Set fire to the rain-Adele
–Alors ?
–Un peu de patience. Ce sort est à base de magie noire, cela prend du temps, commenta distraitement Hestia, yeux clos et mains jointes, ses salves de magie se matérialisant entre ses doigts fins.
Le groupe s'était installé dehors, non loin du point d'eau, afin d'être plus au calme. Pepper était restée à l'intérieur avec les enfants pour qu'ils ne soient pas témoins des échanges des adultes. Elle avait reçu quelques brèves explications concernant la présence de la Vane chez elle et les avait laissés entrer sans discuter, comprenant combien la situation était grave. Elle avait donc décidé de se réfugier temporairement dans le laboratoire avec sa fille et son neveu pendant que les autres travaillaient.
Entre temps, Freyr les avait rejoints. Lui aussi n'avait plus rien à voir avec l'individu colérique qu'ils avaient croisé quelques jours auparavant à New-York et, en les voyant, il leur avait semblé mal à l'aise. Il s'était un peu honteusement excusé pour son comportement sans trop se justifier, sachant que sa mère s'en était déjà chargée. Il avait été étonné par l'accueil qu'on lui avait offert : pas de cris, pas de reproches. Juste de la cordialité et de la compréhension, ce qui lui avait fait du bien. Pour la première fois depuis longtemps, on ne le voyait plus comme le méchant de l'histoire.
Désormais, il était assis en tailleur dans l'herbe, observant à la fois sa mère préparer le sortilège qui ferait venir Freya, et Natasha qui faisait les cent pas sous les regards soucieux de l'asgardien et du géant des glaces. Bucky se tenait debout à moins de deux mètres de lui, bras croisés. Cela étonna le dieu lorsque le soldat prit place à terre, lui aussi.
–Héra ou Déméter ?
–Pardon ? demanda Freyr, interloqué par ce début de conversation peu commun.
–Ta mère a dit qu'une de ses sœurs avait été tuée sous les ordres de Mériana. C'était Héra, ou Déméter ?
Ce n'était peut-être pas très délicat comme manière de demander, mais il était curieux et avait envie d'en savoir plus sur cette famille compliquée.
–Aucune, révéla l'autre.
–Elle a menti ? le questionna Bucky en fronçant les sourcils, croyant pourtant difficile qu'elle ait pu les tromper à ce sujet.
–Ce n'était ni Héra, ni Déméter, mais leur plus jeune sœur, lui expliqua-t-il. Mes grands-parents ont souvent essayé de sauver leur relation car ils ne voulaient pas qu'on ait une mauvaise image d'eux, et il semblerait que les voyages leur aient toujours fait du bien. C'est comme ça qu'il se sont retrouvés sur cette planète, dit-il, le regard perdu au loin. Ils en ont profité quelques années, puis le jour est venu où ils ont donné naissance à une petite fille. Le problème, à leurs yeux, était qu'en naissant sur Midgard, elle était un peu différente de ses frères et sœurs, alors… Ils l'ont laissée là et sont rentrés chez nous, sur Vanaheim.
–Ils l'ont abandonnée ? s'indigna Bucky.
–Oh, ma mère, mes oncles et tantes n'ont pas mis longtemps à découvrir son existence et, dans le plus grand secret, ils se sont mis d'accord pour toujours garder un œil sur elle. Ils l'ont mise au courant à propos de ses racines, évidemment. Ils ne voulaient pas qu'elle vive dans le mensonge.
–Comment l'a-t-elle pris ?
–Elle était très contente d'avoir toute une fratrie pour veiller sur elle et contrairement à eux, elle n'en voulait pas à Mériana et Cronos de l'avoir abandonné. Ses parents adoptifs midgardiens se sont toujours bien occupés d'elle, raconta tranquillement Freyr, un maigre sourire aux lèvres, l'air nostalgique.
–Tu la connaissais ?
–Je l'ai rencontrée une fois. Elle avait l'air… Tellement heureuse de nous rencontrer, ma sœur et moi… Elle avait hâte de nous présenter à la famille qu'elle avait fondée, soupira-t-il, son sourire s'effaçant brusquement. Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de connaitre ce jour.
–Que s'est-il passé ? tenta prudemment le soldat.
