DISCLAIMER : Tous les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à JK Rowling.

Rating : M+

Genre : romance / slash / Yaoi


Bonne lecture !


-24-

Les décorations de Noël au Manoir étaient une affaire sérieuse. Partout où Ginny et Harry posaient les yeux, ce n'est que dorures, scintillements et illuminations. Un grand Nordman richement décoré prenait place au milieu du hall d'entrée. La rampe du grand escalier était ornée d'une guirlande lumineuse et de branches de sapin savamment entremêlées.

- Ginevra ! Enfin, vous voilà ! Je désespérais de vous accueillir un jour dans cette maison, dit Narcissa en l'embrassant sur les deux joues.

- C'est un réel plaisir d'être ici, Madame Malefoy, répondit Ginny avec chaleur. Votre demeure est vraiment magnifique. Et ces décorations… elles sont sublimes.

- Appelez-moi Narcissa, voyons. Et ce n'est pas ma demeure, mais celle de mon fils. Il est le maître des lieux dorénavant et je dépends de son bon vouloir. S'il m'enjoint d'aller vivre dans le pavillon du garde-chasse, je n'aurai pas le choix, plaisanta Narcissa.

A la mention du pavillon du garde-chasse, le sourire de Harry se crispa. Narcissa n'eut pas le temps de s'en rendre compte car Draco arrivait sur l'entrefaite.

- Maman, tu es impossible, se plaignit Draco non sans une certaine tendresse. Que vont penser nos invités de moi maintenant ?

- Oh, ne t'en fais pas, Draco, dit Ginny avec un grand sourire. On sait tous déjà que tu es sans cœur.

- Espèce de petite peste ! siffla Draco en la soulevant dans ses bras et en tournoyant sur lui-même.

Il reposa Ginny au sol et l'embrassa avant de se tourner vers Harry et de lui faire un accolade chaleureuse.

- Soyez les bienvenus au Manoir. Nous n'attendions plus que vous ! dit Draco avec entrain. Je vous suggère de déposer vos affaires dans votre chambre et ensuite de…

Draco s'interrompit en entendant des pas résonner dans le hall. C'était Dennis.

Si Draco était vêtu de manière très conventionnelle d'un pantalon en laine, d'un pull et d'une chemise, Dennis lui portait un pantalon en cuir noir tellement moulant qu'il ne laissait aucune place à l'imagination. Par-dessus, il portait une chemise en soie blanche, bouffante, d'inspiration baroque, largement ouverte sur son torse. A son arrivée, Narcissa ne put s'empêcher de lui jeter un œil méprisant et clairement réprobateur.

Dennis n'en avait cure. Il se dirigea vers Ginny, à qui il sourit avant de se pencher pour l'embrasser sur la joue.

- Bonjour Ginny.

- Bonjour Dennis, ça fait plaisir de te voir !

A Harry, il se contenta d'un simple signe de tête.

- Potter.

- Dennis.

Puis il se tourna vers Draco, se colla à lui et chuchota quelque chose à son oreille. Harry n'avait aucune idée de ce qu'il avait bien pu lui dire mais une chose était certaine, cela ne plaisait pas à Draco. En témoignait le regard polaire qu'il porta à son petit-ami.

-Retourne au salon, dit-il.

Le ton était aussi froid que ses yeux.

-Toppy va vous montrer votre chambre, dit-il en reportant son attention sur Harry et Ginny. Quand vous serez installés, rejoignez-nous au salon.

Harry et Ginny hochèrent la tête tandis qu'un petit elfe apparaissait à leurs côtés et les invitait à le suivre.

Alors qu'ils gravissaient le grand escalier de marbre, ils entendirent Narcissa dire distinctement :

-Voulez-vous que je lance un sort d'ajustement sur votre pantalon, Monsieur Crivey ? Celui-ci m'a l'air beaucoup trop petit pour vous.

Arrivés à l'étage, l'elfe prit la direction opposée au couloir où Harry avait été logé la dernière fois. Quand il ouvrit la porte de la chambre, Ginny ne put retenir une petite exclamation.

La pièce était un peu plus petite que la précédente mais tout aussi joliment décorée. Un petit sapin de Noël avait même été installé dans un coin.

-Harry, regarde ça ! dit Ginny en se précipitant à la fenêtre. Tu avais raison, le parc est magnifique.

La vue donnait sur un angle différent et pour tout dire, beaucoup moins impressionnant que l'autre chambre, mais ça, Ginny ne pouvait pas le savoir. Emerveillée, elle fit le tour de la chambre, puis entra dans la salle de bain.

-Regarde ! dit-elle encore en ressortant, plusieurs flacons à la main.

Les produits venaient d'un parfumeur anglais de luxe. Harry les avaient utilisé lors de son précédent séjour, sans vraiment y faire attention.

-Oh là là, c'est merveilleux ! dit Ginny. J'adore cet endroit !

Elle se laissa choir sur le lit avec un soupir de pur bonheur.

-Je suis désolée, Harry, dit-elle en se relevant sur les coudes. Je t'aime de tout mon cœur mais j'ai décidé de divorcer. Je vais épouser Draco et m'installer ici.

Harry prit un air faussement nonchalant.

- Draco est gay, je te rappelle. Peut-être que c'est moi qui vais demander le divorce pour pouvoir l'épouser et venir vivre ici.

Il avait peine à croire qu'il venait de prononcer ces mots. Pourtant, Ginny ne remarqua rien de son trouble.

- Hmm…, fit-elle en faisant mine de réfléchir. Je crois que j'ai davantage mes chances. Ne doit-il pas se marier pour produire un héritier ? Je suis de sang-pur, ma famille fait partie des Vingt-Huit, tout comme la sienne… Non, c'est moi qu'il choisira.

Harry et Ginny se regardèrent avant d'éclater de rire. Ginny se leva du lit et sauta dans les bras de son mari avant de l'embrasser tendrement.

- Merci d'avoir accepté de fêter Noël ici, dit-elle.

- Avais-je vraiment le choix ? répondit Harry, philosophe.

- Pas vraiment, répliqua Ginny avec un grand sourire.

Elle planta un dernier baiser sur la bouche de Harry puis remit un peu d'ordre dans sa tenue.

-Allons-y, dit-elle gaiement. J'ai hâte de voir ce que Draco nous a préparé !

Harry, lui, n'était pas sûr d'en avoir envie mais il suivit sa femme. Comme il l'avait dit, il n'avait pas vraiment le choix.

-25-

Si la décoration de Noël du hall d'entrée était impressionnante, ce n'était rien comparé à celle du salon. Le sapin qui avait été installé devant une des fenêtres touchait pratiquement le plafond. Des guirlandes lumineuses mêlant houx et épicéa ornaient le manteau de la cheminée ainsi que plusieurs meubles.

-Ah ! Harry, Ginny ! Vous voilà ! dit Draco en avançant vers eux. Venez, je vais vous présenter aux autres invités.

A cet instant, Harry réalisa qu'il ne s'était pas posé la question de savoir qui serait présent au Manoir. Il avait simplement – et erronément – pensé que Ginny et lui seraient les seuls invités. La présence de Dennis l'avait d'abord étonné, puis contrarié, mais il n'a jamais envisagé devoir composer avec d'autres invités. Il soupira intérieurement.

- Vous avez déjà rencontré Dennis, commença Draco avec un geste nonchalant de la main vers son petit-ami. Je vous présente Vladimir, un ami de Dennis. Il est danseur étoile au Royal Ballet de Londres.

Un jeune homme aux cheveux noirs de jais s'avança vers eux. Il portait un pull à col roulé couleur fauve qui épousait son torse sec et musculeux comme une seconde peau. Comme s'il n'avait pas le choix, il tendit une main molle et dédaigneuse à Harry et Ginny en marmonnant un «bonjour » plutôt ennuyé. Harry le trouva immédiatement antipathique.

Pour confirmer cette impression, à peine les avait-il salué que Vladimir rejoignit Dennis. Il se pencha à son oreille et murmura quelque chose avant de ricaner.

- Bien sûr, vous connaissez Blaise Zabini, mon meilleur ami, continua Draco.

- Salut Potter, dit le métis avec un grand sourire, en lui tendant la main. Ravi de te voir !

- De même, marmonna Harry.

- Ginny, susurra Blaise en lui faisant un baise-main. Draco ne cesse de me parler de toi mais il a omis de me dire combien tu es magnifique…

- A ta place, je ferais gaffe à ta femme, Potter, rigola Draco. Blaise adore les jolies femmes et se moquent bien de savoir si elles sont mariées !

Blaise lança un regard faussement peiné à son ami avant de faire un clin d'œil à Ginny.

-Ne l'écoute pas, dit Blaise à Harry. Ce type se prétend mon ami, mais c'est une langue de vipère. En fait, je lui fait croire que nous sommes amis uniquement pour profiter de son argent. Il est riche comme Crésus et j'ai bien l'intention qu'il ne m'oublie pas dans son testament.

Draco leva les yeux au ciel en râlant mais il souriait largement.

- Je ne te présente pas Neville Londubat, poursuivit-il. Il est accompagné de son épouse, Hannah.

- Neville ! s'exclama Harry. Si je m'attendais à te voir ici !

- Salut, Harry ! dit Neville qui semblait tout aussi content de voir son ancien camarade de classe. Ça fait un bail !

- Depuis que tu enseignes à Poudlard, c'est sûr qu'on a plus vraiment eu l'occasion de se voir, dit Ginny. Mais apparemment, tu es resté en contact avec Draco, ajouta-t-elle sur un ton faussement réprobateur.

- Hannah tient un restaurant à Pré-au-Lard, expliqua Neville. Un promoteur immobilier voulait l'exproprier, elle et plusieurs autres commerçants pour construire un hôtel.

- George m'en a parlé, dit Ginny. Sa succursale de Weasley, Farces pour sorciers facétieux était visée également par le projet !

- Draco était mon avocat, dit Hannah. C'est grâce à lui que nous avons obtenu gain de cause. Heureusement qu'il était là, il m'a sauvée ! Moi et les autres commerçants par la même occasion !

- Oh, je n'ai pas fait grand-chose, dit Draco d'un air dégagé.

- Allons, ne soyez pas modeste, mon cher Draco, dit un homme plus âgé à l'épaisse moustache grise. Vous êtes un plaideur redoutable.

- Je vous présente le juge Oswald Merryweather, dit Draco. Et son épouse, Doris. Oswald, Doris, voici Harry Potter et son épouse, Ginny.

- Oh, mais on ne présente plus Monsieur Potter, dit le juge avec un petit rire. Je suis enchanté de vous rencontrer, dit-il en serrant la main de Harry.

- Moi de même, répondit Harry.

- Quant à vous, Madame Potter, dit-il en se tournant vers Ginny, ma femme ne rate aucun de vos matchs !

- Le match contre les Pies de Montrose était anthologique, dit Doris. Cette Passe de Plumpton… quelle audace ! Je suis tellement heureuse que vous évoluiez dorénavant chez les Harpies. L'équipe avait besoin d'un petit coup de fraîcheur !

Ginny regarda cette dame, âgée d'une cinquantaine d'années, au physique svelte et sportif et aux yeux bleus malicieux.

