DISCLAIMER : Tous les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à JK Rowling.
Rating : M+
Genre : romance / slash / Yaoi
Quel plaisir de lire vos reviews, ça m'avait tellement manqué ! Merci à tous !
Bonne lecture !
-15-
- Monsieur Potter ! C'est un tel plaisir de vous recevoir, dit Narcissa avec affabilité.
- Je vous remercie de m'accueillir, Madame Malefoy.
- C'est tellement dommage que Ginevra ne soit pas des nôtres. Draco m'a dit qu'elle était retenue par son équipe ?
- Hélas, oui.
- Ce n'est que partie remise ! C'est une grande chance qu'elle a de jouer avec une équipe aussi prestigieuse. Cela demande des sacrifices, évidemment… Oh, que n'aurais-je pas donné pour jouer avec les Harpies !
- Vous jouiez au Quidditch, Madame Malefoy ? s'étonna Harry.
- Appelez-moi Narcissa. Et oui, je jouais au Quidditch. J'étais poursuiveuse dans l'équipe de Serpentard.
- Ça alors ! C'est… c'est incroyable ! Jamais je n'aurais imaginé que…
Harry s'interrompit, de crainte de vexer son hôtesse. Mais Narcissa ne semblait pas mal prendre son étonnement. Au contraire, elle lui fit le même petit sourire en coin que son fils.
- J'ai été jeune, mon cher Harry ! Et contrairement à Lucius, je faisais des merveilles sur un Comète 360 !
- Allons, Maman, dit Draco. Tu ne prends pas une ride…
Narcissa eut un sourire affecté.
-Mon fils est un vil séducteur.
Puis se tournant vers Harry :
-Le dîner est servi à 20 heures, lui dit-elle en souriant. A tout à l'heure.
Elle quitta le hall d'entrée d'un pas aérien, sa robe parme flottant gracieusement autour de ses chevilles.
-Viens, dit Draco. Je vais te montrer ta chambre.
Ils montèrent le grand escalier de marbre.
- Ta mère semble… en bonne forme ce soir, avança Harry prudemment.
- Oui. Elle est parfaitement lucide aujourd'hui. Mais qui sait ce que demain nous réserve.
En haut de l'escalier, Draco s'engagea dans un couloir dont les murs étaient richement décorés de tableaux et d'ornements divers. Au sol, un épais tapis bordeaux se déployait sur toute la longueur du couloir.
A mi-chemin, Draco s'arrêta devant une porte en bois clair. Elle donnait sur une chambre à la décoration sobre mais chaleureuse, dans les tons jaunes pâle, jaune or et blanc cassé.
- Voilà, dit Draco en cédant le passage à Harry. J'espère que la chambre est à ton goût.
- C'est magnifique, dit Harry en se dirigeant vers la fenêtre pour admirer la vue.
La nuit était déjà tombée mais le parc était parcouru de dizaines de points de lumière qui lui donnait un aspect féérique.
- Tu as ta propre salle de bain, continua Draco. C'est la porte, ici, à gauche. Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle Eggy. Il t'aidera à te changer pour le dîner.
Harry se retourna vers Draco avec effroi.
- Me changer ? répéta-t-il.
- Ne t'inquiète pas, un smoking simple fera l'affaire.
- Un smoking ?
- Oui, un smoking. Une queue de pie serait beaucoup trop formel, dit Draco d'un air dégagé.
- Hein ? Mais je n'ai pas de smoking ! Ni de queue de pie, ni quoi que ce soit d'autre ! Je n'ai même pas apporté une veste de costume ! s'affola Harry.
Draco resta impassible quelques secondes avant que le coin de sa bouche ne tressaille légèrement.
- Ah, bon sang, Harry ! dit-il en explosant de rire. Tu devrais voir ta tête !
- Quoi ? Mais…
- Je te fais marcher ! Tu es très bien comme tu es !
Harry attrapa un petit coussin décoratif sur le lit et le lança à la tête de Draco. Celui-ci l'esquiva sans difficulté.
- Espèce de troll ! beugla Harry. Je t'ai cru !
- Oui, ça je m'en suis rendu compte ! répondit Draco dont le rire repartait de plus belle.
Après un dernier regard noir, Harry finit par se mettre à rire lui aussi.
-Allez viens, je vais te faire visiter, dit Draco quand ils furent calmés. Eggy viendra défaire ton bagage pendant le dîner.
Ils redescendirent au rez-de-chaussée et Harry suivit docilement Draco dans les différents couloirs. En chemin, il ne pouvait qu'admirer la beauté des lieux, chose qu'il n'avait pas vraiment pu apprécier lors de sa première venue.
- Le Manoir est magnifique, dit-il avec sincérité. Bien plus lumineux que je l'imaginais.
- D'énormes travaux ont été entrepris depuis que tu y as été amené par les rafleurs, dit Draco sans sourciller. Ma mère ne pouvait plus supporter la vue des pièces où Voldemort avait pris ses aises. Elle a tout redécoré après être sortie d'Azkaban.
- Eh bien, elle a fait un travail remarquable.
- C'est vrai. J'avais espéré que ça l'aiderait à surmonter ses… difficultés, malheureusement ce ne fut pas le cas.
- C'est incroyable de se dire que vous n'étiez que trois dans un espace aussi immense, dit Harry. Tu ne t'es jamais perdu dans ce dédale étant enfant ?
- Non. Et comme je n'ai jamais rien connu d'autre, ce n'était pas si incroyable que ça pour moi. C'était juste de longs couloirs, vides et silencieux.
- Tu n'invitais jamais de copains ?
- Non. Je n'avais pas vraiment de copains à l'époque… pas avant Poudlard.
Harry médita cette réponse. Il se fit la réflexion qu'en dépit de son immense richesse, Draco avait été aussi seul que lui durant son enfance.
- Qu'y a-t-il ? demanda Draco. Tu as l'air… triste tout d'un coup.
- Pas du tout !
Draco ne chercha pas en savoir davantage. Il continua la visite, montrant à Harry le jardin d'hiver, le salon de musique et la bibliothèque.
Finalement, ils arrivèrent dans une grande pièce aux murs gris tourterelle. Des chandeliers dorés et des tentures vert bronze réchauffaient l'atmosphère, de même qu'un immense lustre en cuivre et en cristal. Au sol, un tapis beige clair contrastait agréablement avec le parquet en chêne foncé. Mais ce qui attira l'attention de Harry, ce fut la cheminée en marbre noir qui occupait le centre du mur en face de lui.
L'image d'Hermione, allongée sur le sol, se débattant alors que Bellatrix Lestrange gravait le mot « sang de bourbe » sur son bras, s'imposa à lui. Il leva la tête vers le plafond. Le lustre avait été remplacé puisque le précédent s'était écrasé au sol quand Dobby avait lancé un sort dessus pour qu'il se détache. Juste avant que Bellatrix – toujours elle – ne le frappe avec son poignard en argent.
- Ça va ? demanda doucement Draco.
- Oui, souffla Harry. Oui, c'est juste que…
- De la peinture et de nouvelles tentures n'effacent pas tous les souvenirs, n'est-ce pas ?
Il y avait dans sa voix une douleur sincère qui força Harry à se ressaisir.
-Non, mais rien n'empêche d'en créer de nouveaux, dit-il résolument.
Draco lui fit un petit sourire reconnaissant et l'emmena vers la salle à manger.
- Tes pires souvenirs sont dans le salon et sans doute dans les cachots, et pour moi, ils sont ici, dit-il en montrant la longue table en chêne qui pouvait accueillir au moins vingt convives. J'étais assis à cet endroit, entre mon père et Yaxley quand Voldemort a tué Charity Burbage.
- Le professeur d'études des moldus ?
- Oui. Il a envoyé son serpent sur elle. Il… il l'a dévorée juste devant moi.
Il secoua la tête pour chasser ce souvenir.
-Rassurez-vous, mon cher Harry, j'ai fait changer tout le mobilier, dit Narcissa en apparaissant derrière lui. Cette table a été refaite à l'identique et je vous promets qu'aucun serpent n'a rampé dessus.
Elle avança dans la pièce en regardant autour d'elle.
-J'ai songé un temps à condamner cette pièce, ainsi que le salon, mais il était compliqué d'installer une salle à manger et un salon de réception aussi grands ailleurs dans le Manoir. Et puis, je les aime bien trop pour les faire disparaître. Voyez-vous, Harry, j'y ai beaucoup de merveilleux souvenirs. C'est ici que s'est donnée notre réception de fiançailles à Lucius et moi. Et c'est dans le grand salon que Draco a fait ses premiers pas… Je ne voulais pas que Vous-Savez-Qui me prenne tout cela… Alors, j'ai préféré tout redécorer. Vous me comprenez ?
- Bien sûr Narcissa, vous avez eu parfaitement raison. Et je dois dire que vous avez fait un travail remarquable.
- Vous trouvez ?
- Je ne suis pas expert en décoration, loin de là, mais je sais quand je me sens bien quelque part… et c'est le cas ici.
Narcissa lui sourit largement.
-Oh, Harry, je n'aurais pu espérer plus beau compliment. Merci.
Ils s'installèrent à table et aussitôt les plateaux se remplirent de mets succulents. Harry apprécia le fait qu'il s'agissait de bonne cuisine anglaise, goûtue et roborative, et non pas ces plats tendance où on vous sert trois petits pois et deux carottes autour d'une demi pomme de terre et d'un dé de viande. Il mangea donc avec appétit, tout en discutant agréablement avec Draco et Narcissa. Tous deux avaient le même humour caustique et partageaient le goût des potins. Mais ce qui émut particulièrement Harry fut de voir combien Draco était heureux que sa mère soit parfaitement lucide. Il la couvait d'un regard tendre, profitant de ces précieux moments où elle était elle-même.
- Narcissa, n'avez-vous jamais songé à faire de la décoration votre métier ? demanda Harry.
- Mon métier ? répéta Narcissa avec un petit rire musical. Par Salazar, Harry ! Jamais Lucius n'aurait accepté que je travaille !
