Tadaa ! Un "petit" OS en deux parties pour célébrer Noël. Le titre est nul, on est d'accord.
Disclaimer : One piece ne m'appartient pas
Rating : T pour cette première partie
Bonne lecture ! et pardon pour les fautes...
Le Grand Froid
PARTIE 1
Le ciel était couvert d'un voile gris, épais, que les rayons du soleil n'arrivaient pas à percer pour réchauffer la terre maculée de blanc. Les gros nuages denses, tombés au sol, maintenaient une hygrométrie élevée et galvanisaient la sensation de froid. Un froid vil et pernicieux qui se faufilait sous la barrière des vêtements pour venir vous mordre la peau et la glacer jusqu'aux os. Même la nature semblait avoir succombé à sa morsure mortelle. Les arbres avaient été mis à nu, comme étranger à ces températures, et fendaient désormais l'épais manteau blanc neigeux de leurs corps décharnés. Pas une âme ne paraissait vivre dans cet endroit, aucune trace d'emprunte, aucun chant d'oiseau, et aucun éclat de verdure, même ténu, à l'horizon. Qu'une palette monochrome de gris, de blanc et de noir.
Oui, c'était un bien sinistre paysage.
Un frisson plus intense que les autres, ébranla le corps de la jeune femme, qui resserra ses bras autour d'elle, afin de lutter contre le froid qui l'assaillait. C'était une vaine tentative, elle le savait, car ses vêtements étaient trempés et plutôt que de la protéger, ils l'offraient en pâture à l'hypothermie.
La tête rentrée dans les épaules et le menton enfouie dans le col de son manteau humide, Nami avançait péniblement, avec pour objectif de rentrer au Sunny. La neige retenait chacun de ses pas, et ses vêtements d'hiver, mouillés, ne faisaient que l'alourdir. Elle s'épuisait à marcher, mais mieux valait rester en mouvement pour garder une certaine chaleur corporelle plutôt que de s'arrêter. Car une fois stopper, le froid prendrait entière possession de son corps et la livrerait à la mort sans hésiter. En un sens, c'était marche ou crève.
D'ailleurs, pour lui prouver, une fine pellicule de givre s'était formée sur ses vêtements et ses cheveux, regroupés en queue de cheval, qui étaient eux aussi trempés, cristallisaient sous l'action du froid. Elle sentait le tissu de son manteau et de son pantalon, se raidir également alors que l'eau qui les imprégnait ses transformait en glace. Ce qu'elle ne sentait plus en revanche, c'était ses orteils et ses doigts, bien que ses derniers frictionnaient de temps en temps ses bras engourdis. Pour les réchauffer quelque peu, elle porta ses mains devant sa bouche et souffla dans cette alcôve qu'elles formaient. Une volute de fumée blanche s'échappa d'entre ses lèvres bleuis, mais la sensation de chaleur, aussi fugace fut-elle, lui fit un bien fou.
Combien de temps allait-elle pouvoir tenir ainsi ?
En plus de cela, il lui était impossible de se repérer avec toute cette grisaille. Elle ne se l'avouerait qu'à elle seule, mais pour l'instant, Nami naviguait à l'aveuglette. Et ce n'était certainement pas le gorille aux cheveux verts qui allait lui être utile pour retrouver leur chemin. Car oui, un malheur ne venait jamais seul, il avait fallu qu'elle s'égare avec le plus perdu de tous les perdus, à savoir, le célèbre Roronoa Zoro.
A cette pensée des plus démoralisante, la rouquine leva les yeux vers son compagnon qui avançait à quelques pas devant elle. Contrairement à elle, il ne semblait pas le moins du monde atteint par le froid, alors qu'il ne portait que son yukata habituel, et marchait, la tête haute, comme si de rien n'était. Pourtant, Zoro était dans le même état qu'elle, lui aussi était trempé jusqu'aux os, et elle voyait bien que le givre gagnait ses vêtements, mais cela ne l'affectait. Nami fulmina silencieusement contre cette injustice tandis qu'elle tentait de suivre sa cadence sans trébucher. Ce qui devenait de plus en plus compliquer avec des pieds engourdis.
Toute cette situation n'était pourtant que le résultat de son propre entêtement. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, mais c'était plus simple de blâmer l'inefficacité de l'épéiste, plutôt que son avidité. Bref…
Tout cela avait commencé lorsqu'elle avait surpris une discussion entre un groupe de pirates de bas étages. Le mot trésors avait immédiatement capté son attention, et Nami avait suivi discrètement la conversation depuis une petite cachette. Il s'agissait d'un groupe de quatre pirates, débarqué un peu plus tôt qu'eux, sur cette île hivernale en pleine période de festivité, et aller savoir comment, ils s'étaient retrouvés en possession d'une carte à l'allure plutôt ancienne. Les sens de la célèbre « chatte-voleuse » s'étaient mis en éveille et il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour s'emparer de leur carte.
Après l'avoir analysé, Nami avait rapidement identifié l'endroit où était censé se trouver ce trésor. Le chemin la menait tout droit dans les montagnes au centre de l'île, mais comme elle ne connaissait pas les environs, elle avait tenu à prendre une police d'assurance. Le premier de ses nakama qu'elle croiserait, serait automatiquement du voyage. Elle avait prié pour que ce soit Luffy, Sanji, Robin, ou même Franky… bref quelqu'un d'assez fort pour la défendre en cas de danger. Mais il avait fallu qu'elle tombe sur le dernier qu'elle aurait souhaité voir… Zoro.
Depuis qu'ils étaient réunis après les deux années passées loin des uns et des autres, la jeune femme évitait de se retrouver seule avec l'épéiste. Pourquoi ? Eh bien à cause d'un incident gênant survenu deux ans plus tôt. Les épreuves qu'ils avaient traversées, entre sa libération d'Arlong, la fois où elle avait failli mourir sur Little Garden, la fois où elle avait failli mourir d'une piqûre d'insecte, la fois où elle avait failli mourir à cause d'un agent de Baroque Works, les fois où elle avait failli mourir sur Skypia… ce décompte était déprimant… bref toutes ces fois où il avait été là pour elle, avaient fait naître des sentiments différents à l'égard de Zoro, de ceux qu'elle ressentait pour n'importe quel autre membre de l'équipage. Il avait aussi cette façon d'agir, cette droiture, cette volonté, cette force, qui le rendait admirable. Certes, par moment c'était un idiot complet, mais cela faisait partie de son charme. Puis il y avait eu cette fois où il avait failli mourir sur Thriller Bark, et Nami avait compris quels étaient ces sentiments qu'elle éprouvait. Elle était tombée amoureuse de Zoro, de son nakama, et plutôt que de le garder pour elle, la navigatrice avait décidé de lui en faire part, durant leur route vers Sabaody.
Elle se souvenait amèrement de la difficulté que cela avait été de lui avouer ce qu'elle ressentait. Elle s'était sentie gênée, complètement exposée, et pourtant, pleine d'espoir, que le bretteur partagerait ses sentiments. Ce qu'elle avait pu être naïve !
« Oh… » avait d'abord répondu Zoro d'un ton égal, avant d'ajouter « Désolé mais ce n'est pas mon cas ». Rien de plus. Il avait dit cela avec une telle désinvolture, que cela l'avait pantoise, puis il était reparti s'entrainer dans la vigie. Inutile de dire qu'elle se sentait humiliée, et que son cœur s'était brisé. Elle s'était ouverte à lui, elle avait été honnête comme jamais auparavant, et ça ne lui avait strictement fait aucun effet. Il avait pris cela comme on prenait une banale nouvelle.
Après cela, Nami s'était renfermée sur elle-même. Bien évidemment, ce genre de sentiments ne disparaissaient pas d'un simple claquement de doigts, ce serait beaucoup trop simple. Elle avait dû subir cet amour à sens unique, seule et en silence, sans éveiller les soupçons. Et s'il lui avait fallu deux ans pour s'en remettre, elle préférait éviter de se retrouver en tête à tête avec lui, sous peine de revivre un moment de gêne.
