Honest-Kodaline

Ana resta de marbre. Thor s'était redressé d'un bond en la voyant arriver. Lorsque la doyenne comprit que toutes les personnes présentes dans la pièce ne lui faisaient désormais plus confiance, ses expressions faciales se modifièrent drastiquement. Elle laissa tomber son air surpris pour laisser place à son vrai visage. Les yeux légèrement plissés, les traits détendus, un sourire en coin qui n'augurait rien de bon. D'un claquement de doigts, ses vêtements de tous les jours se transformèrent en une des tenues de combat typiques de Vanaheim, semblable à celle de sa fille, puis elle prit tranquillement place dans le canapé comme si elle était chez elle et croisa les jambes.

–Je pensais avoir plus de temps devant moi, confessa-t-elle. Mais non, il faut toujours que tu ailles te plaindre auprès de quelqu'un, enchaina-t-elle en fixant Hestia d'un air dédaigneux. D'abord mes amis, dit-elle en insistant bien sur le mot « mes », puis… Eux. Je n'arrive pas à croire que tu te sois rabaissée au point de t'en remettre à des midgardiens.

–… Wow. Ça fait mal, commenta Bucky. Ces dieux… Toujours dans la délicatesse.

–Jolie prestation à New-York, Hestia. Sans oublier Washington.

–Rien ne serait arriver si je n'avais pas dû porter le poids de vos crimes, rétorqua froidement sa fille. Comment avez-vous pu faire subir tout cela à votre propre famille ? Nous avez-vous seulement un jour véritablement aimé, les autres et moi ?

–Ne commence pas ! tonna-t-elle en se redressant, le regard noir. Vous faisiez ma fierté, au cas où tu l'aurais oublié.

–Jusqu'à ce qu'on ne vous satisfasse plus et que vous menaciez de tous nous exécuter un part un ? compléta Hestia. Sans oublier évidemment que vous ayez fait en sortes que Madison n'ait plus accès à ses pouvoirs depuis des mois ?

Tous étaient debout désormais. Madison eut l'impression qu'on venait de lui asséner un violent coup dans les côtes. Elle n'en pouvait plus des surprises, elle en avait assez de se rendre compte qu'on ne cessait jamais de la duper.

–Réfléchissez-y, reprit Hestia sans lâcher un seul instant sa mère des yeux, prête à l'affronter dans l'éventualité où cette dernière tenterait de s'en prendre à eux. Lydra a tenté de s'emparer de votre magie, puis vous êtes morte une première fois et pourtant, jamais cette magie ne vous a quittée. Pourquoi serait-ce différent aujourd'hui ? l'interrogea-t-elle rhétoriquement, ayant déjà prévu de répondre à cette question en pointant sa mère du doigt. Il se trouve que les sorcières ancestrales avaient mis au point un moyen d'empêcher leurs ennemis de leur nuire en bloquant leurs pouvoirs.

–… Je n'ai plus le gène de mutation, répondit Madison, se rappelant néanmoins de son affront avec Loki en Islande, lorsqu'elle était parvenue à temporairement bloquer son accès à ses pouvoirs.

–Parce qu'ELLE a fait en sortes que vous ne puissiez pas le trouver. Et comment croyez-vous qu'elle ait créé cet endroit ? Tout ça, Rien n'est réel, pas même les personnes qui vivent soi-disant ici. Elle s'est contentée de puiser, d'exploiter vos pouvoirs, de se les approprier comme s'ils lui revenaient de droit. Et qui, à votre avis, a envoyé Sithbrir sur Midgard pour s'en prendre à vous ?

–Cette magie ne lui appartient pas ! tonna férocement Mériana.

–Bien sûr que si ! s'indigna Hestia. Mais ne vous en faites pas, je n'en ai pas encore terminé, le pire reste encore à venir.

–Je t'interdis de…

–FERMEZ–LA ! s'énerva alors Madison, et sa soudaine crise de colère surprit tout le monde, à commencer par les Vanes, qui cessèrent immédiatement de s'en prendre verbalement à l'autre. Juste… Stop, souffla-t-elle. Vous, dit-elle en regardant d'abord la plus âgée, je ne veux plus vous entendre. Et vous, poursuivit-elle en se tournant vers l'autre, je sais que vous lui en voulez pour des raisons qui vous appartiennent et que je peux comprendre, mais pour ma part, j'en ai assez de faire partie de vos conflits familiaux. Vous savez ce qu'il va se passer ? Je vais rentrer chez moi, quitter cet endroit de malheur une bonne fois pour toutes et je vais vous laisser régler vos différends entre vous parce que sincèrement, je ne veux plus me mêler de ce qui ne me concerne pas directement. Et aussi, vous allez me faire le plaisir de déguerpir de cette planète. Car jusqu'à preuve du contraire, vous êtes ici chez nous.