- Par Merlin, murmura-t-elle. Doris ? Vous… vous êtes Doris Wickham !

- Oui, c'est moi, répondit Doris avec un doux sourire.

- Bon sang, je n'arrive pas à y croire ! J'avais votre poster dans ma chambre quand j'étais enfant !

- Je devais avoir meilleure allure à l'époque, plaisanta-t-elle.

- Madame Wickham a été la première femme à intégrer l'équipe nationale d'Angleterre et à remporter la Coupe du Monde, dit Ginny à l'attention de Harry qui ne semblait pas comprendre de qui elle parlait. Et elle a fondé l'équipe des Harpies de Hollyhead.

- Oh, enchanté, Madame Wickham.

- Je vous en prie, appelez-moi Doris.

Doris et Ginny s'engagèrent immédiatement dans une discussion animée. Harry échangea un regard avec Draco. Lui qui craignait d'être entouré d'inconnus, il était agréablement surpris. Draco lui avait assuré une présence amicale en la personne de Neville et il avait fait en sorte que Ginny trouve une interlocutrice pour partager sa passion. Harry ne connaissait pas très bien Blaise Zabini mais il semblait être quelqu'un de cordial et surtout de très spirituel. Finalement, la seule personne qui l'indisposait était encore et toujours Dennis…

- Mes amis, dit Draco avec enthousiasme, maintenant que les présentations sont faites, je vous propose une promenade en traineau sur le domaine ! Maman, tu nous accompagnes ?

- Non, mon chéri. Je préfère rester ici et veiller à ce que tout soit prêt pour la suite.

- D'accord, mais pense à te reposer.

Draco embrassa sa mère dans les cheveux avant de claquer des mains. Des elfes de maison apparurent aussitôt pour remettre manteaux, gants et bonnets à leurs propriétaires avant que Draco ne les escortent à l'extérieur.

Arrivés devant les écuries, quelques exclamations fusèrent devant les deux magnifiques troïka blanches et or. Chacune pouvait transporter six personnes et était tirée par trois chevaux. Parmi eux, Harry reconnut la jument isabelle qu'il avait montée.

-Nous sommes dix, je vous propose donc de nous diviser en deux groupes de cinq, dit Draco. Harry, Ginny, Neville, Hannah et moi dans le premier équipage. Blaise, Dennis, Vladimir, le juge Merryweather et son épouse dans le second. Vous y trouverez des couvertures pour vous protéger du froid.

Tout le monde prit place dans les traineaux.

- Tu me fais une place sous la couverture ? dit Draco en s'installant à côté de Harry.

- Tu… hum… tu ne voulais pas être avec Dennis, demanda Harry. Je veux dire… hum…

- Dennis est très bien avec Vladimir, répondit Draco.

Il se retourna pour vérifier que les autres invités étaient bien installés dans le second traineau, puis il agita sa baguette en murmurant un sort. Aussitôt, les équipages se mirent en mouvement, faisant joyeusement tinter les grelots qui décoraient les harnais des chevaux.

- Les chevaux avancent seuls ? s'interrogea Neville. Ils sont ensorcelés ?

- Pas du tout, répondit Draco. J'ai tracé un sort sur l'ensemble du parcours, une sorte de… fil conducteur. Il est couplé avec un autre sort placé sur le harnais des chevaux. C'est l'effet de ces deux sorts combinés qui permet aux chevaux d'être guidés magiquement sur le parcours comme il le serait par un cocher !

- Tu as créé ce sort toi-même ? demanda Hannah.

- Absolument.

- Mais… c'est génial, dit Harry, abasourdi.

- Ton étonnement est un peu vexant, Potter, dit Draco en fronçant les sourcils. Je suis plutôt doué en sortilèges, tu sais !

-Je le sais, dit Harry. Tu ne serais pas parvenu à réparer l'Armoire à disparaître, sinon.

Draco allait répliquer quelque chose mais Harry poursuivit :

-Je suis content que tu utilises ton talent à de bien plus belles choses aujourd'hui.

Draco le regarda, puis lui sourit.

-Merci.

La promenade fut très agréable. Ginny et Hannah ne cessaient de s'extasier sur le paysage et de rire aux éclats. Neville, moins démonstratif, appréciait cependant beaucoup la balade et s'amusait à repérer l'un ou l'autre animal qui avait la curiosité de se montrer.

Harry se sentait bien également. Si le froid piquait un peu ses joues, la couverture lui tenait bien chaud. Mais pas autant que la sensation de la cuisse de Draco pressée contre la sienne.

-Oooh ! Regardez ! s'exclama Ginny subitement.

Les têtes se tournèrent dans la direction qu'elle indiquait, et tous purent voir une harde de cerfs passer au loin et disparaître dans la forêt. Le cœur de Harry battit beaucoup plus fort, surtout quand il sentit la main de Draco se poser au-dessus de son genou. Il n'osa pas faire le moindre mouvement, ni regarder Draco.

Après seulement quelques secondes, la main disparut, emportant avec elle sa douce chaleur.

Harry fit du mieux qu'il put pour refouler la sensation de manque qui lui étreignait le cœur.

-26-

De retour au Manoir, des pâtisseries, du thé, du café et du chocolat chaud attendaient les invités. Tous étaient ravis de la promenade et commentaient encore allègrement la beauté du parc et l'ingéniosité du sort que Draco avait mis au point pour diriger les équipages. Tous sauf Dennis et Vladimir qui affichaient un air blasé.

Vladimir se fit remarquer en décrétant qu'il ne buvait ni thé, ni café et encore moins du chocolat. Il demanda à la place une infusion de gingembre et de curcuma impérativement préparée avec de l'eau de glacier d'Islande. Quelques minutes plus tard, un elfe revint avec une tasse remplie d'un liquide jaune.

- On dirait de la pisse, murmura Harry à Draco.

- Qui te dit que ça n'en est pas ? répondit Draco avec un sourire machiavélique.

Peu de temps après, Vladimir se plaignit qu'il avait pris froid durant la promenade et qu'il lui fallait absolument réchauffer ses muscles et ses articulations. S'en suivit une logorrhée sur le fait qu'il dansait Casse-Noisette le jour du Nouvel An et qu'il était hors de question qu'il ne soit pas au meilleur de sa forme. Il commença alors à gambader dans le salon, puis dans le couloir en enchaînant les pas de deux, les pliés, les pas de bourrée et quelques entrechats. Le tout sous le regard médusé de la petite assemblée.

- Je croyais que tu ne voulais pas que Dennis vienne au Manoir ? dit Harry à Draco. De peur que ta mère ne le jette dans les douves.

- Regarde-la, dit Draco d'un air sombre. Elle en est bien capable.

Effectivement, Narcissa avait en cet instant le regard d'un prédateur qui non seulement cherche à capturer sa proie, mais se demande comment la dépecer en lui occasionnant le plus de souffrances possibles.

- J'ai plutôt l'impression que c'est de Vladimir dont elle voudrait se débarrasser, commenta Harry.

- Possible, oui.

- Et donc, ce spécimen est un ami de Dennis ?

- Hm. C'est son ex.

Harry faillit recracher la gorgée de chocolat chaud qu'il était en train de boire.

-Son ex ? répéta-t-il. Tu… tu as invité l'ex de ton petit-ami ?

Draco se contenta de hausser les épaules et de rejoindre Neville qui discutait avec le couple Merryweather.

Après avoir pris le thé, chacun regagna sa chambre afin de se reposer et se préparer pour la soirée de réveillon. Aussitôt, Ginny investit la salle de bain pour prendre une longue douche bien chaude et essayer les luxueux produits de toilette mis à disposition. Harry en profita pour s'allonger et lire un peu. Mais la concentration lui faisait défaut. Il ne cessait de repenser à la promenade en troïka, à la jambe de Draco pressée contre la sienne, à sa main sur sa cuisse, dissimulée sous la couverture. Une fois encore, il se sentait complètement perdu.

En désespoir de cause, il tenta de reprendre sa lecture pour la énième fois mais il fut interrompu cette fois par des bruits de pas dans le couloir et des éclats de voix.

-Je n'en reviens pas que tu puisses me faire ça !

Il reconnut immédiatement Dennis.

- C'est ma mère qui a organisé les chambres, répondit une voix trainante.

- Bon sang, Draco ! Quel âge as-tu ? Ne peux-tu pas dire à ta mère que tu veux que je partage ta chambre ?

- Dennis, par pitié, ne sois pas pénible…

- Pénible ? Je suis pénible ? C'est la meilleure…

Une porte claqua et la conversation fut étouffée. Harry se leva du lit et le plus silencieusement possible, il sortit dans le couloir et s'approcha de la porte voisine de la sienne.

- Je ne comprends pas !

- Je ne te demande pas de comprendre.

- Il y a une chambre libre à côté de la tienne, je le sais. En plus, elle est bien plus belle que celle-ci. Je n'ai qu'à m'installer là. Les apparences seront sauves et ta mère arrêtera de nous casser les pieds !

Il y eut un bruit sourd contre la porte qui fit sursauter Harry, comme si un corps avait été poussé contre le battant.

- Tu n'iras nulle part, gronda la voix de Draco. Je t'interdis de pénétrer dans cette chambre, tu entends ?

- Oh ? Et pourquoi donc ? ricana Dennis.

- Ne me pousse pas à bout, Dennis, tu pourrais le regretter.

- Toi aussi, tu pourrais le regretter ! La chambre de Vladimir n'est qu'à quelques mètres ! Je pourrais fort bien décider de passer la nuit avec lui !

- Fais comme tu veux.

- Quoi ? C'est tout ce que tu trouves à dire ?

- Voyons, Dennis. Comme si j'en avais quelque chose à faire que tu baises Vladimir…. Nous n'avons jamais été exclusifs. Ni toi, ni moi.

- Dégage d'ici, espèce de salaud !

Le temps que Harry se ressaisisse et fasse demi-tour pour regagner sa chambre, la porte s'ouvrit sur Draco. Honteux d'avoir été pris en flagrant délit d'espionnage, Harry était rouge jusqu'à la racine des cheveux.

- Je… hum… je…, bafouilla-t-il lamentablement.

Draco ne s'embarrassa cependant pas de sa tentative de justification. Il passa devant lui sans un mot et sans un regard.

Harry retourna dans sa chambre sans demander son reste. A peine avait-il refermé la porte que Ginny sortit de la salle de bain, emmitouflée dans un peignoir moelleux, une serviette enroulée autour de la tête.

- Ça va ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils. Tu as l'air bizarre.

- Tout va bien, répondit Harry sur un ton le plus naturel possible.

Sur ces mots, il se réinstalla sur le lit et reprit la lecture de son livre. Ginny s'assit devant la coiffeuse et se débarrassa de la serviette qu'elle jeta négligemment sur un fauteuil tout proche. Une image s'imposa immédiatement à l'esprit de Harry : une même serviette abandonnée sur un fauteuil, et Draco, complètement nu, en train de choisir un sous-vêtement.

-Tu es sûr que ça va, insista Ginny en le fixant dans le miroir. Tu es tout rouge maintenant…

- Je vais bien. Il… il fait juste un peu chaud ici… à cause de la vapeur de la salle de bain.

