Je n'aurais pas internet pour les prochains jours, donc je préfère publier ce chapitre en avance. Ca y est, nous arrivons à la fin du premier donjon. Place au boss !

Bonne lecture !

[Aucun avertissement ne s'applique à ce chapitre]


Chapitre 11 - Le démon des bois

Les escaliers de marbre lui faisaient face. Tout comme celui qui l'avait menée au quatrième étage, ceux-ci longeaient le mur d'enceinte et la guideraient, sans nul doute possible, jusqu'au mage problématique et sa créature. Elle se mordit la lèvre inférieure, les sourcils froncés. Cette idée l'inquiétait plus qu'elle ne l'avait d'abord cru.

La prophétesse du Courage avait demandé de l'aide. La situation était bien trop grave pour être ignorée.

- Link ? Mon aura ne pourra pas te suivre.

La mercenaire, d'abord interloquée par la soudaineté de la nouvelle, se tourna vers la manifestation d'Hylia, un air décontenancé prenant le pas sur l'inquiétude.

- Pourquoi ? C'est juste des escaliers.

Qu'elle hésitait à gravir, par contre.

- Je sens un fort pouvoir au sommet. Je ne pourrais pas y accéder, pas à moins de laisser mon âme sans défense. Hors, si le mage est si puissant qu'il est parvenu à sceller une prophétesse, alors je n'ai que peu de chance de me protéger.

La vagabonde sentit son sang se glacer. Si l'âme d'Hylia était attaquée, cela pourrait signer son arrêt de mort. Elle se rappelait très bien, de la vallée calcinée, des ruines ensanglantées, des restes cramoisis. Les hurlements qui résonnaient toujours dans sa tête, même au lendemain, quand le calme était revenu, et que les premiers secours arrivaient en panique.

Elle se souvenait des cadavres et des tombes restées sans nom, certains corps ayant été trop défigurés pour que quiconque ne puisse les reconnaître.

Elle avait envie de vomir.

- D'accord. Je montrais seule.

La manifestation d'Hylia s'agita.

- Je peux t'accompagner, sinon...

- Non, si c'est si dangereux, vaut mieux pas. On ferait quoi si tu mourrais ?

La prêtresse ne répondit rien à cela. A la place, elle arrêta de bouger. La lumière commença à disparaître.

- Bien... Je ne vais pas débattre avec ça.

Un dernier regard vers le soleil sculpté, Link ferma les yeux.

- Bonne chance... non. Courage.

Il était temps de rejoindre le sommet.

La montée au travers des nuages manqua de peu de la faire chavirer face à la brume glissante s'étant installée sur le marbre sculpté. Heureusement, elle possédait encore un assez bon équilibre pour tenir sur les marches, même si son regard partait observer le sol. Son souffle se coupa face à l'étendue verdoyante recouverte d'une couche blanche, tout semblait si petit, soudain. Pourtant, elle n'avait pas cru être montée si haut, ni que la tour s'élevait à un tel niveau. Ses épaules grimpèrent, elle acheva sa montée. Vite, trop vite, elle posa pied sur un toit plat, ouvert aux intempéries. Elle n'était pas seule.

Un homme inconnu lui faisait désormais face. Pas très grand, il était très clairement... Non, il n'était pas Hylien. Pas avec ces yeux rouges comme ceux qui l'observaient désormais, clairement pas avec ces cheveux blancs comme des os qui volaient comme des vagues éclatantes. Link pensa immédiatement à un Bongo. Mais quelque chose n'allait pas avec cette conclusion. Il ne pouvait pas être un Sheikah, lui soufflait une petite voix. Pourtant, il en avait l'apparence parfaite, à l'exception des oreilles pointues qu'il arborait, il ne pouvait pas être autre chose.

L'étincelle verte de la prophétesse réapparut près d'elle. Celle d'Hylia avait disparu durant son ascension, comme ce que la prêtresse lui avait annoncé. Le toit de la tour était ouvert à tous les vents, ses cheveux blonds étaient lourds dans son dos. Une pensée passagère alla pour les couper.

Elle l'oublia assez vite.

- Il semblerait que quelqu'un ait réussi à monter cette tour...

