CHAPITRE 3 :

Hermione ne savait pas vraiment pourquoi elle avait offert cette poignée de main à Draco. Il y avait quelque chose dans sa voix : pas vraiment de la colère - ou pas envers elle en tout cas. De la colère contre lui même – ou peut-être contre le monde entier. Il y avait aussi quelque chose dans le gris de ses yeux : l'hésitation à accepter ce possible nouveau départ. Et Hermione su à ce moment là qu'elle effrayait Draco bien plus qu'il ne l'effrayait elle.

- Alors, la poignée de main a aidé ou il est toujours bizarre ?

Hermione et Ginny s'étaient portées volontaires pour aller chercher des couverts supplémentaires dans la cuisine pour qu'Hermione puisse tenir son amie au courant des dernières nouvelles sans être espionnée.

- Oui, sincèrement je pense que ça a détendu l'atmosphère. Le reste de la semaine était relativement normal. Même s'il s'est un peu emporté face à ma proposition de loi pour les centaures.

- Ça veut dire que tous les deux vous êtes... amis, maintenant ?

Avant qu'Hermione n'ait pu répondre à sa question, une autre voix résonna à travers la cuisine.

- Gin, ta mère m'envoie pour vous aider, ou plutôt, je cite : « aller voir, par Merlin, ce qui leur prend autant de temps pour ramener des satanés couverts ».

Hermione et Ginny gloussèrent face à l'imitation assez réussie de Molly Weasley. Comme elles avaient fini de rassembler la vaisselle qu'elles avaient promis de ramener, Harry laissa passer Hermione devant et fit un pas en arrière vers Ginny.

- J'ai besoin de m'inquiéter ? Murmura-t-il.

Sa femme lui sourit à peine, ne dévoilant pas le moindre indice.

- Non, et ne pense même pas à la harceler de question, sale fouineur. Hermione est une sorcière adulte, ses affaires ne regardent qu'elle.


Avril 2007

- Oh allé ! C'est une infime partie du budget.

Draco leva les yeux au ciel.

- Granger, tu es intelligente c'est un fait, mais je ne comprendrai jamais ton manque de connaissance quand il s'agit du Quidditch.

Hermione souffla et s'appuya contre le dossier de sa chaise.

- Tu es en train de me dire que tu n'es pas du tout choqué par le budget que le Ministère à alloué au Département des Jeux et Sports Magiques ?

- A vrai dire Granger, puisque mon train de vie dépend de ce pauvre et misérable sport plus connu sous le nom de Quidditch, je pense que tu te doutes que je trouve ça plutôt encourageant, dit-il avec un sourire en coin.

Hermione eu un reniflement indigné avant de se ressaisir et d'éviter de croiser le regard de Draco, ayant l'air quelque peu honteuse.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Rien. C'est juste... rien.

- Allé, crache le morceau Granger.

Hermione soupira mais n'osa toujours pas croiser son regard. Draco remarqua le rose qui commençait à se dessiner sur son visage.

- J'allais faire un trait d'esprit assez déplacé sur ta fortune mais... On s'entend si bien ces derniers temps que je ne voulais pas tout gâcher avec des gamineries insultantes.

C'était vrai. Tous les jours de ce mois-ci avant d'aller au travail avaient été plutôt agréables. Draco avait toujours des cauchemars occasionnels et même si certains jours, les poches sous les yeux d'Hermione étaient d'aucune indication, elle aussi avait son lot d'insomnies. Mais en dépit des terreurs nocturnes, Draco savait que s'il survivait au moins jusqu'au coffee shop, alors la journée pouvait encore s'améliorer. Pendant une réunion à l'agence la semaine précédente, Draco avait même répondu par « bien » lorsqu'un collègue lui avait demandé comment il allait. Le jeune homme avait levé un sourcil ce qui avait poussé Draco à donner des réponses plus neutres à l'avenir. Mais il ne pouvait pas s'empêcher de penser au fait que le mot « bien » avait glissé de ses lèvres.

- Tu m'as à peine ébranlé Granger. Je pourrais vivre dix vies et à peine dépenser la surface de l'or des cachots de ma famille. Je n'ai pas besoin de travailler pour joindre les deux bouts.

- Alors pourquoi tu le fais ?

Ce genre de questionnement leur était de plus en plus fréquent ces derniers temps. Leurs conversations commençaient innocemment (Quidditch, budget du Ministère, cartes Chocogrenouilles etc.) et viraient, sans savoir comment, sur des sujets plus sérieux avant que l'un des deux ne puissent l'arrêter.

