INSPECTION DES CADETS
(février 845)
Hanji Zoe

Je trace la dernière ligne de mon croquis à main levée. Il paie pas de mine à première vue, pas très vendeur... Mais je sais exactement comment il peut marcher ! Avec les bons matériaux et les bons constructeurs, ça devrait le faire ! Je vais en dessiner d'autres, comme ça j'aurais un tas d'arguments à proposer au major quand il rentrera.

Je me demande si on pourrait pas utiliser le nouvel alliage mis au point par la guilde Maja. Ils ont bien dit qu'avec ça, le bambou d'acier était encore plus résistant, non ? Il me faut des câbles extrêmement flexibles mais hyper solides, ils doivent pouvoir fournir ça contre la promesse d'un nouvel arrivage de minerai. Erwin devra s'y coller, c'est son rayon.

Je m'étire en me balançant en arrière sur ma chaise et laisse mes muscles se détendre un peu. Je n'ai pas dormi de la nuit, je suis restée au boulot à la lueur des bougies pour gratter le papier. J'aurais pas pu dormir de toute façon, l'image de cette machine me trottait trop dans la tête ! Il fallait qu'elle sorte ! J'entends cogner doucement à ma porte. Je me frotte les cheveux et va ouvrir. C'est Moblit évidemment. Il m'apporte une tasse de café et du pain beurré. T'es si prévenant ! Je crève de faim !

Je saisis la tartine et la tasse et les enfourne en retournant à ma table. Moblit scrute mon travail par-dessus mon épaule et s'étonne du résultat. Elle a de la gueule, hein ? Mais oui, on peut capturer un titan avec ce truc ; enfin, en théorie. Il me demande si je ne me sens pas fatiguée. Je devrais aller me coucher, tu as raison, quelle heure est-il ? Sept heures du matin ! Tant que ça ! Je pourrais aller me pieuter, on est pas de service. Et puis j'ai des heures de sommeil à rattraper. Comme certains autres... Qui ? D'après toi ?

Demande au gnome qui tape à tout bout de champ contre mon plancher dès que je me mets à marcher ! Tu l'imagines, debout sur un fauteuil avec un balai dans les mains en train de cogner d'en bas ? Ha ha ! Cette image me fait plaisir ! Enfin, les soldats vont pas tarder à retourner dans les baraquements. La forteresse va se vider de nouveau, finie cette bonne ambiance de vacances. Elle me manquera... Mais au moins, on arrêtera de voir Livaï arpenter les couloirs toute les nuits, une chandelle à la main, comme un fantôme triste. Il m'a tellement fait flipper, la dernière fois !

C'est pas tout ça mais je prendrais bien un p'tit dèj plus consistant. Je descends l'escalier, Moblit sur les talons, et me dirige vers la cambuse. Dans le réfectoire, les quelques explorateurs présents sont encore en train de manger. J'attrape une grosse miche de pain et me sert un plein verre de lait frais. On me salue à pleine voix, mais j'ai pas encore les yeux en face des trous ; je soulève mes lunettes et les frotte pendant quelques secondes. Ah, voilà, j'y vois mieux ! Il fait beau temps on dirait. Les beaux jours vont revenir, l'hiver s'en va. De nouvelles expéditions en perspectives ! J'ai hâte d'y retourner, yahou !

Je m'attable avec quelques jeunes recrues, quand on ouvre la porte donnant sur la cour. Nos trois vieux préférés font leur entrée. Ils ont l'air fourbus. Je me souviens qu'Erwin avait rendez-vous à Stohess, mais je savais pas que Livaï et Mike devaient venir avec lui... A tous les coups, ils se sont imposés. Eh les gars, vous avez faim ? Venez par ici.

Erwin ne se fait pas prier et s'installe tout de suite à côté de moi. Mike et Livaï se décident enfin et nous sommes bientôt tous en train de dévorer notre déjeuner. Quand les autres reviendront, ils seront moins copieux, alors on en profitent. On a même droit à de la confiture, le luxe !

Ils restent tous bien silencieux. Racontez, allez ! Nile t'a dit quelque chose d'intéressant à propos des fanatiques des Murs, Erwin ? Il me fait une synthèse, la bouche à moitié pleine, ce qui fait pester Livaï. Attends, avale, sinon il va nous faire une syncope ! Livaï a à peine picoré quand il se décide à monter, en annonçant qu'il va prendre un bain et qu'il veut pas qu'on le dérange. Mike s'étonne en protestant qu'il en a déjà pris un hier, à l'auberge. Livaï fait semblant de pas avoir entendu. Dis donc, à toi tout seul, tu vas épuiser toutes les réserves d'eau du royaume ! Il m'adresse un geste agacé depuis la porte menant à la grande salle et me conseille de pas continuer si je veux pas finir à la flotte.

C'est ça, faudrait déjà que tu m'attrapes, petit !