Une fois sa phrase achevée, elle se rendit compte que Thor avait délicatement attrapé sa main, autant pour l'apaiser que pour lui signifier qu'il était là pour elle, quoi qu'il arrive. Elle serra sa main en retour, rassurée par sa présence à ses côtés. Lui non plus ne voulait pas interférer dans ce conflit qui les dépassait. Seulement, les deux rivales ne semblaient pas encore en avoir fini.

–Madison, vous êtes au centre, que vous le vouliez ou non, affirma presque tristement Hestia. Parce que la raison pour laquelle cette… « firme » s'est intéressée à votre famille, poursuivit-elle en déposant les yeux sur Bucky, et a tué vos parents, se trouve devant vous, dit-elle en désignant sa mère. D'après ce que j'ai appris, cette association y gagnait bien plus en volant les inventions de votre père qu'en l'éliminant.

–C'est à la magie qu'Hydra en avait… murmura Madison, refusant d'abord de croire que tout avait un lien avec cette terrible nuit de décembre.

–Et qui, à votre avis, leur a soufflé cette idée ? Si Mériana ne pouvait pas assurer un certain contrôle sur cette magie, alors elle comptait bien la faire disparaitre.

Ce fut comme si on lui arrachait les boyaux avec une extrême lenteur afin qu'elle souffre le plus possible. Madison, toujours debout, dut tout de même s'appuyer sur le dossier d'une chaise, ayant peur de faillir. Elle refusait que cela arrive et pourtant, elle n'avait qu'une envie : se laisser aller. Heureusement que Thor restait près d'elle, elle ignorait comment elle aurait réagi si ses proches n'avaient pas été là

Bucky se sentait nauséeux. Il avait beau avoir appris à se pardonner pour les actes commis dont il n'était pas responsable, mais dès qu'il s'agissait d'Howard et Maria, cela devenait bien plus difficile à supporter. Quoi qu'il fasse, il se sentirait toujours coupable de leur mort et du malheur qui avait trop longtemps pesé sur cette famille, en dépit du travail qu'il effectuait jour après jour sur lui-même. Sauf qu'à présent, il savait qui avait réellement commandité ces meurtres, et il était à deux doigts de faire feu sur Mériana.

–Son plan a failli parce que vous avez survécu, lui apprit Hestia, et qu'Hydra a décidé de vous garder. Mais puisque vous n'aviez aucun souvenir, vous n'étiez plus une menace. Jusqu'à ce qu'Odin suggère de vous intégrer au Conseil de l'Yggdrasil, survenu il y a huit ans, poursuivit-elle, allant de révélation en révélation. Chacun des ambassadeurs avait été choisi cette année-là pour la simple et bonne raison que vous vous connaissiez tous et aviez confiance les uns en les autres. Cette confiance n'a pas mis longtemps à revenir.

–Pour quelqu'un qui a passé pas loin de deux décennies emprisonnée, je te trouve drôlement bien informée.

–J'ai plus d'amis que vous n'en aurez jamais.

–C'est tout ce que tu as ? Bon sang, je ne t'ai vraiment rien appris, c'est désolant…

–La prochaine qui parle… souffla la terrienne, le regard perdu dans le vide, je la fais passer à travers le mur, prévint-elle très sérieusement avant d'inspirer profondément, puis elle daigna enfin poser les yeux sur Mériana. Vous n'auriez pas dû vous jouer de moi, et de ma famille.

–Avec leurs activités et le nombre d'ennemis qu'ils avaient et qui n'a fait que s'accumuler avec les années, quelqu'un d'autre aurait fini par de toutes manières s'en prendre à eux.

–Je sais. Je parlais des personnes présentes dans cette pièce, précisa-t-elle très posément, mains dans le dos.

–Eux ? lança Mériana en dévisageant le groupe de personne qui lui faisait fièrement face. Votre « famille » ?

–Vous avez un problème avec ça ? s'interposa Natasha en faisant un pas en avant, l'air mauvais.