Trop personnel Granger. Je travaille parce que sinon je deviendrais complètement timbré à ne rien faire de la journée hormis me morfondre dans mon énorme maison de campagne et boire jusqu'à ce que mort s'en suive. Si je ne m'occupe pas constamment l'esprit, mes pensées dérivent vers d'horribles souvenirs que je préfère oublier - beaucoup d'entre eux s'avèrent tourner autour de toi et de tes amis. Je travaille parce que le Quidditch est l'une des seules choses dans ma vie qui ne ravive pas ce sentiment étouffant dans ma poitrine, que même après des années de rendez-vous avec un guérisseur je n'arrive pas à soigner parce que je n'arrive toujours pas à comprendre ce que je fous dans ce putain de monde.

Draco opta pour un haussement évasif des épaules.

- J'aime rester occupé et j'aime le Quidditch. Je ne joue pas assez bien pour être professionnel, mais j'ai l'oeil pour remarquer les bons joueurs, donc chercheur de talent était un choix logique.

Hermione acquiesça et paru soulagée de ne pas avoir ruiné la conversation de ce matin là.

- Oui, Ginny m'a dit que tu étais à l'origine des derniers succès des Guêpes de Wimbourne. Notamment grâce à ta liste de recommandations.

- Weasley t'a dit ça ?

- Potter.

- Hein ?

- C'est Ginny Potter maintenant. Elle s'est mariée avec Harry il y a quelques années.

- Et Ginny Potter et toi avez bavassé à mon sujet, n'est-ce pas ?

Draco n'avait pas voulu que ces mots sonnent comme une accusation mais, à voir de l'expression qui durcissait le visage d'Hermione, il s'était mal exprimé.

- Détend toi, Malfoy. Elle sait que l'on se voit – enfin, je veux dire, pas que l'on se voit – mais qu'on... que nous sommes...

Elle rougissait de secondes en secondes et Draco choisi de s'appuyer contre son dossier et de l'observer impassiblement alors qu'elle peinait à trouver ses mots.

- Qu'on se voit tous les deux – je veux dire qu'on se retrouve tous les deux... Pour boire un café, le matin avant d'aller au travail...

Draco lui lança un sourire suffisant et, même si elle était rouge pivoine à présent, elle réussi tout de même à lever les yeux au ciel.

- Bon. Il faut que j'y aille. A demain.

- A plus tard Granger. J'ai hâte d'être demain pour avoir plus de détails sur les compliments que me font tes amis.

Cela lui valu un second regard exaspéré et Draco essaya d'ignorer la pensée qui lui traversa l'esprit à cet instant : Granger est plutôt mignonne quand elle est gênée.


- Tu aimes être fils unique ?

Draco traçait le bord de son mug avec son index en réfléchissant à la question d'Hermione. C'était un sujet qu'il avait déjà abordé au cours d'une de ses séances avec le Guérisseur Browning l'année précédente - mais les circonstances de ce raisonnement n'auraient pas pu être plus différentes. Granger était simplement curieuse.

- Bien sur. Pas de compétition pour avoir toute l'attention ou l'héritage, répondit Draco avec pragmatisme.

La plupart de ses camarades étaient enfants uniques : Pansy, Blaise, Goyle, Théo, Flint, Montague, Pucey...

- Personnellement, j'hésite.

Draco cilla. Son cerveau avait déjà cette information sur Granger rangée quelque part, mais sa proximité constante avec la horde des Weasley lui avait fait oublier ce détail.

- Je veux dire, je suis d'accord avec le fait d'avoir de l'attention, continua-t-elle. C'est plutôt chouette de grandir en étant le centre d'intérêt de ses parents. Quand tu es petit, tu as l'impression d'être... spécial.

Oh oui, on avait souvent répété à Draco à quel point il était spécial quand il était enfant. Tu es un Sang-Pur. Tu es un Malfoy. Tu es l'unique héritier. Ça fait de toi quelqu'un de spécial. Ça fait de toi quelqu'un de meilleur.

- En grandissant... Eh bien je pense que ça aurait été sympa d'avoir un frère ou une sœur pour aider – soulager certains fardeaux...

Elle laissa sa phrase en suspend et Draco remarqua la raideur autour de sa bouche et le voile qui couvrait ses yeux d'habitude si brillants.

- Potter et toi avez dû vous entendre là dessus.

Il avait répondu avec un sourire narquois, essayant de diriger cette conversation matinale vers des eaux moins dangereuses.

Hermione laissa aller un vide soupire.

