Disclaimer : L'univers de Kuroko no Basket que vous reconnaitrez aisément appartient à Fujimaki Tadatoshi. L'auteur me le prête très aimablement pour que je m'amuse avec et je ne retire aucun profit de quelque nature que ce soit de son utilisation si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.

Note de l'auteur : Je veux remercier du fond du cœur ma béta-lectrice, Futae qui s'est servie de son "Eagle Eye" (fallait que j'la case celle-là !) pour corriger cette histoire et me conseiller. C'est grâce à son enthousiasme, ses encouragements et son sens de l'analyse et de la critique sans détour, que cette histoire a pu voir le jour.

Note importante : j'avais décidé de retirer toutes mes histoires de ce site suite à ce que je pense être un piratage. Je me suis laissée convaincre de les remettre, mais malheureusement ce site fonctionne tellement mal que je n'ai pas pu toutes les récupérer. J'ai donc décidé de les reposter. Si vous les lisez et qu'elles vous plaisent, n'hésitez pas à le dire, ça me fera plaisir et ça me remontera le moral même si les commentaires ne seront pas les mêmes qu'à l'origine.

Bonne lecture.


Shadow : Coucou ! Merci pour ton commentaire. Il y a des histoires d'amour qui finissent très bien. Et d'autres encore mieux. Quand un cyberterroriste est arrêté, on ne sait pas ce que les enquêteurs trouvent dans ses disques durs. Je ne fais qu'imaginer, qu'extrapoler. Pour la sécurité de tous, il ne vaut mieux pas qu'ils gardent ses informations. Ils sont en effet les mieux placés pour assurer la sécurité des systèmes mais il fait garder à l'esprit que rien n'est inviolable sur Internet. Malheureusement, j'en sais quelque chose ^^. Voici la suite. Bonne lecture.


Le roman de notre histoire

Chapitre 25

L'inspecteur Otsubo s'éveilla, incommodé par un poids sur son ventre. Il tourna la tête et sourit en voyant le visage paisible de son amant. Il se dégagea délicatement et alla préparer le petit-déjeuner. Il fit du riz et comme Midorima aimait le thé un peu fort, il le laissa infuser plus longtemps. Il fit griller des filets de poisson et mit le tout sur un plateau qu'il porta dans la chambre. Sous ses airs parfois renfrognés, Otsubo était quelqu'un de très attentionné.

Ils s'étaient rencontrés quelques mois plus tôt, lors de l'affaire Rakuzan. Otsubo avait immédiatement été attiré par cet avocat au premier abord glacial, mais qui ne cessait de l'observer à la dérobée. Il lui avait trouvé beaucoup de charisme et aurait aimé le voir plaider au tribunal. Il devait être impressionnant de sang-froid. Il n'avait pas attendu très longtemps avant de lui proposer de prendre un verre avec lui ce à quoi Midorima lui avait rétorqué qu'il était plutôt direct. Otsubo n'était pas du genre à s'embarrasser des convenances. Lorsqu'il voulait quelque chose, il le demandait. Et c'est ce qu'il avait fait. De toute manière, si l'avocat n'avait pas été intéressé, premièrement, il ne l'aurait pas regardé comme il l'avait fait, deuxièmement, il aurait refusé son invitation. Et de fil en aiguille, des sentiments très forts s'étaient développés entre eux. Ils n'en étaient cependant pas encore à habiter ensemble, mais pour l'inspecteur c'était la suite logique de ce qu'ils vivaient même s'ils n'en avaient toujours pas discuté. Chacun avait des affaires chez l'autre, quelques vêtements, une brosse à dents, un gel douche, une paire de baskets, les choses prenaient lentement le bon chemin. Il fallait passer à l'étape suivante.

En entrant dans la pièce, il vit l'avocat tâtonner le lit vide à côté de lui et ouvrir les yeux. Il reconnut son amant et sourit tout en prenant ses lunettes sur le chevet.

— En quel honneur ? marmonna-t-il encore ensommeillé.

— Rien en particulier… J'me suis levé avant toi…, expliqua l'inspecteur en posant le plateau sur la couette avant de claquer un baiser sur les lèvres de Midorima.

— Ça sent bon…

— Bon appétit…

Une chose en entraînant une autre, ils avaient fini par emménager ensemble. Pour marquer le coup, ils avaient voulu que ce soit un nouvel appartement pour tous les deux. Un endroit où tout serait à créer. De nouvelles habitudes, de nouveaux voisins, de nouveaux meubles qu'ils avaient choisis tous les deux parce que les leurs étaient d'un style radicalement différent. Midorima était dans le moderne tandis qu'Otsubo préférait le mélange des genres. Il achetait ce qui lui plaisait et chez lui il y avait aussi bien un bahut en pin type suédois que du rotin exotique ou du laqué. Mais ce qu'ils aimaient tous les deux, c'était le traditionnel. D'ailleurs l'inspecteur avait parlé en terme plus qu'élogieux de la maison de Kagami. Ils avaient trouvé un logement avec deux chambres dont l'une leur servait de bureau commun. Il y avait un grand salon avec une cuisine séparée et une salle de bain. Ils avaient dû faire face aux voisins aussi. Certains virent d'un mauvais œil qu'ils s'installent dans leur immeuble, mais dès qu'ils surent qu'il s'agissait d'un avocat et d'un policier, curieusement, le couple fut nettement mieux accepté. Il y avait toujours des regards un peu appuyés qui cherchaient de petits détails comme des manières efféminées qui leur confirmeraient que deux hommes ensemble ce n'était pas normal. Les stéréotypes avaient la vie dure.