- Sans doute. Mais… aujourd'hui ?
Narcissa resta interloquée.
- Harry a raison, Maman, intervint Draco. Tu es douée. Tu pourrais très bien en faire un métier…
- Oh… heu… ma foi, je n'y ai jamais songé mais… ça me semble improbable. Je veux dire… qui aurait besoin de moi pour décorer sa maison ? dit Narcissa d'un ton incrédule.
- Eh bien, moi pour commencer, répondit Harry. Je vous l'ai dit, je n'y connais rien en décoration et ce n'est pas vraiment un domaine qui intéresse Ginny.
- Tu veux redécorer ton appartement ? demanda Draco.
- Ça ne lui ferait pas de mal mais à vrai dire, je songeais plutôt à la maison du Square Grimmaurd.
- Le Square Grimmaurd ? répéta Narcissa d'une voix blanche. Mais c'est… c'est…
- La maison de votre tante Walburga, oui. J'en ai hérité à la mort de Sirius.
- Je n'en savais rien. Je pensais qu'elle était… à l'abandon.
- Non, elle ne l'est pas. J'y vais régulièrement pour faire l'une ou l'autre réparation et vérifier qu'elle reste en bon état mais je ne peux envisager de m'y installer. Sans vouloir vous offenser, Narcissa, cette maison est…
- Epouvantable ! acheva Narcissa en riant. C'était déjà le cas quand j'étais enfant. Andromeda et moi redoutions les jours où nous devions aller prendre le thé chez Tante Walburga. Quand je pense à ces têtes d'elfes empaillées… quelle horreur ! Il n'y avait que Bellatrix qui trouvait ça amusant !
- Pourquoi ne suis-je pas étonné ? maugréa Draco.
- Quoi qu'il en soit, dit Harry, cette maison doit être rénovée de la cave au grenier.
- Et vous souhaiteriez que je m'en occupe ? demanda Narcissa.
- Si vous êtes d'accord.
Narcissa semblait particulièrement émue et Harry craignit d'avoir commis une erreur.
- Maman ? interrogea Draco qui avait également perçue son trouble. Ça va ?
- Si cela ne vous convient pas, embraya Harry, il n'y aucun problème ! Je peux très bien…
- Non, Harry, coupa Narcissa. Tout va bien ! Je le ferai avec plaisir. Vraiment.
- Tu es sûre, Maman ?
- Oui, mon chéri, j'en suis sûre. J'étais simplement… troublée parce que ça fait si longtemps… je ne pensais pas retourner dans cette maison un jour.
Puis se tournant vers Harry :
- J'ai hâte de commencer !
- J'en suis heureux ! Je vous propose de laisser passer les fêtes de fin d'année. Ensuite, je vous accompagnerai pour visiter la maison et vous faire une première idée.
- C'est parfait.
De l'autre côté de la table, Draco sourit à Harry avec reconnaissance.
-Je suis content, dit-il à sa mère, que tu aies accepté ce projet. Je n'aime pas de te savoir seule et désœuvrée dans le Manoir.
- Je ne suis pas désœuvrée ! réagit Narcissa. Quant à être seule, il ne tient qu'à toi d'y remédier ! Tu as hérité du Manoir, tu es le maître des lieux. Ta place est ici, et pas à jouer les dandys dans ton hôtel particulier de Londres !
- Maman, soupira Draco. Je t'ai déjà expliqué que pour mon travail, il est plus facile pour moi de vivre à Londres que…
- Billevesées ! Ton travail n'a rien à voir là-dedans ! C'est seulement plus facile d'être à Londres pour entretenir ton… ton…
Un regard noir de Draco suffit pour que Narcissa n'achève pas sa phrase. Quel mot cherchait-elle, Harry ne le saurait jamais mais il était clair que ce n'était pas un terme affectueux. La suite lui donna raison.
-Ce petit photographe n'est qu'une sangsue qui profite de toi, dit-elle. Et il n'a aucun talent !
- Ce n'est pas ce que dit la critique, répliqua sèchement Draco.
- Ah, la critique ! Des hypocrites ! Harry, avez-vous vu ses œuvres ?
- Hum… oui, répondit Harry, embarrassé d'être pris à partie. Elles sont… particulières.
- Elles sont affreuses !
- Maman…
- Je ne comprends pas pourquoi tu continues à t'encombrer de lui ! Tu n'en es même pas amoureux !
Draco eut un petit rire moqueur.
- Depuis quand l'amour a-t-il de l'importance chez les Malefoy ? Nous contractons des mariages arrangés depuis plus de 500 ans ! Et je n'y couperai pas !
- Non, tu n'y couperas pas, parce qu'il en va de la pérennité de notre famille, de notre nom et de notre patrimoine. Mais ce médiocre petit arriviste ne comprendra jamais quelles sont tes responsabilités !
- Aucun homme, quel que soit l'amour que je lui porte, ne pourrait le comprendre et encore moins l'accepter.
Le ton de Draco était désabusé mais aussi empreint d'une tristesse douloureuse qui serra le cœur de Harry. Il était clair que Draco ne voulait pas de cette vie mais qu'il allait devoir la subir au nom de son héritage familial. Harry n'avait qu'une envie, demander à Narcissa si c'était vraiment ce qu'elle voulait pour son fils unique : le voir malheureux. Il n'en fit rien évidemment car Narcissa le prendrait très mal, mais Draco également.
Il n'eut pas le temps de s'appesantir davantage car Narcissa déclara :
- Arrêtons d'ennuyer notre invité avec ces considérations fâcheuses. Harry, mon cher, veuillez me pardonner. Je crains que mon inimitié pour Monsieur Crivey soit telle qu'elle m'ôte tout sens des convenances.
- Hum… il n'y a aucun problème, Narcissa, vraiment aucun.
- Fort bien. Mon fils m'a dit que vous allez faire une promenade à cheval demain ?
- Heu, oui… il paraît. J'ai un peu d'appréhension car je ne suis jamais monté à cheval de ma vie.
- Voyons, Potter ! ricana Draco. Tu t'es porté volontaire pour monter sur le dos d'un hippogriffe ! Tu seras bien capable de tenir sur un cheval !
- Je n'étais pas volontaire ! s'insurgea Harry.
- Ginny m'a raconté que tu étais aussi monté à dos de centaure.
- Vraiment, Harry ? s'étonna Narcissa. Vous êtes monté sur un centaure et vous êtes encore là pour en parler ?
- Le centaure était… d'accord, répondit Harry avec un vague geste de la main.
- N'essaye pas de te débiner !
Harry maugréa quelque chose et le repas se poursuivit dans une atmosphère beaucoup plus légère.
Après un délicieux dessert français dont Harry avait oublié le nom, Narcissa annonça qu'elle se retirait dans ses appartements.
-Viens Harry, dit Draco en se levant à son tour.
Harry suivit Draco dans une pièce adjacente à la salle à manger et au milieu de laquelle trônait une grande table de billard. Il y avait également un meuble bar dans un coin, juste devant une grande étagère remplie de bouteilles d'alcool. De larges coffres en bois contenant des cigares étaient posés sur des consoles.
- Un whisky pur feu ? demanda Draco en se dirigeant vers le bar.
- Oui, merci.
Draco servit deux verres et en tendit un à Harry.
- Désolé pour ce déballage, tout à l'heure. Ma mère est parfois pénible quand elle est lucide. Parfois, je préfère quand elle perd les pédales… au moins, je peux excuser son comportement.
- Draco, tu n'en penses pas un mot.
- C'est vrai, soupira Draco en s'appuyant contre la table de billard.
Il but une gorgée de son verre.
- Elle était aussi… hostile à l'égard de tes précédentes relations ou seulement envers Dennis ? demanda Harry
- Ma mère n'a rencontré aucune de mes précédentes « relations » comme tu dis si poliment, ironisa Draco. C'était des… amants de passage. Dennis est le premier qui vit avec moi. Bien sûr, sitôt que ma mère a su que je l'avais installé à Berkeley Square, elle s'est invitée pour prendre le thé alors qu'elle ne supporte pas Londres. Je crois qu'elle l'a détesté au premier regard. Sachant cela, j'ai fait en sorte de réduire leurs interactions sociales au minimum. Quand je viens au Manoir, je ne parle pas de Dennis. La plupart du temps, elle fait comme s'il n'existait pas… les autres fois, eh bien, ça donne ce que à quoi tu as assisté tout à l' heure…
- Attends… Dennis n'est jamais venu au Manoir ?
- Jamais. Par Salazar, ma mère serait capable de le faire disparaître dans les cachots ou de le noyer dans le lac !
- Il y a tout de même une chose sur laquelle ta mère a peut-être raison… pourquoi restes-tu avec Dennis si tu n'en es pas amoureux ?
- Le fait que je ne suis pas amoureux de lui ne signifie pas que je ne l'aime pas.
Harry allait répliquer quelque chose mais Draco l'interrompit en posant brusquement son verre vide sur le rebord de la table de billard.
- Assez parlé de Dennis ! Tu n'as jamais joué au billard ?
- Non, mais je connais un peu le principe. Quand j'ai des insomnies, ça m'arrive de regarder des rediffusions de compétitions sur BBC2.
- Ok. Que sais-tu au juste ?
- Déjà qu'on joue avec des « billes » et non des « boules ». Que le morceau de cuir au bout de la queue s'appelle le procédé et que sa forme et son épaisseur influencent l'impact sur la bille.
- Bien. Et sinon, au niveau du jeu ?
- On frappe avec la bille blanche et les points qu'on obtient dépendent de la couleur de la bille qui tombe dans la poche.
- Pas mal du tout Potter ! apprécia Draco. Pas mal du tout ! Puisque tu connais les règles du snooker, c'est à ça qu'on va jouer, mais un jour, je t'apprendrai les règles du billard anglais, le vrai. C'est une autre paire de manches !
Draco prit deux queues sur le présentoir et disposa les billes sur le feutre vert de la table.
-Commençons d'abord par la façon de tenir et manier la queue. Tu vas frapper quelques billes.
