Inner flame of memories-Brann's Theme


Mériana patientait, tranquillement assise contre un rocher, à l'endroit précis où elle savait que sa fille, ses petits-enfants et leurs alliés débarqueraient dans les Limbes. C'était davantage son territoire que le leur, elle savait que même sans renforts, elle avait toutes les chances de s'en sortir sans une seule égratignure. Bien entendu, elle préférait ne pas tenter le diable et n'était pas seule. A ses pieds, sur un sol charbonneux noir de jais glissait excessivement lentement un mamba noir géant, qui vient s'enrouler autour des chevilles de sa propriétaire en sifflant. Ses grands yeux vert émeraude scintillaient dans l'obscurité. Le regard perdu au loin, Mériana laissa sa main tomber dans le vide et caressa délicatement le sommet du crâne de l'animal, qui siffla de plus belle.

Si la déesse s'était retrouvée enfermée dans la même pièce que Ted Bundy, Jeffrey Dahmer et le tueur du Zodiaque, ces derniers auraient probablement supplié qu'on les sorte de là. Elle était en proie à une psychose qui la détruisait de l'intérieur à petit feu sans qu'elle en soit réellement consciente. La simple pensée d'être capable de réduire en cendres la planète Terre une fois qu'elle l'aurait débarrassée de ses meilleurs défenseurs la réjouissait au plus haut point. Elle n'avait jamais eu de remords après ses actes abjects. Elle avait menti, trompé, manipulé et tué plus de personnes qu'elle ne pouvait compter et en était particulièrement fière. Elle aimait être crainte. Elle aimait qu'on lui obéisse et était véritablement prête à tout pour arriver à ses fins. Y compris se jouer de sa propre famille.

Elle avait fini par devenir exactement comme son défunt mari, dont la mort l'avait grandement soulagée. Elle avait trop longtemps vécu sous son joug. A force de le côtoyer, elle était désormais une copie parfaite du monstre qu'il était. Seul son profit comptait, peu lui importait les répercussions. Elle était extrêmement déçue de sa famille, qui ne voyait pas les hoses de la même manière qu'elle. Elle rêvait de pouvoir, eux de prospérité. Elle avait au moins espéré que son fils aîné la comprendrait, mais elle avait réalisé qu'elle ne pouvait pas placer ses espoirs en lui lorsqu'elle avait compris combien l'assassinat de sa plus jeune sœur l'avait affecté. Assassinat dont elle était à l'origine. Cette dernière enfant, elle ne l'avait jamais vraiment voulue. Elle ne l'avait pas élevée, elle l'avait laissée loin de son foyer et avait espéré ne plus avoir à entendre parler d'elle. Comment aurait-elle pu se douter que ses autres enfants continueraient à lui adresser secrètement la parole et la protégeraient à distance ?

Leur comportement ne lui plaisait pas du tout. C'était pourquoi elle avait mis des années à reprendre peu à peu les choses en main pour mieux pouvoirs s'emparer de ce qu'elle estimait lui être dû. Tout cela avait trop duré, elle avait hâte d'en finir. Aujourd'hui, soit elle atteindrait enfin son objectif, soit elle se laisserait consumer par cette puissance qu'elle cherchait à atteindre. Cela serait l'un ou l'autre, elle refusait qu'il y ait un entre-deux. Si, par le plus grand des miracles, ses ennemis parvenaient à la stopper, elle ne voulait pas terminer derrière les barreaux pour le restant de sa longue et pénible vie. Cela serait pire que la mort. Elle préférait s'en aller avec un semblant de dignité plutôt que de croupir en cellule, privée de ses rêves et pouvoirs.