L'homme inconnu semblait voler à quelques centimètres du sol. La mercenaire cligna une fois des yeux, hésitant presque à se les frotter. Oui, il volait. Ce n'était pas un effet d'optique. Seuls les mages pouvaient voler sans aile, alors pourquoi diable un Bongo, le contraire parfait du mage, y parvenait ? Parce que ce n'en était pas un, lui rappela son instinct. Mais qu'était-il alors, un Rosarien, un Juju, un Hylien, la question demeurait entière.

Elle dégaina son épée, plus que prête à le combattre.

- Méfie-toi, lui souffla la prophétesse. Il est très fort.

Les yeux du mages semblaient briller, correspondant à l'évaluation.

- Je suis navré, mais tu ne peux pas libérer la prophétesse...

- Et pourquoi pas ? Cracha-t-elle, les yeux plissés.

Cette peur que lui inspirait cet homme ne ressemblait en rien à celle qu'elle avait ressentie face au dragon des Vents. C'était... pire.

Ce mortel était plus fort qu'une divinité. Improbable, lui criait sa raison, mais pas impossible.

Le mage si dangereux qu'il lui retournait le ventre grâce à un simple regard haussa un sourcil peu impressionné dans sa direction. Le vent parut souffler plus fort, comme s'il le contrôlait - ce qui n'était pas possible, le contrôle de la météo était l'une des magie les plus dures à maîtriser. L'étincelle de la prophétesse disparut dans un brouillard sombre. Il faisait jour pourtant, mais les ombres n'avaient jamais été plus fortes qu'à cet instant.

- Sceller les prophétesse est le seul moyen de stopper le Néant... Mais il semblerait que ce ne soit plus à l'ordre du jour.

Une main tendue devant lui, paume vers le haut, une ombre gargantuesque jaillit du sol entre eux. Quatre pattes velues, un museau ratatiné, un corps de mastodonte trapu, de petits yeux rouges furieux. La gueule s'ouvrit, prenant presque la moitié de la tête de la créature. Link sentit ses sourcils se froncer contre sa volonté. Là, autour de son cou, brillait un cristal verdoyant. Sûrement l'émeraude des bois appartenant à la prophétesse.

- Je suis Laos, se présenta finalement le sorcier si puissant. J'imagine que, si tu survies, nos routes seront condamnées à se retrouver plus tard.

Elle ne le remarqua pas partir, plus préoccupée par la façon qu'avait la chose de gronder dans sa direction.

La bête se grandit, révélant de longues cornes enroulées brillant d'une étrange lueur bleue sur son crâne enfoncé. Ses pattes avants avaient beau être énormes, son arrière-train se réduisait à presque rien. Comme pour lui prouver qu'il possédait bien ne serait-ce qu'un peu de force dedans, il se redressa de tout son poids dessus, beuglant un rugissement qui la rendit momentanément sourde.

Sous le coup de ce son terrible, la mercenaire trébucha en arrière, mais resserra sa prise sur son épée. Il fallait se recentrer, ignorer son manque d'ouïe. Ce monstre ne l'attendrait pas.

Alors, elle fit ce qu'elle avait appris à faire face aux bêtes inconnues. Etudier chaque détail, n'épargner aucune théorie. Personne ne savait se battre correctement contre les monstres, il fallait souvent expérimenter. Comme toute créature mortelle de ce monde, ils détestaient se prendre des coups directement dans le visage, mais certains réussissaient à pallier à ce problème, que ce soit par une protection rudimentaire, sinon leurs poils trop résistants. Cela semblait être le cas ici, le frapper sur le crâne reviendrait à entrechoquer sa lame avec un rocher.

La bête acheva de s'étirer pour commencer réellement à bouger. Quatre pattes, d'abord les grandes, ensuite les plus petites. A en croire la lueur curieuse dans ses yeux, elle pouvait comprendre qu'il ne fallait surtout pas sous-estimer cet adversaire. Les monstres curieux étaient les pires, à étudier les mouvements, chercher les failles, comprendre. Être sous-estimée, sinon traitée comme une simple adversaire à passer, l'aurait avantagée, malheureusement. Très peu de grosses créatures se souciaient en réalité de la menace que pouvaient cacher les petites.

Comme pour essayer de concevoir ce qu'elle représentait, le démon attrapa un débris, un rocher tordu ressemblant vaguement à... une idole religieuse - quelle insulte ! - avant de la jeter sur elle. La vagabonde l'esquiva d'une roulage, trébuchant loin du crâne éjecté par l'impact. La violence du jet avait eu raison du sol. Il n'en fallut pas plus à la jeune femme pour comprendre que se prendre ne serait-ce qu'un coup de sa part pourrait valoir une mort certaine. Elle testa ses jambes, son équilibre revint assez rapidement, de même que son audition. Ses tympans cessèrent de sonner.