Harry prit une des queues et se plaça face à la table, avant de se pencher et de frapper une bille d'un coup sec. Au lieu de rouler sur le feutre, la bille fit plusieurs petits bonds.
-Par Salazar, Potter ! rigola Draco. C'est une queue de billard que tu tiens, pas le manche d'un Eclair de Feu ! Sois un peu plus délicat !
Draco se posta dans le dos de Harry. Il prit sa main droite et la fit glisser un plus bas sur le fût.
-Comme ça, tu auras plus d'amplitude de mouvement.
Il fit ensuite avancer sa main gauche plus haut sur la flèche, à quelques centimètres de la virole.
-Ne jamais serrer le haut de la flèche, dit-il. Tes doigts servent de guide et doivent rester souples pour permettre à la queue de coulisser correctement.
Draco raffermit sa prise sur les mains de Harry et amorça un petit mouvement. Le procédé percuta la bille avec fermeté mais délicatesse.
- Tu vois ? C'est mieux comme ça, non ? souffla Draco.
- Hum… oui… ok, bafouilla Harry. Merci.
- Bien. Recommence.
Draco s'écarta et Harry se rendit compte qu'il avait pratiquement arrêté de respirer. Il pouvait encore sentir la chaleur des mains de Draco sur les siennes, la chaleur de son torse contre son dos et son souffle dans son cou. Il tenta de se ressaisir mais il se sentait complètement anesthésié.
-Ça va ? s'inquiéta Draco. Tu as l'air bizarre…
- Quoi ? Non, ça va ! C'est… hum… c'est la digestion. Les bons repas le soir, ça me rend un peu somnolent.
Draco ne fit aucun commentaire. Il regarda Harry s'exercer encore sur plusieurs billes avant de décréter qu'ils pouvaient commencer une vraie partie.
Contre toute attente, Harry ne fut pas mauvais du tout pour un débutant. Il perdit mais de quelques points seulement.
- De l'énergie pour une revanche ? demanda Draco.
- Seulement si cette fois, tu te donnes à fond, répliqua Harry.
- Quoi ? Tu penses que je me suis retenu ? s'offusqua faussement Draco. Je suis Draco Malefoy, Potter ! Tu crois vraiment que je me priverais de frimer si j'en avais l'occasion ?
- C'est exactement ce que je crois. Je vois bien que tu n'es pas au maximum de tes capacités.
Un petit rictus étira les lèvres de Draco.
-Bien, dans ce cas, tu vas voir. Je suis grand seigneur, je te laisser casser.
Harry fit une casse intéressante qui lui permit de jouer quelques billes dans la foulée. Malheureusement, il rata un coup un peu hasardeux. Cela laissa le champ libre à Draco qui vida la table en quelques minutes à peine. Cette fois, il ne se contenta pas de quelques coups simples, il entreprit des poses plus complexes, comme un tir à la hussarde parfaitement maîtrisé.
- Qu'est-ce que je disais ? sourit Harry. Tu es extrêmement doué.
- Merci, Harry. J'apprécie le compliment. Comme j'apprécie être celui qui t'a initié à un jeu d'adresse moldu. C'est assez stupéfiant quand on y pense.
- Ce qui est stupéfiant, c'est que ce Manoir abrite une pièce tout entière dédiée à un jeu moldu…
- Et encore… tu n'as pas vu le home cinéma, répliqua Draco sur un ton de conspirateur. Ma mère l'adore !
- Avec toutes les ondes magiques qui entourent le Manoir, tu es parvenu à installer un home cinéma ?
- J'avoue que ç'a été compliqué, mais j'y suis arrivé. Je ne suis pas peu fier.
Harry étouffa un petit bâillement.
- Désolé, dit-il.
- Ne t'excuse pas. Il se fait tard. Et une bonne nuit de sommeil sera nécessaire avant de monter à cheval demain.
- Tu as raison.
Ils quittèrent la salle billard. Harry fit son possible pour se souvenir des différents couloirs qu'ils empruntaient mais quand il arriva devant sa chambre, il se rendit compte qu'il serait bien incapable de faire le chemin en sens inverse.
- Eggy viendra te réveiller demain matin, dit Draco. Si tu as besoin de quoi que ce soit entre temps, appelle-le. Sinon, eh bien, ma chambre est voisine de la tienne, ajouta-il en montrant une double porte à gauche. Bonne nuit, Harry.
- Bonne nuit. A demain.
Sitôt la porte refermée, Harry se dévêtit et enfila son pyjama. Il songea à prendre une potion de sommeil car il dormait toujours mal quand il n'était pas chez lui, puis il se rappela qu'il n'avait pas eu le temps de passer en acheter chez l'apothicaire. Il hésita à demander à Draco de lui en donner une, puis se ravisa. Il se coucha et se dit que si dans une heure, il ne dormait pas, il appellerait l'elfe de maison.
La minute suivante, il dormait à poings fermés.
-16-
Une lumière blanche sortit doucement Harry du sommeil. Il bâilla et s'étira longuement en se disant qu'il n'avait jamais aussi bien dormi de sa vie.
-Bonjour Monsieur.
Harry sursauta en entendant la voix nasillarde. Il chaussa ses lunettes et remarqua la présence d'un elfe de maison à quelques pas du lit. Il terminait d'ouvrir les lourdes tentures qui encadraient la fenêtre.
- Bon… bonjour, dit Harry d'une voix encore un peu rauque de sommeil. Tu dois être Eggy.
- C'est bien cela, Monsieur.
Le petit elfe s'approcha de la table de nuit et d'un geste, fit apparaître une tasse. L'odeur qui s'en dégageait était divine et rappela à Harry ce petit bar italien derrière le Strand, où Draco lui avait fait découvrir ce qu'était le vrai bon café.
- Monsieur souhaite-t-il que j'apporte son petit-déjeuner dans la chambre ?
- Heu… non, ça ira. Je vais descendre.
- Monsieur a-t-il besoin d'autre chose ?
- Non. Merci, Eggy.
- Bien.
L'elfe claqua des doigts et disparut dans un petit pop discret.
Harry se leva, prit la tasse de café et se posta devant la fenêtre. Il but une gorgée, savourant le goût riche et fruité du café, tout en étant hypnotisé par la beauté du parc qui s'étendait devant lui. Il n'avait pas neigé suffisamment pour complètement recouvrir le paysage. La fine pellicule neigeuse était translucide et soulignait parfaitement les différents agencements, leur donnant un éclat irréel dans ce matin froid.
Le parc était immense. Au loin, Harry devina la silhouette d'un gazebo de style victorien, non loin d'une étendue d'eau qui scintillait au soleil. Des bancs en pierre ou en bois ponctuaient les allées qui serpentaient entre des bosquets savamment taillés et se perdaient ensuite dans un sous-bois ou sous des arcades végétales.
Le fond du parc était beaucoup plus boisé pour ensuite devenir une forêt dense qui s'étendait à perte de vue, si bien que Harry se demanda où elle finissait et si elle appartenait également à la famille Malefoy.
Le bruit d'un carillon quelque part dans le Manoir le tira de sa contemplation. Il termina sa tasse de café et fonça dans la salle de bain prendre une douche.
Quand il en revint, frais, dispos et définitivement bien réveillé, il entreprit d'enfiler les vêtements chauds que Draco lui avaient conseillé d'emporter. Il avait opté pour un pantalon en velours côtelé, plus chaud que le jeans, un t-shirt à manches longues et un épais pull à col roulé… qui aurait dû se trouver dans l'armoire mais qui n'y était pas. Il vérifia dans son sac de voyage, puis une nouvelle fois dans l'armoire. Rien.
-Eggy ?
Le petit elfe apparût immédiatement.
- Monsieur ?
- Eggy, quand tu as défait mes bagages hier soir, as-tu vu un pull en laine grise, assez épais ?
- Eggy ne pense pas avoir vu une chose de ce genre. Eggy a rangé tous les vêtements qui se trouvaient dans le sac de Monsieur dans l'armoire. Et ce matin, Eggy y a rajouté les vêtements que Monsieur portaient la veille après les avoir lavés et repassés. Il n'y avait pas de pull gris.
- Bon, j'ai dû oublier de l'emporter. Merci, Eggy.
L'elfe disparut, laissant Harry consterné. A la maison, c'était toujours Ginny qui préparait les valises et elle, elle n'oubliait jamais rien.
-Quel idiot, maugréa-t-il. Pas foutu de préparer correctement une valise pour deux jours.
Il réfléchit à une solution mais la seule chose envisageable était d'aller demander à Draco de lui prêter un chandail.
Il sortit de sa chambre et alla frapper à la porte voisine.
-Entrez !
En pénétrant dans la chambre de Draco, Harry s'attendait à voir du vert partout. Il en fut pour ses frais : toute la décoration était dans les tons blanc cassé, beige et taupe.
-Ah, c'est toi ! dit Draco en sortant d'une pièce annexe. Ça va ?
Draco était en tout et pour tout vêtu d'une serviette de bain nouée autour de ses hanches. Avec une autre, il frictionnait vigoureusement ses cheveux humides.
- Harry ? Quelque chose ne va pas ?
- Hein ? se ressaisit Harry. Je… je… tout va bien… c'est juste que… j'ai oublié de prendre un pull et je me demandais si… enfin… si tu pouvais m'en prêter un.
- Bien sûr. Viens.
Draco ouvrit deux portes coulissantes qui donnaient sur rien de moins que l'équivalent d'une boutique de confection pour homme. Il y avait des étagères partout, sur lesquelles pendaient des robes de sorciers, des costumes moldus, des pantalons, des chemises. Sur une autre étaient rangées des dizaines de paires de chaussures.
- Par Merlin, souffla Harry. Tout ça… c'est à toi ?
- Oui.
- Mais… je pensais que tu séjournais ici seulement quatre ou cinq fois par an…
- C'est vrai mais quand je viens, j'aime avoir le choix.
- Ça veut dire que tu as la même chose à Berkeley Square ?