Midorima savourait son petit-déjeuner et sa chance. Il avait rencontré quelqu'un qui le complétait parfaitement. Ils avaient tous les deux le même penchant pour la discipline et l'ordre. Et un profond respect pour la loi. Sinon ils n'exerceraient pas les métiers qui étaient les leurs. L'avocat avait immédiatement été sous le charme de ce policier qui ne se mettait pas de gant et qui allait droit au but. Et surtout, ils ne parlaient jamais boutique à la maison. Otsubo ne discutait jamais de ses investigations en cours et Midorima ne disait rien concernant ses affaires. Sauf si les circonstances les obligeaient à travailler sur les mêmes enquêtes et encore, ils le faisaient rarement.

— Tu vas faire quoi aujourd'hui ? demanda l'avocat.

— En principe un jour de repos, c'est fait pour se reposer, répondit l'inspecteur en souriant.

— Tu voulais pas aller chez un concessionnaire pour voir des voitures ?

— Mouais… Je f'rais peut-être un saut chez Honda… Et toi ? Tu vas au cabinet ?

— Non… télétravail… pas envie de… t'as senti ?

— Ouais…

Leurs téléphones sonnèrent au même moment…


Akashi et Mibuchi venaient de rentrer chez ce dernier après avoir visité les locaux qui deviendraient le siège de leur maison d'édition, le Miracle des Mots, et qui étaient fins prêts. Ils avaient démarché des imprimeurs pour des livres physiques, mais pour se lancer, ils avaient misé sur le numérique. Plusieurs employés de Rakuzan leur avaient fait confiance et commenceraient à travailler avec eux début juin quand la société démarrerait officiellement son activité. Des auteurs avaient également pris le parti de les suivre et les fichiers étaient déjà convertis sous différents formats. Mibuchi et Hayama étaient toujours chez Rakuzan, mais ne faisaient que le strict minimum. Ils essayaient surtout d'appâter des romanciers pour qu'ils viennent avec eux à la fin de leur engagement. Et ils ne s'en sortaient pas trop mal. Nijimura pestait contre la perte de ces auteurs et s'en prenait régulièrement à Higuchi qui faisait son possible pour enrayer l'hémorragie. C'était à se demander comment ils n'avaient pas encore compris. Mibuchi et Hayama étaient peut-être plus discrets qui ne le croyaient eux-mêmes. Du fait que les deux hommes travaillaient toujours avec le Vice-Président, ils ne se doutaient de rien. L'idée que ces deux-là auraient pu trahir le groupe ne leur était même pas venue à l'esprit.

Les deux hommes avaient bien ri en imaginant le PDG courir derrière ses écrivains pour les convaincre de rester à Rakuzan au lieu d'aller vers cette toute nouvelle maison d'édition qui proposait des contrats plus avantageux et moins contraignants. C'était la loi de la concurrence. Pour se faire une place, il fallait être plus attractif que le voisin. Il savait très bien qu'Akashi était le patron et ça le faisait enrager de voir qu'il avait encore autant d'ascendant dans le petit monde de l'édition malgré ce qu'il avait fait. Nijimura ne comprenait pas pourquoi un romancier pouvait lui confiance sachant qu'il pourrait lui voler ses droits d'auteurs ou l'arnaquer d'une quelconque autre manière. Ça le dépassait complètement.

Pourtant ils ne se cachaient pas vraiment. Mibuchi supervisait des écrivains en leur demandant toujours, de façon parfaitement innocente bien évidemment, s'ils avaient entendu parler de cette nouvelle maison d'édition qui offrait des contrats avec des avantages très intéressants. Et de leur décrire ces avantages avec moult détails. Après l'auteur faisait ce qu'il voulait de cette information. Quant à Hayama, il leur parlait de l'arrêt de la promotion qui n'était pas discutée avec le romancier et que chez d'autres éditeurs, en particulier chez le Miracle des Mots, tout était fait avec la plus totale transparence, d'après ce qu'il en avait retenu des rumeurs qui circulaient, bien sûr. Là aussi, il s'agissait d'une décision propre à l'auteur.

Hayama avait pris un jour de congé et était allé faire les magasins de meubles pour leur trouver le nécessaire afin d'habiller leurs locaux, mais sans être ostentatoire. Il avait un goût très sûr en matière de décoration et Akashi lui faisait entièrement confiance. Sa seule exigence était qu'il voulait un coin sur une estrade pour son shogi ban. Il s'était rendu dans un centre commercial regroupant plusieurs enseignes de mobilier et avait retenu plusieurs styles qu'il présenterait à son patron, ou plutôt associé puisque les parts étaient réparties entre eux trois, même si Akashi restait majoritaire. Après tout, c'était normal vu que c'était lui qui risquait le plus en investissant l'héritage de sa mère. Il en avait aussi profité pour s'acheter un nouveau costume, deux chemises et une paire de chaussures qu'il comptait mettre pour la réception d'inauguration. Il était sur un escalier roulant lorsqu'il sentit une secousse, comme si une explosion lointaine venait de se produire. Le tremblement fut brutal et le fit basculer par-dessus la main courante de l'escalator…

À l'appartement, Akashi vérifiait pour la énième fois leur plateforme de commerce en ligne et leur site Internet. Il voulait que tout soit parfait. Il y avait déjà eu des ventes de certains écrivains qui désiraient travailler avec eux et dont la conversion des textes était préalablement faite, ce qui fut un gain de temps non négligeable. Akashi savait que le Miracle des Mots était testé, et c'était tout à fait normal. Les commandes ne cessaient d'augmenter. Il y avait également de nombreux messages qui demandaient si tel ou tel roman serait bientôt en librairie. Et le jeune patron était satisfait. Il se félicitait d'avoir pris cette décision. Quitter Rakuzan, vendre ses parts et prendre possession de l'héritage de sa mère. Il n'avait plus de compte à rendre à personne si ce n'est à ses deux associés, Mibuchi et Hayama. Lorsqu'il regardait en arrière, il était étonné qu'ils lui aient conservé leur amitié. Il avait été tellement abject. Et pourtant Mibuchi était tombé amoureux de lui. Il ne comprenait toujours pas. Et si aujourd'hui il s'interrogeait sur ce qu'il éprouvait pour lui, il savait que ses sentiments pour son directeur adjoint étaient forts. Était-ce de l'amour ? Il n'aurait su le dire, mais il tenait beaucoup à lui.