- Harry et moi n'aurions pas pu avoir des enfances plus différentes.

- Harry n'a pas été élevé par des moldus aussi ?

Hermione leva un sourcil en sa direction pour voir s'il plaisantait.

- Tu penses qu'Harry et moi avons eu des éducations similaires parce qu'on a tous les deux été élevé par des moldus ?

- Merde Granger c'est pas comme si j'y connaissais quelque chose !

- Parce qu'apprendre quoi que ce soit sur les moldus n'en vaudrait pas la peine, n'est-ce pas ?

Oui ? Peut-être ? Putain j'en sais rien.

Il marqua une pause trop longue. Elle le regarda avec cette même expression qu'elle lui réservait il y a si longtemps à Poudlard : blessée, déçue et quelque peu troublée.

Elle se leva brusquement et fourra certains livres dans son sac sans daigner le refermer correctement.

- Je crois que je vais y aller. A plus tard Malfoy, dit sèchement Hermione en s'éloignant sans un regard en arrière.

Merde. On était vendredi, ce qui signifiait qu'il ne la reverrait pas avant lundi matin. Quelle belle façon de commencer le week-end. Je suis en contrôle.


Hermione bu une longue gorgée dans la tasse de cidre chaud posée devant elle. Ça avait commencé comme une douce soirée de printemps et, alors que la nuit s'avançait et que la température baissait, Hermione était reconnaissante de pouvoir savourer une des concoctions de Molly Weasley.

Son estomac était agréablement plein, même si c'était toujours le cas après un repas au Terrier. Le petit Teddy Lupin avait la tête – aux cheveux turquoises - pressée contre son flanc et cédait petit à petit au sommeil après un tel repas. « Petit » n'était peut-être plus tout à fait adapté, à ce stade. Hermione ne pouvait pas croire qu'il avait déjà 9 ans. Elle avait l'impression que c'était hier que Remus avait déboulé tout excité à la Chaumière aux Coquillages pour annoncer la naissance de son fils et nommer Harry comme parrain.

Le-dit parrain était assis de l'autre côté de Teddy, regardant tendrement l'enfant endormi.

- On dirait que quelqu'un a eu un sacré dîner d'anniversaire. Je devrais le ramener chez Androméda.

Harry fit un large sourire à Hermione avant de doucement réveiller Teddy et de déposer une bise sur la joue d'Hermione. Elle sourit tristement au duo qui s'en allait. Harry avait plus que rempli son devoir de parrain, dans le sens où il prenait soin de Teddy – même si ça peinait Hermione de savoir qu'Harry était sa seule figure paternelle. Teddy avait le visage en cœur de Tonks mais ses yeux et les traits sérieux de ses sourcils étaient ceux de Remus.

Hermione fut tirée de ses pensées par Ron qui s'était glissé à côté d'elle. Il attrapa le mug entre ses mains sans un mot et en bu une gorgée. Hermione gloussa et se déplaça pour poser sa tête sur son épaule. Même s'ils n'étaient qu'amis à présent, c'était toujours facile d'être à l'aise et affectueuse avec lui – et Padma n'était pas du genre jalouse. Hermione sentit ses paupières devenir de plus en plus lourdes alors qu'elle s'appuyait contre Ron et regardait les papillons de nuit voler autour des chandelles sur la table.

Elle se demanda distraitement si Malfoy avait quelqu'un comme ça dans sa vie. Il n'avait jamais fait mention de ses amis et seulement quelques remarques éparses sur sa propre mère. Hermione commença à faire le tour de ses souvenirs et de leurs récentes conversations et s'il avait mentionné qui que ce soit ayant une quelconque importance pour lui. Peut-être que ses premières impressions sur Malfoy s'avéraient correctes et qu'il était réellement et complètement seul dans ce monde. Leur conversation de vendredi matin résonna brusquement dans sa tête et Hermione se mordit la lèvre. Pourquoi ses commentaires sur l'éducation moldue l'avaient autant agacée ? Il n'avait rien dit de méchant mais elle s'était senti contrariée de la même manière. Peut-être que c'était un coup bas de la part d'Hermione. Ils étaient assis dans un café moldu après tout.

- Quoi de neuf de ton côté Hermione ?

La voix de Ron la tira de ses réflexions sur Malfoy.

- Mh ? Rien de vraiment nouveau. J'essaie toujours d'avoir du poids sur cette législation pour les centaures.

- Pas au boulot, Hermione, gloussa doucement Ron. Je veux dire, quoi de neuf côté perso.

