Mardi 24 décembre 2019

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"Il n'est jamais trop tard pour devenir ce que nous aurions pu être."

George Eliot

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Drago sortit dans le jardin, ignorant la couche de neige qui faisait disparaître jusqu'à ses genoux. Il avança jusqu'au pommier qui, bien que dépourvu de feuilles et recouvert de son manteau blanc, était reconnaissable parmi les sapins.

Il l'avait planté en 2010, à la moldue, après le départ de Harry. Il était censé représenter son évolution personnelle, lui qui n'était pas parvenu à se détacher de l'influence de son père pour le suivre de l'autre côté de l'océan. Depuis, il avait effectivement fait du chemin, mais cet arbre était également devenu le symbole d'un amour jamais oublié.

Drago soupira. Sa mère avait trouvé les mots justes pour le pousser à réfléchir dans le bon sens, mais il avait probablement plus peur de cet amour sans fin que d'une attirance qui resurgissait après près de dix ans. Et s'il ne voulait pas se retrouver dans dix ans à se dire qu'il avait manqué une occasion d'évolution davantage, il fallait qu'il parle à Harry.

Le seul moyen d'y arriver était d'éviter d'y penser de trop. Il fonça donc directement au Terrier, où Harry devait se trouver.

Il arriva en bas de la colline de Loutry Sainte Chaspoule. La grimper donna le temps à son palpitant d'accélérer. Il appréhendait la suite, sans que cela découle d'aucune logique. Harry lui avait avoué il y a quelques jours avoir encore des sentiments pour lui. Il ne risquait pas grand-chose en lui proposant un rencard après les fêtes de fin d'année.

Il fut accueilli par les grognements des Gnomes de jardin, ce qui le fit grimacer de dégoût et eut au moins l'avantage de le détourner de ses pensées anxiogènes.

La porte s'ouvrit sur Ginny Weasley, ronde comme un Souafle. Il avait vaguement entendu dire qu'elle s'était entichée d'Ernie Macmillan.

"Malefoy", lâcha-t-elle au moment où elle le reconnut. "Tu viens pour Harry, je suppose ?"

Drago acquiesça, de crainte que sa voix déraille.

"HARRY", hurla-t-elle en tournant la tête vers la salle à manger. "C'EST POUR TOI."

Drago pesta pour lui-même de cette tendance disgracieuse à crier après autrui plutôt qu'à aller chercher directement la personne, mais il y eut du mouvement à l'intérieur, et la plus jeune Weasley laissa la place à Harry.

Il en oublia temporairement ce qu'il était venu faire. Harry était magnifique dans son pantalon en coton jaune, censé s'accorder avec son indémodable pull tricoté par la mère Weasley.

"Bonsoir, Drago", la salua-t-il d'une voix douce et chaude.

Voyant que Drago ne réagissait pas, il poursuivit.

"On sort faire un tour ?", lui suggéra-t-il.

Drago hocha la tête, et ils marchèrent sur une centaine de mètres, les mains dans les poches, avant que l'un des deux rompît le silence.

"Je suis désolé", dit Drago. "Tout est remonté à l'hôpital."

"Ce n'est rien, je comprends", lui assura Harry. "Je n'imaginais pas non plus que ça serait aussi intense émotionnellement de juste te revoir."

Drago déglutit. Harry avait gagné en sagesse en vieillissant. Il était plus posé, même s'il avait été gentil avec lui dès le moment où ils s'étaient revus après la guerre.

"Je suis aussi désolé d'avoir eu peur de te suivre à New York."

"Pour ta défense, ce n'est pas le courage qui t'étouffe", se moqua Harry.

"Hé !", protesta Drago en se tournant vivement vers lui.

Harry s'arrêta également, le dévisageant. Leurs regards se croisèrent et le cœur de Drago fit un bond. Comment Drago avait-il pu se passer de cette sensation durant toutes ses années ?

"Ne t'en fais pas", rigola Harry. "Je m'en doutais en te le demandant. Je l'espérais, mais j'avais bien conscience que tu avais des choses personnelles à régler ici. C'est O.K. Je m'en suis d'ailleurs beaucoup voulu, au début, d'avoir mis un terme à notre histoire. Comme si c'était un caprice de partir."

Drago était perdu dans son regard vert, d'une brillance incroyable.

"Ce n'était pas un caprice, tu avais toi aussi des choses à régler", lui assura Drago. "Ça ne nous aidait pas, mais c'était nécessaire."

Harry confirma d'un sourire à la fois attendri et reconnaissant.

"Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?", lui demanda-t-il.

"J'ai envie de suivre le conseil de ma mère et de te demander un date", lança Drago.

Harry rit.

"Dis donc, être père te donne de nouvelles compétences en communication."

"N'hésite pas à te moquer surtout", répliqua Drago en riant à son tour.

"Oh ! Je ne vais pas me gêner", lui promit Harry, toujours perdu dans son regard. "Alors, on se voit quand ? Je crois être plus disponible que toi entre le chômage et ma non-paternité. Quoi que, peut-être futur beau-père."

Drago pouffa.

"Mes enfants repartent en Grèce le 15 janvier. Tu fais quelque chose le 16 ?"

"Maintenant, oui", déclara Harry avec un immense sourire.

Il semblait à Drago que son cœur retrouvait une douce chaleur perdue depuis longtemps.

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A suivre...