Welcome Home-Radical Home


–Peut-être devrions nous songer à quitter ces lieux, proposa Dakrael. Ne vous méprenez pas, je trouve les Limbes presque charmantes et j'apprécie énormément votre compagnie, mais il serait préférable que j'aille avertir mon peuple des récents événements. J'espère que nous n'avons pas trop tardé et que le portail est toujours ouvert, sans quoi nous risquons d'avoir un nouveau problème, ajouta-t-il en se tournant vers Hestia.

–Oh, vous n'en avez plus besoin, lui apprit-elle. Vous vous êtes réapproprié ces terres, vous êtes libres d'aller et venir où vous le souhaitez, comme bon vous semble. Du moment que cela reste, bien sûr, dans les limites de l'Yggdrasil. Il vous suffit de penser à un royaume, rien de plus.

–Penser à un…

Dakrael s'interrompit en entendant un drôle de crépitement derrière lui, ce qui l'incita à se retourner afin d'en découvrir l'origine. Quelques étincelles tournoyaient lentement, formant une spirale qui ne tarda pas à s'élargir, s'agrandir pour finalement devenir un cercle ayant un diamètre d'environ deux mètres soixante-dix –autrement dit suffisamment large pour permettre à n'importe quel géant de passer sans être forcé à trop se contorsionner–. Dakrael lâcha un simple « mh » à la fois surpris et satisfait à la vue de ce tout nouveau portail.

–Oui, effectivement, c'est beaucoup plus simple, concéda-t-il.

–N'oubliez pas que cet endroit n'en demeure pas moins dangereux, reprit Hestia, mais il vous permettre de visiter librement vos voisins. Evitez simplement de vous attarder inutilement dans les parages, lui suggéra-t-elle lorsque, subitement, le bouc aux reflets argentés réapparut aux côtés de son maitre.

–Je crois que je ne risque rien assura-t-il en reculant de quelques pas avec l'animal, mais je prends note de votre conseil, ajouta-t-il en accordant un dernier coup d'œil à ses alliés. Mesdemoiselles, messieurs, dit-il en inclinant la tête afin de les saluer, au plaisir de vous revoir, déclara-t-il avant de s'engouffrer dans le portail qui le reconduirait chez lui.

–Bon, je suppose que je vais avoir de nombreuses choses à mettre en ordre une fois rentré, lança Wargrith, poing sur la hanche, et lorsqu'il s'approcha du passage circulaire emprunté par son acolyte, celui-ci changea légèrement de teinte –signe que la destination serait différente, puisqu'il se dirigeait non pas vers Niflheim mais vers Svartalfheim–, après quoi l'Elfe les salua d'un bref signe de la main, puis il disparut à son tour.

–J'espère sincèrement que toutes les créatures que nous avons éliminées aujourd'hui ne vont pas se retrouver chez moi, soupira Manleth en secouant la tête, parce que je ne vous raconte pas le travail que je risque d'avoir, poursuivit-il en songeant déjà en potentiel chahut qui avait lieu au royaume des morts. Souhaitez-moi bonne chance, souffla-t-il, ce à quoi ses amis ne surent trop quoi répondre, mais Freyr –fidèle à ses habitudes– leva un pouce en l'air pour l'encourager –à sa manière–, puis l'ambassadeur d'Hel s'en alla sans rien ajouter de plus.

Areon haussa les épaules lorsque son tour arriva de se présenter face au portail.

–C'aura été une drôle de journée, commenta-t-il un peu distraitement, le regard perdu dans le vague. Tenez-moi au courant si jamais vous prévoyez de combattre à nouveau, parce que très sincèrement, cela m'avait manqué de me défouler de la sorte. Aujourd'hui, au moins, j'ai eu le droit d'en brûler deux-trois sans craindre de représailles, affirma-t-il avant de saluer ceux qui restaient de manière presque trop solennelle. Bien le bonjour à Arkali, acheva-t-il en s'adressant directement au géant des glaces, qui secoua la tête de droite à gauche comme s'il avait affaire à un gamin de cinq ans, avant qu'Areon passe à travers le tunnel de lumière rougeâtre sans demander son reste –mais avec un grand sourire aux lèvres car il avait véritablement adoré le temps qu'il avait passé avec les autres–.

