La dernière petite vidéo animée lâchée par Larian avec tout le casting sur le thème de Noël est un très joli cadeau bourré de clins d'œil géniaux. Si ce n'est déjà fait, foncez la voir ! (A Baldur's Gate 3 Christmas)
Journal des reviewers :
Seulie : Mdr, ne t'en fais pas, j'avais compris le message principal.
Tu sais, j'ai déjà vu des gens mettre des reviews pour descendre en flèche un travail, sans aucun point positif soulevé nulle part. J'imagine comment ça doit être dur pour la personne qui a écrit la fanfic. Peu importe le temps, la passion ou le talent produit, le truc vient quand même de soi et ça ne fait jamais plaisir de voir quelqu'un qui n'a pas été du tout sensible à ce qu'on l'on a fait. M'enfin, en ce qui me concerne, je n'ai pas à me plaindre, j'ai un petit lectorat qui me soutient, ça me suffit ! :)
Liline37 : C'est vrai qu'elle est super aussi, cette cut-scene. Et quand on sait comment est Astarion, on est un peu perdu(e)s entre le vrai et le faux. Mais bon, Neil met tellement de bonne volonté qu'il pourrait me déclamer sa liste de courses, je serais charmée quand même.
Justement, depuis que j'ai joué à BG3, j'ai super envie de voir ce film de D&D. Hélas, il n'est pas encore en gratuit sur plateforme de streaming. Mais c'est en projet de le mater dès que possible (je me souviens d'un extrait avec une communication avec les morts qui n'avait pas très bien été gérée et j'avais déjà ri même sans connaître)
Annabesse : Merci beaucoup ! C'est vrai que vu la densité de l'histoire, on peut vite perdre pied.
Je souhaite de bonnes fêtes de fin d'année à tout le monde ! Pour info, je pars du 25 au 28 faire Nowel en famille donc la suite sortira avec un petit jour de retard et après, on continue samedi et mercredi comme d'hab !
Profitez bien des fêtes et si le temps vous le permet, je reste fidèle au poste pour vous lire !
CHAPITRE XX – L'ESPOIR DANS LES OMBRES
C'était comme s'ils marchaient au beau milieu d'un cauchemar, à la différence qu'ils étaient tous bien éveillés. Même à l'abri du dôme lumineux de la lanterne lunaire, l'air n'était plus le même ; plus saturé comme dans une atmosphère chargée d'humidité qui vous prenait les narines et vous forçait à respirer autrement. La nuit éternelle qui s'était abattue sur ces plaines transformait le moindre fragment d'ombre, même frêle, en quelque chose de plus terrifiant. Nos amis auraient juré à plusieurs reprises en avoir vu une bouger tel un animal qui se tapissait dans un recoin et ce sans que le passage de la lumière lunaire y fût pour quelque chose. Les quelques touches de couleurs visibles étaient les feuilles d'un rouge carmin peu rassurant, à croire que les arbres s'étaient gorgés de la vie qui s'était tue sur ces terres.
Leurs pas se faisaient prudents entre deux coups d'œil vers les carreaux éclatants de la lanterne pour s'assurer qu'elle ne faiblissait pas. À la sortie du passage montagneux, ils avaient trouvé un tas de torches laissées à proximité d'un brasero éteint, sans doute un moyen de fortune pour assurer un voyage sans succomber à la malédiction. Bien qu'un plan de secours existait, ils préféraient assurer leur survie grâce à l'artefact magique.
Le silence était aussi irréel que l'endroit. Les quelques rares sons qui perçaient le lointain appartenaient à des créatures qu'aucun ne sut identifier. Qui sait quelles horreurs maléfiques étaient en train de les observer tandis qu'ils descendaient le chemin montagneux ? L'obscurité, bien que moindre par rapport aux Tréfonds Obscurs, était encore plus pesante car même si Silesta n'avait pas de sensibilité magique comme Gayle ou Ombrecoeur, elle percevait sans peine la sombre signature éthérée qui l'entachait. Elle n'était vraiment pas rassurée, elle se sentait prisonnière de ces limbes.