Il ne restait qu'à espérer que ce monstre ne hurle pas de nouveau. Elle avait besoin de ses oreilles intactes, si elle ne voulait pas finir en bas de la tour.

Il semblait que l'échange de regard était terminé. La bête gronda, un son si bas que les plus petits cailloux se déplacèrent subtilement sur les dalles sculptées, et se poussa sur ses pattes arrières subitement. Link la regarda faire, incapable de deviner ce qu'elle prévoyait. Avec sa force, elle pourrait essayer de l'attraper et lui fracasser le crâne sans difficulté. Les possibilités étaient nombreuses, ce ne fut que trop tard qu'elle comprit.

Le monstre voulait frapper le sol.

Le choc violent fit exploser le dallage, tomber les derniers piliers intacts, trébucher la mercenaire. Elle jura, atterrissant violemment sur le dos, sa vision devint momentanément blanche. Son souffle coupé par l'explosion, un nouveau cri retentit dans le ciel, son audition tinta de douleur.

Ce ne fut que par réflexe qu'elle roula loin du coup de poing de la créature.

Rouvrant les yeux de sa nouvelle position, elle le foudroya du regard et se glissa entre les pattes gigantesques. Ce ne fut qu'une fois éloignée de son arrière-train qu'elle le regarda réellement. Rien dans son dos n'indiquait un point faible possible, tout en cette chose semblait indestructible. A ce stade, elle demanderait même à pouvoir utiliser une pioche. Peut-être que cela ferait un trou au travers de cette fourrure trop résistante, qui sait.

Néanmoins, maintenant passé le choc et la douleur de son dos, la vagabonde parvenait à comprendre le schéma d'attaque. Il semblait qu'elle avait décidé que Link était trop rapide pour elle. Pour palier à ce problème, elle avait donc eu l'idée de la pousser à trébucher, avant de l'attaquer de tout son poids. Un bon choix, reconnut la combattante en voyant son adversaire admirer le cratère laissé par son passage. Dommage pour la vagabonde, par contre. Rien n'était pire qu'un ennemi qui connaissait ses faiblesses. Il suffisait qu'il sache comment utiliser ses forces pour en faire un combat atroce.

Toutefois, et ce pour le malheur du monstre, ce ne serait pas la première fois qu'elle faisait face à un adversaire pareil. Aussi grand et fort, cela allait sans dire, c'était une première. Mais intelligent ? Marion était une terreur sans commune mesure, mais c'était Sauro qui lui avait enseigné de ne jamais se laisser reposer sur ses lauriers. Il revenait avec une nouvelle façon d'user de ses armes, ses outils, son corps, à tel point qu'il était impossible de ne pas louer sa créativité à toute épreuve. Là où Marion était stratège, capable de déplacer ses coéquipiers et jouer avec les faiblesses d'autrui, Sauro avait démontré la véritable force d'une guerrier, celle de toujours se renouveler.

Il était temps de prendre Sauro en exemple, décida-t-elle en envoyant un regard sale la bête qui se retournait dans sa direction. Il fallait trouver comment passer les défenses impénétrables en usant du peu qu'elle possédait. Une épée, et une boule lumineuse.

Cela ne sonnait pas bien dans sa tête.

Alors que le monstre courant autour de la zone ravagée, la poussant à se déplacer dans l'autre sens pour garder une relative distance de sécurité, elle réfléchit. Les Jujus dans leur intégralité seraient un exemple, également. Pas en créativité, ni en stratégie, mais en folie. Là où les autres Sheikahs reculaient, les Jujus couraient au devant. Sauter du haut d'une falaise pour tenter une réception impossible, plonger dans le lac le plus profond pour apprendre à nager, goûter des plats empoisonnés. Le peuple aux yeux jaunes était réputé pour son instinct de survie proche de l'inexistant. Hors, malgré toutes les restrictions qu'elle avait imposées à Hylia, Link avait été élevée par les Jujus.

Elle ferait avec une épée et une boule lumineuse. Après tout, n'était impossible que ce qui avait été décidé comme tel.

La philosophie Juju avait tendance à rendre fou quiconque décidait d'en débattre. Pour Link, cette phrase serait parfaite en ce moment.