Elrion fit un pas mais s'arrêta presque aussitôt et se retourna pour faire face au reste du groupe.

–Rappelez-vous qu'Alfheim vous ouvrira ses portes en toutes circonstances, leur promit-il en accompagnant ses paroles d'un bref hochement de tête, puis il rentra chez lui en rangeant dans son fourreau le sabre qu'il avait un peu plus tôt dégainé pour officialiser leur union –et par la même occasion celle de leurs peuples–.

Beorth paraissait hésiter. Son regard allait et venait inlassablement entre le portail devenu bleu et Madison, sans qu'il ne la regarde pour autant directement dans les yeux. Il semblait en proie à une certain forme de honte, quelques remords qui valurent à la mutante de se poser des questions quant à son comportement pour le moins inhabituel. Lui qui était d'ordinaire si sûr de lui, si confiant, il avait l'air de douter du choix de ses mots. Devant le portail, l'herbe sombre s'était recouverte d'une fine couche de givre provenant de Jotunheim –qui était à la fois à des millions de kilomètres tout en étant à deux pas–.

–Je… hum… débuta-t-il, tête baissée, tandis que tous attendaient avec impatience qu'il s'exprime, en particulier Madison, qui avait bien compris que quoi qu'il ait à dire, cela lui serait adressé. Je suis désolé pour… hum… dit-il en fixant le bras droit de la brune, qui sut alors ce à quoi il faisait allusion.

A cet instant, les parties métalliques de l'armure qui recouvraient son avant-bras droit se rétractèrent et s'effacèrent par magie, laissant apparaitre la fameuse marque indélébile qui la suivait depuis des années, cette trace de main semblable à une brûlure dont elle n'avait su se remémorer l'origine durant si longtemps. Seulement, ce n'était désormais plus un mystère –pour elle, pour ceux qui étaient présents le jour où cela s'était produit–.

Le géant des glaces parut se détendre en voyant l'air confiant qu'affichait son amie.

–Ne t'excuse pas, le pria-t-elle, nous savons tous les deux que tu m'as sauvée, ce jour-là, et que sans ton intervention, nous aurions eu beaucoup de mal à nous en sortir en un seul morceau. Je te dois beaucoup.

–Toi et Thor avez libéré mon royaume de l'emprise de Sithbrir. Les jotüns vous sont également redevables, et le seront aussi longtemps que notre peuple existera.

–Dans ce cas, disons que nous sommes quittes, proposa la terrienne avec un clin d'œil. Tu me sauves, je te sauve, on se renvoie la balle chaque fois qu'on en a l'occasion et pour ma part, ça me va parfaitement. Prends soin de toi, acheva-t-elle, puis lorsque le jotün lui eut rendu son salut, il partit.

Ne restèrent plus que la mutante, la rouquine, le soldat, le prince asgardien, le dieu de la malice, la divinité autrefois diffamée et les jumeaux. Le portail était toujours ouvert, étant encore alimenté par la magie des deux ambassadeurs. Maintenant que les autres membres de leur équipe de choc étaient rentrés chez eux, tout demeurait beaucoup plus calme. Un vent frais et léger faisait onduler les branches les plus souples des arbres alentours, quelques oiseaux gazouillaient gaiment et en profitaient pour parcourir le ciel dégagé, le plus gros du danger ayant été écarté.

–Bon, lança Bucky, qui s'était installé sur un rocher en attendant que ses alliés achèvent leur échange, c'était une très belle conversation, vraiment intéressante, mais voyez-vous, pour nous, pauvres mortels, c'était… Un tantinet long. Mais intéressant quand même, concéda-t-il, avant de porter son attention sur Hestia et ses enfants. Et vous trois, vous ne retournez pas sur Vanaheim ?

–Si cela ne vous dérange pas, répondit la mère des jumeaux, avec qui elle échangea un regard entendu, nous aimerions vous raccompagner sur Midgard.

