Mes petits chats,

Cette année, j'ai anticipé les publications pendant mes vacances alors je peux tenir le rythme habituel. Youpi ! La seule chose qui me le ferait manquer serait ma mémoire défaillante à cause de l'overdose de sucre (c'est Noël...).

Mais donc, aujourd'hui, la suite (plus légère) de l'histoire au bord de l'océan de Steve/Chris et Bucky. C'est aussi le début de la troisième partie, celle consacrée à l'Amour après l'Amitié. Et les choses vont continuer à changer entre eux :)

Après plus de six mois de publication, merci de me suivre encore et d'être fidèle :)

En cette (presque) veille de Noël, je vous souhaite d'excellentes fêtes de fin d'année et je vous retrouve bientôt pour la suite (et le début d'une nouvelle histoire * surprise *).

Bonne lecture et je vous embrasse,

ChatonLakmé

PS : le fichier texte était propre à la première relecture mais une fois publié sur la plateforme, j'ai repéré des coquilles étranges. Elles ont toutes été corrigées mais si vous lisez des tournures de phrase bizarres, n'hésitez pas à m'en faire part pour que je les corrige. Merci :)


Masterchef est une émission de télé-réalité anglaise adaptée dans de nombreux pays. Il s'agit d'un concours de cuisine amateur.

(S)ex List.est un comédie-romantique américaine sortie en 2011 au cinéma avec Chris Evans dans le premier rôle masculin. L'héroïne Ally (incarnée par Anna Faris) se réveille notamment les matins plus tôt que ses conquêtes masculines pour refaire son maquillage, se coiffer et se brosser les dents pour apparaître toujours fraîche et belle.

L'osso bucco est un ragoût de viande de veau, traditionnellement cuisiné dans la région de Milan. La sauce arrabiata est une sauce tomate relevée avec de l'ail et du piment.

Independance Day est un fameux film de science-fiction sorti en 1996 avec Will Smith et Jeff Goldblum dans les rôles titres.

James Masters est le nom de l'interprète du vampire Spike dans la série Buffy contre les vampires (Buffy contre les vampires dans la version originale), diffusée en 144 épisodes de 1997 à 2003.

John Travolta est un acteur américain né en 1954, révélé par les comédies musicales Grease et La Fièvre du Samedi soir (Saturday Night Fever) sorties au cinéma entre 1977 et 1978.

Un réflexion pavlovien (ou réflexion conditionné) est un réflexe né d'une pratique de conditionnement. Il tire son nom de plusieurs expériences menées à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle par Ivan Pavlov, théorisé en 1927. Le principe général est que le conditionnement psychologique d'un individu peut amener à une réaction physiologique automatique. Une de ses expériences les plus célèbres a été menée sur le phénomène de salivation chez les chiens, provoqué en leur donnant des aliments appétants provoquant une réaction de plaisir. Après de nombreuses répétitions, certains animaux se sont mis à saliver abondamment avant de recevoir le moindre aliment, simplement en étant remis dans les conditions de l'expérience (même pièce, même personne que celle donnant la nourriture ou à la seule odeur de viande).

Le CODIS est une banque de données qui répertorie les profils ADN, appliqués dans plusieurs pays en accord avec leurs propres législations. Aux États-Unis, elle est gérée par le FBI et est utilisée par l'ensemble des États et l'armée. Après plusieurs assouplissements successifs de la loi, toute personne condamnée aujourd'hui par la justice voit son profil ADN être répertorié dans le CODIS. Il s'agit de la base de référencement la plus importante au monde.


L'homme de la plage

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Treizième partie


C'est nouveau. C'est différent. C'est bouleversant. Bucky reste pourtant un peu stupéfait de la manière avec laquelle les choses se déroulent à présent entre Chris et lui. C'est tout ça à la fois mais c'est aussi naturel et simple. Facile. Bien entendu, il y a des maladresses, l'apprivoisement est lent et prudent mais le brun voit déjà sans peine où cela pourrait les mener. Et c'est tellement bon.

Au petit-déjeuner, les yeux encore lourds de sommeil, leurs mains se cherchent sur la table avant de s'enlacer. Quand ils marchent sur la plage, leurs épaules sont pressées l'une contre l'autre. Ils sont si proches que parfois, un creux dans le sable en déséquilibre un et manque de faire tomber les deux. Ils rient et s'embrassent.

À cet instant, les deux hommes longent l'océan, précédés par Sandy qui caracole joyeusement devant eux. Ils commentent avec animation le nouvel épisode de Masterchef qu'ils ont regardé ensemble la veille au soir. Bucky a fini par se laisser prendre au jeu de la compétition. Lui aussi soutient un candidat et il a sa liste de concurrents qu'il aimerait voir éliminés. Chris parle avec gourmandise du dessert préparé par son favori lors de l'épreuve éliminatoire quand Bucky remarque de l'agitation devant eux.

En s'approchant, il reconnaît les casquettes des petits élèves de l'école Redwood Coast Montessori. Ils sont en train de construire des cabanes avec des morceaux de bois flotté. Des drapeaux très artistiques flottent déjà au-dessus de certaines d'entre elles. Ça a l'air assez sympa et Sandy aimerait bien aller vérifier cela de plus près. Il siffle doucement et retient prudemment la chienne par son collier.

— « Est-ce que tu es d'accord avec moi ? », demande soudain Chris.

Bucky tourne la tête vers lui, il a un peu perdu le fil. Il était resté au dessert au chocolat noir et à la framboise de Chuck, 41 ans, Illinois, mais la fougue dans les yeux du blond lui indique qu'il a manqué quelque chose.

— « … Je suis toujours d'accord avec toi », lui répond-il avec un sourire charmant.

Son ami hausse un sourcil, pas dupe et le brun se penche vers lui pour l'embrasser du bout des lèvres. Chris enroule immédiatement un bras autour de sa taille et plonge son visage dans son cou pour le picorer d'un geste malicieux. Ça chatouille et Bucky rit aux éclats.

— « Menteur, tu ne sais pas de quoi je parle », grommelle faussement le blond. « Je disais que je trouvais normal que Annie ait été éliminée avec son entremet à l'abricot et au basilic. Tout le monde sait que ça s'accorde bien mieux avec la fraise. »

Annie, 31 ans, Texas, avec le portrait de son chat tatoué sur son avant-bras droit. Le brun caresse gentiment sa nuque et ses cheveux. Il sourit. Pour lui, mettre des herbes aromatiques avec des fruits est déjà une aberration alors il a un avis assez tranché sur la question.

— « Je suis d'accord avec toi », répète-t-il gentiment.

— « Je suis heureux que tu partages mon opinion. Tout le monde sait que la fraise et le basilic vont parfaitement ensemble ! », s'exclame le blond en s'éloignant.

Cette association de saveur ne le fait pas plus rêver mais il acquiesce. Chris est beau quand il s'enflamme. Les enfants de l'école Montessori ont reconnu Sandy et Bucky les entend piailler d'enthousiasme. Il hésite avant de lâcher le collier de la chienne qui se précipite immédiatement vers eux. Le temps de la rejoindre, Sandy a déjà roulé sur le dos et se laisse papouiller, le corps frissonnant de plaisir. Les trois éducatrices les saluent d'un sourire, Bucky remarque notamment celui de la jeune blonde qui rougit encore un peu quand elle le voit.

Chris sort une balle rouge de la poche de son jean et s'accroupit pour la donner à une petite fille qui hésite à s'approcher de la chienne, un peu impressionnée. Il la presse pour la faire couiner et, toute l'attention de Sandy à présent dirigée vers eux, il lui montre comment la lancer. L'enfant éclate de rire quand la chienne lui ramène le jouet pour recommencer. Le blond se rapproche de Bucky et sa main vient effleurer tendrement la sienne. Le jeune homme déglutit, il lui offre volontiers sa paume pour sentir la caresse sur sa peau.

— « On fait une pause ici ? », lui demande-t-il doucement et le brun acquiesce. « Bien. Alors maintenant, j'aimerais vraiment te parler du plat fait par Adam. Je ne suis pas d'accord avec le jury quand il a dit que son gâteau renversé à l'ananas ressemblait à un gâteau de ménagère. C'est un peu méprisant. »

Bucky l'écoute distraitement. Adam ? Zut, quel candidat est-ce déjà ? Il fronce les sourcils tandis que Chris joue toujours distraitement avec ses doigts. Ah oui, le quarantenaire roux avec deux enfants, habitant à Seattle avec un iguane en appartement.

Une des éducatrices est aussi une fan. Elle se rapproche d'eux pour parler avec animation avec Chris. Bucky apprend qu'elle soutient Tom, vingt-sept ans, originaire de Tampa en Floride. Il peut comprendre, le jeune homme a une mâchoire carrée de mannequin mais le brun pressent qu'il sera éliminé la semaine prochaine. Lui a toute confiance en Stefan, son favori, un gamin de dix-huit prodigieux de son point de vue de néophyte.

Chris a posé une main sur le bas de son dos et il caresse distraitement ses reins. Bucky s'appuie contre lui.

Ouais, c'est ça.

Naturel, simple et facile.


Il y a aussi les baisers. Légers ou plus appuyés. Juste lèvres contre lèvres mais avec parfois un peu plus de chaleur et d'humidité. Cette forme de pudeur leur convient encore pour le moment. Bucky sait qu'il parviendra à faire trembler Chris sous ses baisers plus tard, il est doué pour ça.

En attendant, c'est bon. Vraiment bon. Et chaud et doux. Ça a le goût et le plaisir de la maison.

Le brun aime sentir la barbe de trois jours du blond frotter contre sa mâchoire. Il aime trouver son souffle contre sa bouche. Chris devient pour lui une palette dont il aime détailler chaque couleur du bout des lèvres. La bouche de son ami est belle, le brun le pense depuis le premier jour. Elle est bien dessinée, ourlée et pulpeuse. Sa texture, sa couleur, sa forme sont parfaites.

Même quand Bucky est encore à moitié endormi, assis à la table du petit-déjeuner, il ne voit qu'elle.

Un matin, il n'a vu qu'elle et la miette de brioche accrochée à sa commissure. Sandy tourne autour d'eux avec gourmandise et, insatisfaite, elle tire sur les cordons de son pantalon de nuit pour attirer son attention, la tête posée sur sa cuisse. C'est un peu gênant, cette manière dont elle couvre le tissu de bave au niveau de l'entrejambe. Le brun la repousse mollement, il ne voit que cette miette et la bouche de Chris s'animer tandis qu'il lui parle de son emploi du temps de la journée.

Une miette adorable mais insupportable.

Bucky finit par s'appuyer sur la table, par se pencher au-dessus pour retirer l'inopportune de son pouce. Son doigt se laisse peut-être aller à retracer le relief parfait de l'arc de Cupidon mais Chris sourit. Il embrasse malicieusement la pulpe, juste comme ça. Bucky se réveille complètement. Sa peau picote agréablement.

— « Ta barbe commence à être fournie. Tu vas retourner voir Miss Patty ? », demande-t-il en suivant la ligne de sa mâchoire.

Le blond hausse légèrement les épaules.

— « Je me demande si je ne vais pas laisser pousser encore. Je feuillette parfois des magazines en attendant mon tour et j'ai l'impression que les hommes branchés la portent un peu plus longues. »

— « Sam sera ravi de te renseigner sur la barbe qui ferait de toi le hipster le plus sexy d'Eureka », le taquine Bucky.

Il rit pour ne pas trop penser à Chris avec une vraie barbe, avec son casque de chantier et sa ceinture à outils. À tout ce que ces poils plus drus pourraient faire sur sa peau quand… Mince, c'est sexy.

— « Ce n'est qu'une idée », lui rétorque le blond.