— Reo, viens voir, l'appela-t-il alors que Mibuchi vérifiait un nombre incalculable de fichiers convertis.

— C'est quoi ? demanda celui-ci en se penchant sur l'écran.

— La banque… On est presque créditeur et on n'a pas démarré l'activité officiellement…

— L'héritage compense automatiquement si ça dépasse un certain découvert, non ?

— Oui, mais on n'a pas beaucoup pioché dedans…, constata Akashi, on a encore une très belle marge de manœuvre.

— Je crois que c'est la meilleure idée qu'on ait eue tous les trois… Le Miracle des Mots va devenir une super maison d'édition… J'ai un bon feeling, fit-il en embrassant son amant.

Il s'était passé tellement de choses depuis que Mibuchi l'avait embrassé dans son bureau de PDG de Rakuzan. Le détournement des droits d'auteurs venait d'être découvert, les romanciers avaient porté plainte. Akashi avait été reconnu coupable et avait fait plusieurs semaines de prison. Lorsqu'il était sorti, il avait changé. Il n'était du tout le même et Mibuchi n'en l'en aima que davantage. Il avait d'abord vécu chez son parrain et l'avocat, Shirogane Eiji, et quand il décida de couper les ponts avec Rakuzan, il avait emménagé avec Mibuchi. Son appartement était devenu le bureau d'où ils avaient lancé leur société. Et maintenant, ils allaient voler de leurs propres ailes. Ils n'imaginaient pas inquiéter un seul instant le groupe Rakuzan, loin de là, mais s'ils pouvaient mettre en difficulté le département édition, ils ne gêneraient pas et en seraient même très fiers. Ça ne se ferait pas du jour au lendemain, mais qui sait avec un peu de chance…

Ce n'était pas la première fois qu'ils ressentaient ça. Le grondement s'amplifia, leurs téléphones sonnèrent et Akashi poussa brutalement Mibuchi sous le bureau et le rejoignit…


Kise gérait le flux de lecteurs de main de maître. C'était un jeune auteur qui venait de sortir son premier livre dans le genre Heroic Fantasy et ses ventes en ligne avaient explosé. À l'annonce de la tournée de dédicaces pour la version papier, les messages qui demandaient si l'écrivain allait se rendre dans telle ou telle librairie et à quelle date étaient arrivés par dizaines. Le romancier était lui-même effaré devant ce succès, qu'il espérait bien sûr, mais auquel il ne s'attendait pas. Il n'avait pas vingt-cinq ans et son premier ouvrage était bien parti pour devenir un best-seller. Il avait su séduire les bouquinistes qui avaient mis son livre en avant dans leurs présentoirs, le format numérique était largement plébiscité pour l'instant, mais la tendance pouvait s'inverser et il y avait toute une page d'introduction de l'auteur avec une photo avantageuse et dont l'image commençait à être connue sur le site de Touou. Kise avait même étendu le marketing jusqu'à l'affichage dans le métro et sur les bus. Les ventes avaient déjà permis à Touou de rentrer dans ses frais et Harasawa envisageait également des traductions dans plusieurs pays.

Il n'était pas encore dix heures du matin que la file d'attente comportait plus de cinquante personnes. Kise n'osait même pas songer à ce que serait une tournée pour le roman de Kagami. Lorsqu'il avait appris qu'Aomine se consacrerait exclusivement à lui, il avait compris l'ampleur du phénomène. Si le correcteur avait accepté par la suite de s'occuper d'un autre écrivain pour ne pas non plus laisser tout le boulot à ses collègues, c'était la première fois que Kise voyait ça. Et il imaginait déjà quelle serait sa stratégie pour le lancement du Prix de la Liberté. Touou tout entier savait pour ce roman, ou plutôt cette saga puisque c'était bien parti pour en être une, et se réjouissait d'avoir un tel titre dans son catalogue. Kise envisageait même des passages à la radio et à la télévision de quelques minutes seulement, ce qui serait suffisant, dans des émissions littéraires. Il voulait mettre le paquet et il ferait tout pour qu'Harasawa lui confie ce dossier.

Kasamatsu venait de l'appeler pour lui demander s'il serait libre pour déjeuner ou s'il devait rester avec son écrivain. Il confirma à son policier qu'il serait très heureux de manger avec lui, ravi qu'il ait pensé à passer le voir. Il n'avait pas oublié que c'était son jour de repos et il aurait préféré pouvoir flemmarder avec lui, à faire l'amour toute la journée. Kise n'était jamais rassasié, et il savait que Kasamatsu faisait tout pour le satisfaire. Pourtant depuis quelque temps il avait senti quelque chose de différent chez son amant. Il lui semblait beaucoup tactile et réceptif, mais peut-être se faisait-il des idées.