Désormais mentalement préparée, elle sourit quand la créature cessa de courir pour se redresser sur ses pattes arrières, avant de courir dans sa direction. Pas assez vite pour lui valoir un coup sur le crâne, mais assez pour la brusquer. Le coup fit trembler le sol, tomber des roches de la terrasse, mais la mercenaire avait sauté. Se réceptionnant habilement malgré les dalles encore instables, elle acheva son chemin proche de lui. Fay chanta, trancha. Une longue tranche sanguinolente coupa le museau profondément, elle sauta à nouveau en arrière sous le hurlement de douleur du monstre.

Il ressemblait au démon des histoires d'horreur, pensa-t-elle en recommençant à fuir ses coups stupidement forts. Ses yeux débordaient de sang, les veines pulsaient sur son corps entier. Même la fourrure hérissée ne parvenait pas à les cacher, de même que les contractions énervées des muscles épais. Perdue dans son attention, elle glissa sur une flaque carmine. Il laissant une traînée rouge dans son dos, il semblait que la blessure avait été plus profonde que prévu.

Malgré sa maladresse soudaine, la jeune femme parvint à garder une distance raisonnable. Il ne manquerait plus que de se faire attraper par l'une de ses pattes surpuissantes. Elle n'était pas Sauro, à se relever malgré des blessures évidentes. Elle n'était pas non plus Marion, à pouvoir échapper aux coups en s'envolant. Elle était Link, la gamine suicidaire d'une bande de fous qui traversaient le monde en affrontant tous les monstres qu'ils croisaient pour presque aucune récompense. Elle avait survécu à des attaques de bêtes toujours non-identifiées, mais également de Takeihs, Fées, et même Zoras, une fois. Elle avait été pris dans des embuscades, s'étaient même retrouvée séparée de ses camarades à une moment donné, en pleine confusion.

Ce monstre, décida-t-elle en sautant à nouveau dans sa direction, ne la tuerait pas.

Ce qui la tuerait serait un combat, mais pas celui-ci.

Ce qui la tuerait serait l'équivalent d'une guerre.

Le sang coula, le monstre se recula, un geste violent se perdit sur elle, arrachant plusieurs dalles, l'envoyant vers le cadavre de la rambarde. Sous ses pieds, le monde s'étendait en des plaines vivifiantes, étendues. On pouvait apercevoir les arbres grimper en des murailles gigantesques, le pays des Cascades s'élever en ses nombreux lacs.

Tomber signifiait mourir.

Elle ne mourrait pas.

Reprenant son équilibre, Link gonfla ses joues en remarquant que son deuxième coup avait manqué de peu son œil. Le sang coulait dessus, l'éborgnant assez pour bloquer une partie de sa vue, mais pas de la façon dont elle l'avait voulue.

Dans sa main, Fay fredonnait, l'étincelle de la prophétesse se rapprocha à nouveau.

- Le vent surveille, souffla-t-elle. Au prochain coup, il changera de combat. A ce moment-là, il révélera son véritable point faible.

La mercenaire hocha la tête, gardant ses yeux solidement braqués sur son adversaire. La dame des secrets n'ajouta rien de plus, il semblait qu'elle aussi ignorait ce qu'il préparerait. Néanmoins, contrairement à son amie si sage qui s'en inquiéterait immédiatement, et à son camarade si fort qu'il l'aurait notifié, Link le rejeta pour plus tard. Elle s'y intéresserait à ce moment-là.

Alors, quand la bête se redressa à nouveau, ses poings fracassant le sol en un tremblement vertigineux, la mercenaire n'hésita pas une seule seconde avant de lui décocher un troisième coup d'estoc sur le visage, emportant dans son passage un œil bien ouvert.

Le monstre, comme blessé mortellement, alors que sa dernière plaie saignait abondamment sur le carrelage déjà enlaidi par son passage, beugla un rugissement si terrible qu'il fit trembler la roche sous leurs pieds. Link trébucha maladroitement. L'étincelle de la prophétesse tremblota frénétiquement dans sa direction.

- Attention, tu es trop proche... !

Trop vite, alors qu'elle reculait pour échapper au gémissement du sol et de ses oreilles, la mercenaire sentit son souffle se couper.

Trop proche du bord.