–A une seule condition, rétorqua Natasha, alors que son armure se dématérialisa, puisqu'elle n'en avait plus besoin. J'aimerais bien que vous m'expliquiez pourquoi je me sens bizarre depuis quelques minutes, lui demanda-t-elle, suscitant d'abord de l'inquiétude chez ses amis, qui espéraient que cela ne soit rien de grave, parce qu'ils avaient eu leur dose de drames pour la journée, et pourquoi je vois certaines images défiler dès que je ferme les yeux.

–Je pense qu'elle sera capable de t'aider avec ça, répondit la déesse en désignant sa nièce, bien mieux que je puisse le faire, compléta-t-elle.

–Oh, c'est vrai ! s'exclama Madison comme si elle venait de se souvenir de quelque chose de plus qu'évident, tout en marchant vers sa meilleure amie, puis elle plaça ses mains de part et d'autre de son crâne, en face de ses tempes. Ca risque de piquer un peu, la mit-elle en garde juste avant qu'un fin et pâle filament se dessine entre les paumes de la brune et Natasha, qui fronça les sourcils à cause d'une légère sensation d'inconfort –néanmoins supportable–, puis ses yeux s'agrandirent soudainement et une profonde expression de choc put se lire sur son visage.

–… Attends.

–Oui, je sais, s'empressa de dire Madison, voulant à tout prix éviter que cette dernière se mette à paniquer, ça fait beaucoup à assimiler, reconnut-elle, tandis que l'autre femme l'observait fixement, visiblement perturbée, jusqu'à ce qu'elle se décide à se focaliser sur les deux frères, qu'elle montra ensuite du doigt.

–Attends, répéta-t-elle, je les connaissais, souffla-t-elle à la mutante, puis elle s'adressa directement aux concernés. Il y a seize ans, Je me rappelle vous avoir vus débarquer sur Terre pour la première fois il y a seize ans, affirma-t-elle. Tous les trois, dit-elle en incluant Madison dans le lot, vous êtes arrivés de nulle part devant Clint et moi, j'ai cru que j'allais avoir une attaque !

–Quoi ? lança Bucky, complètement largué.

–Quoi ? répéta Loki, tout aussi perdu. C'est impossible, tu dois probablement faire erreur. Nous avons fait connaissance à l'issue du chaos que j'ai semé à ce gala en deux-mille-douze, se remémora-t-il, puis il sursauta lorsqu'il sentit quelque chose de froid et humide effleurer sa main et en baissa les yeux, il découvrit qu'Amarok était réapparu et avait frotté son museau sur sa peau, après quoi le loup, plus calme que lors de l'affrontement, se saisit délicatement d'un pan de la tunique du dieu de la malice entre ses crocs pour l'entrainer avec lui et l'homme se laissa faire, il laissa l'animal le guider.

–Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris, murmura Bucky à Freyr. Ils se connaissaient tous ?

–Il se sont croisés, commenta-t-il. Eux, ainsi qu'Anthony, sa charmante compagne et cet archer avec qui ma sœur a une fois eu l'occasion de s'entrainer.

–Mais comment Barton est-il concerné ? dit le vétéran en fronçant les sourcils, son regard allant et venant frénétiquement entre les eux terriennes, puis il observa à nouveau Loki, toujours guidé par le loup.

Amarok finit par s'arrêter et il lâcha Loki avant de retourner aux côtés de sa maitresse, qui le gratifia d'une caresse sur la tête et il disparut aussi rapidement qu'il s'était présenté. Loki ne comprenait pas le comportement de l'animal, qui s'était contenté de l'éloigner un peu du groupe pour l'amener devant des buissons. Des buissons. Rien d'autre. Juste un tas de feuilles et de branches au ras du sol, rien de plus. Il tourna la tête en direction de Madison, s'attendant à ce que celle-ci lui fournisse une explication, quelle qu'elle soit. D'un air un peu mystérieux, la brune haussa les épaules et laissa le temps agir. Il se figea et fut sur ses gardes quand il entendit remuer dans les broussailles. Il fit volte-face, toujours un peu à cran et prêt à se défendre contre… Contre quoi, exactement ? Il n'avait aucune idée de ce à quoi il allait avoir affaire. Désormais, il était plus curieux qu'autre chose.