Soudain, les téléphones de toutes les personnes présentent, se mirent à sonner. Une atmosphère électrique écrasa la librairie et les clients sortirent rapidement. Kise prit son poulain par le bras et le tira dehors. Il se tordit douloureusement la cheville sur l'angle du trottoir et chuta lourdement, s'écorchant les genoux et les mains. Aidé par le jeune auteur, il boita jusqu'au milieu de la rue où les voitures s'étaient arrêtées et où les gens peinaient à rester debout…


Kasamatsu venait de sortir de la bijouterie où il avait acheté une montre Pierre Lannier (1). Tout le monde ou presque regardait l'heure sur son smartphone qui était devenu un peu comme un mini-ordinateur dans la poche. L'agenda gardait les rendez-vous et les rappelait, les alarmes servaient de réveille-matin, il y avait l'accès à Internet, on jouait, on écoutait de la musique, on faisait des photos et des vidéos de qualité, on pouvait personnaliser la sonnerie ou les notifications, mais malgré ça, le policier préférait une vraie montre qui habillait avec raffinement le poignet d'un homme ou d'une femme. Il trouvait ça élégant. Celle qu'il avait choisie pour son amant était en acier. Kise portait très bien le gris. Sur le cadran argenté, les aiguilles et les heures étaient en or et un cercle évidé dévoilait une partie du mécanisme interne. Elle était sobre, elle était belle, elle était chic. Et au dos du boîtier, il avait fait graver une phrase simple et symbolique, signée des initiales de leurs prénoms : "Notre temps est venu. R & Y"

Depuis ce premier soir où Kise était venu chez lui pour manger des pizzas, il n'avait cessé de se dire à quel point il avait eu de la chance d'avoir rencontré un homme tel que lui. Il était gentil, plein de tendresse, calme, mais sous ses airs paisibles se cachait un amant passionné et fougueux qui en voulait toujours plus. La plupart du temps, il laissait Kasamatsu diriger leurs ébats, mais il savait également faire comprendre ce qu'il recherchait et quand il était comme ça, le policier n'avait qu'une seule chose à faire. Obéir. Et il aimait ça. Sauf que depuis quelque temps, il avait envie d'inverser leur rôle. Il possédait toujours Kise et lorsqu'il voyait à quel point son homme ruait dans ses bras, éperdu de plaisir, il désirait de plus en plus connaître cette sensation à son tour. Jamais encore il n'avait permis à un partenaire de le prendre, mais là, c'était Kise. Son Kise. Il était prêt à essayer. Il n'allait peut-être pas apprécier, mais il n'y avait qu'un moyen de le savoir.

Comme il était à côté de la brigade, il y fit un saut pour terminer un rapport même s'il ne travaillait pas ce jour. Tout comme son coéquipier, il avait le devoir et la discipline chevillés au corps. Il en aurait pour moins de trente minutes. Arrivé dans son bureau, il alluma son ordinateur et regarda ces mails. Il tria les messages et l'un d'eux attira son attention. Un employé d'une société immobilière soupçonnait son patron de blanchir de l'argent de la mafia japonaise en leur vendant des bâtiments. Les sommes étaient particulièrement minimes pour ce genre de transactions et nombreuses. C'est ce qui avait mis la puce à l'oreille de cette personne. Il l'archiva et décida de voir ça demain avec Otsubo. Il avala un café et entreprit de terminer son rapport. Encore une affaire de détournement de fonds. Décidément, la crise économique faisait de plus en plus dégâts dans toutes les strates de la société. Tout le monde essayait de s'en sortir comme il le pouvait et bien souvent au détriment des autres. Il boucla ce rapport et songea qu'il pourrait rejoindre son homme à la librairie où il travaillait avec un auteur pour l'inviter à déjeuner. Il regarda sa montre et se dit qu'il avait encore le temps de faire quelques courses. Il y avait un peu trop d'écho dans ses placards et son réfrigérateur quand il les ouvrait. Il était presque au rez-de-chaussée lorsqu'il sentit la cage d'ascenseur trembler…


Himuro s'ennuyait prodigieusement. Il devait rendre un projet et son responsable n'était pas encore là. La création d'applications pour téléphone mobile était d'une simplicité enfantine pour lui. Il travaillait vite et bien et le temps qu'il lui restait, il l'employait à élaborer ses propres programmes qui seraient indispensables à la mise en route de leur entreprise avec Takao. D'ailleurs, il venait de finaliser tous les ajustements de leur plateforme de sécurité. Avec elle, ils auraient accès au système informatique de leurs clients si quelque chose d'anormal se passait. Et ils intervenaient directement pour régler le problème. Avec le développement de l'activité, ils seraient dans l'obligation d'embaucher d'autres informaticiens comme eux. Leur but n'était pas de traquer l'intrus ni de le signaler aux autorités, bien qu'ils soient parfaitement capables de le faire et ils l'avaient largement prouvé, mais simplement de rendre n'importe quel système le plus difficile possible à pirater. Pour les interventions sur site, c'était au client de s'en occuper avec une société de sécurité équipée pour ça. Il envoya un SMS à Takao pour le prévenir qui lui répondit avec tout un tas d'émojis cœur et baisers.

— Himuro, vous êtes là, fit la voix de son responsable de projet.

— Oui, monsieur… J'ai terminé l'appli…

— C'est génial… Désolé pour le retard, mon fils a pleuré toute la nuit et ce matin, je m'suis rendormi… C'était une appli pour quoi déjà ?

L'informaticien haussa les sourcils. Son chef ne savait même plus à quoi aller servir cette application qui était censée rapporter de l'argent à l'entreprise.

— Des restaurants, des discothèques, des bars ou n'importe qui dans le divertissement ou l'événementiel s'inscrivent sur la plateforme lorsqu'ils font des soirées à thème pour le faire savoir et les gens téléchargent l'appli pour un coût minime afin de trouver où ils peuvent s'amuser près de chez eux…. La mise à jour se fait en temps réel…

— Et comment s'appelle-t-elle ?

— C'est au marketing de lui donner un nom qui accroche…

— Ah oui, c'est vrai, très bien… Et elle est en ligne ?

— J'attendais votre accord, monsieur…

— Ah… d'accord, alors faites-le et nous verrons rapidement qu'elles sont les retombées…

— Il faudrait avertir le service publicité avant pour faire une campagne promotionnelle sinon personne ne saura qu'une telle appli existe…

— Oui, oui… vous vous en chargez, je vous fais confiance… Au fait… vous pensez que vous serez encore réquisitionné par la police ?