Ginny fit un petit sourire en coin. Elle se leva de la coiffeuse et avec des gestes lents, dénoua son peignoir de bain. Elle le fit glisser de ses épaules et il tomba silencieusement au sol.

-Je trouve aussi, dit-elle d'un ton suggestif avant de ramper sur le lit pour rejoindre Harry.

Elle s'assit à califourchon sur ses cuisses et se pencha pour l'embrasser.

- Ce n'est pas une bonne idée, dit Harry. Les murs ne sont pas très épais.

- Ça, j'en doute…

- Je t'assure, insista Harry. Tout à l'heure, j'ai attendu Dennis parler avec quelqu'un et…

- Peu importe, coupa Ginny en l'embrassant. De plus, je peux parfaitement rester silencieuse, ajouta-t-elle en commençant à déboutonner sa chemise.

- Non, Ginny…

Ginny n'écoutait pas. Elle poursuivait sa tâche.

-Bon sang, Ginny, s'énerva Harry en la repoussant plus fermement. Pas ici, je n'ai pas envie !

Il se leva et alla s'enfermer dans la salle de bain. Il savait que Ginny était vexée et qu'elle n'allait pas lui pardonner cet affront de sitôt, mais à cet instant, ça lui était égal. Il ne pouvait tout simplement envisager de coucher avec sa femme, dans cette chambre, à quelques mètres de l'endroit où Draco et lui s'étaient embrassés trois semaines auparavant.

Il était furieux. Contre Draco, d'avoir provoqué cette situation. Contre Ginny, de ne pas parvenir à lui faire oublier Draco. Mais surtout contre lui-même.

Pourquoi es-tu si en colère ? Pourquoi ne peux-tu te contenter de me dire que tu n'es pas intéressé et me demander de te laisser tranquille ? Je ne suis pas un foutu harceleur, tu sais.

Cette question que Draco lui avait posée lors de son séjour au Manoir, ne cessait de lui revenir en tête. Il n'avait pourtant toujours pas trouvé la réponse. Ou à tout le moins, une réponse qu'il voulait bien admettre.

-27-

Quand Harry ressortit de la salle de bain, Ginny n'était plus dans la chambre. Elle ne l'avait apparemment pas attendu pour descendre au salon.

Il revêtit rapidement son smoking et tenta de se coiffer, mais comme d'habitude, c'était peine perdue. Il jeta le peigne sur la coiffeuse comme si l'objet était personnellement responsable de son indiscipline capillaire. Il se regarda dans le miroir et, jugeant que c'était bien ainsi, il quitta la chambre à son tour.

A l'entrée du salon, il fut accueilli par des rires, des tintements de cristal et une douce musique d'ambiance.

- Monsieur, dit obligeamment un elfe en lui tendant un plateau de coupes de champagne.

- Merci, répondit Harry en se servant.

En traversant la pièce, il constata que tout le monde était déjà là.

-Ah Potter ! lança Draco. Te voilà enfin ! Je ne te savais pas du genre à jouer les coquettes et à te préparer pendant des heures !

Ginny gloussa avant de vider son verre de champagne. Elle était particulièrement jolie dans sa robe noire toute simple, avec ses cheveux relevés en chignon, dévoilant sa nuque gracile. Harry remarqua cependant qu'elle avait les joues rouges, signe qu'elle avait consommé pas mal d'alcool.

-Tu es magnifique, lui murmura Harry en s'approchant d'elle et en l'enlaçant par la taille.

Elle s'esquiva comme une anguille avant de prendre un verre qui passait à sa portée. Elle se dirigea vers Draco et commença à lui parler, en le prenant par le bras et en papillonnant des yeux. Draco ne semblait pas embarrassé par ses minauderies. Il lui répondait et lui souriait avec amabilité. Harry décida de ne pas insister. A la place, il alla discuter avec Blaise et Neville.

Sur le coup de vingt heures, les elfes de maison annoncèrent que le dîner allait être servi. Les invités furent conduits dans la salle à manger où une table somptueuse les attendait. Elle était moins grande que la table qu'Harry avait vue lors de sa précédente visite, et il en déduit qu'elle avait été magiquement modifiée pour s'adapter au nombre limité de convives.

Tout comme le salon, la salle à manger était magnifiquement décorée. La présence d'un autre sapin de Noël, tout aussi grand que celui du salon, rendait la pièce plus chaleureuse tout en occupant judicieusement l'espace.

En s'approchant de la table, Harry fut un peu contrarié de constater que Ginny et lui n'étaient pas assis l'un à côté de l'autre.

-Service à la française, dit Blaise. Les couples sont séparés. Tu vas devoir te contenter de ma présence et celle de… Narcissa, lut-il sur l'étiquette.

- Tant que je n'ai pas à subir la présence de Dennis, maugréa Harry. Ou pire, celle de Vladimir…

- Je suis bien d'accord. Je ne comprends pas pourquoi Draco l'a invité, celui-là…

- Pour tenir compagnie à Dennis, répondit Harry. C'est son ex.

Blaise haussa un sourcil, avant d'éclater de rire, s'attirant les regards curieux des autres invités.

Sitôt les convives installés, la table se couvrit de plats qui semblaient tous plus succulents les uns que les autres. Du coin de l'œil, Harry surveillait Ginny, qui était assise à côté de Draco et qui, après le champagne, entamait déjà son verre de vin. Elle ne cessait de parler à voix basse à Draco, ou de glousser à chaque fois qu'il lui disait quelque chose.

- Bon sang, grogna Harry.

- Je peux te fournir une potion de dégrisement, dit Blaise qui avait remarqué son embarras.

- Elle refusera de la boire, rien que pour me contrarier. Et vu le goût immonde de cette potion, impossible de la faire prendre à son insu.

- Je vais demander aux elfes de lui servir moins de vin, suggéra Narcissa.

- Oui, ce serait une bonne idée.

Le repas se déroula agréablement, chacun devisant joyeusement avec ses voisins de table. Ginny, quant à elle, ne se fit pas trop remarquer, en dépit de son ivresse manifeste. Il faut dire que Draco lui-même veillait à ce qu'elle boive un peu moins en accaparant son attention, au grand dam de Dennis qui fixait la scène d'un œil noir.

- J'ai appris par Draco que vous êtes photographe, dit alors le juge Merryweather à Dennis.

- Oui, c'est exact, répondit ce dernier laconiquement.

- Je crains de n'avoir jamais vu vos œuvres. Nous devrions remédier à cela, n'est-ce-pas Doris ?

- Oui, certainement, dit Doris. J'adore la photographie.

- Vous avez dû apprécier la promenade, cet après-midi, intervint Hannah. Le parc était tellement beau, tellement bucolique… Ce doit être une merveilleuse source d'inspiration pour un artiste.

Dennis n'eut pas le temps de répondre que Draco éclata de rire.

-Certainement pas, dit-il. Dennis n'apprécie pas ce qui est beau ou bucolique. Il préfère de loin la souffrance et la noirceur de ce monde. N'est-ce-pas, Dennis ?

Il y eut un moment de silence durant lequel tout le monde observait Dennis.

-Tu as parfaitement raison, Draco, répondit calmement Dennis. Je préfère de loin photographier la face sombre des humains. Leurs défauts. Leur souffrance.

- Eh bien, je suppose que c'est le propre d'une démarche artistique, dit Neville. Il y a de multiples sources d'inspiration…

- Exactement, approuva Dennis. Prenez cette pièce par exemple. Elle est très inspirante. En dépit des efforts qui ont été faits pour la redécorer, il n'en reste pas moins que des êtres humains ont été torturés entre ces murs. Leur sang imprègne encore les lattes du plancher. Ce pourrait être un très bon sujet pour une prochaine exposition : « le vernis pour effacer nos crimes ».

Le silence pesant qui suivit cette sortie fut seulement troublé par le bruit du couteau que Narcissa venait de laisser tomber sur son assiette. Elle était livide. Harry et Blaise échangèrent un regard, attendant la réaction de Draco. Il n'eut cependant pas le temps de dire quoi que ce soit car ce fut le juge Merryweather qui prit la parole :

-Mon garçon, le fait de vous proclamer artiste ne vous autorise pas à insulter ainsi la maîtresse de maison. Si votre art est à la mesure de cette médiocre provocation, je ne suis pas sûr qu'il en vaille la peine.

- Je ne demande à personne d'approuver ma démarche artistique, répliqua sèchement Dennis.

- Tant mieux, dit le juge, car je ne l'approuve pas, en effet.

Dennis se tourna vers Draco mais celui-ci détourna ostensiblement la tête.

- Maman, tu vas bien ? demanda-t-il avec sollicitude.

- Oui, mon chéri, tout va bien. Mais je m'inquiète que ton père ne soit toujours pas rentré. Je ne sais pas ce qui le retient.

La peine que Harry lut dans les yeux de Draco à cet instant lui serra le cœur.

- Maman…

- Ne vous inquiétez pas, Narcissa, coupa Harry en posant doucement sa main sur la sienne. Je suis sûr qu'il ne va pas tarder.

Il n'était pas certain que Narcissa l'avait entendu car elle avait le regard un peu perdu.

- Oh, j'y pense à l'instant ! intervint Doris. Narcissa, sais-tu qui j'ai rencontré l'autre jour, chez Tissard et Brodette ? Adélaïde Plumkin !

- Vraiment ? dit Narcissa qui semblait à nouveau présente. Je croyais qu'elle vivait en France. N'avait-elle pas épousé un marquis ou quelque chose comme ça ?

- Oui, eh bien, cette histoire de marquis était une vaste fumisterie ! Figure-toi que…

S'en suivit une conversation animée sur le sujet du faux marquis, agrémentée d'anecdotes du temps où Doris et Narcissa étaient toutes les deux étudiantes à Poudlard. Bien que la plupart des personnes présentes autour de la table connaissaient l'état de santé de sa mère, Draco remercia silencieusement Doris pour cette diversion.

Le reste du repas se déroula dans une ambiance joyeuse et détendue. Après quoi, Draco proposa à ses invités de retourner au salon où café et liqueurs digestives leur seraient servis.

Si Ginny avait un peu récupéré ses esprits, elle continuait à se comporter de manière assez exubérante avec Draco, flirtant ouvertement avec lui. Aussi, quand celui-ci s'assit au piano pour jouer quelques mélodies de Noël, elle s'accouda à l'instrument en le regardant jouer d'un air énamouré.

Harry faisait comme si de rien n'était mais il voyait bien les regards intrigués de Blaise ou de Neville. C'est Hannah qui fit diversion, en allant rejoindre Ginny et entonnant les paroles de Deck the Hall. Les autres invités les reprirent en chœur et bientôt, le salon résonnait d'un petit concert de Noël improvisé. Il se clôtura par une interprétation toute en douceur de Draco de Have yourself a merry little christmas.

-Il est temps de distribuer les cadeaux ! dit Narcissa quand il eut terminé.

Les invités se rassemblèrent près du sapin de Noël au pied duquel s'entassaient des paquets colorés. Dans un joyeux brouhaha, ils passèrent de mains en mains jusqu'à leur destinataires.

