Joyeux Noël à tous.
Dernier chapitre de l'année la semaine prochaine, comme d'habitude, et une petite rumeur stellaire en cadeau quelque part entre Noël et Nouvel an.
Bonnes fêtes à tous!
Atlantis
« Princesse, l'émissaire athosien vous attend. » annonça le serviteur avec une petite courbette.
« L'émissaire ? Ils ne devaient pas être plusieurs ? » paniqua-t-elle, relisant frénétiquement les rapports des années précédentes.
C'était bien une délégation de trois à quatre personnes qui venait, de coutume.
« Il est seul. » confirma le serviteur, s'effaçant pour les laisser passer.
Ilinka se retourna vers Rorkalym.
« Comment je suis ? »
« Parfaite. » répondit son ami, lui serrant doucement l'épaule en un geste rassurant.
« OK. Allons-y. » souffla-t-elle, prenant une grande inspiration.
Le spectacle était aussi fascinant qu'inquiétant. Son amie était fondamentalement toujours la même. Toujours aussi gentille, douce et soucieuse de son prochain. Mais à l'instar de sa mère adoptive, elle commençait à être capable de se transfigurer. De transformer en un instant son apparence et son aura pour une autre, plus dure, plus solide et inflexible.
Ilinka était encore à des années-lumière de la férocité froide de ses aînées. Et s'il était vraiment franc, Rory doutait qu'elle le soit jamais.
Delleb était wraith, sans aucun équivoque, sans aucun remord, ni gêne. La reine millénaire, bien qu'ayant embrassé les manières ouman'shiis, ne regrettait pas un seul instant les millions de vies qu'elle avait prises au cours de sa très longue existence.
Quant à Rosanna, infiniment plus jeune, infiniment moins meurtrière, elle avait compensé ce qu'elle n'avait pas en immortalité par une ruse et une férocité sans égale. Cette violence brutale, aussi contenue et policée soit-elle, il ne pouvait imaginer Ilinka en faire preuve.
Mais il y avait indéniablement quelque chose de plus princier dans son attitude, à présent qu'elle en faisait l'effort.
Roulant un peu des yeux, il lui emboîta le pas. Peut-être que les leçons d'étiquette et d'attitude impromptues de Jû'reyn lui seraient utiles finalement. Ne serait-ce que pour ne pas ruiner les efforts d'Ilinka.
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Pourquoi un seul émissaire ? Elle s'était préparée à discuter avec un petit groupe ! Que se passait-il ? Était-ce une mauvaise nouvelle ?
Se concentrer sur sa démarche, la position de ses membres et de tout le reste, avait un avantage : elle n'avait pas assez de bande passante pour réellement paniquer.
Le serviteur les mena à un genre de salon de réception. L'endroit avait sans doute été décoré de manière à être accueillant pour des humains. Ou du moins, d'une manière qu'un wraith pourrait croire accueillante pour des humains.
La vaste pièce au plafond plongé dans le noir bénéficiait d'un éclairage très central, pointé sur une seule moitié de l'immense table garnissant la pièce. Le plateau organique de cette dernière était recouvert, sur un petit tiers de sa surface, par une nappe d'un rouge profond et, sur un plateau d'argent, une carafe, quelques verres et une coupe remplie d'un assortiment incongru de fruits et de pains s'offrait en vain aux convives. Le tableau était complété par de gros coussins de velours d'un vert criard, remplissant beaucoup trop l'assise des sièges d'os pour que cela puisse être confortable. L'ensemble jurait avec le dénuement organique du reste de la salle.
Ilinka ne put s'empêcher de soupirer. Cet endroit ressemblait plus à une pièce de manoir hanté de pacotille qu'à une vraie salle de réunion. Avis visiblement partagé par un jeune homme, qui sursauta à leur arrivée, interrompant ses pérégrinations stériles entre les murs froids.
Ilinka n'hésita qu'un instant. Négocier ici était inimaginable.