« Ces ombres n'ont rien à voir avec celles que j'ai pu connaître, murmura Astarion d'une voix tendue. Restez vigilants. »
Restée silencieuse depuis leur arrivée sur les Terres Perverties par les Ombres, Ombrecoeur ne s'était pas défaite d'une étrange expression qui mélangeait perplexité et prudence. La cléresse scrutait tout ce qui passait à sa portée comme si elle cherchait quelque chose. Son attitude finit par intriguer Lae'zel qui lui demanda si elle avait un problème.
« La malédiction des ombres... On dirait qu'elle ne m'affecte pas comme vous autres. Pas aussi gravement, du moins », expliqua la demi-elfe.
Ses traits s'illuminèrent à ce constat. Cela ne pouvait signifier qu'une chose : Dame Shar lui avait accordé sa bénédiction. Sa déesse la protégeait, là où tous les autres devaient affronter son courroux.
« Elle m'aime, j'en suis sûre », déclara-t-elle, béate de reconnaissance.
Silesta lisait une nouvelle fois toute la dévotion inébranlable de son alliée envers sa déité et ne put s'empêcher une fois encore de la comparer à la vénération sans faille de Lae'zel quand elle évoquait Vlaakith. Autant d'adoration était admirable et quelque part un peu effrayant. Silesta ne savait pas si dans sa vie oubliée elle priait aussi une divinité mais après avoir vu ce que des immortelles comme Mystra ou Shar pouvaient infliger à ceux qui les aimaient, elle était douchée.
« C'est une bonne chose si elle veille sur vous, reconnut Gayle.
_ Ma Dame ne me bénirait pas sans raison. C'est un message, elle veut que j'accomplisse quelque chose. Ces terres respirent sa présence, je dois trouver un lieu qui lui est consacré. Un temple, peut-être.
_ Permettez-moi d'être moins enthousiaste que vous à l'idée d'aller plus au cœur de Shar, vu ce avec quoi elle nous accueille », grommela Astarion.
Silesta ne pouvait pas lui donner tort. Elle aussi redoutait d'aller taquiner de plus près les ombres de la déesse.
Plus ils progressaient, plus l'espoir de trouver quelque chose de vivant s'amenuisait. Les arbres noués étaient pétrifiés dans un flétrissement qui les rongeait de l'intérieur et les nombreux squelettes qu'ils croisèrent ajoutèrent leur touche de sinistre. Comment cette région avait-elle pu finir ainsi ?
Les quelques bâtisses qui jalonnèrent leur chemin n'étaient plus que des ruines abandonnées aux affres du temps, de la malédiction et de l'oubli. À en juger leur état, cela faisait bien longtemps que la déliquescence s'en était emparé. La tentative de trouver quelques vivres pour la suite du périple fut vite avortée ; le moindre reste organique était pourri ou s'effritait en poussière. La notion de survie en milieu hostile fut encore plus forte. Plus qu'abandonnées, certaines habitations étaient partiellement ravagées et cette même impression de violence imprégnait l'endroit. Quelque chose s'était passé ici en plus de la malédiction.
Un nouveau bâtiment, plus grand que les quelques chaumières croisées jusqu'ici se découpa plus loin sur la route pavée. Sa carcasse de bois avait été éventrée par les racines d'un arbre qui voulait reprendre ses droits naturels avant de lui-même se figer dans le temps. Peut-être trouveraient-ils quelque chose d'utile à défaut de nourriture. Lorsqu'ils furent à une dizaine de mètres de la maison, un sifflement vrilla dans le silence et une flèche alla se planter juste devant Lae'zel qui menait la marche.
« Halte ! Pas un geste ! »
Les aventuriers s'immobilisèrent tandis que de faibles craquements et bruissements provenant de la maison se faisaient entendre. Des silhouettes remuaient dans l'obscurité de la bâtisse quand d'autres, bien plus visibles, apparurent sur le toit. Un homme sortit de la maison pour approcher les intrus. Le soulagement de croiser des humains de chair et de sang fut de courte durée quand cet elfe qui devait être le chef d'escouade dégaina son arme, en garde.
« Des cultistes. Ménestrels, à mon signal ! » ordonna-t-il, l'air féroce.