Il commença à discerner quelque chose dans cet amas de verdure. Quelque chose de couleur vive, mais qui semblait enclin à se terrer dans l'ombre, comme si sortir au grand jour l'effrayait. Un pelage roux aux discrets reflets malachite. Des oreilles pointues tournées vers l'arrière, comme s'il entendait absolument chacun des petits sons qui résonnaient autour de lui. De grands yeux vert empire luisants. Deux prunelles rivées sur lui, sondant presque son âme. Ça bougeait à peine, ça n'osait pas encore sortir de sa cachette, où il se sentait probablement en sécurité. Intrigué, Loki s'accroupit et posa un genou à terre, hésitant à tendre la main afin d'écarter la végétation et ainsi mieux voir ce qui s'y dissimulait. Il décida finalement de s'exécuter et il approcha lentement sa main du buisson. Il recula sa main vivement comme s'il avait été brûlé, surpris de voir « la chose » s'agiter dans les broussailles, puis il réitéra son action, sans reculer cette fois-ci.

Il eut alors la très grande surprise de découvrir, sous cet édredon de verdure, un magnifique renard à la robe luisante. L'animal, d'abord craintif, huma ses doigts, souhaitant s'assurer qu'il ne risquerait rien en s'exposant au grand jour, devant le dieu de la malice. Se produisit la même chose qu'avec les ambassadeurs : un simple contact fut suffisant pour qu'un lien puissant –longtemps enfoui, disparu– se rétablisse entre eux. Les yeux de chacun passèrent de bleu pour Loki et émeraude pour le renard à chartreuse, après quoi ce dernier sauta presque dans les bras de l'homme, aussi euphorique, enthousiaste et joueur que l'avait été Amarok avec Madison. Celle-ci ne put s'empêcher de sourire à cette vue pour le moins attendrissante. Les yeux de Loki brillaient comme ceux d'un enfant qui verrait pour la première fois de sa vie le Père Noël. A cet instant précis, il se moquait pas mal du fait que l'image qu'il devait renvoyer était très probablement éloignée de celle du monarque qu'il avait établi. Il renouait avec un ami de longue date, c'était le plus important.

–J'ai une petite question, déclara soudainement Bucky à l'adresse de tous –à l'exception du jotün, qui demeurait occupé pour le moment–. Si tout le monde se souvient, alors techniquement, Barton aussi, n'est-ce pas ?

Natasha et Madison échangèrent un coup d'œil concerné, réalisant qu'en effet, ce devait être le cas. Elles en vinrent à la même conclusion sans pour autant avoir eu besoin de se parler. La brune se frotta nerveusement le front à la pensée de leur ami voyant certainement défiler des images étranges sorties de nulle part, tandis que la rouquine afficha un air embêté qui amusa Thor et Freyr, puis elle pivota pour faire face à sa meilleure amie et elle appuya sa tête contre son épaule en soupirant.

–Il doit être en train de disjoncter… souffla -t-elle. A tous les coups, il doit déjà être en train de nous attendre de l'autre côté pour nous assommer de questions.

–Et si nous rentrions pour vérifier ? proposa Bucky, ce à quoi tous acquiescèrent à l'unanimité.

–Avec plaisir, lui répondit Madison en souriant, soulagée d'enfin pouvoir rentrer chez elle et profiter pleinement de sa famille et d'un peu de calme, puis le terrien, Natasha et Freyr furent les premiers à avancer vers le portail en discutant de ce qu'ils pourraient bien raconter à l'archer sans pour autant trop le brusquer.

Hestia passa gentiment son bras autour des épaules de sa fille et ensemble, elles quittèrent à leur tour les Limbes. Quant à Loki, il se remit debout une fois que le renard se volatilisa, son aura ayant fusionné, communié avec la sienne. Il se tourna vers son frère et la mutante, qui remarquèrent sur le champ qu'avoir récupéré ses souvenirs le rendait plus serein que jamais. Il les rejoignit en silence et, sans crier gare, les serra tous les deux contre lui. Ils partagèrent cette étreinte durant quelques secondes, puis le dieu de la malice s'éloigna d'un pas seulement, récupérant un semblant de contenance –mais conservant dans ses yeux clairs cette lueur de joie intense–.

