It was always you-Maroon 5


Romanoff, que s'est-il passé ? s'exclama Tony en poussant la porte de la salle d'attente, où patientait une Natasha crispée et tendue dont le pied tapait nerveusement le sol, quand elle ne faisait pas les cents pas.

Je ne sais pas, on triait les dossiers de Charles dans son bureau et brusquement, elle a perdu connaissance, lui expliqua cette dernière en venant à sa rencontre, au bord d'une crise de panique. Je voyais bien qu'elle avait l'air fatiguée et d'avoir un peu mal à la tête, mais comme elle ne disait rien, j'ai pensé que ça finirait par passer, poursuivit-elle.

Qu'est-ce qu'elle a ?

Tony, je n'en sais rien, je ne suis pas médecin ! s'exclama-t-elle. Et personne ici ne veut me dire ce qu'il se passe ! Je sais juste que c'est Lane qui s'occupe d'elle.

Hector Lane ? dit Tony, connaissant bien le docteur qui s'était occupé de Madison après qu'elle ait été touchée par un sortilège. Mais, elle s'est battue, elle a utilisé trop de pouvoirs ou d'énergie ? voulut-il savoir. C'est peut-être juste une baisse de tension, proposa-t-il presque innocemment, refusant d'imaginer quelque chose de plus grave. Qu'est-ce que vous faisiez exactement, décris-moi votre journée.

On ne faisait rien d'autre que de trier des papiers et…

Elle s'interrompit lorsque la porte de la salle d'attente s'ouvrit à nouveau. Un homme aux cheveux et à la barbe poivre et sel, et portant une longue blouse blanche mit un pied à l'intérieur, fit signe aux deux amis de venir avant de ressortir aussi vite. Natasha et Tony échangèrent un rapide regard avant de se décider à la rejoindre en dehors de la pièce. En sortant, ils le virent qui faisait les cent pas dans le couloir.

Ça fait plus d'une heure qu'on refuse de me parler, râla la jeune femme en croisant les bras, mécontente. Qu'est-ce qu'elle a ?

C'est… Compliqué.

Tout est toujours compliqué lorsque ça la concerne, commenta Tony d'un air impatient. Est-ce qu'elle va bien ?

Oui, très bien, les rassura-t-il, et les deux Avengers soupirèrent de soulagement. Elle se repose pour le moment. Il va lui falloir un jour ou deux pour se remettre, pas plus. Je ne sais trop si l'on peut qualifier cela de « grave » ou non, leur confia-t-il en se grattant le menton. J'ai déjà eu affaire à des cas similaires par le passé, mais ne vous en faites pas, les patientes victimes de ce genre de phénomène s'en sortent sans séquelle.

Quel phénomène ? Mais enfin, qu'est-ce qu'il se passe ? s'emporta Tony, perdant de plus en plus patience.

Suivez-moi. Il vaut mieux vous le montrer, cela sera plus simple de vous l'expliquer si vous le voyez par vous-mêmes.

Environ trois heures plus tard, Madison se réveilla dans une chambre qui n'était pas la sienne et immédiatement, elle se sentit mal à l'aise. Un hôpital. Elle détestait les hôpitaux et le blanc criard de leurs murs, leurs lumières artificielles, les odeurs chimiques qui flottaient dans l'air… Tout. Elle cligna plusieurs fois des yeux afin de s'habituer à la forte luminosité de la pièce dans laquelle on l'avait installée et sentit un mouvement au niveau de sa main gauche. Elle tourna donc lentement la tête et discerna une forme humaine. Elle cligna à nouveau et lorsque sa vision devint plus nette, elle reconnut son grand frère, qui lui tenait la main et souriait, visiblement rassuré de la voir se réveiller. Elle essaya de sourire, mais elle avait l'impression qu'on lui avait arraché la moitié de ses organes sans anesthésie.

Tu ne cesseras donc jamais de m'inquiéter, soupira-t-il, un sourire au coin des lèvres. Ça va ?

–… Qu'est-ce que je fais là… ? peina-t-elle à articuler.

Elle avait la gorge sèche et serrée. Elle mourrait de soif, mais le simple fait de songer à boire lui donnait envie de vomir tripes et boyaux. Elle voulut bouger davantage, se redresser, mais elle n'avait absolument aucune force. Pas d'énergie en réserve.

Disons que nous avons eu droit à une petite surprise, en arrivant…

Une… Surprise… ? répéta-t-elle, n'y comprenant rien.

De taille, commenta une voix féminine familière sur sa droite.