Cependant, comme la ville était plutôt grande, Nami n'avait pas eu envie de perdre du temps à chercher quelqu'un d'autre. Autant dire que le convaincre n'avait pas été simple, mais à grand renfort de chantage et de menace, elle avait réussi à l'embringuer dans sa chasse au trésor. D'autant plus, qu'elle avait estimé que cela ne leur prendrait pas la journée, et qu'il pourrait retourner picoler du vin chaud ou une quelconque autre boisson, à la taverne un peu plus tard. Payé de surcroît par leur futur butin. Et puis, Nami avait aussi envie de profiter de l'ambiance chaleureuse et festive de cette ville. Les rues devaient être magnifiques à cette heure-ci avec toutes ces décorations lumineuses accrochées aux façades des maisons. Elle pouvait même encore sentir la douce odeur de pain d'épices qui flottait dans l'air. Qu'est-ce qu'elle ne donnerait pas pour un bon chocolat chaud, boisson emblématique de cette charmante ville. Inutile de dire que Chopper était devenu instantanément fan de l'endroit, qui lui rappelait son île natale. Lui qui était également devenu une véritable célébrité pour sa ressemblance avec un renne nommé Rudolph, à la seule différence que leur médecin avait la truffe bleue et non rouge comme dans le compte. Oui, plus vite ils accompliraient cette mission, et plus vite elle profiterait de la fête, avec ses charmantes musiques qui carillonnaient un peu partout, et ses boutiques toutes illuminées.
Ils s'étaient donc aventurés dans les confins de l'île, avaient gravis une montagne jusqu'à découvrir une entrée partiellement cachée par une cascade gelée. La grotte s'enfonçait dans les entrailles de la montagne et il lui était difficile de dire combien de mètres ou de kilomètres ils avaient parcouru dans se dédalle sombre. Au bout d'un certain temps, un grondement sourd leur était parvenu, puis un rond de la lumière était apparu au bout du tunnel. Ils avaient alors découvert l'existence d'une cavité souterraine, éclairée par un puit de lumière naturel, creusé à travers la roche, et le grondement venait d'un torrent souterrain qui traversait la montagne.
En soit, l'endroit était vraiment magnifique, mais ce que Nami avait surtout remarqué, c'était le coffre en bois, situé sur l'autre rive de la rivière impétueuse. N'écoutant que l'appel de son avarice et non les avertissements de son camarade, resté silencieux jusqu'alors, elle s'était empressée de trouver un moyen de franchir le torrent en longeant une paroi.
Une pierre avait alors cédé sous ses pieds et Nami s'était retrouvée les jambes dans le vide, ballotée au-dessus ce cours d'eau bouillonnant de rage, dont les embruns glacés venaient lui poinçonner ses vêtements comme d'autant de petites aiguilles. Zoro avait été prompt à réagir, comme souvent dans ces moments-là, et avait réussi à l'attraper par la main, in extremis. De son côté, il se retenait à l'arrête d'une paroi, dans un équilibre précaire, mais grâce à la force surhumaine qui le caractérisait, l'épéiste l'avait hissé assez haut pour qu'elle trouve une nouvelle prise.
Cependant, la chance n'étant pas franchement de leur côté, la pierre à laquelle il s'agrippait céda à son tour, emportant tout un pan de la paroi avec elle, y compris le maigre refuge qu'avait trouvé Nami.
Dès que son corps avait été englouti par les flots déchainés, le froid l'avait enveloppé dans son étreinte suffocante. La morsure gelée l'avait prise par surprise et instinctivement, Nami avait hurlé, étant de nature très frileuse. Cependant, crier lorsqu'on avait la tête sous l'eau, n'était pas la plus brillante des idées. A ce moment, la navigatrice crut qu'elle allait mourir noyer, mais une main l'avait agrippé fermement (un peu trop fermement) par le poignet, et l'avait hissé hors de l'eau.
Une nouvelle fois, Zoro lui avait sauvé la mise, mais cette sensation d'avoir réchappé à la mort ne dura qu'un bref instant. Le courant était tellement puissant, tellement agité, qu'il leur était difficile de se maintenir à la surface ou même de nager vers le rivage. Nami se rappelait vaguement d'une chose, ou bien était-ce un détail que son esprit avait fabriqué par la suite mais, il lui avait semblé que l'épéiste avait fait preuve d'une impressionnante ténacité, pour la tenir contre lui, malgré le déchainement de la rivière. Cependant, elle ne pouvait rien affirmé car cela n'avait duré que quelques secondes avant que sa tête ne heurte un rocher et qu'elle ne perde connaissance.
A son réveil, elle gisait sur une berge enneigée, à l'extérieur mais sous un ciel bas et opaque. Le paysage ne lui était aucunement familier et pour couronner le tout, Zoro était également inconscient un peu plus bas, à flotter dans l'eau peu profonde. Nami avait eu la peur de sa vie en le découvrant car elle l'avait cru mort, mais une fois sur la terre ferme, cet idiot c'était mis à cracher toute l'eau qu'il avait ingurgité inconsciemment.
Et du coup, voilà où ils en étaient, à déambuler dans une partie inhabitée de l'île et totalement méconnue sans le moindre indice pour se repérer. Le point positif dans cette histoire, c'était que le froid anesthésiait son corps et l'empêchait de ressentir la douleur où son front était blessé.
Cependant, plus le temps avançait et plus l'anesthésie prenait de l'ampleur, si bien qu'avec la fatigue, son pied se prit dans une racine et la fit chuter. Nami atterrit lourdement à genoux, que la neige amortit sans mal. Elle était frigorifiée, beaucoup trop pour faire un mouvement de plus. Son esprit combatif refusa toutefois de se laisser abattre et elle souffla sur mains pour les réchauffer encore une fois, malgré ses dents qui claquaient de plus en plus fort.
Le craquement de la neige juste à côté d'elle, lui fit relever la tête, pour constater que Zoro avait fait marche arrière pour venir la trouver. Nami aurait voulu arguer avec véhémence qu'elle pouvait s'en sortir seule, mais aucun son ne s'échappa de sa gorge. Le froid était trop intense pour qu'elle puisse lutter, et ses paupières se mirent à papillonner lourdement. Peut-être que si elle piquait un léger somme, elle pourrait repartir plus facilement un peu plus tard. Oui, cela semblait être une bonne idée. La jeune femme se recroquevilla sur elle-même et ferma les yeux, juste pour quelques secondes afin de retrouver un peu d'énergie.
L'instant d'après, elle sentit deux bras l'encercler par les épaules et les jambes puis elle décolla du sol avec une facilité déconcertante. Lorsqu'elle réouvrit les yeux, Nami tomba directement sur le menton droit et la mâchoire carrée de son camarade. Elle grelotait de manière incontrôlable contre une surface dure qui se mouvait, et il lui fallut un peu de temps pour comprendre que Zoro la portait dans ses bras, façon princesse (une princesse repliée en position fœtale et complètement crispée par le froid).
Son esprit de navigatrice aguerrie s'alarma quand il réalisa que son sort dépendait désormais de l'épéiste et de son sens de l'orientation. Autant dire, qu'elle était foutue, mais étrangement, avec cette soudaine proximité, la fatalité de sa destinée ne lui parut pas aussi dramatique qu'elle aurait dû.
Car si Nami ne souffrait plus de savoir qu'elle n'était qu'une simple amie aux yeux de Zoro, ses sentiments pour lui demeuraient inchangés. Elle avait juste appris à vivre avec et à les oublier de temps à autre. Mais dans une situation comme celle-ci, difficile de les ignorer et de ne pas penser à ce à quoi elle n'aurait jamais le droit. Alors, Nami se contenta du peu qu'il lui était offert, même si cela s'avérait douloureux.
Elle calla sa tête contre son épaule, inspira son odeur musquée et écouta sa respiration régulière. L'envie d'enfouir son visage dans le cou puissant de son nakama fut tentante, mais elle résista car elle ne souhaitait pas non plus le mettre mal à l'aise. Finalement bercée par le balancement de ses foulées, la rouquine ferma les yeux et écouta la mélodie des battements de son cœur. De toute façon, elle était trop frigorifiée pour émettre la moindre objection.
