Hello MacHellia ! Cet OS est ton Secret Santa, c'est la première fois que j'écris sur One Piece alors j'espère que j'aurai quand même un peu les personnages et que ça te plaira !
Le titre vient de l'opening 14 We fight together, où elle dit 「そう決めたこと悔いはない」(Sou kimeta koto kui ha nai, littéralement « c'est une chose que j'ai décidée/qu'on a décidée, je n'ai pas/on n'a pas de regret »).
Bonne lecture !
Parce que je l'ai décidé (je n'ai aucun regret)
1522 — Tequila Wolf, East Blue
Robin n'a jamais eu de frère. Elle ne devine pas ce que c'est que d'en perdre un elle se demande si c'est comparable au sentiment de perdre son pays natal.
On lui a apporté du café chaud, et comme il neige encore sur le pont elle se prend à regretter de n'avoir jamais rencontré Ace. Elle avance vers le père de Luffy, qui n'est pas le père du frère de Luffy et dont Luffy même ignorait l'existence jusque récemment. Quelle chose étrange que la famille.
Elle pense qu'elle aurait eu beaucoup à dire à Ace elle réalise qu'elle ne lui aurait en fait rien dit.
Peut-être ils auraient échangé un regard, peut-être elle lui aurait souri aussi quand il aurait dit à l'équipage de prendre soin de son petit frère. Peut-être il lui aurait fait confiance — est-ce qu'il aurait eu tort ? Luffy est vivant, Luffy va bien, elle n'y est pour rien.
Le paysage est blanc comme les cheveux de sa mère à elle.
Un vent serein la traverse, elle serre les doigts autour de sa tasse de café. Enfin, enfin, elle ne se demande plus si elle a le droit d'être soulagée. Le droit d'avancer.
1524 — Île des Hommes-Poissons, Grand Line
De ce qu'elle sait, Zoro n'a pas ce qu'on appellerait une famille. Nami, c'est autre chose. Ses cheveux roux tombent sur ses hanches comme autant de vagues, et Franky dit qu'il veut rencontrer la famille de son maître. Le mot reste comme en suspens au-dessus de Robin, semblable à un ponéglyphe qui n'aurait pas de traduction suffisante, un mot qui existe légèrement en-dehors. Elle a eu une mère, pourtant. Elle ira prendre son bus, mais un moment, elle se laisse à examiner la navigatrice.
« Tu as eu une famille, aussi, n'est-ce pas ? »
Une famille qui n'était pas non plus une famille de sang. Elle cligne lentement des yeux comme les traits de Nami s'aiguisent sous la colère.
« N'en parles pas comme si j'en avais plus ! Ma sœur est encore en vie, sur East Blue ! »
Aux poings serrés de la navigatrice, Robin devine que si elle n'avait pas été elle-même mais un des hommes de l'équipage, elle n'aurait certainement pas échappé à un coup sur le crâne. La pensée la fait sourire, ce qui ne fait rien pour arranger l'état de Nami. Elle hurle quelque chose que Robin n'entend pas vraiment.
« C'est ce qu'il me semblait. Qu'est-ce que tu penses que c'est, une sœur ? »
Ça arrête les cris d'un coup. Nami soupire, une main sur la hanche.
« C'est quoi cette question ? C'est une sœur, c'est tout. »
Pourtant, après avoir dit ça, la bouche de Nami se plie, insatisfaite de sa propre réponse. Elle grogne sourcils froncés, puis ajoute :
« On a grandi ensemble, alors forcément … »
Robin opine du chef. Elle y avait pensé. Ce n'est pas tout à fait ça, mais il y a quelque chose dans famille qui appelle enfance. Ce n'est pas un lien qui lui convient, ni un lien qu'elle peut se permettre d'ignorer.
« Je vois. »
Quand elle s'excuse pour retrouver la forêt marine, elle laisse son nom résonner dans la voix de Nami derrière elle. Ce n'est peut-être pas sa famille, mais c'est familier, et quelque chose lui dit qu'elle ne devrait pas demander plus.
1524 — Forêt Marine, Île des Hommes-Poissons, Grand Line
Le frère de sang du père de cœur de Franky. Il ne l'a jamais appelé son père devant elle, mais c'est fonctionnellement la même chose, non ? Si elle est surprise de le trouver ici, sur le Sunny Go, au milieu de la forêt marine, elle n'a pas le temps de poser la moindre question — la situation sent l'urgence à plein nez, mais elle ne presse pas le pas pour s'interposer entre Luffy et Jinbei. Chacun réagit à la situation à son rythme. Etrangement, ça fonctionne, les mécanismes s'activent tour à tour, et la machine se met en marche. Jinbei parle d'Aarlong comme d'un petit frère. Un mystère s'ajoute au mystère, et comme elle s'y attendait de la part de son capitaine, Luffy ne leur laisse pas le temps de réfléchir avant de les entraîner vers le nerf du conflit. Elle le suit.