Madison regarda dans cette direction et vit Natasha, qui lui tournait le dos et regardait par la fenêtre. Les événements lui revinrent peu à peu en mémoire. Elle se souvenait être dans le bureau de Charles, au manoir. Natasha était venue l'aider à ranger les documents de ce dernier. Depuis qu'il avait disparu, les papiers s'accumulaient et puisque Madison avait repris le flambeau en tant que directrice de l'école, elle avait du rangement à faire. Elle se souvenait s'être sentie nauséeuse et avoir la tête qui tournait depuis qu'elle s'était levée, mais elle ne s'en était pas vraiment inquiétée. Ça lui était déjà arrivé. Seulement, elle avait commencé à avoir mal. Mal au ventre, mal au dos, mal absolument partout jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse. Elle se rappelait de sa meilleure amie qui l'appelait, puis plus rien. Le noir total.

Quelle surprise ? insista la mutante en portant sa main à son front fiévreux, toujours un peu vaseuse.

Ce petit bout de chou, déclara Natasha en se retournant, un grand sourire aux lèvres, portant un bébé dans les bras.

La brune écarquilla les yeux et sa bouche s'entrouvrit. Elle ne comprenait pas d'où ce bébé venait, ni pourquoi sa meilleure amie le tenait dans ses bras. Elle alterna son regard entre l'espionne et Tony, Tony et l'espionne et ainsi de suite jusqu'à ce que la vérité lui saute au visage comme une évidence.

Elle en eut le souffle coupé. Natasha fit quelques pas vers elle, couvant l'enfant d'un regard bienveillant. Plus elle s'approchait, plus le rythme cardiaque de Madison s'accélérait. Son cœur était sur le point d'exploser. Tony resserra avec beaucoup de douceur sa main autour de la sienne afin de la rassurer, lui rappeler qu'elle n'était pas seule. Mais ses yeux se remplirent de larmes qui refusèrent néanmoins de couler. Elle ne savait pas comment réagir. Que dire, que faire ? Jamais elle ne s'était sentie plus désorientée et terrifiée en même temps. Oui, elle avait peur. Lorsque Natasha arriva à côté du lit, elle lui dit simplement :

Tu as fait un déni de grossesse.

Alors c'était ça. Pendant tout ce temps, elle avait cru avoir perdu son bébé. Celui qu'elle était supposée avoir avec Thor, qu'elle aurait dû élever avec lui, qu'ils auraient dû voir grandir ensemble. Ce fut comme si on la frappait en continu dans l'estomac. Il y avait des semaines qu'elle et Thor ne s'étaient plus vus. Plus de trois mois, en vérité. Et on lui annonçait à présent que leur enfant venait de naitre. Enfant qu'elle pensait pourtant avoir perdu à l'issue de son affront avec Thanos. Heureusement que Tony serrait toujours sa main, il avait un effet apaisant sur elle dont elle n'aurait voulu se passer pour rien au monde.

Natasha déposa alors ce petit être sur elle. Madison l'entoura délicatement de ses bras, ayant presque peur de lui faire mal, de le briser comme s'il était fait de porcelaine. Il dormait. Sa respiration était lente et régulière, contrairement à la sienne. Pourtant, elle se calma petit à petit, comme s'il déteignait sur elle. Dans sa douleur et son malheur, elle parvint tout de même à esquisser un maigre sourire. Cet enfant, elle l'avait aimé avant même qu'il ne naisse. Elle avait perdu une part d'elle-même le jour où elle avait cru l'avoir perdu. Alors découvrir qu'il s'en était sorti et était bel et bien là, paisiblement endormi contre elle…

Elle réalisa soudain tout ce que cela impliquait et fut parcourue d'un vent de panique. Thor. Il fut la première personne à qui elle songea. Comment était-elle supposée lui annoncer quelque chose de tel, après tout ce qu'il s'était passé récemment entre eux ? Croire perdre leur enfant les avait brisés avant de brutalement les éloigner, tant que l'asgardien avait changé de pays sans plus jamais lui donner de nouvelles. Elle songea que s'il apprenait qu'il avait eu un fils, peut-être que les choses s'arrangeraient un peu entre eux.

Elle serra doucement son enfant contre elle en fermant les yeux, épuisés, et enfin une larme coula le long de sa joue.

. . . . . . . .

–… Un déni de grossesse, répéta Thor en s'éloignant, songeur, mais toujours en colère.

