Someone you loved-Lewis Capaldi


–Natasha, saurais-tu où se trouve…

–Madison ? Dans l'atelier derrière le chalet.

Thor n'avait pas eu besoin d'achever sa phrase pour que la rouquine comprenne de qui il parlait. Décidément, il lui était impossible de cacher quoi que ce soit à quiconque. Il devenait de plus en plus prévisible avec le temps. Il se mit donc à longer le chalet, songeur. Il regrettait déjà cette altercation qu'il venait d'avoir avec son frère, même s'il savait qu'une petite mise au point avait été plus que nécessaire. Il n'avait tout simplement plus aucune envie de perdre du temps à se disputer inutilement avec Loki. Il estimait s'être suffisamment bagarré avec lui pour pas grand-chose et voulait désormais profiter au maximum des quelques jours qu'ils passeraient ensemble. Mais pour le moment, il voulait surtout discuter en tête à tête avec Madison.

Il trouva rapidement l'endroit indiqué par Natasha, juste à côté de plusieurs stères de bois bien rangées à l'ombre. Il y vit la brune, assise sur une chaise, lui tournant le dos. Elle était en train de fixer un large écran holographique où figuraient tout un tas de données diverses, photos, croquis, extraits de presse et textes anciens rédigés à la main. L'asgardien reconnut aisément les visages d'Hestia et Freyr, affichés en grand au milieu des écrits. Les journalistes avaient déjà rédigé de nombreux articles sur les événements de la veille/ Tandis que certains criaient à la théorie du complot, d'autres étaient persuadés qu'il s'agissait d'une attaque orchestrée par un groupe de mutants extrémistes. Quelques-uns mentionnaient la possibilité d'un nouvel assaut extraterrestre. Après tout, la Terre était maintenant habituée à ce genre de phénomènes surnaturels. Ce qui inquiétait principalement les gens était de ne pas savoir à qui ils avaient affaire.

–Tu as trouvé quelque chose d'intéressant ? demanda finalement Thor à Madison en s'approchant d'elle, bras croisés.

–Rien qui puisse nous dire s'ils comptent réattaquer, répondit-elle, visiblement ennuyée. Tu n'imagines pas combien tout ça m'énerve.

–Je suis désolé, lâcha-t-il directement, ne voulant pas tourner autour du pot pendant des heures encore.

–Pas besoin, ce n'est pas à cause de toi qu'ils se sont échappés avant de débarquer ici, à ce que je sache.

–Ce n'était pas pour ça que je m'excusais, précisa-t-il.

–…

Madison soupira en s'étirant longuement. Thor devina qu'elle ne devait pas avoir beaucoup dormi, dernièrement. Il se demandait si cela avait un rapport avec le fait qu'elle se soit éclipsée au beau milieu de la nuit. L'homme la regarda se lever et contourner l'ilot central, sur laquelle elle s'appuya de ses deux mains en baissant la tête.

–Je pense que je te dois des excuses depuis longtemps, reprit Thor. Ça a bien trop tardé, j'aurais dû te les présenter plus tôt. Je n'aurais jamais dû partir avant que nous nous soyons parlés. J'ai beaucoup hésité à revenir car je n'avais pas la moindre idée de ce que je te dirais une fois que nous serions face à face. Je sais que les mots ne peuvent pas tout pardonner, poursuivit-il calmement.

–Mais tu es quand même venu me demander pardon, déclara-t-elle sur le même ton. Tu as traversé la galaxie avec les Gardiens, des millions de possibilités s'offraient à toi et pourtant, tu as choisi de revenir sur Terre. Avec les années, j'ai appris à te connaitre, alors je ne pense pas me tromper lorsque j'affirme que je sais que tu ne voulais pas que les choses dérapent à ce point. Tu as fait un très long voyage juste pour me dire trois petits mots et sache que j'apprécie ce geste. Seulement, ajouta-t-elle après une seconde de réflexion, je ne pourrai accepter tes excuses qu'à une seule condition, dit-elle avec beaucoup de sérieux.

L'asgardien plissa les yeux, intrigué par sa requête et il se pencha légèrement en avant, attendant patiemment qu'elle continue.

–Que tu acceptes les miennes en retour.

Il écarquilla les yeux, s'étant attendu à tout sauf à ça. La brune venait-elle réellement de s'excuser ? Il la regarda sans ciller, n'étant pas certain d'avoir bien entendu, mais lorsqu'il comprit qu'elle ne plaisantait pas, il n'en fut que plus déstabilisé.