Lorsque le serpent siffla à nouveau, elle le regarda. Elle savait que ceux qu'elle avait offensé n'allaient pas tarder. Devant elle s'étendait une plaine rocheuse où étaient alignées des rangées de soldats des ombres casqués, prêts à la servir. Armures noires, épées et boulier avec pour seul but de tuer quiconque e dresserait sur leur passage… Mériana ne s'en faisait pas tant que cela. Elle était réellement impatiente de voir comment ces Ambassadeurs, qui avaient marqué un tournant dans l'histoire de l'Yggdrasil, se débrouilleraient face à une telle armée. Ses hommes de main étaient programmés pour ne pas faillir sous les coups et ne pas réfléchir avant d'éliminer leurs adversaires. Ils seraient sans pitié. Comme elle. Ils n'étaient qu'un pâle reflet de celle qu'elle était, telle qu'elle voulait qu'on la voie. Elle voulait et aimait être crainte, cela la faisait vibrer plus que tout.

Elle n'avait plus qu'à attendre.

. . . . . . . .

Si elle en avait eu la possibilité, Madison se serait volontiers enfoncée dans le sol afin de disparaitre. Elle n'était clairement d'humeur à se disputer avec une version alternative et violente d'Alex. Toujours à terre, elle osait à peine cligner des yeux. D'une part, elle avait eu peu peur qu'il l'attaque, mai d'un autre côté, elle n'avait pas envie qu'il disparaisse. Elle n'avait pas pensé le revoir un jour, mais maintenant qu'il était là, avoir qu'il finirait par se volatiliser une énième fois lui faisait un pincement au cœur.

Seulement, l'homme qui lui faisait actuellement face n'avait rien à voir avec celui qu'elle avait côtoyé à l'époque. Il donnait surtout l'impression de vouloir en finir avec elle. Son visage était partiellement brûlé, ses yeux étaient -littéralement- noirs. Il ressemblait à un démon en furie prêt à tout incendier sur un rayon de dix kilomètres. De son vivant, grâce à ses pouvoirs de combustion, il en aurait parfaitement été capable. Restait à savoir si c'était toujours le cas.

–Si je ne te connaissais pas, s'exprima-t-il enfin, je serais tenté d'affirmer que tu as peur… Est-ce moi qui t'effraie autant, Em ? dit-il d'un ton doucereux.

–Tu n'es pas réel, répondit Madison. Du moins, cette version de toi ne l'est pas… Tu ne me feras pas de mal, affirma-t-elle surtout pour essayer de s'en convaincre.

–Qu'est-ce que tu en sais !? tonna férocement le mutant, et les flammes qui les entouraient s'agrandirent brusquement. Tu m'as laissé risquer ma vie, tu n'as pas stoppé l'explosion et tu as privé Scott de son grand frère, son seul repère ! s'écria-t-il en faisant un pas vers elle, et le problème de la brune était qu'elle ne pouvait pas reculer, ou elle se serait brûlée. Je te faisais confiance ! s'exclama-t-il, une grande souffrance dans la voix. Nous nous étions jurés de toujours veiller l'un sur l'autre et au lieu de ça, tu as laissé Apocalypse enlever Charles ! Lui aussi a failli mourir à cause de toi ! lui reprocha-t-il méchamment.

–J'ai tué Apocalypse… souffla Madison. Nous t'avons vengé en l'éliminant et… Attends, tu… Tu m'en veux, tu es en colère contre moi ? réalisa-t-elle.

–Tu n'as pas idée, cracha-t-il.

Tout s'imbriqua dans l'esprit de la femme. Elle comprit quelque chose qui aurait dû lui paraitre plus évident bien plus tôt, mais mieux valait tard que jamais.

–En es-tu certain… ? reprit-elle. Ou… Est-ce de MA colère dont nous parlons, celle qui me hante depuis que je n'ai pas pu te sauver ? poursuivit-elle en se redressant lentement. Tu sais comme moi que je ne pouvais rien faire pour empêcher cela, et je ne compte plus le nombre de nuits que j'ai passées à cauchemarder en te revoyant mourir. Mais... Je n'étais pas responsable, souffla-t-elle calmement, comprenant enfin que ce n'était pas de sa faute. Je me suis occupée comme j'ai pu de Scott jusqu'à ce qu'il soit capable de voler de ses propres ailes, et ce dès que je ne bossais pas, tout comme je veillais également sur tous les autres jeunes mutants dont j'étais responsables, comme Jean, Ororo, Kurt ou les Maximoff. J'ai défendu de nombreuses causes, souvent en ton nom, à commencer par celle de la communauté mutante, que le monde entier rejetait, mais regarde où nous en sommes aujourd'hui : nous avons enfin réussi à nous intégrer, même le Président, qui est un des nôtres, est bien vu et respecté de tous !