— « Ça serait une très bonne idée », acquiesce Bucky.

Chris lui jette un regard en coin.

— « … Ça me convient si tu me trouves beau avec. Je veux continuer à te plaire », avoue-t-il d'un air gêné.

Le brun se mord les joues. Mince, mince, mince. Son pouce va et vient sur sa mâchoire avant de retourner effleurer ses lèvres. Cette fois, son ami tourne juste la tête et embrasse sa paume. Ça fait aussi partie de tous leurs baisers. Chris aime l'embrasser dans le cou, sur la nuque et à plein d'autres endroits laissés découverts par ses vêtements, des endroits que Buky ne pensait pas être si sensibles.

Chris est un embrasseur et le brun aime ça.

— « Je te trouverai beau peu importe la longueur de ta barbe », lui rétorque-t-il avec tendresse. « Si tu me demandes mon avis, je te dirais que tu serais très séduisant avec quelque chose de plus fournie mais – Sandy ! Arrête ! »

Le brun jure entre ses dents. La chienne tire si fort sur les cordons de son pantalon qu'elle manque de le faire tomber de son tabouret. L'élastique fatigué craque soudain, Sandy est déséquilibrée et regarde autour d'elle avec étonnement. La ficelle pend ridiculement entre ses crocs. Bucky la repousse. Il grimace au coton humide qui colle contre son bas-ventre. L'ourlet s'est déchiré, le brun remonte prestement son pantalon sur ses hanches. Il ne porte pas de sous-vêtement pendant la nuit. Chris et lui ne sont pas encore prêts pour ça. Le blond éclate de rire. Il attire Sandy à lui avec un petit morceau de brioche et récupère son trophée.

— « Tu veux le garder ? », demande-t-il en montrant le cordon.

— « Jette-le, c'est dégoûtant », grimace Bucky d'un air outré.

Le brun se lève mais il a oublié que son pantalon ne tient plus sur ses hanches. Bucky le rattrape de justesse et enroule ses doigts dans la couture pour le retenir. La tache de bave sur son entrejambe est vraiment gênante. Chris est hilare. Il rit toujours quand il commence à ranger la table du petit-déjeuner et le brun lui pince les reins en représailles. Il roule plusieurs fois sur lui-même l'ourlet déchiré, se contente de sentir le pantalon s'accrocher à ses hanches et marche prudemment pour rapporter leurs tasses.

— « Va terminer de te préparer, tu vas être en retard », dit-il en regardant l'affichage digital sur le four.

Chris le remercie d'un rapide baiser sur les lèvres et disparaît dans l'escalier. Sandy mâchonne avec entrain son morceau de brioche. De petites miettes collantes de bave tombent sur le parquet et Bucky songe que la journée va être difficile. Il se penche pour la ramasser, le pantalon trop lâche glisse sur ses fesses. Il se retrouve à moitié-nu dans la cuisine et la chienne jappe bruyamment.

— « Bucky ? Tout va bien ? »

— « Ça va ! Ne descends pas tout de suite ! », crie Bucky en direction de l'étage.

Un court silence lui répond avant que les lattes du palier ne craquent doucement.

— « … Tu as perdu ton pantalon ? »

— « Tais-toi Chris ! »

Le jeune homme ricane et le son se répercute dans la cage d'escalier. Bucky se précipite dans la buanderie, il récupère un bas de jogging dans le tambour de la machine à laver et l'enfile prestement avant de sortir de la pièce. Sandy vient le renifler avec intérêt et le brun rougit un peu. Il sait qu'il est grand temps de laver le vêtement.

Chris descend de la salle de bain, il hausse un sourcil mais n'ajoute rien. Appuyé contre l'îlot central et sa tasse de café dans la main, Bucky le voit revenir avec son bombers en cuir sur les épaules. Le blond récupère les clés de la Mercedes dans l'entrée, il a sa sacoche de travail passée à l'épaule. Bucky aime le voir comme ça.

Sandy s'approche de lui pour se faire cajoler une dernière fois, le brun s'éloigne de la cuisine. Un peu pour la même chose.

Chris sort sur le perron et va ranger ses affaires dans la berline. Le brun serre ses doigts sur la céramique brûlante. L'air est tiède mais lourd d'humidité et la brise suffisamment forte pour lui donner un peu froid. Il enfonce sa tête entre ses épaules d'un air frileux. Il se concentre sur Chris et la Mercedes. Bip, le bruit du déverrouillage automatique. Clac, la portière qu'il ferme. Schhh, le son discret que fait le coffre en s'ouvrant. Bucky n'a jamais été un grand amateur de voiture, son vieux pick-up Ford en est la preuve mais Chris avec sa berline est une vision assez distrayante. Le blond retire son blouson et le dépose sur la banquette arrière. Ses muscles roulent sous son polo en coton, son jean se tend sur ses fesses musclées. Ouais, distrayant.

Chris gratte gentiment Sandy derrière les oreilles avant de poser une main sur la hanche de Bucky pour l'attirer à lui et l'embrasser. Ses lèvres et sa paume sont chaudes, le brun commence à avoir vraiment froid. Mais mince, ça se passe vraiment. Ce truc absolument cliché digne d'une série sentimentale. Le baiser sur le pas de la porte que Bucky a tant fantasmé. Et depuis des semaines, il ne s'en lasse pas. Il ne peut pas. Même si Chris fait toujours la même chose et lui sourit toujours d'un air un peu timide avant de se pencher vers lui.

— « Tu as les lèvres glacées », souffle-t-il contre sa bouche. « Il y a beaucoup de vent, rentre avant d'attraper froid. »

Bucky roule les yeux et enroule ses doigts sur sa nuque. Il lèche taquinement la commissure de ses lèvres.

— « J'étais un homme sauvage sur cette plage avant de te rencontrer Chris, je peux gérer une brise venant du Canada. »

— « … Tu ne peux pas savoir d'où elle souffle », lui rétorque son ami en haussant un sourcil.

— « Que tu crois. » Le brun claque sa langue contre son palais avec suffisance. « Vas-y avant de te mettre en retard parce qu'on se bécote comme deux adolescents. »

Chris sourit et frotte malicieusement son nez contre le sien. Il doit vraiment partir parce que les doigts de Bucky picotent à l'idée de le tirer à nouveau dans la maison et de fermer la porte sur eux. Surtout, de fermer la porte sur eux.

— « Tu vas me manquer », chuchote le blond à son oreille.

Ça aussi, Bucky ne se lassera jamais de l'entendre le lui dire. Même s'ils ne sont séparés que pendant quelques heures, il ressent la même chose et chaque baiser de retour est meilleur que celui de départ. Chris l'embrasse une dernière fois avant de retirer sa main de sa hanche. Bon sang, ce que Bucky a froid…

— « Je t'envoie un message quand je quitte mon dernier chantier. Je devrais être rentré vers dix-neuf heures. »

— « D'accord. Bonne journée et sois prudent. »

Un jour, le brun cessera peut-être de s'inquiéter en sachant que Chris passe la moitié de ses journées juché sur des échafaudages à dix ou quinze mètres du sol. Le jeune homme caresse une dernière fois ses reins pour le rassurer puis descend les marches du perron. À peine a-t-il posé le pied sur le sable que Bucky a déjà attrapé Sandy par le collier pour la retenir. Il y a des choses dont elle ne se lasse pas.

La Mercedes ronronne chaudement avant de s'éloigner sur le chemin sableux en direction de la route principale. Chris le salue une dernière fois par la fenêtre et le brun rit. Ils sont deux clichés à eux seuls et c'est foutrement délicieux.

Sandy couine plaintivement et se contorsionne contre lui. Bucky la fait rentrer dans la maison avant de fermer la porte derrière eux. Il frotte ses pieds nus l'un contre l'autre pour les réchauffer.

— « Un peu de courage Sand', il revient ce soir », se moque-t-il en roulant des yeux.

Son café est froid. Il vide sa tasse dans l'évier de la cuisine, la rince avant de donner à la chienne un de ses jouets qui couinent pour la distraire de son gros chagrin. Bucky s'empresse de monter à l'étage pour aller prendre une douche brûlante. Il se déshabille, se glisse sous l'eau chaude avec délice.

Il revient ce soir.

Et comme à chaque fin de journée, Chris le cherchera dans la maison pour l'embrasser. Il aura sans doute un sourire un peu fatigué aux lèvres mais Bucky le mangera du bout des lèvres, ses mains frotteront gentiment son dos et ses reins pour le détendre.

Une nouvelle routine de vie banale, normale. Délicieuse.

Le brun ne croit pas encore complètement à sa chance. C'est tout ça, leur tendresse, leurs sentiments, leurs baisers et leurs gestes. Tout ça, pourtant bien réel.

Il pense ne jamais avoir été aussi heureux de sa vie.


C'est tout ça mais c'est autre chose aussi.

Bucky n'a pas été en couple depuis longtemps, pas de manière sérieuse depuis sa rupture avec Camden il y a quatre ans alors il y a des choses qu'il a un peu oubliés.

Les premiers temps, c'est la frontière encore poreuse entre l'amitié et sa nouvelle relation avec Chris qui fait que les deux hommes ne s'embrassent pas autant qu'ils le voudraient. Qu'ils se sourient d'un air gêné et semble d'excuser de le désirer. C'est quelque chose d'un peu flou, une incertitude peut-être parce qu'ils ont décidé d'aller lentement au début.

Au début.

Bucky ne sait pas réellement quelle temporalité recouvre ce terme.

Au début.

Alors il prend sur lui, il n'a pas envie d'être envahissant même s'il pourrait passer ses journées avec Chris à l'embrasser délicieusement et à se faire embrasser. Il est démonstratif sans être oppressant, en tout cas il l'espère. Il est attentionné sans avoir l'air d'exiger la même chose du blond, il l'espère vraiment.

Quant à tout le reste…

Non pas qu'il ait envie de partager sa chambre avec le blond dès le lendemain, sans même parler de son lit pour y faire des choses crapuleuses. Bucky n'a pas dormi avec quelqu'un depuis longtemps et cette perspective rend ses mains un peu moites. Cette perte de son intimité avec tout ce qu'elle comporte de questions gênantes qu'il ne formulera jamais, de toute sa vie. Comme les petits bruits sans glamour ou le visage pas franchement à son avantage au réveil. Puérilement, Bucky préférerait rester beau et tout le temps désirable pour Chris, comme Ally dans (S)ex List. Parfois, ses cheveux longs font des choses vraiment étranges le matin…

Soit, la coquetterie est une chose.

Mais il y a aussi des choses plus intimes, comme une certaine gêne à ne pas dire à la personne qu'on aime ce qui nous tracasse ou qui pourrait dévoiler une faiblesse.

Bucky sait que c'est le cas.

Il cache des choses à Chris comme le blond le fait de son côté, il le sent.

Quand ils étaient seulement amis, ça n'arrivait pas à part ce monstrueux éléphant dans le magasin de porcelaines qui s'appelait « Amour ». Oui, juste ça, un détail.

Puis il y a eu cette soirée.

Confortablement allongé sur le canapé, Bucky regarde la rediffusion d'un vieux blockbuster des années 1990. Sandy est allongée contre lui, sa tête pèse lourd sur ses cuisses et il la caresse distraitement. Le brun ne cesse de regarder l'écran de son portable et il manque la moitié de l'intrigue du film. Il le connaît par cœur de toute façon. La nuit est tombée et Chris n'est pas rentré. Pire encore, il ne l'a pas prévenu. Le blond était sur un chantier dans le quartier résidentiel de Lundbar Hills, il l'avait informé que son rendez-vous pouvait s'éterniser mais il fait nuit.

Bucky ronge son frein.

Ne pas être envahissant, ne pas être exigent.