–Cela peut paraitre étrange à dire, mais je suis heureux de vous retrouver, déclara-t-il sincèrement, un flot d'émotions fortes et diverses le parcourant.

–Nous aussi, petit frère, lui assura l'asgardien en lui assénant une tape amicale sur l'épaule. Et Leken semblait tout aussi heureux de te retrouver, ajouta-t-il en faisant référence au renard, ce que l'autre homme approuva d'un signe de tête, puis le silence retomba un instant et un voile de questionnement se déposa sur le visage de Thor. Vous croyez que… Qu'on y est arrivé ? A la fin de notre aventure ? précisa-t-il, visiblement affecté, concerné, un peu inquiet même, mais il suffit à la terrienne de simplement posa sa main sur sa joue et l'inciter à la regarder pour qu'il se sente déjà mieux.

–Je pense au contraire que nous en sommes encore loin. Après tout, on a un tas de personnes à qui l'on doit rendre visite, maintenant que nous nous rappelons d'eux et vice-versa… Oh, vous vous souvenez de Tao ? s'exclama-t-elle gaiment.

–Et comment ! clama le guerrier aux cheveux blonds en riant.

–Il me doit toujours les trois dagues que nous avons pariées, mentionna Loki, à moitié sérieusement, un demi sourire au coin des lèvres. J'y tiens, insista-t-il en voyant son frère qui se retenait de faire le moindre commentaire à l'entente de cette remarque, puis il sursauta lorsqu'un grondement lointain retentit et cette fois-ci, Thor ne put s'empêcher de rire. Pour votre information, j'ai simplement été surpris, se justifia-t-il, ce à quoi Madison se vit obligée d'affirmer en acquiesçant, étant cependant toute aussi amusée que l'était l'asgardien. Bon d'accord, cet endroit me donne la chair de poule, concéda-t-il, et j'apprécierais beaucoup que ces messieurs-dames se décident à me suivre vers d'autres horizons, dit-il en désignant le portail d'un geste large et lent.

Ils approuvèrent et, sans plus tarder, prirent le chemin qui les conduirait à la maison. Ce fut presque comme s'ils avaient emprunté le Bifröst, sans les violentes bourrasques et l'impression de voler à une vitesse phénoménale. Ce fut un large couloir aux milles couleurs qu'ils empruntèrent pour rentrer. Il ne leur fallut qu'une poignée de secondes pour atteindre la Terre, l'endroit exact d'où les deux frères étaient partis –autrement dit, le jardin des Stark, où les attendaient Natasha, Bucky, Hestia et ses enfants–. A peine eurent-ils posé les pied sur l'herbe que le portail se referma sur lui-même juste derrière eux et disparut, concluant ce chapitre de leur glorieuse épopée. A ce moment, ils se rendirent compte combien ils étaient fatigués en réalité. Depuis le début de la journée, ils n'avaient pas arrêté de courir dans tous les sens. Madison avait dû échapper plusieurs fois à divers dangers mortels tandis que Thor et Loki avaient été contraints de fuir la résidence secondaire de la mutante en protégeant les autres avant de devoir mettre au point un plan de secours. Oui, ils avaient hâte de piquer un somme.

La porte arrière du chalet, qui donnait justement sur le jardin, s'ouvrit vivement et Arthur sortit de l'habitacle, les yeux pleins d'étoiles en les voyant. Il courut vers eux en scandant leur nom puis, une fois arrivé à leur hauteur, se jeta dans les bras de sa mère, qui s'était agenouillée pour l'enlacer, le serrer contre son cœur. Madison avait été terrifiée à l'idée qu'il lui soit arrivée quelque chose durant son absence –de quelques jours dans les Limbes, mais de quelques heures sur Terre–. Elle le regarda ensuite dans les yeux, prit son visage entre ses mains, lui demandant s'il allait bien, ce à quoi il répondit positivement en riant. Elle le reprit brièvement dans ses bras en soupirant de soulagement. Elle ne voulait plus qu'une telle situation vienne à se produire. Être éloignée des siens sans savoir s'ils étaient en sécurité avait engendré chez elle un stress monumental. Pourtant, tout avait fini par rentrer dans l'ordre, comme toujours, parce qu'elle s'était assurée de faire ce qu'il fallait pour et qu'elle avait su compter sur les bonnes personnes pour s'en sortir.

