Unstoppable-Sia
Comme Hestia s'y était attendue et mentalement préparée, Mériana n'avait pas l'air de plaisanter. Il n'avait fallu qu'un claquement de doigts à la déesse pour que surgissent des ténèbres des flots de créatures à moitié humaine, faites d'ombre et « alimentées » en énergie par la profonde haine que vouait leur maitresse envers le groupe d'individus osant s'aventurer sur ces terres désolées. Leur taille était au-dessus de la moyenne. Leur chair était noircie, comme brûlée et tombait en lambeaux. Des crocs dépassaient de leurs bouches anormalement déformées tandis que leurs griffes semblaient pouvoir déchiqueter tout et n'importe quoi. On pouvait constater sur certains des excroissances telles que des morceaux d'os leur sortant du dos, des cornes tordues ou encore des queues de reptiles. Pour le moment, tous ces monstres attendaient. Ils n'attaqueraient que lorsqu'ils en recevraient l'ordre de celle qui les avait créés. Quelle que soit l'issue de la journée, personne n'allait passer un bon moment.
Le ciel était bleu nuit, tendant sur du violet. La lune et le soleil brillaient en même temps et on distinguait vaguement les formes de planètes lointaines dans les cieux. Le vent sifflait, comme pour les avertir qu'ils feraient mieux de prendre leurs jambes à leur cou, ce qu'ils ne feraient bien sûr pas. Le sol semblait s'être subitement assombrit et refroidi, les branches des arbres aux alentours remuaient au gré du vent, mais le froissement des feuilles vert émeraude, tantôt apaisant, n'avait rien de rassurant. En d'autres circonstances, Natasha et Bucky, seuls terriens de l'équipe, auraient pris le temps d'admirer la beauté mystérieuse de cet endroit à l'aspect féérique.
–Dernière chance, déclama haut et fort Mériana pour se faire entendre, car les grognements, et gargouillis des créatures étaient relativement élevés. Si vous vous en allez immédiatement, je vous donne ma parole que plus jamais je ne m'en prendrai à vous. Je tiens toujours mes promesses.
–Ca, nous le savons, rétorqua Freyr. Je me demande quelle est l'autre option, poursuivit-il ironiquement en se retenant de lever les yeux au ciel, la main sur la manche de son sceptre.
–Une mort lente, douloureuse mais très certainement glorieuse, devina sans mal Areon, qui perdait patience.
–J'ai encore du mal à comprendre comment vous avez pu virer de bord de la sorte, commenta Mériana en fixant avec insistance le Géant de Muspellheim. Vous qui étiez pourtant réputé pour détester l'intégralité des autres royaumes de l'Yggdrasil, voilà que vous laissez tomber tous vos principes pour venir à la rescousse d'une personne que vous connaissez à peine.
–Ne vous méprenez pas, lui répondit Areon, je l'ai trouvée imbuvable dès que je l'ai rencontrée, et ce sentiment était très probablement partagé. Je pensais ainsi car c'est de cette façon que nous avons été instruits. Nos aïeuls se sont acharnés à ce que nous entretenions éternellement cette haine injustifiée qu'ils vouaient à quiconque ne faisait pas partie de notre peuple, mais Dame Madison a dit quelque chose de très juste lors de notre entrevue sur Arcturus IV personne n'est prédestiné à être bon ou mauvais. Il en va de notre devoir de choisir notre propre voie et, par nos actes et nos choix, définir celui ou celle que nous souhaitons devenir.
–Je ne te pensais pas philosophe, souffla Wargrith.
–Tu as vu ça, approuva le Géant de feu sur le même ton, non peu-fier.
–Dites donc, les deux comiques, on ne vous dérange pas ? les rappela à l'ordre Dakrael, après quoi l'ambassadeur de Niflheim se mit à regarder leur ennemie commune. Mais il n'a pas tort. Je crois que, d'une certaine façon, cela vous déçoit qu'il n'y ait plus de conflits entre nous parce que Dame Madison, qui d'après ce que j'ai vaguement compris, se trouve être votre petite fille, y a mis un terme. Pourquoi aimez-vous tant semer le chaos, de toutes manières, qu'est-ce que ça vous apporte ?
–Un sentiment de supériorité, proposa Loki. Ou peut-être une montée d'adrénaline intense.
–Est-ce que votre besoin maladif d'attirer l'attention est dû à un manque évident d'affection ? la provoqua Thor.
