Another Level-On the Larceny


–Ce n'est pas le moment de faire la sieste, murmura Thor à Madison.

C'était une blague entre eux, qu'ils avaient mise en place sept ans plus tôt, sur le terrain. Dès que l'un d'eux se retrouvait H.S., même pendant quelques secondes, l'autre prenait un malin plaisir à charrier sa moitié. L'homme raffermît gentiment sa prise et déplaça une mèche de cheveux de Madison afin de mieux voir son visage, et celle-ci lui rendit son sourire.

–Si ce n'est pas mon asgardien favori… répondit-elle avec une voix basse mais non sans amusement. Est-ce que… tout a explosé, ou est-ce qu'on est encore tous les deux en vie… ? lui demanda-t-elle, un peu sonnée. Je ne suis pas sûre…

–On s'en est sortis, lui assura-t-il sans perdre sa bonne humeur. Et… On est toujours dans les airs, ajouta–t-il, préférant tout de même la prévenir afin qu'elle ne panique pas en s'en rendant compte.

Elle tourna légèrement la tête pour mieux voir ce qu'il y avait tout autour d'eux et constata qu'effectivement, ils flottaient encore à plusieurs dizaines de mètres du sol.

–Ah oui, dit-elle simplement. Tu sais, si on n'était pas passé à deux doigts de mourir, j'aurais trouvé ce moment très romantique.

–L'un n'empêche pas l'autre, enchaina-t-il. J'espère que tu sais que c'était extrêmement dangereux de venir te mesurer à la puissance d'une supernova ?

–Je te rappelle que j'ai survécu à la convergence de six pierres d'Infinité l'année dernière, réplique-t-elle avant de tousser un peu pour s'éclaircir la gorge et ainsi s'exprimer plus distinctement et plus clairement. Mais ça secoue quand même pas mal, concéda-t-elle.

–J'ai cru voir ça, confirma le guerrier. Est-ce que ça va ? s'enquit-il ensuite de savoir, récupérant subitement un brin de sérieux, mais au lieu de lui répondre, la mutante se contenta de lui sourire sans rien dire. J'ai eu tellement peur en te voyant te lancer à la poursuite de Mériana, poursuivit-il, n'ayant pas honte de lui parler à cœur ouvert. Et l'explosion était tellement violente que la moitié des monstres a été pulvérisée, ils sont tombés les uns après les autres, lui apprit-il et puisqu'elle souriait toujours, il fronça les sourcils, intrigué par sa réaction. Quoi ?

Tout était soudainement tellement silencieux, c'était reposant. Plus aucune créature, aucun cri, coup, plus de combat en vue. Il n'y avait qu'eux, profitant d'un moment privilégié de calme, de complicité, de tendresse, un moment qui n'appartenait qu'à eux. Tout ce qu'ils pouvaient entendre désormais était le retour d'une faune timide se manifestant par quelques gazouillis d'oiseaux, le clapotis de l'eau du lac ondulant sous une brise légère et agréable, et leurs battements de cœur. Alors, lorsque Thor voulut connaitre la raison pour laquelle Madison le regardait ainsi, cette dernière leva lentement la main vers lui et posa sa paume contre sa joue avec toute la délicatesse du monde. Ce contact, aux yeux de Thor, valait toutes les richesses de l'univers.

–Tu m'as manqué, souffla-t-elle.

–Nous n'avons été séparés que pendant quelques minutes seulement, dit-il, d'abord incertain de saisir ce que cela voulait vraiment signifier, quel était le sens profond de ces mots, mais il ne lui fallut pas longtemps avant de comprendre.

–Tu sais très bien de quoi je parle.

Bien sûr qu'il savait. Ils s'étaient perdus de vue pendant six ans, oubliant jusqu'à l'existence de ce qu'il y avait entre eux. Maintenant qu'ils se souvenaient, ils avaient récupéré tout ce qu'ils avaient vécu et traversé, tout leur était revenu dans les moindres détails. Alors oui, il lui avait atrocement manqué, et cela allait dans les deux sens.

Thor aurait adoré pouvoir figer le temps pour profiter éternellement de cet instant. Il pencha un peu la tête afin d'appuyer la caresse en fermant brièvement les yeux. En les rouvrant, il ne put s'empêcher de recommencer à sourire rien qu'en la voyant. Il estimait avoir une chance inouïe. Ce qu'il ignorait, c'était qu'elle pensait exactement la même chose et était prête à tout et n'importe quoi pour le rendre heureux.