- Hey !
La voix rauque et la secousse qui l'accompagna, la forcèrent à ouvrir les yeux.
- Tu peux éviter de claquer des dents ? commanda le bretteur en gardant le regard rivé sur l'horizon. Ça me file mal à la tête.
Il était sérieux, là ?! Comme si elle faisait volontairement !
- E-e-esp-p-pèce d-de cré-cré-crétin ! bégaya-t-elle à cause de froid et de ses dents qui s'entrechoquaient. C'est-c'est p-p-pas d-d-de ma-ma f-f-faute !
En plus, elle n'arrivait même pas à s'énerver correctement, ça lui faisait perdre toute crédibilité ! Alors si la parole ne suffisait pas, elle passerait à l'acte. Aussitôt, la navigatrice lui donna un bon coup de poing dans l'épaule, ce qu'elle regretta instantanément car avec sa main gelée, elle eu l'impression de taper dans du béton. En plus de cela, l'épéiste ne vit qu'une vague grimace.
Vexée, Nami bouda silencieusement et se força à garder les yeux ouverts. En revanche, pas question de s'éloigner de la source de chaleur dont faisait office le torse de l'épéiste. Comment se faisait-il qu'elle ait pu succomber aux charmes d'un rustre pareil ? ça n'avait pas de sens. Mais l'amour n'avait rien de logique.
Son attention se reporta sur l'environ aux allures hostiles qui les entourait. La purée de pois ne se semblait pas vouloir se dissiper, mais malgré cela, Nami put dire que la lumière du jour était en train de décliner, et ça n'avait rien d'étonnant vu le temps qu'ils avaient passé dans ces montagnes. Désolé Zoro, mais tu vas devoir oublier ta tournée au bar du coin, songea la jolie rousse, sauf si par miracle, ils atteignaient enfin leur point de départ.
Ce qui avait peu de chance d'arriver, étant donné qu'ils venaient de croisé pour la deuxième fois, un regroupement d'arbre qui s'entrelaçaient dans une forme singulière. Yep, pas de doute, ils tournaient bien en rond, et ce n'était même pas surprenant. Malgré ses claquements de dents incontrôlable, Nami soupira de lassitude. Ils allaient mourir congelé avant même que le soleil ne pointe le lendemain matin.
- On…on…t-t-tou-tourne-ne… en… r-r-rond.
Être dans ses bras avait beau être agréable, les conditions climatiques ne rendaient pas l'expérience aussi plaisante qu'elle aurait dû. Alors autant qu'ils évitent de perdre du temps à faire le même trajet deux, voire trois fois de suite. D'ailleurs, à sa remarque, Zoro s'arrêta et elle vit ses mâchoires se contracter.
- Fais chier ! jura l'épéiste dans un souffle. On n'y voit que dalle avec toute cette brume !
D'un doigt tremblant, Nami indiqua une direction plus à gauche.
- E-ess-essaye…pa-pars…là.
Elle n'était pas plus convaincue par son indication que par le sens de l'orientation de Zoro, mais au moins, ils emprunteraient un nouveau chemin, ce qui leur offrirait plus de chances que de rester toujours sur le même. Le bretteur ne fit aucune remarque et suivit docilement son conseil, un fait assez surprenant pour que Nami puisse le noter.
La lueur du jour diminua rapidement, et les ombres étalèrent leur emprise sur le monde pour le plonger dans l'obscurité la plus totale. Le froid semblait lui aussi avoir gagné en force et en intensité, si bien qu'elle sentit Zoro frémir. La partie dénudée de son corps s'hérissa d'une multitude de petites bosses et la jeune femme y vit un mauvais présage. L'espoir de trouver un refuge s'amenuisait à chaque seconde qui s'écoulait au profit de l'obscurité. Ses prédictions n'étaient pas totalement justes, ils n'atteindraient même pas le milieu de la nuit.
Soudain, Zoro s'arrêta et dressa la tête. Dans ses bras, Nami observa les lignes de son visage, suivit le froncement de ses sourcils. Il bloqua sa respiration pour écouter les environs et elle fit de même. Elle le connaissait suffisamment pour savoir quand il détectait un danger. Quelque chose n'allait pas. Il n'y avait pas un bruit. Certes elle n'y en avait pas eu depuis qu'ils erraient dans la brume, mais là, ce silence abritait quelque chose. Quelque chose qui fit battre son cœur plus rapidement. La pupille acier glissa par côté et la jeune femme releva la tête pour voir par-dessus l'épaule de son compagnon.
Dans leurs dos, les ombres apparaissaient de plus en plus menaçantes, et soudain, un violent courant d'air, le plus glacé qu'elle ait jamais ressentit, les fouetta brutalement. Un vent de mort. Zoro trembla franchement et il grinça des dents, puis lâcha un petit « tss » avant de resserrer sa prise autour du corps de Nami pour s'élancer au pas de course.
Sa précipitation surprit la jeune femme mais l'inquiéta d'autant plus, car s'il fuyait aussi rapidement, c'était que le danger devait les talonner de prêt. Elle s'accrocha fermement à son yukata pour limiter les à-coups que provoquaient cette chevauchée instable. La jeune femme s'en voulait d'être un handicap pour son camarade, car sans elle dans les bras, il pourrait courir beaucoup plus vite. Malheureusement, son corps tout entier était pétrifié et refusait de lui obéir.
Tout à coup, elle l'entendit, le hurlement sinistre du vent qui fit craquer les branches à son passage, comme des os que l'on brise. Il n'était qu'à quelques mètres derrière eux et se rapprochait rapidement. Trop rapidement. Le cœur de la jeune femme s'emballa alors qu'elle jetait un coup d'œil derrière eux pour constater qu'un abîme noir les poursuivait.
- Vite ! Va plus vite ! s'exclama-t-elle.
- Je fais ce que j'peux !
Mais contrairement à ce qu'il venait de dire, sa cadence s'accéléra tout de même un peu.
- On ne tiendra pas longtemps si on ne trouve rien pour s'abriter !
Zoro avait raison. Sans barrière contre ce froid mortel, leur sort était déjà scellé. Se sentant inutile, Nami décida de remédier à cela en fouillant les ombres qui défilaient autour d'eux, afin de trouver un semblant de refuge.
Le désespoir la gagna très vite quand une succession d'arbres et de rochers fut tout ce qu'elle repéra. Et quand elle allait abandonner, une masse plus sombre que les autres, qui se profilait à 10 heure devant eux, attira son attention. Sans perdre une seconde, elle tira sur le vêtement de Zoro et pointa le doigt dans la nouvelle direction. Il obtempéra pour les précipiter vers ce qui pouvait être leur salut ou leur perte, car d'où ils se trouvaient, il lui était impossible de dire s'il s'agissait bel et bien d'un refuge.
La masse sombre grandit au fur et à mesure qu'ils s'approchèrent et quand ils furent enfin assez proche, les deux Chapeaux de paille eurent l'immense joie de constater qu'ils fonçaient droit sur une bâtisse construite par la main de l'Homme. Ce nouvel espoir fit redoubler la cadence des pas de Zoro.
Cependant, leur excitation fut très vite refreinée, quand ils atteignirent le perron et que la porte refusa de s'ouvrir.
- Merde ! siffla Zoro qui regarda à droite et à gauche pour trouver une autre issue.
Il abandonna rapidement l'idée de perdre plus de temps et cogna la porte avec son épaule, tout en évitant de taper Nami au passage. La porte résista à chacun de ses assauts et la jeune femme jeta un coup d'œil paniqué à l'obscurité qui galopait vers eux en hurlant.
- N'ai pas peur de me blesser et frappe plus fort ! s'écria la rouquine en panique.
Un grognement rageur répondit à son ordre, et Zoro prit un peu plus d'élan avant de se jeter de toute sa force sur la porte récalcitrante. Cette dernière céda subitement dans un grincement rauque, et manqua du lui faire perdre l'équilibre. L'épéiste se dépêcha d'entrer et de la refermer en plaquant son dos contre le montant en bois.
