Here I am-Bryan Adams
En apercevant Mériana, certains se mirent en position défensives, d'autres furent prêts à lancer une offensive, à commencer par les deux terriens, que rien n'effrayait. Ils avaient bien l'intention de débarrasser le monde de la menace que représentait la déesse. La rouquine fut tout de même parcourue d'un frisson désagréable, autant à cause de la fraîcheur des lieux que de la présence de la sorcière de Vanaheim. Une quinzaine de mètres les séparaient de la divinité mais Natasha était consciente qu'à tout moment, cette dernière pouvait tenter de s'en prendre à eux.
–Voyez-vous cela, s'exclama Mériana d'un air très théâtral. Tout ce beau monde qui me rend visite… Je dois avoir fait quelque chose de vraiment mal pour que vous daigniez tous vous déplacer… Quelle joie de constater qu'au lieu de devoir courir après chacun d'entre vous, je vais avoir l'occasion de vous aire tomber tous en même temps. Je n'arrive pas à croire que vous ayez pris le risque d'emmener de vulgaires midgardiens jusqu'ici, poursuivit-elle en levant les yeux au ciel. C'est risible.
–Comme si nous avions eu le choix, souffla Dakrael en accordant un bref regard aux concernés. Ils seraient venus avec ou sans nous. Heureusement pour eux, nous avions tout autant envie de vous rendre visite.
–Vous n'allez tout de même pas me faire croire qu'une personne aussi… Insignifiante que Stark a réussi à tous vous unir en seulement quelques jours, alors que vos royaumes n'ont fait que se livrer bataille durant des centaines d'années ? lança-t-elle, et puisqu'elle n'obtint aucune réponse, elle sut que c'était le cas. C'est ridicule. Ne croyez pas que cette paix subsistera.
–Pour le moment, j'estime que cela se passe plutôt bien, commenta Manleth en observant ses alliés. Cela fait huit ans que ça se passe bien, précisa-t-il. J'imagine que nous serons capables de tenir encore quelques années avant de potentiellement nous remettre à nous entretuer pour rien, ironisa-t-il.
Tous furent alors captivés par l'imposant serpent aux écailles d'un noir brillant qui rampait en sifflant aux pieds de Mériana. Celle-ci jeta un petit coup d'œil vers lui tout en esquissant un sourire. L'animal s'arrêta pour humer une autre tache de sang sur le sol, puis il leva la tête vers sa propriétaire.
–On dirait que Madison a rencontré quelques problèmes en chemin, commenta-t-elle. Je pense que vous avez fait le déplacement pour rien.
–Qu'est-ce que cela veut dire ? tonna Hestia.
–Que si elle n'est pas là, c'est que vous ne la trouverez pas. Si elle n'est pas là, ajouta-t-elle, c'est parce qu'elle n'existe plus.
Hestia, visiblement furieuse, fit un pas en avant, pas fut retenue à temps par son fils, ce qui lui évita de se prendre le sortilège que Mériana venait de diriger vers elle pour l'empêcher d'avancer. Freyr la tenait par le bras, mais lui aussi avait bien envie de s'en prendre à leur ennemie commune.
–Ça ne t'a pas suffi de faire tuer Maria ? reprocha Hestia à sa mère, faisant son possible pour sortir ces mots qui peinaient à quitter sa gorge nouée.
–Elle ne m'était pas d'une grande utilité, se justifia la fautive, presque innocemment, en haussant les épaules.
Natasha avait du mal à comprendre cet échange. Elle ne connaissait que très peu de Maria, et la seule qui était décédée était la mère de Madison. Ce qu'elle ne saisissait pas, c'était ce que cette dernière avait à voir avec les divinités présentes. Elle voulut obtenir des réponses simplement en regardant Thor et Loki, mais ceux-ci paraissaient aussi perdus qu'elle. Ce ne fut que lorsque son regard croisa celui de Bucky que tout commença à s'imbriquer dans son cerveau.
– « Pas d'une grande utilité » ? répéta Hestia, hors d'elle, étant toujours retenue par son fils et, désormais, par Freya également. Père et toi l'aviez déjà abandonnée sur Midgard, vous l'avez condamnée à vivre loin de sa famille ! Sa mort n'était pas nécessaire !