–On devrait peut-être y retourner ? proposa l'homme.

–Il y en a encore en bas, c'est ça, tenta-t-elle de deviner en grimaçant un peu, n'ayant plus tellement envie de se battre aujourd'hui.

–Oh, non, lui assura-t-il, mais je ne pense pas que l'on puisse rester là jusqu'à la fin des temps, précisa-t-il en désignant d'un signe de tête le vide céleste splendide qui s'étendait autour d'eux.

–Dommage, soupira Madison. Mais puisqu'il le faut… enchaina-t-elle en passant ses bras autour du cou de l'asgardien pour se tenir à lui en arborant un sourire malicieux. Vous me raccompagnez, Majesté ?

–Accroche-toi, sweetheart, lui répondit-il d'un ton charmeur.

En contrebas, l'équipe achevait très tranquillement de se débarrasser des monstres avec une facilité enfantine. Elrion ôta son sabre de la bête dans laquelle il était planté, sectionnant une artère et le sang poisseux se répandit sur le sol tandis que la créature acheva d'agoniser dans d'infâmes gargouillis. Cela provoque un haut-le-cœur à Areon, qui afficha une mine de profonde répulsion.

–C'est vraiment dégoûtant.

–Petite nature, se moqua gentiment Freya en récupérant une flèche plantée dans l'orbite de l'une de ses victimes, et l'œil resta planté sur la tige d'or à l'extrémité pointue, alors la guerrière trouva amusant d'agiter son trophée sous le ne du Géant de feu. Regarde, on dirait que ça fait des bulles, dit-elle en secouant légèrement sa flèche, faisant gigoter le globe oculaire.

–Freya, un peu de tenue, je te prie, la rappela à l'ordre Hestia, poings sur les hanches, après quoi sa fille haussa les épaules et retira l'œil de son arme avant de le jeter –volontairement– aux pieds d'Areon, qui fit un pas sur le côté en ronchonnant.

Hestia secoua la tête avec désarroi et se pinça l'arête du nez en soupirant. Sa réaction amusa son fils, qui leva discrètement un pouce pour approuver le comportement de sa jumelle. Celle-ci lui répondit par un sourire accompagné d'un clin d'œil complice.

–Ils sont passés où, Xéna et Ragnar Lothbrock ? s'interrogea Natasha à haute voix.

–Qui ? la questionna Wargrith, un peu perdu.

–C'est une référence midgardienne, lui apprit Loki, après quoi il se mit à réfléchir. Compte tenu de vos propres références, c'est un peu comme si mon frère et Madison avaient été comparés à Kerela et Drenn.

–Qui ? lança Bucky, débarquant tout juste dans la conversation en ôtant son casque.

–Vous ne voudriez pas avoir des références communes, histoire que tout le monde comprenne ? proposa Freyr. Non, parce qu'au cas où certains d'entre vous l'auraient oublié, il y en a qui ont passé un peu de temps en prison et ne connaissent donc aucune des personnes que vous avez citées…

–Vous êtes sérieusement en train d'avoir un débat là-dessus ? s'impatienta Areon, bras croisés, en tapant du pied à terre. Vous n'êtes vraiment pas croyables…

Tous cessèrent de parler lorsque le dieu du tonnerre atterrit au milieu du groupe, puis il reposa ensuite Madison, qui lui sourit pour le remercier avant de focaliser son attention sur ses amis. Natasha ne masqua pas son soulagement en découvrant que sa meilleure amie se portait bien, en dépit de tous les risques qu'elle avait pris.

–Ca y est, on s'absente pendant trois minutes pour sauver le monde et vous recommencez à vous engueuler, blagua-t-elle, particulièrement heureuse de mes retrouver tous en pleines formes, en dehors de Manleth, dont la jambe saignait toujours un peu, ce que la mutante ne tarda pas à remarquer, alors elle marcha vers lui et l'invita à s'asseoir sur le rocher qui se situait juste derrière lui, ce qu'il fit sans protester. Ca n'a pas l'air trop profond, commenta-t-elle en plaçant ses mains au-dessus de la plaie et une lueur blanche en émana, soignant ainsi l'ambassadeur d'Hel. Ce fera des histoires à raconter en rentrant, poursuivit-elle en le regardant à nouveau dans les yeux. Je suis certaine que Galoriel adorera, affirma-t-elle, se souvenant parfaitement de tous ceux qu'elle avait rencontrés sur Arcturus IV. Je pense que c'est bon, acheva-t-elle, une fois ses soins terminés, puis elle se redressa en époussetant ses genoux couverts de poussière. Pas d'autre bobo à déclarer ? lança-t-elle à l'assemblée.

