DISCLAIMER : Tous les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à JK Rowling.

Rating : M+

Genre : romance / slash / Yaoi


Hello tout le monde !

Eh oui, je vous reviens après une longue absence avec une fiction que je prépare depuis plusieurs mois déjà. Je ne comptais pas la publier tout de suite, voire la publier tout court, mais plusieurs messages de certains d'entre vous, Brigitte26 entre autres ;-), me demandant si j'allais publier à Noël, m'ont convaincue de faire un effort :-)

Je préviens, ce n'est pas une fiction de Noël, même si un passage déterminant se déroule à Noël. Rien de sucré/guimauve/fluffy comme ce que j'ai l'habitude de faire en cette période. Il s'agit d'une adaptation libre d'un roman de Françoise Bourdin que j'ai beaucoup apprécié : objet de toutes les convoitises.

J'espère que vous apprécierez tout de même. Je publie les trois premières parties ces trois prochains jours. La suite n'est malheureusement pas encore terminée, mais elle ne devrait pas trop tarder non plus.

Bonne lecture !


-1-

L'air était lourd et moite.

Harry jeta un œil circonspect sur les nuages noirs, annonciateurs d'orage, qui s'accumulaient au-dessus du petit cimetière, se demandant si la cérémonie serait terminée avant qu'il ne se mette à pleuvoir.

Au moment précis où il pensa cela, une grosse goutte s'écrasa sur son épaule, suivie d'une deuxième.

L'employé des pompes funèbres s'éclaircit bruyamment la gorge, espérant attirer l'attention de l'homme qui se tenait au milieu de l'allée de gravier, une urne en céramique noire veinée d'or entre les mains et le regard perdu au loin.

Les gouttes de pluie se firent plus nombreuses.

-Hum… Monsieur ? insista l'employé des pompes funèbres. Pouvons-nous procéder ?

Draco Malefoy se ressaisit. Il se tourna vers la femme toute de noir vêtue, qui s'accrochait à son bras.

-Maman ?

Narcissa Malefoy hocha simplement la tête en tapotant un mouchoir en dentelle sous ses yeux rougis.

Il se tourna ensuite vers Harry.

-Allons-y.

Il s'avança vers un petit édifice en marbre blanc qui ressemblait à un temple grec miniature. Il mesurait à peine deux mètres de haut sur un mètre cinquante de large et était peu profond. Dans le mur du fond, se découpait une alcôve au creux de laquelle Draco déposa l'urne funéraire. Harry s'approcha à son tour et referma la petite porte en bronze qui protégeait l'alcôve avant de la sceller au moyen d'un sort. Il referma ensuite la grille en fer forgé qui barrait l'entrée de l'édifice tout en murmurant d'autres sorts qui paraissaient assez complexes.

Bien que cela ne figurait pas sur le protocole qu'il avait reçu du ministère, il décida d'ajouter un sort empêchant la tombe d'être souillée ou vandalisée.

-Voilà, dit-il quand il eut terminé.

Il se recula pour laisser la place à Draco et à sa mère. A l'aide de sa baguette, Draco fit apparaître une couronne de fleurs blanches et une petite plaque en marbre sur laquelle était simplement inscrit : « A la mémoire de L.A.M., mari et père bien-aimé ».

C'était une autre exigence du ministère : que la tombe soit anonymisée.

La pluie se fit plus dense. Draco fit apparaître un large parapluie noir qu'il déploya au-dessus de sa mère et lui. Harry en fit autant, tandis que l'employé des pompes funèbres se contenta se relever sa veste sur sa tête.

- Si vous n'avez plus besoin de moi, je vais prendre congé, dit-il.

- Bien sûr, dit Draco. Merci.

L'homme hocha la tête.

-Encore toutes mes condoléances. Monsieur Malefoy. Madame Malefoy.

Sur ces mots, il disparut dans un craquement.

Draco se tourna alors vers Harry. Sans un mot, il s'avança et lui fit l'accolade.

- Merci, dit-il finalement. Merci du fond du cœur.

- Il n'y a pas de quoi, marmonna Harry avec embarras.

Il n'avait pas l'habitude de telles démonstrations d'affection dans le chef de Malefoy.

- Bien sûr que si, Monsieur Potter, dit Narcissa avec ferveur. Jamais je ne pourrai assez vous remercier pour votre intervention.

- Madame Malefoy, c'était bien la moindre des choses après ce que vous, vous avez fait pour moi.

Elle balaya l'argument d'une main.

- Pourquoi ne pas nous accompagner au Manoir ? dit-elle. Nous pourrions dîner tous ensemble ?

- C'est très aimable à vous, mais ma femme rentre ce soir d'une semaine d'entraînement et je lui ai promis d'être à la maison pour son retour.

- Oh, je comprends. Draco m'a parlé de votre charmante épouse. Ginevra, c'est cela ? Il faut absolument que vous nous l'ameniez un soir ! N'est-ce pas Draco ? Nous devrions inviter Monsieur Potter et son épouse pour dîner !

- Bien sûr, Maman. C'est une excellente idée.

- Ginny en serait ravie, Madame Malefoy.

- Oh, dans ce cas, c'est entendu ! Je vais organiser cela !

D'un pas décidé, Narcissa Malefoy quitta l'abri du parapluie et descendit l'allée du cimetière sans se préoccuper de la pluie qui tombait de plus en plus dru.

- Maman, où vas-tu ? l'interpella Draco.

- Je vous enverrai un hibou pour fixer une date, Monsieur Potter ! dit Narcissa. Viens Draco ! Nous allons en parler à ton père. Il sera ravi également. Ça fait tellement longtemps que nous n'avons pas donné de réception.

Draco soupira. Il regarda Harry avec un mélange de tristesse et de résignation puis pressa le pas pour rejoindre sa mère.

Harry n'entendit pas ce qu'il lui dit mais ils transplanèrent quelques instants plus tard.

Il savait que la santé mentale de Narcissa Malefoy s'était dégradée durant son court séjour à Azkaban, mais il n'avait pas pris la mesure de la gravité de la situation. Draco n'avait pas exagéré quand il était venu le voir pour lui demander son aide.

Avant de transplaner, Harry jeta un dernier coup d'œil à la tombe de Lucius Malefoy, cet homme qu'il avait détesté et qu'il détesterait probablement toujours, en dépit de l'amitié qu'il portait désormais à son fils. Une amitié improbable et initiée par une personne tout aussi improbable : sa femme.

-2-

Juste après la guerre, les Malefoy avaient été jugés par le Magenmagot. Harry avait témoigné en faveur de Draco et Narcissa, expliquant que l'un et l'autre lui avaient sauvé la vie à deux reprises. Draco avait été acquitté, en raison de son jeune âge au moment des faits et de l'influence que son père avait sur lui. Lucius fut condamné à une peine de réclusion de quinze ans et Narcissa à un emprisonnement de trois mois. En dépit de ce que Harry avait pu dire, les juges avaient estimé qu'elle ne s'était pas détournée suffisamment à temps de l'idéologie de son mari.

Même s'il trouvait cette décision injuste, Harry n'avait rien pu faire de plus.

Il avait donc repris sa vie, de même que ses amis. Ron et lui s'étaient inscrits à l'Académie des Aurors, Hermione à la faculté sorcière et Ginny avait été recrutée par le club des Bourdons de Stilton, comme attrapeuse.

Les mois et les années passèrent dans une insouciance retrouvée. Après trois ans de formation, sitôt son diplôme en poche, Harry fut nommé Auror et demanda Ginny en mariage. Les noces furent célébrées au Terrier la veille de son anniversaire. Ron, bien que diplômé lui aussi, délaissa la carrière d'Auror pour rejoindre son frère George au magasin de farces et attrapes. Lui aussi espérait demander Hermione en mariage, mais il lui fallait patienter encore quelques mois, le temps qu'elle termine ses études.

Un bonheur ne venant jamais seul, le mariage de Ginny et Harry fut suivi de l'annonce d'un heureux événement chez George et Angelina, ainsi que chez Percy et Audrey qui attendaient leur deuxième enfant. Quelques mois plus tard, c'était Fleur, la femme de Bill qui annonçait être enceinte pour la troisième fois.

L'arrivée de trois nouveaux petits-enfants en un an ne calma pas l'enthousiasme de Madame Weasley. Ses allusions à l'égard de sa fille unique quant aux joies de la maternité se faisaient de moins en moins subtiles.

Pour autant, ni Harry, ni Ginny ne cédaient à la pression. Harry adorait son travail et ne souhaitait pas lever le pied dans l'immédiat pour s'occuper d'un enfant. Quant à Ginny, son talent d'attrapeuse n'avait pas tardé à être remarqué et elle espérait secrètement être bientôt courtisée par d'autres clubs.

Sa patience fut récompensée un soir de février. Harry se souviendrait longtemps du moment où sa femme sortit de la cheminée. Elle avait le teint pâle et les yeux un peu fous. Inquiet, il prit le parchemin qu'elle lui tendit sans un mot et le lut. Il écarquilla les yeux à la lecture du montant que le club des Scarabées de Winchester était prêt à débourser pour acheter Ginny. Les Scarabées était en tête du Championnat et tout le monde s'accordait pour dire qu'ils passeraient en Première Ligue la saison prochaine.

- Est-ce que… ils… c'est…? balbutia Harry.

- Oui, répondit Ginny. Ils me veulent.

- Mais… ce prix…

- Quatre-vingts pour cent pour le club. Le reste… c'est pour moi.

- Par les couilles de Merlin…, souffla Harry.

- Je ne te le fais pas dire…

Ils se regardèrent et se mirent à rire avant de sauter dans les bras l'un de l'autre en poussant des cris de joie.

Ce moment de félicité ne dura cependant pas. Les Bourdons n'étant pas ravis de se priver de la meilleure attrapeuse qu'ils avaient jamais eue, ils rechignèrent à accepter de laisser partir Ginny. Quand finalement, ils n'eurent plus le choix, ils invoquèrent une clause du contrat pour priver Ginny du pourcentage qui lui revenait. Incrédule, Ginny lut et relut son contrat et constata avec amertume qu'effectivement, celui-ci contenait un petit paragraphe, obscur et perdu au milieu d'un fatras juridique incompréhensible, qui semblait donner raison au club.

Dépitée et en colère contre elle-même d'avoir été assez naïve pour signer ce contrat sans vraiment le lire, elle allait se résigner quand un de ses ex-coéquipiers lui tendit un petit bristol avec un nom gravé dessus.