Son esprit se vida, la chute était inévitable. La mercenaire garda une main ferme sur le pommeau décoré, admirant ses cheveux blonds recouvrir sa vision en un voile doré. Sous le soleil accablant, ils en devenaient aussi jaunes que les yeux des Jujus, un trait dont elle avait toujours été fière.

Le sommet s'éloignait vite, rapidement, elle ferma les yeux.

D'une manière ou d'une autre, son heure n'était pas encore venue.


Il était une fois un peuple aux oreilles pointues capable d'écouter les voix des divinités. La magie, tel était leur avantage évolutif. Vénérant une déesse peinte de bleue et aux yeux sculptés de gris, les Hyliens, car ainsi ils choisirent de se nommer, rencontrèrent un jour la raison pour laquelle ce peuple aux atours si faibles survécut aux affres du temps, à toutes ces guerres. Un œuf, énorme, éclot à leurs côtés. De là jaillit leur histoire.

Il était une fois, le peuple Hylien conclut un pacte d'âme avec ces oiseaux gigantesques. Deux âmes sœurs, séparées à l'aube de leur existence, se retrouvant toujours malgré les épreuves. Les célestriers et les Hyliens s'aimaient au point où, face à des armées rivales, aucun n'abandonna l'autre.

Il était une fois, alors que ces peuples amoureux déploraient de lourdes pertes, alors que les survivants se réfugiaient dans les airs, un célestrier rouge pondit un œuf. Une bataille de dominants eu lieu, de nombreuses plumes s'écrasèrent à la surface, et un œuf les y accompagna, brisant le plafond d'une vieille tourelle à l'abandon.

Il était une fois, le petit célestrier tombé sortit de sa coquille pour découvrir celle qui lui était destinée.

Le drame, l'horreur d'un jour de fête les sépara.

Mais Farore et son vent n'aimaient pas ces histoires.

Link souriait avant même d'ouvrir les yeux. Les plumes douces filaient entre ses doigts, le piaillement heureux d'un volatile gigantesque l'accueillit.

Petra était là.


L'oiseau géant trilla un son fort et glorieux, alors que ses ailes battaient en écho avec le vent, son chant résonnait entre les brises comme un glas à l'intention des monstres. Ses yeux se plissèrent méchamment en direction du démon resté à terre alors que son amie Hylienne reprenait ses esprits sur son dos. Il fallut quelques secondes à Link, près d'une minute, avant de pouvoir s'accrocher correctement au plumage doux. Petra avait grandi. Elle n'était plus le petit oiseau capable de se faufiler au travers d'une fenêtre, dans un fort laissé à l'abandon. Elle était devenue ce qu'Hinné avait décrit, la monture volante la plus puissante existante.

Le célestrier répondit à sa main dans ses plumes par ce qui semblait être un rire, la belle oiselle commença son ascension, jusqu'à arriver suffisamment haut pour surveiller la bête.

Si elles y avaient prêté attention, elles auraient remarqué que plusieurs regards les surveillaient. Qu'un mage étrange avait assisté aux retrouvailles, baissé la tête, laissé faire. Qu'une prêtresse retenait son souffle alors que l'oiseau rouge contournait la tour pour récupérer l'Hylienne tombant, que des Tikwis fêtaient l'heureux retournement de situation.

La prophétesse suivait les deux amies, ses secrets l'accompagnaient en une traîne d'étoiles verdoyantes. Celle qui savait tout ne pouvait que regarder la scène et attendre, comme tous, que l'espoir l'emporte une nouvelle fois.

Le sourire confiant de l'une et la fierté rougeoyante de l'autre l'en intimèrent, son soulagement fut tel qu'elle ne remarqua que trop tard que le monstre évoluait.

Jusque là, la créature s'était contentée de les observer. Il avait raclé le bord de la tour de ses longues griffes, tranchant les auvents, détruisant tout ce qu'il pouvait dans sa rage mortelle, mais n'avait que grondé en direction des retrouvailles. Pourtant, maintenant que Petra le survolait, il ouvrit grand sa gueule, laissant échapper, de sa gorge déployée, un son strident. Ce n'était ni un cri, ni un hurlement, ce n'était même pas un jappement, un couinement. C'était un son long et aigu, celui d'un mourant assistant à son exécution. Son œil se contracta, s'écarquilla, son dos se voûta.

Là, de ses omoplates, jaillirent deux ailes.