— Je l'ignore, monsieur. Pourquoi ?

— Eh bien, c'est assez ennuyant parce que vous prenez du retard dans la réalisation de vos projets et vos collègues sont obligés de pallier à vos absences pour les mener à bien…

— Je m'en doute, mais je n'ai rien demandé, j'ai été recommandé…

— Oui, mais… enfin vous comprenez ma position… Faites au mieux…

Et l'homme disparut dans son bureau. Himuro le soupçonna de vouloir finir sa nuit loin des pleurs de son fils. L'informaticien eut une irrésistible envie d'éclater de rire. Son chef était l'exemple même du gars soumis à une très grosse pression de la part de sa hiérarchie. Et il n'était pas du tout taillé pour ça. Entre ses responsabilités professionnelles et son fils qui ne semblait pas encore décidé à faire ses nuits, le pauvre homme était à deux doigts du burn-out. Himuro retourna à son bureau et contacta le service marketing à qui il transféra l'application. Une fois qu'elle aura un nom, il pourra la mettre en ligne. Ceci fait, il poursuivit la programmation de ses propres logiciels qui étaient bien plus intéressants. Les téléphones de tous les employés présents commencèrent à sonner simultanément…


Takao n'avait qu'une envie, rentrer chez lui. Même s'il était désormais libre de quitter la police puisque sa conditionnelle avait été révoquée par le juge grâce à l'arrestation d'Itsmine, il n'était pas encore parti et avait le statut de consultant. Il continuait à engranger les salaires qui n'étaient plus amputés de la somme qu'il devait rembourser. Il était en train de vérifier le système de sécurité d'un hôpital qui avait reçu des lettres anonymes disant qu'il fallait payer une rançon sinon tout leur système informatique serait bloqué. Ce qui voulait dire, plus d'accès aux dossiers des patients, plus de contrôle sur les appareils gérés par informatique comme la surveillance des personnes aux urgences, aux soins intensifs, l'assistance des interventions chirurgicales, l'électricité, etc. Dans le message, il y avait un numéro de compte bancaire pour effectuer le virement et c'était tout.

L'informaticien était de plus en écœuré par les hommes. Depuis qu'il avait posé les yeux sur les informations découvertes dans les serveurs de Cheat Demon, il n'avait plus qu'une foi très limitée dans le genre humain. Et cette affaire n'était pas faite pour lui redonner un peu d'espoir. Il avait trouvé le compte bancaire et la signature du pirate. Maintenant, il devait le localiser et pour ça, il était doué. Il était persuadé que cette personne était au Japon. Pas forcément à Tokyo, mais ça n'avait pas d'importance. Il relaierait l'adresse aux équipes qui interviendraient sur place.

Son téléphone vibra et il lut le message d'Himuro. Celui-ci lui disait qu'il avait fini d'ajuster leur plateforme de sécurité. Si on lui avait dit à une époque que ces capacités pour le piratage informatique lui permettraient de gagner sa vie après avoir failli la briser, il se serait tordu de rire. Et pourtant, c'était bien ce qui lui était arrivé. Il sourit et lui répondit en envoyant toute une volée d'émojis cœur et baisers. En y réfléchissant bien, toutes ses décisions, tous ses actes l'avaient, en fin de compte, mené sur une route qui avait croisé celle d'Himuro, son Mirage tellement réel. En travaillant ensemble, ils avaient compris à quel point ils étaient efficaces. Un sentiment puissant avait pris naissance entre eux, et ils avaient pris conscience de leur complémentarité en tant qu'hommes. Aujourd'hui, ils s'apprêtaient à créer leur société de cybersécurité. Plus rien ne pouvait entraver la réalisation de leur souhait le plus cher. Œuvrer pour améliorer un peu le monde dans la mesure du possible, et accessoirement faire ce qu'ils aimaient, et surtout, s'aimer. Il était surprenant de voir comment une activité, au départ répréhensible, pouvait se mettre au service du bien-être des gens lorsqu'elle était utilisée par des personnes ayant une certaine éthique. Trouver ce qu'on nous cache, mettre en évidence les failles d'un système, mais ne pas en tirer profit de quelque manière que ce soit. C'était ça, un hacker.

Il avait fini par localiser ce criminel dans la ville de Yokohama, au sud de Tokyo, et envoya ces coordonnées à la brigade d'intervention. Il avait exactement fait, et avec brio une fois de plus, ce pour quoi, il était payé. Il en éprouva un sentiment de satisfaction et de fierté. Peut-être y avait-il un policier qui sommeillait en lui, finalement. Il était presque dix heures et il décida d'aller à la cafétéria deux étages plus bas pour s'acheter quelque chose à grignoter. Il était dans la cage d'escalier lorsqu'il sentit un grondement et que son téléphone sonna…


Dans la cour de la prison, les détenus prenaient l'air. Pendant une vingtaine de minutes, il faisait un peu d'exercice avant de réintégrer leur cellule. Ils parlaient, s'observaient, mais ne tentaient pas de geste irréfléchi envers un autre condamné pour le voler ou le frapper. La sanction des gardiens était immédiate et particulièrement brutale. C'était l'une des raisons qui avait brisé Akashi, même s'il était dans un quartier de moindre de sécurité. Ici, ils y avaient des criminels de droit commun. Des escrocs, des malfrats, des hommes inculpés pour abus de confiance ou de biens sociaux. Les cybercriminels étaient étiquetés en tant que crapules bien sûr, mais surtout comme des lâches parce qu'ils se cachaient derrière un écran pour perpétrer leurs méfaits sans prendre le risque de se retrouver devant des personnes capables de se défendre physiquement ou, plus dangereux encore, face à une arme à feu. Des braqueurs et des voleurs se trouvaient également là.

