Nous voilà déjà à la fin... Je vous remercie tous et toutes pour votre lecture. Enfin, plus "toutes", de ce que je peux facilement imaginer...
Pour rappel : "Mutatis Mutandis : ce qui devait être changé ayant été changé"
Les pistes associées à l'écriture : "Mad World" par Jasmine Thompson et "Bovary" par Clara Luciani, pour le début de l'histoire ; "Absent Minded" par Gabriel Olafs, pour les passages renvoyant au passé (Merope, etc) ; "The Curse" par Agnes Obel, pour les moments tendus ; "People help the people" par Birdy et "Popcorn salé" par Santa, pour le début du chapitre 23, puis "The heart asks pleasure first" joué par Vanessa Wagner et "Big my secret", version originale de la mélodie du film "La leçon de piano", pour la suite et les moments fluffy. "An Clar Bog Deil" par Muireann Nic Amhlaoibh pour tout ce qui touche à Eileen Prince.
Merci encore à Dragsou et Loryah pour leur relecture, et à Karine-F et Dark Cape pour l'idée originale. Merci pour vos reviews (en vrac) : Sockscranberries, Meranath, Cinderella.Sere, asuka snape, snapebe27, bluedoctor, ninine57, Diiyoza, Blackbutterfly207...
Merci enfin au groupe/Discord Prudence & Potions !
Epilogue
Le docteur Granger fit glisser son masque sous son menton pour inspirer enfin un peu d'air frais. Le dernier de ses rendez-vous venait de se terminer, la semaine avait été longue. Manifestement, une grande partie de sa patientèle avait jugé opportun de faire contrôler l'état de sa dentition à l'approche des fêtes de fin d'année, sûrement pour s'empiffrer le cœur léger. Elle ôta ses gants de latex pour les jeter en boule dans la corbeille et se savonna longuement les mains, le regard perché sur la guirlande clignotante qui ornait la grille de la maison d'en face. Puis elle mit hors secteur l'ordinateur qui contrôlait la multitude d'écrans étalés aux murs et vérifia la bonne fermeture des placards. Enfin, elle abaissa les stores vénitiens et régla le chauffage au minimum. Après avoir tiré la porte de son cabinet, elle attrapa dans le vestiaire son manteau d'hiver et une écharpe épaisse qu'elle enroula autour de son cou, par anticipation, et entra dans la salle d'attente.
- Vous vous chargerez de fermer, Simon ?
- Vous… ah, oui. Je le ferai, docteur Granger. J'avais complètement oublié que nous finissions à 16h30 aujourd'hui, bafouilla le jeune homme en se redressant.
La dentiste eut un sourire.
- Alors, à lundi prochain et joyeuses fêtes.
- Merci beaucoup, à vous également, docteur Granger.
Il était toujours si poli, si parfait. Vraiment, elle songea une fois de plus qu'elle avait fait une vraie affaire en engageant ce secrétaire. Sortant dans le froid, elle enfila sa longue veste de tweed et un bonnet de laine dense. Le soleil déclinait déjà et zébrait le ciel d'une multitude de griffures écarlates. Les mains au fond des poches, elle remonta l'interminable Willoughby Road. En jetant un œil par-ci, par-là, elle captait quelques millisecondes de vie par chaque fenêtre, dont les rectangles jaunes, blancs, orangés apparaissaient peu à peu parmi les façades de briquettes ocres. Ici, on devinait une discussion animée, là, le scintillement stroboscopique d'une télévision, plus loin, l'ombre découpée d'une silhouette féline. La plupart des cours s'étaient parées de leurs plus excentriques décorations de Noël, et les goûts les plus improbables étaient dans la nature. A l'intersection avec Willow Road se dressait un érable à la stature impressionnante. Il n'était plus que branches à cette saison, et elle piqua à droite jusqu'à un très gros marronnier tout aussi déplumé, qu'elle contourna pour s'engager sur Christchurch Hill. Les maisons s'y alignaient, sur sa gauche, comme autant de chocolats identiques dans une boîte dorée. A droite, les branchages hirsutes des Gainsborough Gardens formaient une muraille dépenaillée. Elle chemina un moment, frissonnante, jusqu'à atteindre le n17. Trottinant presque, elle monta les cinq marches irrégulières et atteignit enfin la porte, blanche. Elle se maudit d'avoir oublié ses gants ce matin-là. D'une main glacée, elle se saisit d'un petit trousseau de clefs et en inséra tant bien que mal la plus grosse dans la serrure qui ne cliqueta pas. Elle était déjà ouverte. Alors, elle s'appuya sur la poignée et pénétra dans l'entrée, où elle délaça ses bottines avant de les ranger à la place expressément prévue à cet effet, dans un coffret rectangulaire.