Le souffle puissant se fracassa contre la porte à l'extérieur et Zoro encra fermement ses pieds dans le sol pour lutter afin qu'elle ne s'ouvre pas.
- Cherche s'il y a un verrou ! ordonna-t-il entre ses dents serrées.
Comme piquée par une décharge électrique, Nami sortie de sa transe pour s'activer à fouiller de ses mains, le chambranle de la porte. Ses doigts engourdis rencontrèrent quelque chose de métallique et avec les tremblements anarchiques qui les agitaient, elle tira dessus.
- C'est bon ! C'est bloqué ! s'exclama-t-elle
Zoro soupira lourdement et la tension dans ses muscles se dissipa. Ils étaient enfin à l'abris. Dans l'obscurité totale, d'une maison qui leur était inconnu, perdu au milieu de nulle part, sans moyen de contacter leurs nakamas…
- Z..Zo…Zoro ?
- Hm ?
- Tu crois qu'il y a quelqu'un ?
- Non. La maison est vide, assura le jeune homme en s'écartant de la porte.
Au moins, ils pouvaient avoir confiance en son haki, en tout cas, cela la rassura. Avant que les questions du « pourquoi est-ce qu'il y avait une maison inhabitée au beau milieu des bois » « à qui avait-elle appartenu ? » ou encore « est-ce qu'il n'y avait pas d'autre moyen d'entrer ? » ne lui accaparent l'esprit et ne la fasse stresser. L'épéiste ne paraissait point préoccupé par toutes ses questions, il avançait en ces lieux, comme si l'endroit lui était familier. Heureusement qu'il la portait, car elle serait bien incapable d'évoluer dans une telle pénombre sans se cogner dans chaque coin de meuble présent dans la pièce. C'est vrai qu'un peu de lumière ne leur ferait pas de mal… tout comme un peu de chaleur.
- Ce serait bien qu'on allume un feu, suggéra la rouquine. Il doit bien y avoir une cheminée quelque part…
Les pas du bretteur, qui résonnaient sur un plancher en bois, les conduisirent dans une pièce que Nami ne sut identifier, à l'inverse de Zoro.
- Je crois qu'il y en une par ici.
Il continua d'avancer jusqu'à ce qu'il se penche en avant et qu'il ne commence à vouloir la lâcher. Instinctivement, la navigatrice s'agrippa un peu plus à lui, de peur de rester seule mais surtout de perdre sa seule source de chaleur.
- Qu'est-ce que tu fais ?!
- Si tu veux qu'on ait du feu, il faut bien qu'il y ait quelqu'un qui s'occupe de l'allumer.
Vue comme cela, il n'avait pas tort, et elle n'avait rien de logique à répondre à ça, mais l'idée qu'il se sépare d'elle ne lui plaisait pas tellement. Mais ça, elle ne pouvait décemment pas lui avouer, alors Nami se tut. Elle fut déposée sur une surface étonnement moelleuse, qu'elle considéra comme étant un canapé, avec une forte odeur de poussière.
Une fois éloigné, elle entendit Zoro faire du remue-ménage dans la pièce. Elle l'entendit gratter, fouiller, déplacer des choses, puis il eut des bruits sourds comme du bois qui s'entrechoque, le craquement de la paille, le froissement du papier. Il y eut un moment de silence, et soudain, le crissement strident de l'acier sortit de son fourreau.
- Ittoryu – Hiryu Kaen !
Une étrange aura bleue en forme de dragon enveloppa l'épéiste, puis la lame siffla succinctement. Comme par magie, le feu se propagea sur le tas de bois amassé dans l'âtre de la cheminée. La pièce s'illumina tout à coup dans un halo orangé chatoyant et la chaleur des flames vint lui caresser de manière séductrice, ses jambes frigorifiées.
L'éclat argenté de l'acier rayonna quand l'épéiste rangea sa lame Wado Ichimonji, dans son fourreau blanc. Il se tourna vers elle, avec un sourire arrogant tandis que la lueur des flames se reflétaient dans sa pupille solitaire.
- Alors, mieux ?
- Parfait ! répondit-elle en sautant sur ses pieds pour rejoindre la source de chaleur providentielle.
L'expression de son visage fut impayable. Son œil s'était écarquillé et sa bouche s'était tordue dans une mimique grotesque, alors qu'il l'observait marcher sans problème. Nami l'ignora et plaça ses mains devant le foyer avec un soupir d'aise. Ça faisait un bien fou !
- Par contre, il n'y aura pas assez de bois pour toute la nuit, et mieux vaut éviter de sortir…
- Quoi ?! Mais comment on va faire ?!
- Bah vu que t'es en état de marcher, t'as qu'à chercher de quoi se couvrir. Moi, je vais voir s'il y a quelque chose à manger, grommela le gorille aux cheveux verts.
La rouquine ouvrit la bouche pour protester mais il avait déjà quitté la pièce. Crétin ! Pas question de s'aventurer où-que-ce-soit avant de s'être réchauffée un peu ! Elle pesta une nouvelle fois contre son nakama tout en se pelotonnant contre la cheminée.
Pendant ce temps, son regard balaya le petit salon. Une table en bois, poussiéreuse, entourée de quatre chaises, elles-mêmes couvertes de toiles d'araignées tissées comme des voiles de mariées macabres. Quelques objets de décorations modestes, comme des vases ou bien des cadres aux motifs fleuris, ornaient les murs ainsi que le tablier de la cheminée. Aucune photo n'avait été laissées pour témoin, de la vie qui avait habité ce lieu, mais ce n'était pas plus étrange que les barricades sur les fenêtres. Une drôle de sensation se fraya un chemin dans son esprit à la vue des volets fermés ainsi que des planches en bois qui scellaient définitivement les fenêtres et condamnaient l'intérieur à l'obscurité.
Pourquoi les avoir protégés la sorte ?
Quand ses doigts retrouvèrent de la sensibilité et qu'ils retrouvèrent une couleur normale, elle décida de quitter sa doudoune toute trempée. Elle tira une des chaises qui encerclaient la vieille table, pour l'approcher du foyer et placer son manteau sur le dossier. Cela ne réglait que partiellement un problème plus grand, qui rejoignait celui qu'avait évoquer Zoro. Il leur faudrait d'autres vêtements afin de combattre le froid et pour permettre à tous leurs vêtements de sécher. L'idée de s'aventurer dans cette demeure abandonnée, n'avait rien d'attrayant, mais c'était le prix à payer pour peut-être avoir des vêtements secs.
A l'autre bout de la maison, elle entendit Zoro farfouiller bruyamment dans les placards et grogner, signe que la chasse ne devait pas être bonne. De son côté, Nami attrapa une bougie qui trainait sur un vieux candélabre, puis porta la mèche aux flames pour qu'elles la lèchent de leur langue brulante.
Avec le vent à l'extérieur, les boiseries de la maison craquaient de façon sinistre et lui faisait hérisser les cheveux à la base de la nuque. Ses yeux parcouraient vivement les ombres que sa petite bougie n'arrivait pas à atteindre, tandis qu'elle s'aventurait un peu plus profondément dans le ventre de la bâtisse. Dès qu'un bruit inconnu survenait, la jeune femme sursautait et elle étreignait un peu plus son climat-tact qu'elle tenait contre sa poitrine.
Il y avait des toiles d'araignées partout, au plafond, dans le coin des murs, sur les meubles, sans parler de la quantité faramineuse de poussière, que la lueur de la bougie révélait dans son halo. Ceci dit, Nami avait fréquenté des endroits plus effrayants que celui-ci, mais ça ne faisait pas d'elle une grande fan non plus.