–Merci Tasha, la remercia sa meilleure amie à voix basse, puis elle se reconcentra sur la divinité. Au fait, je vous avais prévenue.

Elle sortit ses deux mains de derrière son dos et son adversaire remarqua un peu trop tard qu'elle portait les gants à tirs à protons de son armure, dont elle se servit pour lui tirer dessus. Le choc fut si violent au moment de l'impact que Mériana traversa la paroi de bois un peu fragile qu'il y avait dans son dos. Il en résultat que celle-ci fut sonnée et mit quelques secondes à se remettre et reprendre ses esprits, en se relevant, les jambes un peu chancelantes.

–Je me demande ce qu'il s'est passé de si terrible pour qu'on nous efface la mémoire, commenta-t-elle, la tête légèrement inclinée sur le côté et les yeux plissés, ses blasters toujours dirigés vers elle. Hop, hop, hop, on ne bouge pas, l'avertit-elle en la voyant s'approcher, alors la déesse resta en place, n'ayant pas spécialement envie d'être à nouveau bousculée. Maintenant qu'on est super copines, vous voulez bien débloquer ma magie ?

Natasha sourit, amusée. C'était typiquement elle : se foutre jusqu'au bout de la gueule de ses adversaires sans doser ses propos à aucun moment. Natasha aimait bien sa répartie. Depuis des années, chacune avait beaucoup d'influence sur l'autres et à force de s'imiter, elles en avaient rendu Clint presque dingue.

Mériana s'essuya le nez, qui saignait un peu. Des flammes dansaient dans ses yeux rendus noirs par la rage.

–Oh et, au fait, vous n'êtes pas très douée pour mentir, reprit Madison. Vous pensiez réellement que je n'allais pas me méfier un minimum de vous ? Vous apparaissez dans ma vie pile au moment où je viens me cacher ici et vous jouez les gentilles voisines innocentes. J'ai peut-être l'air un peu à l'ouest, ça ne veut pas dire que je le suis tout le temps, affirma-t-elle. La prochaine fois, prenez-vous-y un peu plus à l'avance et… De façon un peu moins évidente.

– Tu ne vaux pas mieux que tes parents, cracha-t-elle à la brune. Tu mérites le même sort qu'eux.

Il y eut de nouveaux tirs. Trois précisément : le premier venait des blasters de Madison, le second des pouvoirs d'Hestia et le dernier était en fait une balle tirée par l'espionne russe. Elles en avaient assez entendu et ne voulaient plus écouter ce que leur rivale avait à déverser. Celle-ci eut cette fois-ci le réflexe de matérialiser un bouclier d'énergie qui la protégea de ces différentes attaques.

–Si tu tiens tant à savoir ce qu'il s'est passé, reprit-elle, c'est avec plaisir que je vais t'en donner un petit aperçu.

Au début, Ils ne comprirent pas ce qu'elle avait l'intention de faire. Puis elle concentra toute sa magie pour créer entre ses mains une sphère de lumière verdâtre et sans crier gare, cette sphère fonça droit sur la terrienne aux cheveux bruns. Hestia n'eut pas le temps de réagir et aperçut seulement la sphère toucher Madison, puis l'entièreté de la pièce faut baignée dans une clarté aveuglante qui les força tous à se protéger les yeux du revers de la main. Lorsqu'ils purent à nouveau regarder devant eux, ils se rendirent compte que Madison et Mériana avaient toutes les deux disparu.

–Où est-elle ? s'exclama Thor au bord de la panique, en regardant autour de lui sans voir la midgardienne dans les environs. Madison ! l'appela-t-il d'une voix forte. Où est-elle ? répéta-t-il en fixant ensuite Hestia avec inquiétude.

Elle ne put répondre car brusquement, le sol se mit à trembler et des craquements sinistres qui leur glacèrent le sang retentirent. Des ombres se matérialisèrent à l'extérieur et prirent progressivement des formes humanoïdes.

–Il vaudrait mieux que l'on s'en aille avant que les créatures que ma mère nous envoie ne nous tue tous, s'exclama Hestia.

–Le labo ! lança Natasha.C'est le seul moyen qu'on a pour se sauver, parce que je ne connais aps le code qui nous conduirait au manoir.