- Bonsoir, docteur Granger, lança une voix profonde depuis le salon.
- Bonsoir, professeur Rogue, répondit Hermione avec un sourire.
Elle suspendit sa grosse veste à un cintre de bois, autour duquel elle enroula son écharpe. Le bonnet alla dans un tiroir, où elle attrapa une paire de chaussettes rembourrées avant de les passer à ses pieds gelés. Enfin, elle s'avança vers le séjour.
- Ta journée ? se contenta de questionner le maître des potions, occupé à la lecture de la Gazette du Sorcier.
Il était assis dans un fauteuil Perriand de cuir noir aux tubulures métalliques, face à la petite cheminée où ronronnaient paresseusement quelques braises.
- Comme d'habitude, Mr Rigson a cassé son bridge pour la quatrième fois. Je ne veux même pas savoir comment il se débrouille… répondit Hermione en ponctuant sa phrase d'un geste de la main, pour elle-même.
Elle se pencha finalement pour déposer par derrière un baiser sur la joue de celui qui partageait sa vie depuis plusieurs années, à présent. Cela faisait un peu plus de douze ans qu'ils s'étaient installés ici, après qu'Hermione eut disparu du monde magique. La manœuvre avait été aisée, comme prévu par Severus. Elle avait, le dimanche, transplané dans le jardin de ses parents, y avait laissé quelques affaires et sa baguette, puis était repartie à pied, couverte de la cape d'invisibilité. Le lendemain, alors qu'elle ne s'était pas présentée à Poudlard, le Ministère avait ouvert une enquête et suivi la trace de sa baguette, que la Brigade Magique avait retrouvée abandonnée. Ses parents avaient été interrogés et n'avaient pas pu expliquer la présence de ces objets, même sous-emploi du Veritaserum. Durant quelques heures, l'inquiétude les avait rongés, jusqu'à ce que Rogue se charge de les rassurer. Ensuite, eh bien... elle s'était laissée oublier du Ministère, lentement mais sûrement, en se faisant discrète, inexistante même. Finalement, ils avaient aménagé ici, au 17 Christchurch Hill, officiellement chez Severus Rogue, à Londres. Hermione avait passé son diplôme de dentiste et repris le cabinet de ses parents. Sa vie moldue était parfaite.
- Et la tienne ? retourna-t-elle en entrant dans la cuisine, où elle ouvrit l'un des placards hauts pour en sortir une bouteille sombre à l'étiquette piquée de brun.
- Oh… soupira Severus sans bouger. Edward Lupin a réussi à me faire perdre mon calme et trente points à Gryffondor. Rien de nouveau.
- Pas mal, répondit Hermione, trempant ses lèvres dans une coupe de vin rouge.
Elle en remplit une seconde, qu'elle vint tendre au maître des potions en prenant place sur l'un des bras de son siège. Il leva enfin les yeux vers elle pour la remercier.
- Ce n'est pas toi qui as dit, un jour, "on ne ramène pas de travail à la maison" ? ironisa-t-il en tendant un doigt vers son oreille, d'où il fit glisser un des élastiques du masque bleu qu'elle avait oublié sous son menton.
- Par Merlin, je vais te ramener Rigson, tu verras ce que c'est que le travail, ronchonna-t-elle en faisant disparaître le bout de tissu dans sa poche. Alors, quelles nouvelles ?
Elle avait jeté un coup d'œil vers la Gazette.
- Aucune nécessitant de s'y intéresser vraiment, répondit Severus en se redressant, après avoir plié le journal qu'il déposa sur la table basse.
Sa main s'attarda dans le cou d'Hermione alors qu'il la contournait pour se diriger vers la cuisine. Elle l'y suivit.