–Et cette colère ? répliqua Alex.

–Elle était davantage dirigée vers moi-même que vers Apocalypse comme ça aurait normalement dû être le cas. Il n'y a qu'à moi-même que j'en voulais réellement. Pendant des années, c'est cette rage qui m'a animée et qui m'a fait faire de choses qui dépassaient l'imaginable. Qui me terrifiaient, aussi. J'ai fait mon maximum, ce jour-là, déclara-t-elle, une boule dans la gorge. Puis j'ai changé le cours de l'Histoire. Plusieurs fois, précisa-t-elle. Si j'en avais eu les moyens à l'époque, je n'aurais pas hésité une seule seconde à faire un saut temporel rien que pour toi, tout comme je l'ai fait avec Tasha et Loki. Maintenant, dit-elle très calmement, je veux que tu me regardes droit dans les yeux et que tu me reparles de cette colère. Est-ce la tienne, ou la mienne ?

Pendant un instant, rien ne se produisit, le temps s'était comme suspendu. Les flammes continuaient de danser autour d'eux. Alex la regardait toujours avec un drôle de mélange de haine et d'incompréhension, il n'avait pas l'air de s'être attendu à ce que Madison réplique de la sorte : sans violence, simplement en se servant de mots justes, choisis avec précaution et débités avec une assurance qui lui était propre. D'un point de vue extérieur, on aurait presque pu croire qu'ils étaient sur le point d'engager le combat.

–J'avais le droit d'être en colère, ajouta-t-elle sans ciller.

Dès lors, les expressions de l'homme changèrent doucement. Son visage commença à se détendre, son regard s'adoucit, ses yeux reprirent une couleur plus claire. Peu à peu, il redevenait son Alex et, enfin, il lui sourit sincèrement cette fois-ci.

–Onze ans et mon regard irrésistible te fait toujours tourner la tête, plaisanta-t-il.

–Ça suffit, oui, le réprimanda-t-elle, amusée. Je savais que je ne risquais rien avec toi, tu tiens trop à moi, affirma-t-elle, sûre d'elle, ce qui le fit rire. Et toi, tu sais que j'ai raison, enchaina—t-elle en lui donnant une tape sur l'épaule. Tu m'en auras causé, des problèmes, soupira-t-elle.

–J'adore égayer tes journées, se justifia l'homme en passant sa main dans sa tignasse blonde. Tu as beaucoup changé, commenta-t-il ensuite. En bien, s'empressa-t-il d'ajouter. On dirait bien que finalement, tu as réussi à trouver ta place. J'aurais aimé pouvoir faire partie de ton monde, confessa-t-il, la tête légèrement baissée.

–Tu en feras toujours partie, le rassura-t-elle.

–Merci de t'être occupée de Scotty. Il a toujours eu énormément de respect pour toi, révéla-t-il avec plus d'énergie, avant de totalement changer de sujet. Alooors… Toi et l'asgardien… ?

–Jaloux ? voulut savoir Madison, sachant déjà que ce n'était pas du tout le cas.

Le sourire chaleureux d'Alex voulait tout dire. Bien sûr qu'il n'était absolument pas jaloux de la relation qu'elle avait avec le dieu du tonnerre. Au contraire, il était heureux qu'elle ait trouvé la bonne personne avec qui partager sa vie. Il savait que Thor était la personne idéale pour la terrienne.

–C'est un type bien, dit-il simplement en haussant les épaules.

–Je sais, répondit Madison en lui rendant son sourire, n'en pensant pas moins. Vous vous seriez très bien entendus. Vous avez beaucoup de points communs.

–A commencer par notre point de vue similaire concernant une certaine personne… ? devina-t-il. Continuez à garder un œil l'un sur l'autre, lui pria-t-il en attrapant délicatement sa main. Vous méritez d'être heureux, et surtout, tranquilles. J'ai comme l'impression qu'à partir du moment où quelqu'un a des pouvoirs, sa vie devient quand même vachement plus compliquée. Mais aussi plus passionnante. Tu seras prudente ?