–Arthur était puissant avant même de naitre, je l'ai senti. Après notre échec au Wakanda, je crois qu'il a voulu se protéger en disparaissant temporairement aux yeux de tous. Si personne ne savait qu'il existait, alors… Plus rien ne pouvait lui arriver, expliqua-t-elle calmement, restant collée à la porte. Je n'ai découvert la vérité que le jour où il est venu au monde.

–Mais pourquoi n'avoir rien dit ? souffla l'asgardien en se retournant pour la regarder dans les yeux, et la jeune femme lut un immense déchirement dans son regard. Tu avais tout le loisir de le faire et pendant toutes ces années, tu as gardé ça pour toi… Ni Natasha, ni ton frère n'ont dit quoi que ce soit mais toi… Toi, tu aurais dû, insista-t-il avec amertume. J'avais le droit de savoir…

C'était un supplice pour elle de le voir dans un tel état. Lui avait terriblement mal au crâne. Il ne savait plus s'il voulait qu'elle sorte ou qu'elle reste pour se justifier. Ce dont il était certain, c'était que sa rage n'allait pas en s'atténuant. Madison voulut faire un pas en avant, mais elle se ravisa. Mieux valait pour le moment qu'elle n'empiète pas sur l'espace personnel de l'asgardien. Elle était toujours aussi calme, ce qui le mettait encore plus en rogne.

–J'ai essayé de te le dire, reprit-elle.

–Quand ?

–Quelques jours après ma sortie de l'hôpital, lui révéla-t-elle. J'ai appelé, mais tu n'as jamais décroché. Alors j'ai fait la seule chose que je croyais censée je suis venue à toi. En Norvège.

Thor fronça les sourcils. Au début, il ne comprit pas ce à quoi elle pouvait bien faire allusion. Puis, petit à petit, les souvenirs lui revinrent en mémoire. Il se rappela d'une visite surprise de la jeune femme lors des fondations de la Nouvelle Asgard. Elle disait vrai. Elle était venue. Il s'en rappelait parfaitement.

. . . . . . . . .

Madison stoppa sa voiture de location lorsqu'elle arriva au bord d'un village en construction. Ses mains étaient crispées sur le volant. Elle était fatiguée du vol de nuit durant lequel elle n'avait pas réussi à fermer l'œil. Elle avait hésité à s'en aller alors qu'Arthur venait tout juste de naitre, mais Tony et Pepper s'étaient portés volontaires sans la moindre hésitation pour s'en occuper durant son absence, et Natasha lui avait assuré qu'en cas de souci, elle saurait leur venir en aide. Alors elle avait tout laissé derrière elle temporairement pour venir en Europe. Voilà qu'elle se retrouvait devant un panneau qui lui indiquait que d'ici peu, en ces lieux s'élèverait la « Nouvelle Asgard ».

Elle sortit du véhicule, ferma la portière puis avança, mains dans les poches. Elle s'aventura sur le chemin principal d'un pas un peu hésitant. De part et d'autre, les rescapés qui avaient embarqué à bord du Sanctuaire et survécu à l'attaque de Thanos interrompirent leurs activités pour la regarder passer. Ils la reconnaissaient. Ils ne l'avaient pas oubliée. Elle avait tout fait, quelques mois plus tôt, pour leur venir en aide. Elle leur adressa un sourire rassurant. Ils semblaient surpris, mais contents de la revoir. Une femme se détacha alors du lot et vint à sa rencontre. Ses longs cheveux bouclés et brun foncé, presque noirs, étaient attachés en queue de cheval qui retombait sur son épaule droite.

Madison, la salua-t-elle en lui rendant son sourire. Je suis heureuse de te revoir.

Salut, Val, répondit-elle d'un ton similaire en étreignant brièvement la Valkyrie qu'ils avaient rencontrée sur Sakaar. Ça faisait longtemps. Comment vas-tu ?

Comme quelqu'un qui essaye de rebâtir un royaume, soupira-t-elle. Tu es venue le voir, je suppose ? lui demanda-t-elle, ce à quoi la mutante acquiesça. Il n'est presque pas sorti depuis qu'on est arrivés, lui révéla-t-elle en baissant la tête, légèrement embarrassée. Il a dit que je parviendrais sûrement à mieux m'occuper du peuple que lui et il passe la plupart de ses journées enfermé chez lui. Quelle que soit la raison pour laquelle tu as fait tout ce chemin, j'espère que tu parviendras à le sortir de l'état dans lequel il est, lui dit-elle en s'éloignant après lui avoir indiqué la cabane située un peu plus loin, dont tous les volets étaient fermés.