Pitié, pas encore.

- Je vais bien Ron, je te promets.

Ça n'avait pas eu l'air d'un mensonge et Hermione se demanda depuis quand ces phrases toutes faites pour rassurer ses amis lui venaient si naturellement.

- Tu peux me parler, tu sais, répondit-il d'un ton bourru. Ou à n'importe qui ici, vraiment. T'as une famille là, tu le sais hein ?

Parfois Ron était si attentionné que le cœur d'Hermione se serrait. Quand la guerre s'était terminée, que la poussière était retombée et que l'horrible travail de deuil avait commencé, Hermione n'avait pas réalisé à quel point Ron avait évolué. Il était devenu le chef attentionné de toute la famille, mettant en pause sa propre guérison pour raccommoder les cicatrices émotionnelles de ses parents, de ses frères, de sa sœur et même d'Harry.

- Je sais Ron. Malheureusement je suis juste occupée par mon travail et je n'ai pas le temps pour grand chose d'autre.

Elle se dégagea péniblement et se leva pour partir. Ron lui lança un petit froncement de sourcils mais n'insista pas.

- D'accord, mais alors on déjeune ensemble cette semaine.

Hermione acquiesça et agita la main vers la table en direction de Padma, Luna et le reste de l'assemblée des Weasley avant de se diriger vers le point d'apparition au fond du jardin. Même si son cœur était plein d'amour pour tous ceux autour d'elle - et que son ventre était plein de bonne nourriture - elle se sentit vide lorsqu'elle fut dans sa chambre.

Alors qu'elle glissait dans le sommeil ce soir là, ses pensées étaient obnubilées par ce qu'elle allait dire le lendemain matin quand elle serait face à un certain sorcier blondinet.


- Salut.

Draco essaya de retenir le déferlement d'espoir qui le parcouru alors qu'Hermione s'approcha de sa table avec hésitation ce lundi matin.

- Granger.

Il avait soupiré son nom dans un souffle qu'il n'avait pas réalisé retenir.

Hermione déposa son sac et s'en alla récupérer son thé. Quand elle revint, elle lui tendit une assiette.

- Scone à la myrtille ? Je sais que ce sont tes préférés.

Un rameau d'olivier.

Draco accepta l'assiette.

- Euh.. Merci, dit-il d'une voix rauque.

Hermione lui fit un faible sourire et s'installa sur la chaise face à lui.

- Comment était ton week-end ? Commença-t-elle.

Draco comprit l'accord tacite qui consistait à ne pas reparler de l'incident du vendredi matin et il essaya de contrôler cet étrange sentiment de satisfaction face au fait qu'Hermione connaissait sa pâtisserie préférée.


- Pourquoi penses-tu qu'elle ai réagi de cette façon ?

Draco soupira et examina ses ongles. Pourquoi avait-il fallu qu'il raconte à Browning son engueulade avec Granger au sujet des moldus ? C'est pour ça que tu le paies, imbécile.

- Je ne sais pas. Menteur.

Gratte, gratte, fit la plume de Browning.

- Dirais-tu que ce genre de réaction est habituel chez elle ?

Draco ricana. C'est inhabituel parce qu'elle ne m'a pas giflé ou traité de furet, donc j'imagine qu'on peut qualifier ça d'amélioration.

- J'aurais du m'attendre à ce qu'elle pense le pire de moi.

Gratte, gratte, gratte.

- Pourquoi ça ?

Draco haussa les épaules et fixa le mur face à lui. Il était orné d'une jolie bibliothèque remplie de nombreux livres en cuir et il se concentra pour lire certains titres inscrits sur le dos des couvertures pendant qu'il murissait une réponse.

- Sans doute parce que j'ai été assez désobligeant envers elle. Vis à vis de son sang. Menteur. Menteur. Menteur. Tu as fait pire que ça.

Gratte, gratte.

- Je vois. T'es-tu excusé auprès d'elle pour ton comportement passé ?

Draco tourna vivement la tête vers le guérisseur.

- Je ne peux pas... Je ne peux pas faire ça !

Soudainement, l'air sembla s'évaporer de la pièce et Draco eu l'impression que chacune de ses respirations le faisait souffrir. Browning leva les yeux du parchemin et de la plume qui flottaient devant lui pour examiner Draco par dessus ses lunettes. Draco tenta de se concentrer sur l'homme dans son champs de vision mais une ombre commençait à voiler le coin de ses yeux et des sueurs froides ruisselaient le long de ses sourcils. Il pouvait sentir la pression de l'air l'entourer, étouffer chacune de ses inspirations.