Alors il n'envoie pas de message et se contente de trépigner d'inquiétude. Sandy grogne parce qu'il agite sa jambe de nervosité et cela la dérange. Le brun aurait déjà appelé avant, c'était acceptable quand ils étaient amis, mais maintenant, il ne veut pas être le petit-ami agaçant.

Il y a longtemps, Camden lui a reproché son inquiétude démesurée parce qu'il avait eu une heure de retard à un de leurs rendez-vous.

« J'ai l'impression que tu ne me fais pas confiance Buck'. Je suis en retard et je te prie de m'excuser mais ce n'est pas la peine de me harceler au téléphone. J'étais occupé. »

Ouais, pardon de m'inquiéter pour toi, petit con.

Alors il ne fait pas ce qu'il a le plus envie de faire, il contient bravement son impatience à s'informer et se convainc de toutes ses forces que si Chris était à l'hôpital, Sam l'aurait déjà appelé.

Le brun ne cesse d'éteindre et de rallumer le four pour tenir le dîner du jeune homme à la température parfaite, un excellent osso bucco qu'il a acheté chez leur traiteur italien préféré. Il fait une chaleur d'enfer dans le salon. Mais Bucky prend sur lui, il a entrouvert la baie vitrée sur la terrasse. La fournaise le fait somnoler un peu.

Il revient brusquement à lui quand la porte d'entrée s'ouvre lentement. Sandy se redresse brusquement et saute en bas du canapé. Elle écrase l'entrejambe de Bucky au passage et le brun grogne de douleur. Foutue soirée.

— « Bonsoir ma fille. »

Chris pose ses affaires dans l'entrée. Non, il les lâche plutôt, presque les jette, et Bucky fronce les sourcils. Le jeune homme flatte la chienne mais il voit ses épaules un peu basses et la fatigue sur ses traits tirés. Chris relève la tête et le salue d'un sourire las.

— « Je suis rentré », souffle-t-il d'une voix un peu éteinte.

— « Bon retour », lui répond doucement Bucky.

Le jeune homme a déjà quitté le canapé pour se rapprocher de lui. Il éloigne gentiment Sandy par le collier tandis qu'elle fait fête à Chris mais le blond a vraiment l'air fatigué. Bucky hésite – ne pas être trop envahissant – mais Chris se penche vers lui et l'embrasse. Il lui répond avec enthousiasme, emmêlant ses doigts dans les cheveux sur sa nuque.

— « Je suis désolé de rentrer aussi tard. Je voulais te prévenir mais je n'avais plus de batterie et j'ai oublié le câble de recharge dans ma chambre ce matin », souffle-t-il contre ses lèvres.

— « Ce n'est pas grave, tu es rentré. Est-ce que tu as mangé ? », sourit le brun.

Chris soupire imperceptiblement et secoue la tête. Il le serre contre lui, les mains croisées sur ses reins.

— « Je n'ai pas eu le temps. … Il fait atrocement chaud ici. Quelque chose ne fonctionne pas ? »

— « J'essaye de tenir au chaud le plat d'osso bucco pour toi et je n'arrête pas d'allumer et d'éteindre le four », avoue Bucky. « Je suis désolé, je ne t'ai pas attendu pour l'entamer. Est-ce que tu en veux ? »

— « Ça serait parfait, merci Bucky. Je veux juste prendre une douche avant. »

Chris frotte doucement sa bouche contre la sienne et le brun crispe ses doigts sur sa nuque. C'est bon de le savoir enfin à la maison. Il passe un doigt à la racine de ses cheveux jusqu'à sa cicatrice et l'effleure de son pouce.

— « … Est-ce que tout va bien ? »

— « La journée a été longue. Je suis content d'être rentré. »

Bucky se mord les joues. C'est vrai mais il ne lui dit pas tout, il le voit au sourire un peu maladroit qui ourle ses lèvres. Ne pas être envahissant. Il n'insiste pas et répond d'un baiser.

— « Je vais mettre la table. Tu préfères manger dans la cuisine ou sur la table basse ? »

— « Qu'est-ce que tu regardais ? », lui demande Chris en jetant un œil curieux à la télévision.

— « Une énième rediffusion deIndependence Day mais je peux changer de chaîne. »

— « Ce sera très bien. Je me dépêche de te rejoindre », sourit le blond.

Le jeune homme ramasse ses affaires, Bucky l'entend les jeter sur son lit. Les jeter vraiment et cette fois, pas de doute possible. Quelque chose ne va pas. Chris monte dans la salle de bain et rapidement, il entend l'eau couler. Le brun prépare un plateau repas qu'il dépose sur la table basse. Quand le jeune homme revient quelques minutes plus tard, habillé d'une tenue confortable, il a la peau encore rose et il sent bon le gel douche. Bucky se réinstalle confortablement sur le canapé et l'observe vider son assiette avec appétit. Chris sourit parfois aux effets spéciaux du film, il semble aller un peu mieux. Le brun l'attire tendrement vers lui une fois le plat terminé.

— « Fais-moi le plaisir de laisser cette assiette sale où elle est, ce n'est pas important », le gronde-t-il gentiment.

— « Sandy va la lécher… »

— « Eh bien qu'elle le fasse, je la rincerai moins longtemps avant de la mettre dans le lave-vaisselle. C'est bon pour la planète », lui rétorque le brun en claquant sa langue contre son palais.

Chris rit d'un air un peu fatigué. Il arrange les coussins le mieux possible dans son dos mais ses gestes sont très las. À peine s'est-il installé que Bucky le voit se masser discrètement la tempe gauche du bout des doigts. Début de migraine donc.

— « Tu as pris un comprimé ? », lui demande-t-il doucement.

— « … Je n'en suis pas encore là, ça va passer. »

Foutu obstiné. Le brun hésite mais si Chris ne va pas très bien, il peut aussi envisager la situation du point de vue d'un ami. Pas de truc gênant, il peut juste faire comme avant. Bucky déplie ses jambes qu'il avait mis sous lui et les étend devant lui.

— « Viens là, je vais t'aider », dit-il en tapotant ses cuisses.

Chris hausse un sourcil.

— « Je ne vais pas venir sur tes genoux Bucky. »

— « Pose-y seulement la tête, je pourrais appuyer sur les points d'acupression en haut de ton dos », ricane le brun. « Aller. »

Il tapote plus fort. Le blond hésite un instant avant de basculer lentement sur le côté. C'est presque amusant de le regarder faire avec son grand corps large et musclé. Chris gigote légèrement pour caler sa nuque le plus confortablement possible. Bucky pose une main sur ses yeux pour le plonger dans l'obscurité et commence à le masser délicatement. Les muscles sont tellement durs que Bucky a l'impression que son pouce s'enfonce à peine dans la chair. Il baisse le volume de la télévision pour le réduire à un léger bourdonnement.

— « Il s'est passé quelque chose aujourd'hui. Est-ce que tu veux en parler ? »

Le blond hausse légèrement les épaules mais il grimace de douleur.

— « … Je ne veux pas t'ennuyer », souffle-t-il après un silence.

— « Ça n'a jamais été le cas quand on en discutait avant et ça ne l'est pas maintenant non plus », lui rétorque Bucky.

Chris tend une main et effleure maladroitement celle posée sur ses yeux en guise d'excuse.

— « … Je viens juste de réaliser que David avait raison et qu'il y a vraiment des entrepreneurs très malhonnêtes. Ils essayent de profiter de lui parce qu'ils le pensent diminué par son AVC. Je soupçonne même deux sociétés de s'être entendues pour aligner leurs tarifs uniquement pour lui, des prix prohibitifs par rapport à leurs autres chantiers. C'est juste… »

— « Moche ? », propose le brun.

— « Plus que ça Bucky, c'est dégueulasse. David leur donne du travail pendant la moitié de l'année et il paye très bien », grogne Chris. « Ils sont des connards. Des connards malhonnêtes. »

Bucky hausse un sourcil. Ça fait beaucoup d'insultes dans la bouche toujours propre de son ami. Il effleure ses lèvres de son pouce.

— « Tu vas devoir te laver la bouche au savon », le taquine-t-il.

Chris grommelle et se tortille contre lui pour tenter de lui pincer la jambe à l'aveugle. Bucky frissonne. Il n'est sans doute pas pertinent qu'il dise à son ami qu'il s'est égaré bien trop haut sur son anatomie.

— « Tu travailles pour David depuis quelques semaines et tu râles depuis presque aussi longtemps contre ces entrepreneurs. Qu'est-ce qui a changé pour que ça commence à te donner la migraine ? »

— « Je l'ai accompagné sur ce chantier à Lundbar Hills pour parler avec la société dont on conteste la facture. Son montant est indécent et nous voulions lui montrer sur place qu'il tentait de le voler », explique lentement le blond. « Si tu l'avais vu… Il nous a menti avec un aplomb terrible et il parlait à David comme s'il était sénile. Ça l'a vraiment blessé et je – bon sang, j'avais juste envie de lui mettre la tête dans ses malfaçons pour qu'il admette avoir tort… Merde. »

— « Comment est-ce que vous allez faire ? »

— « David a parlé d'un procès mais c'est un processus long et très stressant… »

Chris se mord les joues, le brun voir les muscles de sa mâchoire rouler. Il l'encourage à continuer d'une caresse sur son épaule, il a encore des choses à dire.

— « Ce n'est pas tout, n'est-ce pas ? », l'encourage-t-il doucement à poursuivre.

— « … J'aurai dû voir qu'il y avait un problème bien avant. »

C'est donc ça. La culpabilité et le syndrome de l'imposteur. Bucky travaille délicatement le point d'acupression. Il garde la main sur le visage de Chris et caresse doucement sa pommette de son pouce.

— « Le chantier a commencé avant ta prise de poste », lui rappelle-t-il.

— « Mais David a bien précisé qu'il ne comprenait pas toutes les subtilités techniques des devis, tu étais là quand il en a parlé. J'aurais dû revoir tous ses projets en cours pour m'en assurer », proteste le blond.

— « Est-ce qu'il t'a fait des reproches ? »

— « Non mais j'aurai quand même dû être plus vigilant. » Chris se mord les joues. « Il était dans un tel état de fureur qu'il en tremblait, j'ai préféré le suivre en voiture jusqu'à chez lui pour m'assurer qu'il ne lui arrivait rien. »

Bucky soupire doucement. Il cale plus confortablement son dos contre les coussins.

— « Si David te gardait rancœur de quoi que ce soit, il t'en aurait déjà fait part. Tu peux me croire. »

— « Il n'aime pas avouer qu'il a eu tort, il préfère garder les choses pour lui », lui rappelle Chris.

— « Tout comme toi, vous vous êtes vraiment bien trouvés », ricane le brun.

Il sent que le blond fronce les sourcils sous sa paume, les poils le chatouillent un peu. Le jeune homme prend son poignet pour écarter sa main de son visage avant de pencer la tête en arrière pour chercher son regard.

— « Je ne voulais pas te cacher les choses Bucky, je voulais juste – »

— « Ne pas me déranger, je sais », le coupe-t-il gentiment. « Mais tu le faisais avant, je pourrais remplir un carnet sur tes récriminations. Réinstalle-toi correctement ou tu vas aggraver ta migraine. »

Chris s'exécute, la tête légèrement enfoncée entre ses épaules et l'air contrit.

— « Je ne voulais pas t'imposer de m'écouter me plaindre parce que c'est ce qu'un petit-ami compréhensif devrait faire », marmotte-t-il dans sa barbe. « Tu as aussi tes propres soucis. »

Bucky grimace. Un délicat euphémisme pour parler de ses continuels problèmes de travail avec le Pr Chemay. Il réalise qu'ils auraient dû parler bien plus que cela depuis que les deux hommes se sont embrassés pour la première fois et pas que pour du sexe. Chris doit savoir qu'il peut compter sur lui et demander de sa part une attention qu'un petit-ami est mieux en mesure de lui donner qu'un ami.