Un moment, elle envisagea de demander un endroit alternatif au serviteur, mais pour avoir un peu fréquenté les adorateurs, elle ne se faisait guère d'illusions. Le brave homme, totalement dévoué à la cause des wraiths, ne comprendrait probablement même pas où était le problème.
Elle décida donc de prendre les choses en main et d'improviser.
« Bonjour, je suis Ilinka Lanthian-Gady. Sa Majesté, Rosanna Gady, m'a chargé de mener les négociations avec votre peuple cette année. Voici Rorkalym Lanthian, venu m'assister. » salua-t-elle leur invité.
Le jeune homme à la peau mate eut l'air d'abord surpris, puis perplexe alors qu'il semblait peiner à fixer son regard sur eux, et enfin soulagé tandis qu'il s'approchait, posant une main sur son cœur.
« Je suis Torren John Emmagan, fils de Teyla, et j'ai été chargé par mon peuple de venir négocier avec la ruche de Silla. » se présenta-t-il, inclinant la tête avec respect.
Elle lui rendit son salut, imitée par Rory.
« Vous êtes seul, ou vous attendez encore vos... collègues ? » s'enquit-elle.
L'homme soupira.
« Je suis seul malheureusement. La vieille Jessa est morte cet hiver, et son remplaçant n'a pas encore été choisi. Et oncle Halling était censé m'accompagner, mais il n'est plus tout jeune, et il a fait une mauvaise chute hier. Mam... Teyla craint qu'il ne se soit cassé quelque chose. Elle lui a interdit de quitter son lit tant qu'un médecin atlante ne sera pas venu l'examiner. » expliqua-t-il avant de rougir, l'air de se demander s'il en avait trop dit.
« Oh. Toutes mes condoléances. Et j'espère que votre oncle n'a rien de grave et qu'il se remettra vite. » lui offrit-elle en même temps qu'un sourire chaleureux.
« Merci. Vos vœux sont appréciés. »
Le silence retomba un instant, mais elle se dépêcha de l'interrompre avant qu'il ne devienne lourd.
« Je trouve cette pièce claustrophobique. Ça vous dérange si on va ailleurs pour discuter ? » demanda-t-elle.
« Non, pas du tout. » approuva-t-il, acquiesçant volontiers.
Elle se retourna donc vers le serviteur, qui s'était sagement planté à côté de la porte.
« Faites apporter dans le petit salon de... hum, dans mes quartiers, une théière d'infusion de feuilles de Zinut et des biscuits, s'il vous plaît. Et si possible aussi de ce gâteau avec le fruit violet dedans. »
« De la tarte aux baies bleues, Mademoiselle ? » s'enquit le serviteur.
« Oui, c'est ça ! Merci beaucoup. »
« A vos ordres, Princesse. » salua l'homme en s'esquivant.
Ilinka tendit son esprit vers celui de son ami qui, resté silencieux, fixait leur invité d'un air tellement neutre qu'il ne faisait que dénoter son trouble.
« Par pitié, dis-moi que tu sais comment retourner à la salle du trône. A partir de là, je sais revenir à ma chambre, mais pas d'ici. Je suis complètement perdue ! » souffla-t-elle mentalement au jeune wraith qui, détachant avec peine son regard de l'homme, acquiesça et ouvrit la marche.
La balade leur prit un bon quart d'heure, qu'elle mit à profit pour cerner un peu mieux l'humain. Le jeune homme était à peine mieux préparé qu'eux, certainement tout aussi stressé, et plutôt volubile quand il ne se contenait pas. Sa conscience, à peine un vague point dans la toile de l'Esprit, s'illuminait brusquement lorsqu'il s'enflammait dans ses paroles. C'était sa première fois sur une ruche, mais certainement pas sa première fois à fréquenter des wraiths. Sans avoir le moins du monde la servilité des adorateurs, il y avait un respect prudent dans son attitude qui dénotait une certaine familiarité avec leur race.