–Tu es une grande malade, affirma Natasha, dont le casque se rétracta, libérant ainsi sa chevelure flamboyante. Est-ce que la notion d'instinct de survie te dit quelque chose ?

–J'ai été très prudente, rétorqua Madison. Enfin, plus que d'habitude.

La rouquine leva les yeux au ciel, ne jugeant pas utile de répliquer, lorsque son regard fut attiré par les deux membres de l'équipe qui avaient jusqu'à présent manqué à l'appel mais qui revenaient désormais accompagnés. Tandis que tout le monde fut sur ses gardes, Natasha fit signe à sa meilleure amie de se retourner, ce que la brune fit. Elle découvrit ainsi Beorth et Dakrael, qui ramenaient Mériana en la tenant fermement chacun par un bras. Bucky sentit un frisson désagréable remonter le long de sa colonne vertébrale et il serra les poings. Le simple fait de la voir lui rappelait qu'elle était responsable de la mort d'Howard et Maria. Heureusement que Natasha se trouvait à ses côtés pour l'empêcher de faire quoi que ce soit qu'il finirait par regretter. Elle lui attrapa la main, l'incitant de la sorte à rester en place. L'espionne russe estimait que de toutes façons, Mériana ne représentait plus tellement un danger pour eux.

La déesse paraissait épuisée, drainée de presque toute son énergie vitale. Tenant à peine debout, elle se retrouva les genoux à terre, toujours maintenue par les deux géants. Elle était blessée, dépassée par les événements, perdue. Son regard était vide, son visage restait tourné vers le bas. C'était à peine visible, mais elle tremblait. De froid, de peur, de stresse, personne n'en savait rien. Elle n'avait plus rien à voir avec celle qui, un peu plus tôt, avait pour projet de tous les anéantir, sans exception. Elle semblait en avoir assez de tout et, d'une certaine manière, paraissait soulagée que cela soit enfin terminé. Elle avait trop donné. Maintenant, elle n'avait plus à se battre contre quiconque.

Madison échangea un rapide coup d'œil avec Hestia, qui détourna le regard. Il était plus qu'évident que celle-ci ne voulait plus rien à voir avec sa mère. Il en allait de même pour les jumeaux qui baissèrent les yeux après avoir maintenu un bref contact visuel avec leur cousine terrienne. C'était donc à la mutante de décider quoi faire et prendre des décisions, et pas des moindres. A quelques mètres de là, Mériana n'osait fixer personne. Elle les avait trop tourmentés, ils avaient tous une excellente raison de vouloir lui faire la peau. Mais la déesse comprenait. Elle ne leur en voulait même pas. Tout ce qu'elle voulait était que tout s'arrête, et disparaitre là où on ne viendrait pas la chercher.

Madison avança d'un pas, mais Thor la retint par le bras, étant encore inquiet qu'il puisse arriver quelque chose. Elle lui sourit simplement pour le rassurer, car elle savait ce qu'elle faisait. L'asgardien la laissa donc faire, guettant tout de même les quelques petits gestes de Mériana à mesure que Madison s'approchait d'elle, prudemment mais avec confiance. Tous l'observaient avec beaucoup d'attention, songeant à ce que leur alliée comptait faire vis-à-vis de la personne qui avait tout mis en œuvre pour la briser. Tous se disaient qu'il serait parfaitement légitime de sa part de la faire disparaitre pour de bon, pour assurer la protection du monde. Elle en avait le pouvoir, le mobile et l'opportunité, absolument rien ni personne ne pourrait la stopper.