Ils approuvèrent et se hâtèrent de quitter les lieux. Madison et Mériana évaporées, ils n'étaient plus que cinq, et l'asgardien ne lâcha pas la Vane, ayant bien l'intention de l'aider à s'en aller avec eux. Maintenant qu'il savait ce qu'elle avait enduré et comment elle et ses parents à lui s'étaient arrangé pour éviter une guerre, il ne comptait pas la laisser se débrouiller toute seule. De plus, il avait le sentiment qu'avec son aide, il saurait comprendre ce qu'il venait d'arriver à Madison et comment la retrouver.

Ils coururent aussi rapidement que possible à travers le jardin, au milieu de cette végétation qui faisait subitement tout pour les ralentir. Tout autour d'eux devenait chaotique et leur but était simple : se sauver puis mettre au point un plan qui viserait à trouver leur amie puis se débarrasser de la divinité qui leur avait cherché des ennuis. Les racines des plantes tentaient de s'enrouler autour de leurs chevilles pour les faire tomber et les retenir prisonnier, ce qui manqua de se produire à de nombreuses reprises, jusqu'à ce que le groupe atteigne enfin le cabanon qui leur donnait un accès direct vers le laboratoire souterrain situé non loin du chalet de Pepper, en Géorgie. Natasha, étant la seule à connaitre le code, se dépêcha de l'entrer et ouvrit la porte en grand afin qu'ils s'engouffrent tous par l'ouverture. Elle referma juste à temps, au moment où des branches ne mouvements fonçaient vers eux pour les attaquer. Ils entendirent encore du bruit pendant quelques secondes, puis plus rien.

Maintenant qu'ils étaient dans le tunnel qui conduisait au labo, ils étaient en sécurité et en profitèrent pour reprendre leur souffle. Hestia s'appuya dos à une paroi, l'air très préoccupé. Ses mains étaient secouées de tressaillements qui n'échappèrent à personne. Ce fut Loki qui réagit le premier en se rapprochant d'elle. La déesse semblait complètement perdue et terrifiée à l'idée que sa mère puisse les trouver et s'en prendre une nouvelle fois à eux. Elle n'avait plus aucune envie de dissimuler son inquiétude aux autres, en qui elle savait qu'elle pouvait placer sa confiance.

Une fois arrivé à sa hauteur, le géant des glaces saisit doucement son poignet pour attirer son attention, alors elle releva les yeux vers lui. L'homme perçut toute la panique qui l'habitait, ce qui ne fit qu'augmenter sa propre angoisse.

–Où est-elle ? insista Thor, pas du tout calmé.

–… Je suis désolée… murmura Hestia sans oser les regarder dans les yeux, comme si elle estimait qu'absolument tout ce qu'il s'était passé était uniquement de sa faute.

–Elle n'est pas… débuta Natasha, s'imaginant déjà le pire des scénarios.

–Non, assura immédiatement la Vane en secouant la tête de gauche à droite, mais les amis de la midgardienne n'en furent pas plus rassurés, surtout après ce qu'Hestia précisa par la suite. Mais j'ignore combien de temps elle va tenir.

–Pourquoi ? voulut savoir l'asgardien. Où Mériana l'a-t-elle envoyée ? l'interrogea-t-il, en voyant que la déesse se perdait de plus en plus dans ses pensées, il prononça son nom d'une voix forte afin de la reconnecter avec la réalité. Hestia !

–Les Limbes, lâcha-t-elle gravement.

Dès lors, les expressions de Thor et Loki se métamorphosèrent. Ils parurent, aux yeux de Natasha et Bucky, totalement horrifiés d'entendre cela. Le dieu de la malice relâcha Hestia et recula d'un pas sans rien dire. Thor leur tourna le dos, tâchant de faire son possible pour calmer la tempête qui grondait en lui.

–Ça n'a pas l'air d'être une bonne nouvelle, comprit le soldat. C'est quoi, les limbes ?

–Un endroit d'où on ne revient pas, lui apprit Hestia, qui sut tout de suite que développer ses propos ne serait pas superflu. Un monde d'une noirceur dont personne ne sait grand-chose, mis à part qu'en ressortir est mission impossible et que ceux qui s'y retrouvent piégés se retrouvent face à leurs plus grandes peurs. Son aspect varie en fonction de l'endroit où l'on atterrit. Il y règne des créatures face auxquelles nul ne peut s'en sortir, si bien que personne ne sait à quoi elles ressemblent. Une heure ici équivaut à une journée entière là-bas, ce qui diminue les chances de survie de ceux qui s'y retrouvent coincés.

–Madison est pleine de ressources, assura Natasha, surtout pour se rassurer elle-même.