Cette remarque ne plut pas du tout à la concernée, qui serra si fort les poings que leurs jointures en devinrent blanches. Elle leva alors une main et, brusquement, un jet de magie combinant des flammes chartreuses et des éclats de glaces de la même couleur vola en direction de l'asgardien à une vitesse si phénoménale que personne n'eut le temps de réagir. L'homme visé savait qu'il serait capable d'encaisser le choc, mais qu'il serait tout de même suffisamment violent pour le déstabiliser, l'assourdir et l'affaiblir pour un moment. Ce violent tourbillon de lumière était aussi bien terrifiant qu'hypnotisant. Détectant cette menace, les armures intelligentes fournies par Tony à Natasha et Bucky se déplièrent autour d'eux afin de les protéger de ce qui s'apprêtait à toucher leur ami. Pourtant, avant que l'impact ne se produise, quelque chose d'autre arriva.
Les eaux du lac à proximité s'élevèrent devant le groupe, formant une sorte de barrière solide qui arrêta immédiatement l'attaque de la déesse, après quoi ce mur liquide retomba aussi rapidement qu'il s'était matérialisé. Le sort avait comme implosé, provoquant un son grave et une explosion de lumière qui força presque tout le monde à se protéger les yeux ou le visage du revers de la main. Même les créatures firent moins de bruit, étant toutes aussi surprises que leur maitresse par cette intervention sortie de nulle part qui avait défendu non seulement Thor, mais également ses alliés de l'offensive de Mériana, qui aurait pu avoir des répercussions sur chacun d'entre eux. Il n'y avait plus un souffle de vent. On entendait uniquement le doux clapotis de l'eau, les quelques discrets bruits métalliques des armures signées Stark orchestrés par les mouvements de leurs propriétaires et les râles rauques et distants des monstres.
Visiblement mécontente, Mériana réitéra son geste, mais le même phénomène se produisit sa magie ne put atteindre ni Thor ni aucun de ses alliés –grâce à un impressionnant rempart d'eau qui les protégea aisément de la fureur de la divinité–. Tous se regardèrent, incrédules. Personne n'avait la moindre idée de ce qu'il venait de se passer, mais ce dont ils étaient sûrs était que, quoi que cela puisse être, ça les avait bien aidés, sauvés même, après quoi les flots s'apaisèrent une nouvelle fois.
–Quelle est cette… Cette… Cette sorcellerie !? s'énerva Mériana, les yeux noirs de colère. Lequel d'entre vous ose imaginer qu'il peut défier mon autorité de la sorte ?
Ses adversaires échangèrent un autre coup d'œil intrigué.
–C'était toi ? souffla Freya à son frère.
–Tu sais que l'eau, ce n'est pas mon truc, répondit ce dernier aussi discrètement. Je croyais que c'était lui, poursuivit-il en désignant Beorth, mais le géant des glaces secoua la tête de gauche à droite en haussant les épaules pour signifier que cela ne venait pas de lui.
Quelques-uns se tournèrent vers Loki.
–Ne me regardez pas comme ça, se défendit-il. Je n'y suis pour rien. Je crée des illusions, pas des tsunamis, déclara-t-il très solennellement.
–Je crois qu'on s'en moque pas mal, de qui a fait quoi, s'interposa Natasha, perdant patience. Ça pourrait très bien être l'œuvre d'une licorne que je n'en aurais rien à faire, compléta-t-elle, de mauvaise humeur.
–Je ne pense pas avoir autant de classe qu'une licorne, mais je suis probablement aussi rare.
Tout le monde réagit simultanément en entendant cette voix féminine se manifester. Entre le groupe de « justiciers » et Mériana accompagnée de son armée de l'ombre, assise en toute tranquillité sur un rocher haut perché, une jambe repliée, Madison leur fit « coucou » de la main.
Une des jambes de son pantalon kaki était déchirée au niveau du mollet, son débardeur blanc était un peu sali par la terre et quelques traces de suie, quelques-unes de ses mèches étaient emmêlées et ses bras étaient barrés de plusieurs griffures mais en dehors de ça, elle avait l'air d'aller relativement –et étonnamment– bien. Elle souriait et l'on pouvait déceler une pointe de malice dans ses yeux brillants. Elle se permit même d'accorder un clin d'œil complice à ses proches, plus particulièrement à l'asgardien, qui se sentit infiniment mieux en constatant qu'elle était parvenue à survivre aux Limbes, surtout sans l'aide de quiconque.