Mériana continua de fixer un point sur le sol, voyant les bottes de Madison s'approcher pour finir par s'arrêter juste devant elle. Elle n'était pas spécialement prête à recevoir le coup de grâce, le fait que cela soit sa petite-fille qui le lui porte rendait cependant la situation moins difficile à supporter. Il s'agissait du juste retour des choses. Elle l'avait faite souffrir pendant des années et ne doutait pas que la plus jeune devait lui en vouloir plus que tout. Elle n'avait tellement plus envie de lutter que Beorth et Dakrael finirent par la relâcher. Elle ne bougeait pas, elle se contentait d'attendre silencieusement, le souffle court. Son cœur battait rapidement, autant à cause de l'angoisse de l'appréhension que son épuisement dû à l'affront à l'issue duquel elle était sortie perdante. Cela lui semblait interminable. Si ça continuait à s'éterniser, la pression aurait raison d'elle avant le reste. Pourquoi personne ne parlait ? Pourquoi personne ne réagissait ? Elle se demanda s'ils prenaient plaisir à faire grimper la tension, mais elle savait qu'aucun d'eux n'était cruel au point de la laisser paniquer intérieurement aussi longtemps.

Elle se sentie plus perdue encore lorsqu'elle vit que Madison lui tendait la main.

Elle leva la tête pour découvrir que le visage de la terrienne était dénué de rancœur. Elle demeurait toujours aussi calme et la regardait sans ciller, sans flancher. Mériana ignorait ce qu'il se passait dans la tête de sa petite fille, elle ne saisissait pas comment cette dernière en était arrivée à ce choix crucial et plus qu'inattendu. Cela ne faisait qu'intensifier l'impact de sa défaite, ce qui était presque pire que la mort. Tous les regards étaient rivés sur elles deux, tous attendaient que la déesse agisse. Elle-même n'était pas certaine de ce qu'elle était supposée faire. Elle doutait fortement que la mutante lui tende un piège, elle avait remporté la victoire et ça n'était pas dans sa nature de faire preuve de fourberie. Quelles que soient ses intentions, elles n'étaient pas mauvaises. C'était même le contraire. Et quoi qu'il puisse arriver, Mériana refusait de perdre la face, souhaitant conserver sa dignité. Elle avait une certaine fierté mais, sachant également s'avouer vaincue en temps voulu, elle saisit la main de Madison, qui l'aida à se relever.

Une fois debout, elle jeta quelques rapides coups d'œil à gauche et à droite pour constater que de tous, la mutante semblait être la seule à ne pas vouloir l'égorger. La situation la rendait un petit peu mal à l'aise. Son armée avait péri sous les coups portés par les ambassadeurs et ses pouvoirs étaient à sec. Si elle s'était retrouvée seule, peut-être aurait-elle laissé ses émotions –telles que la frustration, la fatigue et également quelques remords– prendre le dessus en les évacuant via quelques larmes. Seulement, pleurer devant un public, surtout aussi important, ne faisait ni partie de son plan, ni de ses habitudes. Pourtant, elle savait que ça lui aurait fait beaucoup de bien de laisser son humanité doucement refaire surface durant ne serait-ce qu'une poignée de secondes.

–Je ne veux pas que nous soyons ennemies, lui dit paisiblement sa petite fille sans une once d'ironie, tenant toujours sa main dans la sienne.

–… Pourquoi… ? souffla Mériana, dépassée et allant de surprise en surprise. J'ai incité Sithbrir et Lydra à s'en prendre à toi, j'ai soufflé à Hydra l'idée de te faire disparaitre… J'ai fait tuer tes parents, acheva-t-elle d'un air grave, la gorge serrée, comme si elle souhaitait provoquer Madison, la faire réagir d'une autre manière qu'avec cette sérénité olympienne.

–J'ai de bonnes raisons de vous en vouloir, concéda-t-elle. Mais ce n'est pas ainsi que l'histoire doit s'achever. Je pense que nous avons beaucoup appris toutes les deux, aujourd'hui. J'ai fini par trouver ma voie, comprendre quelles étaient les raisons pour lesquelles j'étais devenue celle que je suis. Aller de l'avant m'effraye un peu moins, lui avoua-t-elle, et il m'a été une fois de plus confirmé que quoi qu'il arrive, je ne serai jamais seule, dit-elle, un sourire en coin, songeant au chemin qu'avaient parcouru ses amis pour la retrouver. Quant à vous, poursuivit-elle en verrouillant son regard dans le sien, je crois que vous avez réalisé que je ne reculerai devant rien pour assurer la sécurité de l'univers et de ses habitants. Vous avez passé tellement de temps à vivre en étant animée que par la haine et le chagrin que vous en avez oublié de vous préoccuper de vous. Je veux seulement que vous arriviez à trouver la paix, résuma rapidement Madison. Peut-être qu'un jour, nos chemins se croiseront à nouveau, et j'ose espérer qu'à ce moment, vous vous souviendrez de cet échange. Je ne suis pas votre ennemie, répéta-t-elle, souhaitant s'assurer que Mériana retiendrait le plus important.