Les chauves-souris en possédaient de telles. Les doigts de ses sixièmes membres se recourbaient en une longue traînée de poils noirs comme la nuit, la peau s'étendait en une longue étendue sanguinolente, recouverte de veines violettes, des trous les ouvraient en des blessures virulentes. Il les secoua dans un premier temps, lentement, comme pour les tester, les réveiller, avant de les battre frénétiquement. Un instant, Link se demanda comment un monstre de sa taille pouvait espérer voler. Même avec une force incommensurable, il restait trop lourd. Les Takeihs et les Fées étaient forts, mais légers. Leurs os en devenaient creux, ce devait être la seule raison pour laquelle ils pouvaient décoller comme ils le faisaient. Cela avait son désavantage, évidemment. Leur fragilité n'était plus à prouver.

Mais la bête, de plus en plus absurde avec le temps qui passait, étendit ses ailes, et quitta le sol. Petra piaffa de surprise, avant de s'en éloigner précipitamment. La mercenaire perdit momentanément prise, elle se sentit glisser, avant que le célestrier, sentant son poids la quitter, ne se penche pour la rattraper. Le démon s'éleva davantage, il était proche.

La prophétesse les rejoignit.

- Son point faible s'est révélé ! Regardez... A l'endroit d'où ses ailes ont jailli. C'est ici que vous devez frapper. Néanmoins, pour ce faire, il faudrait déjà le forcer à se poser.

Effectivement, après s'être tordue pour l'observer convenablement, Link pouvait apercevoir une lumière mauve s'échapper de son dos. Cela ressemblait assez au combattant en armure qu'elle avait affronté, son réflexe serait de le frapper. A en croire la servante de Farore, il s'agissait de la bonne chose à faire. Néanmoins, il restait encore le problème de le forcer à atterrir.

Pour cela, elle avait bien une idée. Malheureusement, même pour elle cela sonnait fou. Rien que l'évoquer permettait d'y trouver de nombreux inconvénients.

- Petra...

Son amie retrouvée chanta une reconnaissance alors qu'elle continuait sa fuite dans les airs. Ce n'était pas bien dur, le monstre, bien qu'ayant déjà prouvé un miracle, ne semblait pas pouvoir aller plus vite. En réalité, le célestrier devait parfois ralentir pour le garder en vue.

La prophétesse semblait intriguée, mais en même temps, inquiète. Sans doute parce qu'elle devait faire confiance à de totales inconnues pour la libérer du sceau du mage ennemi, rationalisa Link. N'importe qui trouverait cela inquiétant.

En réalité, la prêtresse reconnue par la déesse verte avait déjà une bonne idée de son plan. Naturellement, comme toute personne y réfléchissant à deux fois, il lui semblait tout sauf bon. Néanmoins, elle savait également autre chose. Quiconque disait à un Juju, que ce soit de sang sinon d'adoption, que son entreprise relevait de l'impossible, s'en retrouverait à constater l'exploit le plus burlesque de l'histoire.

(Ceux qui avaient dit à ce peuple qu'il était impossible de voler sans aile devaient désormais s'en morfondre. De même pour les idiots reprochant aux fous que nul ne pouvait survivre à une chute mortelle. Les Jujus étaient ainsi faits, ils réalisaient les faits que tous abandonnaient à la simple pensée. Link était une Juju, qu'on le veuille ou non. Cela faisait longtemps qu'elle avait adopté leur mentalité.)

Pour inquiéter davantage la servante de Farore, la mercenaire souriait follement.

- J'ai besoin que tu te tiennes juste au dessus du monstre.

Petra ne comprenait pas encore ce dans quoi elle s'était embarquée, mais ce n'était qu'une question de secondes maintenant avant qu'elle puisse en deviner une partie. Ses ailes s'inclinèrent, ses plumes se gonflèrent, la bête ouvrit sa gueule menaçante vers elles. La vagabonde calcula son coup, attrapa la boule lumineuse, jaugea le risque avant de l'ignorer. Le célestrier glapit en sentant l'Hylienne quitter son dos.

Même le monstre resta interdit, suffisamment longtemps pour que la jeune femme en profite pour allumer son nouvel objet. Il siffla méchamment, son dernier œil aveuglé par l'éclat soudain, le museau soudain fermé. Il n'était pas préparé à la charge étrangère, ses ailes se tordirent alors qu'il devait assumer le poids perdu d'une mercenaire. Link se servit de son crâne comme tremplin pour accéder au toit de la tour en toute sécurité, admirant son œuvre. Le démon s'écroula en arrière, roula sur les dalles restantes, ses membres les plus fragiles cassées sous sa masse trop lourde. Immédiatement, elle planta Fay dans l'une de ses branches. La peau rougie se recouvrit d'un liquide sanglant, l'une de ses ailes était désormais inutilisable.