- Ah, si. Le ministère, ou plus justement, Minerva McGonagall, a décidé de supprimer toute possibilité de dérogation pour étude de la Magie Noire à compter de la rentrée prochaine.
- Vraiment ? sembla s'étonner Hermione, en s'appuyant contre le plan de travail, face à son ancien professeur.
- Cela t'étonne ?
- Pas vraiment.
- Ah, avant que j'oublie… Ton insupportable amie des Harpies de Holyhead est passée un peu avant ton arrivée, annonça-t-il en déposant son verre sur la table.
- Ginny, bon sang… est-ce que tu as été désagréable avec elle ?
- A ton avis ? lança Rogue, le ton sarcastique.
- Par Morgane, Severus, tout ça à cause d'un tout petit baiser de rien du tout !
Hermione avala une gorgée de vin, et le maître des potions croisa les bras sur sa poitrine. Elle semblait contrariée. Il finit par pouffer légèrement et s'approcha d'elle, glissant ses mains autour de sa taille.
- Laisse-moi te dire que ta conception d'un…
Il jeta un regard vers ses lèvres, puis les effleura des siennes.
- … petit baiser…
Il s'empara délicatement de sa bouche, avec assez de profondeur tout de même pour qu'elle se laisse aller à devoir s'agripper à ses épaules. Quand sa langue se lova tout contre la sienne, elle laissa échapper un gémissement, assorti d'un rire étouffé.
- … de rien du tout…
Leur baiser se rompit de lui-même, comme par accord tacite.
- … est plutôt particulière, conclut-il, un sourcil levé.
- Tu es bête, rit-elle plus franchement. Nous étions toutes les deux... un peu... ivres.
- La belle excuse. Elle m'a demandé de te dire qu'elle viendrait demain, samedi, à l'heure du thé.
- Ah, super ! s'exclama Hermione en se dégageant de son étreinte, pour fondre sur le tas de courrier qui trônait sur la table de la cuisine.
- Su-per, singea-t-il.
Elle ne releva pas et trouva là le nouvel exemplaire du Balai-Magazine, adressé à Severus Rogue. Comme toujours, elle sourit franchement à cette constatation, puis rompit le papier kraft qui emballait la revue.
- Tu manges avec moi ce soir ? demanda-t-elle, distraite par le sommaire du mensuel.
- Non, je dois être à Poudlard pour le dernier dîner avant les vacances. Et demain encore, à cause du bal de Noël.
- Oh non, c'est vrai, bougonna-t-elle en abordant un article comparant les derniers modèles d'Eclairs de Feu, aux noms plus rocambolesques les uns que les autres. Je vais devoir cuisiner…
La seule pensée de se mettre aux fourneaux la découragea, et elle parcourut rapidement le reste de la pile de lettres, dont la plupart étaient des factures, sauf la dernière, un courrier du Ministère adressé à Severus.
- Je t'ai préparé un risotto, lança le maître des potions en désignant un grand bol de céramique, près de la cuisinière.
- Tu as…
Elle leva enfin les yeux vers lui.
- Oh Morgane, tu es extraordinaire.
Finalement, elle fit volte-face vers le plan de travail, où elle vint humer le riz fumant.
- Je me demande comment tu te nourrirais, exactement, si je ne préparais pas les repas…
Il releva l'une des factures du bout de l'index.
- Les boîtes du chat… sans doute, persifla-t-il.
- N'exagère pas, tout de même… mais… Merlin. Merci.
Elle revint vers lui et entoura son cou de ses bras pour le serrer contre elle. Leur étreinte dura un moment, jusqu'à ce que…
- Hermione, se raidit-il.
- Mmm…
- La lettre, la dernière lettre… celle du Ministère.
Il leva le visage de son cou pour mieux voir au travers de ses boucles indisciplinées.
- Elle t'est adressée.
- Quoi ? sursauta-t-elle en se retournant vers le courrier.
- Miss Hermione Granger, chez Severus Rogue, 17 Christchurch Hill, Londres, dicta-t-il, incrédule, en suivant du doigt l'adresse écrite à l'encre violette.