Draco fut ravi de l'épingle de cravate choisie par Harry et Ginny, tout comme Narcissa qui s'extasia sur la beauté de l'étole dont les couleurs lui allaient parfaitement au teint. De Narcissa, Ginny reçu une paire de gants de quidditch d'une très grande qualité. A Harry, elle tendit une boîte rectangulaire qu'il déballa avec curiosité. Elle contenait des objets divers parmi lesquels un vieux vif d'or, une chevalière ornée d'un B entouré de deux corbeaux, et des photographies. L'un d'elles était encadrée et représentaient deux jeunes hommes, bras dessus, bras dessous, qui souriaient largement. Harry reconnut son père et son parrain.

-J'espère que je ne vous choque pas, Harry, dit Narcissa. Ce sont des choses qui appartenaient à Sirius et que j'ai retrouvées dans une malle contenant des souvenirs de famille. J'ai pris la liberté de faire encadrer la photo et de vous l'offrir car Draco m'a dit que n'aviez que peu de souvenirs de vos parents.

- C'est… c'est vrai, dit Harry, la gorge nouée. Je vous remercie Narcissa. C'est un cadeau inestimable que vous venez de me faire.

Narcissa lui sourit avec tendresse avant de continuer la distribution aux autres invités.

-Celui-là vient de ma part, dit Draco en lui tendant un petit paquet carré.

Il en offrit un à Ginny également.

Celui de Harry contenait un simple lien en cuir noir, très sobre mais dont le fermoir représentait un minuscule cerf en argent.

- Il… il est magnifique, souffla Harry en passant le doigt sur le fermoir.

- Je suis ravi qu'il te plaise.

- Draco ! s'exclama Ginny.

Ses yeux pétillaient de joie à la vue des boucles d'oreille en diamant que son écrin contenait.

-Elles sont… oh Merlin… elles sont parfaites !

Sur ces mots, elle se jeta au cou de Draco et l'embrassa à pleine bouche. Draco ne se démonta pas et en rajouta même, en la renversant vers l'arrière dans une pose très hollywoodienne. Cela semblait plaire à Ginny qui participait activement au baiser.

Des exclamations et quelques rires gênés fusèrent dans la pièce. Harry lui, avait beau être horrifié, il restait de marbre, ne sachant pas si la flambée de jalousie qu'il ressentait était dirigée contre Draco… ou contre sa femme.

Ginny s'écarta finalement de Draco, les joues rouges. Elle osait à peine regarder Harry et masqua son embarras en vidant un verre de brandy. Draco fixa Harry avec un petit sourire en coin qui avait tout de la provocation. Ou peut-être de la déclaration de guerre.

- Je crois… je crois que je vais monter me coucher, dit Ginny, la bouche pâteuse.

- Bonne idée. Je vais t'accompagner, dit Harry plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu. Narcissa, Draco, merci pour cette magnifique journée et pour cette soirée.

Harry fit un signe à destination des autres invités et s'éclipsa, en soutenant sa femme qui avait du mal à marcher droit.

A peine arrivés dans la chambre, Ginny se précipita à la salle de bain, prise de haut-le-cœur. Elle se rinça la bouche et penaude, rejoignit Harry.

- Je… je suis désolée, hoqueta-t-elle. Je…

- Chut, dit Harry en l'aidant à enlever ses vêtements et à enfiler une chemise de nuit. Ce n'est rien. On en parlera demain.

Ginny hocha la tête et se glissa dans le lit au moment où des coups étaient frappés à la porte. Harry alla ouvrir. C'était Draco. Il avait enlevé sa veste de smoking et son nœud papillon, et déboutonné le col de sa chemise.

- J'ai apporté une potion de dégrisement, dit-il en agitant une fiole devant le nez de Harry. Il vaut mieux qu'elle la prenne maintenant.

- Ok.

Draco entra dans la pièce et versa de l'eau dans un verre, ajouta trois gouttes de potion et remua le tout. Il parvint à la faire boire Ginny malgré qu'elle soit à moitié endormie.

- Voilà, dit-il.

- Merci, dit Harry.

- Tout le monde est monté se coucher. Viens me rejoindre au salon. Nous avons à parler.

- Je… non… je suis fatigué.

Draco le fixa avec une telle intensité que Harry sentit un picotement sur sa nuque.

-Je t'attendrai, dit-il simplement avant de partir comme il était venu.

Harry soupira en refermant la porte. Il n'avait pas menti en disant qu'il était fatigué. Epuisé, même. Cette journée avait été pour lui une succession de montagnes russes.

Il s'approcha de Ginny et constata qu'elle dormait à poings fermés. C'était déjà ça. En soupirant derechef, il se décida à redescendre au salon.

-28-

Draco se tenait près de la cheminée. Il buvait un verre de whisky en contemplant le feu qui crépitait dans l'âtre.

- Bien. Me voilà, dit Harry, laconiquement.

- Je te sers un verre ?

- Non, merci. Alors ?

- Alors, comme ça, on écoute aux portes ?

- Quoi ?

- Ne me fais pas croire que tu te trouvais sur le palier, devant la porte de Dennis, totalement par hasard…

- C'est de ça dont tu veux me parler ? s'exclama Harry.

- Eh bien, oui. De quoi d'autre ?

- Je ne sais pas ? Du fait que tu as embrassé ma femme devant tout le monde ?

- Premièrement, c'est elle qui m'a embrassé. Deuxièmement, ça n'a aucune importance.

- Oh vraiment ? On parle de ma femme, je te signale.

Draco regarda Harry comme on regarde un enfant capricieux. Avec un mélange de réprobation et d'attendrissement. Il posa son verre sur le manteau de la cheminée et s'approcha. Harry le regardait fixement, le cœur battant. Draco fit glisser sa main sur sa joue, puis l'enfouit dans ses cheveux. Doucement, il attira Harry à lui et l'embrassa, d'abord près de l'oreille, puis le long de sa mâchoire. Instinctivement, Harry ferma les yeux et c'est à peine s'il put retenir un petit gémissement quand Draco caressa ses lèvres des siennes.

Le baiser s'intensifia. Draco poussa Harry contre le mur et se colla contre lui. Il glissa les main sous sa chemise, caressant la peau des flancs et du bas de son dos, lui arrachant d'autres gémissements sourds.

- Je n'ai pas menti à Dennis tout à l'heure, murmura Draco tout contre sa bouche.

- Hm…

- Personne n'a le droit d'entrer dans cette chambre. Toi seul à le droit d'y dormir. Elle t'appartient. Et tu m'appartiens.

- Draco…

Draco se recula brusquement, laissant Harry hébété.

-Ecoute-moi, Harry.

L'expression de son visage était mortellement sérieuse.

- L'autre fois, je n'ai rien tenté car tu étais trop bouleversé et trop en colère pour ça. Mais ce soir, c'est différent.

- Draco…

- J'ai vu ton regard, Harry. Après que Ginny m'ait embrassé. J'ai vu ton regard, il transpirait la jalousie. Mais tu n'étais pas jaloux de moi, n'est-ce-pas ? Tu étais jaloux d'elle…

Harry ne répondit pas car il n'y avait rien à répondre.

-Je ne te laisserai pas t'échapper cette fois, reprit Draco.

Sans le quitter des yeux, Draco lui tendit la main.

-Viens, Harry.

Harry regarda la main pâle devant lui. Il ne chercha pas à analyser ce qu'il ressentait car il savait pertinemment ce qui allait arriver. Et il l'acceptait.

Il saisit la main de Draco. L'instant d'après, ils transplanaient.

-29-

Etendu sur le lit, les bras en croix, Harry tentait de récupérer son souffle. Il n'avait jamais rien connu de tel. Et dire qu'il croyait avoir une vie sexuelle trépidante… cette pensée faillit lui arracher un ricanement. Par Merlin, toutes ces choses que Draco lui avait faites… et qu'il avait faites en retour. Certaines étaient sûrement illégales…

Un mouvement dans son champ de vision lui fit tourner la tête. Il vit Draco se glisser au bord du lit et se lever. Il ne put qu'admirer la beauté et la perfection de ce corps qu'il tenait entre ses bras il y avait quelques minutes à peine.

Draco se baissa pour ramasser son pantalon qu'il enfila rapidement.

-Va rejoindre ta femme, dit-il d'une voix à la fois douce et triste.

Pour Harry, ce fut comme une décharge électrique. Il se redressa sur les coudes.

- Quoi ?

- Va rejoindre ta femme, répéta Draco sans le regarder.

Il récupéra sa chemise et se dirigea vers la porte. Il sembla hésiter avant de franchir le seuil puis il partit sans retourner.

Pour Harry, ce fut comme une fine couche de glace qui se brise sur la surface d'un lac. La douce torpeur qu'il ressentait fut engloutie par les flots noirs du remord et de la culpabilité.

Rejoindre Ginny ? La regarder en face ? Lui dire quoi ? Harry retomba lourdement sur le matelas. A quoi songeait-il bon sang quand il laissait Draco lui arracher littéralement son costume et sa chemise ? A quoi songeait-il quand il faisait de même, se délectant de la douceur et de la chaleur de sa peau ? A rien, sinon au fait qu'il avait désespérément envie de lui.

Mais maintenant que Draco avait obtenu ce qu'il voulait, il était parti, laissant Harry avec sa souffrance et les conséquences de sa stupidité.

Il se décida à quitter le lit. Il se rhabilla rapidement, indifférent au fait que sa chemise était déchirée à l'épaule, que des boutons avaient sauté, mais parfaitement conscient qu'il venait de bousiller son existence pour deux heures à peine de… de quoi, au juste ? D'un plaisir indescriptible, inconnu, violent. Un plaisir qui, quoi qu'il en dise, l'avait changé à jamais.

Avec amertume, avant de refermer la porte, il jeta un coup d'œil sur la chambre. Sa chambre, avec son mobilier élégant et sa vue à couper le souffle, et qui à cet instant, ressemblait à une zone de guerre. La lampe de chevet à terre. La chaise renversée. Un vase, brisé. Le lit, dévasté.

Sa veste froissée à la main, il remonta le couloir en direction de sa chambre. Enfin… son autre chambre. Arrivé à quelques pas de sa porte, celle de son voisin s'ouvrit et Dennis apparut, vêtu d'un peignoir en soie. Au regard qu'il lança Harry, aucun doute n'était permis. Il savait ce qui venait de se passer. L'espace d'un instant, Harry paniqua à l'idée qu'il raconte tout à Ginny, avant de se dire qu'à supposer qu'il le fasse, Ginny n'en croirait pas un mot. Dennis se détourna ostensiblement et poursuivit son chemin… en direction de la chambre de Vladimir.

Harry ouvrit la porte de sa chambre le plus silencieusement possible pour ne pas réveiller Ginny. Ce fut peine perdue. A peine l'eut-il refermée que la lumière s'alluma.

-Harry ? Où étais-tu ? demanda Ginny, encore à moitié endormie.

Elle avisa alors sa dégaine.

- Tu t'es battu avec Draco ? s'écria-t-elle. Par Merlin, Harry ! Je suis tellement désolée ! Si tu savais !

