Réveillon de Noël
Date d'origine : le 24 décembre
Fandom : Yu-Gi-Oh ! Zexal
Astral remarqua que l'insistance de Yuma à le suivre partout depuis qu'il était revenu s'était un peu calmée.
Il pouvait comprendre son acharnement. Quand il était rentré dans son monde d'origine, ils avaient cru ne plus jamais se revoir. Finalement, il avait été possible pour le garçon et ses amis de le rejoindre quand il avait besoin d'eux, mais ce n'était pas pareil qu'avant.
Alors, quand les mondes s'étaient brièvement mélangés et qu'Astral avait pu devenir humain, Yuma avait en partie pensé que ce n'était qu'un rêve qui se briserait bien vite. Comment croire que des énergies métaphysiques qui se croisaient vaguement tous les mille ans pouvaient suffire à incarner quoi que ce soit dans la chair ? Il ne savait pas que c'était bien ce qui était arrivé à une partie de l'âme d'Astral après avoir été heurté par Don Thousand. Que cette partie d'essence mystique, elle s'était logée dans la sienne et que, depuis, il était comme l'alter ego de l'Astralien. Celui-ci n'avait jamais osé lui dire.
Une pile d'assiettes atterrit bruyamment devant Astral, qui sursauta sur sa chaise.
« Et voilà ! s'exclama son ami en tirant lui aussi un siège afin de s'asseoir devant un énorme méli-mélo de couverts en argent. La vaisselle pour ce soir !
-Quoi ? Ça n'a pas l'air en argent, s'étonna Astral devant les reflets noirs.
-C'est normal, ils sont oxydés ! Bon, alors, le produit pour leur rendre leur éclat… Je vais nettoyer toute la vaisselle de la maison, Maman a dit qu'il fallait que ça étincelle !
-Qu'est-ce qui lui prend ? souffla son ami à voix basse à l'intention de Kari qui passait avec le cageot de légumes que Lilibot avait rapportés du marché. »
La jeune femme dévisagea son frère un instant et haussa les épaules.
« Grand-Mère dirait qu'il est comme ça à chaque fois qu'il prévoit de partir à l'aventure, comme Papa, répondit-elle en s'éloignant. Mais je doute qu'il puisse faire ça aujourd'hui, c'est le Réveillon ce soir. »
Astral retourna à la pile d'assiettes devant lui. Elles lui paraissaient tout à fait respectables mais il prit quand même le produit et le chiffon sur la table. Yuma avait déjà rendu leur lustre argenté d'origine à la plupart des petites cuillères et il balançait ses jambes sous la table, le regard rivé à la télé. Soudain, un bruit retentit à l'extérieur. Kazuma était en train de suspendre des guirlandes lumineuses spéciales aux gouttières de la maison, des plus grosses, plus éclatantes et plus gourmandes en électricité que celles qui y étaient déjà et qui serviraient uniquement le soir et le lendemain. Il avait besoin d'aide pour les appliquer uniformément le long du toit et ce n'était pas sa mère, Haru, déjà âgée, qui allait grimper sur le revêtement de tuiles rousses. Yuma bondit littéralement de sa chaise.
« Attends, Papa, je vais t'aider ! s'exclama-t-il en faisant déjà voler ses chaussons pour se précipiter vers le jardin. »
Astral l'observa s'agiter à l'extérieur avec Kazuma et les longueurs de guirlandes multicolores qui lui tombaient sur les épaules. Mira vint bientôt lui reprendre la pile d'assiettes, assiettes creuses, assiettes à dessert, assiettes ordinaires, en lui retournant un doux sourire.
« Merci, Astral, dit-elle de sa voix mélodieuse. »
Ses longs cheveux blonds lui tombaient en cascade le long de l'épaule. Elle avait les yeux rouges, rouges comme ceux de Yuma.