–Bien sûr que non, s'offusqua-t-elle presque.

–Bien.

Après cela, il la prit dans ses bras. A l'origine, les X-men étaient des têtes brûlées, de vrais casse-cous. Avec le temps, certains s'étaient calmés tandis que les autres étaient restés fidèles à eux-mêmes en vivant des frissons procurés par les situations dangereuses auxquelles ils étaient confrontés. S'il avait survécu, Alex serait probablement resté le même, lui aussi. Pouvoir vivre au grand jour sur une planète qui l'accepterait tel qu'il était ? Ça aurait été son rêve. Savoir que cela aurait pu arriver lui suffisait car ses amis, eux, n'avait plus à craindre quoi que ce soit et se cacher du reste du monde.

Cette fois-ci, ils savaient. Ils ne se reverraient plus. Il s'agissait de leur dernière conversation, leur dernier échange de regard, leur dernière étreinte, leur ultime chance de se dire au revoir. Ils s'étaient rencontrés à l'adolescence et avaient évolué ensemble, en soutenant toujours l'autres dans ses actes et choix. Ils avaient été pour chacun une source d'inspiration et mettaient un point d'honneur à s'encourager mutuellement sans se soucier de ce que l'on dirait d'eux. Ils comptaient l'un sur l'autres et c'était tout. Collègues, amis, partenaires, confidents. Et même dans la mort, ils restaient soudés.

Madison profita autant qu'elle le put de leur étreinte. La séparation, aussi difficile s'annonçait elle, demeurait inévitable. Nécessaire, même, si elle voulait continuer à avancer. Elle s'en sentait capable. Elle atteindrait les objectifs qu'elle s'était fixés pour tous eux qu'elle avait perdu en chemin. Elle les rendrait fiers en ne baissant jamais les bras, car chacune de ces personnes s'était battue pour qu'elle en arrive là. Aussi loin. Elle avait décidé de leur faire honneur, quoi qu'il arrive. Elle comprenait enfin que celle qu'elle avait le plus déçue était elle-même à cause de cette pression qu'elle s'était mise.

Lorsqu'ils se séparèrent, Madison constata qu'Alex souriant toujours, mais un peu plus tristement.

–Sois sage, la mit-il en garde en la salua une dernière fois.

Elle acquiesça et, de la même manière qu'il lui était apparu, il disparut, comme ça. L'effet de solitude la frappa de plein fouet, mais elle n'eut pas le temps de se permettre d'être mélancolique, car les flammes l'encerclaient toujours. Simplement, au fil de sa discussion avec Alex, elle avait fini par les oublier. Le crépitement du feu était un son qu'elle appréciait énormément, en dépit de la dangerosité du brasier. Etrangement, ce fut comme lorsqu'elle se trouvait en présence de Nerri : elle n'avait pas tant peur que cela. Entendant un grondement derrière elle, elle se tourna très lentement et fit à nouveau face à l'imposant renne à l'aspect méfiant et brutal, qui la toisait de ses yeux lumineux. Sans crainte, Madison fit un pas vers l'avant et attendit en guettant la réaction de l'animal, qui ne broncha pas. On aurait dit qu'il se contentait d'attendre. Alors elle fit un autre pas, jusqu'à ce que les flammes l'empêchent d'aller plus loin.

Il devait rester moins d'un mètre entre eux. La chaleur du feu réchauffait la terrienne, qui pencha la tête sur le côté en examinant l'animal sauvage, qui tapait toujours le sol de ses « pinces » en soufflant bruyamment. Malgré la température ambiante, l'humaine frissonna. D'abord sans trop comprendre ce qui la poussait à faire ce geste, elle, le va lentement sa main métallique vers le renne, étant prête à la faire passer au travers des flammes, qui s'écartèrent d'elles-mêmes, suffisamment pour que son avant-bras ne soit pas brûlé. Ce ne fut que lorsque sa paume entra en contact avec le front de l'animal que l'intégralité de l'incendie s'évapora, ne laissant derrière lui qu'une trainée de fumée. Le regard de l'animal étincela de plus belle et, de la même manière que cela s'était produit avec Nerri, Madison se sentit traversée par un sentiment nouveau qui, d'une certaine manière ne l'était pas tellement. Elle se rappelait avoir déjà éprouvé cela, mais c'était comme si cela datait d'une autre vie, dont elle commençait seulement à récupérer quelques souvenirs.