–… Un homme, sous les ordres de ma grand-mère, l'a assassinée, lui confia-t-il. Sans s'en rendre compte, il a brisé le cœur de ma mère et ses frères et sœurs. Malgré les années qui ont passé, je sais qu'ils ne s'en sont pas remis. Pas totalement.
–Et vous l'avez retrouvé ? reprit le terrien, appréciant le fait que Freyr se confie à lui. L'homme qui l'a tuée ?
–Oui.
–Et qu'avez-vous fait ?
–Rien, répondit le dieu et lorsqu'il vit l'air surpris du midgardien, il poursuivit : si qui que ce soit dans notre famille interférait encore auprès des midgardiens, les conséquences auraient pu être cent fois pires. Je comprends que ma mère n'ait pas voulu risquer de perdre quelqu'un d'autre. Il lui a fallu presque vingt ans pour comprendre que c'était Mériana qui avait… « Engagé » cet individu. Quand elle l'a confrontée à ce sujet, elle a envoyé mon père dans les Limbes.
–Et… il n'y a vraiment aucune chance qu'il ait survécu ?
–Ma mère vous a dit qu'on ne s'en sortait pas vivant ? comprit-il. Certains ont réussi, mais sont morts au bout de quelques jours. Plus on reste là-bas, plus la folie nous gagne. Les seuls à s'en être sortis sans séquelles sont…
–Madison, Thor et Loki, compléta Bucky. Je sais. Et nous ? Qu'est-ce qu'on risque à nous y rendre ?
–En admettant que les Ambassadeurs acceptent de combiner leur énergie à la nôtre et que nous ne restions pas plus d'une heure ou deux sur place, cela devrait aller, lui assura Freyr.
–Et ensuite ?
–Quoi, « ensuite » ?
–On va finir par avoir Mériana, affirma Bucky. Après ça, toi et ta mère serez libres et blanchis, alors, qu'est-ce que tu comptes faire ? Tu as des plans ? le questionna-t-il. Reprendre le courant de ta vie là où ça s'est arrêté ? Te caser ? Ou enfin confronter le meurtrier de ta tante ? proposa-t-il, toujours en regardant Hestia s'affairer sur son sort.
–Mh, non, répondit-il en haussant les épaules. Je n'ai pas envie de le déranger avec ça. C'était il y a longtemps, il ne se rendait pas comptes des enjeux, à l'époque.
–C'était quoi son nom, déjà ?
A quelques pas de là, Natasha tournait toujours en rond telle un fauve en cage. Elle devenait de plus en plus impatiente et avait hâte que leurs alliés arrivent pour les aider à enfin récupérer Madison et mettre Mériana hors d'état de nuire. Thor la regardait aller et venir, concerné. Il aurait sans doute fait de même si Loki n'avait pas été là pour le retenir en lui parlant posément.
–Reste calme, ça va aller.
–Mh.
–Thor.
–Mh.
–Thor !
–Quoi ?
–Tu m'écoutes à peine. Tu la connais, tu sais qu'elle est tout à fait capable d'y arriver, même sans notre aide, je te rappelle qu'elle m'a battu en duel sans magie. Ça ne veut pas dire qu'on va la laisser, ne t'inquiète pas. Tout va s'arranger.
–Merci. C'est ce que j'ai besoin d'entendre.
–Cela vaut aussi pour toi, Natasha, enchaina le jotün en fixant la rouquine, qui n'arrêtait pas de marcher de long en large. Ce n'est pas en stressant comme vous le faites tous les deux qu'on va aboutir à quoi que ce soit.
–Ne me dis pas de ne pas stresser, Monsieur le Paranoïaque de Service, le réprimanda l'espionne russe sans méchanceté. Je stresse si je veux, c'est mon droit. D'ailleurs, je ne suis même pas stressée, juste un peu perturbée à cause des divinités qui ont choisi notre planète pour terrain de jeu et qui s'amusent à nous faire des sales coups comme envoyer ma meilleure amie dans une version alternative des Enfers pour qu'elle s'y fasse tuer par je ne sais quelle bête vicieuse juste parce qu'une personne un peu dérangée a décidé qu'elle était un obstacle et à cause de qui les souvenirs de plein de gens ont dû être effacés, bien sûr que je suis stressée ! craqua-t-elle à la fin de sa tirade.