Une première porte se profila devant elle, close bien évidemment, et la navigatrice ressentit quelques appréhensions à l'ouvrir, ne sachant ce qu'elle allait rencontrer derrière. D'une main fébrile, posée sur la poignée ronde, elle l'actionna doucement puis récupéra son climat-tact au moment de l'ouvrir. Le faible halo orangé vacilla mais révéla une salle de bain pourvue d'une douche ainsi que d'un lavabo avec un miroir au-dessus, terni de poussière. L'humeur de la rouquine s'améliora aussitôt avec la perspective de prendre une douche chaude. Alors quelle ne fut pas sa déception quand, après avoir tourné les robinets d'eau, aucune goutte ne sortit. Elle aurait pourtant dû s'en douter, avec ce froid, les canalisations avaient dû geler. Adieu douche chaude, adieu corps tout propre et tout chaud…
Nami referma la porte, démoralisée, mais pas vaincue. Il restait encore trois portes à visiter. Derrière la suivante, s'avéra être les toilettes, mais sans eau non plus, ça n'avait pas trop d'intérêt. La seconde révéla l'existence d'une chambre et elle reprit espoir.
Comme dans le salon, Nami ne put s'empêcher de noter avec une certaine inquiétude, que les volets avaient été fermé mais les fenêtres étaient également barricadées. Comme si les propriétaires avaient voulu se protéger de quelque chose. Cette perspective lui fit froid dans le dos.
Elle entra tout doucement, vigilante au moindre son et au moindre mouvement suspect, pour se diriger vers la penderie entrouverte. Cette dernière émit un grincement aigu qui lui colla la chair de poule quand elle tira lentement la porte, puis quelque chose la bouscula et la força à s'ouvrir en grand. Un claquement d'aile fouetta l'air et effleura les cheveux de Nami qui fit un bond en arrière.
- AAAAHHH !
La chose noire vola furieusement au plafond, avant de disparaitre par la porte, laissant la jeune femme tremblante et le cœur sur le point d'exploser.
- NAMI ?! l'appela Zoro d'une autre pièce.
- Ça va ! Je vais bien ! c'était juste une chauve-souris.
Juste une chauve-souris, se répéta-t-elle mentalement pour se rassurer après cet ascenseur émotionnel. Au loin, elle entendit l'épéiste marmonner quelque chose, certainement un qualificatif peu glorieux à l'encontre sa personne.
Encore tremblante, Nami inspecta l'intérieur de la penderie, pour faire le constat désespérant qu'elle était vide. Elle fouilla plus amplement la chambre sans découvrir le moindre vêtement. Toutefois, la présence d'une couverture et d'un matelas sur le lit, fut noté de façon appréciative dans son esprit.
Rien n'était perdu, il restait encore une pièce à explorer. Nami se dépêcha de ressortir car elle sentait que le froid se faisait plus insistant, et elle se tardait de rejoindre le salon pour se remettre devant le feu.
La dernière pièce lui laissa un profond sentiment de malaise. Non pas parce qu'il n'y avait pas non plus de vêtements, mais parce que les diverses peluches et les quelques dessins accrochés aux murs, témoignaient jadis, de la présence d'un enfant. La fenêtre était dans le même état que ses voisines, et ne pas connaitre le sort qu'avait subi cet enfant, perturba Nami. Est-ce que ses parents et lui avaient réussi à partir de cette maison sains et saufs, ou bien leur était-il arrivé malheur ? Elle préféra ne pas penser à cette dernière option.
Quand elle revint dans le salon, Zoro l'attendait, assis sur une chaise, prêt du feu, un tisonnier à la main.
- Alors ? s'enquit l'épéiste en levant un sourcil.
Nami vint s'assoir sur la chaise voisine et soupira de lassitude.
- Rien. Pas de vêtements. Par contre il y a un lit avec une couverture qui m'a l'air assez chaude. Et toi ? Tu as trouvé quelque chose ?
Zoro replongea son regard dans les braises ardentes et les attisa en bousculant une bûche.
- Non. Tout n'est que poussière. Si quelqu'un a habité cette maison, c'était il y a très longtemps.
La jeune femme hocha la tête et plongea dans un silence méditatif en observant le jeu des flames dans le foyer. Elle repensa aux peluches ainsi qu'aux dessins, et ramena ses jambes contre elle pour poser son menton sur ses genoux.
- Il y avait un enfant ici, marmonna-t-elle d'un air sombre. Tu crois qu'il leur ait arrivé malheur ?
- J'en sais rien…
- T'as vu les fenêtres, les gens ici, essayaient de se protéger de quelque chose. Est-ce que ça aurait un lien avec ce qui nous a poursuivi dehors ?
L'épéiste parut réfléchir.
- Peut-être… bien que je n'aie pas la moindre idée de ce que c'était. En tout cas, j'ai juste senti la présence d'un danger mortel.
Nami se recroquevilla un peu plus et son humeur se détériora.
- Mais si tu dis qu'il n'y a pas de vêtement, et que je n'ai pas trouver de nourriture, cela signifie que ces gens ont surement dû partir pour s'installer ailleurs. Il est possible qu'ils soient allés dans la ville où nous étions ce matin.
Cette pensée la rassura et elle tourna la tête pour offrir un sourire de remerciement à son nakama. Parfois, en de rares occasions, Zoro pouvait se montrer compatissant, et il lui arrivait de faire preuve de gentillesse, malgré qu'elle soit dissimulée derrière un masque impassible. C'était un trait qu'elle appréciait chez lui. Zoro était quelqu'un de pudique, mais c'était ce qui le rendait touchant. Ils replongèrent dans le silence contemplatif du brasier, chacun perdu dans ses propres pensées. Elle imagina ses nakamas en train de s'amuser et de faire la fête, avec des verres de vins chaud épicés ou de chocolat chaud à la main. Nami soupira.
Soudain un clop-clop, répétitif attira l'attention de la rouquine, et celle-ci glissa un coup d'œil à ses pieds. Des gouttelettes s'échappaient à la base de son pantalon et allaient s'écraser sur le plancher. Plusieurs tâches sombres maculaient le sol de chaque côté de sa chaise, et tout à coup, elle fut prise d'un violent frisson. C'est vrai que ses vêtements étaient toujours trempés. Ils la collaient de manière très désagréable et l'empêchaient de se réchauffer complètement.
- Tu devrais quitter tes vêtements et les mettre à sécher, lui conseilla Zoro.
Nami sortit de sa torpeur pour lui jeter une œillade dubitative. Il fut un temps une requête pareille l'aurait déstabilisée et fait imaginer des choses peu appropriées, mais aujourd'hui ce genre réplique tendancieuse, la blasait.
- Je croyais que mon corps ne t'intéressait pas ?
Il fit la grimace et détourna le regard.
- C'est pour toi que je dis ça. Tu ne peux pas le voir, mais t'as encore les lèvres bleues, et si tu chopes la crève, c'est sur moi que ça va retomber. Mais tu fais comme tu veux…, bougonna l'ancien chasseur de pirates.
- D'accord. Mais dans ce cas, vas chercher le matelas et la couverture qui se trouvent dans la chambre.
- Hein ? Pourquoi ? Fais-le toi-même !
- D'une : parce que la chambre est beaucoup trop éloignée du salon et qu'il y fait un froid de canard, et comme tu l'as si bien dit, si j'attrape froid, Chopper et Sanji ne te lâcheront pas d'une semelle. De deux : si je dois quitter mes vêtements, je veux quelque chose pour me couvrir. Et de trois : tu es le plus fort de nous deux, alors ramener un matelas ne devrait pas te poser de problème.
- Tss ! Sorcière ! siffla-t-il entre ses dents avant de se lever.
Quelques instants plus tard, un matelas atterrissait derrière elle avec un grand « pouf » et provoquait une envolée de poussière qui la fit éternuer plusieurs fois de suite.
- Espèce d'idiot ! tu pourrais poser ça plus délicatement !
- C'était pas précisé dans ta requête.
Elle se disait bien aussi… Zoro était beaucoup trop obéissant, ça ne lui ressemblait pas et elle commençait à se poser des questions. Mais avec ce genre de réplique, la voilà rassurée.