- Tu rigoles ? Mon dressing de Berkeley Square est deux fois plus grand !
Harry était estomaqué. L'essentiel de ses habits tenait dans une penderie d'un mètre vingt de large.
-Ce que tu cherches est là, dit Draco en montrant une étagère remplies de pulls de couleurs et de matières variées. Si les manches sont trop longues, je connais un sort pour les ajuster.
Harry jeta rapidement son dévolu sur un épais lainage vert foncé avec un col montant muni d'une fermeture éclair.
-Je crois que celui-ci conviendra très bien, dit-il en se retournant pour montrer son choix à Draco. Il est…
Harry s'étrangla presque. La serviette qui couvrait Draco était maintenant négligemment jetée sur un fauteuil et lui était nu comme un ver, absorbé par la contemplation de différents sous-vêtements rangés dans un tiroir. Quand il releva la tête, Harry se détourna précipitamment, les joues rouge tomate.
- Heu… désolé, bafouilla Harry. Je… désolé…
- Voyons, Harry ? plaisanta Draco en enfilant un boxer bleu foncé. On est faits pareils toi et moi. Ne me dis pas que les vestiaires de Gryffondor avaient des cabines individuelles et que tu ne t'es jamais retrouvé à poil devant tes camarades…
- Heu… non… si… je veux dire… merci pour le pull. A plus tard !
Et sur ses mots, il s'encourut pratiquement de la chambre.
Dans le couloir, adossé au mur, Harry se fustigea d'être aussi empoté. Evidemment qu'il s'était déjà retrouvé à poil devant d'autres hommes ! Après les matchs de quidditch à Poudlard, dans les vestiaires du Ministère après une mission ou un entrainement physique. Pourquoi réagissait-il comme un demeuré quand il s'agissait de Draco ?
En se traitant une nouvelle fois d'idiot, il entreprit de descendre à la salle à manger pour le petit-déjeuner. Mais perturbé comme il l'était, il prit le couloir dans le mauvais sens. Après avoir tourné en rond pendant cinq minutes, il rebroussa chemin en soufflant avec agacement. C'est le moment que choisit Draco pour sortir de sa chambre.
-D'où viens-tu ? demanda-t-il. Ne me dis pas que tu t'es perdu ?
Harry grogna quelque chose d'incompréhensible.
- Tu es une cause désespérée, Potter. Tu n'as aucun sens de l'orientation.
- Mon sens de l'orientation est parfait ! rétorqua Harry avec humeur. Je suis auror, je te rappelle ! C'est cette maison ! Ce n'est pas une maison… c'est… c'est un labyrinthe !
Draco rigola doucement.
-Cette maison est un manoir de style français. Tout est parfaitement symétrique. Il n'y a rien de compliqué là-dedans… quand on a le sens de l'orientation.
Harry fit un effort pour ne pas répliquer et s'engager dans une chamaillerie stérile. C'était une belle journée et il avait l'intention qu'elle le reste.
Entre temps, ils étaient arrivés à la salle à manger. Un plantureux buffet les attendait : œufs brouillés, bacon grillé, haricots en sauce, champignons, brioche, viennoiseries et un assortiment de confitures.
Harry se servit une tasse de thé, des œufs et du pain, tandis que Draco préférait la brioche avec de la confiture d'abricot.
- Tu as bien dormi ? demanda Draco en s'installant à table.
- Excessivement bien ! La literie est fantastique.
- J'en suis heureux.
- Et j'ai beaucoup apprécié l'espresso. Je l'ai savouré en admirant le parc. Il est splendide.
- Ah ça, il fait la fierté de ma mère. Cela fait des années qu'elle s'occupe des aménagements et des plantations.
- C'est absolument remarquable.
Harry dégusta ses œufs avec appétit. Ils étaient parfaitement cuits à son goût : crémeux sans être baveux.
- Je me demandais, continua-t-il en mâchant un morceau de pain. Les bois derrière le parc… ils vous appartiennent également ?
- Absolument.
- Ça alors… c'est immense.
- Oh, nous en avons perdu une partie pourtant.
- Vraiment ?
- Avant la grande dépression, le domaine faisait entre 3000 et 3500 hectares. Maintenant, il n'en fait plus que 1500. Mon arrière-grand-père a été contraint de vendre après avoir perdu beaucoup d'argent en bourse.
Harry regarda Draco bouche bée.
- Je ne sais pas ce qui me choque le plus, dit-il après un temps. Que tu parles d'un domaine de 1500 hectares comme s'il s'agissait d'un simple jardinet, ou le fait que ton arrière-grand-père jouait en bourse comme un moldu.
- Ma famille a toujours fait des affaires avec les moldus.
- Sérieusement ? Vous, les Malefoy, sorciers de sang-pur sur cinquante générations, vous faisiez affaire avec les moldus ?
- Oui.
- Même ton père ?
- Surtout mon père.
- Mais ils détestaient les moldus !
- Oui, mais il adorait l'argent. Et s'il y a une chose pour laquelle les moldus sont doués, c'est faire de l'argent. Alors, il s'en accommodait… d'une certaine façon.
Harry préféra ramener le sujet sur le parc, son étendue et son entretien car il n'avait pas vraiment envie de parler de Lucius Malefoy et de son hypocrisie vis-à-vis des moldus.
Ils terminèrent leur petit-déjeuner dans la bonne humeur puis se mirent en chemin vers les écuries.
-17-
Harry appréciait la promenade bien plus qu'il ne l'avait imaginé. Le cheval qu'il montait était une jument à la robe isabelle, très calme et très docile, idéale pour un novice comme lui.
Comme il se l'était figuré, la forêt était magnifique. Les arbres nus laissaient passer la lumière vive et froide de l'hiver et la neige crissait agréablement sous les sabots des chevaux.
Ils discutaient de tout et de rien, se racontant des anecdotes amusantes comme la fois où Harry avait gonflé sa tante Marge. Draco riait tellement qu'il en avait mal aux côtes, avant de s'offusquer gentiment du favoritisme dont Harry faisait l'objet, car n'importe qui d'autre que lui aurait été renvoyé en pareilles circonstances.
Autrefois, une telle discussion aurait immédiatement tourné à l'aigre. Draco se serait montré méprisant et insultant, et Harry aurait mal réagi. Ils auraient fini par se disputer, voire même se taper dessus. Ces temps-là étaient révolus.
Ils chevauchaient en silence depuis plus d'une demi-heure, mais ce silence n'était pas pesant, au contraire. Il était agréable. Confortable, même. Harry ne se lassait pas d'observer le paysage autour de lui. Il se sentait serein comme il l'avait rarement été.
Au bout d'un quart d'heure, Draco les fit s'écarter du chemin. Ils progressèrent plus profondément dans la forêt avant d'arriver à ce qui ressemblait à une petite cabane en bois, en forme de demi-lune, perchée en hauteur. Draco mit pied à terre et attacha son cheval à un tronc d'arbre, puis Harry en fit autant.
- Où sommes-nous ? demanda-t-il.
- Chut, fit Draco en posant un doigt sur sa bouche. C'est un observatoire à gibier. Nous allons grimper en haut. Avec un peu de chance, nous verrons passer quelques animaux.
Draco grimpa promptement l'échelle en bois, suivi par Harry. L'intérieur de la cabane était sombre. Seule une percée longue et étroite laissait passer la lumière. Devant la percée, se trouvait une banquette en bois rudimentaire.
Harry se pencha pour regarder par la fenêtre.
En hauteur, le paysage était complètement différent de ce qu'il voyait au sol. La forêt s'évasait en une clairière qui aboutissait au bord d'un immense lac.
Soudainement, les cimes dénudées des arbres frémirent sous le passage d'un groupe de grues cendrées.
- Par Merlin, souffla-t-il. C'est magnifique…
- Elles viennent de Scandinavie et migrent vers l'Espagne et l'Afrique du Nord, expliqua Draco. Plus tôt dans la saison, on peut observer des cigognes, des étourneaux et des sarcelles. C'est fascinant.
- Tu viens souvent ici ?
- Moins qu'avant. Quand je vivais au Manoir, je venais à la moindre occasion. C'était comme un refuge. Un endroit hors du temps. Hors des problèmes. Parfois, je m'imaginais enfourcher mon balai et suivre les oiseaux, où qu'ils aillent.
Harry médita ces propos quelques instants.
- Tu aurais pu le faire ? demanda-t-il à voix basse. T'en aller. Tout quitter.
- Non, murmura Draco après un long silence. Je n'aurais pas pu abandonner mes parents.
- Je comprends.
Ils restèrent silencieux, à observer la nature autour d'eux. Draco avait emporté des multiplettes et Harry s'amusait à scruter les arbres pour débusquer l'un ou l'autre volatile qui s'y cachait.
-Harry ! chuchota soudain Draco en lui donnant un petit coup de coude. Regarde ! J'espérais bien les voir mais je n'étais pas sûr qu'ils se montreraient…
Harry quitta ses multiplettes pour regarder dans la direction que Draco lui indiquait. Il écarquilla les yeux et ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit.
A quelques mètres d'eux, en contrebas, une harde de cerfs traversait la forêt en direction de la clairière. Certains spécimens avaient des bois tellement volumineux que Harry se demanda comment ils pouvaient encore dresser la tête. Au milieu du groupe, il remarqua aussi quelques biches.
Il les observa, restant parfaitement silencieux et immobile car il savait que le moindre bruit, le moindre souffle, le moindre craquement suffirait à les faire fuir.
L'essentiel de la harde atteignait la clairière et les abords du lac quand le dernier individu qui fermait la marche s'arrêta net, aux aguets. Il tourna la tête en direction de la cabane. Même à cette distance, l'animal paraissait immense.
Harry croisa son regard. Contrairement à ce qu'il pensait, le grand cervidé ne prit pas la fuite. Il se contenta de le fixer placidement de ses yeux noirs et doux avant de faire un mouvement de tête, presque comme un salut, si imperceptible que Harry crut l'avoir imaginé. Puis, il s'en retourna rejoindre la harde, sans presser le pas.