- Draco.

La voix calme du Guérisseur Browning oscilla jusqu'à lui.

- Draco. Tu te rappelles de ton mantra ?

- Oui, croassa-t-il alors qu'il défaisait sa cravate et le premier bouton de sa chemise.

- Bien. Récite le pour moi. Trois respirations entre chaque.

- Je... Suis... En... Contrôle.

Une respiration. Une autre. Et encore une autre.

- Je suis... En... Contrôle.

Trois petites respirations.

- Je suis... En contrôle...

Et trois nouvelles.

- Je suis en... Contrôle...

Trois respirations, un peu plus stables.

- … Je suis en contrôle...

Inspire et expire. Inspire et expire. Inspire et expire.

- Je suis en contrôle.

Quand Draco ouvrit de nouveau les yeux un verre d'eau flottait devant lui. Il le bu d'un trait avec avidité et fixa le sol.

- Draco, commença la voix douce et encourageante du guérisseur. Je pense que c'est le bon moment pour se rappeler de tout le chemin que tu as parcouru pendant ce voyage. Non seulement tu es sevré de Sommeil sans Rêves depuis six ans, mais tu as aussi réussi à offrir des excuses sincères à un ancien ennemi à qui tu as fait du mal. Tu te rappelle de ça ?

Comment pouvait-il oublier, putain ?

Nous étions en juin 2000, et Draco se tenait sous la pluie dans un quartier résidentiel envahit par la végétation. Bien que l'averse ai, d'une certaine façon, brisé l'humidité ambiante, c'était malgré tout une soirée plutôt chaude – même si ça ne faisait pas de grande différence pour Draco. Il était probablement trempé jusqu'aux os, mais il ne ressentait rien. Il sorti une fiole de l'une de ses poches intérieures et descendit d'un trait ce qui lui restait du Philtre de Paix. Il ne savait plus combien il en avait bu ce jour là.

Il avait aussi bu une potion contre la douleur, parce qu'il aimait la sensation d'engourdissement qu'elle avait sur son corps. Il ne se rappelait plus combien de nuit de cette semaine là il avait passé sous potion de Sommeil sans Rêves, potion anti-douleur, ou une dangereuse combinaison des deux - avec un soupçon de Philtre de Paix.

Malgré toutes les potions qui se trouvaient dans son système, Draco était patient. Draco était prêt. Il agrippa sa baguette fermement, attendant la bonne occasion pour frapper. Il s'était tenu ici tous les soirs pendant des heures, attendant le bon moment. Pansy s'en plaignait souvent et lui avait hurlé dessus, parfois, quand il rentrait la nuit, n'offrant aucune réponse sur l'endroit où il était allé des heures durant. Elle devait penser qu'il voyait une autre femme, et Draco s'était dit que c'était plus simple si elle croyait cette histoire. C'était sans doute moins embarrassant que la véritable raison qui le poussait à faire le pied de grue au 12 Square Grimmaurd.

Un scintillement. Un mouvement. Une occasion s'était présentée et c'était la chance de Draco. Ron Weasley émergea des protections magiques, regarda aux alentours - et Draco savait qu'il avait sa baguette planquée dans la poche - il marcha rapidement jusqu'au coin du pâté de maison. C'était là. Il devait y aller maintenant.

Draco s'approcha de l'ensemble d'immeuble délabré, retenant son souffle pendant un instant avant de marcher directement vers l'espace entre les numéros 11 et 13. Il sorti son petit couteau de sa poche, se coupa le milieu de la main et la leva vers l'imperceptible scintillement des protections. Il la maintint ainsi pendant une seconde, tapota sa baguette contre sa paume en sang et récita son salut, son nom et une brève déclaration de paix en français.

C'était une partie obscure d'ancienne magie du sang et il était tombé dessus un peu par hasard. En examinant d'ancien documents des Malfoy et des Blacks (pour démêler lesquels étaient nécessaire à ses obligations financières et lesquels n'étaient que des conneries anti-moldue ou des instructions pour des sombres artefacts) il avait remarqué un vieil acte de succession pour le 12 Square Grimmaurd.

Même si, oui, Harry Potter était l'héritier légitime et le propriétaire magique de cette noble et ancienne bâtisse des Blacks, Draco était le dernier descendant mâle, vivant et direct de la famille. Et tant que Draco ne voulait pas de mal au détenteur légal de la maison (ce qui présumait, au moment où le document avait été créé, qu'il s'agisse d'un actuel membre de la famille Black), alors Draco avait, par droit du sang, toute légitimité à se voir ouvrir la porte d'entrée de la demeure. Un petit tour de magie de Sang-Pur que Draco devait reconnaître à ses ancêtres paranos.