Madison la remercia d'un signe de tête et s'y rendit. Elle ne savait pas ce qui l'y attendrait, mais elle devait être prête à tout. Lorsqu'elle arriva devant la porte, elle frappa trois fois. Une voix masculine, qui n'était pas celle de Thor, lui répondit d'attendre une seconde, et ce fut Korg qui lui ouvrit.

Oh, bonjour ! la salua-t-il gaiment en faisant un signe de la main. Je ne m'attendais pas à ce que ce soit vous !

Bonjour Korg. Je peux entrer une minute ? lui demanda-t-elle poliment en essayant de jeter un coup d'œil à l'intérieur, mais il y faisait trop sombre pour qu'elle puisse apercevoir quoi que ce soit.

C'est qui ? marmonna une voix un peu lointaine, que la mutante ne connaissait que trop bien. Korg, j'ai dit que je ne voulais pas qu'on vienne me déranger, poursuivit la voix, qui se rapprochait de l'entrée. Si c'est pour qu'on me dise encore que les… Oh. C'est toi.

C'est moi, répéta-t-elle platement.

En trois mois, elle trouva qu'il avait beaucoup changé. Sa posture, son visage aux traits tirés, ses yeux presque vides de vie. Il n'avait plus rien à voir avec le fier guerrier imperturbable aux côtés duquel elle avait vaillamment combattu durant des années, ou l'homme avec qui elle avait espéré pouvoir construire quelque chose. Il avait même l'air mal à l'aise en la voyant.

–… Qu'est-ce que tu fais ici ? lui demanda-t-il, un peu trop froidement à son goût.

Est-ce qu'on peut parler, s'il te plait ? Je n'en ai pas pour longtemps.

Non, lâcha-t-il d'un ton sec. Je… Je veux que tu t'en ailles, ajouta-t-il en essayant de fermer la porte mais la mutante, ayant d'excellents réflexes, la retint. Pars, insista-t-il en retentant de fermer.

Pas avant qu'on se soit parlé.

Je n'ai pas envie qu'on parle ! s'exclama-t-il en lui jetant un regard noir qui la fit frissonner de la tête aux pieds. Tout ce que je veux, c'est qu'on me laisse tranquille, tu comprends !? Je ne veux pas que tu débarques chez moi, encore moins à l'improviste ! Quand réaliseras-tu enfin que nous n'avons plus rien à nous dire !?

Thor, je t'en prie, le supplia-t-elle presque, c'est important, c'est à pr…

VA T'EN ! tonna-t-il d'un ton qui les surprit tous les deux et, sous le choc, Madison recula d'un pas, ne s'étant pas attendue à ce qu'il exprime ainsi sa colère. Quoi que tu aies à dire, je ne veux pas l'entendre. Laisse-moi tranquille et ne reviens pas, souffla-t-il, lui-même blessé par ses propres paroles.

La porte qui les séparait était presque fermée. Ils voyaient à peine le visage de l'autre. Madison ne savait plus que dire ou comment réagir. Tout ce que l'asgardien venait de dire lui faisait beaucoup de mal et c'était difficile pour elle de le dissimuler. Elle était sur le point de s'effondrer en larmes devant lui.

–… Tu me détestes au point de me chasser sans prendre la peine de m'écouter… ? murmura-t-elle, la voix brisée.

–… Je ne… Te détestes pas, articula-t-il en détournant le regard.

C'est l'impression que tu donnes, lâcha-t-elle et lorsqu'il s'apprêta à ajouter quelque chose, elle prit les devants. Non, tu sais quoi ? Peut-être que tu as raison, après tout. Peut-être qu'on n'a plus rien à se dire, tous les deux, lança-t-elle en s'éloignant de quelques pas. J'aurais dû le douter de ce que signifiaient ces trois mois de silence-radio. Tu sais, poursuivit-elle en le regardant à nouveau, j'étais persuadée que tu serais suffisamment mature et que tu ferais preuve d'un peu de politesse à mon égard, mais peut-être que traverser l'océan pour qu'on ait une conversation NORMALE, entre adultes, n'était pas suffisant. Je souhaite le meilleur à ce qu'il reste du peuple d'Asgard et espère qu'un jour tu te souviendras que j'ai eu la décence de faire le déplacement.