Harry resta encore quelques secondes à fixer les animaux, avant de relâcher sa respiration qu'il n'avait pas eu conscience d'avoir retenue jusque-là.
-Eh bien, dit Draco. C'était un sacré spectacle. Je ne les avais jamais vu d'aussi près.
Comme Harry ne répondait pas, il se tourna vers lui.
- Harry, ça va ? s'inquiéta-t-il.
- Oui… oui, ça va, répondit Harry en se ressaisissant. C'était… incroyable.
Disant cela, il fut parcouru d'un long frisson.
- Tu as froid, dit Draco. Viens, ne restons pas ici ou bien tu vas attraper la mort.
- Non, non, je t'assure que…
Mais Draco n'écoutait pas. Il descendit de la cabane et Harry ne put que le suivre. Il l'aida à se remettre en selle et tous deux reprirent la route à travers les bois. Ils chevauchèrent à peine une dizaine de minutes avant d'arriver à proximité d'un petit chalet en pierre et en bois.
-C'est l'ancien pavillon du garde-chasse, indiqua Draco. Nous allons faire une pause et nous restaurer. J'ai donné des instructions aux elfes de maison pour qu'ils nous préparent quelque chose de chaud.
Il précéda Harry à l'intérieur du chalet. Un feu ronflait dans la cheminée et une table avait été dressée pour le repas, avec en son centre, une soupière fumante. Une bonne odeur de soupe au potiron et de pain frais flottait dans la pièce. Harry en eut l'eau à la bouche en même temps que son estomac gargouillait bruyamment.
- Eh bien, j'ai faim apparemment, rigola-t-il.
- Tant mieux ! dit Draco. Le timing est parfait.
Ils se débarrassèrent de leurs vestes, gants, bonnets et écharpes et prirent place autour de la table. Ils mangèrent avec appétit, sans beaucoup parler, mais une fois encore, le silence n'était pas dérangeant.
Quand ils eurent terminé, Draco sortit d'une armoire un panier remplit de muffins aux pommes et à la cannelle.
- Tu veux une tasse de thé ?
- Je veux bien, merci.
Le temps que Draco prépare le thé, Harry se leva et se posta devant la fenêtre.
- Tu vas bien ? demanda à nouveau Draco. Tu as l'air absent depuis tout à l'heure. J'ai dit ou fait quelque chose qui t'a déplu ?
- C'est tout le contraire, répondit Harry, le gorge un peu nouée. Je… la rencontre avec les cerfs… c'était…
Il prit une longue inspiration. Il sortit sa baguette et sans un mot la pointa vers le milieu de la pièce. Un filament blanc luminescent en sortit jusqu'à prendre la forme d'un cerf majestueux.
-Whaou, souffla Draco.
L'animal s'approcha de lui. Il semblait tellement réel que Draco avança doucement sa main en dessous de son mufle. Le cerf se pencha comme s'il cherchait à le renifler avant de redresser la tête et de s'évaporer tout doucement.
-Je ne savais pas que ton patronus était un cerf, dit Draco d'une voix étrange.
Harry hocha simplement la tête.
- C'était aussi la forme d'animagus de mon père.
- Ton père était un animagus ? s'étonna Draco.
- Oui.
Harry se rassit à table, et tandis qu'il buvait du thé et mangeait un muffin, il raconta à Draco l'histoire de son père et de ses amis, Sirius, Remus et Peter, et des raisons pour lesquelles ils avaient fait en sorte de devenir des animagus.
Draco écoutait sans rien dire, n'en perdant pas une miette.
- Hé bien, c'est une histoire incroyable, dit-il quand Harry eut terminé son récit.
- Oh, j'en ai quelques-unes, des histoires incroyables, répondit Harry avec un peu rire désabusé.
Il posa sa tasse vide sur la table et retourna près de la fenêtre. Dehors, quelques flocons commençaient à tomber.
-Il neige, dit-il. On l'aura peut-être notre bataille de boules de neige…
Comme Draco ne répondait pas, Harry se tourna vers lui. Il était simplement en train de le regarder en souriant.
- Qu'y a-t-il ? demanda Harry.
- C'est drôle, dit Draco en se levant à son tour et en rejoignant Harry près de la fenêtre. Nous avons passé sept ans ensemble à Poudlard, tu étais mon meilleur ennemi, je pensais tout connaître de toi… je m'aperçois aujourd'hui que je ne savais rien du tout…
- Tu te trompes, Draco, dit doucement Harry. Tu me connaissais mieux que personne.
- Vraiment ?
- A Poudlard, excepté Ron et Hermione, tous les autres ne connaissaient que Harry Potter, le garçon-qui-a-survécu. Toi, tu ne voyais que Potter, le garçon orphelin, ordinaire et agaçant. Tu étais le seul à me considérer comme une personne normale, banale même.
- Et… c'était une bonne chose ?
- Oui. Ta haine, ton mépris m'ont permis de garder le sens des réalités. Et encore aujourd'hui, alors qu'on ne se déteste plus, qu'on est amis, tu es le seul à me ramener les pieds sur terre. Avec toi, rien n'a jamais été acquis… et c'est ce dont j'avais besoin.
Draco resta silencieux un moment. Puis il s'approcha, prit le visage de Harry entre ses mains et il l'embrassa.
Harry écarquilla les yeux. Il eut cette pensée incongrue que les lèvres de Draco étaient douces, extrêmement douces. Plus douces que celles de Ginny. Il était perdu entre la sensation de chaleur occasionnée par les mains de Draco sur ses joues, sa bouche sur la sienne, et le frisson qui parcourait son échine dorsale comme un courant électrique.
Sans vraiment le vouloir, Harry bougea les lèvres, ce qui sembla encourager Draco qui chercha à approfondir le baiser.
Harry se ressaisit. Avec brusquerie, il ôta les mains de Draco de son visage et se recula.
- Par Merlin, qu'est-ce qu'il te prend ? s'énerva-t-il, davantage contrarié contre lui-même que contre Draco.
- Harry, ne fais pas celui qui ne comprend pas.
Harry ne répondit pas. Il semblait complètement perdu.
- Tu peux m'engueuler si tu veux, proposa Draco avec un pauvre sourire.
- Non, soupira Harry après un temps. Non. Je… c'est impossible, dit-il. Je ne peux pas… te plaire.
- Si c'est la seule chose qui te tracasse, je vais dissiper cela très vite. Tu me plais. Tu me plais beaucoup.
- Je suis marié.
- Hm. J'admets que cet aspect-là des choses est problématique. Mais pas insurmontable.
- Tu te fous de moi ? s'emporta Harry.
- Non. Je note simplement qu'à aucun moment tu ne me dis que tu n'as pas envie.
Piqué au vif, Harry détourna les yeux. Il était incapable de détromper Draco. Incapable de lui mentir. Car en vrai, il n'avait jamais rien ressenti de pareil.
- Je veux rentrer, dit-il abruptement.
- Harry…
- Je veux rentrer. Maintenant.
- D'accord, abdiqua Draco. Mais nous allons prendre la jeep.
- La jeep ? Quelle jeep ?
- Celle qui est garée derrière le chalet. Je n'étais pas sûr que tu aurais envie de refaire le chemin du retour à cheval, ou que le temps nous le permettrait, alors j'ai amené une voiture, au cas où.
- Nous pouvons transplaner.
- Les protections du domaine t'en empêcheraient. Ou alors tu devrais t'accrocher à moi, et tu n'as pas l'air d'en avoir envie.
- Je suis auror ! Je peux transplaner où bon me semble !
- Oui, mais si tu le fais, tu devras rendre un rapport sur les raisons pour lesquelles tu as forcé les protections d'une résidence privée, et tu sais comme moi que, s'agissant du Manoir Malefoy, il y aura une enquête approfondie ! dit Draco en haussant le ton. Tu as peut-être l'impression que le monde sorcier m'a réhabilité, mais crois-moi, il s'agit d'une façade ! Beaucoup de gens au Ministère rêveraient de me voir tomber, et je ne veux pas leur donner cette occasion !
Harry fit un bref soupir exaspéré.
- Que fait-on des chevaux ? demanda-t-il.
- Ils sont à l'abri. Les elfes viendront les nourrir et les ramener aux écuries ensuite.
- D'accord, prenons la voiture.
-18-
La route qu'ils empruntèrent avec la voiture était un peu plus longue car elle ne traversait pas la forêt mais la contournait. Dans l'habitacle, le silence était pesant.
Au bout de plusieurs minutes qui parurent plus longues que des heures, Draco stoppa la voiture au milieu du chemin.
-Que se passe-t-il ? demanda Harry.
Draco se tourna vers lui, le regardant bien dans les yeux.
- Tu veux qu'on en parle ?
- Il n'y a rien à en dire, répondit sèchement Harry en se détournant et en fixant ostensiblement le pare-brise, les bras étroitement croisés contre lui.
- Je ne parle pas du baiser. Pas seulement.
- De quoi alors ?
- Du fait que je suis amoureux de toi.
Le silence se fit encore plus épais. Puis Harry détacha sa ceinture de sécurité et ouvrit la portière du véhicule.
-Où vas-tu ? demanda Draco.
Sans l'écouter, Harry sauta en bas de la jeep et marcha droit devant lui.
-Harry ! s'écria Draco en sortant à son tour. Où vas-tu ?
Harry s'arrêta devant un arbre immense et le frappa à coups de poing et à coup de pied.
-Harry, souffla Draco derrière lui. Si tu dois frapper quelqu'un, frappe-moi. Ce chêne centenaire ne t'a rien fait.
- AAARRRGHH ! cria Harry en frappant le tronc une nouvelle fois.
Puis il se retourna vers Draco.
-Tu n'as pas le droit de faire ça ! hurla-t-il en pointant le doigt vers lui. Tu n'as pas le droit de me dire des choses comme ça ! De foutre le bordel dans ma vie ! De m'embrasser alors que je n'ai rien demandé !