–Mon mari l'était aussi, rétorqua Hestia, ce qui fit l'effet d'une douche froide dans le dos de la rouquine. J'ignore quels sont ces… Monstres qui règnent sur les Limbes, mais je ne sais pas comment Madison fera pour les affronter seule, et tant que sa magie sera bloquée je…

–On doit y aller, la coupa l'asgardien en la regardant à nouveau. Il faut qu'on aille la récupérer.

–Je n'ai pas suffisamment de pouvoirs pour nous emmener là-bas et nous permettre d'en sortir, mais croyez-moi lorsque je vous dis que j'aimerais en être capable. Sincèrement.

Ils la crurent sur parole. Ils savaient qu'elle ne mentait pas, tant elle paraissait bouleversée. Elle semblait très concernée. Les dieux et terriens prirent un instant pour réfléchir à une possible solution qui les aiderait à ramener leur amie parmi eux, malgré le manque d'effectifs.

–Et votre fils ?

–Même si nous combinions notre magie, je ne pense pas que cela fonctionnera.

–Et si nous faisions venir Freya plus tôt que prévu ? proposa Loki. Elle avait de toutes manières prévu de nous rejoindre depuis que nous lui avions annoncé votre retour, ainsi que celui de son frère. Elle voudra forcément faire partie de l'expédition et son aide pourrait être très bénéfique. Êtes-vous certaines que personne n'a réussi à s'échapper des Limbes auparavant ?

–… Pas sans aide.

–C'est-à-dire ?

Elle parut hésiter, comme si ce qu'elle s'apprêtait à révéler allait avoir une influence sur le cours des choses. Cependant, Thor fit rapidement le rapprochement et compris tout seul.

–C'était nous, n'est-ce pas ? lui demanda-t-il calmement. Nous y avons déjà été, mais nous ne nous en rappelons pas ?

–Même votre père a été surpris de vous voir revenir vivants, leur confia-t-elle. Vous deux, ainsi que Madison, n'étiez déjà pas très prudents, à l'époque, et risquer vos vies les uns pour les autres faisait partie de votre quotidien. Vous avez plongé tête baissée, mais revenir a été très difficile.

–Qui nous a aidés ? la questionna-t-il, et ce fut au tour de Loki de devancer tout le monde.

–Nous nous sommes juste entraidés, dit-il, ce à quoi Hestia acquiesça.

–Et vous y avez croisé un Ambassadeur, que vous avez ramené avec vous.

–Vos histoires commencent à sérieusement me donner mal au crâne, marmonna Bucky en se massant les tempes. Alors quoi, on appelle tout le monde pour ouvrir un portail magique et on fonce tête baissée sans le moindre plan, c'est ça, l'idée ? Qui nous dit qu'ils croiront à tout ça ?

–Ils doivent forcément s'être rendus compte que plusieurs mois de souvenirs leur manquaient, commenta Natasha. Ce n'est pas une mauvaise idée, dans le fond. Le tout est de savoir comment faire pour les faire venir aussi vite que possible, puisque tous les trajets entre les royaumes ont été suspendus depuis votre fuite de prison, poursuivit-elle en croisant les bras, yeux braqués sur la Vane. A moins que vous ne parveniez à les téléporter ici. C'est à votre portée ?

–Je devrais pouvoir faire ça, confirma la divinité. Mais vous ne viendrez pas, Natasha. Vous nous plus, enchaina-t-elle en regardant Bucky, qui voulut immédiatement protester. C'est une affaire de divinités qui aurait dû être réglée il y a longtemps, et je refuse de mettre vos vies en danger.

Les deux midgardiens échangèrent un rapide coup d'œil et, sans s'être parlé, comprirent tout de suite qu'ils étaient sur la même longueur d'onde et pensaient de façon similaire.

–Madison est la première amie que j'ai eue, indiqua Natasha. Même ma sœur la voit comme un membre de la famille à part entière pour tout ce qu'elle a fait pour moi, à commencer par me faire confiance. Elle a défendu ma cause, elle m'a acceptée telle que j'étais, on a combattu ensemble, elle s'est pris une balle pour moi alors que nous ne nous connaissions que depuis trois mois, elle a remonté le temps pour moi, elle m'a cassé deux fois le bras et je ne lui en veux même, parce que ça, c'est ce qu'on appelle de l'amitié. Alors que vous le vouliez ou non, je vais me faire un plaisir de me déplacer jusque dans ces Limbes pour la récupérer et, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais beaucoup embarquer mon garde du corps personnel avec moi, ajouta-t-elle en s'accrochant au bras du soldat d'un air décidé.