Et elle tourna les talons, refusant de lui montrer qu'elle pleurait. Thor resta à la porte un instant et la regarda s'éloigner, le cœur lourd. Il ne se sentait pas dignes de tous les efforts qu'elle fournissait, aussi importants soient-ils. Il déglutit difficilement et une fois que la mutante eut disparu de son champ de vision, il referma très doucement la porte et s'appuya contre celle-ci, dépité. Au bout du couloir, Korg avait assisté à toute la scène sans rien dire. C'était la première fois qu'il voyait l'asgardien dans un tel état et il craignait que cela dure un bon moment.

. . . . . . . .

Toute la pression et la tension accumulées retombèrent simultanément. Les mains de Thor tremblaient légèrement, désormais. Madison, elle, n'avait pas bougé d'un pouce. Elle observait silencieusement les gestes de l'asgardien, qui paraissait complètement dérouté. Elle croisa les bras et soupira.

–Je n'ai pas essayé de t'en parler à nouveau parce que je voulais que tu m'écoutes volontairement, expliqua-t-elle. Je n'avais pas envie de te jeter une telle information au visage sans savoir si tu avais vraiment envie de l'entendre. Lorsque j'y repense, je regrette énormément, lui confia-t-elle en baissant les yeux. Je suis désolée, s'excusa-t-elle sincèrement.

–T… Toi, tu es désolée… ? répéta l'homme en fronçant les sourcils, déstabilisé, avant de se laisser lourdement tomber sur le bord de son lit en se prenant la tête entre les mains. C'est moi le fautif et c'est toi qui t'excuses ? souffla-t-il, le cœur battant à tout rompre. Comment… Comment arrives-tu à ne serait-ce que me regarder après ce que j'ai fait… ?

–Tu étais perdu, répondit-elle. Tu avais mal, chercha-t-elle à justifier.

–J'ai tout détruit, murmura-t-il, anéanti. J'aurais pu être là. J'aurais dû être là et assumer mon rôle, mais je… Je… hésita-t-il se sentant submergé par l'émotion. J'ose à peine imaginer combien tu as dû m'en vouloir…

Ses yeux étaient gorgés de larmes. Thor resta ainsi, la tête entre les mains, assis sur le lit. Il se souvenait parfaitement de la visite de Madison en Norvège, il se rappelait mot pour mot de leur échange houleux. Tout lui revenait aujourd'hui en pleine figure. Le vent frais qui s'engouffrait à l'intérieur de la chambre l'indifférait. Il avait trop mal au cœur pour se soucier de quoi que ce soit d'autre. Pour la première fois depuis assez longtemps, il pleura. Il fallait que ça sorte.

Il avait un fils. Une descendance. Il avait du mal à le réaliser. Arthur était leur fils. Celui qu'il pensait avoir perdu. Tout sembla enfin prendre sens dans son esprit et en même temps, plus rien ne tournait très rond. Il comprenait enfin pourquoi la terrienne lui en avait tant voulu par le passé, mais pourquoi se montrait-elle aujourd'hui si gentille avec lui ? Elle aurait pu le chasser de chez elle comme il l'avait fait, ou bien ne jamais l'y accueillir, mais elle l'avait accepté sous son toit.

Il tressaillit lorsqu'il sentit des mains se poser sur ses genoux et quand il ouvrit les yeux, il constata que Madison se tenait accroupie devant lui. Il s'en voulait atrocement, alors il détourna le regard. C'était trop dur.

–Thor, dit-elle doucement.

Il secoua lentement la tête de gauche à droite. Soutenir son regard relevait presque de l'impossible. Pourtant, la jeune femme ne laissa pas tomber pour autant. Elle attrapa très délicatement ses poignets afin d'éloigner ses mains de son visage. Elle voulait le voir lui. Elle replaça ensuite une mèche blonde derrière son oreille, ce qui le fit frissonner, avant de poser sa paume sur sa joue humidifiée par les larmes. Et lorsqu'elle lui sourit, il perdit pied.

–Tu m'as demandé comment je me sentais vis-à-vis du père d'Arthur, lui rappela-t-elle, et qu'est-ce que je t'ai répondu ?

Il mit un moment avant de réaliser ce que cela voulait réellement dire. Ils étaient proches, lorsqu'ils discutaient aux abords du lac, mais elle s'était sauvée avant qu'il ne se produise quelque chose. Contrairement à ce que Thor aurait pu imaginer, c'était parce qu'elle en avait eu assez de vivre dans le mensonge. Quand il l'avait questionnée sur cet homme mystère dont elle s'était éprise, elle avait affirmé qu'elle…

–Je t'aime, avoua-t-elle enfin. J'ai tenté de faire abstraction de mes sentiments pour toi pour tourner la page, mais je n'y suis jamais parvenue parce que… Il n'y a toujours eu que toi.