Nebuya avait fait le vide autour de lui. Son air en permanence renfrogné et agressif avait découragé quiconque de l'approcher, ne serait-ce que pour lui dire bonjour ou lui demander l'heure. Il marchait tranquillement les mains dans les poches de son pantalon d'uniforme, mais attentif à ce qui se passait dans cette cour, prêt à réagir au moindre souci. Il ne regrettait pas ce qu'il avait fait. C'était pour son ami, mais comme il ne voyait pas plus loin que le bout de son nez, il avait lamentablement échoué. Il croyait pouvoir se servir d'un hacker tel que l'avait fait Akashi. Sauf qu'il n'avait pas son intelligence. Il s'en voulait surtout de s'être fait attraper. Shirogane, qui avait été son avocat, lui avait expliqué qu'il s'agissait de deux policiers de la brigade de lutte contre la cybercriminalité qui l'avaient coincé. Il ne rêvait que de leur mettre la main dessus pour les massacrer comme il avait massacré ce crétin d'Higuchi et sa femme. Mais ce ne serait pas avant de nombreuses années…

Haizaki discutait avec deux détenus en marchant tranquillement autour de la cour. Au début de son incarcération, il les avait entendu parler d'informatique et s'était glissé dans la conversation. L'un était là pour vol à main armée après avoir déconnecté les caméras de surveillance, et l'autre pour agression physique alors que son métier était de monter des ordinateurs personnalisés. Sa victime n'avait été que blessée, mais elle avait porté plainte et l'avait formellement identifié. Il ne leur révéla pas qui il était, il avait juste dit qu'il avait détourné des fonds de pension de retraite. Ça lui permettait de parler d'informatique, de Darkweb, de hackers avec des gars qui s'y connaissaient un peu. Ça lui manquait maintenant qu'il ne pouvait plus exercer ses compétences. Mais combien de temps discuteraient-ils avant de n'avoir plus rien à dire sur le sujet et d'en changer ? Il se demandait encore à quel moment sa routine de sécurité avait été prise en défaut. Il se repassait en boucle tout ce qu'il avait fait ce jour-là et n'arrivait toujours pas à comprendre où était la faille. Il aurait bien aimé rencontrer celui, celle ou ceux qui l'avaient piégé pour les féliciter. Il savait qu'il était très bon dans son domaine et pour l'arrêter, il avait fallu qu'ils soient meilleurs que lui. Peut-être en aurait-il l'occasion dans quelques années…

Dans un coin de la cour, Hanamiya parlait avec trois autres prisonniers avec qui il s'était plus ou moins lié. Il pensait qu'être sociable et avenant était essentiel pour ne pas sombrer dans la dépression, la folie et avoir des envies de suicide. Ou de meurtre. Ça aurait fait plaisir à trop de personnes. Alors il papotait de tout de rien, riait de tout de rien et pour ne froisser personne il était d'accord avec tout le monde. Une tactique comme un autre pour survivre dans un milieu carcéral. De toute façon, il ne se passait presque jamais rien. La punition était violente pour celui qui ne se tenait pas tranquille. Et vu qu'avec son physique il n'aurait jamais pu coslayer Hulk, il ne faisait pas de vague dans l'aquarium. Sans le savoir, il se faisait les mêmes réflexions qu'Haizaki. Où avait-il commis une erreur ? Lui prudent jusqu'à la paranoïa avait omis quelque chose dans ses habitudes. Mais quoi ? L'unique explication qui lui venait à l'esprit était le double piratage des feux de signalisation et de la télésurveillance des bijouteries. C'était le seul moment ce jour-là où il était entré dans deux systèmes à la fois. À retenir pour quand il reprendra son activité. Sauf que ce ne serait pas pour tout de suite vu qu'il allait passer ici un certain nombre d'années…

Et chose étonnante, alors que les deux hackers ne se connaissaient pas, ils étaient indirectement liés grâce ou à cause de Nebuya. Il avait entraperçu Haizaki dans le bureau d'Akashi, mais il ne semblait pas l'avoir reconnu. Et il avait engagé Hanamiya pour pirater le système de télésurveillance d'Higuchi. Le monde était bien petit…

La vibration fit trembler légèrement le sol. Elle s'amplifia rapidement et les détenus commencèrent à s'affoler et à tomber à terre tout comme les gardiens. Un vent de panique souffla sur la prison…


Aomine enrageait. Il avait rendez-vous ce matin avec Hayakawa, l'auteur qu'il supervisait, et ce dernier venait de lui téléphoner pour lui dire qu'il avait attrapé une angine et qu'il avait presque quarante de fièvre. Comme si ça lui était arrivé deux heures plus tôt. N'avait-il pas senti les premiers symptômes la veille ? Il aurait pu l'appeler et décommander leur entrevue. Là, le correcteur s'était pointé à Touou pour rien. Il aurait pu rester à la maison pour travailler avec Kagami. Il éteignit son ordinateur, passa par le bureau d'Harasawa pour lui expliquer la situation et le prévenir qu'il rentrait. Son patron ne put rien lui reprocher, personne n'était coupable si n'était l'écrivain qui l'avait avisé trop tard.

— Tu lui as dit de t'avertir la prochaine fois ?

— Tu parles que j'lui ai dit ! gronda Aomine. J'lui ai fait comprendre en douceur que j'avais bloqué ma matinée pour lui alors que j'aurais pu m'occuper de quelqu'un d'autre s'il m'avait appelé plus tôt… Même si c'est pas vrai, mais ça, il a pas à l'savoir… Et j'ai pas envie non plus qu'il aille voir ailleurs…

— Il a un contrat avec nous pour obtenir ton aide…

— Oui, mais y a aucune exclusivité… Il peut très bien proposer son bouquin à quelqu'un d'autre également…

— T'as vu la nouvelle maison d'édition qui veut s'faire une place au soleil ?