Lorsque enfin ils arrivèrent à destination, elle fut ravie de l'inviter à s'asseoir sur une des causeuses capitonnées dans le petit salon luxueux mais confortable que sa mère avait fait aménager. Sur la table basse entre eux, le thé et les pâtisseries demandés les attendaient déjà. Ici la lumière était tamisée, mais chaude, les sons étouffés par un épais tapis et quelques tentures stratégiquement disposées, et l'ambiance égayée par un superbe tableau représentant une nébuleuse rose et violette.
Le seul moyen de rendre l'endroit plus agréable au sein de la ruche aurait probablement été d'y ajouter un hublot donnant sur l'extérieur.
Torren s'installa d'un côté et ils firent de même à l'opposé, puis l'une des habituelles femmes de chambre sortit des ombres et, délicatement, lui servit une tasse à elle, puis une à Torren, et allait prendre le plateau de biscuits pour le leur tendre, lorsque la jeune wraith se racla la gorge, faisant un petit geste du menton en direction de son ami oublié. Horrifiée de sa bourde, la femme s'empressa de la réparer et de tendre à Rory sa tasse.
Ilinka grignota tranquillement un biscuit épicé, laissant le temps à leur invité de goûter aux spécialités avant d'entamer les choses sérieuses puis, délicatement, elle reposa sa tasse, et fit un petit signe à Rory qui, l'imitant, produisit la tablette avec les rapports et objectifs à atteindre.
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Respirer de l'air non recyclé, être ébloui par le soleil du matin, et entendre les arbres craquer dans le vent était comme une renaissance. Ce qui l'était moins, c'étaient les interminables heures à ne rien faire.
Zen'kan avait de la chance. Son maître était un patrouilleur et, deux fois par jour, il l'accompagnait en compagnie de ses deux frères pour une ronde de près de quinze kilomètres, jusqu'à un village humain logé au bord de titanesques gorges au fond desquelles grondait un fleuve écumant.
Mais le reste du temps, il était de garde – comme tous ses frères – devant une quelconque porte de la forteresse.
Le pire était les couloirs souterrains de l'avant-poste, généralement déserts et loin de tout. Le mieux, les accès auxiliaires éparpillés sur l'immense façade du bâtiment organique, reliés entre eux par d'étroits chemins de rondes.
De là, il pouvait contempler le paysage alentour, tantôt prairie et champs alternant avec quelques villages jusqu'aux rive du lac des Joyaux, scintillant à l'horizon, tantôt forêt profonde montant doucement à l'assaut d'une petite chaîne de montagnes aux sommets péniblement couverts de neige.
Aujourd'hui, il était de garde de nuit, et c'est en compagnie du Rêveur, posté à la porte quinze mètres au-dessus de la sienne, qu'il se retrouvait en sentinelle.
Rien qu'au chant tranquille des oiseaux de nuit, il pouvait dire qu'il n'y avait rien à signaler.
« Je me demande ce que c'est... »
La pensée le surprit et, scrutant l'horizon, il tâcha de découvrir ce qui interloquait son aîné.
« Quoi ? »
« Ces points blancs, au-dessus de nous. »
Se dévissant le cou, Zen'kan tenta de distinguer quelque chose au milieu des étoiles scintillantes.
« Quels points blancs ? »
« Ceux qui sont dans le ciel. »
«Les... étoiles ?! »
« Mais non, une étoile, c'est gigantesque. Non, toutes ces petites choses minuscules, dans le ciel. On ne les voit que la nuit. » répliqua le Rêveur.
« Ouais, les étoiles. Ce sont des étoiles ! Elles sont minuscules parce qu'elles sont méga loin, genre à des centaines d'années-lumière. La plus proche, c'est le soleil. On le voit gros, parce que justement il est plus près. » expliqua-t-il, surpris de devoir expliquer ça à son aîné.