–Celle de Madison l'était. Pour ce qui est de sa mère… Appelons cela un « dommage collatéral ». Il en va de même pour cet imbécile dont elle s'était entichée.
Ce fut au tour de l'espionne russe de devoir empêcher quelqu'un de trop s'approcher de la déesse, en l'occurrence Bucky, qui n'appréciât pas du tout que l'on parle de son ami, Howard, de la sorte. Il s'en voulait suffisamment de l'avoir supprimé, il détestait encore plus qu'on lui manque de respect.
–Où est Madison ? lança alors Thor relativement sèchement, en ayant assez de devoir s'éterniser dans les Limbes et n'ayant qu'une envie : celle de rentrer sur Terre. Quoi que vous disiez, je reste persuadé qu'elle est capable de survivre dans un tel endroit sans aide.
–Peut-être devriez-vous cesser de la surestimer. Elle n'est qu'humaine, après tout…
. . . . . . . .
–Tu as l'air d'avoir passé quelques jours mouvementés, déclara Eléa en observant brièvement Madison, qui paraissait un peu déstabilisée. Mais il semblerait qu'une fois encore, tu te sois tirée d'affaire sans l'aide de quiconque, poursuivit-elle, remarquant au passage que l'autre femme commençait à se perdre dans ses pensées. Je te trouve bien silencieuse, releva-t-elle. Souhaites-tu parler de ce qui te trouble ?
Elles s'étaient assises près de la maison : sur une chaise pour Eléa et sur les marches en grès pour Madison, qui fixait le fond du jardin d'un air vague, distant. Une de ses jambes tremblait nerveusement.
–Vous savez que je me souviens, commenta rhétoriquement la plus jeune, ce à quoi l'Elfe claire acquiesça. Finalement, vous aviez raison depuis le début, soupira-t-elle. Famille ou pas, il est compréhensible que Mériana aurait préféré que vous transmettiez votre magie à une Vane plutôt qu'à une terrienne, marmonna-t-elle avant de brusquement se redresser. A quoi ça servait de cacher la vérité aussi longtemps ? voulut-elle savoir. Pourquoi ma mère ne m'a jamais rien dit ?
–Probablement pour vous protéger, toi, ton frère et votre père, de la folie dévastatrice et de la jalousie maladive de sa propre mère, répondit Eléa en faisant apparaitre entre ses main le grimoire, qui s'ouvrit à la page où était illustré l'arbre généalogique de la belle et joyeuse fratrie de Mériana, son septième enfant jusqu'à présent « secret » s'affichant désormais comme étant Maria Collins-Carbonell, devenue Maria Stark.
Madison ne trouva rien à redire et tourna le dos à son aînée, prenant une seconde pour réfléchir. Tout prenait enfin sens : les raisons pour lesquelles la déesse la détestait, ou pourquoi on l'avait choisie elle plutôt que Freya elle était, au même titre que cette dernière, la petite fille de Mériana. Sa mère ne leur avait jamais caché, à Tony et elle, qu'elle avait été élevée par des parents adoptifs, qu'elle n'avait jamais rencontré ses parents biologiques, mais elle avait toujours affirmé que cela ne la dérangeait pas car elle avait eu une enfance prospère et heureuse. Elle avait simplement omis le fait qu'elle connaissait l'identité de ceux qui l'avaient abandonnée et qu'il s'agissait ni plus ni moins de divinités –à tendances partiellement meurtrières sur les bords–. Madison songea qu'avec eux, les repas de famille devaient être animés.
–Pour ce qui est de tes dons de guérison sur autrui, reprit Eléa, je t'avais dit que cela faisait partie de ton héritage. Tu dois avoir compris que cela ne venait pas de moi, mais de Maria. En naissant sur Midgard et n'ayant jamais reçu d'éducation… « divine », elle n'a pas eu l'occasion de se servir pleinement de la magie qui coulait dans ses veines, mais la vie de simple humaine la satisfaisait amplement.
–Qui d'autre est au courant ?
–Pour l'instant, tu es la seule à te rappeler de ce qu'il s'est passé il y a seize ans. Ce sera à toi de décider, lorsque tu rentreras, si tu as envie que les personnes concernées recouvrent ou non la mémoire. Tu es bien placée pour comprendre que la vérité est parfois –souvent, se corrigea-t-elle, difficile à accepter.