« Je t'en prie, répondit l'ancien Astralien en se tournant vers elle. Est-ce que tu sais pourquoi Yuma est aussi excité, tout à coup ? »
Mira se redressa et regarda son fils. Ils étaient en train de finir leur bricolage. Il riait avec son père et Haru. La mère sourit.
« Je pense qu'il est simplement heureux, répondit-elle en retournant à la cuisine. Aide-moi à porter tout le reste, d'accord ? Je vais les rincer pour enlever le produit. Il est heureux parce que c'est le premier Noël que tu passes avec nous. Je crois qu'il a l'impression que, si tu es encore là pour ce dîner, qui est tellement important lorsqu'on est une famille, tu le seras toujours. »
Mira ouvrit le robinet de la cuisine. Kari était en train d'éplucher les légumes et montra son intérêt pour la conversation en tournant ses yeux violets vers eux. Astral prit un nouveau torchon dans le placard.
« Il a dû mal à croire que tu sois vraiment là, poursuivit Mira. S'il savait que l'incarnation des âmes n'est pas si surprenante… Mais tu ne lui as jamais dit, n'est-ce pas ?
-Dit quoi ? s'étonna Kari en fronçant les sourcils. Quel rapport y'a-t-il entre Yuma et ce monde des âmes ?
-Non, je ne lui ai pas dit, admit l'ancien Astralien en faisant de son mieux pour essuyer les assiettes. Je ne veux pas qu'il se sente comme une enveloppe de chair insignifiante… qu'il ait l'impression de n'exister qu'à travers ce morceau de mon âme, comme s'il n'était pas un être à part entière. Oui, voilà : je n'ai pas envie qu'il se sente diminué !
-Quoi ?! Qu'est-ce que tu racontes ?! s'exclama Kari avant que la main de sa mère sur son poignet ne lui intime de garder son calme. »
Il y avait du bruit dans le séjour. Yuma et sa grand-mère avaient entrepris de commencer à décorer la table tandis que Kazuma filait passer l'aspirateur à l'étage.
« Je t'expliquerai, promit Mira à sa fille. En attendant, ne t'imagine pas des choses trop affreuses, je te promets que cette affaire n'est que trop ordinaire, quand on a vu ce que ton père et moi avons vu…
-Justement, vous êtes bien les seuls à avoir eu la chance d'être touchés par cette formidable épiphanie, grommela Kari en se vengeant sur la viande, qu'elle se mit à attendrir avec conviction. Ça aurait été sympa de nous faire un petit cours de physique quantique ou peu importe ce que c'est ! »
Quand la vaisselle fut terminée, la cuisine repassa sous la propriété pleine et entière d'Haru, qui s'attela à la préparation du dîner. Sa petite-fille lui avait bien avancé la tâche, mais c'était elle qui possédait le talent et la magie de confectionner des plats succulents, merveilleux et à même d'enchanter le palais de n'importe qui, en plus d'en sortir toujours des quantités phénoménales. C'était une bonne chose : il y aurait des restes pour le lendemain, qui se fêterait avec les amis de Yuma comme ils le faisaient depuis cinq ans, depuis que les parents Tsukumo avaient disparu dans l'Astra World.
L'après-midi passa sans qu'Astral ait trouvé le moyen d'annoncer à son ami qu'ils avaient en partie la même âme tous les deux. C'était tellement difficile ! Il alla faire un tour à pied pour tenter de se changer les idées mais, bien sûr, ça n'y réussit pas du tout. La seule conviction qui lui vint (et, au final, c'était déjà ça de pris), ce fut qu'Heartland était vraiment une ville magnifique et qu'il adorait y vivre avec tous les gens qu'il avait rencontrés sur Terre.
Quand il rentra à la maison des Tsukumo, la nuit était déjà tombée et tout le monde était en train de s'installer à table. Yuma lui sourit quand il passa le seuil et lui désigna la place à côté de lui.