-S'il y a une faille dans le contrat, il la trouvera, tu peux en être sûr, murmura-t-il.

Ginny regarda la carte de visite avec incrédulité.

- Lui ? Hors de question que je lui demande quoi que ce soit ! réagit-elle, agacée.

- C'est toi qui vois. Mais réfléchis-y. C'est le meilleur, crois-moi.

Elle en parla à Harry qui n'hésita pas vraiment.

- A part quelques centaines de gallions, qu'as-tu à perdre ? lui dit-il.

- Mais Harry… c'est Malefoy…

- Un Serpentard sournois et calculateur. Exactement le genre de personne capable de débusquer une faille dans un contrat.

Celle qui acheva de la convaincre fut Hermione. Malefoy et elle avaient fait leurs études dans la même faculté et elle lui confirma qu'il était particulièrement doué.

C'est ainsi que Draco Malefoy réapparut dans leur vie.

Il accepta de défendre Ginny sans difficulté, et surtout sans faire de commentaire sur son manque de prudence au moment de signer le contrat. Tout ce qu'il demandait en échange – hormis une provision à quatre chiffres – était l'entière collaboration de sa cliente.

S'en suivirent de nombreuses heures de travail. Il n'était pas rare qu'Harry, en rentrant du Ministère, trouve sa femme et Malefoy assis au milieu du salon, des parchemins éparpillés autour d'eux. Bien souvent, Malefoy restait dîner avec eux, les régalant d'anecdotes professionnelles ou de commentaires caustiques sur la politique du Ministère. Plus le temps passait, plus Harry appréciait sa compagnie.

Le procès fut fixé six mois plus tard. Malefoy ne fit qu'une bouchée de l'avocat du club des Bourdons et obtint pour sa cliente, non seulement le pourcentage auquel elle avait droit mais également de colossaux dommages et intérêts.

A partir de cet instant, Malefoy devint une sorte de dieu vivant pour Ginny et elle lui promit de ne plus jamais signer le moindre contrat sans l'avoir consulté au préalable.

Loin de disparaître avec l'issue du procès, la bonne entente entre Malefoy et Ginny se mua en une amitié sincère. Il devint son compagnon de shopping favori et sa meilleure source de potins dans le beau monde sorcier.

Harry aurait pu s'inquiéter d'une telle proximité entre sa femme et un autre homme, mais il n'en était rien, et pour cause : Malefoy n'était pas intéressé par les femmes. Il entretenait d'ailleurs depuis plusieurs mois une relation sérieuse avec un photographe dont la renommée ne faisait que croître : Dennis Crivey. Dennis partageait la passion de la photo avec son défunt frère, Colin, mais lui, avait eu la chance de vivre assez longtemps pour en faire son métier.

Harry et Ginny étaient régulièrement invités par Draco à assister aux vernissages des expositions de Dennis, ce dont Ginny raffolait car il s'agissait toujours d'évènements très mondains. Harry était moins enthousiaste car il se sentait gauche et empoté dans ce genre de rassemblements. De plus, il n'appréciait pas particulièrement les photos de Dennis. Elles étaient trop sombres, trop torturées à son goût.

- C'est magnifique, hein ? lui lança Ginny alors qu'il restait perplexe devant la photo de mains dégoulinantes de sang, en train de briser une baguette.

- Heu… je ne sais pas… c'est… pffff… je ne sais pas…

- Mais voyons, Harry ! s'offusqua Ginny. Les critiques ne tarissent pas d'éloges sur le travail de Dennis !

- Ce n'est pas parce que les critiques adorent son travail que je suis obligé de l'aimer aussi…

Ginny leva les yeux au ciel en secouant la tête et en s'éloignant d'un air indigné.

-Si ça peut te rassurer, je ne les aime pas non plus.

Harry sursauta. Draco se tenait derrière lui, une flûte de champagne à la main. Il le regarda avec étonnement.

- Quoi ? dit Draco. Parce qu'on couche ensemble, je devrais m'émerveiller de tout ce qu'il fait ? Dans ce cas, il faudrait que je prenne en photo l'étron qu'il produit chaque matin…

- Draco ! souffla Harry, choqué.

- Oh, détends-toi, Potter, rigola Draco. Dennis est un homme charmant mais je n'aime pas sa photographie. Elle est inutilement… glauque.

- Je…

- Ne dis pas le contraire. Je sais que tu penses la même chose.

- C'est vrai, admit Harry.

- Ce n'est pourtant pas faute de lui avoir suggéré des idées, soupira Draco en buvant une gorgée de champagne.

- Quel genre d'idée ?

- Des photos d'hommes. Nus. J'adore regarder des hommes nus. C'est puissant. Et très esthétique. Je suis certain que cela aurait un succès incroyable !

- Hm.

- De plus, il ne devrait pas chercher son modèle très loin. Il m'a à portée de main.

- Toi ? Tu aurais voulu qu'il réalise une exposition de photos de… toi ? Nu ?

- Je suis absolument parfait.

- Et tellement modeste.

Draco haussa un sourcil.

-Je te saurais gré de ne pas remettre ce fait en doute. Je suis parfait. Si tu me voyais nu, tu ne pourrais qu'en convenir.

Harry rougit furieusement.

- Je ne suis pas sûr d'avoir envie de te voir nu, Malefoy, marmonna-t-il.

- Oh vraiment ? murmura Draco à son oreille.

Sur ces mots, il se détourna et s'éloigna. Abasourdi, Harry le regarda se mêler aux invités et deviser avec eux comme si de rien n'était.

- Que se passe-t-il ? demanda Ginny qui venait de réapparaître de nulle part. Tu es tout rouge. Tu ne te sens pas bien ?

- Hein ? Quoi ? Non… non, tout va bien, répondit Harry en prenant un verre de whisky sur un plateau qui passait à proximité.

Il le vida d'un trait et s'essuya la bouche peu élégamment, sous le regard inquiet et réprobateur de son épouse.

-3-

Harry avait pris l'habitude de croiser Malefoy au Ministère : chaque fois qu'il avait une audience, il venait le saluer. Ils discutaient de tout et de rien, de politique, de quidditch ou du temps qu'il faisait, parfois autour d'un café, parfois autour d'une salade et d'un sandwich.

L'expertise de Draco ne se limitait pas au droit des contrats. Il était également très doué en droit pénal sorcier, si bien que Harry le recommandait régulièrement aux victimes qui cherchaient un avocat. Sa réputation au Bureau des Aurors était telle que Gawain Robarts, le Chef des Aurors, l'employait également comme consultant sur certaines affaires.

Bref, rares étaient les jours où Draco ne venait pas au Ministère.

Quand Harry le vit arriver ce matin-là, il n'en fut donc pas étonné.

- Salut Draco ! Tu avais audience ce matin ?

- Non. Je… hum… Harry, puis-je te parler en privé ? C'est important.

Harry avisa ses yeux rougis et cernés, et son air terrorisé et désemparé. La dernière fois que Harry l'avait vu comme ça, c'était en sixième année à Poudlard, dans les toilettes de Mimi Geignarde.

-Viens, dit-il.

Ils quittèrent son bureau, dépassèrent la salle de pause où plusieurs Aurors étaient en train de parler et de rire. Au fond du couloir, Harry le fit entrer dans un petit local d'audition rarement utilisé.

-Ici, nous serons tranquilles, dit-il en fermant la porte. Maintenant, dis-moi ce qui ne va pas.

Draco se passa la main sur son visage fatigué.

- Mon père est mort hier matin.

- Oh.

Harry mentirait s'il se prétendait bouleversé par cette nouvelle. Il avait toujours détesté Lucius.

- Je sais que… que tu n'appréciais pas mon père, continua Draco comme s'il avait dans ses pensées, mais…

- Peu importe, l'interrompit Harry. Certes, je ne l'aimais pas mais il ne s'agit pas de moi. Il s'agit de toi. C'était ton père. Je comprends parfaitement ton chagrin. Et je suis sincèrement désolé pour toi, Draco. Vraiment.

- Merci, murmura Draco.

- Et ta mère ? Elle doit être bouleversée…

Draco prit une longue inspiration.

- A vrai dire, c'est pour elle que je m'inquiète, dit-il. Le directeur d'Azkaban refuse de me remettre la dépouille de mon père. Il sera incinéré à la prison et ses cendres seront dispersées dans la mer.

- Je vois, dit Harry. Ils craignent que sa tombe ne devienne un lieu de rassemblement des partisans de Voldemort. Ou bien que ses ossements ne servent à un quelconque rite de magie noire…

- Tu sais comme moi que c'est tout bonnement ridicule !

- Oui et non. Ça s'est déjà vu par le passé…

Draco souffla avec agacement.

- Ecoute, dit Harry, je comprends que ta mère et toi vouliez…

- Non, Harry, coupa Draco, tu ne comprends pas. Moi, je ne veux rien du tout. A vrai dire, ça m'est bien égal que les cendres de mon père aillent nourrir le plancton dans la Mer du Nord ! Je te l'ai dit, c'est pour ma mère que je m'inquiète !

Il semblait au bord des larmes.

- Elle… elle ne va pas bien, continua-t-il. Son emprisonnement à Azkaban lui a laissé des séquelles. Elle… elle n'a plus le sens des réalités. Elle croit que ma tante et Voldemort vivent encore au Manoir. Elle se cache dans les greniers pendant des heures avant que les elfes de maison ne parviennent à la convaincre qu'elle est seule et qu'elle ne risque plus rien. Elle parle de mon père comme s'il était encore avec nous !

- Par Merlin, Draco, murmura Harry. Je… je n'en savais rien. Enfin… je savais que la présence des Détraqueurs l'avait beaucoup affectée mais… je ne savais pas que c'était à ce point-là…

- Et encore, je ne te raconte pas tout. Je n'ai pas envie de la faire passer pour une folle mais…

Il renifla légèrement.

-Il faut qu'elle assiste aux funérailles de mon père, continua Draco, les yeux baissés. Il faut qu'elle voie sa tombe… sinon, je crains qu'elle… qu'elle…

Sa voix se brisa. Harry s'approcha et gauchement, il posa sa main sur son bras en signe de compassion. Il n'était pas certain qu'une tombe suffise à empêcher Narcissa de s'enfoncer dans sa psychose mais il comprenait l'inquiétude de Draco.

- Je vais parler à Kingsley, dit-il résolument. Retourne patienter dans mon bureau. Je reviens.

Et sur ces mots, il disparut en coup de vent.