Après un moment de flottement, Madison recula de quelques pas afin de laisser plus d'espace à la déesse. Etrangement, cette dernière se sentait plus déroutée une fois que la plus jeune lui laissa la liberté de faire ce qu'elle voulait alors que d'ici peu, la galaxie dans son entièreté serait au courant de ses méfaits. Elle trouvait surprenant qu'on lui offre cette chance. Elle serra nerveusement les dents et déglutit difficilement, désorientée. Mériana baissa ensuite très lentement la tête et soupira longuement, exténuée. Elle en avait terminé avec les Limbes, et ce pour un bon moment. Elle espérait ne plus en entendre parler. Elle avait échoué, elle l'acceptait et comptait s'effacer de la réalité. Au moins pour quelques mois, le temps de se faire un petit peu oublier.

Elle ferma les yeux, expira profondément et concentra les quelques dernières étincelles de magie auxquelles elle avait accès. Dès lors, son corps se dématérialisa en un million de minuscules particules de lumière, qui s'élevèrent en tourbillonnant pour finir par s'évaporer, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de son passage. Les yeux de tous restèrent rivés vers le ciel et lorsque l'ultime étincelle fut éteinte, ils se regardèrent à nouveau, se rendant alors compte de l'intensité du silence environnant.

L'après-coup. La conclusion de cette journée compliquée et forte en émotions. Le résultat de la combinaison de leurs efforts.

Tournant toujours le dos à la majorité de ses alliés, Madison soupira et laissa retomber la pression accumulée. Elle aussi était fatiguée. Elle n'avait pas énormément dormi depuis qu'elle était arrivée dans les Limbes et rêvait d'enchainer au moins huit heures de sommeil, que cela soit dans un vrai lit ou même allongée dans l'herbe, à la belle étoile, du moment qu'on la laissait souffler un peu. Elle réalisait à peine ce qui leur était arrivé en si peu de temps. D'une part, cela la réjouissait de savoir la vérité les concernant mais d'autre part, cela la rendait également un peu triste, car elle aurait aimé ne jamais avoir oublié au départ, et le fait que son adversaire fût un membre de sa famille n'arrangeait rien. Au moins, elle avait trouvé un moyen alternatif au décès de Mériana pour en terminer. Elle ne savait pas si elle voulait ou non la revoir à l'avenir. C'était encore trop tôt pour qu'elle se décide, mais si jamais cela venait à se produire, qu'il en soit ainsi elle aviserait sur le moment.

Elle sentit une main se poser avec une extrême délicatesse sur son épaule. Elle se tourna et se retrouva face à Hestia, qui était un peu plus grande qu'elle. Elle paraissait métamorphosée. Elle ne semblait pas inquiète, puisqu'elle n'avait plus aucune raison de s'en faire pour sa famille, qui s'était énormément mise en danger aujourd'hui. La déesse ne retira pas sa main, échangeant un long regard avec la mutante, puis elles se sourirent Madison se sentait comme une enfant un matin de Noël, Hestia pouvait presque voir des étoiles briller dans ses grands yeux bruns.

–Madison, dit-elle simplement.

–Tante Hestia, répondit cette dernière avec un brin de malice, après quoi elles partagèrent une chaleureuse étreinte.

Lorsqu'elles s'écartèrent l'une de l'autre, elles rirent brièvement. Plus de contrainte, plus aucune menace. La terrienne observa ensuite l'assemblée dans sa globalité.

–Merci d'être venus me chercher.

–Il semblerait que vous n'ayez finalement pas eu besoin de tant d'aide que cela, commenta Elrion. Dame Madison, poursuivit-il solennellement, se tenant droit comme un « i », c'est à nous de vous remercier de nous avoir permis de nous rappeler.

–Je crois qu'au stade où nous en sommes, lui répondit-elle, nous pouvons laisser tomber le vouvoiement, précisa-t-elle, ce que l'ambassadeur des Elfes clairs approuva volontiers.

–C'est étrange, compléta Areon. Durant des années, je ne comprenais pas d'où me venait cette sensation de vide, cette impression de ne jamais être à ma place. Cela fait du bien d'avoir trouvé des compagnons de route qui soient capables de voir en moi autre chose qu'un habitant quelconque de Muspellheim.