« Il y en a tant ! Les Grinnaldiens ont de la chance, c'est très beau. Dommage qu'il n'y en ait pas autour d'Oumana. »
« Quoi ? Mais bien sûr qu'y a des étoiles vers Oumana ! »
« Pourtant, je n'en ai jamais vu, en regardant par les hublots de la ruche. »
Zen'kan soupira. Il avait fait la même remarque à son frère, un jour, à bord de l'Utopia.
« C'est à cause de l'atmosphère. L'air agit comme une loupe, du coup, on peut les voir. Dans le vide, elles sont là, mais on peut pas les voir, pas sans, genre… un télescope. »
Son aîné mit un moment à répondre, perdu dans la contemplation du ciel.
« Tu es très savant, le nabot. »
« Bof. C'est Rory qui est vraiment intelligent. Moi, j'ai même pas été foutu de finir l'école. »
« Qu'est-ce que l'école ? »
L'esprit du Rêveur scintillait d'intérêt. Toute distraction était bonne à prendre pendant une garde.
« Heu... Un endroit sur Terre, où t'es obligé d'aller quand t'es gosse. Pour apprendre plein de trucs. Lire et écrire, bien sûr, mais aussi d'autres langues, des maths, de la géo, une tonne de trucs. »
« Et tout le monde y va ? Pas seulement les scientifiques ? »
« A l'école obligatoire, ouais. Après non. Genre moi, j'étais trop con pour ça. Mais Ilinka et Rorykalym, eux, ils sont allés au gymnase. C'est une autre école, pour les gens les plus intelligents, et après, si t'es vraiment, vraiment super malin, tu peux aller à l'université. Rory y était... avant qu'on parte. Il étudiait comment envoyer des fusées dans l'espace. Des trucs méga compliqués, c'est ouf ! »
« Il doit y avoir très peu de gens dans cette... université. »
« Non, franchement, ça va. Du moment que tu réussis les examens d'entrée, tu peux y aller. »
« Donc potentiellement, n'importe quel larve peut y étudier ? »
« Ouais, si elle réussit les examens. »
« Fascinant. C'est donc parce que tu as été à cette « école obligatoire » que tu sais toutes ces choses sur les étoiles ? »
« Ouais, et aussi parce que même si j'y comprends pas grand-chose, j'écoute quand Rory me parle de ses cansats et des frondes orbitales. »
« Vous semblez proches, toi et l'Immature. »
« Oui, c'est mon meilleur ami. J'espère qu'il va bien. » songea-t-il, une soudaine vague d'inquiétude à la pensée de ses amis lui tordant les boyaux.
Il ne pouvait qu'espérer que Lili et lui se portent bien, si loin, sur la ruche de Silla.
« Et tu connais la princesse ? » renchérit son aîné, ayant suivi ses pensées.
« Ilinka ? Ouais, carrément ! »
« Parle-moi d'elle. »
Ce n'était pas une question, mais pas un ordre non plus. La curiosité du Rêveur était sincère.
« Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Elle est géniale, et gentille, et brillante, même si elle s'en rend pas compte. Et elle a peur d'un tas de trucs stupides. Pas des trucs nuls de meuf, genre les souris, ou je sais pas quoi. Mais... (Il pouffa.) Elle croit que parce qu'elle est wraith, elle va forcément être, genre... méchante ? C'est ridicule ! Juste ridicule ! »
« Elle a l'air de quelqu'un de bien. J'espère qu'elle montera sur le trône de Silla et qu'un jour, on pourra la servir... » musa le Rêveur, se servant des images que Zen transmettaient en même temps que ses pensées pour comprendre les mots dont il ignorait le sens.
Zen'kan opina, le regard perdu dans le ciel.
C'était un avenir enviable. Il fallait le reconnaître.
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« Voici le rapport sur la négociation avec les Athosiens. Et une proposition de calendrier de repos. » expliqua-t-elle, alors que Rory tendait la tablette contenant lesdits documents à Rosanna.
L'artiste la prit, mais ne la consulta pas.
« Je veux l'entendre de votre bouche. »
« Tous les objectifs sont atteints, sauf pour la pêche. Mais du coup, on a négocié un équivalent en œufs et en viande de... de quoi, déjà ? » expliqua l'adolescente, se tournant vers son ami.