Il fallut une bonne heure avant que Harry ne repasse la porte de son bureau. A sa mine contrariée, Draco comprit que cela ne s'était pas bien passé.

- Quelle bande de cons ! s'énerva-t-il en claquant la porte.

- Ce n'est pas grave, soupira Draco. Je te remercie d'avoir essayé.

- Pas moyen de faire entendre raison à ce stupide directeur d'Azkaban ! continua Harry avec humeur. Il refuse que ton père soit inhumé. Tu récupéreras uniquement ses cendres. Et la tombe devra être anonyme !

- Quoi ? Mais…

- C'est une exigence de Kingsley. Et bien sûr, personne ne pourra assister à la cérémonie en dehors de ta mère, toi et l'Auror qui devra sceller magiquement la tombe. J'ai quand même insisté pour que Dennis puisse être là aussi. Ça n'a pas été sans mal car le directeur d'Azkaban refusait obstinément mais Kingsley a fini par accepter…

Comme Draco le regardait avec des yeux ronds, Harry leva les mains dans un geste d'impuissance.

- Je suis désolé, Draco. C'est tout ce que j'ai pu obtenir.

- Tout ce que tu as pu obtenir ? répéta Draco dans un état second.

- Oui, je…

Harry ne put continuer sa phrase car il se retrouva pris dans une vigoureuse étreinte.

-Par Merlin, Harry, souffla Draco. C'est formidable ! Je vais pouvoir organiser des funérailles, ma mère pourra être présente, il y aura une tombe sur laquelle elle pourra se recueillir… je n'en espérais pas tant !

Quand il s'écarta, Harry put voir que ses yeux étaient toujours mouillés, mais d'émotion cette fois.

- Merci, Harry. Du fond du cœur, merci.

Gêné, Harry haussa les épaules.

- Pour ce qui est de l'Auror…

- Oh, ça n'a pas d'importance, coupa Draco. Du moment qu'il reste courtois avec ma mère…

- Il n'y a pas de danger, sourit Harry. L'Auror, c'est moi.

Draco le fixa avec étonnement.

- Mais… Harry… c'est mon père… tu…

- Je ne le fais pas pour ton père. Je le fais pour toi et ta mère.

Draco était sans voix. Il s'avança et reprit Harry dans ses bras.

Harry se sentait inexplicablement embarrassé. Il était tendu comme un arc et nul doute que Draco s'en rendait compte. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Ron, et même certains de ses collègues, lui faisaient régulièrement de telles accolades et cela ne le gênait pas. Pourquoi en serait-il autrement avec Malefoy ? Parce qu'il aimait les hommes ?

Il se fustigea mentalement d'être aussi mesquin. Lentement, il leva les bras et les posa dans le dos de Draco, lui rendant son étreinte. Ce fut presque imperceptible, mais Harry aurait pu jurer avoir senti un petit soupir de soulagement s'échapper des lèvres de Draco.

-4-

Harry feuilletait Quidditch Magazine, perché sur un tabouret du comptoir de la cuisine. Il entendit un ronflement provenant du salon, suivi de près par un bruit sourd. Un sac lourd qu'on laissait tomber au sol. L'instant d'après, la douce odeur de fleurs et les bras de Ginny l'enlaçaient par derrière.

- Ce sont des macaroni au fromage que je sens ? murmura-t-elle dans son cou.

- Bonjour ma chérie, dit Harry d'une voix moqueuse. Toi aussi tu m'as manqué.

D'un mouvement souple, Ginny bascula sur les genoux de son mari et l'embrassa avec fougue.

-Bien sûr que tu m'as manqué, sourit-elle contre sa bouche. Mais les hydrates de carbones m'ont manqué davantage !

Elle fut gratifiée d'une petite tape sur la cuisse.

- Tu es partie depuis une semaine et tout ce qui t'importe, c'est mes macaroni au fromage, se plaignit Harry en la faisant descendre du tabouret en même temps que lui.

- Le gras, c'est la vie, philosopha Ginny.

Harry rigola en se penchant sur le four pour vérifier la cuisson du plat. Le fromage fondu gratinait délicieusement.

- Ce sera prêt dans une dizaine de minutes, dit-il.

- Parfait ! Juste le temps de me changer ! J'espère que tu en as fait assez ! Je meurs de faim !

Ginny traversa la cuisine sous le regard amusé de Harry. Quand l'équipe partait en entrainement intensif, les joueurs étaient soumis à un régime riche en protéines qui laissait peu de place aux sucres et aux lipides. Les macaroni au fromage, c'était le petit plaisir coupable que Ginny s'octroyait quand elle rentrait, avant de reprendre une hygiène de vie irréprochable. Non pas qu'elle en avait vraiment besoin. Elle était naturellement très mince et ne devait pas faire beaucoup d'effort pour garder la ligne, au grand dam de certaines de ses coéquipières. Ron et George se moquaient d'elle en disant qu'elle avait des œufs au plat en guise de seins mais Harry les rabrouaient gentiment en les assurant qu'elle était parfaitement à son goût.

Dix minutes plus tard, Ginny était de retour. Elle avait troqué son survêtement de sport pour un short et un t-shirt ample. Ses cheveux encore humides de la douche étaient rassemblés en un chignon souple au sommet de sa tête.

Sans attendre, Harry fit glisser devant elle une assiette de pâtes. Ginny y planta sa fourchette et dégusta la première bouchée avec un plaisir évident.

- Hmmmm…. C'est délicieux, dit-elle la bouche pleine et les yeux fermés. Bon sang, j'en ai rêvé toute la semaine…

- Comment ça s'est passé ?

Ginny lui raconta par le menu la rigueur de l'entrainement auquel l'équipe était soumise et combien le coach des Scarabées était plus sévère que celui des Bourdons.

- Ce n'est pas pour rien que vous allez passer en Première Ligue, commenta Harry.

- Mouais… on devait déjà passer l'année dernière, marmonna Ginny. Mais avec Adison blessé et Morris suspendu pour trois matchs, ce ne sera pas encore pour tout de suite.

Elle se resservit une part de gratin.

- Et toi ? Les funérailles, ç'a été ?

- Il n'y a eu aucun problème. Tout s'est déroulé comme voulu par le Ministère. Par contre…

Il raconta à Ginny la réaction de Narcissa Malefoy à la fin de la cérémonie et l'attitude désemparée de Draco.

- Pauvre Draco, dit Ginny. Je vais l'appeler par cheminée tout à l'heure pour savoir comme il va. Tu crois qu'il est resté au Manoir ou bien il est rentré à Londres ?

- A mon avis, il est resté au Manoir. Enfin, à sa place, c'est ce que j'aurais fait…

Ginny hocha la tête en mangeant pensivement.

- Tu te rends compte que Dennis n'était même pas là ? dit sèchement Harry, après un temps de silence. Je me suis démené pour lui obtenir l'autorisation d'être présent, et il n'est pas venu !

- Il faut le comprendre. Il a perdu son frère et…

- Ce n'est pas Lucius Malefoy qui l'a tué.

- Non, mais…

- Mais quoi ? Et moi ? Combien de personnes chères ai-je perdu ? s'emporta Harry. Fred, Remus, Tonks, Sirius ! Et pourtant j'étais là !

- Le Ministère a imposé la présence d'un Auror…

- Et j'aurais pu laisser Kingsley désigner n'importe qui d'autre que moi, mais je me suis proposé ! Pour Draco ! Et Dennis, lui, il n'a même pas la décence de venir soutenir son propre compagnon !

Ginny soupira.

- Peut-être est-ce Draco qui a lui dit de ne pas venir… sachant que c'est compliqué pour lui…

- N'importe quoi, grogna Harry. Et de toute façon, si c'est si compliqué pour lui, pourquoi sort-il avec un ancien Mangemort ? Hein ?

- Harry !

- Quoi ? C'est la vérité ! Draco a toujours la Marque des Ténèbres tatouée sur le bras ! Il n'est pas foutu de venir à l'enterrement du père, mais quand il s'agit de coucher avec le fils, il le supporte ?

- Harry, ça suffit ! s'énerva Ginny. Qu'est-ce que ça peut te faire ?

Harry se renfrogna.

- Je trouve ça hypocrite, c'est tout, bougonna-t-il en chipotant avec sa fourchette dans son assiette.

- Ce ne sont pas nos affaires. C'est Draco que ça regarde, ok ?

Harry ne répondit pas, mais il n'en pensait pas moins.

- C'est quoi ton problème avec Dennis ? demanda Ginny. Tu le supportes à peine.

- Je ne sais pas. Il… il est… il est… je ne sais pas.

Ginny souffla en levant les yeux au ciel.

- En tout cas, tu as intérêt à te calmer d'ici demain. Je ne veux pas d'esclandre à la soirée.

- La soirée ? Quelle soirée ?

- Bon sang, Harry ! Tu le fais exprès ? Le vernissage de la nouvelle exposition de Dennis ? A Battersea. Draco nous a invités, tu te rappelles ?

Harry gémit en renversant la tête en arrière.

- Tu avais oublié, commenta Ginny.

- On est vraiment obligés d'y aller ? Tu sais que je déteste les mondanités…

- Et moi, j'adore ça !

Harry savait qu'il n'aurait pas gain de cause. C'était le seul sujet de dispute entre Ginny et lui : ce qu'elle considérait comme une attitude de vieil ermite grincheux, alors qu'elle, elle aimait les robes de soirée, le champagne et les rencontres.

-Bon, maugréa-t-il. Je suppose que le smoking est de rigueur.

Pour toute réponse, Ginny lui sourit de toutes ses dents.

-5-

Harry avait comme une impression de déjà-vu : lui, une coupe de champagne à la main, en train de regarder avec perplexité les « œuvres » de Dennis Crivey. Cette fois, son exposition s'intitulait Matrices et ses photographies s'articulaient autour du thème de la cavité sous diverses formes.

Il pencha la tête pour mieux comprendre ce qu'il avait sous les yeux. Cela ressemblait à un conduit, aux parois rougeâtres, hérissé de tiges noires et épaisses. Des troncs calcinés ? Non. Les tiges semblaient prisonnière d'une matière organique visqueuse… Pour peu, Harry aurait songé à de la morve de troll. Il fit un bond en arrière en comprenant que c'était exactement cela qu'il avait sous les yeux : l'intérieur poilu d'une narine de troll.

-C'est dégueulasse, murmura-t-il, avant de se demander vaguement comment Dennis avait pu approcher un troll d'assez près pour photographier l'intérieur de son nez.