Tous les regards se braquèrent sur elle et elle se calma immédiatement. Elle avait juste un besoin d'un petit coup de gueule pour communiquer aux autres son agacement. Il n'y avait qu'Hestia qui restait focalisée sur ce qu'elle faisait. La déesse eut d'ailleurs un petit mouvement de surprise lorsque la lumière entre ses mains s'intensifia, et dans le dos des deux frères apparut un portail circulaire qui étincelait de mille feux et attira tous les regards.
–Elle arrive, annonça Hestia.
. . . . . . . .
Madison n'était pas très rassurée à l'idée de devoir traverser cette sombre forêt, spécialement de nuit, mais elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait faire d'autre. Rejoindre cette colonne de lumière mystérieuse au-delà des montagnes lui semblait être la solution la plus sensée qui soit. L'unique chose dont elle était vraiment certaine, c'était qu'elle se dirigeait vers le Sud.
N'y voyant plus grand-chose à cause de l'obscurité plus qu'oppressante, elle décida de s'arrêter, ne voulant pas risquer de se perdre. Et ce froid… A peine le soleil s'était-il couché qu'un vent glacial avait soufflé pendant plus d'une heure, mais même après s'être calmé, les températures restaient assez basses.
Madison commença à dégager le sol couvert de feuilles mortes et de brindilles avant de creuser un trou, qu'elle entoura ensuite de pierres trouvées dans les environs. Elle n'avait pas envie d'accidentellement démarrer un feu de forêt qui deviendrait rapidement incontrôlable. Elle ramassa quelques branches mortes de sapin. Il n'y avait que ça autour d'elle mais ça l'arrangeait. Elle se servirait des branchettes comme de petit bois et du reste de combustible grâce à la condition résineuse de l'arbre. Ce qui la dérangea le plus au moment où elle alluma le feu fut toute la fumée qu'il dégageait, mais en dehors de ça, elle put un peu se réchauffer, et c'était le principal. La chaleur la gagna rapidement, si bien qu'elle se débarrassa de sa chemise en flanelle pour se retrouver en t-shirt et elle se servit du vêtement comme d'une assise.
Dormir n'était pas une option. Tout autour d'elle l'en dissuadait. Elle détestait cette ambiance lugubre et calme. De toutes façons, pour le moment, elle n'était pas si fatiguée que cela, alors autant rester éveillée pour réfléchir posément à ce qu'elle pourrait faire lorsque le jour se lèverait. Au moindre craquement, sa main se posait instinctivement sur sa dague. L'arme blanche était son seul moyen de défense face au danger, en dehors de la fuite, et elle lui faisait penser à Loki, qui la lui avait remise huit ans plus tôt. Ainsi, elle se sentait un peu moins isolée.
Le plus angoissant à ses yeux était très probablement qu'ne dehors du crépitement du foyer et des branches qui se brisaient au loin, elle n'entendait rien. Ces bois devaient pourtant renfermer une foule d'animaux nocturnes, mais ils n'émettaient pas le moindre son. Pas un seul hululement de chouette ou grognement de mammifère, mais l'impression d'être épiée ne la quittait pas et la mettait mal à l'aise. Elle sentait qu'elle n'était pas toute seule et qu'à tout moment, une créature inconnue pouvait surgir de nulle part pour l'attaquer.
Son ventre gargouilla. Elle était là depuis des heures et marchait depuis la fin de la matinée, mais sa faim était, jusqu'à présent, passée au second plan. Maintenant qu'elle s'était posée, sa faim se manifestait, lui rappelant qu'il allait bientôt falloir qu'elle mange quelque chose si elle ne voulait pas finir par tomber d'inanition. Etant trop préoccupée par le chemin qu'elle devait emprunter, elle n'avait pas songé un seul instant à la nourriture et elle s'en serait bien passée. Ce n'était qu'un problème de plus dont elle devait impérativement s'occuper.
Son regard capta un mouvement vif, mais discret au niveau du sol, sur sa droite. Ce n'était qu'un tout petit lézard qui sortait de dessous des feuilles et s'était arrêté à moins d'un mètre du cercle de pierres qui entourait le feu. Madison resta immobile et se surprit à sourire en le voyant. Ce n'était peut-être pas grand-chose, mais elle se sentait moins seule. La petite bête resta en place avant de retourner sous terre sans demander son reste. Voilà, il n'y avait plus personne, en dehors de la terrienne, qui ramena ses genoux contre elle et y appuya son front en fermant les yeux un moment.