Il n'avait pas la force, ni l'envie de la détromper.

-Ce n'était qu'une mauvaise blague, dit-elle encore. Et j'avais beaucoup trop bu, jamais je n'aurais fait une chose pareille, sinon !

- Je sais, je sais…

Elle voulut se lever et venir vers lui. Il réalisa alors qu'il était imprégné de l'odeur de Draco. De son parfum, de l'odeur de sa peau. Il s'écarta rapidement.

- Rendors-toi. Nous parlerons plus tard. Là, je dois prendre une douche.

- Mais Harry…

- Plus tard.

Harry s'en voulait pour ce ton sec mais il n'y pouvait rien. Il s'enferma dans la salle de bain. Sous la douche, il ne pouvait s'empêcher de penser à Draco, à son corps, à la douceur de sa peau, presque incongrue pour un homme. Cela attisa davantage sa colère et sa culpabilité et il frappa violemment le carrelage avec son poing. La douleur irradia jusque dans son épaule, tandis que du sang maculait le mur.

Après un temps infini, il se décida à sortir. Ginny s'était rendormie, fort heureusement.

Allongé dans le lit tiède, il ferma les yeux. Aussitôt, s'imposa l'image de Draco, allongé sous lui, ses yeux gris tempétueux brûlant d'un feu qu'il n'avait jamais vu, avant de chavirer au moment ultime.

-30-

La matinée était déjà bien avancée quand Harry émergea d'un sommeil lourd, peuplé de rêves étranges et angoissants. Ginny était déjà réveillée, assise à la coiffeuse, tentant de camoufler sur son visage les conséquences de sa consommation d'alcool de la veille.

Voyant que son mari était réveillé à son tour, elle s'approcha et s'assit au bord du lit.

- Quelle heure est-il ? demanda Harry d'une voix un peu rauque.

- Presque 11 heures. J'ai préféré te laisser dormir.

Harry hocha la tête.

- Je vais prendre une douche, dit-il. Ça me…

- Harry, coupa Ginny. Je suis désolée. Vraiment désolée. Est-ce que tu m'en veux ?

- Non, soupira Harry. Tu avais trop bu, je l'ai bien compris.

- Il n'y a pas que ça. Je n'aurais jamais dû me comporter de la sorte. J'étais blessée parce que tu m'avais repoussée, et… et j'ai trouvé malin de te provoquer en flirtant avec Draco. C'était… c'était ridicule.

- D'autant plus ridicule que Draco est gay. Je ne vois vraiment pas où était la provocation, répliqua Harry sur un ton acide.

Ginny haussa les épaules.

-Tu sais bien… le bon vieux fantasme de la femme qui parvient à séduire un homme gay…

Harry ravala un rire méprisant. Après ce que lui avait fait, il était mal placé pour en vouloir à sa femme, ou pour fanfaronner.

- Oublions ça, veux-tu ?

- Ça veut dire que tu me pardonnes ?

- Bien sûr que je te pardonne.

- Oh Harry, souffla Ginny avec soulagement.

Elle se jeta dans ses bras.

- Je t'aime tellement, tu sais.

- Je t'aime aussi, répondit-il.

Il caressa doucement ses longs cheveux.

- Si nous rentrions ? suggéra-t-il. J'inventerai une excuse… n'importe laquelle…

- J'y ai pensé, dit Ginny en s'écartant, mais non. Je préfère rester. Si nous partons, ce sera… je ne sais pas… comme si je fuyais. Ça donnera l'occasion à tout le monde de parler sur mon dos. C'est hors de question. J'ai fait n'importe quoi hier et je dois en assumer les conséquences.

Harry regarda sa femme avec une certaine admiration. Elle était vraiment exceptionnelle.

Ils descendirent vers midi, alors que tout le monde était déjà rassemblé au salon pour l'apéritif. Ginny était souriante et alla immédiatement saluer les invités avec affabilité. Harry lui, était terriblement mal à l'aise. De l'autre côté de la pièce, Draco discutait avec le juge Merryweather. Quand il aperçut Harry, il lui fit un sourire cordial. Il paraissait parfaitement détendu et Harry le détesta pour ça.

Dennis surgit de nulle part. Il portait un jeans troué et effiloché et un pull en mohair blanc. Il toisa Harry, mais consentit à sourire à Ginny.

-Vous ressemblez à deux jeunes mariés le lendemain de leur nuit de noces, dit-il d'un ton moqueur.

Après cette petite remarque provoquante, il rejoignit Draco et glissa sa main dans la sienne. Draco semblait beaucoup mieux disposé à son égard que la veille. Il lui souriait et lui murmurait des choses à l'oreille. Cette complicité retrouvée amena une révélation qui frappa Harry comme un cognard : et s'il n'avait été qu'un pion dans un jeu qui n'était pas le sien ? La veille, il avait clairement entendu Dennis menacer Draco d'aller coucher avec Vladimir, ce à quoi Draco avait répondu qu'il s'en fichait. Et si Draco, en séduisant Harry, en l'attirant dans son lit, n'avait fait que se venger de Dennis ? Ce qui expliquait parfaitement son attitude froide et distante, une fois l'acte accompli.

Harry détourna la tête, étouffant presque de colère. Comment avait-il pu être aussi con ?

-Je te sers une coupe de champagne ?

Il releva la tête pour voir Draco devant lui, la bouteille de champagne à la main.

-Non, dit-il sèchement.

Draco haussa un sourcil. Harry remarqua alors qu'il portait l'épingle de cravate offerte la veille et il eut l'envie viscérale de la lui arracher.

- Tu vas bien ? s'inquiéta Draco.

- Parfaitement bien.

Le repas de Noël fut interminable. Harry n'avait aucun appétit et chipotait sa nourriture plus qu'il ne la mangeait. Il était distrait et devait fournir un effort surhumain pour suivre les conversations.

Alors qu'on servait le thé, Harry décida de s'éloigner et de chercher un peu de solitude dans les autres pièces de la maison. Il se réfugia dans la bibliothèque. Il y faisait plus frais que dans le salon mais ça convenait parfaitement à son esprit surchauffé.

Il examina distraitement les rayonnages avant de prendre un livre au hasard et de commencer à le feuilleter.

-Tu as dit à Ginny que tu t'étais battu avec moi ?

Harry sursauta et lâcha le livre qui atterrit sur le tapis dans un bruit sourd.

- Tu veux que j'ai une réputation de racaille, c'est ça ? demanda Draco d'un ton cinglant.

- C'est ce qu'elle a déduit de ma chemise déchirée. Je n'ai rien confirmé.

- Tu ne l'as pas contredite non plus !

- Que voulais-tu que je lui dise ? Que tu me l'avais arrachée avant de baisser mon pantalon pour me faire une fellation ? Avant de me laisser te baiser ? C'est ça que j'aurais dû lui dire ?

- Et pourquoi pas ? Ce n'est que la vérité.

Harry secoua la tête, dépité.

- J'espère en tout cas que tout cela en valait la peine.

- De quoi parles-tu ? demanda Draco.

- Tu m'as l'air bien rabiboché avec Dennis. C'était ça, le deal ? Il couche avec Vladimir, alors tu te venges en couchant avec moi ? Ou c'est peut-être l'inverse…

Tout le corps de Draco se tendit.

- C'est vraiment ce que tu crois ? souffla-t-il.

- Eh bien, voyons voir… Hier, c'est à peine si tu pouvais le supporter à côté de toi. Et ce matin, tu fais des sourires, tu lui tiens la main comme un parfait petit couple amoureux !

Contre toute attente, Draco esquissa un petit sourire.

-Je vois, dit-il.

Sa désinvolture agaça Harry au plus haut point.

- Tu es une enflure, Malefoy, dit Harry en passant devant lui pour sortir de la bibliothèque.

- Harry, dit Draco en le retenant doucement par le bras.

Il le fixa avec cette intensité qui n'appartenait qu'à lui et qui mettait Harry sens dessus dessous.

-Pour ce qui me concerne… je serai tout ce que tu veux, murmura-t-il. Cela ne tient qu'à toi.

-31-

Le mois de janvier fut long comme un jour sans pain. Harry n'avait reçu aucune affaire passionnante qui aurait pu le tenir éloigné de son bureau au Ministère et lui permettre d'éviter Draco. Celui-ci avait repris sa routine de passer saluer Harry à chacune de ses visites au Ministère, pour l'inviter à prendre un café ou à déjeuner. Harry parvenait à décliner la plupart du temps, sauf quand Draco le regardait de ce regard gris pénétrant en lui disant simplement : « Viens, Harry ».

Ils ne parlaient jamais de ce qui s'était passé le soir de Noël. Ce qui n'empêchait pas Harry d'y penser constamment. Le jour, la nuit. Surtout quand il était avec Ginny. Il avait naïvement cru que le temps ferait son œuvre, mais ce n'était qu'une illusion. Non seulement, le temps amplifiait le souvenir que Harry avait de cette nuit, mais il rendait l'indifférence de Draco encore plus douloureuse.

Début février, Draco trouva judicieux de les inviter, Ginny et lui, pour un brunch à Berkeley Square, invitation que Ginny s'empressa d'accepter avant même d'en parler à Harry.

Harry n'était venu que deux fois à Berkeley Square, à chaque fois pour un souper. C'était la première fois qu'il voyait l'hôtel particulier de Draco en plein jour.

-Doux Merlin, souffla Ginny quand l'elfe de maison les introduisit dans le jardin d'hiver, à l'arrière de la maison.

Il s'agissait d'une pièce de style victorien, tout en verre et fer forgé, où des plantes luxuriantes poussaient dans de grands bacs. Il y avait des citronniers, des orangers, des orchidées de toutes espèces et d'autres spécimens qu'Harry ne parvenait pas identifier mais qui étaient magnifiques.

-Ravi que ça te plaise, dit Draco, tout sourire en embrassant Ginny sur la joue. C'est Londubat qui m'a aidé à les choisir et qui m'a expliqué comme les entretenir.

- Toi ? Vraiment ? ricana Harry. N'est-ce pas plutôt tes elfes de maison qui s'en chargent ?

- Oh, je vois qu'on est de charmante humeur ce matin, répondit Draco, douché.

- Ne fais pas attention à lui, dit Ginny avec un geste de la main. Ça fait des jours qu'il est grincheux.

Ils prirent place autour de la table.

- Je sais pourquoi Harry est grincheux, dit Draco en leur servant un mimosa.

- Vraiment ? demanda Ginny.

- Il m'en veut pour ce qui s'est passé à Noël.

Harry devint rouge comme l'amaryllis qui se trouvait juste derrière lui. Ginny se tourna vers son mari.

- Tu m'avais assuré que tu n'étais plus en colère, dit-elle. Et puis, c'est à moi que tu dois en vouloir, pas à Draco ! C'est moi qui me suis comportée comme une gourde !

- Je n'en veux à personne, répliqua Harry les dents serrées. Et je ne suis pas grincheux.

- Tu vois ? dit Ginny à Draco. La preuve que nous ne t'en voulons pas le moins du monde, c'est que nous pensons sérieusement à toi pour être le parrain du bébé que nous cherchons à mettre en route !