Il n'eut pas la réponse à sa question car Ginny lui donna un vigoureux de coup de coude.

-Les voilà ! dit-elle.

En effet, des applaudissements retentirent à l'arrivée de Dennis, accompagné de Draco. Avant de saluer qui que ce soit, ce dernier se dirigea immédiatement vers Ginny et Harry. Il prit les mains de Ginny et l'embrassa sur les deux joues.

-Tu es sublime, dit-il.

Ginny rougit en émettant un petit gloussement.

- Tu trouves ? dit-elle en arborant un air faussement gêné.

- Je te l'ai déjà dit, le vert est la couleur qui te va le mieux, affirma Draco. N'est-ce pas, Harry ?

- Heu… oui, certainement.

Il trouvait sa femme sublime en toutes circonstances, qu'elle porte une robe de soirée, une tenue de Quidditch ou bien un t-shirt informe, mais il était vrai que ce fourreau vert émeraude la mettait particulièrement en valeur.

-Ginny chérie, il faut absolument que je te présente quelqu'un, dit Draco en lui prenant le bras et en s'éloignant vers un petit groupe de personnes qui entouraient Dennis. C'est une créatrice de mode venue de Vilnius et elle est absolument fan-tas-tique ! Tu vas…

Harry n'entendit plus la conversation, couverte par le brouhaha ambiant. Sachant sa présence inutile quand ces deux-là parlaient chiffon, il laissa Draco et Ginny à leurs affaires et continua à circuler parmi les œuvres. Il entra dans une petite salle un peu sombre. Un couple s'y trouvait déjà, admirant un triptyque.

- C'est puissant, dit la femme.

- Absolument. Et vois cette allégorie ! C'est tellement…

- Puissant, répéta la femme qui ne savait apparemment rien dire d'autre.

Harry ne put retenir un petit ricanement qui lui valut un regard désapprobateur du couple.

- Tssss, fit la femme en pinçant les lèvres.

- Quoi ? rétorqua Harry. Ce sont juste des carcasses de bœuf ! Il n'y a rien de puissant ou… d'allégorique là-dedans…

L'homme secoua la tête d'un air navré.

-Quel inculte, souffla-t-il en entrainant sa femme à l'extérieur de la salle.

Harry resta seul devant les trois photographies en se demandant ce qui avait bien pu lui échapper. Les photos avaient été prises dans un abattoir. Sur chacune d'elle, on voyait une énorme carcasse de bœuf qui pendait à un crochet. Sur la première photo, la tête d'un homme dépassait du cou de l'animal. C'était presque comique. Sur la deuxième, ses bras sortaient d'entre les côtes. Et enfin, sur la troisième, son corps s'extrayait de la carcasse dans une pose mélodramatique.

-N'importe quoi, murmura Harry qui se demandait comment un type sain d'esprit avait pu accepter d'entrer dans une carcasse pour se faire photographier…

Il n'y réfléchit pas plus longtemps et décida qu'il en avait assez vu. Il allait prétexter un mal de tête ou bien un truc urgent au ministère, et il allait quitter cette exposition insensée.

Mais au moment où il se retournait, il faillit percuter quelqu'un qui entrait dans la petite salle.

- Oh ! Salut Dennis !

- Salut.

- Hum… super exposition, au fait. C'est… c'est vraiment… puissant, baragouina Harry en agitant la main vers les photos de carcasse.

- Tu n'en penses pas un mot, dit calmement Dennis.

- Hein ? Si ! C'est génial, vraiment !

- Ce n'est pas grave, tu sais. Au contraire. Mon art est fait pour susciter la controverse, le débat. Certains l'aiment, d'autres ne l'aiment pas. Tu ne l'aimes pas, c'est ton droit. Non pas que j'en ai quelque chose à faire… mais c'est ton droit d'avoir ton opinion.

Harry croisa les bras sur son torse, en haussant un sourcil face à ce ton extrêmement condescendant.

- C'est quoi ton problème, Dennis ?

- Je n'ai aucun problème.

- Si, avec moi, manifestement. Tu es en permanence… hostile à mon égard. Tu ne m'aimes pas.

Dennis haussa les épaules.

- C'est fou, ce besoin presque pathologique que tu as d'être adulé des autres pour exister.

- Je te demande pardon ?

- Tu m'as très bien compris.

- Je n'ai pas besoin d'être adulé ! s'énerva Harry. Je veux juste comprendre ce que tu as contre moi !

- Rien du tout.

- C'est à cause de Colin, c'est ça ? Tu penses que c'est de ma faute ? Que je suis responsable de sa mort ?

Dennis eut un rire amer.

- Bon sang, tu as vraiment le complexe du héros !

- C'est faux ! Je…

- Tu te donnes trop d'importance, Potter. Si tu crois que ceux qui se sont battus ce jour-là l'ont fait pour toi, tu te trompes. Tout le monde avait quelque chose à perdre dans cette guerre. Y compris mon frère. Il a choisi de se battre, il est mort, c'est tout ce qu'i en dire.

Harry n'aimait pas le ton désinvolte, presque provoquant de Dennis.

- Pourquoi tu n'es pas venu à l'enterrement du père de Draco ? demanda-t-il sèchement.

- Ce ne sont pas tes affaires.

- J'ai fait des pieds et des mains pour que tu sois autorisé à venir.

- C'est aimable à toi, mais je ne t'ai rien demandé. Et Draco non plus.

- C'est ton compagnon, merde ! L'homme avec qui tu partages ta vie ! Tu ne crois pas qu'un minimum aurait été de venir le soutenir ?

Dennis inspira lentement par le nez, les lèvres serrées.

- Je ne sais pas pour qui tu te prends, Potter, mais je n'ai aucun compte à te rendre. Ceci dit, pour que les choses soient claires, le seul qui pourrait me faire des reproches sur mon absence, c'est Draco. Or, il ne m'en a fait aucun, au contraire. Alors, remballe ton air supérieur et moralisateur, et dégage d'ici.

Harry ne se le fit pas dire deux fois.

-6-

- Dennis ne m'aime pas.

- Comment es-tu parvenu à cette conclusion ? demanda Draco avant de boire une gorgée de thé.

Harry soupira. Ils étaient tous les deux attablés au Wolseley, sur Piccadilly, où ils avaient déjeuné ensemble.

- Il me l'a plus ou moins fait comprendre lors du vernissage.

- Hm.

- Tu ne démens pas !

- Eh bien, dans la mesure où tu tiens cette information de première main, je ne vois pas ce que je pourrais en dire…

- Mais Draco, pourquoi ? Je voudrais comprendre !

- Est-ce vraiment important ?

- Evidemment !

- Ça ne devrait pas. Tu te préoccupes trop de ce que pensent les autres. Il ne t'aime pas, et alors ?

- Et alors ? Toi et moi sommes amis, et Dennis est ton compagnon. Je trouve cela normal de vouloir m'entendre avec lui !

- Oh, ne m'implique pas là-dedans, tu veux bien ? Ça m'est complètement égal si Dennis ne t'aime pas et ça ne change rien à notre amitié.

Harry n'était pas convaincu. Il sirota son café, un air morose sur le visage. Les paroles de Dennis ne quittaient pas son esprit.

C'est fou, ce besoin presque pathologique que tu as d'être adulé des autres pour exister.

Etait-ce vraiment le cas ? Etait-il obnubilé par le besoin d'être aimé ? C'était grotesque. Des tas de gens ne l'appréciait pas et il s'en fichait pas mal. Alors pourquoi l'attitude de Dennis lui posait-elle autant problème ?

- Ceci dit, reprit Draco d'un air détaché, il est vrai qu'il n'a pas apprécié ta petite leçon de morale. A propos de son absence aux funérailles de mon père.

- Hm, j'imagine. Je persiste à dire qu'il aurait dû être là. Pour toi. Même si c'était compliqué pour lui. C'est ce qu'on est censé faire quand on tient à quelqu'un.

- Oh. Donc, tu tiens à moi.

Harry se sentit rougir mais il soutint le regard de Draco.

-Oui, dit-il. Mais moi, je ne suis pas ton petit-ami. Dennis, il l'est. Et pourtant, il n'était pas là.

Draco eut un sourire triste. Il joua distraitement avec sa petite cuillère.

- Dennis et moi, nous ne sommes pas ce genre de couple, dit-il finalement.

- Que veux-tu dire ?

- Rien de plus que cela. Il a sa vie. J'ai la mienne. Je ne lui demande aucun compte, et lui non plus.

Harry regarda Draco avec des yeux ronds.

- Mais… je croyais… je veux dire… vous vivez ensemble à Berkeley Square, non ?

- Dennis y a une chambre. Une suite même. Mais nous ne vivons pas ensemble à proprement parler. D'ailleurs, je n'ai jamais passé la nuit avec lui.

- Hein ?

Draco ne put s'empêcher de rire face à l'expression de pure incrédulité de Harry.

- Nous couchons ensemble, clarifia-t-il, mais je ne reste pas avec lui. Je regagne ma chambre, dans laquelle il n'a jamais mis les pieds, du reste.

- Ça alors, souffla Harry.

- Ce sont nos arrangements, et ils me conviennent.

- Et à lui ? Ils lui conviennent ?

Draco prit un instant avant de répondre.

- Pas toujours, admit-il. Il disparaît parfois pendant plusieurs jours… pour me punir de ma froideur ou de je ne sais quoi d'autre qui ne lui a pas plu. Mais il reviendra. Il revient toujours.

- Tu veux dire qu'il est parti, là ?

- Oui.

- A cause de ce que je lui ai dit ? Sur son absence à l'enterrement de ton père ?

- Oui.

- Oh bon sang, soupira Harry en se passant la main dans les cheveux. Je suis désolé. Je ne voulais pas…

- Peu importe. Comme je viens de te le dire, il revient toujours. Il m'aime trop pour ça.

- Et toi ?

Draco haussa les épaules.

- Dennis est une personne intéressante. Il est plein d'esprit et très dévergondé, ajouta-t-il avec un sourire en coin. Mais je ne suis pas amoureux de lui.

- Enfin Draco… tu ne le penses pas…

- Bien sûr que si. Je sais ce qu'est être amoureux, et ce n'est pas ce que je ressens pour Dennis.

- Il le sait ?

- Il s'en doute.

- Et ça ne le dérange pas ?

- Disons que nous avons chacun à y gagner dans cette relation.

Harry resta pensif face à ses révélations. Il ne savait pas pourquoi mais il s'était toujours imaginé que Dennis et Draco formaient un couple solide.