Les aventuriers tiquèrent tous. Des Ménestrels ! Ceux-là même qui avaient été envoyés en mission de reconnaissance dans les Tréfonds Obscurs. Les embusqués levèrent les mains en signe d'apaisement.
« Nous ne sommes des cultistes, se défendit Silesta. Au contraire, nous...
_ Vraiment ? Et que vois-je dans la paume de cette gith ? »
La jeune femme pinça les lèvres et entendit Astarion pousser un faible soupir désespéré. La marque apposée à Lae'zel ne faisait pas qu'ouvrir des portes, hélas. Les archers sur les toits tendirent davantage la corde de leur arc, prêts à recevoir l'ordre fatal. Silesta se sentit tirer son corps vers l'arrière par réflexe, vite arrêtée par l'armure d'Ombrecoeur juste derrière. Vite, trouver quelque chose.
« Nous ne pouvions plus souffrir les atrocités commises par l'Absolue, lâcha Gayle sur un coup de poker. Ce que ses adorateurs ont fait aux vôtres dans les Tréfonds était ignoble. »
Ils retinrent leur souffle. L'argument était aussi énorme qu'il était très dangereux d'évoquer les espions sous couverture tués. Ça passait ou ça cassait. À l'évocation de ses camarades disparus et dont personne n'avait eu de nouvelles depuis des jours, quelque chose passa dans les yeux du Ménestrel comme un voile de tristesse. Il s'accorda à mieux détailler ces otages. Il était vrai qu'ils étaient bien différents des autres cultistes qu'ils avaient déjà traqués et la sincérité se lisait en eux. D'abord méfiant, l'elfe se rasséréna et abaissa sa lame.
« Par les Neuf Enfers, est-ce vrai ? Car si tel est le cas, vous êtes des curiosités, avoua-t-il. Jamais nous n'avons vu des adorateurs de l'Absolue se détourner d'elle. Et cette lanterne... ? »
Une grimace collective se traça quand il fit signe à Gayle de la lui donner. À son grand regret, il n'y avait pas d'autre option car leur survie ne tenait déjà qu'à un maigre fil. Le Ménestrel admira l'objet, émerveillé de cette lumière qui repoussait les ténèbres sans aucune difficulté. Silesta crut rêver en voyant la lanterne... remuer faiblement de l'intérieur ? Ce devait être son imagination.
« Branthos, que fait-on d'eux ? lança un archer à son chef.
_ On les emmène avec nous, répondit ce dernier en se tournant vers le groupe. Suivez-moi. Il y a un endroit qui échappe encore à cette malédiction.
_ Un refuge ? se réjouit Silesta avec espoir.
_ Oui. L'auberge de l'Ultime Lueur. Un lieu où vous pouvez respirer sans risque d'être happés par les ténèbres. »
La jeune femme rousse eut un regard vers Gayle qui lui rendit un signe de tête discret. C'était bien ce qu'avait évoqué le cadavre de la Ménestrelle drow qu'il avait interrogée à Malforge. Là où devait se trouver la Grande Ménestrelle Jaheira. Bien que frustrés par la confiscation de leur lanterne, les aventuriers acceptèrent l'invitation de Branthos à le suivre. Les autres Ménestrels quittèrent leur poste et allèrent rejoindre leur chef. Guidés par la lumière lunaire, le groupe nouvellement formé s'engouffra dans de nouvelles ténèbres. Personne n'osa parler de peur de générer des questions qui pourraient les mettre en difficulté.
Après de longues minutes de marche, la pénombre perdit de son intensité au profit de ce qui leur apparut comme un dôme, une cloche d'un très fin brouillard lumineux englobant le grand bâtiment qui se dessinait au-delà d'un pont. Cette lueur ressemblait à celle de la lanterne, en presque aussi puissant. Cette vision les époustoufla. Qu'est-ce qui créait cette protection ? À mesure qu'ils avançaient sur le pont, les premiers bruits naturels de la vie et le feu de torches qui dansait furent à leur portée. Une grande cour leur apparut derrière les murs d'enceinte ainsi que le brouhaha de voix et des mouvements des habitants. Ce fut une telle joie de retrouver un semblant d'animation dans ces terres inertes que nos amis faillirent ignorer les gardes qui leur barrèrent le passage.