Draco s'approcha timidement du somptueux heurtoir en laiton qui venait d'apparaître sur la porte. Il prit plusieurs profondes inspirations et réalisa un sort de séchage sur tout son corps. Il leva une main tremblante et frappa le heurtoir trois fois. Il s'enfuit presque en courant lorsqu'il entendit les pas de l'autre côté de la porte.

- Sérieux, t'as encore oublié ton porte – Malfoy ?

Draco s'inquiéta pendant une brève seconde que Potter ne doive changer son surnom pour Le Garçon qui n'avait pas Survécu au Choc. Draco remarqua la façon dont ses yeux s'écarquillèrent et se rétrécirent en une fraction de seconde avant que ses mains ne disparaissent derrière la porte, probablement pour attraper sa baguette.

Comme il l'avait répété, Draco leva ses deux mains vides devant sa poitrine, prouvant qu'il n'avait pas l'intention de lui mettre sa baguette sous la gorge.

La main de Potter que Draco pouvait voir s'accrocha plus fermement à la porte et Draco se demanda s'il voulait la lui claquer au nez.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Comment est-ce que tu as pu entrer d'ailleurs ?

Draco baissa lentement les mains pour les cacher dans ses poches. Une profonde inspiration. Et une autre.

- Je suis venu te parler au sujet de... de pleins de choses. J'ai pensé que c'était le meilleur moyen, dit-il d'une voix rauque.

Les yeux verts de Potter examinèrent Draco de haut en bas. Il savait qu'il ne ressemblait à rien et que c'était ses robes qui le portaient ces derniers temps. Potter fronça les sourcils et ouvrit la porte plus grand.

- Tu ferais mieux de ne pas rester sous la pluie alors.

Il s'était déjà avancé le long d'un sombre et sinueux couloir, laissant la porte ouverte pour Draco. Draco ordonna à ses pieds de bouger et suivit Potter à l'intérieur. La porte se referma en un claquement derrière lui, l'écho résonnant contre les murs alors qu'il se pressait pour suivre son hôte.

C'était donc ça, la maison qui rendait Bellatrix furieuse ? Draco se rappela comment sa folle de tante était devenue complètement enragée à la mort de Sirius Black lorsqu'il lui avait été révélé que son « traitre à son sang de cousin » avait légué sa maison de famille à Harry Potter.

Draco pensa que c'était déprimant et de mauvaise augure, de la même manière que son oncle et sa tante du côté de sa mère s'étaient comporté de leur vivant. Potter le fit monter un escalier vers l'un des salons du premier étage.

Il était flagrant que Potter et Weasley avaient fait de leur mieux pour redécorer le grand et formel salon en quelque chose qui ressemblait à la salle commune des Gryffondor. Un feu crépitait à l'une des extrémités, flanqué par quatre magnifiques chaises à haut dossier. Draco supposa qu'ils étaient habituellement occupés par Potter, La Fouine*, Weasley et Granger. Si douillet.

Potter était déjà assis et faisait un geste à Draco pour qu'il prenne une chaise. Draco s'installa sur l'une d'entre elles, la plus éloignée de son ancien ennemi d'école. Le dos droit et fier. Bien qu'il s'apprêtait à faire l'une des choses les plus humiliantes de sa vie. Pire encore que d'être changé en furet devant tout Poudlard.

Draco prit une autre inspiration et plongea son regard dans celui furieusement patient de Potter.

- Combien de temps avant que Weasley ne revienne ?

Potter haussa les épaules et surprit Draco par son sourire malicieux.

- Tu peux compter une trentaine de minutes. Il est parti à la recherche d'une certaine marque de Bourbon et il adore draguer la caissière

Draco ricana mais réprima l'insulte qu'il mourrait d'envie de dire à propos de Weasley. Il avait une mission très importante à accomplir ce soir et des moqueries de cours d'école n'allaient pas l'aider. De longues respirations. Je suis en contrôle.

- Potter. Il y a plusieurs choses dont j'aimerais... Que j'ai besoin de te dire.

Il prit une bouffée d'air et fixa son regard sur la rotule de Potter.

- Je veux te remercier. Pour la façon dont tu es intervenu en faveur de ma mère lors de sa condamnation. Je sais que c'est grâce à ton témoignage qu'elle a pu éviter Azkaban. Tu as été plus digne que tu n'aurais dû l'être, alors, pour avoir sauvé la vie de ma mère, merci.