Le renne n'était pas un animal que l'on pouvait approcher sans danger, ce dernier pouvait se montrer très agressif, en particulier lorsqu'on se trouvait sur son territoire. Madison connaissait très bien la forêt, elle savait donc que de manière générale, il valait mieux garder ses distances. Pourtant, avec celui-ci, elle n'avait aucune envie de s'en aller et n'avait pas le sentiment de risquer quoi que ce soit. Maintenant qu'elle avait accepté sa colère, tout lui semblait différent, plus clair. A chaque étape qu'elle franchissait, cela devenait plus simple d'avancer dans ce monde inconnu. Quelques images lui revinrent en mémoire. Elle aperçut des terres verdoyantes à perte de vue, où s'agglutinaient bon nombre de soldats en armure qui lui rappelèrent l'allure des Elfes clairs d'Alfheim. Elle-même était présente. Elle combattait aux côtés d'Elrion, de Thor, de Loki et d'autres visages familiers, dont elle se souvint ensuite comme étant ceux des autres ambassadeurs rencontrés huit ans plus tôt sur Arcturus IV.

Le renne était là, lui aussi. Il veillait sur elle, se dressant fièrement à ses côtés, la défendant des attaques ennemies susceptibles de lui nuire. Pourquoi avait-il fallu que tous ces alliés disparaissent de sa mémoire ? Plus ces souvenir refaisaient surface, plus cela l'intriguait de savoir ce qui leur était arrivé à l'époque. Enfin, un nom résonna dans son esprit le sien. Celui de l'animal qui la regardait désormais avec patience et équilibre. La lueur dans ses yeux s'atténua doucement et son apparence se « normalisa ». Madison lui sourit, laissa sa main posée délicatement sur son front.

–Toujours aussi impétueux, Brann ?

Il laissa échapper un bramement comme pour approuver et ferma les yeux un court instant. Pour la première fois depuis qu'elle était arrivée en ces lieux, Madison entendit des oiseaux gazouiller, ce qui la rassura. Quelque part, ce monde n'était pas si différent du sien. En dehors, évidemment, des éléments qui cherchaient à la tuer. Quoique, maintenant qu'elle y pensait, le nombre d'individus, créatures ou robots qui avaient voulu sa mort étaient nombreux, sur Terre. Non, la seule vraie différence était qu'elle était la seule humaine à des kilomètres à la ronde. En dehors de ça, elle se rendait peu à peu compte que cet endroit, où Mériana l'avait envoyée pour qu'elle y meurt, était probablement le meilleur emplacement qui soit pour qu'elle se retrouve.

–Ça va, mon beau ? lui demanda-t-elle en s'approchant davantage. J'ai l'impression que tu as grandi, ajouta-t-elle avec douceur. Tu es en formes, dis donc… constata-t-elle avec un certain soulagement.

La terre sèche sous leurs pieds avait noirci à cause du feu. Un vent frais se leva, et Brann tourna la tête en direction des montagnes. Madison comprit rapidement qu'il devait fixer la colonne de lumière derrière celles-ci. Il resta un moment concentré sur ce point au loin avant de reporter toute son attention sur la terrienne.

–Par le plus grand des hasards, tu ne saurais pas où je pourrais trouver une jeep ? Ou n'importe quel autre véhicule pour me rendre là-bas ? l'interrogea-t-elle.

Brann se contenta de lui tourner le dos avant de la regarder du coin de l'œil en patientant sagement.

–Oh, ok… Je vois, comprit-elle rapidement.