La couverture, roulée en boule, qui jonchait le matelas, rappela à la jeune femme, qu'elle devait se dévêtir. Brrr ! Nami frissonna rien qu'à l'idée que sa peau nue soit exposée au froid mordant de la pièce, que le feu combattait pourtant vaillamment. Bon bah quand faut y aller…
Continuant de s'étreindre les bras, elle se leva de sa chaise, sous le regard scrutateur de son camarade. Pendant deux secondes, la jeune femme le fixa avec une mimique désabusée tandis qu'il fronçait les sourcils, comme s'il attendait quelque chose.
- Quoi ? lâcha-t-il finalement d'un air bougon.
Nami roula des yeux face à son manque de jugeote, et décida de l'embêter un peu pour la peine.
- Rien. Juste pour info, si tu comptes regarder, ça te coûtera 200 000 Berrys.
Pour se montrer plus clair (car ses sourcils en étaient presque rendu à ne faire qu'un), la rouquine attrapa le bas de son t-shirt à manches longues et le releva jusqu'au-dessus de son nombril. Cela lui fit l'effet d'une gifle quand il saisit enfin de quoi elle parlait et Zoro se retourna vivement.
- T'aurais pu me le demander directement au lieu de me menacer d'extirper l'argent que je n'ai pas ! râla le bretteur.
Nami esquissa un rictus malicieux et se dépêcha d'ôter tous ses vêtements, jusqu'au dernier, puis de les placer sur le dossier de sa chaise. Elle s'enroula ensuite dans la couverture, qu'elle sécurisa d'une main au-dessus de sa poitrine, pour enfin reporter son attention sur Zoro. Il était toujours dos à elle, et patientait le temps qu'elle lui indique le moment où il pourrait se retourner. Et dire que c'était son idée… Jamais elle ne se serait imaginé que Zoro lui dirait de se déshabiller… à part dans ses fantasmes les plus secrets… mais ça, c'était tout autre chose. Et puis, la remarque sur la couleur de ses lèvres, l'avait également étonné. On aurait dit… qu'il s'inquiétait pour elle. C'était comme quand elle était tombée dans l'eau, il avait eu un regard étrange…
Non. Elle se faisait des idées, et celles-ci ne la mèneraient qu'à se faire du mal. Zoro se souciait peut-être un peu d'elle, mais tout simplement parce qu'ils étaient nakama, rien de plus.
- C'est bon, tu peux te retourner.
En tout cas, il n'avait pas tort. Ne plus avoir ses vêtements collants qui la gelaient jusqu'à l'os, était appréciable, même si sa peau restait toujours glacée. Zoro jeta un coup d'œil méfiant par-dessus son épaule, afin de savoir si elle le piégeait ou non (le plus difficile c'était de savoir s'il craignait qu'elle ne le rançonne à la vue de son corps nu, ou bien si c'était son corps nu qui l'effrayait ?) et cela l'agaça.
Sans l'attendre, Nami s'installa sur le lit de fortune et tourna le dos, à son tour, à l'épéiste.
- Tu devrais aussi quitter tes vêtements, ils sont autant trempés que les miens.
- Ça ne me fait rien, répondit-il d'un ton bourru.
Elle soupira. Ce qu'il pouvait être pénible à jouer les gros durs insensibles ! Elle l'avait pourtant vu frissonner quelques minutes plus tôt !
- Ne sois pas plus stupide que tu ne l'es déjà ! je sais que tu te les gèles, alors mets tes fringues à sécher ! ordonna sèchement Nami.
- Hey ! t'es pas mon capitaine ! J'ai encore le droit de choisir de garder mes fringues si je veux ! Sorcière tyrannique.
- Oh je vois…, commença-t-elle d'une voix mielleuse. Je te fais peur à ce point ?
- QUOI ?!
- Ne t'en fait pas ! s'amusa la jeune femme. Je te promets de ne pas regarder ni même de faire de commentaire, si c'est ça qui te bloque….
- Arrête tes conneries ! Comme si une sorcière comme toi me faisait peur ! Tss !
Un froissement furieux résonna dans le silence qui suivit cette déclaration, et le sourire de Nami s'élargit d'une oreille à l'autre. Sa fierté le rendait tellement manipulable, mais en l'occurrence, c'était pour son bien.
Un coup sec sur le bout de sa couverture, manquât de lui faire échapper celui qu'elle tenait dans sa main au-dessus de sa poitrine, pour l'empêcher de tomber, et l'arracha à son moment d'auto-félicitation pour ses talents de marionnettiste.
- HEY ! qu'est-ce que tu fais ?!
Par réflex, elle planta ses coudes contre son corps et tira son bout de couverture à deux mains, tout en se forçant à garder la tête à l'opposé de son camarade. Elle lui avait promis qu'elle ne regarderait pas, et elle n'avait qu'une parole.
- Oi ! Donne-moi un peu couverture !
- Pas question !
- Arrête de tout garder pour toi ! J'vais pas rester à poil !
- T'as qu'à t'en trouver une autre ! Tu vois bien qu'il n'y en a pas assez pour deux !
- Mais y'en n'a pas d'autre !
D'extérieur, Nami était prête à parier que la situation avait l'air comique. Elle qui était assise sur le matelas, les jambes repliées sous elle, qui tirait sa couette sans lever les bras, et lui, debout, à l'autre bout du lit, le sifflet à l'air, en train de tirer de son côté pour un maigre morceau de tissu. Cependant, à cet instant, elle n'avait pas franchement envie de rire. Elle luttait pour garder sa chaleur durement acquise, ainsi que sa dignité.
- T'es pas possible ! râla le bretteur.
La tension sur la couverture s'interrompit brusquement tandis que Zoro venait de lâcher son morceau, mais ce qui ne retint pas Nami de resserrer un peu plus sa prise de son côté. Elle hésita à redresser la tête pour lui jeter un coup d'œil, car un Zoro qui abandonnait aussi facilement, ça flairait l'embrouille. Et à raison ! Le matelas se creusa soudainement à côté d'elle, la jeune femme se sentit happer par la pente qui venait de se former. L'extrémité de la couverture bougea à nouveau, juste à temps pour la voir couvrir la taille de son compagnon au moment au Nami tourna enfin la tête. Ses grands yeux ronds couleur noisette fixèrent avec incrédulité, l'épéiste allongé sur son matelas à elle ! Il s'était couché à bonne distance tout de même, sur son flanc gauche afin de lui exposer son dos, avec un bras replié sous sa tête, en guise d'oreiller. Son autre main maintenait de façon sécuritaire, la couverture sur ses hanches. Cet idiot eut même l'audace de fermer l'œil pour commencer à s'endormir.
- Que… qu'est-ce que tu fais ?!
- J'économise la couverture. Et là, je m'apprête à dormir.
- A-attend ! tu ne peux pas dormir là !
Sa paupière s'ouvrit et la pupille grise qu'elle abritait dériva lentement vers la jeune femme avec un profond ennuie.
- Et pourquoi pas ? C'est bien moi qui aie amené ce matelas ici ainsi que cette couverture. J'ai autant le droit d'en profiter que toi.
Nami sentit ses joues s'empourprer car elle était en perte d'arguments. Elle remonta un peu plus la couverture et soutint son regard malgré tout.
- Mais… mais… t'as dit tout à l'heure que tu n'avais pas froid ! Et je t'ai vu dormir à même le sol !
- Tout à l'heure, je n'avais pas spécialement froid. T'as tenu à ce que je quitte mes fringues, mais c'est pas pour autant que j'ai envie de rester à poil. Alors maintenant, fiche-moi la paix et laisse-moi dormir.
Il réajusta sa position en roulant son épaule, tira un peu sur la couverture, pour se préparer à plonger dans le pays des songes. En voyant son visage paisible, Nami dut ravaler sa fierté après cette cuisante défaite. Ses yeux s'attardèrent sur le torse dénudé de son compagnon, plus précisément sur les muscles saillant de son bras, son dos et ses épaules, avec la soudaine envie de savoir quelle sensation ils provoqueraient sous son toucher.