« De jilop. »
« Voilà, en viande de jilop. Ça reste des sources de protéines. Et Torren voudrait savoir s'il serait possible d'avoir plus de générateurs de bouclier portatifs. Si on peut leur en procurer, les Athosiens sont prêts à nous les échanger contre une concession annuelle dans une mine de gollium. Je ne sais pas du tout ce que c'est... »
« Moi non plus. Viraklymn, le gollium, ça vous dit quelque chose ? » lança l'artiste à destination d'un des assistants de pont.
L'interpellé s'approcha.
« Oui, Madame. C'est une terre rare, utile dans la fabrication de cristaux de synthèse. »
« Et ça pourrait nous être utile ? »
« Assurément, Madame. Pour la réparation des vaisseaux lanthiens de la flotte. »
« Bien. Jû'reyn ? »
« Majesté ? »
« Pourrait-on fournir des générateurs de bouclier aux Athosiens ? »
Le commandant prit quelques instants pour se renseigner.
« La ruche de Silla peut se séparer de trois exemplaires au maximum. Mais nous pourrions sans doute en trouver d'autres grande régente pourra mieux vous conseiller. »
« Oui, mais elle n'est toujours pas rentrée. » répliqua Rosanna, se mordillant la lèvre.
Elle se retourna vers les deux jeunes wraiths.
« Vous avez géré ça comme des chefs. Retournez-y et proposez lui deux générateurs. Au pire, offrez-lui le troisième, mais obtenez-moi cette concession pour la ruche. »
« Promis ! » s'éclaira Ilinka.
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« Ilinka, attends. » souffla tout bas Rorkalym alors qu'ils quittaient la salle du trône, la retenant par le bras, s'attirant un regard noir du commandant Jû'reyn.
« Quoi ? » répondit-elle sur le même ton, se demandant pourquoi son ami murmurait.
D'autant plus que s'il voulait être discret, pourquoi ne pas communiquer télépathiquement ?
« Tu n'as rien remarqué de particulier avec Torren ? »
« Heu... non, je ne crois pas... Dans quel sens ? »
« Dans l'Esprit. Tu n'as rien noté de spécial?»
« Ah ! Si. Il brille vraiment fort quand il parle de quelque chose qu'il aime ou qui le choque. »
Rory eut un petit grincement mécontent.
« Ouais... Il brille vraiment beaucoup pour un humain, surtout un humain qui n'est pas aidé par un wraith... » ajouta-t-il, l'air de tenir à ce qu'elle devine ce qu'il sous-entendait.
« Heu... Je suppose ? »
Malheureusement, elle ne voyait pas où il venait en venir.
Son ami siffla, la saisissant par les épaules pour la secouer un peu, ce qui fit gronder Jû'reyn – qui les surveillait toujours de loin.
« Ilinka ! Je crois qu'il est télépathe ! »
« Mais c'est impossible. Les humains ne peuvent pas être télépathes. »
« Les humains normaux, non, mais toi plus que quiconque devrait savoir que tous ne sont pas « normaux ». »
Elle opina.
« Du coup, tu suggères quoi ? »
« Dans tous les cas, il faut qu'on fasse attention quand on discute. Et j'aimerais tester ma théorie. »
« Comment tu comptes faire ? »
« Tu vas voir, j'ai ma petite idée. » souffla-t-il, l'entraînant dans le couloir, ignorant royalement l'avertissement mental peu subtil du commandant lui ordonnant de ne pas approcher la princesse à moins de deux pas.
Ils retrouvèrent bientôt l'émissaire athosien, qui avait profité de la pause pour également contacter les siens.
« Me revoilà. Nous aurions l'usage de la mine de gollium. On peut vous l'échanger contre deux générateurs, vérifiés, installés, prêts à utiliser. » offrit-elle lorsqu'ils se furent rassis.