— Le Miracle des Mots ? C'est Akashi, le patron…

— Il a fait les gros titres de la presse financière y a quelque semaine, en vendant toutes ses parts de Rakuzan pour démarrer cette nouvelle activité, rappela le PDG de Touou. C'est quand même culotté…

— Grand bien lui fasse… Il est loin d'inquiéter des monstres comme nous ou Seirin, rétorqua le correcteur d'un ton blasé.

— Pas tout de suite, mais dans quelques années, s'il mène bien sa barque, il pourrait devenir un concurrent sérieux… Par contre les éditions Rakuzan accusent le coup, leurs auteurs se sauvent par les portes et les fenêtres…

— Les écrivains n'oublieront pas ce qu'il a fait, on peut éventuellement en récupérer, argumenta Aomine. Mais lui, il faudra qu'il regagne leur confiance… Bon, je rentre et je reviens jeudi…

— Au fait… le roman de Kagami ?

— Premier tome presque fini, il manque une scène essentielle et quelques autres secondaires, mais je pense que d'ici début août se sera bouclé… Peut-être même avant…

— Excellente nouvelle, sourit Harasawa. Kise se chargera de la promotion…

— C'est l'meilleur pour ça, confirma le correcteur en refermant la porte du bureau.

Le bâtiment avait plus de quarante et son sous-sol comportait deux niveaux qui étaient aménagés en parking. Les employés avaient leur place réservée au premier et le reste était ouvert au public. Aomine s'y rendit pour récupérer sa voiture. Il n'avait qu'une hâte, rentrer chez lui et retrouver son homme. Dès qu'il s'éloignait de lui plus de deux ou trois heures, il lui manquait. Et ça ne datait pas d'hier. Avant même qu'ils soient en couple, il avait commencé à ressentir cette absence. Il attendait ses mails et les textes avec une impatience certes professionnelle, pour découvrir la suite de cette histoire fantastique, mais la pièce jointe s'accompagnait toujours d'un petit mot gentil, aimable. Et il adorait ça. Il les avait tous gardés alors que d'ordinaire, il s'en débarrassait après avoir récupéré le fichier. Il était dépendant au Kagami, une drogue infiniment puissante, terriblement addictive et extrêmement dangereuse parce qu'elle avait le pouvoir de le détruire. Corps et âme.

Il souriait en marchant vers son véhicule. Il avait été sous son charme presque immédiatement. C'était vrai qu'il lui rappelait Haruka, mais ce n'était pas de sa faute. Il lui en avait voulu au début parce qu'il avait fait remonter pas mal de souvenirs douloureux qu'il croyait avoir enfouis. Il n'y était pour rien et du moment qu'il avait admis ça, il comprit qu'il était tombé amoureux. Irrémédiablement. Avant même qu'ils ne s'embrassent pour la toute première fois. Et quand il y repensait, il en avait froid dans le dos. Ce soir-là, alors qu'ils avaient sauté le pas après s'être tournés autour pendant des semaines et qu'ils échangeaient enfin leur premier baiser, Kagami avait fait un malaise qu'il l'avait conduit aux urgences où il était resté deux jours sans connaissance.

Mais après ça, et depuis ce jour, il vivait dans un monde magique. Il aimait un homme exceptionnel. Il était le correcteur d'un romancier au talent prodigieux que Rakuzan n'avait pas su déceler et il ne pouvait que s'en féliciter. Il aurait pu choisir n'importe quel genre, c'était tombé sur la Science-Fiction, département dont il était le directeur. Un petit coup de pouce du destin. Il envoya un message à Kagami pour lui dire qu'il rentrait auquel l'auteur répondit : "revien vite, je t'm". Il sourit de plus belle, déverrouilla la barrière qui lui préserver sa place et ouvrit sa voiture dans laquelle il s'engouffra. Il démarra et se dirigea vers la sortie. Il alluma la radio et entendit le jingle spécial au même moment ou son téléphone sonna et qu'il ressentit les puissantes vibrations du sol, il accéléra, espérant retrouver l'air libre rapidement, en vain. Un bloc de béton s'était effondré sur l'entrée du parking et l'obstruait. Il y avait quatre voitures devant lui. La première, la plus proche du passage vers la surface, avait le moteur écrasé par l'éboulement. Par chance l'occupante du véhicule semblait saine et sauve. Et en larmes. Le sol était très instable et il était difficile de tenir debout. Les craquements sinistres du bâtiment au-dessus de sa tête se firent entendre et de larges fissures lézardèrent les murs et le plafond… Il regagna sa voiture et prit son téléphone pour prévenir Kagami. Il n'avait pas de réseau…


Dans la remise, Kagami transpirait sur son rameur. Il s'était réveillé avec l'envie de bouger un peu. Aomine était parti à Touou assez tôt, aussi s'était-il préparé un petit-déjeuner rapide, mais qui tenait au ventre. Suer sur cette machine lui permettait de faire le vide dans sa tête ou au contraire de se concentrer. Et c'était ce dont il avait besoin aujourd'hui s'il voulait mettre un point final à une scène. Il devait visualiser dans son esprit les interactions entre les personnages, les éclaircir et les écrire. Et ramer était un bon moyen. Il s'escrima encore une dizaine de minutes sur la machine et s'arrêta. Il reprit son souffle, but la moitié de sa bouteille d'eau, essuya la transpiration qui dégoulinait de son menton et de son nez et alla se doucher. Il se sentait bien dans son corps et dans sa tête. La nuit dernière avait été intense comme toujours. La puissance du plaisir qu'ils arrivaient à se donner l'un à l'autre l'étonnait toujours par sa force. Quelque chose remua dans son ventre à la simple évocation de se souvenir et le fit sourire.