Elle ne savait pas ce qui l'attendait, mais cela la terrifiait. Ses amis ne pouvaient pas lui venir en aide aussi rapidement qu'elle l'aurait souhaité, elle s'en doutait. Elle avait néanmoins la chance de savoir comment survivre en pleine nature et les mains vides. Juste une dague qui, pour l'instant, ne lui était pas d'une très grande utilité.
Une idée lui traversa alors l'esprit. Elle se décolla du sapin contre lequel elle s'était adossée et en examina brièvement le tronc. Elle extirpa la lame de son étui et l'approcha de l'arbre, puis hésita une seconde. Elle avait toujours détesté voir certains s'en prendre gratuitement à la nature, mais pour elle, il s'agissait de survie. Alors, après avoir effleuré l'écorce du bout des doigts, elle entreprit d'en découper un morceau et, par chance, il était gorgé de sève. Cela ne la calerait pas, mais c'était déjà mieux que rien.
Elle prit son temps pour savourer ce nectar en fixant le foyer qui se consumait tranquillement. Elle fut sur le point d'y rajouter une bûche lorsqu'un bruit sourd la fit sursauter. Elle en lâcha le bout d'écorce et se redressa, lorsqu'il y eut un second bruit similaire.
Madison n'aimait pas du tout cela, d'autant plus qu'elle ne pouvait rien voir dans cette pénombre. Puis il y eut comme des bruits de pas qui venaient dans sa direction, sans qu'elle parvienne pour autant à discerner une silhouette dans le noir. Puis, déchirant le calme qu'elle avait dût supporter durant ce début de soirée, un cri. Un rugissement. Un grâle qui lui glaça le san et en reculant d'un pas, son dos se retrouva plaqué au tronc du sapin.
D'un coup, le feu s'éteignit, la plongeant dans le noir total. Silence. Plus aucun pas. Le vent semblait avoir pris congé. Madison n'entendait plus que ses propres battements de cœur et sa respiration rapide et peu assurée. Elle sentait que son corps tout entier tremblait de peur. Depuis que ses pouvoirs s'étaient « endormis », elle avait régulièrement l'impression que la nature lui réservait toutes sortes de mauvais tours. Et cette obscurité ne lui disait rien qui vaille. Tout comme ce silence affligeant.
Elle essaya de se calmer. Elle ne devait surtout pas céder à la panique car elle en perdrait tous ses moyens. Elle avait besoin d'être capable de réagir lorsque surgirait le danger, quel qu'il soit. Et brusquement, elle put y voir comme en plein jour.
Tous les arbres autour d'elle s'embrasèrent simultanément dans un terrible grondement. Madison eut un mouvement de recul, sous le choc d'un tel phénomène, qui n'avait absolument rien de naturel. Une chaleur étouffante émanant des flammes dansantes envahit rapidement les lieux. Le vacarme était infernal : entre le bruit de l'incendie et ce qui s'apparentaient à des cris de détresse, Madison ne savait plus où donner de la tête. Ce chaos la dépassait.
Puis une voix lointaine se distingua des autres. Madison se retrouva tétanisée. Elle ne pouvait pas croire que c'était possible. Et pourtant… Une seconde voix se joignit à la première. Il y avait une jeune fille et un homme qui hurlaient à la mort, suppliant qu'on leur porte secours. La terrienne secoua la tête, persuadée que son imagination débordante lui jouait des tours. Elle ne mit pas longtemps à comprendre qu'elle n'hallucinait pas, que cela était bel et bien réel. Et, dans les flammes se dessina le visage tordu de douleur et de colère rancunière d'un disparu qui lui fut autrefois si cher.
Alex Summers. Son « amour de jeunesse », tuée dans l'explosion qui avait détruit le manoir de Charles Xavier quelques mois avant le décès de Jean. Un individu courageux qui n'hésitait jamais à se mettre en danger pour ses amis.
Et alors que Madison pensait avoir fait le deuil depuis longtemps, voilà qu'il revenait la hanter.
. . . . . . . .