Le brun change d'épaule et masse lentement l'autre point d'acupression. Chris ricane d'une voix un peu étranglée.

— « … Je suis désolé. Je veux tellement bien faire que ça m'a un peu égaré », avoue-t-il. « … Je n'aimerais pas qu'on ressemble tout à coup à un couple de série télé, tu comprends ? On a dit qu'on se donnait du temps mais je ne savais plus réellement ce que je pouvais demander de toi. »

— « Je n'ai pas non plus été très démonstratif envers toi. »

— « Tu fais juste ce que je t'ai demandé, tu me laisses de l'espace parce que c'est encore nouveau mais c'est… Il y a beaucoup de choses que j'aimerai faire avec toi. En plus de t'embrasser. »

— « J'aime quand tu m'embrasses. »

Chris rit.

— « J'adore ça moi aussi mais je n'ose pas encore me comporter vraiment comme un compagnon avec toi. C'est un peu… »

— « Flou et effrayant ? »

— « En quelque sorte », grimace le blond.

Bucky hoche lentement la tête.

— « Je te propose de nouvelles règles de vie commune de couple », dit-il avec une emphase comique. « Nous devons juste faire ce dont nous avons envie parce que si nous en avons envie, c'est que nous nous sentons prêts. Tu me suis ? »

— « Je te suis », acquiesce Chris en souriant.

— « Et quand nous doutons, nous devons en parler à l'autre. Tous les magazines féminins te diront que la clé d'un couple qui fonctionne bien est la communication. Et je veux vraiment que ça fonctionne », poursuit-il.

— « Moi aussi. … Donc je peux te tenir la main quand on marche ensemble sur la plage ? »

— « Bien sûr mais n'en parle pas à Sam, il serait trop heureux de parler du roman-feuilleton de notre histoire », renifle le brun.

Le jeune homme éclate de rire. Bucky sent avec satisfaction ses muscles s'amollir enfin sous ses doigts.

— « Nous devons juste continuer à avoir confiance l'un à l'autre, comme depuis le premier jour. »

— « Je t'ai trouvé beau le premier jour », baille Chris avant de gratter sa mâchoire. « … Nous continuons à faire chambre à part pour le moment, n'est-ce pas ? J'ai confiance en toi mais je dois vraiment prendre confiance en moi aussi. »

L'aveu est touchant. Bucky regrette de ne pas pouvoir l'embrasser sans risquer un douloureux torticolis. Chris gigote contre lui.

— « J'essaye de penser à tout mais c'est épuisant », souffle le blond.

Tout est aussi un euphémisme pour parler de sexe. Pas étonnant que son ami ait la migraine en plus de ses désagréments professionnels. Bucky sourit et caresse sa nuque du bout des doigts.

— « Chris, il est des années lumières trop tôt pour parler de ça », le taquine-t-il. « Ça va exactement à l'encontre de l'idée de prendre notre temps, tu ne penses pas ? »

— « … C'est juste pour savoir le moment venu », proteste le blond.

— « Arrête de te torturer l'esprit et de vouloir anticiper. On peut laisser aller et décider ensemble où on se dirige. Crois-moi, c'est bien trop tôt pour prendre la direction d'un lit. »

Le blond rougit légèrement et Bucky grogne. Il a vraiment envie de l'embrasser.

— « Est-ce que ta migraine est en train de passer ? »

— « C'est mieux. … Je devrais aller me coucher », souffle Chris.

— « Ou tu peux rester encore un peu avec moi », suggère Bucky.

Parce que c'est ce qu'il aimerait et il faut qu'il applique ses propres nouveaux préceptes.

— « Je vais m'endormir contre toi si tu continues. »

— « C'est mieux, tu resteras plus longtemps. »

Le blond rit doucement. Il roule lentement sur le flanc pour s'installer plus confortablement.

— « Je peux remonter un peu le son de la télé ? »

Chris acquiesce paresseusement. Les doigts de Bucky continuent à masser délicatement le point d'acupression sur son trapèze gauche. Le blond soupire doucement de bien-être. Il finit par tendre légèrement la tête et embrasse maladroitement son genou.

— « Je t'aime », souffle-t-il d'une voix déjà lourde de sommeil.

— « Moi aussi Chris », répond tendrement Bucky.

Le jeune homme frotte sa joue contre sa cuisse d'un air câlin et ferme les yeux. Le brun sent son corps achever de se relaxer contre le sien. Il remonte à peine le son de la télé. Il connaît aussi la fin d'Independence Day par cœur et dans les films d'extraterrestres, ces derniers ne gagnent jamais de toute façon. Ou si rarement que c'est insignifiant.

Ses doigts s'égarent dans les cheveux de Chris. Ils sont toujours aussi doux et Bucky s'amuse avec les mèches comme jamais il ne se l'est vraiment autorisé jusqu'à présent. Chris ne cille pas, la respiration déjà lente et tranquille mais le corps toujours aussi chaud. Le brun sent ses jambes s'engourdir un peu, il se hausse très discrètement d'une fesse sur l'autre pour faire circuler son sang mais pas plus. Il ne veut pas réveiller son petit-ami. Le brun sourit d'un air un peu stupide dans le salon silencieux.


Fin-octobre


Accoudé au large comptoir d'accueil de Providence, Bucky suit attentivement du regard la mèche bleue que Sue Ann rejette une nouvelle fois en arrière sur son crâne. La mise en plis reste quelques secondes en place en un équilibre précaire avant de se désordonner à nouveau. La mèche de cheveux gonfle lentement, rebondit à nouveau sur le front de l'infirmière.

Il sourit discrètement.

Sue Ann la prend entre deux doigts et tente de la coincer dans les boucles folles qui entourent sa tête comme un halo. Cela lui donne un peu l'air d'un bouquet de ces fleurs qui couronnent les dunes de Manila Beach au printemps. Des fleurs très bleues. Il y a quelques semaines, l'infirmière arborait un dégradé fushia sur sa frange.

Bucky tente encore de choisir quelle couleur lui va le mieux au teint. Le rose soutenu rehaussait sa carnation mais le bleu clair actuel met en valeur ses yeux. Choix difficile.

— « Cette croisière était incroyable », reprend Sue Anne en souriant joyeusement. « Est-ce que tu as déjà vu la couleur de l'eau quand tu es en pleine mer ? C'est tellement beau James ! Et j'ai même fait du surf ! »

Non, il ne les a pas vu. Bucky n'est pas réellement allé plus loin que la côte ouest durant sa vie mais ça a l'air agréable. C'est peut-être pour ça que la pétillante sexagénaire a choisi ce bleu prononcé. Quelque chose de caribéen. Peut-être. Il fronce les sourcils.

— « Je croyais que c'était une croisière dans les Caraïbes. On ne fait pas de surf là-bas. »

L'infirmière le regarde un instant avant d'éclater d'un rire tonitruant. Bucky a un imperceptible mouvement de recul, il sent le comptoir vibrer sous son coude. Les manifestations de joie de Sue Ann Meredith sont encore aussi impressionnantes que lorsqu'elle officiait comme infirmière scolaire à Eureka High School quand le brun y était étudiant. C'est ce qui est agréable dans ce tout petit bout de Californie, certaines choses ne changent pas. Ça le rend un peu nostalgique.

— « Oh James, tu es tellement charmant », pouffe-t-elle en tapotant affectueusement sa main. « Est-ce que tu as seulement vu les bateaux de croisière que l'on construit aujourd'hui ? J'ai fait du surf dans la piscine à vagues du pont quatre. »

— « Bien entendu. »

Bucky lève les yeux au plafond en ricanant.

Le téléphone à l'accueil sonne et Sue Ann décroche en s'excusant d'un regard. Le brun l'écoute distraitement répondre avec chaleur à son interlocuteur avant de s'éloigner par discrétion. Il regarde les visages des visiteurs et des médecins qui vont et viennent autour de lui dans le hall. Le jeune homme cherche machinalement celui de Chris, sans succès. Son rendez-vous avec le Dr Weisser n'est pas encore fini.

Bucky entend Sue Ann raccrocher vigoureusement, il se rapproche à nouveau d'elle. La mèche bleue tressaute joyeusement sur son front tandis que le bureau semble trembler alors qu'elle tape puissamment sur le clavier de l'ordinateur.

Le brun s'accoude nonchalamment au comptoir devant elle.

— « Cette nouvelle couleur de cheveux est aussi une audace de vacances ? », lui demande-t-il d'un ton taquin. « Vous les avez fait couper, vous les portiez beaucoup plus longs au lycée. »

— « Tu es bien gentil de me rappeler mes folles années d'infirmière scolaire », glousse Sue Ann en passant une main coquette dans sa coiffure. « C'est une idée de Miss Patty pour prolonger mes vacances après mon retour. Elle a appelé ça un bleu caraïbe. Ma cheffe a un peu grimacé mais les visiteurs de Providence apprécient. Ils me disent que je suis visible de loin. »

— « Je n'en doute pas », ricane le brun.

Les cheveux partiellement teints en bleu de la sexagénaire sont un phare dans l'environnement plutôt neutre de l'hôpital, en blanc et gris avec son mobilier discret et confortable. C'est une balise dont la couleur ne cède que devant une autre teinte au gré des fantaisies capillaires de l'infirmière. Bucky avait admiré ses mèches rouges quand il était entré au lycée. C'était vraiment cool et il avait regretté ses cheveux noirs un peu banals.

Le téléphone sonne une nouvelle fois, le brun s'éloigne encore.

Il ne voit toujours pas Chris dans la foule ni vers les ascenseurs à gauche dans le hall. Il se renfrogne un peu. Le rendez-vous avec son neurologue est censé être un simple contrôle alors pourquoi est-ce si long ?

Sue Ann raccroche, le bureau tremble toujours.

— « Tu n'es pas venu avec ta chienne ? Je ne la vois pas devant Providence et je ne l'entends pas non plus », demande-t-elle avant d'écarquiller les yeux. « Oh James, ne me dit pas que tu l'as laissé seule dans ton pick-up sur le parking ? »

La sexagénaire est en train de remplir un dossier sur l'ordinateur. Bucky remarque que ses ongles courts sont aussi laqués de bleu. Là, ça commence à être un peu trop. Il passe une main dans sa nuque.

— « Elle est à la maison et parfaitement heureuse », grommelle-t-il. « Le pick-up est au garage de Wayne depuis trois jours pour réparation. Je vais le récupérer tout à l'heure, Chris va me déposer après mais Sand' aime beaucoup trop le cuir de la Mercedes. L'odeur la rend folle, je préfère qu'elle mâchonne ses jouets qui couinent plutôt que la garnitures des sièges. »

Sue Ann lève un sourcil et plonge ses yeux bleus dans les siens. Bucky enfonce légèrement sa tête entre ses épaules. Il connaît ce regard, il sait qu'il va avoir droit à une remontrance. Pourquoi, il l'ignore. Il trouve son explication parfaite et surtout très vraie. Quand Chris a découvert la première fois le goût de Sandy pour le cuir de vachette de la Mercedes, il était trop tard. Cela lui a coûté plus de mille cinq cents dollars en sellerie, une fois a suffi.

Il adresse un sourire aussi charmant que possible à l'infirmière.

— « … Tu n'as plus de voiture depuis trois jours ? Tu n'es pas venu en ville depuis aussi longtemps ? »

— « Chris me prête la Mercedes mais il est très souvent sur la route alors je fais tout pour ne pas en avoir besoin et risquer de le déranger. C'est la première fois que je viens à Eureka depuis que j'ai laissé le pick-up chez Wayne », admet-il en haussant légèrement les épaules.