Il ne lui fallut que trois secondes pour grimper sur son dos et bien s'accrocher afin de ne pas tomber. Elle n'était pas à l'aise à cent pourcents, mais elle restait confiante. Ni une ni deux, l'animal se mit en route en courant à travers la plaine. Madison ignorait ce qui l'attendait dans les montagnes, mais en attendant, elle était en excellente compagnie et ne risquait rien. Elle sentait qu'elle arrivait peu à peu au bout de son périple, même si elle savait qu'il lui restait encore quelques obstacles à franchir.

. . . . . . . .

–Comment ça, nous avons eu droit à un lavage de cerveau !? s'emporta Areon en serrant les poings, détestant que l'on se joue de lui, surplombant Hestia de ses deux mètres cinquante de musculature et flammes, l'air menaçant. De quel droit vous êtes-vous permise d'effacer NOS souvenirs ? poursuivit-il en se désignant, puis en lui montrant ses acolytes.

–C'est extrêmement pénible pour moi d'admettre que je suis de son avis, enchaina l'Ambassadeur de Niflheim, contrarié.

–Est-ce que l'un d'entre vous a seulement pris la peine de m'écouter jusqu'au bout ? s'impatienta la déesse en levant les yeux au ciel. C'était beaucoup trop dangereux, aucun de vous n'était prêt à prendre part à un conflit d'une aussi grande envergure à l'époque, même moi, ça me dépassait ! Il était impératif que vous preniez le temps de développer vos capacités de votre côté pour mieux vous retrouver aujourd'hui ! Nous nous étions mis d'accord avec le regretté roi Odin pour que chacun d'entre vous soit sélectionné par Lenrad pour représenter vos Royaumes il y a huit ans, soupira-t-elle, las de devoir se répéter.

–Et moi qui était persuadé d'avoir été choisi pour mes beaux yeux, marmonna sarcastiquement Wargrith en passant ses doigts fins dans ses longs cheveux blancs. C'est étrange, mais j'ai comme la nette impression que quoi que nous fassions, on se sert toujours de nous…

–Vous réagissez comme des enfants, soupira son interlocutrice en baissant la tête. Je vous ai convoqués car je sais que vous ne laisserez jamais tomber une amie dans le besoin. Vous étiez plus soudés que vous ne puissiez l'imaginer, à l'époque, et j'espère sincèrement qu'une fois que tout cela sera derrière nous, vous retrouverez ce lien et récupérerez vos souvenirs afin de d'enfin comprendre les enjeux. Ecoutez, vous avez tous un potentiel extraordinaire, et je vous crois capables de tout.

Elle s'adressait à eux comme le ferait une mère avec ses enfants, elle cherchait simplement à les rassurer et les motiver. Tous l'avaient écoutée avec beaucoup d'attention, voyant combien elle pensait chacun de ses mots et semblait émue de les voir rassemblés.

–Y compris venir à bout de votre mère ? lança une voix masculine dans leur dos.

Ambassadeurs, divinités et Avengers se tournèrent d'un seul mouvement et quelle ne fut pas leur surprise lorsqu'ils découvrirent qu'il s'agissait de Tony, se tenant droit aux côtés de sa femme, les enfants derrière eux. La mâchoire de Manleth, représentant du Royaume des morts, manqua de se décrocher. D'aussi loin qu'il se souvienne, l'inventeur était décédé depuis des mois, il l'avait lui-même vu s'endormir pour toujours sur le champ de bataille, alors le revoir en chair et en os, en aussi bonne forme… Il avait déjà assisté à ce type de phénomène, mais jamais aussi longtemps après le décès.

–J'ai été briefé, commenta Tony pour justifier ses premiers propos en haussant les épaules, mains dans les poches.

–Tu sais, s'exprima Natasha en faisant un pas vers lui, j'étais loin de me douter que tu me manquerais autant, affirma-t-elle avant de le prendre dans ses bras, heureuse de le voir et rassurée que le plan de sa meilleure amie ait fonctionné.

–C'est toujours un plaisir, Romanoff, dit-il en lui rendant chaleureusement son étreinte et lorsqu'il se détacha d'elle, son regard capta celui de Bucky.