Pepper soupira. Depuis la partie reculée du laboratoire, elle gardait un œil sur les enfants, qui s'amusaient avec FAME sans faire de bruit. La rouquine n'avait pas beaucoup dormi la veille, elle manquait cruellement de sommeil. Seulement, elle se faisait tellement de souci pour tout le monde, en ce moment, qu'elle n'osait pas fermer les yeux un seul instant, de peur qu'il arrive quelque chose à ses proches. Elle avait peur d'être en train de dormir au moment où quelqu'un aurait besoin d'elle, car elle se reprocherait de ne pas avoir été présente.
Elle était installée dans un siège de bureau sur roulettes et avait les jambes croisées. Une ou deux minutes de repos ne lui feraient certainement pas de mal, mais il s'agissait d'un risque qu'elle ne voulait pas prendre. Et sur sa gauche, il y avait cette capsule. Elle avait été placée à la verticale. Pepper l'observa un court instant, puis elle détourna le regard. C'était encore dur de se dire qu'à l'intérieur se trouvait l'unique chance qu'elle ait d'un jour revoir son défunt mari, qu'elle affectionnait tant.
–Nous y voilà… Encore une fois, lâcha-t-elle d'un soupir las. D'autres rivaux, d'autres problèmes… Et puis Madison, qui se retrouve plongée dans les ennuis… J'espère que tu ne m'en veux pas de ne pas toujours réussir à m'assurer qu'elle évite le danger, dit-elle en reposant les yeux sur la capsule. J'aimerais tellement que tu sois là…
Elle bascula la tête vers l'arrière en fermant momentanément les yeux. Ce qu'elle voulait plus que tout, c'était qu'il revienne, qu'il la prenne dans les bras en lui disant encore qu'il l'aimait, qu'il ait l'occasion de voir sa fille –et son neveu– de grandir, qu'il ait la chance de découvrir comment s'en sortait sa petite sœur. Elle avait juste envie que tout redevienne comme avant. Elle n'avait pas parlé à Morgan des travaux de sa tante, elle ne voulait pas lui donner de faux espoirs. Elle savait qu'Arthur était au courant, mais elle comprenait que sa belle-sœur ait choisi de le lui dire.
Elle rouvrit les yeux lorsqu'elle entendit un drôle de grésillement d'origine inconnue. Elle en chercha l'origine, en vain. Elle ne savait pas d'où cela provenait, jusqu'à ce qu'un tuyau émette un claquement sec en se détachant de ce à quoi il était relié. Pepper se mit debout d'un bond, les cinq sens en alerte. Une fumée froide envahi alors le ras du sol et il y eut d'étranges vibrations dans l'air. Peut-être de la magie, songea Pepper en fronçant les sourcils.
–Maman ? l'appela Morgan en la rejoignant.
–Recule, ma chérie, lui intima-t-elle en l'attrapant délicatement par la main, et elles reculèrent ensemble. Restez-la, n'avancez pas, d'accord ? dit-elle ensuite aux deux enfants lorsqu'Arthur les rejoignit à son tour, avant de s'accrocher à sa jambe, tandis que la fumée quittait la succursale pour s'engouffrer dans l'espace plus dégagé où ils se situaient tous les trois. N'avancez pas… répéta-t-elle, un ton plus bas.
–C'est quoi, maman ? l'interrogea la petite fille en serrant très fort sa main, apeurée. C'est la méchante dame de tout à l'heure ? voulut-elle savoir en se cachant derrière sa mère.
–Allez dans les escaliers et restez-y jusqu'à ce que j'arrive, leur dit-elle alors Arthur se saisit de la main de sa cousine et l'entraina sans plus tarder en dehors de la pièce, laissant la rouquine seule dans le laboratoire.
Pepper ne s'en faisait pas trop, car dans l'hypothèse où on l'attaquerait, elle avait de quoi se défendre : armes, robots, tenues de combat en suffisance… Mais s'il s'agissait de Mériana, elle savait que celle-ci n'aurait besoin que d'un claquement de doigts pour tout réduire en cendres si l'envie lui en prenait. Le plus inquiétant aux yeux de Pepper était que la Déesse pouvait, à tout moment, faire du mal à ceux qu'elle aimait.