–Ils ont le droit de savoir, s'empressa de répliquer Madison en faisant volte-face pour la regarder. Ce n'est pas que « mon » histoire, c'est aussi la leur.
–Je me doutais que tu aurais cette réaction, affirma l'Elfe avec un demi-sourire.
–Normal, vous savez tout, enchaina la plus jeune en employant le même ton posé.
Elles se turent durant un court instant et se regardèrent sans rien dire. Il y avait toujours une petite brise qui faisait frémir les pus hautes feuilles des arbres qui offraient de l'ombre aux deux femmes. Seuls les bruits paisibles et reposants de la nature troublaient le silence. Des moments comme celui-ci, à la fois calme et hors du temps, ça ne se présentait pas si souvent dans la vie de la terrienne, qui assemblaient encore mentalement les pièces du puzzle. Contrairement à ce qu'elle avait cru, le cycle de transmission des pouvoirs de Gaïa avait été respecté puisque, sa mère étant la fille de Mériana –Rhéa– et Cronos, cela faisait de Madison une demi-Vane.
–… Et maintenant ? demanda-t-elle à Eléa, incertaine de ce qu'elle était supposée faire.
–J'ai énormément appris de ta grand-mère. Il fut un temps où nous étions très proches, et j'ne garde un excellent souvenir. Elle m'a montré comment exploiter mes dons au maximum, mais à force de la côtoyer, j'ai également découvert cette noirceur qui la rongeait et l'animait, j'ai donc appris à me méfier. Elle n'abandonnera que lorsqu'elle aurait obtenu ce qu'elle convoite, ou qu'elle aura rendu son dernier soupir. Elle est très certainement en train d'attendre que tes amis te portent secours pour les éliminer un par un en relâchant sur eux une armée de créatures innommables entrainées à tuer. Elle sera sans pitié.
Madison en eut froid dans le dos. La dernière chose qu'elle voulait était qu'il arrive quelque chose à ses proches, surtout si elle n'était pas là pour leur prêter main forte. Pendant une seconde, elle fut frappée par la possibilité d'échouer. Elle ne voulait pas que ça arrive, mai cela restait une éventualité –qu'elle s'efforcerait d'éviter à tout prix–. Elle imagina un instant perdre ces gens en qui elle avait confiance et pour qui elle était prête à tout, elle eut peur de ne pas être à la hauteur. Comme si elle avait perçu ses craintes, Eléa se pencha légèrement en avant et lui souffla, d'un air complice :
–Ca ne veut pas dire qu'elle est infaillible.
–Tout le monde a ses faiblesses, compléta une voix douce sur leur gauche, les incitant à tourner la tête dans cette direction pour voir la personne qui venait de leur adresser la parole.
Il s'agissait d'une femme aux longs cheveux soyeux et bouclés qui paraissait débarquer d'une autre ère. Une expression de bienveillance se lisait sur son visage serein, qui aurait mis n'importe qui en confiance. Elle était vêtue d'une somptueuse robe faite d'une étoffe riche qui variait entre différentes teintes de bleu et était soulignée de quelques liserais d'or.
–J'aurais préféré que nous nous revoyions dans d'autres circonstances, dit-elle en s'approchant de quelques pas. Mais c'est toujours un plaisir, enchaina-t-elle en inclinant la tête pour les saluer. Cela faisait longtemps.
–Trop longtemps, approuva Eléa en se redressant, tandis que la nouvelle arrivante focalisa son attention sur la terrienne, qui prit la parole, un sourire aux lèvres :
–Vous m'avez manqué, Frigga. Je suis contente de vous revoir, déclara-t-elle, sincèrement contente, même rassurée que l'ancienne souveraine d'Asgard se tienne devant elle en cette journée éprouvante et compliquée. Alors… poursuivit-elle avec une pointe d'hésitation. Le Valhalla… ?
–Très reposant, affirma Frigga. Quoique, cela reste frustrant de ne pas être en mesure d'intervenir à ma guise afin de guider ceux qui en ont besoin. J'aurais aimé être davantage présente.
–Vous disiez autrefois qu'il ne faut pas vivre avec des regrets, dit Madison, comme si c'était son tour de la rassurer.