« Deux générateurs seulement ? Alors qu'avec toute votre technologie, vous pourriez vider tous les filons en quelques mois seulement... C'est beaucoup trop peu. »
Elle jeta un coup d'œil à Rory, qui lui offrit un petit sourire pincé. Elle y allait trop vite, trop fort. Se recentrant sur sa tâche, elle continua à négocier.
Maintenant qu'il le lui avait fait remarquer, c'était vrai que la présence du jeune homme était anormalement perceptible dans l'Esprit. Elle décida d'utiliser subtilement cette présence pour le sentir plus précisément encore et ajuster ses arguments en conséquence.
Ils en étaient à négocier la durée d'exploitations de la mine, et les esprits commençaient à s'échauffer.
« Un instant s'il vous plaît. Je crois qu'un peu de thé, et quelques biscuits aideront tous les partis à réfléchir. Nous sommes tous des alliés ici. » interrompit subitement Rory.
Coupé en pleine phrase, Torren resta un instant la bouche ouverte, semblant réfléchir à la proposition, puis il tendit sa tasse.
Rory se pencha en avant et, sous le regard horrifié de la servante de piquet qui n'avait pas bougé de son coin, servit le breuvage. D'abord à Torren, puis à elle, et enfin à lui-même.
L'Athosien prit une gorgée d'infusion, puis lâcha un « Fuck ! Shit ! Son of a... » si parfaitement accentué qu'il n'était pas difficile de deviner auprès de qui il avait appris de tels mots, reposant sa tasse avec tant de brutalité que du thé gicla un peu partout.
Un instant, le visage de Zen'kan s'imposa à son esprit, puis elle l'en chassa. Ce n'était pas le moment d'être nostalgique. Il se passait quelque chose qui lui avait échappé – alors que c'était elle qui était en charge de cette négociation !
Torren s'était relevé d'un bond et, grimaçant, pointait un doigt accusateur vers Rory.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda-t-elle, perdue.
« Il est entré dans ma tête ! » siffla le jeune homme.
Rory, toujours assis, eut un sourire prédateur.
« Pas du tout. J'ai simplement posé une question à la ronde... télépathiquement. » nota-t-il, visiblement très fier de lui.
« Mensonges ! »
« Non, il a raison. Les mâles wraiths ne peuvent pas entrer en contact télépathique avec des humains sans les toucher.» offrit-elle, en une tentative d'apaisement.
L'Athosien les fixa avec hostilité.
« Écoutez, Torren, je suis vraiment désolée que Rorkalym vous ait joué ce mauvais tour. Je n'étais pas au courant. Il a deviné que vous êtes télépathe et voulait juste vérifier sa théorie. Rien de plus, je vous l'assure. »
L'homme les fixa, les yeux plissés.
« Croyez-moi, nous ne vous voulons aucun mal et n'avons aucune intention de violer votre intimité mentale. »
« Essayez seulement, pour voir ! »
« Mais on ne veut pas ! » se désespéra-t-elle.
Pourquoi fallait-il que les choses dégénèrent comme ça ?! Tout allait si bien une minute auparavant !
L'homme réfléchit quelques instants, puis se rassit.
« Soit. Finissons cette négociation. » concéda-t-il sèchement.
Infiniment soulagée, elle se rassit volontiers. « Avec joie ! »
« Et arrêtez de tergiverser. Je sais que vous avez trois boucliers. »
« Hé ! VOUS avez lu dans mon esprit ! » s'offusqua-t-elle, vexée de n'avoir rien remarqué.
« Pas le vôtre, le sien. » répliqua l'homme avec un petit sourire supérieur en désignant Rory du menton.
Sourire que Rory lui rendit.
« Et maintenant, qu'y voyez-vous ? » s'enquit ce dernier.
Torren se concentra un instant, puis ses traits se plissèrent de dégoût.
« Beurk... Terminons ces négociations. »
« Volontier. » siffla Rory.
Voulait-elle vraiment savoir ce qu'il lui avait montré ? Probablement pas.