–Je ne comprends pas, avoua-t-il, perplexe.

–Je suis désolée, lui dit-elle simplement.

–Pourquoi ?

–Comment ça, « pourquoi » ? Ça semble évident, non ? Tu n'es pas l'unique fautif dans l'équation.

–C'est pourtant l'impression que j'ai.

–Si tu savais… soupira-t-elle en secouant la tête. Moi aussi, j'ai commis des erreurs, moi aussi j'ai des choses à me reprocher. Un exemple tout simple : au lieu d'affronter la situation, je me suis enfuie et j'ai à peine donné signe de vie à mes proches.

–C'est de cela dont tu te sens coupable ? D'avoir enfin pris du temps pour toi ? lui demanda-t-il gentiment en inclinant la tête sur le côté, toujours déstabilisé. C'est moi qui suis parti le premier et toi, tu essayais toujours de tout arranger. Tu es venue plusieurs fois en Norvège et je n'ai fait que te repousser.

–Thor… Ecoute, c'est… C'est pas si grave.

–Au contraire, ça l'est pour moi, protesta-t-il en se désignant. Je n'ai jamais jugé que tu avais fait quoi que ce soit de mal. J'ai été… Aveugle. Incapable de voir la chance que j'avais. Le fait est que je m'en suis toujours voulu pour la tournure qu'ont pris les événements mais j'avais trop peur de t'entrainer dans ma chute. Sauf que… Je ne serais peut-être pas tombé si je ne t'avais pas repoussée.

–Et moi, je t'ai laissé partir.

–Mais tu t'es battue avant.

–Lorsqu'on t'entend parler, on croirait presque que tu sais tout de moi, souffla-t-elle.

–Je me rends compte que justement, j'ignore encore un tas de choses te concernant, déclara-t-il en contournant lentement l'ilot qui les séparait. Mais je veux me rattraper.

–Te rattraper ? répéta-t-elle. Cette fois, c'est moi qui ai du mal à comprendre, dit-elle en fronçant les sourcils. Thor, tout ça, c'est derrière nous. Tu es passé à autre chose, moi aussi. Restons-en là.

Ces mots furent atrocement mal à l'asgardien, qui fit néanmoins tout son possible pour ne pas le montrer. Lui n'avait aucunement envie d'en « rester là ». Il avait l'intention de faire bouger les choses, réveiller chez cette femme à qui il tenait tant des sentiments qui avaient peut-être subsisté. Mais entendre Madison affirmer qu'elle avait tourné la page était assez douloureux. Il connaissait parfaitement la raison de cet éloignement et même si la discussion s'envenimait, il avait bien l'intention de faire comprendre à la jeune femme ce qui le « dérangeait ».

–… Arthur, lâcha-t-il.

–Arthur ?

–C'est à cause de son père, n'est-ce pas ? claqua-t-il un petit peu plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.

–Quoi, « son père » ?

–Pourquoi répètes-tu tout ce que je dis ?

–Parce que j'essaye de comprendre, de raccrocher les wagons ! s'exclama-t-elle. Je ne vois pas où tu veux en venir ! Je… Je… Et puis merde, explique-moi pourquoi la plupart de nos conversations partent en vrille ! lança-t-elle en frappant du poing sur l'établi, faisant trembler les objets posés dessus.

–Peut-être parce que nous ne nous écoutons pas assez.

–Ah, tu as donc quelque chose à dire !? Très bien ! lança-t-elle en se laissant tomber sur sa chaise d'une manière très théâtrale. Je t'écoute ! Qu'est-ce que tu veux ?

Il aurait été très tenté de répondre « toi », mais ce n'était clairement pas le bon moment pour lui de jouer à ce type de jeu alors qu'ils étaient en pleine dispute.

–Je veux que l'on parvienne à se parler sincèrement. Comme avant.

–« Avant » ? Mais ouvre les yeux, Thor, il n'y a plus d'avant ! A force de vouloir jouer avec le feu, on s'est brûlé tous les deux et regarde le résultat ! Tu me reproches d'avoir été capable d'être heureuse après toi, d'avoir réussi à remonter la pente toute seule, sans l'aide de personne. Quoique, non, ce n'est pas vrai, se corrigea-t-elle immédiatement. Quand on a perdu, il y a six ans, mon frère a été là. Tasha a été là, poursuivit-elle, et malgré nos différends, même Steve était là ! Mais tu sais qui manquait à l'appel ?