« Vous, là ! Avancez lentement et gardez les mains visibles ! »
Silesta quitta ses pensées si vite qu'elle leva les mains par automatisme en oubliant qu'ils étaient accompagnés.
« Ça va, Elifer, tempéra Branthos à l'elfe à la peau chocolat qui se préparait à une riposte. Ils sont avec moi. »
La femme jaugea rapidement les arrivants puis s'en retourna vers l'intérieur de la cour en les invitant à passer. Les nouveaux hôtes entrèrent en promenant leur regard partout. La cour grouillait de soldats tous vêtus du même uniforme des Ménestrels. De l'extérieur, l'Auberge de l'Ultime Lueur ressemblait plus à un bastion si l'on en jugeait les râteliers d'armes disséminés à chaque recoin, les caisses de provisions et l'état de fébrilité général. Il y avait du monde, beaucoup de monde. Ce n'était clairement pas le moment de se mettre les Ménestrels à dos.
Ils s'arrêtèrent lorsqu'une femme alla à leur rencontre. Cette elfe mûre aux nombreuses tresses vanille et aux fins sourcils impeccablement marqués les toisa d'une rude sévérité pendant un temps puis d'un geste franc de la main vers le sol, elle invoqua des sarments qui jaillirent de la terre stérile. Les racines ondulèrent comme des serpents et s'agrippèrent aux chevilles des visiteurs. Tout mouvement qu'ils tentèrent pour remuer les pieds ne se solda que par un déséquilibre qui manquait de les faire tomber. Elifer dégaina son arbalète et les mit en joue dans l'attente d'instructions.
« Jaheira ? devina Gayle. Je puis vous assurer que tout ceci n'est pas nécessaire.
_ Et moi, je suis convaincue du contraire. Qu'est-ce qui me dit que ce n'est pas une ruse ? »
La sécheresse de son accent se dissipait un peu dans le roulé de ses « R » mais elle gardait un œil austère sur eux. Tout en maintenant le sortilège au creux de son poing, la druidesse légendaire tira un petit bocal de sa bourse.
« Voici ce pourquoi nous sommes ici, continua-t-elle en leur présentant une larve de flagelleur mental qui s'agitait dans sa prison de verre. Une bien mystérieuse créature cachant tout un tas de secrets... mais qui sait très bien reconnaître les siens. »
Le parasite crissa d'alacrité et s'agita dans le bocal quand il fut porté assez près des prisonniers qui en grimacèrent de dégoût. Ce n'était pas l'accueil qu'ils avaient espéré et rien ne pouvait démontrer leur bonne foi avec un tel test. Jaheira recula, une étincelle inquiétante dansant dans ses prunelles.
« Vous n'auriez jamais dû mettre les pieds ici, âmes éveillées. »
Son sang traversait tout son corps en une pulsation de cœur. Silesta serra fort les paupières, priant le ciel de leur venir en aide. L'appel fut entendu :
« Arrêtez ! Qu'est-ce que vous faites ? s'écria une voix.
_ Alfira ? »
L'humaine fut stupéfaite de voir accourir la tieffeline qu'elle avait rencontrée à son retour du camp gobelin. La barde rejoignit Jaheira en faisant danser les grelots de son habit coloré, affolée.
« Arrêtez Jaheira, nous leur devons la vie.
_ Comment ? Ce sont eux qui ont sauvé le Bosquet d'Émeraude ? » réalisa la druidesse abasourdie.
Silesta hochait vivement la tête dans de petits mouvements anxieux pendant que la tieffeline confirmait. Le doute qui embrassait Jaheira ne fit que s'accroître au lieu de s'apaiser. Des âmes éveillées restées maîtresses d'elles-mêmes... comment cela était-il possible ?
Voilà leur porte de secours qui se présentait.
« Nous ne pouvons vous l'expliquer, vous allez devoir nous croire sur parole », répondit Ombrecoeur avec assurance.