–Et en parlant de licornes, reprit-elle, vu le nombre de choses que j'ai croisées ici, je n'aurais pas été surprise d'en voir une… Est-ce que ça existe, d'ailleurs ? demanda-t-elle avec tant de sincérité que les autres eurent un doute et ne surent pas si elle était sérieuse ou non. Je serais tentée d'en adopter une… songea-t-elle à haute voix en regardant un peu distraitement en l'air, après quoi elle se reconcentra sur ses amis. C'est trop mignon d'être venus me chercher. Je vous ai manqué ? lança-t-elle avec un grand sourire.
–Vous avez l'air en pleines formes, affirma Manleth.
–Vous aussi, répondit Madison.
–Pourquoi ne meurs-tu pas ? les interrompit Mériana en criant, étant à bout de nerfs et littéralement à deux doigts de laisser sa rage exploser et tout ravager.
–Hum… Une possible explication serait que je dois avoir un lien de parenté avec des cafards génétiquement modifiés, ce qui me permet de ne pas mourir, mais je suis seulement humaine, dit-elle calmement, une main en poche. Quelles que soient mes bêtises, je survis et… honnêtement, je ne sais pas trop si c'est la chance ou le karma, mais ce n'est plus aussi important, soupira-t-elle en verrouillant son regard sur ceux qu'elle considérait comme sa famille. Certaines personnes ont besoin de moi autant que j'ai besoin d'elles, dit-elle, telle une confession et après que quelques secondes se soient écoulées dans un silence de plomb, elle redevint très énergique en voyant la fière allure des deux autres terriens. Sympa, les armures.
–Je te donnerai le numéro de la conceptrice, assura le soldat.
–SILENCE ! tonna férocement Mériana. Vous tous, s'exclama-t-elle en les désignant d'un grand geste, vous êtes sur MON territoire, vous entendez !? leur rappela-t-elle avant de fixer sa petite fille née sur Terre. Tu hésitais entre la chance et le karma ? Ne compte sur aucun des deux pour vous tirer d'affaire, la mit-elle en garde, prête à ordonner à son armée de se jeter sur ses adversaires.
–Hop, hop, hop, une seconde, l'interpela Madison en se redressant d'un bond, captant ainsi l'attention de chacun et chacune. Je n'avais pas terminé. Pour ce qui est de « votre territoire »… Ok, peut-être que vous vous y connaissez plus que nous, concéda-t-elle après une courte pause, à l'issue de laquelle la déesse se prépara déjà à lancer l'offensive, alors la terrienne dû rapidement réagir. MAIS ça ne veut pas dire que vous avez un contrôle total sur tout ce qui vous entoure. Par exemple, j'en connais deux-trois qui n'ont pas trop apprécié de se retrouver enfermés ici pendant plus de quinze ans, ajouta-t-elle presque mystérieusement.
Brusquement, le visage de Mériana perdit ses couleurs à l'entente de ces quelques mots, tandis que les personnes autour d'elles froncèrent les sourcils, ne comprenant pas vraiment le sens des paroles de la midgardienne. Les poings sur les hanches, Madison attendit un instant, avant de brièvement regarder autour d'elle, comme si elle cherchait quelqu'un, et son regard finit par s'arrêter sur le lac, sur sa surface calme et quasi immobile. Elle se pencha très légèrement en avant et souffla : « C'est quand tu veux » suivi de, à l'intention de tout le monde :
–Désolée, elle est un peu timide.
Pendant quelques instants, rien ne se produisit. La tension était à son comble, chacun se demandait à qui elle faisait allusion, à qui elle s'était adressée en observant l'eau du lac. Ils ne mirent pas longtemps à obtenir une réponse, car des flots jaillirent, dans toute sa splendeur, une magnifique panthère des neiges bleue et blanche dont le pelage luisait, irradiait sous les rayons solaires et lunaires. Elle poussa un impressionnant rugissement qui glaça le sang de Mériana, puis elle alla se poster aux côtés de Madison en montrant les crocs, prête à défendre sa maitresse de la divinité, de ses sbires ou du serpent qui sifflait à ses pieds.
Un grondement profond s'éleva ensuite de derrière les collines, faisant dangereusement trembler le sol. Ce fut alors au tour du renne fait de flammes et de fumée de faire son apparition en tapant ses sabots sur la terre. D'une démarche royale et assurée, il marcha droit vers Madison ainsi que son alliée, avec qui il parut échanger un bref coup d'œil entendu. Ils représentaient des opposés mais cela ne les empêchait en aucun cas de s'entendre à la perfection. Le cervidé frappa encore le sol et le son résonna comme si un lointain gong sonnait, s'élevant depuis les plus hautes montagnes.