1524 — Sunny Go, Île des Hommes-Poissons, Grand Line
Une odeur de café et de cigarette — Sanji arrive. Il se plie en deux en lui offrant une tasse, et elle quitte des yeux ses notes pour le remercier. Il n'a plus rien dans les mains elle peut supposer qu'il a déjà été apporter une boisson chaude à Nami, ou que la navigatrice dort déjà. Et puisque Sanji n'a pas de raison de partir, il ne partira pas.
En vingt ans à parcourir le monde seule, elle a appris à préparer son café exactement comme elle l'aime — un peu trop fort pour le goût de Nami, un mélange de robusta trop caféiné pour risquer d'en offrir à Luffy ou Usopp. Cette tasse est parfaite. Elle sait que Sanji l'a regardée faire, pour apprendre ce qu'elle aimait. Elle a longtemps pensé que le café qu'elle faisait était le meilleur pour elle, et puis aussi simplement qu'il respire, Sanji lui a donné tort. Lui a donné une tasse de café qui exhume une buée disant je veux te connaître aussi bien que tu te connais.
« Je ne t'ai jamais entendu parler de ta famille. »
Elle dit, simplement. Il se tend, le temps d'un battement d'ailes de papillon, son épaule se fond dans le mur comme il allume une nouvelle cigarette.
« C'est vrai. »
Il dit simplement, et n'ajoute rien. Il ne dit pas qu'il n'a pas de famille, il ne dit pas non plus qu'il en a une. C'est rare, que Sanji laisse passer l'occasion d'une conversation avec elle. Quelque chose de sombre est passé sur son visage, quelque chose qui ne ressemble pas au deuil que Nami ou Luffy portent. Elle pense à s'excuser, mais déjà l'ombre a disparu. A la place, elle dit :
« Ce café est délicieux. »
Et elle le voit s'illuminer de plus belle.
1524 — Sunny Go, Île des Hommes-Poissons, Grand Line
Robin sait, parce qu'elle l'a vu, qua Luffy risquerait sa vie pour elle au même titre qu'il a risqué sa vie pour sauver son frère. Elle sait que si elle avait pu, elle aurait mis son cœur et ses poumons entre Luffy et la mort. Elle sait qu'elle lui aurait dit, elle aussi, « Merci de m'avoir aimée, » parce qu'il n'y a rien de plus important.
Ils partent pour le Nouveau Monde et les aurevoirs se disent avec le sourire. Elle est sur le Sunny Go, où il y a sa chambre et son équipage. Il y a tant d'endroits qu'on laisse derrière soi. Il y a la promesse de revenir. Elle ne reverra jamais Ohara, et pourtant, quand elle a entamé sa route vers Sabaody, elle était portée par un élan qui lui disait qu'elle rentrait chez elle.
« Capitaine ? »
Il a la bougeotte, comme toujours avant un départ, mais il tourne vers elle son sourire à grandes dents.
« Comment Ace et toi êtes devenus frères ?
— Ben, on a décidé. Et du saké ! C'est important, aussi, on a bu du saké ! »
Une décision, hein. Ça ne va pas vraiment, ça ne correspond pas tout à fait, à ce qu'elle a déjà comme informations, mais ça va si bien à Luffy. Elle n'a peut-être pas posé la bonne question.
« Et pourquoi vous êtes devenus frères ? »
Il porte naturellement la main à sa cicatrice. Elle pense qu'il va baisser les yeux mais il les ferme seulement, et c'est le sourire le plus paisible qu'elle ait jamais vu sur les lèvres de son capitaine.
« Ah, ça ! son sourire habituel revient vite. Beh au début y avait personne d'autre au monde. Pour moi. Je le suivais partout. Il m'a demandé et puis je voulais tout sauf être tout seul. Et puis il m'a laissé le suivre, après ça, et après on a décidé qu'on était frères, avec Sabo. »
Cette fois, ça la traverse. Elle sait — c'est une décision, ça ne se prend pas à sens unique. Elle se souvient d'avoir décidé d'elle-même qu'elle ne voulait plus être seule. Elle se souvient d'avoir décidé de suivre Luffy. Il l'a laissée faire, il l'a sauvée. Quelque chose la tracasse encore, et la tête de Luffy se penche sur le côté.