Hestia soupira et se tourna vers Thor.

–Je ne pourrais pas l'en dissuader, je présume ? lui demanda-t-elle, et l'homme fit « non » de la tête. Je sens que je vais le regretter… soupira-t-elle. Bon très bien, vous avez gagné. Mais il va falloir un peu de temps pour mettre au point le sortilège qui nous permettra de nous y rendre.

–Autant nous y mettre tout de suite, dans ce cas, affirma Bucky. Mais si vous le permettez, j'aimerais beaucoup que nous quittions ce tunnel et retournions à la surface, parce que je commence à me sentir très oppressés. Hestia, en toute franchise… Combien de temps lui donnez-vous, toute seule ?

–La réponse la plus honnête que je puisse vous fournir est de vous dire que je n'en sais rien, car j'ignore de quoi elle est capable sans magie face à des créatures issues des ténèbres qui voudront s'en prendre à elle. Mais si elle fait preuve d'autant de courage que ses parents, alors je suppose que nous devrions arriver à temps pour la sauver.

. . . . . . . .

Lorsque Madison émergea, elle eut du mal à ouvrir les yeux, non pas à cause de la lumière mais plutôt à cause de son mal de crâne naissant. De sa main gauche, elle sentait l'herbe fraiche et légèrement humide, ainsi que de la terre. Elle porta son autre main à son visage et se frotta les yeux. Ses doigts métalliques étaient glacés. Bien plus que d'habitude. C'était comme si elle avait plongé ses avant-bras dans la neige tant elle avait froid. Surtout aux mains, mais globalement, elle était frigorifiée.

Elle s'était pourtant habillée normalement, en se levant : un pantalon en toile kaki, une chemise à carreaux par-dessus un t-shirt clair et sa fidèle paire de rangers. En fait, c'était comme si le froid venait de l'intérieur, que c'était dans sa tête. Elle aurait donné n'importe quoi pour se retrouver sous un plaid avec une bonne tasse de thé à regarder une vieille série avec sa meilleure amie, et critiquer le scénario bancal avec elle puis parler de leur relation amoureuse, car même si toutes les deux étaient capables de tuer d'un simple regard, elles adoraient partager quelques moments « girly ».

Elle papillonna plusieurs fois avant d'enfin ouvrir les yeux et elle émit un grognement de mécontentement lorsqu'elle se redressa en position assise, à cause de son dos endolori. La première chose qui la frappa fut la couleur qu'avait le ciel : un mélange de tons orangés, et de violet. Quelques nuages très bas rasaient le sol. Quand elle fut habituée à la luminosité, Madison put découvrir les alentours.

Elle se tenait au centre d'une petite plaine où les hautes herbes vertes, presque bleues, se balançaient au gré du vent. Sur sa gauche, une forêt d'un type d'arbre qu'elle ne connaissait pas. Une forêt épaisse et sombre à travers laquelle il était impossible de voir quoi que ce soit et qui ne présageait rien de bon. Derrière ces arbres, une chaine de montagnes aux sommets enneigés qui transperçaient les cieux. Sur sa droite, à moins de cent mètres, un ravin rocheux, et il lui semblait entendre le bruit des vagues qui s'écrasaient au pied de la falaise.

Madison avait vraiment mal au dos, mais elle s'étira quand même, espérant que ça la détendrait un peu. Ensuite, elle se mit à genoux et continua d'examiner les lieux, à la fois intriguée et inquiète. Cet endroit avait beau être calme pour le moment, il ne lui disait rien qui vaille. C'était trop silencieux, justement. Dans la seconde qui suivit, elle fut debout sur ses deux pieds, toujours aussi perdue. Elle constata alors que sa dague était accrochée à sa ceinture. Où que Mériana l'ait envoyée, peut-être voulait-elle voir comment elle se défendait uniquement armée de cette lame.

Elle regarda encore le ciel, espérant presque voir quelqu'un débarquer pour lui tenir compagnie. Evidemment, rien ne vint.

Elle était seule, livrée à elle-même dans un monde dont elle ignorait tout, entourée de mille et un dangers qu'elle ne soupçonnait pas encore. L'unique chose susceptible de la guider était cette lointaine colonne de lumière qui s'élevait derrière les montagnes.

La partie commençait.