–… Moi.

–Exactement, confirma-t-elle en prenant sa tête entre ses mains. Tu étais probablement la personne dont j'avais le plus besoin à l'époque, soupira-t-elle, dépitée et désormais beaucoup plus calme, il en allait de même pour l'asgardien. Tu es parti et quelques mois plus tard, j'ai fait pareil… J'ai fui mes responsabilités, j'ai laissé tomber mes amis pour venir me planquer ici… Je suis fatiguée, tu comprends… ? J'en ai assez d'être obligée de me battre contre… Contre tout, en fait…

Thor prit un moment pour réfléchir à ce qu'il lui dirait par la suite. Ils avaient chacun un sacré bagage émotionnel qu'ils avaient du mal à porter seuls. Pourtant, ils n'avaient pas d'autre choix que de faire avec.

–Aurais-tu préféré me regarder m'effondrer ? lui demanda-t-il gravement. Je n'aurais pas supporté que tu me voies ainsi. Tu me connaissais sous mon meilleur jour, je ne voulais pas que tu découvres cette version de moi.

–J'y aurais survécu.

–Je n'en doute pas.

–Alors pourquoi ? l'interrogea-t-elle en redressant la tête. Pourquoi s'est-on infligé tout ça ? Peut-être qu'on aurait dû se rendre compte dès le départ que c'était perdu d'avance.

–Ne dis pas ça. Je t'en prie, Madison, ne dis pas ça… Ne me dis pas qu'il n'y avait aucun espoir.

–L'espoir, nous l'avons tué.

L'asgardien laissa échapper un soupir. La brune n'avait pas tout à fait tort. Ils n'étaient cependant pas entièrement responsable de la destruction de ce qu'il y avait entre eux. Thor se rappelait qu'après sa rupture avec Jane, déjà dix ans auparavant, il s'était dit qu'il n'était peut-être pas fait pour la vie de couple. Seulement, Madison avait brusquement débarqué dans sa vie et le courant était immédiatement passé. Ils étaient rapidement devenus très proches et il leur avait fallu deux ans pour comprendre qu'il y avait autre chose que de la simple amitié. Avait ensuite suivi une année de folie, de pur bonheur durant laquelle la terrienne avait fait découvrir sa planète à son compagnon. Puis il y avait eu les débuts de grossesse un peu compliqués, leur séjour sur Sakaar, la destruction d'Asgard, leur réconciliation. Et pourtant, durant les cinq années qui avaient suivi, ils s'étaient à peine adressé la parole.

–Regarde-nous… souffla-t-elle. On se dispute, exactement comme avant. On n'a rien appris, au final.

–Madison…

–Je n'ai pas envie de me disputer avec toi, le coupa-t-elle.

–Moi non plus, affirma-t-il. Ce n'est pas pour ça que je suis venu sur Terre.

–Pourquoi, alors ?

–Je crois que tu le sais déjà.

Elle ne répondit pas tout de suite. Bien sûr qu'elle savait. Le problème était que trop de choses négatives étaient survenues entre eux par le passé et le simple fait d'y penser demeurait encore douloureux. Avant qu'elle n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit à l'asgardien, une sonnerie la sortit de ses songes. C'était son téléphone qui lui envoyait comme une sorte de rappel à l'ordre. Elle l'extirpa de sa poche et consulta le message qu'elle venait de recevoir et qui la fit sourire. Thor eut même l'impression de la voir rougir un peu, ce qui l'intrigua.

–… Qui est-ce ? osa-t-il demander.

–Un ami qui me demande comment je vais et… Et il dit avoir peut-être des informations à me communiquer concernant l'attaque d'hier… ajouta-t-elle, ce qui les surprit tous les deux. Mh.

–Quoi ?

–Il propose qu'on se voie.

Ce fut comme si une alarme s'activa dans le cerveau de Thor, une sorte de radar ne s'activant que lorsqu'il y avait un autre homme dans les parages. Jamais il n'avait été aussi jaloux de sa vie. Depuis quand Madison souriait-elle ainsi juste en recevant un message. L'homme était curieux et se demandait s'il connaissait cet « ami ». Si cela ne venait pas de la brune, peut-être pourrait-il tenter de se renseigner auprès de Natasha, à condition qu'elle sache quelque chose et surtout, qu'elle accepte de lui en parler. Après tout, cela ne le concernait absolument pas, mais il mourrait d'envie d'en savoir davantage.