« Pourquoi tu veux savoir ça ? »
Elle hésite. La perspicacité de Luffy n'est pas une chose à laquelle il est aisé de s'habituer. Il n'y a peut-être que lui au monde, qui tire si facilement d'elle les cris du cœur qu'elle a appris à étouffer si longtemps.
« Qu'est-ce qu'il y a de différent, entre un frère et un compagnon ? »
Elle ne voulait pas le dire si fort, mais son cou est tendu vers Luffy, son attention suspendue aux prochains mots de son capitaine. Il soutient son regard, et elle croit qu'il peut lire son âme. Il a un rictus dentu, mais il prend sa question au sérieux.
« Nous, on se séparera pas ! »
Quelque chose comme ça. Comme être ensemble, comme rester ensemble. Comme la décision, chaque matin en ouvrant les yeux, d'avancer d'un même pas. Elle a passé deux ans sans nouvelles de l'équipage et pourtant sans l'ombre d'un doute. Ils ont toujours marché dans la même direction.
Les ponéglyphes qui forment le mot « famille » se lisent individuellement « maison » et « jardin ». Autrement, les deux ponéglyphes qui forment le mot « compagnon » sont ceux, plus vagues, de la « relation » et de « l'espace ». Si elle peut le formuler ainsi, la définition étymologique de compagnon n'est pas tant gravée dans la pierre.
Elle pensait que ça lui ferait peur, mais finalement, l'incertitude libère quelque chose à l'intérieur d'elle, et son visage se fend d'un sourire.
« C'est donc ça. »
1522 — Île de Banaro, Grand Line
« Deux nouveaux membres d'équipage, alors … »
Ace examine les visages sur les avis de recherche. Ce Franky a l'air d'être cool. Et Nico Robin … Il ne peut pas dire qu'il n'a jamais entendu parler d'elle. Elle était minuscule, sur son ancien avis de recherche, le regard dur et blessé. Elle était, quelque part, comme lui. Criminelle de naissance, à l'existence condamnable. Ici, elle regarde l'objectif qui attrape un instant de son combat. Blessée, physiquement, mais il reconnaît ces yeux. Il se reconnaît — il reconnaît son petit frère — il reconnaît l'effet Luffy. Le pire, c'est peut-être que Luffy ne se rend pas compte du chemin de cœurs sauvés qu'il laisse dans son sillage.
Un instant, il imagine un monde où Luffy n'est pas son frère. Il imagine le rencontrer comme un rival, avec plus de haine et de colère dans sa cage thoracique que d'ambition. Il l'aurait sûrement suivi jusqu'au bout du monde, alors — parce qu'il est certain que Luffy n'aurait pas lâché la branche avant d'avoir déraciné la colère tout entière de son corps.
Il y en aura sûrement d'autres, des visages auprès de celui de son frère, la prochaine fois que leurs chemins se croiseront. Ace est curieux d'elle en particulier.
Il a une mission à accomplir avant, il pense, et il laisse les avis de recherche disparaître dans le vent avant de prendre place sur le toit. En contrebas, Teach et son nouvel équipage. Il rajuste son chapeau sur sa tête. Il touche au but il venge son équipage, et la tête de Barbe Noire sous le bras, il pourra rentrer sans honte auprès de sa famille. Il lui semble qu'il peut encore sentir l'encre sur son dos comme le premier jour, qui tire la peau, qui le marque pour toujours comme le fils de Barbe Blanche. Il veut les retrouver, son père et son frère qui tour à tour l'ont choisi, l'ont sorti du lot pour lui donner un nouveau nom. C'est parce qu'il veut les retrouver qu'il doit être ici, maintenant, parce qu'il a promis et parce que personne, jamais, ne posera la main sur sa famille. En attendant … oui, en attendant, il sait que Luffy est entre de très bonnes, et très nombreuses, mains.
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En voyant dans tes personnages pour One Piece Robin et Ace, je me suis rappelé que ces deux-là ne se sont jamais rencontrés et ça m'a donné des émotions. Beaucoup d'émotions. Voilà voilà, j'espère que c'est pas triste non plus, c'est pas le but, mais en tout cas, j'ai eu mille fois plaisir à l'écrire, alors merci d'avoir été ma récipiendaire cette année ! Et merci d'avoir lu !
Aussi, pour l'étymologie des ponéglyphes, c'est en Mandarin que « famille » s'écrit maison + jardin (家庭) et en Japonais que « compagnon » s'écrit avec relation et espace (仲間). En soi en Japonais ça s'écrit avec maison + tribu (家族) donc ça aurait fonctionné mais c'est de la fiction alors je me permets de mélanger 3.