Le rouge s'étendit sur son visage jusque dans son cou, alors que ses pensées prenaient un chemin dangereux et absolument prohibé. Au lieu de cela, elle devait employer son esprit à chercher désespérément un moyen de l'éjecter hors du lit. Cependant, après tout ce qu'il avait fait pour elle aujourd'hui, le laisser en proie aux griffes acérées du froid, lui paraissait injuste et c'était ce qui la frustrait le plus.
- Pauvre nul !
D'un geste sec, elle s'enroula un peu plus dans la couverture et s'allongea à son tour, bien au bord du matelas, mais surtout dos au bretteur. Si un jour on lui avait qu'elle se retrouverait nue dans un lit avec Zoro… la personne se serait pris un sacré coup de poing dans le pif pour se moquer d'elle aussi impunément. Comment faisait-il pour pouvoir s'endormir aussi rapidement dans une situation autant gênante qu'inconfortable ? Bien sûr, elle connaissait la réponse : il s'en fichait.
Bon d'accord, elle ne devrait pas trop se plaindre, car cela aurait pu être Sanji à la place de l'épéiste, et autant dire, que la partie « séchage de vêtement » aurait été nettement plus folklorique. Le cuisinier se serait vidé de son sang au simple fait de les imaginer tous les deux nus, avec sa Nami-Chérie sans personne pour les déranger, devant un feu de cheminée.
Donc avoir quelqu'un qui prenait la situation avec platitude devrait la rassurer, mais c'était plus fort qu'elle, son esprit carburait à toute vitesse et la maintenait éveillée. C'était le rapprochement le plus intime qu'ils aient eu depuis… depuis toujours en fait, et cela la perturbait.
Perdue dans son tourments émotionnel, Nami laissa errer son regard sur l'âtre où les flames effectuaient leur danse lascive. Dehors, elle pouvait entendre le vent hurler sa sinistre complainte, qui faisait frémir la structure de la bâtisse. Quelques courants d'air persévérants arrivaient à se frayer un chemin dans le conduit de la cheminée et venaient perturber la danse des flames. Elles ployaient sous la caresse invisible avant de se rebiffer pour bruler avec plus de ferveur.
Petit à petit, ce petit jeu l'apaisa doucement et le doux crépitement du bois qui se consumait, la berça. La fatigue des évènements de la journée commença à se faire ressentir dans son corps. Zoro avait peut-être raison, dormir aiderait à faire passer ce moment inconfortable plus vite. Nami ferma les yeux et écouta le chant des flames ainsi que le hululement du vent, qui la guidèrent vers le vaste territoire des rêves.
…
- NAMI ! ZORO !
Une nuée d'oiseaux s'envola des arbres en lisière de la forêt de sapins enneigés. Le cri se répéta une nouvelle fois, tonitruant et nasillard, perturbant le silence apathique qui régnait. Une silhouette sombre et longiligne, à la chevelure blonde, se faufila entre les troncs d'arbres :
- NAMI-CHERIE ! OU ES-TU MA DOUCE ?!
- ZORO ! NAMI ! appela une petite voix aigüe.
La truffe bleue au vent, le petit renne huma les diverses odeurs que le vent polaire lui apportait, mais rien qui ne ressemblait à celle de l'épéiste ou de la navigatrice. La ville était derrière eux, et pourtant, les odeurs de cannelle, d'orange et de clous de girofle arrivaient encore à perturber son sens olfactif. Il leva les yeux vers l'épais ciel grisâtre et l'inquiétude s'accrut dans sa petite poitrine.
- Oi Chopper ! l'interpela Sanji. Tu as une piste.
Le médecin secoua la tête négativement et son regard dériva sur Luffy qui continuait de scander le nom de leurs amis.
- Tss j'espère que ce crétin de Marimo ne leur a pas attiré d'ennuie, ronchonna le cuisinier.
Si ce qu'avait dit Robin se confirmait et que les deux étaient parti en quête d'un trésor, il y avait peu de chance que l'aimant à ennuie soit leur ami bretteur, mais Chopper se garda d'en faire la remarque auprès de Sanji. En tout cas, la nuit allait bientôt tomber, et aucun des deux n'étaient encore revenus. Un peu plus tôt, leur petite équipe de recherche avait suivi leurs traces jusqu'au pieds de la montagne, mais ensuite, Chopper avait perdu la piste olfactive. Et après avoir cherché dans le secteur, sans rien trouver, ils avaient finalement rebroussé chemin, en espérant les revoir au village. Sans succès là non plus.
- Du nouveau ? s'enquit une voix féminine dans leur dos.
Les deux camarades se retournèrent pour voir Robin surgir avec un long manteau à fourrure.
- Toujours rien.
Elle acquiesça sombrement.
- Luffy ? appela-t-elle.
Le jeune garçon s'immobilisa tout en gardant le regard rivé sur l'obscurité qui rampait au pieds des arbres vers le cœur de la forêt. Son visage était fermé et ses poings étroitement serrés par la frustration.
- Je n'aime pas ça, Robin, commenta-t-il.
- Je comprends. Mais nous devrions rentrer à l'auberge. J'ai parlé à l'ancien du village qui tient l'auberge, et d'après lui, mieux vaut ne pas s'attarder dehors lorsque la nuit tombe. Nous pourrons reprendre les recherches demain matin ?
Les trois garçons hésitèrent.
- Nami est avec Zoro, je sais qu'elle ne craint rien. Mais il y a quelque chose qui me dérange dans ses bois, admit Luffy.
- Ouais, moi aussi, acquiesça Sanji en exhalant une bouffée de fumée de cigarette.
Lorsqu'ils arrivèrent à l'auberge, le reste de l'équipage les attendaient avec un petit homme rabougri, dont les sourcils étaient tellement épais, qu'ils lui cachaient les yeux. L'ancien portait un pull rouge, tricoté à la main, dont les motifs évoquaient des flocons de neige ainsi que des petits rennes. Il s'agissait d'une sorte de tradition sur cette île, car tous les villageois portaient ce même genre de pull dans des tons différents. D'ailleurs, les Chapeaux de paille s'étaient mis à la page, et tous arboraient ceux qui leur avaient été gracieusement offert par la maîtresse des lieux.
Les visages se ternirent à la constatation que les deux plus anciens membres manquaient encore à l'appel. Franky, Brook, Ussop et Robin avaient également fait des recherches de l'autre côté du village, sans plus de résultats. Une habitante avait alors informé l'archéologue qu'elle avait bien vu le jeune homme aux cheveux verts et la jeune femme rousse, partir ensemble vers la montagne. Un autre lui avait confié avoir été témoin d'un groupe d'hommes en train de pester pour s'être fait dérober une carte au trésor. La jolie brune avait vite assemblé le puzzle pour effectuer une reconstitution de ce qu'il s'était passé, puis en avait informé ses nakamas. Cependant, ce que lui avait raconté l'aubergiste, ne la rassurait guère.
- Ah ! Vous voilà ! s'exclama une vieille femme vêtue d'un épais pull vert en laine, aux motifs variés.
Elle venait de surgir de leur gauche avec un plateau entre ses mains noueuses, sur lequel reposaient sept tasses fumantes. Une douce odeur de chocolat chaud aux épices, accompagnés de biscuits à la cannelle, embauma la pièce à son passage et les yeux de Chopper s'illuminèrent.
- Venez ! ne restez pas planter-là dans l'entrée ! Vous devez avoir faim ! déclara-t-elle avec bienveillance.
A cette évocation, le ventre de Luffy gargouilla, tel un ours. Elle trottina devant eux, en faisant trainer ses pantoufles sur le carrelage, quand tout à coup :
- LORIO ! EMMENE CES JEUNES GENS DANS LE SALON ! OU LE GRAND FROID VA TOUS NOUS PETRIFIER !
Le groupe de pirate sursauta face à ce brusque changement d'intonation, qui n'avait plus rien d'aimable. Lorio, ils apprirent que c'était le nom de l'ancien, marmonna quelque chose dans sa barbe à propos d'une affreuse bonne-femme, mais s'exécuta.
- Venez par ici, les invita-t-il à le suivre.