-C'est vrai, soupira Draco. Je n'aurais pas dû t'embrasser sans rien te demander. Je suis désolé pour ça et je m'en excuse. Mais je ne m'excuserai pas d'être amoureux de toi et de te l'avoir dit. Quant à foutre le bordel dans ta vie, eh bien, dit-il en haussant les épaules avec un petit sourire, c'est ce que je fais de mieux depuis qu'on a onze ans, non ?
Cela décupla la colère de Harry qui, cette fois, martela le torse de Draco de ses poings.
- Arrête ! dit-il. Arrête de prendre tout ça à la légère !
- Crois-moi, je ne prends rien de tout ça à la légère.
Draco attrapa doucement les poignets de Harry.
-Pourquoi es-tu si en colère ? Pourquoi ne peux-tu te contenter de me dire que tu n'es pas intéressé et me demander de te laisser tranquille ? Je ne suis pas un foutu harceleur, tu sais.
Harry se figea. Il fixa Draco, ouvrit la bouche mais fut incapable de prononcer le moindre le mot.
- Je vois, dit Draco après un moment. Tu n'es pas en colère contre moi, mais contre toi. Ou bien si tu m'en veux, c'est à cause de ce que je te fais ressentir, ajouta-t-il impitoyablement.
- C'est faux, je…
Harry soupira comme un condamné à mort.
- Tu n'es pas amoureux de moi, dit-il. Je suis juste… un défi, pour toi.
- Non.
- Je te connais, Draco. Je te connais mieux que personne. Tu aimes les challenges. Tu aimes convoiter ce qui n'est pas à toi. Ce que tu ressens, c'est du désir, c'est tout.
Un éclair de colère passa dans les yeux gris de Draco en même temps qu'il retirait ses gants. Il les jeta par terre et Harry crut un instant qu'il allait le frapper. Il n'en fit rien. Il se contenta de poser sa main sur sa nuque et l'attirer à lui. La main était agréablement tiède sur sa peau froide et Harry s'agaça d'apprécier cette sensation.
-Ecoute-moi bien, Harry, dit Draco tellement bas qu'Harry dut faire un effort pour l'entendre. Je sais parfaitement faire la différence entre l'amour et le désir. Je ne fais pas que te désirer. Je t'aime.
Pendant les quelques secondes où Draco resta là, le regard planté dans le sien, sa main sur sa nuque, Harry crut – non, espéra – que Draco l'embrasse à nouveau. Mais il retira sa main, emportant avec lui la douce chaleur qu'elle diffusait. Il ramassa ses gants et se tourna pour se diriger vers la voiture.
La sensation d'abandon prit Harry par surprise, tellement elle était violente. Sans y réfléchir, il attrapa le bras de Draco, le forçant à se retourner. Quand il fut face à lui, un air interrogatif sur le visage, il saisit avec brusquerie les revers de sa veste et l'attira à lui.
Contrairement à la première fois, ce baiser-là ne fut pas tendre. Leurs bouches mordaient, leurs dents s'entrechoquaient. Il y avait quelque chose de coléreux, de vengeur presque, dans ce baiser. Pourtant, Harry n'y aurait renoncé pour rien au monde. Aussi, quand Draco s'écarta, mettant lui-même fin à leur étreinte, Harry fut atrocement déçu. Mais il n'en montra rien.
-Viens, Harry. Rentrons, dit Draco.
Pantelant, les lèvres gonflées et la peau irritée, Harry se contenta de suivre Draco dans la voiture. Ils redémarrèrent et terminèrent le trajet dans le silence le plus complet.
-19-
De retour au Manoir, Harry s'enferma dans sa chambre. Il aurait tout donné pour parler à Ginny mais il savait qu'il était illusoire de tenter de la joindre. Lors des séances d'entrainement, les contacts extérieurs étaient réduits au strict minimum. C'était déjà le cas avec ses précédentes équipes, mais la règle était encore plus stricte chez les Harpies.
Bon sang, qu'allait-il se passer demain soir quand elle rentrerait ? Est-ce qu'elle se rendrait compte de quelque chose ? Devait-il tout lui raconter ? Il décida que non. Ce qui s'était passé n'avait aucune importance. C'était un non-événement.
Il essayait de s'en persuader alors qu'il prenait une douche mais il ne pouvait chasser de son esprit le souvenir du baiser. Dire qu'il avait apprécié était un euphémisme. Et ça le rendait malade.
Il terminait à peine de s'habiller quand on frappa à la porte.
Draco.
-Le dîner va être servi, dit-il quand Harry lui ouvrit. Comme je craignais que tu te perdes, j'ai préféré t'accompagner.
Harry hocha simplement la tête et suivit Draco sans un mot jusqu'à la salle à manger.
Narcissa était déjà là. Elle semblait plus fatiguée que la veille et plus confuse. Mais quand Harry lui parla du projet de réaménagement du Square Grimmaurd, il fut satisfait de constater qu'elle n'avait pas oublié leur conversation. Durant tout le repas, il la monopolisa sur le sujet, afin de ne pas devoir parler à Draco plus que nécessaire. Narcissa n'y voyait que du feu, trop heureuse de lui donner des conseils et de lui raconter l'une ou l'autre anecdote sur la maison.
Malheureusement pour Harry, le dîner se termina relativement tôt car juste après le dessert, Narcissa annonça qu'elle souhaitait rejoindre ses appartements pour se reposer.
- On dispute une partie de billard ? proposa Draco.
- Hum… la journée a été bien remplie. Je préférerais me reposer également.
- Bien, mais prenons un verre avant.
- Draco…
- Viens, Harry.
Draco avait une façon de prononcer ces mots qui ôtait à Harry toute velléité de protestation. Avec un soupir résigné, il se leva de table et accompagna Draco dans la salle de billard.
Draco leur servit deux verres de whisky.
-C'est un whisky moldu, dit-il. Tullamore Dew, 18 ans d'âge. Un whisky irlandais.
Harry apprécia la saveur chaleureuse, fruitée et un peu caramélisée de l'alcool. C'était autre chose que le whisky pur feu qui vous brûlait la gorge et la langue avant même d'avoir atteint l'estomac.
- Il est délicieux.
- Il est encore meilleur accompagné d'un bon cigare. Ça te tente ?
- Pas vraiment, merci.
Draco, lui, prit un cigare dans une des caves posées sur le dressoir. Il en coupa le bout et l'alluma à l'aide d'un briquet argenté qu'il referma ensuite d'un claquement sec.
Ils restèrent silencieux, Harry à siroter son verre et Draco à fumer tranquillement son Havane.
- Il va sans doute neiger toute la nuit, dit-il en regardant par la fenêtre. Nous pourrons certainement faire notre bataille de boules de neige demain matin.
- Draco, je préfèrerais…
- J'ai toujours adoré jouer dans la neige, coupa Draco. Quand j'étais petit, Dobby jouait beaucoup avec moi.
- Dobby ? répéta Harry.
- Oui. Ça ne t'aura pas échappé qu'étant enfant, j'étais seul la plupart du temps. Je n'avais ni frère et sœur, et je n'avais pas d'ami. Alors, c'était Dobby qui jouait avec moi.
Harry ne savait pas trop quoi dire, mais apparemment Draco n'attendait aucune réponse, car il continua :
- C'est pour cela que j'étais pressé d'entrer à Poudlard. Pour pouvoir être ami avec toi. Evidemment, je m'y suis mal pris. J'avais été élevé dans l'idée que tout le monde respectait les Malefoy en raison de leur rang dans la société sorcière et de leur fortune. Je n'imaginais pas un instant que, toi, le Garçon-qui-a-survécu, dont j'entendais les histoires depuis ma plus tendre enfance, ne connaissait rien en réalité du monde sorcier… et que mon rang et ma fortune ne t'impressionnaient absolument pas…
- Pourquoi tu me racontes ça, Draco ?
Draco se tourna vers Harry.
-Tu ne me crois pas, n'est-ce-pas ? dit Draco sans répondre à la question. Quand je te dis que je suis amoureux de toi, tu ne me crois pas.
- C'est plus compliqué que ça, soupira Harry. Je… je… je ne sais pas quoi en penser. Je…
- Je comprends, coupa Draco. Alors écoute-moi.
Il posa son verre sur une table et son cigare à peine fumé dans un cendrier et reporta son attention sur Harry.
- Je n'ai jamais été capable de produire un patronus, dit-il. Pas parce que je n'étais pas compétent. Tout simplement parce que je n'avais pas suffisamment de souvenirs heureux.
- Je… je ne savais pas, murmura Harry, touché par cet aveu bien plus qu'il ne s'y attendait.
- Jusqu'il y a deux ans. Toi et moi, nous prenions un café ensemble au Ministère. Ce jour-là, tu es arrivé, tu t'es assis en face de moi et tu as commencé à me raconter quelque chose, je ne sais plus quoi, un truc banal. Ç'a été un moment exceptionnel pour moi. Parce que ce truc banal, tu m'en as parlé comme tu en aurais parlé à un ami. Tu n'étais plus sur la réserve comme tu l'étais jusqu'alors. Tu étais… toi.
Il fit quelques pas dans la pièce.
-Le soir-même, j'ai tenté à nouveau de produire un patronus. J'étais résigné, je ne m'attendais à rien. Et ça a fonctionné. Oh, c'était un simple filament brillant qui s'est diffusé pendant quelques secondes à peine, mais c'était la première fois que ce sort produisait quelque chose, même si c'était infime. J'étais sidéré. Et terriblement heureux. A partir de là, j'ai réessayé constamment, me nourrissant des souvenirs de ces moments que nous passions ensemble. Et je suis enfin parvenu à produire un vrai patronus. Ce n'était pas encore un patronus corporel mais c'était un patronus quand même.
Harry écoutait mais ne disait rien.
- Puis, il y a quatre mois, les choses ont changé. Mon patronus est devenu corporel.
- Vraiment ? demanda Harry.
- Tu connais les théories sur les patronus corporels. Soit, ils représentent un trait de caractère du sorcier qui le produit. Soit…
- Ils prennent la forme du patronus d'une personne chère.