Il roula à nouveau, cette fois de douleur, pour atterrir sur le flanc. A ce moment-là, la mercenaire planta son épée dans le dos découvert, la bosse mauve prit une teinte de plus en plus sombre. Il pétilla faiblement, dégringola, manquant de peu d'emporter l'Hylienne dans son passage, avant de se remettre péniblement debout. Désormais, blessé, épuisé, il courut dans sa direction, comme s'il s'agissait du dernier geste qu'il lui restait. Sans vraiment y prêter attention, la jeune femme l'esquiva, le regarda s'écrouler sur la fin, avant de couper une seconde fois le cœur offert.

Il jappa, beugla, se tordit méchamment. Une lueur mauve l'entoura peu à peu, les ombres se firent plus profondes, nauséeuses. Des explosions l'emportèrent, le souffle guttural qu'il retenait s'échappa dans les airs. Dans un silence soudain, brusque, mortel, son corps se désagrégea.

Le ciel était bleu, le soleil brillait fort, la forêt s'étendait en une mer de jade, et la tour de Farore retrouvait son calme.

Petra la rejoignit calmement, exigeant son attention, des caresses, avant de fouiller ses jambes à la recherche de toute blessure induite par sa dernière cascade. Link gloussa face à son enthousiasme, ses mains se glissant entre les plumes douces en une étreinte, une promesse silencieuse.

Plus jamais. Plus jamais elles ne croiraient à la mort de l'autre.

Le célestrier acheva ses recherches par une tape sur sa tête de son bec, ses ailes se courbant vers elle en un câlin dans lequel la mercenaire se jeta presque immédiatement.

Le moment de calme s'éternisa, jusqu'à ce que l'oiselle ne se redresse, les plumes aiguisée en un avertissement. Link quitta la chaleur amicale pour regarder à son tour, son sang se glaça.

Le mage était revenu. Il flottait, désormais à plusieurs mètres au dessus des dalles brisées, les deux pans de sa cape volant en une bourrasque puissante, ses yeux rouges assistant à leur échange avec une attention toute particulière. L'air était épais, glacé, mortel, il pourrait les tuer d'un simple geste.

D'un claquement de doigts, il leur envoya la gemme verte de la prophétesse. La jeune femme lui envoya un regard emploi d'incompréhension.

- Vous avez gagné, reconnut-il comme si cela n'avait pas d'importance. Considérez cela comme votre récompense.

Un craquement sordide résonna, le sol se fissura. Un instant, elle pensa que la bataille avait épuisé le toit, que le monstre avait frappé trop fort. Néanmoins, c'était avant qu'elle ne remarque la vrille venteuse perforant la roche en une pression dévastatrice, un avertissement clair et précis. Dans ses mains crépitaient des éclairs, au bout de ses doigts dansotaient des braises.

Sa puissance ne faisait aucun doute désormais, alors qu'il montrait face à elle des sorts réservés aux meilleurs mages du monde. Son expression restait stoïque, comme si cela ne lui demandait aucun effort, comme si contrôler la météo elle-même se trouvait être aussi simple que de respirer.

Il n'était pas Bongo, décida-t-elle. Les Sheikahs aux yeux rouges ne pouvaient pas maîtriser correctement la magie, ils étaient même pires que les Jujus, déjà pas bien doués pour jouer avec elle. Mais il ne pouvait pas non plus être Rosarien, ceux-ci ne pouvant pas avoir autre chose que des yeux gris.

C'était une Hylien. Un véritable, de ceux qui avaient fait des sorts leur arme.

Il était peut-être le plus puissant d'entre eux, pensa-t-elle en admirant la tornade surpuissante, si bien contrôlée qu'elle peinait encore à la remarquer. En temps normal, user d'un tel pouvoir capable de briser le sol fait de roche aurait touché tout ce qui se trouvait à proximité. Pour éviter cela, les mages se cantonnaient aux sorts les plus faibles. Lui parvenait à converger tout le vent en un point, et à la contourner dans le processus. Sa maîtrise rendait cet étalage de capacité angoissant.