- Ça vient du Département des Mystères, constata-t-elle d'une voix blanche, en remarquant le logotype des langues de plomb placé dans l'angle supérieur gauche de l'enveloppe.
Elle leva les yeux vers Severus, dont les sourcils froncés laissaient à imaginer l'inquiétude qui s'insinuait dans ses pensées.
- Ouvre-la, ordonna-t-elle finalement en lui fourrant la lettre dans les mains.
- Par Morgane, Hermione, soupira-t-il en secouant le visage, un rictus plissant l'angle de sa bouche. Tu n'as plus quinze ans.
- Lis-la, s'il te plaît, demanda-t-elle en se rongeant déjà le pouce.
Rogue finit par s'exécuter, presque de mauvaise grâce.
- "Miss Granger..."
- Qui est-ce ?
Les sourcils du maître des potions se froncèrent encore davantage.
- Ma mère.
- "Miss Granger..."
- Elle t'a parlé de quoi que ce soit ?
- Hermione...
- D'accord, d'accord.
- "Miss Granger, je me permets de vous contacter par la voie magique..."
- Pas très prudent, jugea-t-elle, renfrognée.
- Hermione !
- Excuse-moi.
- Est-ce que tu veux la lire par toi-même ? menaça-t-il en tendant le parchemin vers elle.
- Non, non, lis-la toi, se défendit-elle avec un mouvement de recul, agitant les mains.
Rogue eut un lourd soupir assorti d'un regard noir.
- "Miss Granger, je me permets de vous contacter par la voie magique car les choses viennent d'évoluer de manière très inattendue. J'ai bon espoir que ce nouveau paramètre vous permette, à terme, de réintégrer le monde magique."
- Mais...
- "Par un pur hasard, j'ai été consultée pour une nouvelle occurrence de l'utilisation de la potion Mutatis Mutandis..."
- Quoi ? Mais...
La patience du maître des potions sembla avoir été complètement siphonnée, puisqu'il fit glisser jusque devant elle le courrier d'Eileen Prince, sur lequel elle se jeta finalement. Elle lut :
"Miss Granger, je me permets de vous contacter par la voie magique car les choses viennent d'évoluer de manière très inattendue. J'ai bon espoir que ce nouveau paramètre vous permette, à terme, de réintégrer le monde magique. Par un pur hasard, j'ai été consultée pour une nouvelle occurrence de l'utilisation de la Mutatis Mutandis, par la victime elle-même, qui dit avoir absorbé la potion dans le monde duquel vous et moi venons.
Je vais tenter d'impulser au Département des Mystères la mise en place d'une étude approfondie de cette potion, basée sur le cas qui vient de se présenter à nous. Nous n'en sommes qu'aux balbutiements de l'analyse, aussi, si vous décidez que les conditions sont réunies pour sortir de votre retraite, le Département des Mystères sera tout apte à vous recevoir dans son équipe. En effet, nulle autre que vous ne saurait être mieux placée pour prendre la tête de ce projet.
Il vous faut bien comprendre qu'il s'agit-là d'une occasion inespérée pour vous, comme pour nous. La personne touchée agit au plus haut rang du Ministère et ne saurait brider nos recherches, puisqu'il s'agit tout bonnement de..."
Hermione marqua une pause, abasourdie.
- Qui est-ce ? insista-t-il.
Le regard de la jeune femme se fixa dans le vide. Par Merlin, comment…
- Hermione !
Elle sursauta et le dévisagea un moment, avant que les mots ne franchissent ses lèvres, presque d'eux-mêmes.
- … la Ministre de la Magie, Minerva McGonagall.
- Oh...
Il y eut un long silence, pendant lequel Hermione tenta de museler l'excitation produite en elle par la nouvelle. Severus, lui, avait sur le visage une expression qu'elle ne lui connaissait pas, il était comme soufflé. La surprise avait entrouvert sa bouche, mais ses sourcils étaient demeurés froncés sous l'incompréhension.
- Je vais enfin pouvoir me montrer à ton bras au bal de Noël de Poudlard, conclut-elle avec un soupir satisfait, un sourire taquin sur les lèvres, pour refreiner tous les espoirs plus profonds que cette nouvelle faisait exploser en elle.