L'expression qui passe sur le visage de Sue Ann ressemble à de l'effroi et Bucky se crispe. Quoi encore ? Qu'est-ce qu'il a fait ?

— « James. Tu es jeune, beau et célibataire. Tu devrais courir les bars branchés de l'autre côté d'Arcata Bay où traînent les étudiants de l'université de Californie, faire de belles rencontres et pas te contenter d'apprécier les couchers de soleil depuis ta terrasse. Comment fais-tu ? », s'exclame la sexagénaire avec horreur.

Le brun cligne des yeux avant de rire. Un rire fort et bruyant qui l'oblige à contracter les abdominaux.

Cette retraite forcée à Manila ne lui a pas déplu. Comme il était immobilisé, Chris et lui ont été obligés de discuter plus que jamais pour assumer les petits tracas du quotidien, les courses à faire en ville et les rendez-vous à honorer. Le tout entrecoupé de longues séances de baisers chauds et mouillés sur le canapé entre deux listes de courses et d'emplois du temps à accorder. Ça avait été rudement bon et Chris donne de remarquables baisers. Une fois, il a même grogné de frustration contre sa bouche et l'a couché sur le sofa en le recouvrant de son corps. Ils avaient dit qu'ils iraient lentement mais Bucky vibrait déjà de désir sous lui et il aurait accepté de faire l'amour sur le champ si le blond le lui avait demandé. Chris avait les cheveux ébouriffés, les lèvres gonflées, le regard un peu flou et l'air délicieusement décadent. Putain ouais, il l'aurait fait.

Plus de frontière un peu mouvante entre leur amitié et leur couple, les deux hommes sont passés ensemble d'un même pas de l'autre côté de la barrière et c'est parfait.

— « James ? »

Le brun regarde Sue Ann. Elle a une légère moue désapprobatrice et inquiète accrochée aux lèvres, comme si elle prenait comme une offense personnelle le fait qu'il n'aille pas courir les jeans trop moulants des étudiants de CSPU. Il roule des yeux.

— « Comment je fais ? Je ne suis pas un garçon contrariant et j'ai une très riche imagination », répond-il en haussant un sourcil d'un air gouailleur.

Sue Ann plonge son regard dans le sien puis claque sa langue contre son palais.

— « Si tu as déjà une vie sexuelle satisfaisante avec ta main droite – tu es droitier, n'est-ce pas ? – alors je suis rassurée. C'est un signe de bonne santé », lui répond-elle du tac-au-tac.

Bucky a presque quarante ans mais il rougit quand même un peu de confusion. Mince, pris à son propre piège par son ancienne infirmière scolaire de lycée. Pas son fait d'arme le plus glorieux.

— « Sam apprécie aussi beaucoup ma terrasse sur Manila Beach. Il me demande une fois par mois s'il ne pourrait pas y installer une tente pour vivre la même chose », s'empresse de se justifier le brun.

La sexagénaire renifle légèrement.

— « Sam mentirait avec affront au FBI si jamais tu cambriolais la banque centrale de Californie devant lui », ricane-t-elle d'un air de connivence. « Il te couvrait déjà quand vous étiez au lycée et que tu pensais pouvoir te dispenser des cours de mathématiques. »

— « Le remplaçant du professeur Czarnowsky était horriblement mauvais et ce n'est arrivé que deux fois. Je travaillais mieux en restant à la bibliothèque du lycée qu'en restant enfermé deux heures avec lui. »

— « Et il sentait atrocement la transpiration. Buck' a fait la même chose pour moi quand j'ai séché un cours de littérature pour aller bécoter Mary-Ann Thompson derrière les gradins du gymnase. Il savait combien c'était important pour moi parce que Peter Lentz prévoyait de lui demander de sortir avec lui afin la fin de la journée », ajoute soudain une voix familière derrière eux. « Entre Buck' et moi, c'est à la vie à la mort, Mrs Meredith. »

Bucky rit joyeusement. Il salue Sam d'un sourire et lui laisse un peu de place au comptoir à côté de lui. Son meilleur ami appelle toujours leur ancienne infirmière scolaire par son nom de famille, un reste de respect pour le corps enseignant. De son point de vue, c'est assez hilarant compte-tenu du nombre de fois où Sam a bravé son autorité pendant les trois années de leur scolarité.

— « Comme nous sommes les meilleurs amis du monde et que nous ne nous cachons rien, il sait très aussi que je cultive son amitié pour continuer à profiter de sa terrasse », sourit Sam d'un air suffisant. « Il faut cultiver ce qui nous fait du bien. »

— « Amen », acquiesce le brun en levant les yeux au plafond d'un air inspiré. « À la vie, à la mort mon pote ! »

Les deux amis échangent une poignée de mains un peu acrobatique avant d'éclater de rire comme deux gamins. Sue Ann soupire faussement d'exaspération.

— « Vous êtes aussi insupportables que lorsque vous aviez dix-sept ans », dit-elle avec une pointe de tendresse dans la voix. « Je ne doute pas que ta terrasse soit magnifique James mais j'espère que tu n'en oublies pas d'indiquer à Chris les endroits les plus agréables d'Eureka pour sortir. Si un autre aussi beau garçon mène une telle vie d'ermite, je me verrais dans l'obligation d'intervenir.

— « Je pense que c'est trop tard Mrs Meredith, Chris appartient corps et âme à Bucky », ricane Sam. « Il s'est fait une très jolie petite tanière juste à côté de la sienne et c'est Buck' qui lui donne les couvertures. Les couvertures les plus douces et agréables possibles pour qu'il puisse s'y nicher et ne surtout pas vouloir en sortir. »

Son ami lui jette un regard éloquent et Bucky lui donne un coup de pied dans le tibia. Merci de ne pas mêler un peu plus Chris à cette discussion. Sue Anne soupire une nouvelle fois.

— « Tu ne pourras faire des rencontres qu'en sortant un peu, James. »

— « Je ne suis pas complètement démuni non plus, j'ai des amis », proteste le brun.

— « Je pensais à avoir un homme dans ta vie », lui répond l'infirmière du tac-au-tac.

— « Oui, par exemple. »

Les yeux de Sam brillent de malice avant qu'il n'échange un regard entendu avec la sexagénaire. Bucky passe une main dans ses mèches sombres et leur jette un regard noir.

— « Oh, laissez-moi un peu tranquille tous les deux. Je suis majeur et vacciné, je peux mener ma vie comme je l'entends », grommelle-t-il d'un air renfrogné. « Et avant que vous n'en parliez, je suis parfaitement au courant de ce nouveau restaurant qui vient d'ouvrir sur 5th Street. Chris et moi adorons la cuisine d'Amérique du Sud, nous sommes allés y commander à emporter plusieurs fois. »

— « Pourquoi prendre à emporter quand vous pourriez manger sur place ? », grommelle Sue Ann en roulant des yeux. « La décoration est très jolie aussi et vous auriez pu rester, être entourés par des gens. Est-ce que tu sais que le patron organise une soirée d'ambiance latine chaque vendredi ? Ça pourrait être un très bon moyen de passer la fin de la semaine. »

— « … Buck' ne sait pas danser… Pas bien du tout en tout cas », s'esclaffe Sam.

Cette fois, le brun lui donne une vigoureuse bourrade dans les côtes mais il ne parvient pas à le faire taire. Son meilleur ami a encore le temps de raconter une histoire un peu ridicule sur leur adolescence avant de grogner de douleur et de se frotter le flanc.

Le sourire qui illumine soudain le visage de Sue Ann est juste très inquiétant.

Un jour, Bucky a trouvé refuge dans l'infirmerie, un mouchoir plein de sang collé sur son nez. Il venait de pousser très fort Mac Morrison contre son casier, le garçon avait répondu d'un coup de poing qui l'avait jeté par terre. Bucky avait mal, il gardait les dents si serrées de rage que c'est Sam qui avait dû expliquer l'altercation, l'insulte homophobe qui avait tout déclenché. Son meilleur ami s'était occupé de tout et une fois seul avec Sue Ann, le brun s'était autorisé à essuyer les larmes brûlantes qui perlaient à ses cils. Il n'avait aucun problème, il n'était pas dégénéré et Seigneur non, il n'avait pas regardé Mac Morrison avec un drôle d'air de fille amoureuse. Jamais de la vie. … Plutôt son ami et voisin de casier, Craig, qui avait une très jolie fossette au menton. Craig qui avait rit quand il était tombé par terre, le nez en sang et le cœur en miettes à cette humiliation publique. Il avait pleuré plus fort. Sue Ann l'avait réconforté en attendant l'arrivée de Winnifred Barnes, prévenu par Sam avec la diligence d'un chien de secours.

Plus tard, l'infirmière avait passé sa main chargée de bagues fantaisies sur sa tête en lui disant qu'un ton de conspirateur que Dan « Danny » Whitehead le trouvait très mignon. Une information de première main obtenue auprès d'une source très sûre. Leur histoire avait duré trois semaines, sans feu d'artifices dans le ventre excepté celui de sa confiance en lui. Il n'avait plus jamais laissé Mac Morrison l'insulter dans les couloirs.

Oui, la sexagénaire a un peu le même air que quand elle se préoccupait de ses affaires de coeur en première année.

— « Si tu ne sais pas danser, c'est une merveilleuse occasion d'apprendre James ! Demande donc à Chris de danser avec toi quand vous retournerez dîner là-bas et que vous y resterez », s'exclame-t-elle.

Bucky lui jette un regard parfaitement interdit. Quoi ? Quoi ?

— « … Vous êtes sérieuse ? C'est – Bon sang, je ne vais pas faire ça, c'est – Vous dites n'importe quoi », balbutie-t-il maladroitement.

Il sent ses oreilles chauffer. Sue Ann fronce les sourcils et claque sa langue contre son palais.

— « Et quoi ?! Tu ne le trouves pas assez bien pour toi peut-être ? »

Sam ricane bruyamment à côté de lui. Bucky passe une main lasse sur son visage en se deamandant comment la conversation a pu lui échapper à ce point.

— « Ne soyez pas ridicule, Chris est parfait », maugrée le brun.

— « Je suis bien d'accord avec toi, il est parfait », répète l'infirmière et la mèche bleue tire-bouchonne joyeusement sur son front. « Tu as le béguin pour lui, c'est très bien. … Est-ce que tu veux que je lui demande pour toi ? Vous êtes amis, je peux comprendre que ce soit un peu intimidant. »

Bucky ne sait pas exactement quand non plus Sue Ann a compris qu'il avait des sentiments pour son colocataire. Cette femme est diabolique.

Sam éclate de rire, incapable de se contenir. Le brun sent ses joues s'enflammer presque douloureusement. Il peut gérer, il est un homme adulte pour l'amour de Dieu. … Il fait juste les choses quand il se sent prêt, merci bien.

Son meilleur ami essuie une larme d'hilarité d'un revers de main.

— « Tu devrais accepter une aide aussi généreuse Buck' », s'esclaffe-t-il. « Je me souviens très bien que c'est Mrs Meredith qui t'a arrangé ton premier rencard avec Danny. Je suis sûr qu'elle peut faire au moins aussi bien avec Chris. »

— « La ferme Sam. Juste, ferme-la », siffle le brun.

Son ami repart de plus belle dans son hilarité.