Elle fut néanmoins un peu rassurée lorsqu'elle entendit la porte claquer derrière elle, lui indiquant que les enfants l'avaient écoutée, mais la sensation de froid gagna entièrement son organisme, ce qui la fit frissonner. Comme si FAME pouvait sentir sa détresse, il bourdonna en voletant près d'elle et, sur sa gauche, la vitrine contenant l'Iron Rescue s'ouvrit. Pepper tendit le bras et l'un des phaseurs se détacha du reste de l'armure pour la rejoindre en s'enroulant autour de son avant-bras. Pepper arma manuellement le mécanisme de tir et s'apprêta à faire feu si jamais quelqu'un arrivait.
Elle sursauta lorsqu'une main s'agrippa à l'encadrement de la porte qui menait à a succursale.
. . . . . . . .
Madison était à bout de souffle. Elle avait attrapé sa chemise qui trainait à terre et s'était enfuie. Il avait fallu qu'elle commence à courir lorsque les flammes s'étaient montrées beaucoup plus menaçantes envers elle. Au moins, elle y voyait suffisamment clair pour éviter de se prendre les pieds dans des racines ou bien se cogner contre un arbre. Evidemment, dans sa course effrénée, elle ne pouvait pas éviter toutes les branches et épines à sa hauteur qui lui éraflaient les bras, mais c'était le cadet de ses soucis. Elle n'avait qu'un seul objectif : fuir le danger le plus important, qui la suivait de très près. Trop près. Elle sentait la chaleur des flammes grandissantes et pourtant, elle frissonnait.
Il y eu un nouveau cri rauque, qui n'était pas d'origine humaine selon Madison. C'était forcément un animal, elle ne voyait aucune autre option. Elle parvint tout de même à distancer ce furieux brasier et une fois que la luminosité fut suffisamment basse pour lui faire comprendre que ce phénomène l'avait, pour le moment, perdue de vue, elle s'arrêta un instant afin de reprendre son souffle en s'appuyant dos à un sapin. Elle avait de plus en plus froid et brusquement, le silence se fit. Elle en profita pour nouer sa chemise autour de sa taille en faisant un nœud avec les maches afin d'avoir les mains libres, mais elle eut à peine le temps de comprendre qu'il s'agissait du calme avant la tempête que les flammes réapparurent, plus violentes, plus impressionnantes que la première fois.
Madison mit ses avant-bras devant elle par réflex afin de se protéger et cette fois, une douleur cuisante la mordit. De l'épaule au coude gauche, sa peau avait été brûlée. Elle dut néanmoins faire abstraction de cette sensation plus que désagréable pour se remettre aussi vite que possible, aussi rapidement que le lui permettaient ses jambes engourdies. Elle ne devait surtout pas s'arrêter, ni craquer, elle n'allait pas baisser les bras. Elle avait bien l'intention de rentrer chez elle, vers sa famille, mais les éléments qui l'entouraient ne jouaient pas du tout en sa faveur.
Plus elle courait, plus l'incendie progressait, plus elle avait peur pour sa vie. Elle n'avait pas le temps de réfléchir ou de s'attarder sur la souffrance qui la tiraillait et cette brusque fatigue qui pointait le bout de son nez. Elle ignorait combien de temps elle allait encore pouvoir tenir, elle allait très bientôt être essoufflée, autant par le long chemin déjà parcouru que par la fumée omniprésente qui s'épaississait et devenait étouffante.
Elle crut tout d'abord à un mirage lorsqu'elle discerna, une trentaine de mètres derrière les arbres, une surface réfléchissante, brillant sous le clair de lune. Un point d'eau. Sans réfléchir, elle continua tout droit sans regarder derrière elle. Elle savait bien que ce feu maudit la suivait et ne la lâcherait pas avant de l'avoir carbonisée. Seulement, il était hors de question qu'elle s'avoue vaincue. Alors elle sprinta sur le peu de distance qu'il lui restait et se retrouva devant un immense lac, derrière lequel s'étendait une immense plaine. Une fois arrivée au bord, elle réfléchit une seconde et plongea.
Sur la terre ferme, les flammes continuaient à dévorer sols et plantes, détruisant tout sur leur passage. Quand Madison sortit la tête de l'eau et ramena ses cheveux vers l'arrière pour se dégager le visage, elle put constater avec soulagement que l'incendie ne progressait pas plus loin que le bord du lac. Madison fit quand même quelques mouvements de bras pour reculer un peu, ne voulant pas prendre de risque. L'eau était glacée, il fallait qu'elle reste en mouvement pour ne pas finir gelée, et après très peu de temps, il se mit à pleuvoir, et l'incendie se calma subitement, pour finir par totalement s'éteindre en moins d'une minute. A ce stade-là, plus rien ne pouvait surprendre la terrienne.