-Comment as-tu rencontré Dennis ? demanda-t-il après un temps.

Draco sourit tandis que son regard se faisait un peu plus lointain.

-J'étais à Nice, pour le mariage de la mère de Blaise Zabini. Elle épousait en neuvièmes noces un jeune type qui avait deux ans de moins que son fils. Par Merlin, Blaise ne décolérait pas ! La cérémonie devait avoir lieu le soir, sur la plage privée d'un club très sélect… bref, je te passe les détails. Comme Blaise était intenable depuis le réveil et que je n'avais pas les nerfs assez solides pour supporter cet état le reste de la journée, je l'ai emmené faire la seule chose susceptible de le calmer : du shopping. A la quatrième boutique, il était capable de parler sans jurer comme un charretier, et à la sixième, il avait cessé de menacer de mort son futur beau-père. Comme on se dirigeait vers la Place Garibaldi, Blaise remarqua une petite galerie qui exposait des photographies absolument immondes, mais sur lesquelles il avait apparemment flashé.

Il fit un vague geste de la main comme pour manifester son incompréhension par rapport au comportement de son ami.

-Il s'est rué dans la galerie, continua-t-il, et a immédiatement fait savoir à l'employée qu'il était là pour acheter. Il ne lui fallut pas longtemps pour jeter son dévolu sur une immense photo représentant une bouche de métro à Londres, de laquelle s'échappait une foule cadavérique aux yeux hagards. La photo s'appelait Misery of the working class. Le temps qu'il finalise la vente, j'ai erré dans la galerie en essayant de ne pas vomir dans un coin. Quelqu'un est entré. L'homme s'est arrêté à côté de moi et m'a demandé « vous aimez ? ». Ce à quoi j'ai répondu : « on ne me paiera jamais assez cher pour que j'accepte d'exposer une de ces horreurs, même dans ma cave ». L'homme m' a regardé, il allait dire quelque chose mais il fut interrompu par Blaise qui revenait avec l'employée. Avec un enthousiasme débordant, celle-ci nous fit savoir que nous étions en présence de l'artiste.

Draco ricana à ce souvenir.

- Je me suis tourné vers l'homme, qu'on me présenta comme Dennis Crivey. L'Artiste, dit-il avec emphase. Je ne sais pas s'il s'attendait à ce que je lui présente des excuses ou que je paraisse gêné, mais je n'en fis évidemment rien. Il ne fit aucun commentaire non plus et nous quittâmes la galerie.

- Eh bien, dit Harry. On peut dire que ça commençait fort… Et ensuite ? Parce que je suppose que ça ne s'est pas arrêté là…

- Non, en effet. Dans l'après-midi, je suis retourné à la galerie, prétextant que mon ami souhaitait envoyer du champagne à Monsieur Crivey, je n'ai eu aucun mal à obtenir l'adresse de son hôtel. J'y suis allé le soir-même.

- Mais… et le mariage ?

- Il y avait là-bas au moins deux cents personnes, Blaise était bourré et il n'aurait pas fait la différence entre moi et une chaise de jardin… alors je me suis rendu à l'hôtel où séjournait Dennis, le Negresco. Quand il m'a ouvert la porte, il n'a pas dit un mot. Il s'est contenté de sourire comme s'il avait deviné mes intentions dès la première seconde.

- C'était le cas ?

- Oh oui ! rigola Draco. J'ai eu envie de me le faire sitôt que mes yeux se sont posés sur lui !

Harry rigola également mais il paraissait un peu gêné.

-Une semaine plus tard, continua Draco, je lui aménageais une suite dans mon hôtel particulier de Berkeley Square. Il était clair que lui et moi voulions poursuivre cette relation, mais il était hors de question que je mette les pieds dans ce… loft qu'il possède à Battersea et qui lui sert à la fois d'atelier et de logement. Ce style post-industriel, c'est d'un vulgaire…

Harry hocha la tête puis détourna les yeux comme s'il voulait dire quelque chose et qu'il n'osait pas.

- Tu te demandes comment j'ai pu coucher avec un homme rencontré à peine quelques heures plus tôt, et avec qui j'avais à peine échangé deux phrases ? C'est ça ? dit Draco d'un air dégagé.

- Non, non, pas du tout… c'est juste que…

Notant la gêne de Harry, Draco se pencha en avant et, avec un petit sourire sardonique, il murmura :

- Tu veux connaître les détails, alors ? A quoi ressemble une incroyable partie de sexe gay ?

- Hein ? réagit Harry. Non !

- Alors quoi ?

- Ta Marque.

Le visage de Draco se ferma complètement. Il s'adossa à sa chaise, les bras fermement croisés contre son torse.

- Je vois. Tu veux savoir si je l'ai cachée. Ou si Dennis a été dégoûté en la voyant. Parce que c'est forcément ce qu'elle est censée inspirer, n'est-ce-pas ? Du dégoût.

- Tu sais très bien que ce n'est pas ça que je pense. En tout cas, plus maintenant.

Draco inspira lentement. Au bout d'un moment, son corps se détendit.

-Il n'a rien dit, souffla-t-il. Il l'a regardée, et il n'a rien dit. Il n'a même pas tressailli. C'est vrai que… que je craignais qu'il réagisse mal… compte tenu de la mort de son frère et tout ça… mais, rien. On dirait que ça lui est égal.

- C'est sans doute le cas, commenta platement Harry.

- C'est une chose que tu as du mal à comprendre, non ?

- Quoi ? Qu'il t'accepte alors que tu portes la Marque ?

- Qu'il soit si facilement passé à autre chose après la mort de son frère. Au point de coucher avec un mangemort.

Harry soupira.

-Peut-être, admit-il.

Ils restèrent silencieux un moment. Harry triturait le bout de sa serviette.

-Au vernissage, dit-il finalement, je lui ai demandé s'il m'en voulait pour la mort de Colin. Il m'a répondu que non, que je me donnais trop d'importance, que Colin avait fait ses propres choix et qu'il en était mort, voilà tout. J'ai été choqué par l'indifférence avec laquelle il évoquait la mort de son frère. Je crois que c'est ça que j'ai du mal à comprendre… son indifférence.

Draco fit lentement tourner la chevalière qu'il portait à l'auriculaire droit, captant brièvement le reflet d'un éclairage à proximité. Il pesa soigneusement ses mots avant de parler.

- Dennis aimait beaucoup son frère, dit-il. Il le vénérait même… Et Colin te vénérait, toi. Donc, quand il te dit qu'il ne t'en veut pas pour sa mort, il ment. Il est évident pour lui que Colin t'a suivi dans une guerre pour laquelle il n'était pas prêt.

- Parce que je l'étais, moi ? se rebiffa Harry.

- Aucun de nous ne l'étais, répondit doucement Draco.

Harry baissa les yeux sur la nappe blanche empesée. Il passa le doigt sur une petite tache brune, une éclaboussure de la sauce aux pommes qui accompagnait la côte de porc qu'il avait mangée.

-J'avais raison, murmura-t-il. Il me reproche la mort de Colin. Mais même si je m'en doutais, c'est dur de l'entendre. Je… je n'ai jamais voulu que qui que soit meure ce jour-là. Les seuls qui étaient censés y rester, c'était Voldemort… et moi.

Brusquement, une poigne de fer se referma sur sa main.

-Arrête, dit sèchement Draco. Dennis ne le pensait peut-être pas en le disant, mais il n'empêche que c'est la vérité : Colin a fait ses propres choix. Tu n'as obligé personne à se battre pour toi ou avec toi, tu n'es responsable de la mort de personne ! Tu m'entends ?

Harry hocha lentement la tête.

Draco desserra sa prise mais au moment où il retirait sa main, Harry la retint.

- Merci, dit-il.

- Merci pour quoi ?

- Etre ami avec toi m'a davantage aidé à tourner la page de la guerre que trois ans de thérapie.

Draco ne répondit rien. Il se contenta d'un sourire qui en disait long.

-7-

Le soir, affalé sur le canapé de son salon, Harry regardait d'un œil distrait un épisode d'une série policière sur ITV.

- Je suis certaine que le beau-frère est dans le coup ! s'écria Ginny en pointant le téléviseur d'un doigt accusateur.

- Hein ? Quoi ? Qui ? sursauta Harry.

Ginny fixa son mari d'un œil suspicieux.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as été distrait toute la soirée. Un problème au Ministère ?

- Hm, non.

- De quoi s'agit-il alors ?

- Rien, rien…

- Harry, crache le morceau…

Harry se gratta pensivement la mâchoire.

- Tu… hum… tu savais que Draco et Dennis formaient… disons… un couple libre ?

- Bien sûr que je le savais. Draco me l'a dit.

- Pourquoi tu ne m'as rien dit à moi ?

- Je ne pensais pas que la vie sexuelle de Draco t'intéressait.

- Elle ne m'intéresse pas ! C'est juste que… hé ? Depuis quand tu discutes avec Draco de sa vie sexuelle ?

- Depuis toujours ! Il n'est pas avare de détails, gloussa Ginny. Et plutôt curieux…

- Ne me dit pas que… que tu lui parles de… de nous ?

- Et pourquoi pas ?

- Pourquoi pas ? s'étrangla Harry. Mais je ne veux pas que Malefoy connaisse les détails de notre vie sexuelle !

Ginny roula des yeux.

- Bon sang, Harry, ce que tu peux être prude par moment !

- Je ne suis pas prude ! Je…

- Et puis, tu n'as pas à t'en faire. Je suis plutôt élogieuse, figure-toi.

- Peu importe ! Il s'agit de notre vie privée ! Elle ne regarde que nous !

- Ah oui ? répliqua Ginny avec hauteur. Et la vie privée de Draco et Dennis, alors ? Elle te regarde peut-être ?

Harry se rembrunit. Ginny lui avait fait la tête pendant trois jours après qu'il ait quitté précipitamment le vernissage suite à son altercation avec Dennis. Elle lui avait vertement reproché d'avoir fait un commentaire sur l'absence de Dennis à l'enterrement de Lucius Malefoy.

- Ça va, ça va, marmonna-t-il. Je ne dis plus rien…

- Harry, ce n'est pas parce qu'ils ne vivent pas comme nous qu'ils ne tiennent pas sincèrement l'un à l'autre, tu sais, dit Ginny avec douceur.

- Tu as raison, admit-il. Jamais je n'aurais dû faire de reproche à Dennis… Draco m'a dit qu'il était parti. Bon sang, je me sens responsable…

- Ne t'inquiète pas, il reviendra. Ce n'est pas la première fois que ça arrive.