La prêtresse gardait bien jalousement le secret de l'artefact gith qu'elle détenait mais sa réponse fut loin de satisfaire la druidesse qui haussa un sourcil suspicieux.
« Vous me semblez bien sûre de vous pour quelqu'un qui se fourvoie à ce point.
_ C'est vrai ! insista Silesta qui ne savait comment transmettre sa sincérité. Il est certes difficile de se sentir en confiance par les temps qui courent, mais vous devez nous croire.
_ Nous ne sommes pas au service de l'Absolue », siffla Lae'zel avec froideur.
La druidesse les dévisagea un à un pendant de longues secondes sous la tension palpable générale des prisonniers, Alfira et Elifer dont la pointe de carreau n'avait pas bougé d'un centimètre de sa trajectoire. Enfin, la femme blonde dissipa son enchantement et les sarments s'évanouirent dans le néant.
« Très bien. Je vous accorde le bénéfice du doute, concéda-t-elle calmement. Ménestrels, repos ! »
Elifer baissa son arme et Jaheira s'avança vers ses hôtes. Il serait mentir de prétendre qu'elle sache pourquoi des énigmes comme eux avaient traversé sa route mais sa longue expérience était assez fournie pour reconnaître une lueur d'espoir quand elle surgissait des ténèbres.
« Dites-moi ce qui vous amène.
_ Nous sommes en vacances », ironisa Astarion, ce qui lui valut de se faire assassiner du regard par les autres.
L'hésitation à la vraie réponse fut brève. Jaheira savait pour la larve, il n'y avait aucune raison de le cacher. Gayle expliqua qu'ils étaient à la recherche d'un remède pour se débarrasser du parasite et que leur seule piste les menait aux Tours de Hautelune. La druidesse se réjouit de cette annonce car cela signifiait que leurs intérêts convergeaient. Ils en finiraient avec ce cancer qu'était le culte de l'Absolue.
Elle convia ses invités à entrer dans l'auberge. Ils y trouveraient de quoi se restaurer, des lits et... de l'huile d'aloès en cas de démangeaisons à cause des lianes.
« Dès que vous le pourrez, rejoignez-moi pour un verre. Mon instinct me souffle que vous pourriez bien être ce don du ciel que nous ne cessions d'appeler de nos vœux. »
Sur ces mots, Jaheira les abandonna pour retourner à l'intérieur de l'auberge. Une fois entre eux, nos amis purent respirer. L'incident diplomatique n'était pas passé loin et il aurait été bien mal avisé de se mettre à dos d'autres ennemis de l'Absolue. S'ils avaient l'occasion de gagner de nouveaux alliés dans leur quête, ils devaient la saisir sans hésiter.
« À défaut, nous gagnerons un toit accueillant au-dessus de nos têtes, apprécia Astarion en jaugeant le bâtiment. Un lit, enfin. »
La polissonnerie qui orna un bref instant ses yeux posés sur la jeune femme rousse en face de lui suffit à cette dernière pour comprendre qu'il n'avait pas oublié son invitation. Silesta était aussi heureuse de ne plus avoir à dormir par terre pendant quelques temps mais elle n'avait pas songé à ça en premier lieu. Gayle proposa à ses compagnons d'aller à l'intérieur, ne serait-ce que pour ne pas trop faire attendre leur hôtesse. Silesta traîna les pieds, ennuyée.
« Un problème ? » s'enquit le magicien.
D'abord incertaine, la saltimbanque fit une moue embarrassée et leur montra un sac rebondi qui cliqueta dans un bruit de métal frotté.
« Pourrait-on d'abord s'arrêter auprès d'un marchand ? J'ai volé tellement d'argenterie que cela en devient lourd... »
Ils levèrent les yeux au ciel. Silesta et son besoin d'argent. Elle avait au moins la vertu de ne pas voler n'importe qui comme son ami roublard et de se contenter de « prises de guerre ». Un peu de troc ne les tuerait pas et ils risquaient de ne pas avoir beaucoup d'occasions de commercer ; autant en profiter.