- Elle a sauvé la mienne.

Draco releva la tête pour rencontrer le regard de Potter.

- Elle m'a sauvé la vie, Malfoy. Je pensais ce que j'ai dit pendant le procès. Sans ta mère, qui sait comment cette bataille se serait terminée.

Draco acquiesça solennellement et recommença à fixer le genou de Potter. Soutenir le regard du sauveur du monde magique était un peu trop intense à son goût. Il passa une main tremblante dans ses cheveux platine, remettant en doute l'efficacité du Philtre de Paix.

- Et merci de m'avoir sauvé, aussi. De ne pas m'avoir laissé brûler dans le Feudeymon.

Quelques respirations supplémentaires.

- Il faut aussi que... que... Ecoute, à propos de cette nuit au manoir –

- Tu veux boire quelque chose ? L'interrompit Potter en se levant.

- Pardon ?

- Boire un verre, Malfoy. Je peux t'offrir quelque chose ? Firewhisky ? Bière au beurre ? T'as l'air d'en avoir besoin.

- Je ne peux pas, murmura-t-il. J'ai pris trop de potions.

Par Merlin que cette situation était absurde. Potter haussa les épaules et s'invoqua un verre rempli de liquide ambré. Quand son hôte fut de nouveau assis, Draco sut que la partie la plus compliquée allait arriver. Remercier Potter d'avoir sauver la vie de sa mère et la sienne était la partie facile ; Draco avait pensé chacun de ses mots. Mais revivre cette nuit au manoir... Eh bien, c'était la raison pour laquelle il lui avait fallut pratiquement deux ans pour approcher Potter.

- Cette nuit là... Dans la maison de ma famille. Je sais que... J'aurais du faire quelque chose de plus. T'aider toi, ou Granger, ou –

- Il t'aurait tué. Ou Bellatrix l'aurait fait. Toi et tes parents.

- Mais je n'ai rien fait et j'ai lu la lettre que tu as écrite pour ma condamnation –

- Malfoy il n'y a pas de honte à protéger les gens qu'on aime –

- Est-ce que tu interromps toujours les gens qui essaie de te présenter des excuses ? Cracha-t-il avec colère.

- Tout ce que j'essaie de dire, déclara Potter en levant une main en signe d'apaisement, c'est que tu as fait ce que tu as pu et je voulais que le Magenmagot le sache. Tu savais que c'était nous et tu n'as rien dit de significatif. Cette petite part d'incertitude nous a offert un temps précieux. Tu aurais pu facilement nous identifier, nous amener directement à Voldemort et laver la réputation de ta famille à ses yeux. Je sais qu'il t'a fait faire... des choses affreuses...

Draco frissonna malgré la chaleur du feu.

- Ça n'a plus d'importance maintenant Potter, dit-il rapidement. Ton côté à gagné et les personnes comme moi méritent ce qui les attend. Pour ce que ça vaut, je suis désolé d'avoir joué un rôle dans ta souffrance.

Voilà, il l'avait fait. Il avait présenté ses excuses à Potter. Son guérisseur serait si fier. Se sentait-il mieux ? Un peu plus léger ? Dur à dire avec toutes les substances dans son organisme. Peut-être que cette sensation viendrait plus tard.

Potter fixa Draco avec un regard dur.

- Ecoute Malfoy, je ne t'ai jamais aimé. Je n'ai jamais aimé ta famille. Ça ne veut pas dire que je pense que tu dois payer pour avoir voulu protéger ceux que tu aimes. Une des plus grande force de Voldemort était la manipulation. Il savait que tu étais prêt à faire n'importe quoi pour protéger tes parents. Et je ne peux pas t'en vouloir pour ça.

Potter étouffa un soupire et se leva. Déposant ses lunettes sur la table basse, il s'approcha de la chaise de Malfoy jusqu'à se tenir au dessus de lui.

- Mais il a toujours, toujours, sous-estimé le pouvoir de l'amour. Ta mère t'aimait tellement qu'elle a défié Voldemort au moment où c'était le plus important. Nous ne sommes pas si différents tous les deux.

- Oh oui, ricana Draco, de vrais jumeaux ! Le Garçon qui a Survécu pour Tous nous Sauver et l'Ancien Mangemort Déshonoré.

- Le monde n'est pas divisé en deux avec d'un côté les gentils et de l'autres les Mangemort.

Draco cilla à ces mots.