Ils avaient beaucoup de choses à se dire. La dernière fois qu'ils s'étaient parlé, à l'issue de leur guerre civile en Allemagne, ils s'étaient affrontés et cela n'avait bien terminé pour aucun des deux. Tony pensa à la même chose en voyant Thor et Loki à deux pas du soldat. Pour l'asgardien, il comptait sérieusement l'interroger concernant son retour sur Terre, son brusque changement d'apparence –qui lui rappelait l'allure qu'il avait lors de leur première rencontre–, cette prestance qu'il dégageait. Il se doutait que ce dernier devait forcément être là parce qu'il tenait toujours à une certaine terrienne. Quant au dieu de la malice, il n'avait jamais réellement eu l'occasion de le remercier pour tout ce qu'il avait fait. Il était reconnaissant, car il était au courant de ce qu'il avait sacrifié pour tenter de sauver le monder.

–J'espère que vous avez un plan solide pour ramener ma sœur, reprit-il très sérieusement en retroussant ses manches, prêt à en découdre.

–Non, il est hors de question que tu viennes, rétorqua l'espionne russe d'un ton autoritaire. Ton âme vient de se réveiller dans un nouveau corps après avoir hiberné pendant des mois, tu n'es pas encore en état, que cela soit physiquement ou mentalement, et je doute que Madison soit d'accord que tu te mettes en danger après tout ce qu'elle a dû mettre en œuvre pour que tu sois là.

–Mais je…

–Anthony, l'interrompit Beorth, je sais parfaitement ce que c'est de vouloir à tout prix protéger sa sœur. Moi-même, il n'y a rien que je ne ferais pas pour la mienne.

–Comment va-t-elle, d'ailleurs ? demanda « innocemment » Areon.

–… Je ferai comme si tu ne m'avais jamais posé cette question, répondit le Géant des glaces avant de se reconcentrer sur le terrien. Nous ne risquerons pas votre vie, mais nous allons nous assurer de retrouver Madison. En tant qu'Ambassadeurs, alliés et amis, c'est notre devoir de venir en aide à l'une des nôtres, déclara-t-il solennellement.

–… Vous me le promettez ?

–Sur notre honneur, jura Elrion, main sur la garde d'un de ses sabres, tandis que les autres approuvèrent en acquiesçant.

–… Mh. Vous deux, je n'ai pas vraiment de doutes à votre sujet, puisque vous, dit-il en regardant Beorth, nous avez déjà filé un coup de main contre Sithbrir et que vous, poursuivit-il en se tournant vers le représentant d'Alfheim, semblez en effet être un homme d'honneur, débita-t-il avant de passer au reste de l'équipe. Maximoff ne dit que du bien de vous, affirma-t-il en posant les yeux sur Freya, alors je ne me fais pas vraiment de soucis. Vous, vous me faites peur, dit-il de but en blanc une fois qu'il fut face à Dakrael, vous être beaucoup trop calme, précisa-t-il, et lorsqu'il passa à Manleth, il fronça les sourcils. Vous, je n'ai pas encore d'avis. Et puis il y a vous deux, visiblement les deux petits rigolos du fond de la classe, soupira-t-il en faisant allusion à Areon et Wargrith. Mais disons que globalement, si ma sœur vous fait confiance, alors moi aussi. Et donc, votre plan ?

–On descend dans les Limbes, on récupère Madison, on sort, énuméra simplement Loki.

–Et Mériana ?

–On s'en occupera si elle refait surface, assura Freyr.

–A douze contre un, ça ne devrait pas être difficile, souffla Thor.

–Deux. Douze contre deux, le corrigea Hestia. Son Dyr l'accompagne partout où elle va, même s'il se cache la plupart du temps, et à votre place, je ne serais pas aussi confiant. Elle n'hésitera pas à tuer chacun d'entre nous si l'occasion se présente, il faut que vous vous sentiez prêts à faire de même.

–J'ai causé la mort de ma sœur après avoir déclenché le Ragnarök, lui apprit l'asgardien, ça ne devrait pas être un problème.

–Je ne compte plus le nombre de personnes que j'ai assassinées, enchaina Natasha.