Dan Whitehead le trouvait très mignon. Du point de vue Bucky, il n'était pas non plus pas désagréable à regarder et il était gentil. Comment pouvait-il en parler avec le principal concerné ? Il ne savait pas vraiment comment procéder sans paraître ridicule. Après trois semaines de regards en coin et d'hésitations, Sue Ann avait pris les choses en main. Le jour-même après les cours, ils avaient eu leur premier rendez-vous, aussi gênés l'un que l'autre devant un milkshake chez Bobby's sur H Street. Leur premier baiser avait eu le goût de chocolat – celui d'un autre milkshake – juste un contact lèvres contre lèvres donné dans les ombres qui entouraient Green Park. C'était Dan qui l'avait fait. Cette fois-là aussi, Bucky n'avait pas été beaucoup plus courageux que lorsqu'il repoussait le moment de lui adresser la parole.

Le brun se perd dans ses pensées, son ami interroge Sue Ann avec gourmandise sur le menu de la cantine de Providence pour les jours à venir. Après un grognement de satisfaction provoqué par la présence de hamburgers demain midi, Sam le désigne d'un petit signe de tête à l'infirmière qui opine à son tour.

— « Je peux vraiment demander à Chris, James. Ça ne me dérange pas et je serai ravie de t'aider », répète-t-elle gentiment.

— « Je n'ai pas besoin de – »

— « Ce garçon est tellement séduisant et gentil avec toi, vous êtes fait pour vous entendre. Je suis certaine que cela pourrait donner quelque chose de très bien entre vous. Quand vous êtes arrivés ensemble tout à l'heure, j'avais déjà l'impression de voir un couple », s'obstine-t-elle en fronçant les sourcils.

— « Sue Ann, je vous assure que ce n'est pas nécessaire… », gémit doucement Bucky en passant une main sur son visage.

— « Tu veux me faire croire que tu es plus dégourdi que quand tu avais seize ans ? Si c'était le cas, tu l'aurais déjà invité à sortir avec toi. Si je ne t'avais pas aidé avec Danny, je pense que tu ne lui aurais jamais demandé quoi que ce soit. »

— « Il ne l'aurait jamais fait », acquiesce Sam en hochant la tête.

Le brun fronce les sourcils et plaque bruyamment ses deux mains sur le comptoir.

— « Il était le seul autre garçon gay à ma connaissance au lycée et notre infirmière scolaire m'avait dit que je le lui plaisais beaucoup. Je pense que je pouvais être légitimement intimidé », ronchonne-t-il.

— « Je t'ai toujours dit que c'était aussi le cas de Andrew Brooks, le capitaine de l'équipe de football, et de Greg Allard, le playboy de dernière année mais tu n'as jamais voulu me croire », soupire Sam.

— « Parce que c'était aussi absurde que de m'affirmer que je pourrais un jour être marié à James Masters dans sa période Buffy contre les vampires », siffle Bucky d'un air peu amène.

— « J'ai toujours pensé que Andrew était attiré par les hommes. Il était très proche de son cornerback droite, Jackson de Prato », dit distraitement Sue Ann en pianotant sur le clavier de son ordinateur.

Sam jette un regard plein de morgue à Bucky tout en gonflant ridiculement le torse. C'est une idée juste… ridicule. Impossible. Il fronce légèrement les sourcils. Si c'est réellement le cas, il espère que David Brooks – peu importe où il se trouve maintenant – a un meilleur ami moins malicieux que le sien. C'est épuisant.

Il passe une main lasse sur son visage.

— « Ils étaient amis, ça ne veut pas dire que Andrew avait le béguin pour Jackson et – Bon sang, j'ai l'impression d'être revenu au lycée et de raconter des ragots entre deux cours », soupire-t-il.

Sam ricane d'aise. Il est en train de compter les garçons de leur connaissance dont il est persuadé qu'ils étaient des homosexuels refoulés quand un mouvement sur sa droite attire l'attention de Bucky.

Le brun sourit un peu stupidement.

Chris vient de se sortir de l'ascenseur et, après s'être courtoisement écarté du passage devant une dame âgée, il le cherche du regard. C'est très mignon. Le brun lui adresse un petit signe de la main. Le visage de son compagnon s'illumine d'un large sourire et il marche vers lui avec empressement. Non, il fend plutôt la foule de toute la largeur de ses très larges épaules musclées.

Bucky se décale vers Sam pour lui laisser un peu de place au comptoir d'accueil. Le blond lui sourit et pose doucement une main sur le bas de son dos en guise de salut.

— « Tu es resté ici à m'attendre ? Je savais que j'aurai dû te laisser les clés de la Mercedes, tu serais venu me récupérer plus tard », dit-il.

— « Ouais, tu aurais dû », répond Sam avec envie.

Bucky lui jette un regard noir. Il est un peu distrait parce que les doigts de Chris viennent de se faufiler sous sa veste pour caresser ses reins couverts par son chandail. Le jeune homme fait toujours ça, sans même le réaliser. Le brun se rapproche imperceptiblement de lui. Probablement qu'il n'en a pas réellement conscience non plus, un peu comme un réflexion pavlovien.

— « Je suis désolé, mon rendez-vous s'est un peu éternisé. »

— « Est-ce que tout va bien ? », s'empresse de lui demander Bucky.

Il baisse les yeux sur la chemise cartonnée que Chris a posé devant lui sur le comptoir. Le blond ne l'avait pas à leur arrivée et elle est vraiment… épaisse. Bucky fronce légèrement les sourcils d'inquiétude. Son ami rit et la pousse dans sa direction.

— « Il n'y a rien de secret, ce sont des copies des résultats de mes examens depuis que je suis suivi par l'hôpital. David m'a dit de les envoyer à l'assurance santé pour compléter mon dossier », lui explique le blond.

— « Elle va de te demander une fortune pour accepter de te couvrir avec des antécédents comme les tiens », ronchonne le brun.

Il repousse la chemise cartonnée vers son ami sans l'ouvrir. Il aurait l'impression d'être un peu intrusif et il a confiance en lui. Chris hausse légèrement les épaules.

— « J'ai dit la même chose à David mais il m'a répondu de ne pas m'en préoccuper, qu'il prenait tout à sa charge comme employeur. Et que, excepté mon amnésie, je suis en parfaite santé. »

— « C'est vrai, tu as une santé de fer », acquiesce Sam avant de sourire d'un air malicieux. « Et ça durera très longtemps tant que tu ne danses pas avec Buck'. »

Sue Ann et lui échangent un regard complice. Chris interroge le brun d'un coup d'œil mais ce dernier se contente de hausser les épaules. Il appuie doucement sa paume sur ses reins et le brun se mord les joues. Il adore sentir ça.

— « … Tu veux aller danser ? », lui demande-t-il d'un ton un peu incertain.

Sam est hilare. Bucky se demande avec une pointe de désespoir pourquoi son bipper ne l'appelle pas à l'autre bout de Providence.

— « Je ne veux pas aller danser, on parlait juste des soirées du vendredi au nouveau restaurant de cuisine latine », grommelle-t-il.

— « Les soirées salsa ? Tu sais danser la salsa ? »

— « Non, pas du tout. Je ne sais pas danser la salsa ni aucune autre danse répertoriée dans l'histoire du genre humain. Mon bal de promo a été une horreur », gémit Bucky en passant une main sur son visage.

Chris rit chaudement et appuie son épaule contre la sienne.

— « Je suis persuadé que tu exagères. Parfois, tu te… trémousses dans la cuisine quand on prépare le dîner avec la télé allumée. Tu n'avais pas un si mauvais sens du rythme quand KMUD a diffusé sa rétrospective sur Michael Jackson », sourit-il gentiment.

— « Trop aimable… »

Bucky roule des yeux mais un frisson agréable remonte le long de son corps. Chris est chaud et il sent bon contre lui. Il s'appuie distraitement sur son épaule.

— « Crois-moi, les murs du gymnase du lycée se souviennent encore des rares moments où Buck' s'est aventuré sur la piste de danse », ricane Sam.

— « Je ne me souviens pas que tu ressemblais à John Travolta », persifle un peu le brun.

— « Je m'en suis toujours mieux sorti que toi mon pote. Tu trouvais ridicule l'idée de nous entraîner mais les filles ont remarqué l'habilité de mon jeu de jambes », lui répond son ami du tac-au-tac en haussant un sourcil arrogant.

Bucky se renfrogne. Oui, lui aussi s'en souvient et plus encore, il se souvient de l'avoir terriblement envié. Sam oublie toutefois un peu vite les mouvements désordonnés du haut de son corps et cette vision le réconforte un peu.

— « C'est vrai que le bal n'a pas été ton plus grand moment de gloire », acquiesce Sue Ann en souriant. « Mais tu étais très beau dans ton costume noir et ta chemise bleue. Ça a fait tourner quelques têtes pendant la soirée et pas parce que tu les faisais valser. »

— « Heureusement pour leurs propriétaires mais je reconnais que tu étais beau comme un camion tout neuf Buck' », s'esclaffe Sam.

Le brun esquisse un sourire. Winnifred Barnes avait un goût exquis. Bucky avait traîné les pieds quand ils étaient allés faire les magasins d'Eureka ensemble pour lui trouver un costume. Une fois habillé devant le miroir en pied de sa chambre, il avait pensé l'espace d'une seconde qu'il aurait peut-être bien pu faire tomber James Masters à genoux devant lui et l'épouser. Si l'homme avait été gay. Et si tous les deux vivaient dans une série télé.

— « Tu n'étais pas trop mal non plus », marmotte-t-il en songeant au complet gris et au nœud papillon à motifs de son ami.

— « Je sais que je l'étais mais merci quand même. »

Sam le bouscule d'un coup de coude amical et le brun roule des yeux.

— « Je suis sûr que tu étais très bien », souffle Chris et Bucky a l'impression de sentir sa chaleur sur son visage. « … Tu y es allé avec un garçon ? »

Il secoue la tête.

— « Eureka est une petite ville, le lycée n'avait pas beaucoup d'élèves. Même si Sam pense que la moitié de la population masculine était attirée par les hommes, j'y suis allé avec une très bonne amie et nous avons passé un excellent moment », sourit Bucky en jetant un regard en coin à Sam.

— « Avec un peu de courage, tu aurais pu inviter Jonas Vargys du club d'échecs à t'y accompagner », maugrée légèrement Sue Ann. « Vous auriez été très mignons ensemble. »

— « Il avait demandé à Olivia qui était dans le club avec lui. »

— « Tout comme tu avais demandé à ta cavalière », lui rétorque l'infirmière du tac-au-tac.

— « Excepté que nous ne nous sommes pas embrassés ensuite comme des perdus sur le parking. Il était amoureux d'elle. »

Bucky est content de voir la sexagénaire faire une petite moue déçue à l'idée de s'être trompée.

— « Bucky est un homme très courageux », commente Chris avec une adorable assurance.

Sam ricane en coin. Cette fois, le brun le fusille du regard car le terrain est glissant et dangereux. Son meilleur ami sait ce qu'il ressent pour Chris et surtout qu'il ne comptait pas lui en parler par peur de perdre son amitié. Il ignore que le blond a tout bouleversé comme un chien dans un jeu de quilles mais quand même, la discussion pourrait rapidement devenir un peu risquée.

Chris caresse ses reins de son pouce.

— « J'aimerais bien voir les photos de ton bal de promo si tu es d'accord. Nous n'avons pas encore ouvert cet album », reprend le blond d'un air pensif.

Bucky frissonne. Les doigts de son ami sont passés sous l'ourlet de son chandail et reposent à présent sur le tee-shirt, presque sur sa peau nue. Le brun lui jette un petit regard mais Chris a l'air perdu dans ses pensées, sans réaliser la caresse lente et invitante de son pouce sur ses reins. Il déglutit légèrement.

— « Ouais, on pourrait… », répond-il mollement.

Il préférerait l'embrasser, de préférence maintenant. Sue Ann claque sa langue contre son palais.