- Merde Potter, c'était profond ça.

Potter sourit en coin et ébouriffa ses cheveux noirs toujours indisciplinés.

- Un truc que mon parrain m'a dit et que je n'ai jamais oublié. Penser que le monde est tout noir ou tout blanc n'amène que des problèmes.

Draco détourna le regard et fixa la cheminée. Le cousin de sa mère devait être un sorcier fascinant et la curiosité envahit Draco alors qu'il s'imaginait quel genre de personne il avait pu être. Sirius et Regulus Black étaient, en fait, plus que des noms que sa mère évitait de prononcer et que Bellatrix considérait comme les traitres de la famille.

Un mouvement face à lui attira son regard. Potter lui tendait la main. Draco se retrouva soudainement à 11 ans, dans le train vers Poudlard, essayant de créer une alliance avec le jeune Harry Potter. Potter avait rejeté sa proposition d'amitié à l'époque, mais il était là à présent, offrant pénitence à Draco.

Les yeux de Draco jonglèrent entre sa main tendue et ses yeux verts.

- Avant que tu ne fasses ça, j'aurais du probablement m'excuser aussi d'avoir été une petite merde envers toi à l'école pendant si longtemps, dit-il prudemment.

Potter haussa les épaules.

- Pardonné Malfoy. C'était vraiment... Gentil de ta part, de venir jusqu'ici.

Draco lui serra la main.

- Merci Potter, marmonna-t-il.

Potter récupéra sa main lorsqu'il se séparèrent et s'éclaira la gorge.

- Comment as-tu trouvé la maison, malgré les protections, du coup ?

- Ah. Eh bien... C'était un petit tour de magie de Sang-Pur. Les Sang-Pur sont connus pour être très protecteurs envers leurs propriétés. En tant que descendant direct des Black, j'ai un laissé passé si je fais le serment de ne pas porter préjudice au propriétaire légitime. J'ai trouvé ça dans un vieil acte notarié français qui décrivait dans les grosses lignes les plans de protections et de succession de la maison.

Potter commençait à avoir l'air mal à l'aise et Draco le prit comme son signal pour partir.

- Ne t'en fait pas, je suis le seul descendant des Black encore en vie à l'exception de ma mère.

- Tu n'es pas le seul, répliqua doucement Potter.

- Pardon ?

Potter s'éclaircit de nouveau la gorge.

- Tu n'es pas le dernier des Black. La sœur de ta mère, Androméda, est toujours en vie et son petit fils aussi, Teddy Lupin. Ils passent souvent.

Draco était stupéfait. Il avait complètement oublié l'autre sœur de sa mère. Dans quel putain de monde Harry Potter, parmi tous, était plus au courant que lui au sujet de sa propre famille ?

Brusquement, un horrible souvenir refit surface. « Draco, tu viens surveiller les petits ? » Draco repoussa avec difficulté les pensées d'un visage pâle aux yeux rouges ricanant. Il était peut-être temps de prendre une autre potion...

- Oh. C'est vrai. Eh bien... Je crois que je vais y aller.

Potter eu l'air de vouloir ajouter quelque chose au sujet de son étrange famille mais se ravisa.

- Je te raccompagne. Ron devrait être de retour d'une minute à l'autre.

Draco le suivit silencieusement, aucun des jeunes hommes ne pipant mot jusqu'à la porte d'entrée.

- Potter... Je te serais très... Reconnaissant, si tu ne parlais à personne de ma visite.

Merde, combien de fois allait-il ravaler sa fierté devant Potter aujourd'hui ?

Et pendant que Potter lui souriait en coin, sa réponse fut des plus inattendue pour Draco.

- Pourquoi les Serpentard ne veulent jamais que les gens les voient sous un meilleur angle ?

Draco ne sut comment répondre, n'ayant aucune idée de ce qu'il voulait dire, mais Potter l'arrêta avant même qu'il essaie.

- C'est promis, Malfoy. Et... Et si jamais l'envie te prends de revenir pour discuter... Eh bien... Tu sais où me trouver.


* N.d.T : She-Weasel dans la version originale, Draco emploie souvent le terme "Weasel" (belette) pour qualifier Ron et She-Weasel (littéralement belette femelle) pour Ginny. La Fouine fait donc référence à Ginny.


Petit chapitre surprise en tant que cadeau de Noël!

J'espère qu'il vous a plus! J'attends vos commentaires ou tout autre signe de votre passage, ça fait toujours chaud au coeur.

Prochain chapitre le 04.01

Joyeuses fêtes