- Oui, mais tout de même…

- Allez, ne te tracasse pas avec ça. Dennis est une drama queen capricieuse, comme tous les artistes…

- Je rêve ou tu viens de critiquer Dennis Crivey, le génie absolu de la photographie ? se moqua Harry.

Pour toute réponse, il reçut un coussin sur la tête qu'il renvoya à Ginny aussitôt. S'en suivit une bagarre et des éclats de rire.

- Alors, comme ça, tu es plutôt élogieuse à mon égard, susurra Harry en renversant Ginny sur le canapé.

-Tu en doutais ? sourit-elle.

Plus aucun des deux ne prêta attention au dénouement de la série policière.

-8-

Le stade des Scarabées de Winchester était plein à craquer. Il faut dire qu'ils accueillaient les Pies de Montrose, en tête du classement de la Première Ligue.

En dépit de l'excitation ambiante, Harry étouffa un bâillement. Au Ministère, les opérations de terrain s'étaient succédées durant toute la semaine pour se clôturer par une interminable nuit de perquisitions. Il était rentré chez lui à 8 heures du matin et n'avait dormi que deux petites heures.

Fort heureusement, les résultats avaient été à la hauteur du travail fourni et c'est avec le sentiment du devoir accompli qu'il allait entamer le weekend.

Pourtant, alors qu'il faisait la file au portique de sécurité du stade, il ressentit ce petit pincement de désappointement qu'il ne l'avait pas quitté ces dernières jours : celui de ne pas avoir vu Draco de toute la semaine. Ce sentiment l'agaçait un peu car il avait toujours préféré être sur le terrain plutôt que derrière son bureau à remplir de la paperasse…

Il soupira et chassa ces considérations perturbantes en pénétrant dans les tribunes et en se dirigeant vers la loge qui lui était réservée. Du haut des marches, il repéra la chevelure blond clair de Malefoy. Cette vision lui donna immédiatement le sourire, mais son sourire se crispa légèrement quand il aperçut Dennis Crivey aux côtés de Draco. Habituellement, Dennis ne venait jamais aux matchs de Quidditch car il détestait cela. Harry ne savait pas ce qui l'avait fait changer d'avis. Une chose était sûre : il n'avait pas l'air heureux d'être là. Harry n'entendait pas ce qu'ils se disaient, mais sa conversation avec Draco semblait plutôt tendue.

Comme s'il avait conscience d'être observé, Draco se retourna. Son visage s'illumina quand il vit Harry et il se leva pour aller à sa rencontre, délaissant Dennis sans aucun égard.

- Harry ! s'écria-t-il. Te voilà enfin ! Pour peu, je pourrais penser que tu cherches à m'éviter !

- Sûrement pas, répondit Harry. J'ai été en opération de terrain toute la semaine.

- Tu as l'air épuisé, tu es sûr que ça va ?

- Perquisitions toute la nuit. J'ai dormi seulement deux heures ce matin.

- Tu aurais dû rester chez toi et te reposer. Tu tiens à peine debout.

- Ce match est important pour Ginny, je ne pouvais pas rater ça.

- Non, bien sûr. Je comprends. Allez, viens t'asseoir.

En passant devant Dennis, il le salua poliment et le plus aimablement possible avant de prendre place à côté de Draco. A cet instant, l'attitude de Dennis changea du tout. Son humeur grincheuse semblait s'être envolée et ne cessait de solliciter l'attention de Draco. Il lui murmurait des choses à l'oreille en gloussant, il enlaçait ses doigts aux siens, le prenait par le bras ou posait sa tête sur son épaule. Mais loin de plaire à Draco, cette pantomime l'agaçait prodigieusement, à tel point qu'il se mit en colère :

-Ça suffit ! siffla-t-il en dégageant brutalement sa main. Tu ne sais pas te tenir, ma parole !

Harry vit Dennis serrer les dents, profondément vexé, se lever et quitter la tribune sans un mot.

-Par Merlin, ce qu'il peut être agaçant par moments, marmonna Draco.

Harry ne fit aucun commentaire, ne voulant pas alimenter le conflit. Heureusement pour lui, le match commença.

Personne ne s'attendait à un miracle de la part des Scarabées de Winchester face aux Pies de Montrose. Et de fait, en vingt minutes de jeu à peine, les Pies plantèrent pas moins de sept goals dans les anneaux adverses. Le gardien titulaire des Scarabées s'était blessé trois jours plus tôt, obligeant l'entraineur à faire monter au jeu le gardien remplaçant, moins bien préparé pour un match de cette envergure.

-Ginny doit attraper le Vif d'Or sans attendre, commenta Draco. Il faut mettre fin au massacre.

Harry était bien d'accord. Et de ce qu'il voyait, c'était ce que Ginny cherchait à faire, survolant nerveusement le terrain dans l'attente que la petite balle dorée apparaisse. Comme dans tous les matchs de première ligue, le Vif d'Or n'était libéré qu'après une demi-heure de jeu, pour éviter que le match ne se termine trop rapidement. Il y avait donc encore dix longues minutes à attendre, durant lesquelles le Pies marquèrent encore quatre buts.

- Cent dix à zéro en faveur des Pies de Montrose ! annonça le commentateur.

- Allez, Gin', marmonna Harry.

Brusquement, Ginny propulsa son balai vers l'avant, tout comme l'attrapeur des Pies. La tension s'installa dans le stade, tout le monde ayant son attention rivée sur le petit éclat doré qui voletait à quelques mètres devant les attrapeurs.

La lutte était serrée. Alors que les doigts de Ginny étaient à cinquante centimètres à peine de la délivrance, un cognard lui fonça dessus. Elle ne dut son salut qu'à une Roulade du Paresseux parfaitement exécutée et qui occasionna un grand oooooooh ! dans le stade.

Sur l'entrefaite, les Pies avaient marqué quatre goals supplémentaires, amenant le score à 150 à zéro. Si Ginny attrapait le Vif d'Or maintenant, les Scarabées remonteraient à égalité et remporteraient le match en raison de la règle dite de « l'avantage de l'attrapeur ». Mais encore fallait-il que le Vif d'Or soit visible.

Ginny vit l'attrapeur adverse filer vers la gauche du terrain. Se fiant à son instinct, elle décida de ne pas le suivre, persuadée qu'il s'agissait d'une feinte. Bien lui en prit car la seconde d'après, elle aperçut le Vif d'Or droit devant elle. Le temps qu'elle comble la distance, l'attrapeur des Pies avait fait demi-tour à se trouvait à côté d'elle, au coude à coude.

Avec un sang-froid que peu de joueurs auraient eu à sa place, Ginny se décala un peu de sa trajectoire, comme pour laisser le champ libre à son adversaire.

-Je n'y crois pas, souffla Draco, à moitié assis sur son siège. Elle ne va quand même pas…

-Bordel, si, répondit Harry. Elle va tenter la Passe de Plumpton !

Et de fait, Ginny fit un ample mouvement du bras et attrapa le Vif d'Or avec la manche de sa robe de quidditch.

Tout se passa rapidement : le stade explosa en acclamations, l'arbitre porta le sifflet à sa bouche pour signifier la fin du match et la sonnerie magique qui équipait chaque anneau retentit. Les Pies venaient de marquer un but à l'exact moment où Ginny s'emparait du Vif d'Or.

Elles remportaient le match 160 à 150.

-9-

-Tu n'as jamais fait un meilleur match qu'aujourd'hui, Gin' ! dit Harry.

- C'est certain ! renchérit Draco. C'était du grand art ! Tu surpasses tous les attrapeurs de la Ligue réunis.

- Il n'empêche qu'on a perdu, répondit Ginny d'un air buté.

Cela faisait vingt minutes que Draco et Harry tentaient de lui remonter le moral, en vain. La défaite était particulièrement amère.

- Allez ! dit Draco en claquant des mains. Pour nous changer les idées, je vous invite chez Luciano !

- Le meilleur resto italien de Londres ? dit Harry, heureux de connaître – pour une fois – un endroit people. En dernière minute ?

- J'y ai une table réservée en permanence, clarifia Draco d'un air dégagé.

- Eh bien, pourquoi pas ? Ginny ?

Ginny soupira comme un condamné à mort.

- Désolée les garçons, je préfère rentrer. Je suis d'une humeur exécrable et je vais gâcher la soirée.

- Aucun problème, dit Draco. Ce n'est que partie remise.

Il serra la main de Harry et embrassa Ginny sur la joue.

-Rappelle-toi, dit-il en se penchant à son oreille. Tu as été fa-bu-leu-se !

Ginny lui fit un pauvre sourire avant de prendre le bras de Harry et de transplaner.

De retour chez eux, Harry ne tenta pas de distraire Ginny. Il connaissait bien sa femme, il savait qu'il devait la laisser tranquille. Elle prit une douche et alla directement dans la chambre avec un livre.

Plus tard, quand Harry vint la rejoindre, elle était recroquevillée en chien de fusil, le livre abandonné sur la courtepointe et le regard perdu. Il s'installa derrière elle et la serra contre lui sans un mot.

-10-

- Le repas était délicieux, Hermione, dit Ginny. Comment dis-tu que ça s'appelle ?

- Gratin dauphinois. C'est une recette française que Fleur m'a donnée.

- Eh bien, c'était un régal, dit Harry.

- Merci.

Comme Hermione commençait à rassembler les assiettes, Harry se leva.

- Laisse-nous débarrasser et faire la vaisselle, dit-il.

- Harry, tu as oublié que tu es un sorcier ou quoi ? rigola Ron en aidant sa femme. On va tout déposer dans l'évier et ça va se laver tout seul, enfin !

Ginny pouffa en levant les yeux au ciel. Pour une raison qui lui échappait, Harry s'obstinait toujours à faire la vaisselle à la main.

Deux minutes plus tard, Ron et Hermione étaient de retour. Ils échangèrent un regard puis un hochement de tête avant de reprendre place à table.

-Je suis enceinte, annonça Hermione.

A ses côtés, Ron souriait comme un bienheureux.

- Par Merlin, je le savais ! s'exclama Ginny en bondissant de sa chaise et en allant embrasser sa belle-sœur. Tu n'as pas voulu manger des sushis l'autre jour alors que tu adores ça !

- Je me doutais que tu ferais le rapprochement, gloussa Hermione.

- Oh la la ! Quelle nouvelle ! C'est formidable ! s'extasia Ginny en sautillant dans les bras d'Hermione.