Vêtu d'un jeans et d'un sweat, il s'assit à son bureau et reprit l'écriture de cette scène. Il en était presque à la fin du premier tome. Sans Aomine, il aurait peut-être déjà fini ce roman. Alors que là, il avait énormément développé l'histoire principale et les secondaires. Ça donnait une dimension complètement différente à l'idée qu'il avait eue au départ. Et le résultat, c'était qu'il allait devoir écrire un second et probablement un troisième volet. Il n'aurait jamais imaginé ça il y a presque un an lorsqu'il avait parlé de son projet à Akashi et que celui-ci l'avait refusé. Il s'en était passé des choses depuis. Le vol des droits d'auteurs, l'arrestation du jeune PDG, la traque de Itsmine par son ami Himuro et Takao, son compagnon, l'agression de Furihata, qui lui, était actuellement à Sapporo chez les parents de Kasuga, son malaise, son couple. Il arrivait parfois que dans une vie, une période soit pleine d'évènements. Et ces dix derniers mois ressemblaient à ce genre de moments.

Et que dire de cette maison magnifique qu'il avait acheté. Il n'avait reçu que des compliments de toutes les personnes qui étaient entrées chez lui. Un style traditionnel à l'extérieur ainsi qu'à l'intérieur avec toute la technologie du XXIe siècle savamment et intelligemment camouflée. Le vieux jardinier, monsieur Takeda, avait fait un extraordinaire travail avec le bassin des carpes Koïs qui trônait presque au centre de l'espace et les arbustes taillés. Le mur d'enceinte atténuait les bruits de la rue procurant au lieu silence et sérénité. Kagami l'avait toujours appelé son havre de paix et c'était encore plus vrai depuis qu'il avait rencontré Aomine.

Les choses n'avaient pas été simples au départ. Ils s'étaient beaucoup heurtés et engueulés lorsqu'ils avaient commencé à travailler sur le Prix de la Liberté Kagami avait même cru à un moment qu'il allait changer de correcteur. Mais c'était sans compter sur la malice dont la vie peut parfois faire preuve. Qui aurait parié qu'ils tomberaient raides dingues l'un de l'autre ? Oh, il y avait toujours des frictions entre eux concernant le roman, mais en dehors de ça, ils s'aimaient comme des fous et étaient heureux ensemble. Qui devaient-ils bénir pour avoir fait en sorte que leurs chemins se soient croisés ? Akashi qui avait refusé son manuscrit et ainsi poussé vers un nouvel éditeur ? Internet qui avait mis Touou en tout premier sur le moteur de recherche ? La providence, la chance, le hasard ? Ça n'avait aucune importance, au final. Qui que ce soit, il le remerciait, tout simplement dans l'intimité de son esprit et la profondeur de son cœur.

Son téléphone vibra et il lut le SMS d'Aomine. Il sourit et imagina sans peine à quel point il devait râler. Surtout que la veille, ils s'étaient endormis assez tard et que le réveil ce matin avait dû être dur. Il lui répondit avec un adorable "revien vite, je t'm" et fourra son smartphone dans sa poche. Un délicieux frisson lui parcourut l'échine et il se remit au travail. Il entrevoyait la fin de ce premier tome, mais il n'oubliait pas qu'il avait un passage essentiel à écrire. La scène où l'amant de Spartus meurt dans ses bras, l'homme qui partageait tout avec lui depuis le début de la révolte des gladiateurs. Kagami n'arrivait pas à imaginer ce que pouvait éprouver quelqu'un qui perd la personne qui a le plus d'importance dans sa vie. Il avait regardé des films, mais s'il avait appréhendé ce sentiment de vide, il était encore très loin du compte. Il la voulait tellement parfaite, cette scène… Il ne pouvait qu'extrapoler, déduire, transposer. Il avait essayé de concevoir ce que serait sa vie s'il Aomine lui était arraché et ce fut comme si on lui avait ouvert la poitrine pour en sortir son cœur toujours palpitant avec un tisonnier chauffé à blanc. Ses entrailles se révulsèrent et il faillit vomir. Pourtant, il allait devoir écrire cette scène, mais peut-être trouverait-il un compromis en faisant moins réaliste qu'il ne voulait au départ. Et c'est pour cela qu'il avait déjà rédigé le passage dans ce sens. Il était poignant, il prenait à la gorge, lui-même, en le relisant, en avait les larmes aux yeux. Il espérait que ce serait suffisant.

Soudain, il vit les chats traverser le jardin comme des guépards et entrer dans la remise qu'il n'avait pas fermée. Il jura et se leva pour les faire déguerpir. Mais avant ça, il prit le paquet de croquettes qu'il se mit à remuer. C'était un son auquel aucun minou ne pouvait résister. Il alla dehors, toujours en secouant sa boîte, mais les animaux ne sortirent pas. Son téléphone vibra dans sa poche. Il regarda le message et écarquilla les yeux d'horreur. Il sentit d'abord une pulsation comme un gros soupir de la terre qui enfla pour devenir un tremblement. L'eau du bassin des carpes était agitée comme si un tsunami s'était déchaîné dedans. Puis il remarqua que lui-même n'arrivait pas à tenir debout. Il se laissa tomber sur le sol, et vit sa maison durement ébranlée. Des meubles se renversèrent, jetant par terre les bibelots posés dessus et dont certains se brisèrent et les craquements effrayants du bois lui faisaient redouter le pire. Il voulut appeler Aomine, mais il n'avait pas de réseau…


Ce mercredi 9 mai 2029, à 9 h 53, un séisme de force 6,1 sur l'échelle ouverte de Richter, dont l'épicentre fut localisé dans la région de la ville de Chiba de l'autre côté de la baie de Tokyo sans déclencher d'alerte au tsunami, frappa l'est du Japon… (2)

À suivre…


(1) Montre Pierre Lannier de la collection Fleuret. Cadeau de Kasamatsu à Kise. Google est toujours votre ami. ^^

(2) J'espère ne pas porter la poisse au Japonais.

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