusieurs minutes avant que Charlie n'approuve. Steve le déposa alors chez Danny et expliqua la situation à son collègue sur la route jusqu'à la scène de crime.

Le militaire se concentra ensuite sur l'enquête et parvint à oublier sa mère jusqu'à ce qu'il rentre aux locaux du 5-0 et la retrouve là à l'attendre.

"Chin, qu'est-ce qu'elle fait là ? demanda-t-il déjà énervé de la conversation à venir.

- Ne blâme pas Chin, le reprit sa mère. Je l'ai forcé à m'ouvrir.

- Elle est très persuasive, chuchota le concerné.

- Qu'est-ce que tu veux ?

- Terminer la conversation de tout à l'heure, je n'aime pas beaucoup les ultimatums.

- Maman…

- Je suis sérieuse Steve, ce n'est pas une manière de s'adresser à sa mère, ni un style de vie sain."

Il vit rouge à ces mots, il était dégoûté du sous-entendu homophobe à peine déguisé dans les propos de sa mère qui n'essayait même pas d'accepter qui il était, elle ne voyait que le plan qu'elle s'était imaginé pour lui.

"Dans mon bureau, maintenant." ordonna-t-il en se dirigeant vers la pièce.

Il attendit que la porte se soit refermée derrière elle pour lui faire face et reprendre la parole.

"Qu'est-ce que tu projettes ?

- Mon plan est de m'installer à la maison, que tu m'y rejoignes seul ce soir et qu'on discute de ta vie.

- Pour essayer de me persuader de quitter Charlie et de me mettre avec Catherine ?

- C'est ce qu'il y a de mieux pour toi, Steve !"

Le dénommé dut prendre plusieurs inspirations pour s'empêcher de frapper sa mère.

"Maman, écoute bien : je ne quitterai pas Charlie, OK ?

- Mais c'est un homme ! Et un étranger !

- Tu te rends compte de tes propos ? Si ce que tu es est une personne homophobe et raciste alors je ne veux rien avoir à faire avec toi !"

Il tremblait de rage tant les propos l'avaient touché et tant il se retenait de la frapper.

"Steve, j'ai décidé de toute ta vie depuis que tu es né, ce n'est pas aujourd'hui que ça va s'arrêter.

- Visiblement, il y a une partie énorme de ma vie que tu as manqué pendant douze ans.

- Je vois que je n'arriverai pas à te faire changer d'avis.

- Non.

- Je te vois ce soir alors ? À la maison.

- Si tu es à la maison ce soir, tu ne me verras que prendre mes affaires.

- C'est ce qu'on verra."

Sur ces mots elle quitta la pièce. Steve la suivit jusqu'à la table numérique d'où il la regarda partir.

"Elle t'a dit pourquoi elle a laissé partir Wo Fat ?

- Non, et c'est le cadet de mes soucis pour l'instant.

- Elle est homophobe, tu crois ?

- Je ne sais pas. Manipulatrice surtout, elle a payé Catherine pour me séduire et faire sa vie avec moi."

Chin ne dit rien et Steve réorienta la discussion sur l'enquête, ce sujet lui faisait mal. Il comptait ne plus y penser jusqu'au soir, mais c'était sans compter sur un message de la dernière personne qu'il avait envie de voir, Catherine.

"Je sais que tu sais et que tu dois m'en vouloir, mais il faut que je te vois maintenant, c'est très important."

Steve sentit la rage monter en lui, mais il décida de donner une chance à la jeune femme, peut-être que maintenant que les cartes étaient sur la table, elle aurait une autre attitude envers lui. Il lui donna rendez-vous au camion de Kamekona et prit la route, sur les nerfs.

"Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il de façon abrupte en s'asseyant face à la jeune femme autour d'une des tables en bois.

- Ecoute Steve, je sais que tu m'en veux et c'est normal, mais ta mère est folle de rage. Elle est passée me voir, et je pense qu'elle doit être chez Joe à présent. Elle veut tuer Charlie."