Thor ignorait combien de fois il avait rêvé de cet instant, alors assister à sa réalisation… C'était incroyablement rassurant et terrifiant à la fois. Jamais ils ne se l'étaient vraiment dit, ils avaient toujours estimé que leurs actes suffisaient amplement, mais l'entendre dire pour la toute première fois avait quelque chose de magique. Elle l'aimait. Madison l'aimait, lui et personne d'autre. Depuis le début.

Elle se redressa lentement, il fit de même. Elle garda sa main posée sur sa joue. Avec hésitation, il posa la sienne par-dessus. Ce contact demeurait particulièrement électrisant et incroyablement satisfaisant. Il y avait des années que ce n'était plus arrivé. Cette proximité fit resurgir une foule d'images dans leur esprit.

–Quand je pense à toi, reprit-elle en effleurant son avant-bras de sa main libre, je ne vois que les meilleurs moments. Et ça me fait mal, déclara-t-elle, la gorge nouée, parce que ça me rappelle que tu n'es plus là…

–… Je suis là… souffla-t-il en collant son front au sien.

Ils restèrent ainsi, sans bouger, durant quelques secondes, yeux clos, leur souffle se mélangeant. Après tant d'années, l'orage était passé. Ce fut lorsqu'ils se dirent « pardon » mutuellement qu'ils rirent ensemble. Lui s'excusait de n'avoir rien fait d'autre que la repousser, encore et encore, pour finir par complètement se renfermer sur lui-même et refuser toute forme d'aide extérieure. Elle s'excusait d'avoir été trop en colère pour lui dire la vérité plus tôt. C'était la plus belle des réconciliations qui soit. Ils n'auraient pas pu rêver mieux.

–Est-ce que… reprit Thor, incertain, en s'éloignant de quelques centimètres seulement de la jeune femme pour mieux la voir. Est-ce qu'Arthur… Est au courant… ?

–Je ne lui ai jamais rien caché, lui révéla-t-elle, et… Il est extrêmement fier de t'avoir pour père.

Autre nouvelle qui en résulta que son cœur fit un looping dans sa poitrine.

–… On a un fils, murmura-t-il, un sourire se dessinant sur son visage à présent détendu. On a un fils ! répéta-t-il en restant près d'elle, aux anges.

–Je crois qu'il a su la vérité avant même que je lui en parle, acquiesça Madison. Il est très intelligent.

–Il doit tenir ça de sa mère, commenta l'asgardien.

–Oh, arrête… dit-elle en riant.

Tout rentrait dans l'ordre. C'était presque trop beau pour être vrai et pourtant… Cette fois-ci, aucun d'eux n'était en train de rêver. Ils étaient là, réunis, prêts à finalement reprendre leur histoire là où elle s'était interrompue. Mais Thor n'en avait pas tout à fait terminé. Il lui restait une dernière petite chose à dire.

–Madison ? l'appela-t-il dans un murmure.

–Oui ?

–… Moi aussi, je t'aime.

Voilà, c'était dit. La terrienne lui sourit et se blottit contre lui comme elle avait autrefois l'habitude de le faire. Il l'entoura de ses bras et cala son menton sur le sommet de son crâne. Il ne voulait plus la lâcher, il n'avait plus envie qu'ils soient séparés, ils avaient trop besoin l'un de l'autre. Être éloignés ne leur avait jamais fait du bien. Ils avaient attendu cet instant depuis leurs retrouvailles quelques jours plus tôt et le fait de s'être aussi hardiment retenus intensifiait l'intensité de ce moment.

Tandis que l'asgardien la serrait contre lui, Madison écoutait les battements réguliers de son cœur, qui l'avaient toujours apaisée. La main de l'homme se perdit dans les cheveux de la brune, qui en frissonna. Elle adorait ça. Six ans déjà qu'elle espérait qu'il le refasse un jour. Elle caressa délicatement son dos en retour. Plus rien autour d'elle n'existait, il n'y avait plus qu'eux. Rien d'autre. Juste elle, Thor et cet amour qu'ils éprouvaient l'un envers l'autre.

–… Ne pars plus, le pria-t-elle.

–Plus jamais, promit-il. J'ai bien l'intention d'être sur ton dos pour toujours, que tu le veuilles ou non, souffla-t-il.

–J'espère bien, parce qu'il est hors de question que je te laisse partir, répondit-elle.

Cette promesse, ils s'efforceraient de la tenir. Ils en étaient capables, ils le savaient.