Ce fut le signal que reçut Eole pour venir à eux. Le cri qu'elle poussa déchira les tympans de plusieurs créatures, qui se tordirent de douleur en plaquant leurs mains déformées sur ce qui leur servaient d'oreilles. Elle fendit l'air, venant directement d'au-dessus des nuages et plongea en piqué en passant sous le nez de Mériana, qui recula d'un pas en la voyant trop s'approcher. Le faucon fit un grand cercle en contournant le groupe de héros puis rejoignit le trio. Il alla se percher sur l'un des bois de Brann en battant des ailes, provoquant une puissante bourrasque qui fit s'envoler les feuilles mortes jonchant le sol.
Le dernier à faire son entrée fut Amarok, émergeant directement de la terre elle-même. Les babines retroussées, les poils hérissés, il était plutôt clair qu'il ne paraissait pas très heureux de voir Mériana. Il se posta juste devant la terrienne en faisant le gros dos et l'étincelle verte qui s'alluma dans son regard profond ne présagea rien de bon. De tous, il était celui qui se mit le plus en avant, étant la représentation parfaite de l'animal qui sommeillait en la terrienne. Tous les quatre réunis autour de Madison, ils constituaient un véritable commando.
–Je ne crois pas que des présentations soient nécessaires, commenta l'humaine à l'adresse de celle qui les avait tous envoyés ici.
Hestia esquissa un sourire en la voyant ainsi, et surtout aussi bien entourée. Elle échangea un rapide coup d'œil avec ses deux enfants, qui acquiescèrent, étant apparemment tout aussi ravis qu'elle de réaliser que leur chance était en train de tourner pour de bon. Natasha et Bucky se regardèrent, scotchés, puis observèrent Thor et son frère, en quête d'explications, mais ces derniers, tout comme les ambassadeurs, étaient trop occupés à analyser visuellement ces créatures surnaturelles, mythiques qui sortaient de nulle part pour, de toute évidence, les accompagner dans le combat qui allait les opposer à Mériana. La divinité, justement, se reprit en main et tâcha de rester de marbre.
–Ne crois pas que ta… « ménagerie » te sera d'une quelconque utilité.
Brann exprima son agacement face à de telles paroles en expirant bruyamment avant de faire un pas en avant, mais d'un mouvement simple et discret de la main, Madison le dissuada de continuer à avancer. Le renne ne se calma pas, mais suivit l'indication de l'humaine sans lâcher Mériana des yeux.
–Ce n'était pas très gentil, releva la terrienne sans hausser le ton. Le truc, c'est que vous ne semblez pas encore avoir compris qu'en plus d'avoir survécu ces derniers jours, d'avoir retrouvé de très bons amis et d'avoir compris d'où je venais et pourquoi vous me détestez autant, j'ai aussi réalisé que cette « ménagerie », comme vous l'appelez, ne se résumait pas qu'à eux, précisa-t-elle et une fois de plus, le visage de son interlocutrice devint livide et se figea dans un mélange de consternation et d'inquiétude. Quant aux Limbes, ce n'est pas VOTRE territoire. C'est la jonction entre nos Royaumes, ce qui maintient leur équilibre. Et je crois qu'il est plus que temps qu'ils se souviennent, déclara-t-elle en désignant ses acolytes d'un signe de tête.
Madison sourit en coin, ravie d'avoir enfin l'avantage sur la femme qui s'était bien trop longtemps amusée à la tourmenter, en s'en prenant également à ses amis et à de nombreux innocents étant malheureusement dans l'incapacité de se mesurer à elle. Cette fois-ci, c'était Madison qui demeurait en position de force et elle n'allait pas se priver de rappeler à sa rivale qu'elle n'aurait pas dû dépasser les bornes et que chacune de ses actions plus que néfastes aurait des conséquences.
Le temps semblait suspendu. Presque tout le monde était à cran, en dehors de la mutante, qui savait exactement ce qui allait arriver. Pour une fois, elle était maitresse de la situation et elle se décida à rompre le silence pesant en sifflant.