Plus mesuré, Harry se contenta d'une accolade avec Ron.

- Félicitations, vieux !

- Merci ! C'est… whoua… je ne réalise pas encore…

- Tu réaliseras quand tu devras te lever pour changer ses couches ! rigola Hermione.

La grimace de Ron valait tout l'or du monde, pourtant personne ne doutait une seconde qu'il ferait un père formidable.

S'en suivit une conversation animée et joyeuse sur le choix du prénom, le sexe de l'enfant et la maison dans laquelle il serait réparti à Poudlard.

A voir Ginny aussi enjouée, Harry se dit qu'elle avait surmonté sa déception d'avoir perdu le match contre les Pies et il en était heureux.

Plus tard dans la soirée, alors qu'il était en train de se brosser les dents, il vit Ginny dans le miroir, adossée contre le chambranle de la porte de la salle de bain, un air déterminé sur le visage.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-il, la bouche pleine de mousse de dentifrice.

- Je pense que nous devrions faire un bébé, dit-elle.

Harry se rinça rapidement la bouche.

- Quoi ? dit-il.

- Je pense que nous devrions faire un bébé, répéta Ginny. Maintenant.

- Mais… je… tu…

- Tu m'as toujours dit que tu voulais des enfants. Et moi aussi. Nous étions d'accord là-dessus.

- Bien sûr ! Mais je pensais… ta carrière de joueuse de quidditch…

Ginny haussa les épaules et se détourna pour gagner la chambre. Harry éteignit la lumière de la salle de bain et la suivit.

- Gin, je veux des enfants, dit-il, mais je ne veux pas que tu prennes cette décision de manière précipitée…

- Il n'y a rien de précipité.

- C'est à cause du match ? Parce que si c'est ça…

- Non, ce n'est pas à cause de ça, coupa Ginny, même si ça m'a donné à réfléchir, c'est vrai. Ma carrière de joueuse de quidditch est loin de ce que j'espérais qu'elle soit et plus ça va, plus je me demande si elle vaut tous les sacrifices que je suis en train de faire.

Harry soupira. Ginny n'avait pas tort.

- Moi, je suis partant. Tu es sûre de toi ? demanda-t-il.

- On ne peut plus certaine ! répliqua-t-elle avec un grand sourire.

- Eh bien, dans ce cas… autant nous y mettre, répondit Harry avec le même sourire.

-11-

-Ginny veut un bébé, dit Harry. Maintenant.

Il mangeait un fish and chips dans un pub tout proche du ministère, en compagnie de Draco.

Celui-ci haussa un sourcil, tout en aspergeant ses frites de vinaigre de malt. Il se pencha légèrement en avant, puis, après avoir regardé à gauche et à droite, dit avec un ton de conspirateur :

-J'ai un plan. On prend ta cape d'invisibilité, on s'introduit à Ste Mangouste et on en vole un à la maternité. Ceci dit, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'agir en pleine journée. Nous devrions attendre la nuit tombée.

Harry le fixa d'un air interdit avant d'éclater de rire.

- Quoi ? répliqua innocemment Draco. Tu as dit « maintenant ».

- Espèce d'idiot, dit-il en enfournant un gros morceau de poisson frit.

Draco sourit en retour et découpa son poisson.

- Et donc ? demanda-t-il. Pourquoi maintenant ? C'est parce que Granger est enceinte ou bien à cause de la déconvenue du match de samedi dernier ?

- Hm, un peu des deux, répondit Harry. Elle a toujours voulu des enfants, et moi aussi, mais c'est vrai que la défaite des Scarabées face aux Pies l'a démotivée. Elle a l'impression que le temps et l'énergie qu'elle consacre au quidditch n'en valent plus la peine. Elle en a assez d'attendre « la » grande opportunité qui ne se présente jamais…

- Elle a une idée de ce qu'elle compte faire après ? Je me trompe peut-être mais Ginny n'a pas vraiment le tempérament d'une femme au foyer…

- J'avoue qu'on n'y a pas encore vraiment réfléchi… mais bon, on n'en pas encore là.

- Tu doutes de la qualité de tes spermatozoïdes ?

Harry leva les yeux au ciel.

- Tu es impossible.

- Ceci dit, continua Draco comme si de rien n'était, elle a tort de baisser les bras. Elle a fait un match d'anthologie samedi, même si les Scarabées ont perdu. Et si des recruteurs étaient présents, je ne serais pas étonné qu'elle reçoive des propositions…

- Mouais, dit Harry en prenant une cuillère de purée de petits pois à la menthe, possible. Mais ça ne changera rien. Elle est décidée. Personne ne parviendra à lui faire changer d'avis. Sauf les Harpies de Holyhead ! acheva-t-il en rigolant.

Draco ne répondit rien, se contentant de boire une gorgée de sa London Pride.

- Et toi ? demanda Harry après un temps. Tu as déjà songé à avoir des enfants ?

- Hm. J'y ai bien plus que songé.

- Ah bon ? s'étonna Harry.

- C'est une promesse que j'ai faite à mon père la dernière fois où je lui ai rendu visite en prison. Celle de me marier et d'avoir un enfant. Même si j'estime ne rien lui devoir, cette promesse-là, je me dois de la tenir.

- Pourquoi ? Pour perpétuer le nom des Malefoy ?

- Oui. Et pour assurer la pérennité de notre patrimoine. Je ne veux pas voir le Manoir du Wiltshire ou notre domaine de Louviers, en Normandie, vendus au plus offrant, ou pire, démantelés. Ces terres appartiennent à ma famille depuis 1066 et elles le resteront.

- Quand tu as promis de te marier… c'est avec une femme ? Ou bien…

- Ma mère a une liste de candidates potentielles, sourit Draco.

- Mais… ton père savait… pour ton orientation sexuelle ?

- Bien sûr qu'il le savait. On peut lui reprocher beaucoup de choses, mais il était un père attentif. Je pense qu'il s'en est rendu compte avant moi.

- Et pourtant, il a exigé de toi que tu épouses une femme.

Draco haussa les épaules.

- Il avait l'esprit pratique. Peu importait mes préférences sexuelles, pour autant que je remplissais mes obligations vis-à-vis de ma famille. C'est une attitude assez commune dans mon milieu.

- Dennis le sait ?

- Il l'apprendra en temps utile.

Harry soupira en secouant la tête.

- Quel est le problème ? demanda sèchement Draco.

- Le problème ? s'exclama Harry. Tu mens à Dennis ! A l'homme qui partage ta vie !

- Je t'ai déjà expliqué que Dennis et moi n'avons pas ce type de relation…

- Je sais. La belle affaire.

Draco souffla avec exaspération.

- Ecoute, Potter, j'ai mes raisons de ne pas en parler à Dennis, alors épargne-moi ton air moralisateur, ok ?

- Et si Dennis voulait un enfant aussi ? Vous pourriez recourir à une mère porteuse. Ta lignée serait préservée sans que tu…

- Non. Dennis ferait un père épouvantable.

- On pourrait en dire autant de toi.

Au moment où il prononçait ces mots, Harry sut qu'il avait commis une erreur. Le visage de Draco se durcit, mais pas suffisamment vite pour dissimuler l'immense douleur qui traversa son regard.

-Draco, je suis désolé, dit Harry précipitamment.

Draco ne répondit pas. Il posa ses couverts, s'essuya délicatement la bouche avant de poser sa serviette sur la table et de se lever.

-Draco ! Je ne voulais pas dire ça ! Draco…

Mais c'était trop tard. Draco avait quitté les lieux.

-12-

Harry avait passé les trois jours suivants à envoyer des hiboux, à passer des appels par cheminée pour tenter de s'excuser auprès de Draco. Il se rendait régulièrement dans le couloir des salles d'audiences dans l'espoir de l'apercevoir. Sans succès.

Finalement, il apprit que Draco avait pris des jours de congé et qu'il était parti pour Antigua avec Dennis. Nul ne savait cependant pour combien de temps.

-Arrête de te morfondre, dit Ginny. Aide-moi plutôt à ranger le matériel.

Ce jour-là, Harry avait quitté son travail un peu plus tôt pour rejoindre Ginny au stade des Scarabées. Il avait besoin d'évacuer sa contrariété et son amertume en disputant un match d'attrapeurs, ce que Ginny ne refusait jamais de faire, même après un rude entrainement.

Ils s'étaient mesurés l'un à l'autre pendant une bonne heure, et Harry avait fini par l'emporter de justesse. Cette petite victoire ne suffit cependant pas à lui remonter le moral.

- Il va finir par rentrer, continua Ginny en rangeant le Vif d'or dans une boite. Il ne peut pas laisser ses clients sans nouvelle indéfiniment.

- Et si j'allais voir sa mère ?

- Pour lui dire quoi ? Que tu as été odieux avec son fils et que tu t'en veux ?

Harry bougonna quelque chose d'incompréhensible.

- Je ne comprends toujours pas pourquoi tu lui as dit un truc pareil, dit Ginny, impitoyablement.

- Moi non plus, soupira Harry. Je ne sais pas… c'est comme si, d'un coup, on était revenu dix ans en arrière… comme si je devais absolument lui renvoyer toutes les vacheries qu'il avait pu me dire.

- Laisse-lui du temps. Je suis certaine que…

- Ginny Weasley-Potter ?

Ginny se retourna pour voir un homme en costume, tout sourire, qui se tenait à quelques pas d'elle.

- Oui. Que puis-je faire pour vous ?

- Mon nom est Martin Collins. Pouvons-nous discuter un moment ?

L'homme jeta un rapide coup d'œil à Harry.

-C'est mon mari, dit Ginny. Quoi que vous ayez à me dire, il peut l'entendre.

- Je n'en doute pas, sourit Martin Collins. Je suis venu ici pour vous faire une proposition au nom du club qui m'emploie. Mon employeur a assisté à votre match contre les Pies et il a été extrêmement impressionné.

- Nous avons perdu.

- Peut-être, mais ce n'était certainement pas de votre chef. Vous avez livré un match ahurissant. Certainement le meilleur de votre carrière.

- Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? intervint Harry.

- A vrai dire, cela plusieurs mois que mon employeur suit la carrière de votre épouse, Monsieur Potter. Et il pense qu'il est temps pour elle d'élargir son horizon. De voir plus grand.

- Ecoutez, Monsieur Collins, dit Ginny. C'est très aimable à vous de vous être déplacé pour moi mais… je crains qu'il ne soit trop tard.

- Oh. Vous avez déjà reçu une offre d'un autre club ?