L'inconnu n'en avait pas fini, sinon il serait déjà parti.

- Gagné ? Répéta-t-elle. Tu vas pas essayer de le contester ?

Le tancer maintenant, alors qu'elle se révélait fatiguée par toute cette épreuve, n'était pas la meilleure idée qu'elle avait eue à ce jour, mais la vagabonde ne serait pas une Juju si elle ne faisait pas preuve d'un minimum de folie.

Le mage ricana. Orgueilleux, auraient dit certains, mais il pouvait se le permettre.

- Ceci n'était même pas au niveau d'une bataille, tout juste d'une bagarre. Vous n'avez encore rien vu de tout ce qui se prépare. Quoi ? Tu n'espérais quand même pas mettre un terme à un plan pareil ?

En fait si, cela aurait été pratique.

Il sourit cruellement, le regard sombre.

- Au risque de te décevoir, ton action vient en réalité de débloquer la situation. Je te remercie petite.

-Quoi... ?

Petra, sans comprendre toute l'histoire, trilla une question similaire. L'étincelle de la prophétesse éclata soudainement, la peur força Link à s'accrocher à tout ce qu'elle pouvait. Le célestrier, et Fay.

Courage a peur, chantait un conte. Courage a peur du diable humain.

Le mage lui envoya une expression de pitié sourde.

- A quoi bon contester ce qui ne me sert aucunement. Quant à savoir ce que nous préparons... Jeune femme, cela fait dix ans que nous attendons. Les étoiles convergent, nous sommes presque prêts. Je me demande si tu sera assez forte pour nous empêcher d'atteindre notre but.

Il ricana, un son triste, doux, comme si sa pitié empiétait sur son désir de massacre. Tardivement, elle le reconnut. Il avait été là, lors d'une nuit de fête, le même qui avait joué avec les flammes pour en asperger une vallée entière. Il s'était battu avec un autre mage, l'avait affronté jusqu'à le vaincre. L'œil bleu figé en une larme seule lui revint, l'étranger souriait toujours.

Il avait tué Vaati, se rappela-t-elle. Il avait tué le mage lui plus puissant de l'époque.

Ce n'était pas que cet homme était dangereux, c'était qu'il était mortel.

Comme pour répondre à ses pensées, celui qui s'était ouvertement illustré comme ennemi relâcha tout le vent qu'il contenait en une si mince tornade, avant de disparaître subitement. Quelques mots furent fredonnés, elle les connaissait parfaitement.


A Courage, je souhaite bon voyage,

A Courage, je donne mon hommage.

La déesse verte te parle au travers de sa tour,

Tu joues avec chacun de ses tours !

Mais Champion, au delà des fresques mortelles,

Voici le monstre, l'éternel.

Le diable aux yeux rouges a lâché son démon,

Courage a peur a cette vision,

Champion, tu t'avances dans l'ouverte arène

Et balance ton épée, la reine.

Jamais tu ne recules, même contre la chute,

Alors tues, le diable met fin à votre lutte !

Nul ne sait ce que voulait l'inconnu,

Le sorcier, diable aux yeux trempés,

L'émeraude sacrée a été libérée,

Mais Champion, ce combat tu l'as perdu !

Il a gagné, le diable étranger,

Celui qui vient d'un ailleurs épargné

De la vision de chacun de ce monde,

Qui a dit que le papillon ne provoque une onde ?

Rappelle-toi de la lune suicidaire,

Elle te ramènera à la prochaine ère.

Courage mon enfant, chante Farore,

Souris à la vie, fais face à la mort !

Tu t'es battu pour sauver ce monde,

Pourquoi n'oses-tu entrer dans la ronde ?

Attrape ta lame, mon fils, ma fille,

Jaune est ma faucille.

Courage, papillon de soleil !

Fais du ciel ta première merveille !

L'oiseau étend ses ailes de lumière

Et trace un chemin pour tous ses frères.

Ensemble, nous créons un avenir

Que nous pourrons écrire dans chaque rire !

Les idées sont partout, verte est ma fierté !

C'est avec cette encre que j'écris ta destiné !


Quel mage mystérieux... qui rend les enjeux plus flous qu'ils ne l'étaient de base. Heureusement, la prophétesse arrive au prochain chapitre, elle répondra à certaines questions.

Sur une autre note : Petra est là !

A la prochaine !