Leur recherche d'un commerçant créa un heureux hasard pour Silesta qui retrouva Dammon, le forgeron du Bosquet d'Émeraude. Celui-ci faisait aussi partie de la caravane qui avait quitté le repère des druides pour se rendre à la Porte de Baldur. Hélas, les choses ne s'étaient pas déroulées comme prévues. Les tieffelins avaient été surpris par la malédiction des ombres, leur convoi avait été attaqué par des cultistes et nombreux voyageurs avaient été emmenés aux Tours de Hautelune pour subir on-ne-savait-quoi.
« Et Zevlor ? s'inquiéta Gayle.
_ Enlevé lui aussi. Certains rescapés rapportent qu'il aurait laissé faire mais je ne peux me résoudre à croire cela. Ce n'est pas lui. »
Silesta ne voulait pas en croire ses oreilles non plus. Le peu qu'elle avait vu de Zevlor lui avait laissé l'impression d'être quelqu'un d'intègre et qui voulait protéger les siens. Déjà horrifiée d'apprendre que les tieffelins fraîchement sauvés des gobelins avaient rencontré une infortune pire encore, savoir que leur représentant avait aussi disparu l'inquiéta davantage. Sans vouloir trop s'avancer, la jeune femme expliqua au forgeron qu'ils comptaient se rendre prochainement aux Tours de Hautelune et qu'ils garderaient l'œil ouvert s'ils apprenaient quelque chose sur les prisonniers.
« Merci de votre soutien, la remercia le tieffelin. Hélas, il n'y a rien à faire de plus pour l'instant. Mes compétences d'artisanat pourraient-elle vous servir en attendant ? »
La saltimbanque fut trop heureuse de pouvoir se délester de ses gobelets, couteaux, fourchettes et cuillères en argent. S'il pouvait faire quelque chose de plus utile avec tout ce métal, il avait carte blanche.
Après avoir réalisé quelques emplettes, le groupe se décida enfin à franchir le seuil de l'auberge de l'Ultime Lueur. Une fois à l'intérieur, tous se laissèrent prendre par la chaleureuse atmosphère des lieux, véritable havre de paix contre le monde extérieur. Les murs de pierre claire taillée étaient réchauffés par de nombreuses torches et côtoyaient la chaleur du bois parqueté et les moirures des tapisseries aux fenêtres. Le brouhaha vibrant des discussions donnait encore plus de vie aux grandes salles sobrement décorées et une douce odeur de cuisine embaumait l'air d'une furieuse envie de s'installer à table pour commander à dîner. Il y avait même un espace bar disposé en « U » au fond de la salle principale dont les hauts tabourets vous invitaient à vous installer pour boire un coup. Justement, des étagères de bouteilles s'alignaient un peu plus loin, accompagnées d'énormes fûts en chêne entreposés dans la réserve attenante. Les tieffelins et les Ménestrels qui vaquaient dans l'auberge avaient presque l'air insouciants, loin des turpitudes de l'extérieur. En découvrant tout cela, nos amis avaient encore plus hâte de découvrir le confort de leurs chambres.
« Oh, mais c'est vous ! »
Une voix bien plus jeune que les autres les tira de leur contemplation. Silesta reconnut aussitôt cet enfant tieffelin aux cheveux bleus qui les rejoignit accompagnés de ses amis. Elle le salua gentiment d'un signe de tête.
« Mattis. Heureuse de voir que tu vas bien.
_ Moi aussi, mademoiselle, lui sourit-il. On a eu de la chance de s'en être tiré au moment de l'attaque.
_ Nous sommes au courant. Dammon nous a expliqué. »
Les enfants furent directs : ils implorèrent aussitôt les héros du bosquet d'aller secourir les leurs qui avaient été enlevés. Avant même de pouvoir amorcer un début de réponse, Silesta fut devancée par Astarion qui faisait des gestes lassés de la main pour inviter les gamins à s'en aller.
« Nous y réfléchirons. Allez, retourne travailler ton sens de l'escroquerie. »
Mattis gonfla les joues ; il n'avait pas oublié l'incident de la dernière fois avec son « maître en malversation ». Néanmoins, cette ébauche de réponse sembla le satisfaire car le tieffelin prit congés, non sans une dernière publicité pour les inciter à venir le voir s'ils avaient besoin d'acheter quelque chose.