- Non. Disons que je songe sérieusement à réorienter ma carrière.

Collins ouvrit de grands yeux.

- Quoi ? Vous ne songez tout de même pas à abandonner le quidditch ?

- Eh bien, il se trouve que le quidditch ne m'apporte plus la même satisfaction qu'autrefois, alors, je…

- Dans ce cas, l'interrompit Collins, mon offre tombe à point nommé. Comme je le disais, vous devez voir plus grand.

- Plus grand comment ? demanda Harry.

- Les Harpies de Holyhead.

Ginny eut un hoquet de surprise. Les Harpies. Le club qui la faisait rêver depuis toujours.

- Les Harpies… veulent me racheter aux Scarabées de Winchester ?

- Dans un premier temps, il ne s'agira pas d'un rachat, mais d'un prêt. D'une durée d'un an. Ainsi, nous verrons comment vous évoluez au sein du club. Si vos résultats sont à la hauteur de nos attentes, une proposition de rachat suivra.

Ginny échangea un regard avec Harry.

- Voici nos conditions, dit Collins en lui tendant une enveloppe. Je vous laisse y réfléchir. Appelez-moi par cheminée ou envoyez-moi un hibou quand vous aurez pris une décision.

- Quand attendez-vous sa réponse ? demanda Harry.

- Demain soir au plus tard.

Harry hocha la tête. Collins les salua tous les deux avant de transplaner.

Ginny soupira en s'appuyant contre un muret.

- Bon sang, je ne sais pas quoi faire.

- Je pense que tu devrais accepter.

- Mais Harry… le bébé… tu étais d'accord…

- Ginny, je n'ai pas changé d'avis. Je veux toujours un enfant. Mais je suis sûr d'une chose, c'est que si tu laisses passer cette opportunité, tu le regretteras toute ta vie…

- Je ne sais pas…

- Tu as entendu Collins, c'est un prêt d'un an. Si au bout d'un an, tu veux toujours arrêter, libre à toi de le faire, mais au moins, tu auras réalisé ton rêve : jouer pour les Harpies.

- Tu as raison. Ce n'est qu'un an.

Harry sourit largement et embrassa sa femme dans les cheveux.

-Je le savais que tu y arriverais. Tu vas jouer en Première Ligue. Ton poster sera dans toutes les chambres des filles qui voudront te ressembler et dans celles des garçons qui vont fantasmer sur toi !

Il écopa d'une bonne bourrade dans les côtes.

-13-

Une semaine plus tard, alors qu'il se servait un gobelet de café dans la salle de pause du quartier des aurors, Harry apprit que Draco était revenu et qu'il était en train de plaider la plus grosse affaire de concurrence déloyale que le monde commercial sorcier avait connue.

Négligeant tout ce qu'il avait à faire ce jour-là, Harry prit dans le tiroir de son bureau une boîte qui y était rangée depuis plusieurs jours et il courut jusqu'à la salle d'audience. Il se glissa sans bruit à l'intérieur. Il s'installa sur un banc et écouta Draco exposer ses arguments avec précision et clarté. Il n'y connaissait strictement rien au droit sorcier de la concurrence mais il était convaincu que Draco avait raison. Cela semblait être également le cas de la juge, qui prenait beaucoup de notes et hochait régulièrement la tête.

Quand l'audience fut levée, Harry s'approcha de la table où se trouvait Draco.

-Salut, dit-il.

Draco se tourna vers lui. Son teint halé traduisait de longues heures passées au soleil.

- Ah, Potter. Salut.

- Tu… hum… tu as passé de bonnes vacances ?

- Fantastiques. La mer, le sexe et le soleil. Que demander de plus ? dit Draco avec un large sourire.

Harry eut un petit rire gêné.

- Mon collaborateur m'a dit que Ginny est venue au cabinet, continua-t-il. Elle a signé avec les Harpies pour un an ? C'est une merveilleuse nouvelle !

- Oui. Même si tu n'étais pas là, elle voulait faire relire le contrat par un professionnel. Ton collaborateur est très compétent.

- Je n'engage que des gens compétents, Potter. Quand va-t-elle rejoindre le club ?

- C'est déjà fait. Les Scarabées l'ont laissée partir immédiatement, sans aucune difficulté. A croire qu'ils étaient contents de se débarrasser d'elle…

- Ou bien ils étaient conscients que ça ne servait à rien de retarder l'inévitable. Ils n'avaient pas vraiment les moyens de lutter contre un club comme les Harpies.

- Oui, sans doute.

Draco referma plusieurs dossiers éparpillés sur la table.

- Et sinon, qu'est-ce qui t'amène ? demanda-t-il.

- Je voulais te voir. Je… tu n'as répondu à aucun de mes hiboux…

- Eh bien, il se trouve que j'ai été assez occupé pendant mes vacances…

- Oui, oui, à baiser Dennis, j'avais compris, répondit Harry avec plus d'acidité que nécessaire.

- En effet, confirma Draco. Désolé que ça se te contrarie.

- Ce n'est pas ça, soupira Harry. C'est juste que… je voulais vraiment te voir pour m'excuser… pour ce que je t'ai dit lors de notre dernière rencontre.

Il se passa nerveusement la main dans les cheveux.

-Alors voilà, dit-il en regardant Draco dans les yeux. Je suis désolé. C'était… méchant et surtout, complètement faux.

Draco le toisa quelques secondes.

Avant qu'il ne dise quelque chose, Harry posa devant lui la boîte qu'il avait emportée.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Draco.

- Quelque chose pour me faire pardonner.

Draco fit un petit sourire en coin, tout en ouvrant la boîte.

-J'ai déjà tout, Potter. Je ne vois pas ce que tu pourrais bien m'offrir qui…

Il s'interrompit avant de lancer un regard perplexe à Harry quand il vit ce que la boîte contenait.

- Des Plumes en sucre ?

- Ton péché mignon, dit Harry en souriant. Ne nie pas, je sais que tu en raffoles ! Tu t'en faisais livrer toutes les semaines, à Poudlard !

Il pointa la boîte du doigt.

- Elles viennent de chez Sweettooth. Tu les préfères à celles de Honeydukes.

- Comment sais-tu cela ? demanda Draco.

Harry haussa les épaules.

- Je t'observais beaucoup à l'époque, répondit-il.

- Oh vraiment ? dit Draco avec un sourire très suggestif. Et qu'as-tu découvert d'autre me concernant ?

- Je suis pardonné, oui ou non ? demanda Harry pour couper court à l'orientation que prenait cette conversation.

Draco lui fit un large sourire. Il se pencha près de son oreille et murmura :

-Bien sûr que tu es pardonné.

Puis, sans crier gare, il posa un baiser sur sa joue. Ce n'était pas un petit bisou vite fait mais une tendre et longue pression des lèvres qui envoya un courant électrique dans toute l'épine dorsale de Harry.

Toujours souriant, Draco rassembla ses affaires et quitta la salle sans rien ajouter, laissant Harry dans état second.

-14-

Les Plumes en sucre avaient fait leur effet. L'entente entre Draco et Harry était revenue au beau fixe, ce qui soulageait Harry bien plus qu'il ne voulait l'admettre.

Les semaines passaient donc sans que les deux hommes ne dérogent à leur habitude de se retrouver pour un café ou un déjeuner à la moindre occasion.

Sauf que ce matin, en entrant dans la cafétéria du Ministère où Draco l'attendait, Harry avait la tête des mauvais jours.

Il se laissa tomber sur la chaise en râlant.

- Eh bien ? demanda Draco en levant les yeux de la Gazette du Sorcier. Un problème ?

- Ouais. Tu sais, le weekend surprise que j'ai organisé pour Ginny…

- Que j'ai organisé, corrigea Draco avec hauteur. Aux dernières nouvelles, c'est moi qui ai joué de mes relations pour que tu puisses séjourner dans ce petit hôtel de Torkay qui est toujours complet.

- Oui, eh bien, tu as fait tout ça pour rien. Ginny est partie ce matin pour la Bretagne. Mise au vert et match amical avec les Tapesouaffles de Quiberon !

Il croisa les bras sur la table et enfouit sa tête dedans avec une plainte désespoir.

-J'en ai marre ! Elle me reproche de ne jamais rien organiser de romantique et quand je le fais, elle doit partir avec son équipe ! Bon sang, j'ai l'impression de ne plus la voir qu'en coup de vent !

- Elle n'a pas vraiment le choix, dit Draco. On ne plaisante pas en Première Ligue…

- Je sais, je sais… mais je me faisais une joie de ce séjour et tout tombe à l'eau ! En plus, Ron et Hermione sont absents ! Je vais passer le weekend à m'ennuyer devant la télé !

Il ponctua son propre d'un petit geignement digne d'un enfant capricieux.

- Tu n'as qu'à venir passer le weekend au Manoir, proposa Draco d'un air détaché, le nez dans son journal.

- Quoi ? dit Harry en relevant si rapidement la tête qu'il sentit un craquement dans son cou.

- Viens passer le weekend au Manoir. Nous ferons une ballade à cheval. Le domaine est magnifique en hiver, tu verras. Et le soir, nous disputerons une partie de billard. Qu'en dis-tu ?

- Je… je ne sais ni monter à cheval, ni jouer au billard…

- Dans ce cas, je t'apprendrai. Et si tu es un cas désespéré, nous nous promènerons à pied et nous ferons des batailles explosives. Tu sais quand même jouer à la bataille explosive ?

Harry cligna plusieurs fois des yeux.

- Mais… et Dennis ?

- Oh, il n'est pas là, répondit Draco avec un vague geste de la main.

Comme Harry semblait encore hésiter, Draco ajouta :

- Ça fera terriblement plaisir à ma mère. Depuis le temps qu'elle espère t'avoir à dîner…

- Bon, eh bien, si tu es sûr que ça ne pose pas de problème, je viendrai avec plaisir.

- Parfait ! sourit Draco. Tu n'as qu'à venir vendredi, disons… vers 19 heures ? Je débloquerai la cheminée.

- D'accord.

- Et prends de quoi te vêtir chaudement. Il a neigé dans le Wiltshire.

- C'est vrai ? s'enthousiasma Harry comme un enfant.

- Absolument.

Harry se frotta les mains.

- Prends garde à toi, Malefoy ! Je ne sais peut-être pas jouer au billard mais je suis redoutable dans les batailles de boules de neige !

- Je demande à voir.

Le pari était lancé. Harry ne cessa de sourire du reste de la semaine.

A suivre...