Comme ils avaient pu le voir un peu partout en ville et dans les diverses boutiques, un immense sapin entièrement décoré de guirlandes et de boules colorées, trônait dans un coin du salon, touchant presque le plafond. Rassemblé près du feu de l'immense cheminée centrale en pierre, où deux grandes chaussettes rouges y avaient été suspendues, l'équipage au Chapeau de paille prêtait une oreille plus ou moins attentive selon ses membres, à ce que racontait le propriétaire de l'auberge.
- Comme vous le voyez, nous vivons sur une île hivernale, la neige ainsi le froid font partis de notre quotidien. Cependant, durant deux mois de l'année, un froid mortel s'installe sur l'île à la nuit tombée. C'est un phénomène naturel que nous appelons Grand Froid. Sans la moindre source de chaleur, une caresse du vent suffit à vous figer sur place et la glace s'empare immédiatement de vous. Pour l'avoir vu de mes yeux, un vol d'oiseau entier s'est retrouvé congelé en plein vol, et ils se sont tous écrasé à terre, sans vie. C'était un spectacle sinistre. Le Grand Froid n'épargne rien ni personne. Beaucoup de gens, le plus souvent des visiteurs qui ne connaissent pas le coin, se font avoir et perdent la vie. Voilà pourquoi, avec le temps, notre île a été considéré comme maudite, et que peu de navires s'arrêtent ici.
Il y eut des hoquets de surprises dans l'assemblé, dont deux d'angoisse, de la part du sniper et du musicien.
- Mais c'est horrible ! s'écria Ussop.
- Alors, ça veut dire que Nami et Zoro sont peut-être mort à l'heure qu'il est ! S'affola Chopper.
- Il faut aller les secourir ! s'écria Luffy.
- Nami-Chérie ! Je viens te sauver !
Les hommes s'agitèrent, prêts à se jeter sur la porte afin de foncer tête baissée dans l'obscurité de la nuit.
- Vous venez dire que certaines personnes avaient survécu, il me semble ? temporisa Robin de sa voix calme.
La remarque de Robin apaisa les ardeurs et attira l'attention des garçons qui écoutèrent attentivement où elle voulait en venir. Lorio hocha la tête en se caressant ses sourcils broussailleux.
- Effectivement. Vous pouvez vous en sortir, si par miracle vous parvenez à vous abriter.
- Si vos amis sont bien partis du côté de la montagne, il est possible qu'ils aient trouvé refuge dans l'une des maisons abandonnées qui parsèment le nord de l'île à cette époque de l'année, ajouta la vieille dame. Beaucoup de gens sont venus habiter ici pour les deux mois, ou de façon permanente. C'est le cas pour nos enfants et petits-enfants. Nous hébergeons pas mal de familles, le temps de la période du Grand Froid. Cela change pas mal le visage de ce village, lui qui d'habitude est si monotone, le voilà plein de vie et d'animation ! Et c'est pour nous l'occasion de profiter de nos petits-enfants, ce qui tombe à pic, car c'est également à cette période que nous fêtons Noël !
- Mais s'il suffit de s'abriter, pourquoi les gens descendent-ils ici ?
- Certains choisissent de rester, mais le risque est plus grand. Le Grand Froid est pernicieux, voyez-vous. Le vent qui souffle la nuit est violent, il peut parfois casser les fenêtres, ou encore les portes et s'engouffrer dans votre maison. Même un feu de cheminée ne suffit pas à l'arrêté une fois qu'il est entré.
Le visage de Lorio s'assombrit.
- Quelques familles ont perdu la vie ainsi, piégé dans leur sommeil à jamais.
Le triste sort de ces personnes qu'ils ne connaissaient pas, plomba le moral des Chapeaux de paille, qui se murèrent dans un silence désolé.
- J'espère que Nami et Zoro vont trouver de quoi se réchauffer, et que le Grand Froid ne les touchera pas, pria le petit renne en baissant la tête.
Ils avaient tous confiance en leurs deux camarades, mais la part d'incertitude qui régnait, les empêchait d'avoir l'esprit serein.
- Ah… si seulement c'était moi qui avais accompagné Nami-Chérie, j'aurais pu la tenir au chaud contre moi. Nous aurions fait un feu et nous nous serions serrés l'un contre l'autre au pied de la cheminée…
Le cuisinier se dandina sur place en s'étreignant, les yeux débordants d'amour. Il s'y voyait très bien, et le romantisme de la situation ne lui échappait pas. Il imagina sans mal, les courbes généreuses de la jolie rousse, pressées étroitement contre lui, la chaleur qui se propageait dans leurs corps et qui…
Un filet de sang dégoulina de son nez alors que Sanji se perdait dans le fantasme que lui faisait miroiter son esprit perverti.
- Oh ! Est-ce que tout va bien, jeune homme ? S'inquiéta la mamie en voyant la quantité de sang qu'échappait du blond tandis que celui-ci semblait dans un état de transe.
- Sanji ! s'écria Chopper en panique à l'idée qu'il fasse une énième anémie.
Tout à coup, les mièvreries du cuisinier s'arrêtèrent et il prit un air grave qui inquiéta encore plus le médecin. Le blond réalisa que Nami n'était pas seule, mais qu'en plus, le cactus l'accompagnait. Soudain, l'image de l'épéiste supplanta celle de Sanji dans le fantasme qu'il s'était dépeint, et l'horreur de la scène le glaça d'effroi. Puis, sous le regard incrédule de la vieille femme, le cuisinier s'enflamma
- SI JAMAIS CE MARIMO TOUCHE A MA PRECIEUSE NAMI-CHERIE ! JE LUI PLANTE SES STUPIDES SABRES DANS LE CORPS ET JE M'EN SERS DE TOURNE-BROCHE POUR LE FAIRE RÔTIR !
Ses nakamas, habitués à ce genre d'excès de colère, secouèrent la tête de désespoir. Aucune chance que Zoro ne fasse la moindre approche, surtout pas avec Nami. C'était un coup à y laisser la vie. Mais ils laissèrent la colère du cuisinier se consumer, inutile de le raisonner dans des moments pareils.
- Le Grand Froid ne vient pas jusqu'ici ? s'étonna Franky pour détourner l'attention.
- Oh si, se désespéra le vieil homme. Certains malheureux se sont fait avoir, pensant que ce phénomène, ou malédiction comme l'appel d'autres, ne touchait que le nord. Mais en réalité, le Grand Froid est partout, mais nous avons de la chance ! Vous avez certainement dû remarquer les fumeroles qui s'échappent un peu partout dans le village ? Eh bien il se trouve que sous nos pieds, à plusieurs mètres de profondeurs, se trouve une immense source chaude. Nous nous en servons pour alimenter les bains publics, ainsi que les habitations en eau chaude. Il y en a d'autre plus au sud de l'île.
- Vous pensez que c'est ce qui vous protège du Grand Froid ? Demanda Robin dont la curiosité s'était soudainement accrue.
Les deux personnes âgées acquiescèrent.
- Il n'y en a pas dans le nord, et c'est là la seule différence que nous ayons constatée. Ces sources sont une bénédiction pour notre région. En plus de nous garantir la santé, elle nous protège du froid mortel. Mais mieux vaut ne pas trop vous éloigner de la ville, du moins, tant que le soleil n'est pas levé.
Luffy parut songeur un instant, et les membres de l'équipage l'observèrent, curieux de connaitre sa décision. Finalement, le jeune homme afficha un grand sourire
- Je suis sûr qu'ils vont bien et qu'on les reverra demain !
Il attrapa sa tasse de chocolat fumant, où de petites guimauves flottaient tranquillement, et se lécha les babines. Ses nakamas sourirent à leur tour et l'imitèrent. Chacun adressa une pensée à leurs camarades perdus dans les montagnes, et espérèrent qu'ils allaient bien.
A suivre…
La deuxième partie devrait arriver la semaine prochaine. Je travaille sur la traduction de ce texte, mais vu la longueur, ça me prend un temps monstre T.T, en tout cas, lorsqu'elle sera terminée, les deux versions seront sur AO3.
En attendant, je vous souhaite un Joyeux Noël !
A bientôt !