–Et… Tu vas lui répondre ? l'interrogea-t-il immédiatement en désignant le portable d'un signe de tête.

–Non, répondit-elle en se levant d'un bond. Je vais aller le voir, affirma-t-elle, ce qui stupéfia l'asgardien.

–Tu… Quoi ?

–Ca fait des mois que je me cache, il va bien falloir que je sorte, à un moment ou à un autre, expliqua-t-elle en quittant l'atelier après avoir éteint l'écran, l'homme sur les talons. Je saurai passer inaperçu, déclara-t-elle, sûre d'elle.

Thor en doutait car selon lui, la femme irradiait chaque pièce dans laquelle elle mettait les pieds. Son avis n'était pas très objectif, mais il la trouvait exceptionnelle. Rien au monde ne pourrait lui faire changer d'avis. Il marchait derrière elle et observait son dos, ses cheveux, ses jambes, ses mains. Il la trouvait si belle, il avait tant envie de le lui dire… Mais il avait terriblement peur d'être rejeté. Il accéléra le pas et l'attrapa par la main.

–Je suppose que je ne peux pas te dissuader de partir, la questionna-t-il calmement. Permets-moi simplement de te prier d'être prudente.

–Tu as peur que je ne rentre pas ?

–Je sais que tu reviendras, affirma-t-il. Je n'ai juste pas envie qu'il t'arrive quelque chose. Hestia te cherche et elle ne s'arrêtera pas tant qu'elle ne t'aura pas retrouvée.

–Qu'elle vienne, lança Madison. La Terre, c'est mon territoire, pas le sien.

–Elle est dangereuse.

–Autant que moi ?

–Tu n'as plus de pouvoirs, jugea-t-il bon de lui rappeler.

–Raison de plus pour les chasser d'ici, elle et son fils. Bon, je te propose un deal : si je ne suis pas rentrée à dix-huit heures, je t'autorise à venir me chercher.

–Je ne sais même pas où tu vas.

–A Washington.

–Washington ? répéta-t-il, dérouté. Tu te rends à Washington ?

–Ca semble te surprendre que je puisse avoir des amis en dehors des X-Men ou des Avengers…

–Non, non, ce n'est pas du tout ce que je voulais insinuer, dit-il en la lâchant et ils se remirent à marcher dans le jardin jusqu'à atteindre la porte vitrée qui menait au salon. Le système de porte te permet de te rendre n'importe où ?

–Oui. Enfin, simplement aux points de « relais », mais il y en a un peu partout. Le tout est de connaitre leurs emplacements.

–Très bien… Tu ne vas pas t'attirer d'ennuis ? lui demanda-t-il lorsqu'ils entrèrent.

–Madison ? S'attirer des ennuis ? retentit la voix de Natasha depuis la cuisine. Non, penses-tu…

–Je te remercie pour cette confiance que tu m'accordes, Tasha…

–Je t'en prie. J'ai deux mots à te dire, tu as une minute ?

–Oui, suis-moi, lui lança-t-elle en empruntant les escaliers qui conduisaient au premier étage.

. . . . . . . .

–Donc, tu t'en vas.

–Pendant quelques heures, c'est tout. S'il a des infos, c'est probablement important. Je ne veux pas prendre le risque de passer à côté de quelque chose d'essentiel. Bleue ou noire ? demanda Madison à sa meilleure amie en lui montrant deux vestes différentes.

–Noire, répondit la rouquine. Tu ne t'es pas dit qu'il s'agissait potentiellement d'une excuse pour te revoir ? proposa-t-elle ensuite et elle crut voir les joues de la brune prendre une légère teinte rosée. Je me rappelle de la dernière fois que vous vous êtes croisés, et laisse-moi t'affirmer qu'il n'avait d'yeux que pour toi.

–Jalouse ?

–Inquiète, au vu de tes dernières relations.

–Ouch…

–J'ai raison, soupira Natasha en s'asseyant sur le lit, puis elle s'allongea en mettant ses mains derrière la tête. La prochaine personne qui aura envie de partager ta vie devra avoir mon approbation, jeune fille…

–Oui, maman, lança Madison depuis la salle de bain. Comment ça se passe, avec Steve ? l'interrogea-t-elle en revenant dans la chambre.