–Monde de merde, jura-t-elle pour extérioriser son ressenti.
Elle nagea jusqu'à la terre ferme et se hissa difficilement sur le bord. Maintenant que tout était redevenu clame, la douleur se faisait bien plus présente sur toute la partie supérieure de son bras gauche. Madison laissa toute la pression retomber d'un coup et s'effondra, allongée dans l'herbe noircie, les yeux rivés vers le ciel sombre, se sentant désormais exténuée. Une main sur le ventre, elle tâcha de contrôler sa respiration. La simple vue des étoiles l'apaisa et ses inspirations s'espacèrent un peu. Son autre main essuya brièvement son front crispé. Elle ne faisait plus la différence entre la fraicheur de ses doigts métalliques et le froid polaire qui l'habitait depuis qu'elle avait sauté dans l'eau.
Elle se redressa tout de même avec un grognement à peine voilé pour se mettre assise et elle prit le temps d'examiner les alentours, vérifiant qu'elle ne risquait plus rien. Du moins, pour le moment. Elle sentait la pluie dégouliner le long de son dos. Elle observa ensuite sa brûlure, qui lui faisait sacrément mal. Evidemment, elle n'avait pas de crème spéciale ou de médicament miracle à portée de main, mais les éléments naturels autour d'elle lui suffisaient pour l'instant.
Elle se déplaça sur ses genoux jusqu'au bord du lac et y plongea sa main droite pendant quelques secondes. Elle la ressortit, refermée sur une poignée de terre imbibée et argileuse. Elle en récupéra davantage et s'en prépara un petit tas sur le côté et, une fois qu'elle estima en avoir suffisamment à sa portée, elle s'installa en tailleur et prit une profonde inspiration avant de commencer à appliquer une première couche d'argile que la base de la brûlure, ce qui la fit grimacer.
L'argile avait différentes propriétés, comme éviter les cloques et inflammations, désinfecter et aussi réfecter les tissus abîmés. Ce n'était ni une brûlure légère, ni grave. Plutôt une sorte d'entre deux qui ne l'inquiétait pas trop pour le moment. Madison s'attarda sur cette blessure, puis sur la trace de main qu'elle avait sur l'avant-bras droit depuis des années et dont elle ignorait toujours les origines. Décidément, elle était arrangée et avait le chic pour, presque à chaque fois, être blessée à l'issue de ses actes parfois irréfléchis. Sauf qu'aujourd'hui, elle n'avait pas eu besoin de chercher les ennuis pour en avoir.
Une fois cette tâche pénible achevée, elle se rendit compte qu'elle avait de plus en plus faim. La douleur qu'elle éprouvait l'empêchait cependant de trop y songer. Elle bascula la tête vers l'arrière en fermant les yeux, profitant simplement de la pluie qui tombait. Elle avait mal, faim, peur et était en manque de sommeil. Mais au moins, elle était encore en vie, ce qui n'était déjà pas mal. Elle aurait très bien pu ne pas courir assez vite, mais quelque chose lui disait que ce n'était pas par chance qu'elle avait survécu. Mériana savait qu'en l'envoyant ici, elle en verrait de toutes les couleurs. Ce feu et la vision d'Alex n'étaient que le début des complications.
. . . . . . . .
–J'hésite. Lequel des deux suis-je censée frapper le premier ?
A son arrivée, Freya s'était d'abord figée en voyant Freyr et Hestia, et il avait fallu que Natasha la retienne pour l'empêcher de s'en prendre à eux avec son arc et ses flèches ensorcelées. Ils avaient ensuite résumé la situation à la Vane, qui s'était, tout du long, montrée excessivement silencieuse. C'en avait été presque effrayant, selon Thor. Mais au fur et à mesure, la colère de la femme s'était transformée en une certaine peine.