Draco était toujours maître de lui, en toutes circonstances, mais là, Harry vit sa belle façade se fissurer un peu. Il lança à Harry un regard meurtrier avant de se reprendre bien vite en offrant à Ginny un sourire charmeur.

-Tu ne pourrais me faire un plus grand honneur, dit-il.

Le brunch était délicieux et se déroula agréablement si on considérait que c'était essentiellement Draco et Ginny qui avaient alimenté la conversation.

Quand Ginny se leva pour aller aux toilettes, Draco posa sa tasse de thé en soupirant.

- Tu m'en veux tant que ça ?

- Je ne t'en veux pas.

- Vraiment ? C'est à peine si tu as desserré les dents. Et je ne parle pas du Ministère où tu fais tout pour m'éviter.

- C'est faux. J'ai du travail, c'est tout.

- Nous pourrions au moins en parler…

- En parler ? Tu veux en parler, maintenant ? Il n'y a rien à dire. J'ai tout oublié, de toute façon.

Draco haussa un sourcil.

-Ce n'est pas très flatteur pour moi.

Puis reprenant sa tasse de thé :

-Et je ne pense pas que ce soit vrai. Je crois que tu y songes souvent, au contraire. Particulièrement quand tu es dans les bras de ta femme et que tu essayes de lui faire un bébé, ajouta-t-il avec une colère contenue.

Harry fixa Draco avec un regard noir, aussi noir que la rage qui montait en lui. Il n'eut cependant pas l'occasion de lui faire ravaler ses paroles car Ginny venait de réapparaître.

-32-

Quatre jours plus tard, alors que Ginny rentrait de l'entraînement, un hibou frappa vigoureusement à la fenêtre de l'appartement. Harry prit la missive qu'il portait avant de lui donner quelques croquettes de MiamHibou qu'il gardait en réserve.

-Qui est-ce ? demanda Ginny en envoyant valser son sac dans un coin du hall d'entrée.

Il s'agissait d'une enveloppe crème, en papier épais, avec une élégante calligraphie. Le genre d'enveloppe qui contient habituellement une invitation.

Harry soupira en lisant le carton qu'elle contenait. Si Ginny n'avait pas été là, devant lui, à attendre une explication, il l'aurait jetée dans le feu et prétendu n'avoir jamais rien reçu. Malheureusement…

-Alors ?

- Draco nous invite à la nouvelle exposition de Dennis, dit-il d'un ton morne.

- Vraiment ? s'exclama Ginny avec entrain. Quand ?

- Ce weekend.

- Fantastique ! Pour une fois qu'il n'y a pas de match programmé ce weekend ! Quelle chance !

- Quelle chance, oui, grogna Harry en jetant l'enveloppe et le carton d'invitation sur la table du salon.

Il savait qu'il n'y avait aucun espoir qu'il puisse se débiner.

Harry se retrouva donc, le samedi suivant, à nouveau vêtu de son smoking, au vernissage de la nouvelle exposition du génialissime Dennis Crivey, intitulée cette fois « Male ».

Pour se donner du courage, il siffla d'un coup une flûte de champagne et en reprit directement une autre. Autour de lui, les conversations allaient bon train.

- C'est incroyable !

- C'est d'une beauté époustouflante !

- C'est tellement différent de ce qu'il fait d'habitude…

- Ce jeune homme sait se renouveler. Quel talent !

Harry leva les yeux au ciel. Il se demanda si Dennis ne payait pas des gens pour venir applaudir ses « œuvres ».

Il entra dans la première salle, blasé à l'avance de contempler une énième photographie sur le thème des boyaux, des viscères, ou n'importe quoi d'autre de…

Sa respiration se bloqua dans sa gorge. Devant lui, s'étendait la photo en noir et blanc d'un homme, complètement nu, prise à contre-jour. L'homme était de dos et tournait légèrement la tête, de sorte qu'on pouvait voir son profil, sans toutefois distinguer ses traits. La lumière jouait sur les muscles de son dos, dessinant des pleins et des déliés.

Il ne faisait aucun doute pour Harry que cet homme, c'était Draco.

- Tu crois que c'est…, murmura Ginny sans achever sa phrase.

- Je n'en sais rien, dit Harry en haussant les épaules. Possible.

- Par Merlin, si c'est lui… bon sang, j'ai déjà fantasmé sur lui un nombre incalculable de fois, mais même dans mon imagination, il n'était pas aussi parfait…

Harry fixa sa femme avec des yeux ronds.

- Répète ce que tu viens de dire ?

- Oh Harry, relax ! souffla Ginny en roulant des yeux.

- Tu as fantasmé sur Malefoy ?

- Tout le monde fantasme sur Malefoy. Même Hermione, elle me l'a avoué l'autre jour.

- Hm. Je me demande comment Ron prend la chose.

- Il n'en sait rien, qu'est-ce que tu crois ?

La deuxième photo était encore plus belle que la première. L'homme était sur le ventre, en appui sur les avant-bras, dans une pose qui accentuait divinement sa cambrure.

Toutes les photos étaient de cet acabit. De véritables œuvres d'art. Le modèle tenait plusieurs poses, de face ou de dos, et quand il était de face, un accessoire était judicieusement présent pour dissimuler son intimité.

Rien n'avait cependant préparé Harry à la dernière photo. L'homme était assis, jambes largement écartées, les mains derrière le dossier de la chaise, la tête basculée en arrière. Et entre ses jambes, un autre homme était à genoux, la tête penchée sur son entrejambe. Si le sujet de la photo était sans équivoque, la représentation n'avait absolument rien de vulgaire. Au contraire. On ne pouvait qu'apprécier la force qui s'en dégageait.

Des applaudissements retentirent, sortant Harry de sa torpeur. Dennis et Draco venaient d'arriver. Ils traversaient la petite assemblée, en souriant et en saluant l'un ou l'autre des invités qui s'approchaient pour féliciter Dennis. Celui-ci hochait la tête modestement mais Harry pouvait bien voir d'où il était qu'il transpirait la fierté. Il y avait de quoi. Il suffisait de voir comment Draco le regardait. Avec un mélange d'admiration et de désir à l'état brut. Draco était littéralement hypnotisé par Dennis et s'il n'y avait eu un public, nul doute qu'il l'aurait fait sien dans l'instant.

Pour Harry, la sensation fut d'abord insidieuse. Une légère torsion dans le ventre. Puis, elle gagna en intensité, se répandant comme une langue de feu. Vint ensuite la douleur. Mordante, piquante, acide. Semblable à la bouche glacée d'un détraqueur qui aspirait lentement son âme.

Alors, il en état là… A ressentir cette jalousie sourde, violente et surtout impuissante, car Dennis était parvenu, par un talent que Harry lui avait dénié jusque-là, à dompter son dragon de la plus limpide des manières.

Il aurait pu en pleurer. Là, au milieu de cette foule, entourée des photos de son amant d'une nuit, il admit enfin ce que son cœur savait depuis longtemps mais que sa raison refusait d'admettre : il était tombé amoureux de Malefoy.

Dennis le regarda et pour la première fois, il lui sourit. Un sourire cruel. Le sourire de celui qui sait qu'il a remporté la victoire.

Inconsciente de ce qui se tramait autour d'elle, Ginny glissa sa main dans celle de son mari, l'entrainant vers les deux stars de la soirée.

Avec une sincère exubérance, elle félicita Dennis. Harry se contenta de quelques phrases d'une extrême platitude. Il n'osa pas regarder Draco. De toute façon, cela n'aurait rien changé. Il n'avait d'yeux que pour Dennis.

-33-

Harry passa la journée du lundi le nez dans la paperasse. A son grand soulagement, Draco ne s'était pas montré, ni au matin, ni à midi. Et comme Harry savait qu'il fixait la plupart des rendez-vous avec ses clients l'après-midi, il était certain de ne pas le croiser aujourd'hui.

Au moment où il pensait cela, des coups furent frappés à la porte du bureau.

-Entrez ! dit Owen Cauldwell, son coéquipier.

Draco apparut sur le seuil, impérial dans son costume anthracite et son pardessus en cachemire bleu ardoise. Il avait un dossier à la main et un porte-document en cuir noir dans l'autre.

- Potter, puis-je te parler un instant ?

- Je suis occupé, Malefoy.

- C'est à propos d'une affaire. C'est important.

Harry soupira ostensiblement et se leva. Sans un mot, il sortit du bureau, Draco à sa suite, et entra dans un local d'audition voisin.

-Alors ? attaqua Harry immédiatement après avoir refermé la porte. C'est quoi cette grande affaire dont tu as à me parler ?

Draco eut un petit rire musical.

- Moi, évidemment.

- Je te demande pardon ?

- Moi. J'aimerais tant être la grande affaire de ta vie, Harry. Je sais que tu as peur de ce genre de discours, que tu préfèrerais être chez toi, tranquillement, à te convaincre que tu aimes ta femme. A te convaincre que je te mens. Mais je sais aussi que tu as aimé chaque minute qu'on a passée ensemble le soir de Noël…

- Alors, toi, tu ne manques pas d'air ! éructa Harry. Tu as le culot de venir ici, me faire un petit laïus sur ce que je dois penser, qui je dois aimer, alors que samedi, tout Londres pouvait s'extasier sur ta… proximité avec Dennis Crivey !

- Ma proximité avec Dennis ? répéta Draco. Evidemment que je suis proche de lui. Je vis avec lui, je couche avec lui. Et alors ?

- Et alors ? Après avoir vu votre putain de « proximité » étalée sur les murs de la galerie, et surtout après avoir la manière dont tu le bouffais des yeux, ne viens plus me dire que tu ne mens pas ! Ne viens plus me dire que tu es amoureux de moi !

- Harry…

- Tais-toi ! Je ne veux plus t'entendre ! Tu me dis que tu m'aimes, que tu es amoureux de moi, et comme le parfait idiot que je suis, ça m'a suffi pour te suivre dans un lit ! Mais ce que je constate, c'est qu'après deux heures passées avec moi, tu es retourné sans remord vers Dennis, cet homme que tu fais semblant de tolérer, que tu prétends ne pas aimer, mais qui après autant d'années, parvient à te subjuguer mieux que personne !

Harry se tut brutalement, conscient d'être totalement ridicule. Totalement jaloux. Et totalement humilié.

- Harry…

- S'il te plait, ce n'est pas la peine d'en rajouter, dit-il en baissant la tête, rouge de honte.

Draco s'approcha de lui, un sourire d'une incomparable tendresse sur les lèvres. Il prit le visage de Harry entre ses mains et le leva vers lui.

-C'est toi qui me subjugue, Harry. A chaque minute, à chaque seconde. Dennis n'est rien à côté de toi.

De ses pouces, il caressa doucement les joues de Harry.

-Tu n'as qu'un mot à dire, Harry. Tu le sais très bien.

Harry se recula brusquement.

- Ça suffit, dit-il. Je veux que ça s'arrête.

- Arrêter quoi ?