Silence.
« Vous vous êtes adouci ?
_ Non, je voulais la paix.
_ Je me disais bien. »
Installée derrière une longue table en bois qui lui servait de bureau de fortune, Jaheira était là, penchée sur une carte dans une profonde réflexion. Elle se leva en voyant ses visiteurs l'approcher.
« Bienvenue. Trinquons ensemble, voulez-vous ? »
Elle se saisit d'un pichet qui reposait sur la table et versa un liquide à la profonde couleur raisin dans cinq verres qu'elle leur tendit avant de se servir elle-même.
« Santé. »
Silesta leva aussi son verre et but avec plaisir tant elle avait soif après cette randonnée, contrairement à ses compagnons dont elle n'avait pas remarqué l'incertitude. Jaheira eut un sourire canaille en voyant sa jeune invitée cligner des yeux, perplexe. Le vin était léger et très bon mais il avait un drôle d'arrière goût.
« Vous dégagez vraiment une étrange aura, dit la druidesse en les dévisageant. Répondez-moi avec franchise : ce parasite est-il en train de vous transformer ?
_ Il cherche en effet à nous gagner à sa cause mais nous résistons. »
Silesta redressa aussitôt la tête, choquée. Sa bouche avait devancé ses pensées, pensées qu'elle voulait se garder de partager. Sa loquacité subite lui attira les regards lourds de ses compagnons qui ne comprenaient pas non plus.
« C'est le vin, expliqua Jaheira. J'y ai ajouté une herbe qui rend incapable de mentir. »
L'humaine se renfrogna un peu, vexée d'avoir été prise au piège là où ses amis avaient su garder des réserves. Heureusement pour elle, Jaheira ne la blâma pas et regarda autour d'elle, dépitée. Tous ces braves gens étaient coincés ici, les deux pieds dans une tombe qu'ils ne pouvaient fuir. Si tous voulaient survivre, elle n'avait d'autre choix que de s'en remettre à ses étranges visiteurs infectés mais bien conscients.
« Puis-je vous faire confiance ? réitéra la druidesse droit dans les yeux de pluie contraints à la sincérité.
_ Oui. Sur mon honneur.
_ Tant mieux. Parce que si j'apprends que vous m'avez menti, vous le regretterez. »
Elle avait toutes les raisons du monde de se méfier. D'autres individus infectés comme eux existaient partout, de ces terres maudites jusqu'à la Porte de Baldur. Le culte de l'Absolue se propageait comme un virus, silencieux et redoutablement efficace. Les Ménestrels avaient suivi ses sbires vers cet ancien village de Reithwin jusqu'à se retrouver nez à nez avec un homme qu'ils pensaient avoir tué et enterré il y avait plus d'un siècle de cela.
« Qui est cet homme ? demanda Ombrecoeur.
_ Ketheric Thorm, le chef des Absolutistes. »
Ce nom avait déjà été évoqué par Halsin. Celui qui avait rassemblé des Tribuns de la Nuit dans les Tréfonds Obscurs. Jaheira rappela que Ketheric était un ancien disciple de Shar qui avait levé une armée de Tribuns dans les profondeurs de ce village. Les Ménestrels avaient alors conjugué leurs forces avec celles des druides de la région pour le contrer. Hélas, non content d'avoir fait un pied de nez à la mort, le général Ketheric Thorm avait aussi conquis l'immortalité.
« Nous l'avons rencontré sur cette route, à la tête d'une armée de l'Absolue partie pour détruire la Porte de Baldur, se remémora la druidesse, les yeux dans le vague. Quand je lui ai décoché une flèche droit dans l'œil, il l'a extraite comme une vulgaire écharde. Sa plaie s'est aussitôt refermée et il s'est lancé à nos trousses. »
Son auditoire ne remuait pas d'un muscle, captivé par cette horrible histoire. Comment cet homme avait-il pu acquérir cette invincibilité ? Jaheira émergea de ses sombres souvenirs et se pencha vers ses invités, le regard embrasé par la rage de vaincre. Avec leur conscience intacte, ils seraient en mesure de s'infiltrer dans l'armée de Thorm cantonnée dans les Tours de Hautelune en se faisant passer pour des âmes éveillées. Ils devaient découvrir le secret de son immortalité pour l'en priver. Une fois vulnérable, il n'y aurait plus qu'à l'éliminer.