–Ne change pas de sujet, répliqua l'autre en se redressant. Je connais ces yeux-là, Mad. Même si tu m'as affirmé le contraire, je suis prête à mettre ma main à couper qu'il y a quelqu'un qui occupe ton esprit. Je ne sais pas encore de qui il s'agit, mais crois-moi, ça ne saurait tarder…

–Tu es effrayante.

–Toi aussi, surtout dans cette tenue.

Madison avait troqué ses vêtements confortables contre un tailleur-pantalon très formel. Elle tourna une fois sur elle-même et son amie acquiesça.

–On dirait une avocate, reprit cette dernière avec un petit sourire. Mais nous n'avons pas terminé notre conversation, il me semble. Allez, raconte ! Je veux un nom, des détails ! Tu sais très bien que je suis une tombe… Je ne dirai rien, pas même à James. Allez, insista-t-elle à la manière d'une enfant.

–Bon d'accord, il y a quelqu'un !

–Quoi ?

–… Pourquoi es-tu si surprise ?

–Parce que je ne m'y attendais pas, je te charriais ! s'exclama-t-elle. Ok, il me faut vraiment un nom, maintenant ! Tu ne peux pas ne rien me dire.

–Pour que tu m'embêtes toute la journée ? Dans tes rêves, déclara-t-elle en levant les yeux au ciel. De toutes façons, je ne vois pas en quoi ça pourrait être intéressant, puisqu'il n'y a rien entre nous.

–Pour l'instant, dit l'espionne russe avec un clin d'œil complice. Comment il est, dis-moi… ?

–Tu ne vas pas me lâcher, pas vrai ? soupira-t-elle, ce à quoi son amie répondit par la négative. Très bien. Il est… Comment dire… souffla-t-elle en s'asseyant à la droite de la rouquine. Il est gentil.

–J'espère bien ! Quoi d'autre ?

–Il est souvent absent.

–Mauvais point pour lui…

Madison baissa lentement les yeux. Natasha fronça légèrement les sourcils avant de prendre sa main dans la sienne. Elle n'aimait pas la voir aussi triste simplement en pensant à quelqu'un pour qui elle avait apparemment des sentiments très forts.

–… C'est à son père que je fais allusion.

–Quoi ?

–Le père d'Arthur.

–… Oh.

Natasha se tut. Elle connaissait le père d'Arthur, évidemment. Elle avait toujours su et elle comprenait. Dans le couloir, Thor avait suspendu son geste, s'étant préparé à frapper contre la porte jusqu'à ce qu'il les entende discuter. Il était venu pour s'excuser pour leur petite dispute mais il venait d'entendre Madison aborder un sujet sensible qui ne le laissait pas indifférent. Ainsi, elle aimait bel et bien quelqu'un. L'asgardien eut un pincement au cœur à cette simple pensée. Il s'appuya contre le mur et ferma les yeux un instant. Tout semblait se compliquer pour lui. S'il y une personne avait des vues sur elle en retour, il ne parviendrait peut-être pas à la reconquérir.

–Je sais que tu ne le portes pas dans ton cœur, reprit l'ancienne mutante, mais il me manque. C'est stupide, je sais.

–C'est loin d'être stupide, la rassura-t-elle. Je pense, qu'au contraire, c'est plutôt normal. On ne peut pas dire que la vie t'ait facilité la tâche…

–Je suis perdue, lui confia Madison. Je crois que cette escapade à Washington arrive au moment opportun. Ça va me permettre de me changer les idées… Tant que j'y suis, tu n'as pas besoin que je te rapporte quelque chose ? Un porte-clé souvenir ?

–Reviens en entier et je serai très contente. Je garderai un œil sur Arthur.

–C'est gentil. Si jamais il s'énerve et déclenche par accident un incendie dans le salon, essaye de lui donner un verre de jus de pomme pour le calmer. Il adore le jus de pomme.

–… Sérieusement ?

–Non, il ne brûlera rien, ne t'inquiète pas, répondit la brune en souriant. Bon, le temps de passer le voir à son boulot, de discuter un peu et puis profiter de la ville en me promenant hasardeusement, je devrais être de retour vers quinze heures. Tu penses pouvoir tout gérer d'ici là ?