–Moi non plus, déclara Bucky.

–Je suis bien placé pour affirmer que je suis dans le même cas, poursuivit Loki, très confiant.

–Et si ça marche pas ?

Tout le monde se tut et se tourna vers Arthur, qui venait de prendre la parole, mais gardait les yeux rivés sur le sol. Personne ne s'était attendu à ce que l'enfant s'exprime, c'est pourquoi ils furent tous très surpris. Thor marcha dans sa direction avant de se mettre à genoux dans l'herbe devant lui.

–Tu penses que ça ne marchera pas ? lui demanda-t-il calmement, voulant connaitre le fond de sa pensée.

–Je ne sais pas, souffla le petit garçon avant d'enfouir ses mains dans ses poches. J'ai vu des choses, murmura-t-il en gardant la tête baissée.

Concerné, le dieu nordique échangea un bref coup d'œil avec son frère. Ils savaient tous les deux qu'il était en effet possible que les rêves d'Arthur soient prémonitoires, alors si ce dernier affirmait avoir été témoin d'un élément susceptible de se produire dans un futur proche, ils ne prendraient pas cela à la légère.

–Qu'as-tu vu ?

Arthur le regarda enfin puis, très lentement, osa reprendre :

–Un monstre.

–Quel genre de monstre ?

–Grand, avoua l'enfant. Très grand. De grandes dents. Des yeux méchants. Vraiment méchant. Il voulait leur faire mal, dit-il en désignant les autres membres de l'équipe. Il faut faire attention… leur pria-t-il.

–T'inquiète pas, bonhomme, on s'en sortira, le rassura le soldat en souriant. On a déjà combattu des monstres, alors un de plus ou de moins, ça ne change pas grand-chose. On va ramener ta maman et arrêter des méchants, comme d'habitude. Ça va aller, promit-il.

Bucky y croyait dur comme fer. Il n'imaginait pas de scénario où les choses tourneraient au vinaigre pour eux. Ils avaient déjà trop encaissé. De plus, il n'avait pas envie que le jeune s'inquiète comme ça. Il ne voulait ni lui donner de faux espoirs, ni lui faire peur en lui avouant combien leur mission était risquée.

–Tu nous fais confiance ? reprit Thor en tenant Arthur par les épaules.

–Oui, papa, affirma l'enfant en hochant la tête avant d'effectuer un petit sourire.

L'asgardien acquiesça à son tour et se redressa. Il tourna la tête en direction du chêne contre lequel Stormbreaker était posé. Il tendit le bras, la hache vola vers lui en fendant l'air et, en un éclair, se vêtements midgardiens se métamorphosèrent en sa tenue de combat. Il ne se laisserait nullement impressionner par Rhéa –ou Mériana, puisqu'il la connaissait davantage sous ce nom–, quelle que soit l'étendue des pouvoirs de cette dernière. Il n'avait pas peur de l'affronter, du moment qu'il puisse assurer la sécurité de Madison.

Arthur était véritablement émerveillé de le voir se transformer ainsi, ses yeux brillaient d'admiration. C'était la première fois qu'il assistait à un tel changement, et même s'il avait déjà vu des adultes faire des choses similaires, il restait très impressionné à chaque fois et espérait qu'un beau jour, cela serait on tour de surprendre les autres.

–C'est quand vous voulez, lança Thor à l'adresse d'Hestia.

–Le sortilège est presque prêt, l'informa-t-elle. Est-il réellement utile de vous rappeler que ma mère va forcément tenter de nous tuer, avant que nous ne foncions tout droit dans son piège ? soupira la déesse, et puisque personne ne lui répondit, elle comprit qu'aucune parole ne les dissuaderait de se rendre dans les Limbes. Très bien. J'espère sincèrement que nous n'aurons aucune perte à déplorer, dans ce cas.

Il y avait tant de choses qu'elle espérait rattraper et faire prochainement, à commencer par rassembler sa famille, séparée depuis trop longtemps. Il restait certains éléments dont elle devait parler avec Madison lorsqu'elle l'aurait retrouvée.