« Tu vas voir, le repas de Réveillon de Grand-Mère est encore meilleur que d'habitude ! lui lança-t-il en s'adossant au dossier de son siège. »
Astral le regarda et lâcha, sans pouvoir s'empêcher de se dire que ce n'était pas le bon moment là non plus :
« Yuma… Il faut que je te dise quelque chose.
-Quoi ? demanda l'adolescent, soudain crispé. Ça… ça ne peut pas attendre la fin du repas ?
-Non, Yuma, écoute… J'aurais dû t'en parler quand je m'en suis rendu compte mais nos adieux étaient trop imminents, je crois que ça nous aurait fait encore plus de peine à tous les deux… Yuma… Tu te souviens de la raison de l'existence de Numéro 96 ?
-C'était une partie de l'âme de Don Thousand qui s'était retrouvée en toi, non ? Pourquoi tu me parles de lui maintenant ? »
Autour d'eux, les parents, la sœur et la grand-mère s'agitaient partout sauf à l'endroit où ils étaient en train de parler. Astral les regarda tour à tour puis retourna à son ami :
« Si… S'il a réussi aussi facilement à m'implanter une partie de son essence vitale, c'est parce que je venais de perdre un fragment de la mienne aussi, expliqua-t-il.
-Hein ? Quoi, tu veux dire qu'il te manque un morceau ?
-Oui, on peut le voir comme ça, soupira Astral en s'efforçant de rester concentré. Enfin, cette partie d'âme n'a pas erré indéfiniment. Elle a fini par se fondre au sein d'une autre…
-Oui ?
-Au sein d'un être humain que j'ai rencontré à mon arrivée sur Terre. Sans le savoir. »
L'adolescent resta silencieux. Astral espéra qu'il avait compris; il n'allait quand même pas lui sortir une bêtise comme « Quoi ?! C'est Bronk ?! C'est Tori ?! C'est Kite ?! Je le crois pas ! Comme si toutes ces histoires n'étaient déjà pas assez compliquées ! ».
Mais non, Yuma n'était pas stupide. Il ne s'était sûrement jamais demandé comment c'était possible que l'ancien esprit et lui aient pu fusionner, mais la réponse lui apparut tout à coup. Il leva les yeux vers son ami et au bout d'un moment, demanda :
« Ça veut dire qu'on est frères ?
-Heu… Quoi ? Frères ? répéta Astral, stupéfait. »
Lui, il s'était arrêté à la constatation que Yuma, son ami humain, son partenaire de Duel, avec qui il s'était tant disputé, vécu toutes ces aventures, était son « autre lui », son alter-ego, une petite partie – littéralement ! – de lui-même. Pourquoi lui parlait-il de « frères » ? Ils n'avaient rien à voir avec Kite et Hart, avec Quatto et Trey ou même avec Shark et sa sœur, si ? Mais Yuma paraissait très sérieux.
« J'ai entendu dire quelque part que des gens pensent que les jumeaux auraient la même âme, qui se serait dédoublée, expliqua calmement l'adolescent. Bien que je n'ai pas du tout envie d'être jumeau avec toi, bien sûr ! Je veux pas devenir aussi hautain et arrogant ! Mais l'idée de frères, ça me plaît bien. »
Il se tourna vers Astral et lui sourit. L'ancien Astralien sentit des larmes lui monter aux yeux. Il prit Yuma dans ses bras et le serra contre sa poitrine.
« Tu as raison, murmura-t-il dans ses cheveux sombres. Moi aussi, Yuma… Ça me fait vraiment plaisir que cette « réincarnation », ce soit toi...
-Alors, tout est bien qui finit bien ! Tu vois, il n'y avait pas de raison d'être aussi inquiet, le rassura son ami. »
Ils restèrent enlacés encore quelques instants puis Yuma le repoussa gentiment pour que le Réveillon puisse commencer. Les autres membres de la famille les rejoignirent. L'ancien esprit amnésique en faisait vraiment partie, finalement.