–C'est vrai, concéda-t-elle en acquiesçant doucement. Je suis ravie de constater combien tu as évolué. D'une très bonne manière, précisa-t-elle. Je suis également reconnaissante d'avoir aujourd'hui l'occasion de te remercier de vive voix d'avoir gardé un œil sur mes fils, et je sais que cela ne devait pas être une tâche simple, plaisanta-t-elle, ce qui amusa Madison.
–Oh, vous savez, ce n'était rien… Il est vrai que, certains jours, c'était plus difficile que d'habitude… Mais Odin m'a demandé de les surveiller, alors je l'ai fait. Vous n'avez pas à vous en faire, ils se sont appliqués à suivre vos conseils au fil des ans. Vous… Aimeriez que je leur transmette un message, éventuellement ? proposa-t-elle.
–J'ose espérer qu'ils sont tous deux conscients de la fierté que j'éprouve à leur égard, mais je suppose qu'un petit rappel ne leur ferait pas de mal…
Madison hocha la tête. C'était quelque chose qu'elle ne manquerait pas de faire une fois rentrée chez elle. A la maison. « Maison ». Ce mot la rassurait autant qu'il l'angoissant. Pendant des années, elle s'était acharnée à retrouver son chez-elle, même si elle chérissait chaque instant passé en compagnie de Logan. Une fois qu'elle avait retrouvé Tony, elle avait été terrifiée à l'idées qu'ils viennent à être éloignés une nouvelle fois l'un de l'autre, ce qui était malheureusement arrivé. Dire que ça l'avait dévastée était encore trop faible pour décrire ce qu'elle avait ressenti.
–Je crois que qu'il y a quelqu'un qui aimerait te dire un mot avant que tu t'en ailles, commenta Frigga.
Madison fronça les sourcils, n'étant pas sûre de comprendre, alors l'asgardienne, désigna quelque chose –ou quelqu'un– derrière elle d'un simple mouvement de tête. Lorsque la terrienne se retourna, elle sentit son cœur rater un battement. Cela faisait plus de trente ans maintenant qu'elle ne les avait pas vus. Ses parents. Pourtant, ils étaient là, à quelques mètres seulement, la regardant en souriant comme autrefois. Durant une fraction de seconde, elle revint trois décennies en arrière et eu l'impression de se sentir enfant à nouveau. Elle se hâta de les rejoindre et, sans hésiter, les prit dans ses bras. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait rêvé de ce moment.
En mille-neuf-cent quatre-vingt-onze, elle les avait vus mourir de la main de Bucky, alors manipulé par HYDRA. Elle ne le lui reprochait pas, ce n'était pas sa faute à lui, mais celle de l'organisation qui l'avait retenu captif durant si longtemps. Retrouver ses parents aujourd'hui, même pour une si brève entrevue, la réjouissait au plus haut point. Elle n'avait pas tellement eu l'occasion de leur dire au revoir. Il y avait tant de choses qu'elle aurait aimé faire en leur compagnie, partager avec eux. Ils lui manquaient chaque jour qui passait.
Les yeux brillants, elle s'écarta afin de mieux voir leurs visages, sans pour autant les relâcher. Ils n'avaient pas changé, ils étaient exactement comme dans ses souvenirs. Howard fut le premier à réagir. Il posa une main sur la joue de sa fille, un grand sourire aux lèvres, et prit la parole.
–Tu as tellement grandi, déclara-t-il, ne sachant trop ce qu'il pourrait dire d'autre, étant donné qu'il s'agissait de leur première entrevue depuis des années, et Madison lui rendit son sourire. C'est incroyable, souffla-t-il, visiblement impressionné, après quoi il laissa son épouse s'exprimer à son tour.
–Tu es devenue une personne merveilleuse, affirma-t-elle. Regarde-toi, poursuivit-elle avec douceur et fierté en la regardant de la tête aux pieds.
–Vous allez bien ? leur demanda Madison, la voix un tout petit peu tremblante.
–Bien sûr que ça va, la rassura Maria. Tout va très bien, parce que nous savons que nous n'avons pas à nous en faire. Tu es capable de tellement de choses, nous n'aurions pas pu rêver mieux. Tu as su t'entourer des bonnes personnes pour grandir et évoluer, et nous serons éternellement reconnaissants envers ceux et celles qui ont veillé sur toi.