Une étrange sensation parcourut alors Freya, dont l'attention se porta –comme celle des autres, d'ailleurs– sur la forêt, où naquit pas mal de mouvement. Quelque chose se déplaçait, faisant bouger et trembler les arbres. Une brume inquiétante émergea des branches entremêlées, amenant avec elle toutes sortes de mystères et dangers encore inconnus mais imminents. Le bruissement des feuilles était semblable à un murmure des âmes ayant tragiquement péri dans les Limbes par le passé, tel une alerte.
Puis, toute en grâce et assurance sortit des bois une créature paraissant s'être extirpée des pages jaunies d'un livre de contes : de grands yeux flamboyants, un pelage brillant, une démarche élégante, une tête affinée, une paire de cornes courbées, elle avait l'air d'être constituée, tout comme les autres animaux, de tout un réseau de filaments de lumière et, pour celle-ci, de quelques fragments d'onyx et des vignes venant s'enrouler autour de ses pattes. Le souffle coupé, Freya observa cette splendide gazelle marcher directement vers elle. Symbole de beauté et de défense, l'animal se dématérialisa et son aura ne fit alors plus qu'une avec celle de la Vane, dont les yeux s'illuminèrent. Son organisme tout entier se mit à irradier de la même couleur orangée que la gazelle. Arc en main, Freya se sentit totalement en confiance, dégaina une flèche de son carquois et fut fin prête à combattre.
Simultanément, trois autres bêtes firent leur apparition la première était un ours polaire bleu nuit qui, après avoir poussé un grondement très grave, se dirigea vers Beorth. Le regard du Jotün s'illumina lorsqu'ils fusionnèrent. Ce « Dyr » démontrait l'infinie sagesse dont le Géant des glaces savait faire preuve. Ses doigts se serrèrent autour du manche de sa massue sophistiquée et il inspira profondément. La seconde bête, un robuste taureau rouge foncé donnant l'illusion de s'être échappé des Enfers et représentatif de l'indomptabilité d'Areon, fonça vers ce dernier, toutes cornes dehors, crachant d'épaisses volutes de fumée. L'Ambassadeur de Muspellheim se laissa envahir d'un sentiment familier mais lointain. Armé d'un goupillon dont chacune des extrémités était pourvue de pics affutés, quiconque de sensé aurait préféré ne pas se frotter à lui. Le troisième géant, quant à lui –celui des terres de Niflheim–, se retrouva accompagné d'un imposant et prestigieux bélier constitué de pierre et de métal. Au moment de la fusion, Dakrael frappa le sol du bout de sa lance, faisant vibrer tout le terrain sur un rayon de trente mètres au moins.
Arriva ensuite un autre félin –cette fois-ci à la robe bordeaux aux reflets pourpre délicats–, qui parut « jeter son dévolu » sur l'Elfe noir de Svartalfheim. Celui-ci l'observa avec attention et laissa ce lynx, aux oreilles pointues s'approcher de lui. L'animal en question lui tourna rapidement autour et, de la même manière que pour les autres, associa son énergie à celle de son maitre dont la lucidité, déjà très élevée, se décupla. Du bouclier-lanterne de Wargrith sortirent trois lames aiguisées sur lesquelles étaient gravées des inscriptions dans une langue ancienne. De son côté, Freyr échangea un coup d'œil complice avec Hestia, ravi d'assister à un tel spectacle qui jouerait forcément en leur faveur. De plus, voir sa sœur accompagnée de son propre Dyr le rendait extrêmement fier de cette dernière.
Un rapace nocturne signala alors sa présence de son hululement distinctif. Plusieurs têtes se levèrent vers les cieux, qui furent traversés par une chouette effraie au ramage brun clair et chocolat, dont les extrémités des ailes avaient tendance à tirer sur une teinte plus sombre s'approchant du noir. Manleth, constamment aux aguets, ne put détacher son regard de cet oiseau dont il avait l'impression de se sentir proche sans en comprendre la raison. Appartenant au Royaume de Hel, terre des âmes décédées, il avait cette faculté de toujours voir au-delà et sa perception ne lui faisait jamais défaut, même s'il lui était très souvent arrivé d'avoir du mal à faire confiance à ses capacités. Désormais, il ne doutait plus de lui-même et, armé de sa faux, il ne craignait pas le courroux de leur adversaire.