Draco hocha la tête. Il sortit sa baguette.
-Expecto patronum !
Le filament argenté s'enroula sur lui-même et se développa pour prendre la forme d'un cerf. Harry était stupéfait.
-Je n'ai pas compris au départ, expliqua Draco, d'où venait le cerf. J'ai pensé qu'il représentait la fierté qui me caractérise. Ou bien une réminiscence de mon enfance et de mon adolescence quand je passais tout mon temps à les observer dans la forêt… Mais cet après-midi, en voyant ton patronus, j'ai compris.
Comme Harry ne disait toujours rien, Draco s'approcha de lui.
- Je ne te mens pas, Harry.
- Je sais, murmura ce dernier.
- Quel est le problème alors ?
- Le problème ? s'écria Harry. Le problème, c'est qu'en un weekend, tu es parvenu à mettre mon monde sens dessus dessous ! Je ne sais plus où j'en suis ! Bordel, je ne suis pas censé aimer embrasser un autre homme !
- Oh ? Donc, tu as aimé ? dit Draco avec un petit sourire. C'est merveilleux.
Harry souffla avec exaspération.
-Non, ce n'est pas merveilleux, marmonna-t-il.
Draco avança la main et la passa tendrement dans ses cheveux.
-Nous nous verrons demain, dit-il. Bonne nuit, Harry. Et n'aie aucune crainte, je ne t'importunerai pas cette nuit. Comme je te l'ai dit, je ne suis pas un harceleur.
Harry hocha la tête avant de quitter la pièce, le cœur lourd et l'esprit confus.
-20-
Contre toute attente, Harry avait extrêmement bien dormi. Quand il ouvrit les yeux, une lumière blanche aveuglante filtrait par les tentures entrouvertes.
Comme un gamin, il se précipita à la fenêtre, ouvrit les tentures en grand et contempla le parc du Manoir couvert d'un épais manteau neigeux. Il eut un grand sourire en s'imaginant déjà fabriquer un énorme bonhomme de neige. Sa joie s'évanouit cependant bien vite. Il n'était pas question qu'il reste au Manoir. Il devait rentrer chez lui, recouvrer ses esprits et reprendre sa vie là où il l'avait laissée avant d'entamer ce désastreux séjour.
Résolu, il gagna la salle de bain, prit une douche et s'habilla. Tout du long, il essaya de ne pas repenser à la partie de billard, à la promenade à cheval et encore moins à ce qui avait suivi, mais c'était peine perdue. Il pouvait toujours sentir l'odeur de l'eau de Cologne de Draco, la chaleur de ses mains, la douceur de ses lèvres.
Il aurait voulu se gifler tellement son propre comportement l'agaçait.
Dépité, il posa son sac de voyage sur le lit et commença à rassembler ses affaires quand des coups furent frappés à la porte. Il soupira en fermant les yeux. Ce ne pouvait qu'être Draco.
- Salut, dit ce dernier quand il eut ouvert la porte. Bien dormi ?
- Bien, merci, répondit Harry d'un ton qu'il espérait le plus neutre possible.
Draco lui sourit et s'approcha. D'un doigt, il écarta une mèche du front de Harry, caressant sa tempe au passage. Puis il se pencha, suffisamment lentement pour donner à Harry l'occasion de reculer. Harry n'en fit cependant rien et l'instant d'après, Draco l'embrassait.
Harry voulait le repousser. Il devait le repousser. Mais son corps, ce traitre, n'était pas d'accord. Sans y réfléchir, il saisit le devant du pull de Draco pour l'attirer davantage à lui, s'enivrant au passage de l'odeur de son parfum.
Quand il revint à la raison et décida finalement de s'écarter, c'était trop tard. Draco le regardait avec un sourire en coin qui transpirait la satisfaction.
- Allons prendre le petit-déjeuner, dit Draco. Ensuite nous irons faire une bataille de boules de neige.
- Je… je dois préparer mon sac, objecta Harry. Je…
- Oh, bon sang, laisse Eggy s'en charger, voyons !
Draco prit Harry par la main et l'attira hors de la chambre.
-Allez viens !
Ils prirent leur petit-déjeuner dans un silence relatif. Harry cherchait un moyen de dire à Draco qu'il voulait s'en aller, rentrer chez lui et oublier tout ce qui venait de se passer, mais il n'y parvenait pas. Chaque fois que Draco le regardait, par-dessus sa tasse de thé ou en mordant dans son toast, il sentait sa détermination s'envoler.
- Est-ce que tu m'as jeté un sort ? demanda brutalement Harry au bout d'un moment.
- Quoi ?
- Ou bien est-ce une potion que tu m'as administrée à mon insu ?
- Je te demande pardon ?
- Je ne suis plus moi-même depuis que je suis arrivé ici, clarifia Harry. Alors, je te pose la question : un sort ou une potion ?
Draco soupira en pinçant les lèvres, clairement mécontent.
-Tu sais, Harry, si tu doutes de toi-même, je n'y suis strictement pour rien. C'est vraiment lâche de ta part.
- Je ne suis pas un lâche ! rétorqua Harry.
- En cet instant, si. Tu es idiot aussi.
- Oh, vraiment ?
- Oui. Tu es un Auror. Tu connais le sort pour déceler n'importe que enchantement ou potion qui serait à l'œuvre sur toi.
Pour le coup, Harry fut mouché. Il n'y avait pas pensé. Preuve qu'il n'était décidément plus lui-même en ce moment.
-Alors ? insista Draco. Qu'attends-tu pour vérifier ?
Harry n'en fit rien.
- Désolé, maugréa-t-il à contre cœur. Je suis… déboussolé.
- Je m'en rends compte, admit Draco, et j'en suis vraiment désolé. Je ne voulais pas que ça se passe comme ça.
- Comment voulais-tu que ça se passe au juste ?
Draco haussa les épaules.
-Je ne sais pas. Que tu envoies les papiers du divorce à ta femme ? Je suis avocat, ils peuvent être prêts dans dix minutes si c'est ce que tu veux…
Harry fixa Draco, incrédule, avant de remarquer le léger frémissement au coin de sa bouche.
- Tu es impossible, soupira Harry en se prenant la tête dans les mains.
- Arrête d'en faire tout un drame.
- Quoi ? s'offusqua Harry. Comment oses-tu me dire…
- Allez, viens, Harry. Allons dehors, coupa Draco en se levant.
Et une fois de plus, Harry ne protesta pas.
-21-
La bataille de boules de neige avait commencé de manière bon enfant. Le temps était magnifique, la neige avait la consistance idéale et l'humeur chagrine de Harry s'était bien vite envolée.
-On va élever le niveau ! dit Draco en sortant sa baguette.
Il jeta un sort qui fit se former une vingtaine de boules de neige toutes seules. Puis, il en fit léviter une qu'il projeta contre Harry. Celui-ci, en Auror aguerri, lança un protego informulé.
-Oh, tu veux jouer à ça, Malefoy ? répondit Harry avec un sourire sardonique. Tu vas voir !
Il jeta le même sort que Draco et bientôt, ils se trouvèrent tous les deux à côté d'un joli monticule de boules de neige, empilées comme autant de petits boulets de canon.
Les premiers envois étaient plutôt maitrisés, l'un et l'autre esquivaient habillement. Harry ralentit cependant le rythme tandis qu'il se perdait dans la contemplation de son adversaire. Avait-il déjà remarqué combien Draco était beau ? Combien ses cheveux blonds prenaient des reflets argentés au soleil ? Il notait ainsi avec une acuité surprenante une foule de détails, comme la rougeur de ses joues suite à l'effort, les petits nuages de buée qui s'échappaient de sa bouche ou encore les fines ridules au coin de ses yeux quand il souriait.
-Tout va bien, Harry ?
Harry se ressaisit en même temps qu'une colère sourde gonflait dans son ventre. Pourquoi fallait-il que ça lui arrive ? Pourquoi était-il subitement devenu aussi perméable au charme de Draco ? Peut-être n'avait-il pas utilisé de sort ou de potion, mais il n'en restait pas moins que tout ce merdier était de sa faute.
Hors de lui, Harry créa à la vitesse de l'éclair un autre monticule de boules de neige. La première qu'il envoya partit à une telle vitesse qu'elle frappa Draco en plein milieu du ventre, le faisant chanceler. La deuxième fut encore un peu plus violente. Ce fut ensuite un vrai déchainement. Le pire, c'est que Draco ne bougeait plus. Il encaissait les coups sans broncher. Cette inertie décupla la colère de Harry.
-ALLEZ ! DEFENDS-TOI ! hurla-t-il.
Mais Draco ne bougeait toujours pas. Le devant de sa veste, ses cheveux, étaient maculés de poudreuse et il restait là, les bras ballants, à subir les assauts de colère de Harry.
Quand Harry eut épuisé le stock de boules, il n'était pas calmé pour autant. Il y avait un feu qui brûlait à l'intérieur de lui que rien ne parviendrait à éteindre, sauf peut-être le besoin de faire souffrir celui qui se trouvait en face de lui. Il raffermit la prise sur sa baguette et, une lueur presque meurtrière dans le regard, la leva. Pendant un instant, il songea au sortilège doloris, mais à la place, il cria :
-Sectum sempra !
Draco était toujours immobile. Le sort passa à cinquante centimètre de lui et s'écrasa contre arbre, lui arrachant un morceau de branche au passage. Il y eut un fracas, puis plus rien. Juste le silence.
Atterré par ce qu'il venait de faire, Harry lâcha sa baguette. Elle tomba dans la neige sans un bruit avant que lui-même ne tombe à genoux.
Draco s'approcha. Harry le fixait, les yeux écarquillés, comme s'il ne pouvait croire qu'il était toujours vivant.
- Qu'est-ce que j'ai fait ? murmura Harry. Par Merlin, qu'est-ce que j'ai fait ?
- Tout va bien, répondit Draco en s'agenouillant face à lui. Tu ne me visais pas.