–Tu veux dire m'assurer que Bucky ne va pas tenter d'attaquer Thor par surprise, vérifier que les pouvoirs d'Arthur ne se manifestent pas, empêcher Morgan de trop s'approcher du lac, vérifier que tout se passe bien pour Pepper et que Loki évite d'essayer de jouer avec votre système de portes bizarres ? Je crois que ça devrait aller… Tu sais, je n'ai jamais su laquelle de toi ou moi était la plus responsable…

Elles prirent une seconde pour y réfléchir et lorsqu'elles se regardèrent dans les yeux, elles dirent d'une même voix :

–Clint.

Cela les fit rire. Il était évident que dans le trio, l'archer était le plus « adulte ». Il avait toujours assumé son rôle de grand frère auprès des deux autres agents du SHIELD, ayant compris dès le début qu'elles étaient chacune une source d'ennuis et que réunies, cela ne pouvait que s'empirer. Par ailleurs, Clint manquait beaucoup à Madison et elle se promit qu'une fois rentrée, cet après-midi, elle penserait à lui téléphoner, histoire de prendre quelques nouvelles de la famille Barton. L'arrivée de ses amis dans l'Eldorado l'avait motivée à reprendre contact avec la réalité. Elle avait encore plusieurs choses à réaliser avant de pouvoir complètement retourner à sa vie d'avant et elle espérait que tout serait bientôt derrière elle. Le monde créé par Ana lui avait permis d'échapper à ses tourments, mais ils avaient réussi à la rattraper, comme toujours.

Lorsque la brune se redressa, la rouquine l'imita.

–Attends, lui dit cette dernière lorsqu'elle la vit marcher vers la porte. Ne bouge pas, poursuivit-elle en passant derrière elle et en commençant à lui attacher les cheveux. Si tu tiens à être présentable, autant l'être jusqu'au bout, déclara-t-elle en relevant ses cheveux désormais noués en un chignon, puis elle plaça son amie face au miroir en pied afin qu'elle puisse admirer le résultat. Tu as l'air complètement différente, lui dit Natasha en prenant appui sur son épaule. Ça te va bien.

Madison attrapa sa main.

–Ca me rappelle nos missions d'infiltration, reprit Natasha en regardant leur reflet. Et aussi nos réunions au tribunal…

–Toi et moi avons bien trop fréquenté la justice… Heureusement que nous avons le même don pour nous attirer des ennuis que celui de nous en tirer.

–Tu sais quoi ? souffla-t-elle doucement. Tony serait très fier de toi.

Son amie sourit tristement. Evoquer son grand frère lui faisait toujours du bien, même si c'était douloureux. Il lui arrivait encore régulièrement de rêver de lui. Elle s'imaginait souvent qu'il rentrait à la maison après une longue journée de travail comme si de rien n'était. Comme s'il était toujours en vie. Elle le visualisait en train de porter Morgan dans ses bras, assis sur le perron, discutant gaiment avec sa femme. Mais tout cela n'était que le fruit de son imagination.

–Allez, dit alors l'espionne russe, voyant qu'en parler la rendait nostalgique. File, vas-y. Je suis certaine que ça lui fera très plaisir de te revoir, surtout si tu prévois une visite surprise… Tu ne lui as pas dit que tu comptais débarquer, n'est-ce pas ?

–En effet, je ne lui ai rien dit. Tu penses qu'il réagira comment ?

–Bien, forcément. Il risque d'être surpris, surtout si tu te rends sur son lieu de travail, mais il devrait être content. Surtout, profite de ta sortie et ne te fais pas de souci pour nous, je veillerai à ce que tout se passe bien durant ton absence. Je sais, je suis géniale.

–Si jamais il y a un problème, tu…

–Je t'appelle, c'est promis, la coupa-t-elle. Mais tu n'as pas à t'en faire, tout ira parfaitement bien. J'en suis persuadée. Ce n'est pas pour nous, mais pour toi que je me fais davantage de souci. Si toi, tu as un problème, un conseil : fuis.

–Je déteste fuir.

–Je sais, tu adores te mettre en danger. Mais n'oublie pas que tu ne peux plus te permettre de risquer constamment ta vie, et ce depuis que tu as un fils qui s'attend à ce que tu rentres toujours à la maison. Je refuse d'être celle qui sera un jour obligée de lui annoncer une mauvaise nouvelle.