–Depuis seize ans, reprit-elle, vous m'avez délibérément laissé croire que vous étiez mes ennemis. Avez-vous la moindre idée du calvaire que ç'a été pour moi, jour après jour, de supporter les regards accusateurs de ceux et celles qui croyaient dur comme faire que vous aviez trahi non pas seulement notre famille, mais tout l'Yggdrasil ? De l'horreur que c'était de me faire constamment juger parce que j'étais l'une des rares personnes à constamment clamer votre innocence ? Même quand on me prenait pour une folle, je restais persuadée que vous n'aviez rien fait ! tonna-t-elle férocement.
–Quoi… ? souffla Freyr, croyant avoir mal compris. Tu… Tu savais que nous n'avions rien fait… ?
–Tu es mon frère, espèce d'imbécile ! Bien sûr que je savais que tu n'aurais jamais été capable de faire du mal à qui que ce soit ! Je te rappelle que durant toute ton enfance, tu avais peur des chenilles, alors non, tu n'étais pas le type de personne à t'en prendre à un proche ! lâcha-t-elle, et son jumeau baissa lentement les yeux. Alors deux choses : premièrement, la prochaine fois que tu as une idée comme ça, vient D'ABORD en discuter avec ta sœur, qui adorerait être mise au courant de tes magouilles ! Et deuxièmement… En fait, contente-toi de ne plus jamais faire ça, parce que tu m'as beaucoup trop manqué ! s'énerva-t-elle avant de marcher d'un pas décidé vers lui pour le prendre dans ses bras.
Au début, Freyr fut bien trop perturbé pour réagir. Il n'avait pas vu sa sœur depuis des années et sans avoir eu besoin de lui dire quoi que ce soit, elle le serrait volontiers contre elle, comme s'ils n'avaient jamais été séparés.
Hestia s'approcha, un peu hésitante et quand Freya la vit, elle fit signe à sa mère de venir prendre part à leur étreinte. Elle ne se fit pas prier et enlaça ses deux enfants, plus que ravie qu'ils soient enfin réunis.
–En plus, leur confia Freya, j'ai toujours eu un peu peur de grand-mère…
Son jumeau dans l'incapacité de retenir un petit rire avant d'affirmer que c'était aussi son cas. Lorsqu'ils se lâchèrent, Hestia s'excusa auprès de sa fille pour tout le mal que leur emprisonnement avait causé à la famille, tout en précisant qu'elle aurait aimé être capable de défier Mériana à l'époque, mais la blonde lui assura qu'elle ne lui en voulait pas et qu'au contraire, elle était fière du sacrifice qu'ils avaient fait pour sauvegarder leur honneur.
–C'est moi qui suis fière de toi, Freya. Fière de celle que tu es, que tu as toujours été. Tu n'as jamais laissé qui que ce soit te marcher sur les pieds et tu as prouvé qu'à toi seule, tu étais capable de ce qu'un millier d'homme ne saurait accomplir, lui dit Hestia en posant sa paume sur sa joue.
–C'est trop mignon, affirma Natasha, ce qui attira leur attention. Par contre, on a toujours quelqu'un à récupérer dans les Limbes.
–Les QUOI ? s'écria Freya. Les… Ah non, il ne faut surtout PAS plaisanter avec ça, l'avertit-elle, contrariée. Je n'ai pas envie de risquer de me faire déchiqueter, démembrée, dévorée par je ne sais quelle créature avide de sang ou finir par rentrer à moitié folle à cause de tout ce qui s'y trouve.
–C'est pour Madison, jugea bon de préciser Bucky.
–…
–…
–Quand est-ce qu'on part ?
Cela les ravissait de savoir que leur alliée et amie de longue date accepte sans trop discuter de les suivre dans cette périlleuse expédition.
–Dès que nous aurons rassemblé l'aide nécessaire, lui répondit l'asgardien. En plus d'avoir besoin du soutien de certaines personnes, il semblerait que nous ayons tous un passé commun à redécouvrir ensemble. C'est pourquoi nous allons convoquer les six autres ambassadeurs.
–… J'en connais à qui ça ne va pas forcément plaire… souffla Freya. Surtout si vous n'avez pas jugé utile de les prévenir avant de les téléporter de chez eux jusqu'ici… Et ça voulait dire quoi, un « passé commun » ?
–Ça veut dire que les derniers rêves que tu as faits n'en étaient pas, abrégea Natasha. Bon, on s'y met ?