–A commencer, bien sûr, reprit Howard, par celui-ci, dit-il en désignant quelqu'un qui n'était pas dans le champ de vision de la plus jeune, alors celle-ci chercha des yeux l'individu à qui il faisait référence.
Elle découvrit alors un autre homme, un peu plus grand que son père biologique. Lui aussi avait conservé la même apparence que lorsqu'ils s'étaient quittés : cheveux grisonnants et barbe de la même couleur, chemise de bûcheron, jean noir et rangers foncés. Le même regard vif et pétillant qui avait toujours veillé sur elle durant son enfance un peu tourmentée. Mains dans les poches, il regarda un instant l'herbe sous ses pieds, ne sachant pas s'il devait avancer ou non, n'ayant pas envie de s'imposer. Ce fut Madison qui alla à sa rencontre pour se réfugier immédiatement dans les bras de celui qui avait pris soin d'elle pendant des années.
–Ca faisait un bail, fillette, souffla Logan en l'étreignant affectueusement. On dirait que tu t'attires toujours autant d'ennuis ?
–Je dois tenir ça de toi, répondit-elle, à la fois émue et amusée en le serrant contre elle. C'est un don, précisa-t-elle ensuite en alternant son regard entre lui, Maria et Howard.
–Quelle catastrophe ambulante tu fais, la taquina le mutant. Heureusement que tu as repris contact avec Romanoff, je compte toujours autant sur elle pour te surveiller.
–Je n'ai plus huit ans, répliqua Madison en faisant la moue, mais elle récupéra rapidement son air enjoué. J'ai de la chance de l'avoir, confirma-t-elle en baissant les yeux. Elle et Clint sont comme des frère et sœur pour moi, et…
Elle cessa de parler. Simplement évoquer le terme de « frère » lui rappelait qu'elle avait perdu Tony et que supporter son absence jour après jour était l'une des pires épreuves qui soit, parce qu'elle s'en était toujours voulu de n'avoir rien pu faire pour le sauver à l'issue de leur affront contre Thanos. Elle se souvenait du dernier regard qu'ils avaient échangé. Elle pleurait, lui paraissait en paix, comme s'il acceptait son sort. Il lui avait souri, cherchant probablement à la rassurer, puis s'était endormi pour de bon. Ce qui l'attristait le plus aujourd'hui était qu'elle pensait éventuellement avoir l'occasion de lui parler une dernière fois, mais il n'était pas là.
Tony avait bien été le seul à accepter cela. Pepper avait passé des nuits entières à pleurer la disparition de son mari. Morgan était très malheureuse car la présence de son père aimant et attentionné lui manquait. Happy faisait son possible pour aider la directrice de Stark Industries en s'efforçant de continuer à avancer tous les jours, mais il lui arrivait d'errer comme une âme en peine. Rhodey avait perdu un ami de longue date –son meilleur ami, en réalité– et pensait beaucoup à lui. Et puis il y avait Madison, qui avait cherché un moyen de le ramener.
–Que se passe-t-il ? l'interrogea Howard, inquiet de la voir soudainement aussi triste.
–Rien, c'est juste que… Il y a quelqu'un d'autre que j'espérais voir, souffla-t-elle, la tête toujours baissée. Quelqu'un à qui je n'ai pas vraiment eu le temps de dire au revoir.
–Anthony, devina tout de suite sa mère, alors Madison acquiesça silencieusement. Je pense qu'il n'y a qu'une seule raison possible pour laquelle il ne se trouve pas ici, en notre compagnie, poursuivit-elle en attrapant la main de sa fille. Et quoi que tu aies à lui dire, tu pourras le faire en rentrant.
Au début, Madison ne comprit pas ce qu'elle insinuait. Elle était encore trop déstabilisée par le retour de ses souvenirs et l'apprentissage de la vérité la concernant, mais elle saisit rapidement le sens des paroles de sa mère. Elle leva les yeux vers cette dernière, le souffle coupé, ayant d'abord un peu du mal à y croire. Était-elle réellement parvenue à réaliser l'impossible, son plan avait-il fonctionné, malgré la folie de celui-ci ? Le regard empli de tendresse que lui offrit Maria le lui confirma. Son rythme cardiaque s'accéléra à cause de l'émotion que cela suscita en elle. Avant qu'elle n'ait le temps de dire que quoi ce soit, son père biologique s'exprima :
–Ils ont besoin de toi, là-bas. Tu es prête, Maddie.