–Je n'ai même pas le cœur à répondre par une blague, avoua Wargrith, tout de même touché par cet aveu qui venait d'un individu dans la culture duquel il n'était pas courant –et pas spécialement bien vu non plus– de parler de son ressenti et de ses sentiments. C'est bon de vous retrouver, enchaina-t-il à l'adresse de tous les autres.

–Nous étions destinés à nous rencontrer, déclara Thor en faisant un pas en avant. A nous retrouver au moment opportun, à devenir alliés. Amis, même, dit-il ensuite en observant Madison du coin de l'œil, avec qui ils étaient clairement un petit peu plus qu'amis.

–Nous devons nous promettre de continuer à toujours veiller les uns sur les autres et répondre présents si besoin, reprit la mutante. Si l'un de nous venait à avoir un problème, ajouta-t-elle en dégainant son épée, les huit autres seraient là pour lui venir en aide, quelle que soit la menace, dit-elle en levant à l'horizontal son arme devant elle.

Thor acquiesça et l'imita, avec sa hache. Une étincelle jaillit lorsque Stormbreaker effleura la pointe de l'épée. Ce fut ensuite au tour de Freya de se détacher du reste du groupe afin de s'approcher du duo.

–J'ai toujours voulu avoir une cousine un peu casse-cou sur les bords qui m'entrainerait dans de folles aventures, dit-elle malicieusement en accompagnant ses propos d'un clin d'œil.

Arc en main, elle imita leur geste en le joignant aux deux premières armes, puis elle fut rapidement suivie de Dakrael et de sa lance.

–Niflheim gardera ses portes ouvertes au cas où vous auriez quelqu'un à enfermer dans l'une de nos prisons les plus sécurisées, leur proposa-t-il. A moins que cela ne soit un de ces deux-là, ajouta-t-il en désignant Hestia et Freyr, puisque nous avons tous eu l'occasion de constater que cela ne leur avait pas été si difficile de s'en échapper… lança-t-il avec une pointe d'humour dans la voix, et sa réflexion amusa Freyr –qui baissa néanmoins légèrement la tête, un peu honteux de la façon dont ils avaient dû procéder pour arriver à leurs fins, mais sa sœur lui accorda un regard réconfortant, souhaitant lui faire savoir qu'il n'avait pas à se sentir coupable de quoi que ce soit–.

–Je n'ai jamais autant risqué ma vie que depuis que j'ai fait votre connaissance, commenta Beorth, massue à la main, mais c'est avec joie que je continuerai à la faire à vos côtés.

–Vous pouvez également compter sur moi, enchaina Manleth. A la vie, comme à la mort.

–Très solennel, fit remarquer Wargrith, et aussi un brin ironique, venant de la part d'un habitant d'Hel… Mais surtout très vrai, concéda l'Elfe noir en se joignant à ses compères. A la vie, comme à la mort, répéta-t-il.

–Alfheim ne reculera jamais devant rien lorsqu'il s'agira de prêter main forte à ses alliés, promit Elrion en dégainant un de ses sabres.

Ne manquait à l'appel que le Géant de feu, qui s'était jusqu'à présent contenté d'analyser les comportements de chacun et chacune. Bien évidemment, les regards convergèrent vers lui puisque, de toute évidence, c'était à son tour de s'exprimer concernant sa loyauté envers leur groupe –loyauté dont ils ne doutaient pas–.

–Très bien, soupira-t-il en levant les yeux au ciel, faussement contrarié, je suppose que je n'ai pas le choix, ironisa-t-il.

Une fois que leurs neuf armes furent réunies, les Ambassadeurs perçurent une étrange vague d'énergie les parcourir de la tête aux pieds. Partant du cercle qu'ils formaient, une lueur d'abord discrète mais don l'intensité augmenta rapidement remonta le long de leurs armes. Se dessina alors sur le bras de chacun un lien luminescent semblable à des lianes qui brilla durant quelques secondes, les connectant les uns aux autres.

–Au-delà des limites de l'univers, conclut Madison.

La lumière se dissipa et tout redevint normal. Ils abaissèrent et rangèrent leurs armes, sachant que l'avenir leur réservait un tas de surprises –bonnes ou mauvaises, ils n'en savaient rien, mais ils avaient hâte de le découvrir–.