- Si… si, je…
- Non. Si tu m'avais réellement visé, ton sort m'aurait atteint.
- Mais… je… j'ai… je voulais… je voulais…
- Tu voulais me frapper, oui. Me faire mal peut-être. Mais pas me tuer.
A ces mots, Harry laissa échapper un sanglot.
-Tu te sens mieux ? demanda doucement Draco. Ça t'a soulagé ?
Harry fit non de la tête.
- Je suis désolé, Draco. Tellement désolé…
- Ne le sois pas. Je l'ai mérité.
- Ne dis pas ça ! Si je t'avais blessé…
Harry n'acheva pas sa phrase, se contenta de fixer Draco de ses grands yeux verts humides, son visage à quelques centimètres du sien. Il lui aurait suffi de s'avancer légèrement, juste un peu…
-Viens, rentrons, dit Draco en se relevant.
Il tendit la main vers Harry qui s'en saisit. Ils regagnèrent le Manoir, laissant derrière eux un champ de bataille semblable à celui qui s'était creusé dans la poitrine de Harry.
-22-
- Narcissa, je vous remercie mille fois pour votre accueil. J'ai passé un excellent séjour.
- Oh, Harry, c'était un tel plaisir de vous avoir ici. J'espère que Draco ne vous en a pas fait voir de toutes les couleurs.
Harry se raidit. Narcissa était-elle au courant de ce qui s'était passé entre eux ?
- Hum… non… pas du tout…
-Je connais mon fils, continua-t-elle d'un air dégagé. Quand il a quelque chose en tête… je lui ai dit de ne pas vous épuiser avec toutes les activités qu'il voulait absolument faire…
- Ne vous inquiétez pas, répondit Harry, soulagé. Je me suis bien amusé. Et votre domaine est vraiment splendide.
- Vous devez absolument revenir au printemps, dans ce cas ! Le parc est encore plus beau ! Mais j'espère bien vous revoir avant cela ! Avec votre charmante épouse !
- Certainement, Narcissa. Je…
- Harry va revenir très bientôt, dit Draco qui venait d'arriver dans le hall. Ginny et lui vont passer les fêtes de Noël avec nous.
- Quoi ? souffla Harry.
- Oh, mais c'est merveilleux ! s'enthousiasma Narcissa. Quelle idée formidable ! Comment n'y ai-je pas pensé ?
- Je… attendez, dit Harry. Nous passons habituellement les fêtes au Terrier et…
- Pas cette année, dit Draco. Tes beaux-parents ont gagné un voyage en Thaïlande. Ils partent dans deux semaines et seront de retour seulement pour le Nouvel An.
- Quoi ? Mais d'où sors-tu ça ?
- Ginny vient de me le dire.
- Tu as parlé à Ginny ? Quand ?
- A l'instant. Je l'ai appelée pour lui faire part de mon idée de vous inviter pour Noël et elle m'a dit que ça tombait parfaitement bien. Apparemment, tous les Weasley avaient des plans pour Noël. Sauf elle. C'est réglé.
- Tu as parlé à Ginny ? répéta Harry. Au centre d'entrainement ? On a accepté de te la passer ?
- Evidemment, dit Draco en fronçant les sourcils. C'est un centre d'entrainement, Potter, pas Azkakan à ce que je sache…
Harry était médusé.
-C'est magnifique ! répéta Narcissa, aux anges. Je vais dresser la liste des invités. Et prévenir ton père. Une chose est sûre, il n'a pas intérêt à inviter ces deux malotrus de Crabbe et Goyle ! L'année dernière, ils ont pillé le buffet comme une nuée de sauterelles…
Elle s'éloigna en continuant à discourir avec elle-même.
- C'était trop beau pour durer, constata Draco avec tristesse.
- Draco, je ne pense pas que ce soit une bonne idée que nous venions à Noël. Je…
- C'est une excellente idée, au contraire ! Ma mère est ravie. Ça lui fera une occupation.
- Mais…
- Il n'y a pas de mais. Ta femme est d'accord. Comment lui expliqueras-tu que tu ne veux pas venir ?
Harry soupira de frustration. Evidemment, Draco avait pensé à tout.
- Bon. Il est temps que je parte. Merci pour le séjour, Draco.
- C'est moi qui te remercie, répondit Draco d'un ton un peu suggestif.
Harry décida de ne pas y prêter attention. Il prit son sac de voyage et s'engouffra dans la cheminée.
-23-
-Je suis rentrée ! cria Ginny depuis le salon.
Harry referma le magazine qu'il était en train de lire dans la cuisine et se précipita vers elle.
-J'espère que tu as préparé un gratin de macaronis, sans quoi je…
Elle ne put terminer sa phrase car Harry l'embrassait avec fougue. Il y mettait du cœur, essayant de ne pas penser au fait que les lèvres de Ginny, qui était constamment au grand air à cause des entrainements, étaient sèches et gercées. Au fait qu'elles étaient tellement fines comparées à celles légèrement ourlées de…
- Eh bien, quel accueil, minauda Ginny en s'écartant un peu.
- Tu m'as manqué, répondit Harry.
Il repartit aussitôt à l'assaut, faufilant ses mains sous le pull et le t-shirt de Ginny. Il remonta le long des côtes pour caresser ses seins. Sa poitrine était tellement menue qu'elle ne portait quasiment jamais de soutien-gorge.
Ginny enroula ses bras et ses jambes autour de Harry qui la porta jusqu'à leur chambre. Le gratin de macaroni était passé au second plan.
Une demi-heure plus tard, Harry considéra que son entreprise était un succès. Il voulait se prouver à lui-même qu'il aimait les femmes, sa femme en particulier, et que tout ce qui venait de se passer ce weekend n'avait été qu'un simple moment d'égarement.
- Eh bien, dit Ginny, encore un peu essoufflée, c'est le grand air du Wiltshire qui t'a rendu si entreprenant ?
- Qu'est-ce que ça veut dire ? réagit Harry, un peu vexé. Je suis toujours entreprenant !
Ginny se mit à rire en roulant sur le ventre.
-Arrête de râler et raconte-moi plutôt comment est le Manoir, dit-elle en balançant les jambes. C'est comme dans Downton Abbey ?
Depuis qu'elle avait commencé à regarder cette série britannique moldue, Ginny était obsédée par la vie de château.
- C'est certainement aussi grand, peut-être plus. C'est un domaine magnifique.
- Et à l'intérieur ?
- Des pièces immenses. Des couloirs sans fin. Un gong t'avertit de l'heure du souper. Donc, oui, c'est un peu comme dans Downton Abbey, sans le majordome grincheux et le valet de pied malfaisant.
- Barrow n'est pas malfaisant.
- Il est malfaisant.
- Il est seul et malheureux. Imagine-toi gay en 1912 et on en reparlera.
Harry se crispa. Il ne voulait pas s'imaginer gay, ni en 1912 ni maintenant. Mais c'était trop tard, le mal était fait : les propos de Ginny avaient ravivé le souvenir de son baiser avec Malefoy.
- Pourquoi as-tu accepté qu'on passe Noël là-bas ? demanda-t-il, clairement mécontent.
- Parce que Draco me l'a proposé, que c'était une idée géniale et que je meurs d'envie de voir le Manoir !
- Oh ce n'est pas si exceptionnel que ça…
- Bien sûr, fais ton blasé, s'agaça Ginny.
- Et c'est quoi cette histoire ? Tes parents ont gagné un voyage ?
- Exactement ! Maman me l'a annoncé la semaine dernière. Elle n'était pas sûre d'accepter de partir car tu sais bien, Noël, c'est sacré pour elle… mais je l'ai convaincue. Papa et elle méritent bien d'en profiter.
- Pourquoi tu ne m'as pas prévenu ?
- J'ai oublié !
Harry soupira avec agacement.
-C'est quoi le problème ? s'emporta Ginny.
- C'est que j'aurais aimé que tu m'en parles avant d'accepter la proposition de Malefoy… j'avais peut-être d'autres projets.
- Ah oui, lesquels ? Tu n'as jamais de projets, Harry !
- C'est faux !
- Ok. Quand as-tu planifié nos vacances pour la dernière fois ou bien organisé un weekend ?
- Je te signale que j'avais organisé un weekend ! Ce weekend ! Avant que tu ne sois contrainte de partir en Bretagne avec l'équipe !
- Oh, parce que c'est ma faute maintenant ?
- Je n'ai pas dit ça ! J'ai…
- Et puis, soyons honnêtes, coupa Ginny. Tu n'as rien préparé du tout. C'est Draco qui a tout fait, je le sais, Dennis me l'a dit.
Sur ces mots, Ginny se leva et alla s'enfermer dans la salle de bain pour prendre une douche. Harry resta allongé, à contempler le plafond de sa chambre, en se demandant ce qu'il avait fait à Merlin pour que sa vie dérape à ce point-là.
Fort heureusement, les jours qui suivirent furent assez chargés pour Harry. Entre les opérations sur le terrain, les réunions et la paperasserie en retard, il n'avait pas vraiment eu le temps de souffler. Draco s'était également fait plus rare. Quand il passait au quartier des aurors, c'était en coup de vent et Harry et lui se contentaient d'échanger quelques banalités.
Ginny quant à elle, avait cessé de battre froid à Harry quand celui-ci avait accepté de l'accompagner sur le Chemin de Traverse pour acheter les cadeaux de Noël. Ce ne fut pas une mince affaire… trouver un cadeau pour une personne qui a déjà tout et qui peut tout s'offrir, relevait de la gageure. Même chose pour Narcissa. Harry ne la connaissait pas suffisamment pour se faire une idée précise de ses goûts. Finalement, après une demi-journée de recherches et de discussions, ils fixèrent leur choix sur une épingle de cravate pour Draco et une étole en cachemire pour Narcissa.
Les jours passaient, rapprochant inexorablement Harry de ce réveillon fatidique. La veille du jour J, il s'endormit en se disant que c'était la première fois depuis très longtemps qu'il n'aurait aucun plaisir à fêter Noël.
A suivre...