Prête. Enfin. Il y avait des années qu'elle se demandait quand viendrait le moment où elle le serait. L'instant précis où elle pourrait tout affronter, surmonter tout et n'importe quoi. Elle n'était pas infaillible non plus, mais elle avait de l'expérience. Son mental s'était grandement renforcé, en particulier au cours des derniers jours car elle avait osé franchir les limites qu'elle s'était imposées en cessant d'avoir peur. L'enfant craintive avait grandi. Appris. Evolué.
–Tout ira bien, lui assura Howard en s'emparant délicatement de la main de son épouse et, ensemble, ils reculèrent de quelques pas.
–Tu promets… ?
–On le promet, confirma Maria, de la même manière que Madison avait juré à Arthur qu'elle ne l'abandonnerait jamais. Tu as ça en toi.
Clint ne la surnommait pas la « survivante » depuis des années pour rien. Elle avait passé tant de temps à « jouer » avec la mort, à faire des allers-retours entre la vie et, justement, la mort, qu'elle en était presque habituée. Mais elle s'en était toujours sortie. Peut-être était-ce parce qu'elle se battait continuellement, qu'elle s'acharnait à survivre que l'Univers ne l'empêchait plus d'arriver à ses fins. Peut-être était-ce parce que le travail de Madison était encore loin d'être achevé que le monde avait besoin d'elle qu'elle était toujours debout, après être pourtant tombée une bonne paire de fois. Peut-être était-ce parce qu'elle s'était relevée en dépit des mauvais coups orchestrés par le Destin que celui-ci la laissait faire, curieux de voir jusqu'où elle irait. Comme une expérience. Un test.
Ses parents –tous les trois– continuèrent de reculer lentement, prêts à laisser Madison avancer par elle-même. Elle n'avait pas spécialement envie qu'ils s'en aillent, mais bien sûr, c'était inévitable. Ils étaient tous partis depuis longtemps, cela ne voulait pas pour autant signifier qu'elle était obligée de les oublier. D'une certaine manière, ils feraient éternellement partie d'elle et l'accompagneraient toujours pour la guider, où qu'elle aille. Maria : la voix de la sagesse. Howard : la voix de la raison. Logan : la voix de la détermination. Leurs conseils resteraient à jamais gravés en elle.
Elle était parvenue à faire ses adieux à Jean, Alex et Leonard, ainsi qu'à l'enfant meurtrie qui avait subsisté en elle. Et oui, elle se sentait prête à continuer. Elle avait la vague impression qu'elle n'en était qu'au début de son aventure. Il lui restait encore un million de choses à vivre. Elle inspira longuement et serra brièvement les poings tout en se concentrant. Elle n'était pas tout à fait certaine de ce qui l'attendait dehors, mais elle savait qu'elle était sur le point de poser le pied dans la cour des grands. Elle ne savait pas quelle serait l'issue de cette journée, mais elle n'avait plus aussi peur qu'avant. Sentant une énergie familière la parcourir, elle demeurait confiante.
–Hey, fillette, l'interpela Logan.
Elle leva la tête pour le regarder dans les yeux. Cela lui faisait du bien de le revoir après tant d'années, elle qui s'en était toujours voulue de n'avoir rien pu faire pour l'empêcher de passer l'arme à gauche. Surtout, les voir tous les trois, ensemble, lui rappelait qu'elle ne serait jamais seule. Les poings toujours fermés, elle attendit que Logan poursuive, ce qu'il ne tarda pas à faire.
–N'oublie pas, reprit-il en laissant un moment sa phrase en suspens, voulant s'assurer que la plus jeune prêtait parfaitement attention à ce qu'il disait, alors seulement, il dit : Mutants… Et fiers de l'être.
Madison se rendit compte combien elle avait eu besoin d'entendre cela. C'était la cause pour laquelle elle s'était longtemps battue : celle des mutants, de leurs droits, leur liberté. Pendant quelques temps, elle avait presque oublié ce que c'était de faire partie de cette communauté. Presque. Elle était une mutante. Ça, personne ne pourrait jamais le lui retirer. En était-elle fière ? Plus que tout. Cela faisait des mois qu'elle vivait en pensant que plus jamais elle ne ressentirait tout ce qu'elle percevait autrefois grâce à ses dons, ses pouvoirs. Pourtant, ça ne l'avait jamais vraiment quittée. C'était simplement « endormi ».