— « Puisque vous vous entendez si bien avec James, vous pourriez l'obliger à sortir un peu plus. Vous connaissez déjà la cuisine du restaurant, restez donc une fois pour la soirée à thème », dit-elle avec chaleur.

- « Si Bucky n'en a pas envie, je ne vais pas le forcer. Je ne sais pas danser la salsa et je trouve que je me trémousse moins bien que lui. Pour la sécurité de tous, il vaut peut-être mieux que nous restions chez nous, à Manila », lui répond gentiment le blond.

Bucky est extatique. Bon sang, Chris est tellement parfait. Il adresse un sourire particulièrement suffisant à Sam et à Sue Ann. C'est ce qu'il dit depuis le début, il sait ce qu'il fait, merci bien.

L'infirmière roule des yeux d'un air vaguement exaspéré, le brun glousse parce que la main du blond s'est déplacée jusqu'à sa hanche qu'elle caresse délicatement. Sam baisse les yeux sur lui et fronce imperceptiblement les sourcils. Bucky sent ses oreilles chauffer un peu. Son ami doit voir le geste de Chris sous sa veste. Il attend avec une pointe d'appréhension l'explosion, les rires, l'exclamation bruyante de joie et de « Je le savais ! » parmi d'autres amabilités.

Sam a un léger sourire accroché aux lèvres, un peu indolent.

— « … Est-ce que vous avez vu le dernier épisode de Masterchef hier ? Je suis tellement scandalisé par l'élimination de Marty ! », reprend-il après un silence.

Bucky cligne des yeux. Quoi ?

— « Je n'ai pas été convaincu par ce qu'il a proposé, elle aurait pu faire mieux en présentation », commente Chris.

Sam se lance dans une diatribe enflammée pour défendre le candidat qui était son favori numéro six et le brun hausse légèrement les épaules. Il se laisse agréablement porter, Chris agréablement chaud et solide dans son dos. Et puis zut, il peut laisser aller. Ça arrivera quand ça arrivera.

Sue Ann se mêle avec passion à la discussion jusqu'à ce qu'un appel téléphonique plus long que les autres ne la retienne. Le petit groupe se déplace par discrétion. Bucky sent toujours le regard de Sam se poser sur lui, lourd et perçant. Peut-être parce qu'il ne participe pas réellement, au fond il se moque un peu du plat de poisson présenté par Marty et du poulpe sauté cuisiné par Adam. Et il ne s'est choisi un favori que pour pouvoir échanger avec le blond sur cette émission qui le passionne.

Bucky fait beaucoup de choses par amour. Y compris assister à des soirées entières de rediffusion de Masterchef alors qu'il déteste les présentateurs de l'émission.

Le brun gigote un peu en sentant le portable de Chris vibrer dans son dos. Le jeune homme se contorsionne pour le récupérer plutôt que de lâcher sa hanche et Bucky se sent bêtement heureux.

— « C'est David, je dois décrocher », dit-il en jetant un regard à l'écran. « On se retrouve à la voiture pour aller déjeuner ? »

— « D'accord. Italien ? »

- « Tu lis dans mes pensées », rit chaudement le blond. « Bonne journée Sam. »

Le jeune homme adresse un signe de la main à Sue Ann qui le lui rend d'un hochement de menton. Bucky sourit mais la suite le surprend. Chris enroule une main autour de sa nuque et l'approche de lui pour l'embrasser. Dans le hall de Providence. Devant leurs amis et beaucoup, beaucoup d'inconnus. Le brun serre ses doigts sur le revers de la veste du jeune homme.

— « Je n'en ai pas pour longtemps. Tu veux déjà les clés de la Mercedes ? », souffle Chris contre sa bouche.

— « … Ça va aller, on se retrouve devant quand tu as fini. »

Le blond picore une dernière fois ses lèvres avant de s'éloigner rapidement, le portable à l'oreille. Bucky le regarde partir. Derrière lui, il entend Sue Ann raccrocher et le claquement du combiné sur son poste fait un bruit d'enfer.

— « Bon sang, James ! », s'exclame-t-elle d'un ton outré.

— « … Voilà un intéressant retournement de situation », badine Sam en pianotant des doigts sur le comptoir.

Le brun lui jette un regard en coin.

— « Comme si tu ne te doutais de rien… »

— « J'ai bien vu cette main qui te caressait langoureusement la hanche mais je me suis dit que c'était encore un de vos trucs de colocataires très proches et pas ensemble », ricane son ami. « Son rendez-vous a duré plus longtemps que prévu, tu angoissais alors il te rassurait d'une manière très bizarre et très intime mais uniquement amicale. »

— « Sam, c'est un raisonnement ridicule ! », proteste Sue Ann.

Le jeune homme hausse les épaules et coule un regard dans sa direction.

— « … Je peux être le premier à l'apprendre à Maria ? », demande-t-il avec gourmandise.

— « Même si je refusais, elle serait quand même au courant d'ici la fin de la journée. Tu es la pire commère de Providence, Sam », dit Bucky avec affection.

— « Il est important que l'information circule bien. Une communication transparente permet une situation de travail saine et productive. » Son ami sourit. « J'en conclus que tu as aussi fait preuve de transparence. C'est courageux de ta part Buck'. »

— « Chris a été courageux. Moi, je l'ai été un peu après », avoue le brun d'un air piteux.

— « … Tu crains tellement parfois. »

Sam lui donne un coup de poing dans l'épaule et Bucky ricane d'aise. De l'autre côté du comptoir, Sue Ann semble bouillonner d'excitation et d'indignation mêlées.

— « Je ne me doutais de rien ! Je – Comment – Bon sang, James ! »

— « Vous avez dit qu'on ressemblait à un couple quand on est arrivé à Providence, c'est juste la même chose », maugrée un peu le brun.

— « Pas du tout ! Il t'embrasse en public, il te caresse, il – »

— « Sue ! », siffle Bucky en rougissant.

L'infirmière secoue la tête et la mèche bleue rebondit follement sur son front.

— « Est-ce qu'il t'aime James ? Est-ce que c'est sérieux et qu'il t'aime ? », s'obstine-t-elle en plongeant ses yeux dans les siens.

Bucky sourit doucement. Étrangement, il pensait que tout cela serait plus gênant mais les choses sont simples.

— « Oui, il est amoureux de moi et je suis amoureux de lui », acquiesce-t-il en s'éloignant légèrement du comptoir. « Et un délicieux plat de penne arrabiata m'attend chez Venice alors bonne journée. »

Le brun fait déjà un pas en arrière mais Sam le rattrape rapidement par un pan de sa veste.

— « Et tu n'en sauras pas plus Sam », marmotte-t-il en lui faisant relâcher ses doigts sur son vêtement.

— « Tu sais très bien que si, plus tard quand tu ne te méfieras plus », sourit son ami. « Je voulais juste te rappeler de ne pas oublier mon anniversaire dans ton tout nouveau et merveilleux bonheur tout neuf. »

— « Je me souviens Sam. Rendez-vous chez toi vendredi prochain pour manger ton poids en cochonneries sucrées. »

Bucky roule des yeux et lui pince le dessus de la main. Son ami frotte sa peau rougie du bout des doigts et lui jette un regard noir.

— « Chris et toi viendrez aussi manger le plus beau gâteau d'anniversaire, plus beau encore que le tien. Ton chéri va découvrir comment on fait la fête à Eureka », renchérit le jeune homme d'un air bravache.

— « Il sait déjà que l'alcool te fait faire des poiriers dans le jacuzzi de ton jardin. Je ne suis pas certain qu'il ait envie d'en découvrir plus. »

Les deux hommes s'affrontent un instant du regard avant de chahuter. Sue Ann dit qu'ils sont des enfants et ils ricanent d'aise. Meilleurs amis à la vie, à la mort.

Bucky observe une dernière fois la mèche bleu caraïbe qui danse sur le front de l'infirmière et tourne les talons. Le regard de Sam lui brûle la nuque alors il presse le pas.

Le brun sort de Providence et traverse le parking, cherchant Chris des yeux. Le jeune homme est adossé à la Mercedes et au téléphone, ses lunettes de soleil sur le nez. Charmant en diable. Bucky s'arrête non loin de lui mais le blond a déjà posé une main sur sa taille pour l'attirer à lui.

— « C'est entendu David, merci de m'avoir prévenu. Je vous retrouve sur le chantier tout à l'heure. »

L'appel a peine achevé, Chris vient déjà l'embrasser.

— « Est-ce qu'on a un contre-temps pour le déjeuner ? », lui demande Bucky.

— « Une pause rallongée plutôt. David a un rendez-vous à la banque, il a décalé notre réunion de chantier. »

— « Merveilleux », soupire le brun.

Bucky déteste se presser pour manger. Chris aussi alors il célèbre leur changement d'emploi du temps en lui donnant un baiser chaud et doux. Le brun enroule ses doigts dans ses cheveux et se presse contre lui. Tout Eureka peut bien regarder, il n'a rien ni personne à cacher.

Une voiture les klaxonne toutefois vigoureusement pour prendre leur place de stationnement. Les deux hommes montent dans la Mercedes et s'en vont avec un sourire d'excuse.

Bucky cale confortablement ses reins contre le siège passager en cuir. La berline est indécente de confort et s'il s'écoutait, il fantasmerait sans difficulté de faire l'amour à l'intérieur avec Chris. Sauf que David et Susan le sauraient, ils savent toujours tout. Impossible de leur faire face après ça alors il ne dit rien et ravale son désir brûlant de sentir le cuir sous sa peau nue et en sueur. Chris appuie son coude contre la portière et, dans la circulation fluide, les conduit du côté de Old Town.

— « Je vais me garer à proximité du garage pour que tu puisses aller facilement récupérer le pick-up. Je rejoindrai le chantier à pied », dit-il en s'arrêtant souplement à un feu rouge.

La Mercedes a à peine un balancement sensuel sur ses suspensions parfaites mais Bucky le sent quand même dans ses reins.

— « Tu ne vas pas faire quatre kilomètres avec ton ordinateur et ta sacoche », répond-il en souriant. « Je te remercie mais approche-toi plutôt du restaurant, j'irais au garage en prenant le bus. Maintenant amène-nous chez Venice, je meurs de faim. »

Chris se gare sur la première place de stationnement vide. La circulation est dense en centre-ville, la journée est belle et les terrasses sont déjà très occupées. Les deux hommes descendent d'un même pas en direction du restaurant, leurs mains se frôlent agréablement avant de se crocheter l'une à l'autre. Bucky grimace légèrement. Il voulait manger au soleil mais cela semble compromis.

— « … On n'a pas parlé de ça avant », dit-il distraitement en serrant ses doigts sur les siens. « Tu sais, le fait de nous montrer ensemble. »

Arrêté avec lui à un feu rouge, Chris fait des risettes à un bébé dans une poussette qui rit aux éclats. Le blond tourne la tête vers lui.

— « Nous croisons régulièrement les habitants de Manila quand on se promène sur la plage. »

— « Ce n'est pas la même chose. La plupart d'entre eux me connaissent depuis que je suis petit et les enfants de l'école Montesori pensent que Sandy est une super-héroïne parce qu'elle arrive à sauter plus haut qu'eux », sourit le brun en roulant des yeux. « Je pensais plutôt à maintenant, quand on est à Eureka. »

Chris ralentit imperceptiblement le pas jusqu'à s'arrêter. Bucky lui jette un regard interrogateur. Le blond a l'air nerveux.

— « … Je t'ai embrassé à l'hôpital », dit-il lentement.

— « Devant Sam et je vais en entendre parler pendant des jours », acquiesce le brun en souriant.

— « Devant Sam et toutes les autres personnes qui étaient là. Tu as raison, nous n'en avons pas parlé et je ne voulais pas m'imposer ou te gêner. J'aurai dû – »

Chris s'agite, se mord nerveusement les joues. Quand il fait mine de retirer sa main de la sienne, Bucky s'y agrippe de toutes ses forces.