–Ca n'arrivera pas, lui promit-elle. Juré.

–Mh.

Madison semblait confiante, mais cela ne rassurait pas Natasha pour autant. Elle était habituée à ce que son amie s'attire des ennuis même quand cela paraissait impossible. Elle était une sorte d'aimant à problèmes. Lorsqu'elles quittèrent la chambre, Thor était déjà parti. Il était redescendu dans la salle de séjour et s'était installé dans un fauteuil pour réfléchir à ce qu'il avait entendu. Il ne voulait pas perdre espoir, mais cela s'annonçait compliqué pour lui. Il vit, du coin de l'œil, les deux femmes descendre à leur tour en discutant mais il ne bougea pas. Il ne voulait pas les interrompre. Il garda la tête baissée, les yeux rivés sur le sol jusqu'à ce qu'elles soient sorties du chalet par la porte d'entrée. Il prit sa tête entre ses mains en soupirant. S'il en avait eu le courage, il aurait dit à la brune qu'il la trouvait très élégante, dans ce tailleur.

Il sursauta lorsqu'il entendit toquer à la porte. Il se leva et décida d'aller voir de qui il s'agissait. C'était une jeune femme d'une bonne vingtaine d'années aux cheveux blonds et raides et aux grands yeux verts, qui lui sourit dès que leur regard se croisèrent.

–Bonjour, déclara-t-il posément.

–Bonjour ! s'exclama-t-elle joyeusement. Thor, c'est ça ? Je vous ai vu passé une fois ou deux à la télévision. Je ne vous dérange pas ?

–Pas du tout, la rassura-t-il. Que puis-je faire pour vous ?

–Je m'appelle Claire, je vis de l'autre côté de lac avec mes parents. J'ai croisé Ana tout à l'heure et elle m'a dit que Madison avait de la visite, alors je suis venue voir… En fait, je travaille avec mon père dans les champs près du village. Ça vous dit que je vous fasse visiter ?

Thor avait besoin de penser à autre chose pendant quelques heures, alors elle tombait à pic. Il accepta donc de la suivre, réfléchissant toujours à l'identité de cet ami que Madison était partie voir. Il jugeait que celui-ci devait sacrément compter pour elle, si elle prenait la peine de se déplacer jusqu'à lui. Il ne se rappelait pas d'une potentielle connaissance vivant dans ce coin-là des Etats-Unis. Il n'y avait d'ailleurs jamais mis les pieds. L'endroit qu'il connaissait le mieux était New-York. Il avait découvert plusieurs pays grâce à la terrienne, s'étant rendu une fois à Londres et au Nouveau-Mexique, mais New-York restait l'épicentre. C'était là-bas qu'il était vraiment tombé amoureux, après tout. Là-bas qu'il s'était rendu compte que la seule femme avec qui il voulait vivre le reste de ses jours n'était autre que Madison Stark.

–C'est très réjouissant de rencontrer les amis de Madison, reprit-elle d'un ton énergique. Je ne vous connais pas particulièrement, mais je sens que vous êtes quelqu'un de bien. Elle ne parle jamais des événements qui l'ont poussée à ne jamais trop s'aventurer très loin de chez elle, mais ça lui arrive de mentionner ses proches. Vous, notamment.

–… Moi ?

–Elle dit que vous êtes quelqu'un de bien, et je me fie à son jugement.

–Elle a parlé de moi ? répéta l'asgardien, retrouvant espoir.

–Elle a l'air de beaucoup tenir à vous tous. Je me doute que maintenant que vous êtes là, elle ne va pas rester pour toujours, mais son passage ici nous aura tous marqués. Vous êtes là avec votre frère, pas vrai ?

–Oui. Loki, précisa-t-il, mais je ne sais pas où il est passé.

–Je crois que je l'ai croisé avec Ana tout à l'heure, mais je n'ai pas voulu les déranger. Vous avez déjà travaillé dans des champs ?

–Jamais. Voulez-vous de l'aide ?

–Avec plaisir !

Il aimait l'énergie de Claire. Elle était pleine de vie, c'était le genre de personne qui voyait toujours la vie du bon côté. Il se disait que quelques heures en sa compagnie ne pourraient lui être que bénéfiques. Il mettrait ses soucis dans un coin de son esprit pendant une partie de la journée et se rendrait utile. Ça lui ferait du bien.