Lorsqu'elle desserra les mains, elle constata avec joie des effluves de magie verte scintiller entre ses doigts, et ses yeux s'illuminèrent. Un sourire éclaira son visage. Elle était prête à faire son retour et faire ce qu'elle avait toujours fait : rendre justice et faire régner la paix. Elle ne laisserait pas Mériana atteindre son objectif principal, pour l'unique raison que la magie que lui avait transmise Eléa était destinée à lui appartenir. Famille ou pas, elle saurait gérer la situation à sa façon. Elle savait ce qu'elle avait à faire, elle savait quelle était sa place. Après avoir vécu durant ce qui lui avait semble être une éternité dans le flou, elle comprenait pourquoi elle existait.
Tout comme Nerri, Madison suivait le mouvement du courant et persévérait, quelle que soit la situation. Elle n'hésitait pas à passer à l'action lorsque cela devenait nécessaire et n'avait pas peur de combattre. La panthère était un reflet de son âme et la reliait un peu plus à sa famille longtemps perdue de vue, notamment Poséidon. Les teintes bleues et blanches de la créature lui rappelaient la profondeur des océans, les marrées hautes, les débuts de l'hiver, la fluidité avec laquelle elle pouvait vivre si elle acceptait d'être elle-même. Comme l'eau, elle pouvait être calme ou se transformer en véritable torrent dévastateur le moment venu. Le jour où elle avait retrouvé Nerri, la lune était en parfait alignement avec Neptune, mettant toutes les chances de son côté.
Brann lui avait permis d'un peu plus ouvrir les yeux concernant les capacités de son propre esprit. Il représentait le cycle infini de vie, de mort et de résurrection auquel elle était désormais habituée. De la même manière que Nerri la connectait à Poséidon, le renne, lui, la reliait à Zeus. Il lui rappelait qu'en dépit de ce dont elle était capable, elle devait toujours faire preuve d'une certaine prudence. La férocité du feu l'animait, mais sa douce chaleur l'empêchait d'oublier que les flammes n'étaient pas que destruction. Avec ses airs royaux, Brann était revenu vers elle tel un jour d'été longtemps attendu. De ses rayons orangés et rouge vif, le soleil avait frappé de plein fouet Jupiter en même temps que les terres où progressait la mutante, faisait apparaitre dans le ciel cette planète pas si lointaine.
Eole était porteuse d'un message d'espoir. D'apparence délicate, elle pouvait pourtant créer un ouragan d'un simple battement d'aile. Être imprévisible était presque essentiel pour s'en sortir. Le faucon l'avait aidée à forger son mental. Un souffle de renouveau, d'espoir, même, flottait dans l'air grâce à elle. Madison avait rapidement compris qu'en sa présence, elle ne craindrait jamais de prendre son envol. Dans ce qui lui paraissait être une autre vie, deux de ses tantes –Héra et Hestia– lui avaient confié que tant qu'elle se ferait confiance, elle serait capable de surmonter les plus grands défis, s'élever au-dessus des nuages les plus hauts. Les doux éclats violets que projetait Eole faisaient penser à Madison à une première éclosion de primevère au printemps.
Enfin venait Amarok. Son guide. Celui grâce à qui elle se sentait bien dans son corps et qui, indirectement, l'incitait à continuellement se souvenir de l'importance qu'avait sa famille. Elle était faite pour suivre avant tout son instinct et, d'une certaine manière, était destinée à montrer le chemin à suivre aux autres. La terre était son point d'ancrage. Lorsqu'elle était entourée de toute cette verdure, ces tons bruns cette odeur forestière qui se décuplait quand arrivait l'automne, elle se sentait revivre. Elle savait que sa dernière tante, Déméter, était du même avis, et qu'Hadès voyait les choses d'un angle plutôt similaire. Amarok lui permettait de pleinement ressentir ce goût de liberté. Madison appréciait la solitude mais restait grandement attachée aux siens, telle une louve.
Il était d'ailleurs grand temps qu'elle rejoigne sa meute.