— « Je suis désolé, je comprendrai que tu ne veuilles pas forcément te montrer », balbutie le blond.

— « Est-ce que je t'ai donné l'impression d'avoir envie de te reprocher quoi que ce soit quand nous étions dans le hall ou sur le parking ? »

— « … Non. Tu m'embrassais même plutôt bien aussi. »

Le brun rit et lui pince le dos de la main.

— « C'était très bien et tu n'as pas à t'excuser. Je ne me suis jamais caché quand j'étais en couple, je ne vais certainement pas commencer avec toi », assure-t-il en le regardant dans les yeux.

Chris a un sourire un peu idiot et Bucky vient embrasser sa mâchoire avec malice. Le blond frotte distraitement sa joue barbue contre lui.

— « Je suis quand même désolé de l'avoir fait devant Sam. Il ne va pas te laisser en paix quand nous serons chez lui pour fêter son anniversaire », répète-t-il d'un ton contrit.

— « Il ne va pas nous laisser en paix mais ensuite, il se vantera que le gâteau qu'il a commandé est probablement le plus énorme que j'ai jamais vu de ma vie et il passera à autre chose », acquiesce le brun. « Heureusement pour nous, il revient vite à ses priorités. »

Son compagnon s'esclaffe et hoche la tête. Bucky le regarde, il y a encore un peu d'incertitude dans ses yeux. Le brun sourit. Comment pourrait-il lui en vouloir de suivre à la lettre les préceptes qu'ils ont érigé en règle de vie depuis qu'ils sont vraiment ensemble ? Si tu as envie de faire quelque chose, fais-le parce que ça veut dire que tu en as envie.

Il jette un regard alentour. Ah si, comme ça.

Il tend une main, l'enroule sur la nuque de Chris et l'attire à lui pour l'embrasser. Le blond inspire contre sa bouche, ses doigts se serrent sur les siens. Il tire légèrement sur les cheveux dans son cou. Les mèches sont soyeuses, sa barbe frotte délicieusement sur sa mâchoire et son menton.

Bucky frémit.

Il aime vraiment cette barbe un peu plus longue. Il entend des raclements de gorge amusés autour d'eux, des rires sans moqueries et même un ou deux sifflements appréciateurs. Bucky sourit contre la bouche de Chris. Il sait embrasser et il est fou amoureux de cet homme. Il l'aime, il l'aime et ça lui semble soudain terriblement important que le monde entier soit au courant. Il caresse la commissure de ses lèvres de sa langue. Le blond inspire doucement contre lui avant d'incliner la tête pour accentuer le contact. Ouais. Embrasser Chris en public, sur ce bout de trottoir devant un restaurant japonais bondé fait gronder quelque chose de plaisant en lui.

Bucky caresse sa nuque d'un geste rassurant, presque une demande d'autorisation pour aller plus loin. Chris entrouvre déjà la bouche. Les sensations sont comme avoir à nouveau seize ans et embrasser le premier garçon dont il était vraiment amoureux. Excepté que Chris pourrait probablement le plier en deux s'ils faisaient l'amour mais c'est un autre sujet. Il frissonne agréablement.

Bucky retrace consciencieusement l'arc de Cupidon du blond, la courbe prononcée si sensuelle à ses yeux et passe la barrière de ses lèvres. Brûlant. Humide. Voluptueux. Son compagnon grogne doucement. Il lâche sa main pour s'agripper à ses hanches et le tirer à lui. Leurs hanches s'emboîtent et merde, c'est bon. Ses larges mains enveloppent parfaitement son bassin et ses doigts se glissent déjà sous l'ourlet de son chandail, de son tee-shirt pour se poser sur sa peau nue.

Leurs langues s'enroulent, glissent l'une contre l'autre. Le brun entre un peu en combustion.

— « Je n'ai aucun problème avec ça », dit-il d'une voix rauque en s'éloignant de lui.

Il a un peu chaud et ce n'est pas parce que le soleil généreux de cette fin d'octobre frappe son dos.

— « Moi non plus », croasse un peu Chris avant de sourire. « Je… Bon sang, je suis vraiment amoureux de toi. »

Un jeune homme qui passe à côté d'eux, un casque audio hors de prix sur la tête, siffle bruyamment et lève un pouce en l'air, un sourire malicieux au visage. Chris glousse légèrement contre lui.

— « Mince Bucky, c'était… vraiment bon… », souffle-t-il avec une pointe d'envie.

Le brun crochète son bras par-dessus le sien et l'entraîne vers Venice. Chris lui emboîte docilement le pas.

— « Je ne veux pas nous cacher ou devoir faire attention quand nous sortons ensemble. Nous avons déjà eu du mal à nous embrasser dans le salon, je ne veux pas revivre ça », conclue-t-il d'un air décidé.

Son compagnon acquiesce, un rire charmant aux lèvres.

— « Je suis d'accord. Nous n'avons donc plus qu'à nous préoccuper de notre déjeuner. Je t'invite », rit-il en caressant ses reins pour le guider vers la terrasse.

Ils s'y précipitent presque comme deux affamés. Chris s'engouffre sur la terrasse, malheureusement bondée, de l'agréable restaurant familial et pousse la porte pour entrer. Il heurte maladroitement un client en train de sortir. Le sourire heureux de Bucky meurt sur ses lèvres. Un sac à emporter dans la main, l'officier Ruiz les dévisage en plissant les yeux. Derrière elle, l'officier Porterfield leur adresse un signe de tête amical.

— « Monsieur Doe, Monsieur Barnes », les salue-t-elle froidement.

— « Si vous déjeunez ici, dépêchez-vous de vous installer. Il ne reste presque plus de plat du jour et ce sont les sublimes spaghettis aux boulettes de viande de la patronne. Helena en a pris une belle portion », dit-il d'un air bonhomme.

Chris lui jette un regard en coin et Bucky lève les yeux au ciel. C'est son plat préféré mais il survivra. Les yeux de l'officier Ruiz sont réduits à deux fentes, sombres et suspicieuses.

— « … Un nouvel élément à signaler à votre dossier peut-être ? », demande-t-elle en regardant leurs mains.

— « Le nom de Bucky figure déjà comme ma personne à prévenir, je n'ai rien à ajouter », sourit aimablement Chris.

— « Vraiment ? Pas même le fait que vous êtes… ensemble ? »

Bucky se raidit. Il n'aime pas son ton, ses insinuations et la manière dont elle fronce les sourcils la rend vraiment laide. … Il n'est pas très objectif.

— « Nous le sommes, depuis peu de temps », répond Chris sans animosité. « Je doute que ça puisse vous aider dans votre enquête. Avez-vous fait des progrès ? »

L'officier Ruiz ouvre la bouche mais son collègue pose une main sur son épaule. Il a déjà ouvert l'emballage de son sandwich de l'autre et mange d'un air débonnaire.

— « Rien de nouveau, je suis désolé. Le fichier national des personnes disparus n'a pas établi de correspondance avec votre dossier et votre ADN n'est pas ressorti du CODIS. Nous avons mis des alertes dans la plupart des bases de données mais je crains qu'il ne faille être patient. »

— « Ou la solution est peut-être juste devant nous », persifle légèrement la jeune femme.

Bucky lui jette un regard glacial. Qu'elle s'étrangle avec toutes ses médisances. Le brun sait parfaitement ce qu'elle a en tête, toujours cette ridicule histoire qui fait d'eux des amants associés dans le crime. … Soit, l'officier Ruiz n'a plus tout à fait tort concernant leur couple. Elle lève légèrement le menton d'un air suffisant.

— « Vous semblez vous être parfaitement bien accommodé à votre nouvelle vie. Vous avez un toit, un très bon travail d'après ce que j'ai compris, quelqu'un dans votre vie… C'est très impressionnant quand on sait d'où vous venez », poursuit-elle.

Le brun bouillonne d'indignation. Quelle sorcière. Chris serre tendrement ses doigts entre les siens.

— « Je suis juste très bien entouré et je suis très reconnaissant pour tout ça », répond-il doucement.

— « Si cette situation vous contente tellement, vous pourriez tout aussi bien nous dire que vous ne souhaitez pas continuer. Nous enquêtons sur de véritables affaires avec de véritables victimes qui ont besoin de notre aide », lui rétorque la jeune femme avant de l'observer avec hauteur. « … La disparition volontaire n'est pas un délit mais user de manière abusive des forces de police est un délit. »

— « Helena… », soupire son collègue.

Sa désapprobation est un peu gâchée par le fait qu'il a la bouche pleine. Bucky a envie de lui répliquer quelque chose qui pourrait sans doute le faire enfermer pour outrage à agent mais Chris serre douloureusement sa main. Trop douloureusement pour que ce ne soit que pour le rassurer. Son compagnon accuse le coup et le brun colle son épaule contre la sienne avant de fusiller la jeune femme du regard. Sorcière.

— « Bucky m'aide et me soutient depuis le début et il est mon petit-ami maintenant, je crains que vous ne deviez vous contenter de ça pour le moment. Si vous voulez bien nous excuser, je lui ai dit que je l'invitais à déjeuner. »

Le brun sent ses joues chauffer un peu. Il n'a pas été le petit-ami de quelqu'un depuis des années et c'est adorable. Les yeux de l'officier Porterfield brillent de malice, sa collègue a un simple rictus mais elle s'en va sans ajouter un mot. L'homme lève les yeux au ciel et lui emboîte le pas.

— « Je suis content pour vous, c'est important d'avoir quelqu'un. J'ai vos coordonnées, je vous contacte si j'ai quoi que ce se soit de nouveau », dit l'homme en les regardant. « Bonne journée et mes félicitations. »

L'officier leur adresse un sourire malicieux et s'éloigne. Chris entre dans le restaurant sans un mot et les conduit à une petite table au fond de la salle. Bucky caresse tendrement sa mâchoire avant de s'asseoir en face de lui.

— « J'espère que ça ne gâchera pas ton déjeuner. Il y a encore de ce plat en sauce que tu adores à la carte », dit-il en interpellant un serveur affairé à côté d'eux.

Chris esquisse un sourire avant de passe une main dans sa nuque.

— « Je ne veux plus y penser. Je préfère songer au fait que je vais t'inviter à manger quelque chose tu aimes avec le salaire très confortable que me verse David et que nous nous retrouverons ce soir à la maison », souffle-t-il en se pinçant l'arête du nez entre deux doigts.

Son compagnon a l'air un peu ébranlé et vraiment, Bucky injure copieusement l'officier Ruiz dans sa tête. Quand il commande et que le serveur lui annonce que la dernière portion de spaghettis aux boulettes de viande a été vendu à emporter, il la maudit. Il est certain que c'est elle.

— « Tu peux dire à David que tu as en empêchement et rentrer avec moi. On passerait l'après-midi à s'embrasser sur la terrasse », suggère-t-il d'un ton badin.

Le brun songe sérieusement à se venger sur les desserts. Chris rit doucement.

— « Je dois mériter mon salaire et David n'apprécie pas énormément le menuisier avec lequel nous avons rendez-vous. Je ne vais pas le laisser seul avec lui. »

Bucky lorgne du côté de la vitrine réfrigérée quand leur serveur revient vers eux.

— « Je suis désolé. J'ai fait une erreur, il nous reste un dernier plat de spaghettis. Est-ce que vous souhaitez changer votre commande ? », s'excuse-t-il.

Le brun s'empresse de s'exécuter mais quand son assiette arrive devant lui, délicieusement odorant et généreux, il fronce les sourcils. Il prendra quand même un tiramisu en dessert et il déteste toujours autant l'officier Ruiz.