- Toi, moi. Cette pantomime. Nous ne devrions plus nous voir, Draco. Je… j'ai réfléchis, je vais demandé à être muté au Département des Mystères et je…

Il ne put terminer sa phrase car Draco l'embrassait. Et pour Harry, ce fut comme retrouver l'air à la surface alors qu'il était en train de se noyer. Le baiser était fiévreux, intense, chaotique, à l'image de ce que Draco lui faisait ressentir.

Harry décida à cet instant d'arrêter de lutter. Oui, il était amoureux de cet homme. Oui, il courrait à sa perte, mais il s'en fichait.

Comme pour répondre à ce constat silencieux, Draco le regarda et lui demanda :

-Tu me fais confiance, Harry ?

Harry hocha simplement la tête.

- Alors, retourne à ton bureau, prend ton manteau et rejoint moi près de l'ère de transplanage, dans l'atrium.

- Où allons-nous ?

- Tu as dit que tu me faisais confiance.

- Oui, mais…

- Tout ira bien, Harry. Je te le promets.

-34-

- Le Ritz ? s'exclama Harry en regardant la façade avec des yeux ronds.

- Ça ne te plait pas ?

- La question n'est pas là ! Que vient-on faire ici ?

- Harry, soupira Draco en levant les yeux au ciel. C'est un hôtel. Je dois vraiment te faire un dessin ?

- Attends… on est ici pour… tu… tu veux qu'on passe la nuit ensemble ?

- Bien entendu !

- Mais… je…

- Il n'y a pas de mais. Ta femme est aux Pays-Bas jusque demain soir.

- Comment sais-tu ça ?

- Elle me l'a dit. Et, crois-moi, c'est le genre d'information que je retiens !

Draco lui fit un grand sourire puis marcha d'un pas assuré vers l'entrée. Aussitôt, un portier en livrée leur souhaita la bienvenue. Draco traversa l'immense hall de style rococo comme s'il était un habitué des lieux – ce qui devait être le cas, du reste – et se dirigea vers le comptoir d'enregistrement.

-J'ai réservé deux chambres, dit-il avec aplomb. Au nom de Malefoy.

L'hôtesse fit quelques vérifications.

- En effet, Monsieur Malefoy. Deux chambres, pour une nuit. Souhaitez-vous une vue sur le parc ?

- Certainement.

- Bien, Monsieur. Vous réglez par carte de crédit ?

D'un air blasé, Draco tendit à la jeune femme une carte bancaire moldue. L'hôtesse ne s'embarrassa pas de lui indiquer combien il lui en couterait, et Draco ne posa aucune question. Harry faillit toutefois s'étouffer quand il vit l'hôtesse encoder un chiffre qui ressemblait à 1850 sur le terminal de paiement.

Un délicat bip bip confirma que la transaction était validée. Avec un grand sourire, l'hôtesse déposa sur le comptoir deux cartes magnétiques.

- Vous êtes au troisième étage. Chambres 312 et 314. Le majordome de votre étage se nomme Jonas. Il est à votre disposition vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il vous suffit de former le 31 sur le téléphone intérieur. Le petit-déjeuner est servi à partir de 6h30, dans la salle à manger ou en chambre, comme vous préférez.

- Merci, dit Draco en prenant possession des deux cartes.

- Je vous souhaite un bon séjour, Messieurs.

Disant cela, elle fit un sourire entendu à Harry, qui ne savait pas où se mettre.

- Peut-on savoir quand tu as réservé au juste ? demanda Harry quand ils furent dans l'ascenseur.

- Hier.

- Hier. Bien sûr, soupira Harry en secouant la tête avec lassitude. Ça ne t'a pas effleuré l'esprit que j'aurais pu refuser de te suivre.

- Absolument pas.

- Et ça t'a coûté 1.850 livres pour deux chambres.

- Le Ritz est un vieil établissement. Pas un de ces hôtels modernes et permissifs de Camden Town. Les deux chambres ne servent qu'à sauver les apparences.

- Tu as déboursé 1.850 livres ! répéta Harry.

- Hm. Possible, oui, dit Draco en haussant les épaules.

- Quant aux apparences, permets-moi de rire… l'hôtesse a parfaitement deviné pourquoi on est là…

Draco ne fit aucun commentaire. Arrivé devant la chambre 314, il regarda Harry comme pour s'assurer qu'il n'allait pas s'enfuir. Mais Harry ne s'enfuit pas, au contraire. Il soutint le regard de Draco tout en déverrouillant lui-même la porte.

-35-

Les deux heures passées dans les bras de Draco le soir de Noël n'avaient été qu'un préambule, un avant-goût.

Il avait fait monter une bouteille de champagne et nous avons vidé le premier verre en admirant la beauté de la ville dans l'obscurité. Après quoi, il m'embrassa et me déshabilla sans un mot. J'en fis autant, avec davantage de fébrilité cependant.

Il me rendait fou. Fou de désir. D'amour.

Cette fois, le temps de nous était pas compté et nous en avons savouré chaque seconde.

Dans le silence feutré de la chambre, je fis absolument tout ce qu'il me demandait. Ses désirs devinrent les miens. Ses fantasmes devinrent les miens. Et c'est sans un remord et sans une crainte que je lui offrit ma dernière part de virginité.

Entre deux étreintes, il m'avoua qu'il ne s'était jamais donné à personne avant ce fameux soir de Noël. Cette confession m'émut terriblement, avant de m'épouvanter : tout à ma rancœur et ma frustration, je n'avais pas été particulièrement tendre ce soir-là. Draco sourit de mon embarras et m'assura qu'il avait été comblé au-delà de toute mesure.

Quand le jour se leva sur Londres, je pris conscience que ma vie telle que je la connaissais venait littéralement d'exploser et j'ignorais comment en rassembler les morceaux. Le voulais-je vraiment, du reste ?

Je cogitais à toute allure depuis quelques minutes quand je sentis Draco m'attirer à lui.

- Tu regrettes ? demanda-t-il immédiatement, d'une voix encore enrouée de sommeil.

- Non, dis-je avec sincérité. Non, je ne regrette pas.

- Qu'y a-t-il dans ce cas ?

Je soupirai. Que pouvais-je lui dire ? Que je songeai à ma femme, mon adorable femme, qui ne se doutait absolument de rien ? Au fait qu'elle rentrerait ce soir, fatiguée mais heureuse de regagner son foyer, ignorant que son mari était en train de la trahir dans les bras d'un homme ? Dans les bras de son ami ?

J'aimais ma femme. Mais l'amour que je ressentais pour elle ne semblait plus qu'un doux ronronnement comparé à ce que j'éprouvais pour l'homme allongé tout contre moi. Je le regardai et je fus submergé par l'envie criante de n'être qu'avec lui.

-Harry, murmura Draco avec urgence. Tu dois parler à Ginny. A partir de maintenant, il est hors de question que je te partage. Absolument hors de question.

- Et toi ? dis-je, provoquant. Devrai-je te partager ?

- Tu n'as donc rien compris… Il n'y a jamais eu que toi.

- Tu sais ce que je veux dire. Dennis est…

- Laisse-moi me charger de Dennis. Toi, parle à Ginny. Aujourd'hui.

Sans tendresse, il m'embrassa fougueusement avant de se lever et de disparaître dans la salle de bain.

Au Manoir, le soir de Noël, après avoir quitté mon lit, il m'avait enjoint de rejoindre ma femme. Aujourd'hui, il m'ordonnait de la quitter.

-36-

A peine avais-je franchi le seuil de mon hôtel particulier de Berkeley Square que je sentis une explosion de magie autour de moi. Mon elfe de maison, Tiggy, s'approcha en se tordant les mains.

- Maître Draco, commença-t-il.

- Pas maintenant, Tiggy, dis-je en le contournant et en montant les escaliers avec un calme que j'étais loin de ressentir.

Sur le palier du premier étage, devant la porte de mes appartements, la magie était pratiquement palpable. Je ne dû pas réfléchir bien longtemps pour deviner ce qui m'attendais. Hier, c'était l'anniversaire de Dennis et j'avais promis de passer la soirée avec lui. Je n'avais aucun doute sur le fait qu'il prendrait très mal le petit mot que je lui avais envoyé avant de me rendre au Ministère, pour le prévenir que je ne pourrais pas honorer mon engagement. Le mot était accompagné d'une montre en platine valant plusieurs milliers de livres, mais manifestement, cela n'avait pas suffi.

Je pris une profonde respiration et ouvrit la porte. Le petit salon privé était littéralement dévasté. Le papier-peint avait été méthodiquement arraché et pendait en lambeaux le long des murs. Les coussins, les assises des fauteuils avaient été éventrés. Les vases, les décorations étaient fracassés au sol.

Dennis avait mené une entreprise de démolition et de destruction aussi efficace que frénétique.

Je n'étais pas contrarié par son geste. Au contraire, je le comprenais. De plus, il n'y avait rien autour de moi que la magie ne pouvait réparer. J'étais simplement fou furieux qu'il se trouve ici, dans mon intimité, alors que ces pièces lui étaient formellement interdites.

Je traversai le salon et poussai la porte qui donnait à ma chambre. Le spectacle était le même : tout avait été méticuleusement détruit. Excepté une coupelle en cristal qui vola droit vers moi au moment où j'entrais dans la pièce. Je ne pris pas la peine d'essayer de la sauver et elle s'écrasa contre le mur.

-Espèce d'ordure ! hurla Dennis.

Il était assis au milieu de mon lit, comme un sultan. Je notai, non sans un certain amusement, qu'il portait la montre que je lui avais offerte. Autour de lui, le matelas était jonché de costumes, de chemises, de robes de sorcier déchirés. Apparemment, mon dressing aussi avait fait les frais de son mécontentement.

- J'espère que tu t'es bien amusé ! Que tu l'as bien baisé tout ton soûl !

- Tu es ridicule, soupirais-je.

Je fis quelques pas dans la pièce.

- D'autant plus ridicule que tout cela est parfaitement inutile. Tout sera réparé à l'identique dans moins de deux heures.

- Même tes précieux vêtements ? ricana-t-il.

Je haussais les épaules.

-Je comptais refaire ma garde-robe de toute façon.

Un autre rescapé, un petit vase en céramique, vint se fracasser à mes pieds.

-C'est toi qui est ridicule, dit-il d'un froid. Qu'est-ce que tu crois ? Qu'il va quitter Ginny pour toi ? Il ne la quittera jamais ! Il aime les femmes, sombre idiot ! Il les aimera toujours ! Toi, tu n'es qu'une distraction. C'est le truc des hétéros qui veulent découvrir une nouveauté, pimenter un peu leur vie sexuelle médiocre… Et toi, tu n'y vois que du feu. Tu crois qu'il est tombé sous ton charme, qu'il est peut-être même tombé amoureux ? Ce que tu peux être con…

Je serrai les poings et fis un effort pour ne pas me jeter sur lui et le frapper de toutes mes forces.

- Sors d'ici, dis-je.

- Sans parler du fait qu'il veut des enfants. C'est son truc, les mioches. Je suis sûr qu'il en veut une demi-douzaine. Et pas des adoptés. La chair de sa chair. Que feras-tu alors ? Tu te feras greffer un utérus ? ricana-t-il méchamment. Non, impossible ! Ça voudrait dire accepter de te faire baiser… le très dominant Monsieur Malefoy n'accepterait jamais ça !