Mériana ne put s'empêcher de tressailler à l'entente d'un des rugissements plus puissants qui soit. La nouvelle créature qui se manifesta était ce que de nombreuses personnes qualifiaient comme étant le roi des animaux. Le lion majestueux que tous admirèrent un instant semblait avoir été façonné depuis un bloc d'or. Sa crinière soyeuse se mouvait à chacun de ses pas. Elrion sortit de leur étui ses doubles sabres où l'on retrouvait des runes similaires à celle des armes de Wargrith, mêlant par la suite son aura à celle de l'animal. Ensemble, ils étaient l'exemple parfait de ce à quoi ressemblait la monarchie.
Puis, enfin, ce fut au tour de Thor de retrouver un compagnon de route perdu de vue depuis longtemps –une éternité, lui semblait-il–. C'est au galop que cette dernière créature mystique fit son entrée. Son corps paraissait constitué d'un concentré d'éclairs et son crin de filaments de diamants purs. Ce cheval, symbole de puissance, s'harmonisa parfaitement avec l'asgardien, qui eut le sentiment que quelque chose en lui se raviva après avoir longuement sommeillé, n'attendant qu'une toute petite étincelle pour à nouveau se manifester. Loki éprouvait lui aussi une certaine fierté en voyant son frère ainsi. Pendant un court instant, il resongea à leurs disputes, leurs désaccords, au chemin parcouru depuis quelques années. Il était tellement heureux qu'ils se soient finalement réconciliés, même s'il ne le montrait pas forcément.
–J'en veux un pour Noël, souffla Natasha, très admirative de tous ces animaux qui venaient de débarquer pour protéger et défendre les Ambassadeurs.
Madison lui sourit, après quoi elle rejoignit toute l'équipe et à cet instant seulement ses vêtements de tous les jours se changèrent en quelque chose d'à la fois plus pratique et plus adapté à la situation. Comme toujours, la couleur verte prônait, quelle que soit sa teinte –kaki, avocat, sinople…–, chacune de ces nuances s'accordait parfaitement avec son plastron constitué d'un mélange de cuir brun foncé et d'or brillant. Les rangers de la mutante s'étaient transformés en une paire de bottes montantes encore plus résistantes.
Les bras de la terrienne étaient nus pas elle disposait de diverses protections assorties, des mêmes matières que son plastron –protèges avant-bras, épaulettes, genouillères–. Ses cheveux étaient désormais noués en une large tresse qui retombait sur son épaule droite et à sa ceinture était fermement attachée sa fidèle dague, bien rangée dans son fourreau, qu'elle dégaina et rapidement, cette dernière se changea en épée en une seconde. Une cape terre d'ombre était accrochée dans son dos. Une lumière luisait au centre de son thorax, semblable à un réacteur ARK. Avec une aussi fière allure, elle était la parfaite combinaison entre les trois peuples desquelles elle se sentait la plus proche : Midgard, Asgard et Vanaheim.
Pourtant, d'une certaine manière, elle demeurait liée aux neuf royaumes, sans exception, autant que l'étaient les autres ambassadeurs. Ils n'avaient pas été désignés pour représenter l'Yggdrasil pour rien.
Les monstres de Mériana se remirent à grogner, démontrant le mécontentement plus qu'évident de celle qui était à leur tête. Jamais la déesse n'aurait laissé quiconque le découvrir, mais elle ne pouvait se mentir à elle-même elle avait peur. A force de se focaliser uniquement sur sa propre colère, elle s'était à peine rendue compte de ce qu'elle risquait vraiment en se mesurant à un groupe aussi soudé à qui elle avait causé autant de tort. Il était cependant hors de question qu'elle les laisse remporter une victoire qu'elle estimait être sienne, lui revenant de droit. Elle n'aimait pas cette nouvelle assurance avec laquelle Madison était revenue, car cela s'annonçait plus compliqué que prévu pour elle. Elle avait toujours été consciente de la résilience de la mutante, mais elle avait espéré pouvoir cette fois-ci en venir à bout.
Les doigts de Thor effleurèrent par hasard ceux de Madison et un petit courant électrique les lia en les parcourant. Quoi qu'il arrive, ils resteraient unis. Natasha, Bucky et Loki prirent à leur tour leur place dans les rangs, prêts à en découdre –que cela soit à l'aide de la magie ou de la technologie, ils ne reculeraient devant rien–. Hestia et Freyr se joignirent rapidement à eux. Ils étaient désormais quinze contre Mériana et son armée pour le moins démoniaque. Quinze contre… Un nombre trop élevé pour être correctement estimé. Est-ce que cela importait réellement ? Non.
Après tout, ils en avaient vu d'autres. Ils étaient inarrêtables.
–Bon… Et si on s'amusait un peu ?