« Nous assiégerons les Tours et mettrons un terme à ce fléau. »
Astarion plissa les paupières sans chercher à cacher le déplaisir qui l'animait.
« Vous cherchez à exploiter notre infection alors que nous ne voulons que nous en défaire.
_ Pour guérir, encore faut-il comprendre le mal dont on souffre. »
Même si cela était douloureux à reconnaître, Jaheira avait raison. Les aventuriers comprirent à présent pourquoi elle voyait en eux l'espoir qui pourrait faire basculer les choses. Ils avaient eux-mêmes joué de leur non-possession psychique pour se faire passer pour ce qu'ils n'étaient pas afin de survivre. Le plan de Jaheira était ce qui leur manquait pour progresser, à un détail près :
« Comment nous rendre là-bas ? Les ombres avaient l'air plus denses encore autour des Tours », objecta sagement Gayle.
Son hôtesse lui retourna un sourire en coin. Les Ménestrels avaient une arme secrète en réserve.
« Nous avons Isobel, une cléresse fidèle à Séluné. Notre salvation dans toute cette folie. C'est elle qui a créé et maintient le bouclier autour de cette auberge. Sans elle, nous serions tous morts. »
Silesta se redressa en entendant cela. Une adepte de Séluné, ici ? C'était sa chance de pouvoir aborder le sujet de son amnésie. Son esprit débordait de tant d'impatience que la jeune femme entendit à peine Jaheira les inviter à retrouver Isobel dans ses quartiers à l'étage. Inutile de préciser d'Ombrecoeur n'avait pas l'air très emballée par tout ça. Seul Gayle renvoya un sourire engageant à son amie quand sa bonne humeur croisa ses yeux bruns.
La druidesse prit congé de ses invités et retourna à la lueur de ses bougies pour lire la paperasse de rapports qu'elle avait encore à éplucher. Les aventuriers n'eurent pas à s'interroger trop longuement sur leur feuille de route. Les Tours de Hautelune demeuraient leur objectif principal auquel ils devaient ajouter la variante Ketheric Thorm. Le chef du culte immortel... Voilà qui n'allait pas leur faciliter les choses.
« S'il a été adepte de Shar, peut-être que vous pourrez nous aider, supposa Silesta à l'attention d'Ombrecoeur.
_ Je ne sais pas. J'attends d'en apprendre plus sur cet homme avant de m'en faire une réelle opinion. Toutefois, le fait qu'il soit chef dans les rangs de l'Absolue n'est pas une entame favorable pour lui, répugna la prêtresse avec un air pincé.
_ Pour ma part, je suis impatient de rencontrer contre consœur blanche, intervint Astarion en parfait agent du chaos. Si nous y allions ? »
Tous firent demi-tour vers l'escalier menant à l'étage quand la silhouette qui savourait le confort d'un fauteuil rebondi près d'une fenêtre attira leur attention. Le gentilhomme au sourire commercial et élégamment vêtu d'une tunique bleue brodée sur une chemise rouge à collerette quitta le livre qu'il lisait et adressa un geste de la main amical à ses anciennes connaissances.
« Que diable le monde est petit, n'est-ce pas ? »
L'humour très pince-sans-rire de Jaheira est ce que j'ai préféré chez elle. Elle avait de bons mots quand on lui parlait au bon moment. XD
Je sais qu'il ne se passe pas grand chose de fifou en ce moment et j'en suis désolée, hélas, il faut aussi que l'intrigue principale avance. Pour me faire pardonner, un petit Astarion x Silesta pour le prochain chap.
Encore joyeux Noël à tous ! Plein de sweats/tee-shirts Astarion, de stickers « Forever Bloodless » ou des vidéos Caméo/autographes de Neil pour tous les fans ! XD
À jeudi ! :)