- Il m'a baisé. Le soir de Noël. Franchement, il ne m'a pas ménagé.

C'était un peu puéril de ma part, mais il me poussait tellement à bout que je n'ai pas pu résister à cette petite provocation. Le coup porta immédiatement. Je le vis blêmir en serrant les dents.

Puis je le vis glisser lentement sa main sous le tas de vêtements à côté de lui et en sortir un épais carnet en cuir vert foncé. Ce fut à mon tour de perdre des couleurs.

-Je vois que tu l'as reconnu, dit-il avec un sourire perfide.

Ainsi, il ne s'était pas contenté de tout détruire. Il avait fouillé aussi. A force de le considérer simplement comme un partenaire sexuel, j'avais oublié que Dennis était un excellent sorcier et qu'il était particulièrement doué en sortilèges.

-Le tiroir où il était caché m'a donné un peu de mal, mais j'y suis parvenu, dit-il en embrayant sur ma réflexion silencieuse. Sa lecture était vraiment… passionnante.

Je fermai les yeux en tentant de me calmer. Après la guerre, j'avais connu un profond épisode dépressif qui m'avait amené à consulter une psychomage. Une partie de la thérapie avait consisté en la tenue régulière d'un journal intime. Cela m'avait beaucoup aidé, si bien qu'après cela, j'avais conservé cette habitude.

-Je me demande ce qu'il dirait, ce cher Potter, s'il apprenait la moitié de ce qu'il y a là-dedans…

- Dennis, murmurais-je d'un ton beaucoup trop désespéré à mon goût.

- Donc, tu as payé le club des Harpies pour qu'ils achètent Ginny pendant un an ? Tu t'assurais ainsi qu'elle soit plus souvent en entrainement et en déplacements à l'étranger, pour avoir le champ libre. Et bien sûr, tu as grassement payé son précédent club pour qu'ils acceptent de la lâcher immédiatement…

Il ne servait à rien de nier.

- Ginny est une excellente joueuse, dis-je. Elle aurait fini par être repérée par les Harpies. Mais j'ai dû accélérer le processus le jour où elle s'est mise en tête d'arrêter pour avoir un enfant…

- Bien sûr. Un enfant aurait contrarié tes plans.

- C'est la seule chose qui aurait pu contrarier mes plans, car je sais que Harry ne se serait jamais détourné de sa femme si elle avait été enceinte.

- Donc, tu admets que tu avais un plan.

- Je pense qu'après avoir lu mon journal, c'est plutôt clair, non ?

- En effet. Tu as même été jusqu'à faire croire aux parents Weasley qu'ils avaient gagné un voyage en Thaïlande. Tout ça pour organiser ce stupide Noël.

- Ginny n'aurait jamais accepté de venir au Manoir si ses parents étaient en Angleterre.

- Et soûler Ginny ? C'était prévu ?

- Ginny a tendance à flirter avec moi quand elle a bu un coup de trop. Je comptais là-dessus, et sur mon somptueux cadeau pour elle, pour mettre en scène le baiser. Ginny m'a considérablement facilité la tâche en s'enivrant toute seule. Et j'ai obtenu ce que je voulais : Harry était jaloux. D'elle. Pas de moi.

- Quand je pense que tu as poussé le vice jusqu'à lui voler un pull, quand il est venu passer le weekend au Manoir avec toi. Tout ça pour qu'il vienne t'en emprunter un et qu'il te trouve à moitié nu dans ta chambre.

- Il fallait que je sois sûr que je ne le laissais pas indifférent.

Dennis secoua la tête, effaré.

-Tu es complètement malade, tu sais ça ?

Subitement, je me sentis abattu. Avec lassitude, je baissai la tête, chose que je n'aurais jamais faite devant Dennis.

-Oui, admis-je. Malade de lui. Malade d'amour pour lui.

Cet aveu fit vaciller quelque chose en Dennis. Sa colère sembla s'essouffler.

-Samedi soir, dit-il, pendant le vernissage… la façon que tu avais de me regarder, de te comporter avec moi devant les autres, comme si… comme si j'étais à toi et que tu empêcherais quiconque d'approcher… ta possessivité… j'ai cru… j'ai vraiment cru que… que tu étais fier de moi… que j'avais gagné…

Sa tristesse me toucha profondément. Je m'approchai et m'assis sur le bord du lit en lui prenant la main.

-J'étais fier de toi, Dennis, dis-je avec sincérité. Je le suis toujours. Cette exposition est de loin, ce que tu as fait de mieux… et je ne dis pas ça seulement parce que je suis le sujet de tes photos. Ce soir-là, c'est vrai… je t'ai regardé avec désir et possessivité parce que pendant un instant, je me suis dit que ce serait si simple d'être avec toi pour de bon. Simple de t'ouvrir mon cœur… mais…

- Je ne suis pas lui.

- Non. Tu n'es pas lui.

- Quand on faisait l'amour… tu… tu pensais à lui ?

Je n'eus pas la force de répondre, alors je détournai la tête.

- Salaud, dit-il mollement.

- Oui, admis-je. Je t'ai trompé de bien des façons, mais celle-là était la plus cruelle et j'en suis désolé.

- Non, tu ne l'es pas.

- Je t'assure que oui. Tu es quelqu'un de bien et je ne te mérite absolument pas.

Dennis chipota un morceau de tissu arraché à une de mes chemises.

-Je t'aimais, tu sais, dit-il à voix basse. Je t'aime toujours, en dépit de la manière dont tu me traites. J'ai toujours su que c'était un amour à sens unique mais je me disais… peut-être un jour… puis Potter est revenu dans ta vie. J'ai compris tout de suite. Je te regardais et je voyais comment toi, tu le regardais lui. Tu es amoureux de lui, n'est-ce pas ?

- Oui, je le suis. Depuis longtemps. Toujours peut-être.

- Oh, donc quand à cinq ou six ans, ton paternel te lisait l'histoire du Garçon-qui-a-survécu, le petit pédé que tu étais avait déjà l'idée de se taper le Survivant ? dit Dennis en rigolant pauvrement.

- Petit insolent, répondis-je avec une gentille frappe sur sa tête. Mon paternel ne me lisait pas d'histoire. Dobby, mon elfe de maison, le faisait.

- Donc, tu ne démens pas que tu voulais…

- Je voulais juste qu'il soit mon ami, coupai-je, car c'était la stricte vérité.

Dennis soupira. Il s'extirpa du lit.

-Adieu, Draco.

Il me lança le journal en cuir qu'il tenait toujours en main.

-Un conseil, que tu ne suivras probablement pas : brûle-le.

Sur ces mots, il quitta ma chambre, ma maison. Ma vie.

Je feuilletai le journal quelques instants puis le refermai d'un coup sec. Je le jetai dans l'âtre et lançai un incendio informulé. Je restai ensuite regarder les flammes lécher le cuir, le noircir et le faire fondre avant de réduire les pages en cendres, en même temps que mes secrets.

-37-

Je fixai Harry, complètement stupéfaite. Harry ? Mon Harry ? Avec Draco ? C'était tout simplement impossible. Harry me faisait une blague.

-Harry, arrête de raconter n'importe quoi. Je crois que je me suis suffisamment excusée pour ce qui s'est passé le soir de Noël au Manoir. Pas besoin d'aller inventer une histoire aussi rocambolesque pour… pour quoi au juste ? Te venger ?

- Ce n'est pas une histoire rocambolesque, répliqua Harry. C'est la vérité. Je t'ai trompée. Avec Draco. Deux fois. Et je ne l'ai pas fait pour me venger. La vérité, c'est que…

Il semblait littéralement au supplice.

- C'est quoi, Harry ? dis-je d'une voix où l'angoisse commençait à poindre.

- Je suis tombé amoureux de lui, me dit-il dans un souffle.

Mon rire sonnait faux à mes propres oreilles.

Déterminé à faire preuve de la plus parfaite honnêteté, Harry entreprit de me raconter par le menu son séjour au Manoir début décembre, les baisers échangés avec Draco, ses incertitudes quant à ce qu'il ressentait, la nuit de Noël, et enfin la nuit au Ritz, après laquelle il avait fini par admettre la vérité.

S'en suivirent les habituels : je ne pouvais pas te mentir plus longtemps, je t'aime trop pour ça, tu as droit à la vérité.

Je me laissai tomber sur le bord du lit, toujours en proie à l'incompréhension. Draco était un homme très séduisant, et je devais bien admettre que j'avais fantasmé à plus d'une reprise sur lui, jusqu'à m'imaginer au lit avec lui. Mais… Harry ? Succomber au charme de Malefoy ? Puis, en une fraction de seconde, tout devint limpide. La gentillesse de Draco à notre égard, ses cadeaux, ses invitations, son flirt appuyé avec moi… tout cela n'avait qu'un seul objectif : faire tomber mon mari entre ses griffes. Et moi, trop orgueilleuse, trop flattée par le pseudo intérêt que Malefoy me portait, je n'ai rien vu venir.

Tandis que Harry me parlait, encore et encore, s'excusant encore et encore, j'écoutais à peine. Tout mon esprit était tourné vers la haine que j'éprouvais pour Malefoy. Riche comme il était, tout lui était permis. A coup de milliers de gallions et de livres sterling, il parvenait à mettre le monde aux pieds de Harry. Et cet idiot se laissait faire !

- Je veux divorcer.

La petite phrase me fit l'effet d'un électrochoc.

- Quoi ? couinai-je lamentablement. Tu me quittes ?

Il hocha piteusement la tête.

Non, non, non, non, ce n'était pas possible. Harry ne pouvait pas me quitter. Pas maintenant. Et certainement pas… pour Malefoy ! L'image de leurs corps emmêlés s'imposa à mon esprit et m'occasionna une violente nausée. Mon mari couchait avec un homme. Dans quelle position ? Se laissait-il prendre comme une femme ? Par les couilles de Merlin, mon mari, le Sauveur du monde sorcier, n'était pas un foutu pédé !

Mon estomac se révulsa à nouveau, et c'est là que l'idée me vint. C'était ma seule chance.

- Harry, dis-je en soupirant. Tu ne peux pas.

- Ginny, je suis désolé. C'est mieux comme ça. Je t'assure que je ferai tout pour que ce soit le moins douloureux possible. Tu garderas l'appartement, et je te verserai…

- Tu ne comprends pas Harry. Tu ne peux pas partir maintenant.

Je dardai sur lui un regard fébrile.

-Je suis enceinte.

Je vis son visage se décomposer, accusant le coup.

Je touchai mon ventre vide dans un geste protecteur et il suivit mon regard. A cet instant, je su que j'avais gagné.

Quand on joue contre quelqu'un comme Malefoy, tous les coups sont permis. Même le mensonge.

A suivre...


Il vous fraudra un tout petit peu de patience pour recevoir la suite. Elle est en cours d'écriture mais elle progresse bien. Vous m'avez redonné du coeur à l'ouvrage :-)

D'ici là, je vous souhaite de très très belles fêtes de fin d'année et une excellente année 2024, remplie de mille et un petits et grands bonheurs.

A bientôt !

Rose