Bras croisés, Loki les observait. Le matin même, il avait découvert que son frère avait une descendance. Que lui-même avait donc un neveu. Désormais, il comprenait également un tas d'éléments les concernant tous. Il savait pourquoi, en dépit du fait que lors de leur « rencontre » catastrophique ne deux-mille-seize, lui et la mutante s'étaient toujours relativement compris mutuellement. Ils avaient beau avoir eu quelques différends par le passé, pour rien au monde le dieu de la malice ne laisserait quelque chose arriver à la terrienne. Il en allait de même pour la famille de cette dernière, ainsi que ce cercle d'amis communs qu'ils partageaient. Avec les années, il avait appris à réapprécier l'importance qu'alliés et amis pouvaient avoir, que ce soit dans des périodes difficiles où pendant des jours plus lumineux. Regardant Arthur vérifier que sa mère n'était pas blessée, il ne put s'empêcher de songer que celui-ci deviendrait aussi vaillant que l'étaient ses parents.

Arthur, justement, relâcha finalement Madison, puis il rejoignit cette fois-ci son père, qui n'hésita pas à le prendre dans ses bras lui aussi. Thor fit joyeusement tournoyer son fils dans les airs, sous le regard attendrit de Madison, qui se redressa lentement. Elle les trouvait adorables, il n'y avait pas d'autre mot qui puisse qualifier son ressenti en les voyant déjà aussi complices alors qu'ils se connaissaient si peu. Elle croisa les bras, tout sourire, comblée. Elle avait si longtemps rêvé de ce moment et elle avait fini par croire qu'il ne se produirait jamais. Était-ce la chance, le karma, la volonté, un peu des trois ? Cela ne l'intéressait pas tellement de savoir. Sa vie semblait être en train de rentrer dans l'ordre. Peut-être méritait-elle finalement de bénéficier d'un peu de repos, d'avoir son « happy ending » à elle, sans être contrainte de toujours être témoin de celui des autres, à se dire que son tour ne viendrait pas. Et pourtant… La voilà qui ajoutait une victoire supplémentaire à sa liste après avoir récupéré l'intégralité de sa magie et sans avoir été forcée de se débarrasser définitivement de son adversaire. Et elle se sentait bien.

–Nouvelle tenue ? retentit une voix masculine dans son dos.

Son corps tout entier se raidit subitement et son cœur rata un battement. Thor reposa Arthur à terre et tous deux se mirent à regarder derrière la mutante. Celle-ci avait bien évidemment reconnu celui qui s'était adressé à elle, mais elle n'osait pas bouger. Son regard et celui de l'asgardien se croisèrent. Il lui offrit un magnifique sourire rassurant, voulant lui rappeler que tout irait bien, qu'elle pouvait dès à présent laisser de côté ses craintes et doutes, car son travail assidu avait payé, ses projets avaient abouti parce qu'elle y avait cru et n'avait pas abandonné. Son cœur battait désormais à tout rompre.

Elle vit Morgan apparaitre dans son champ de vision, venant de derrière elle. Madison se rappelait de sa bouille triste lors de la cérémonie, quelques mois plus tôt. Toute la peine de la petite fille s'était envolée et la voir aussi souriante remplissait d'une joie incommensurable le cœur de Madison. Pourtant, en même temps, elle était stressée. Pendant l'espace d'un instant, trop occupée à combattre des forces obscures avec ses amis, elle en avait presque oublié ce qu'elle avait accompli avant de partir. La main de Morgan se glissa alors dans la sienne, puis Arthur les rejoignit en ensemble, ils invitèrent l'adulte à se retourner, ce qu'elle fit lentement et avec un peu d'appréhension. Les enfants la relâchèrent au moment où elle releva les yeux pour découvrir que son frère était bel et bien là, en chair et en os.

Il lui offrit un sourire resplendissant et rempli d'affection, de reconnaissance à son égard. Il était exactement comme lorsqu'ils s'étaient quittés l'année précédente. Ce corps qui se tenait devant elle avait beau n'être qu'une « réplique », l'esprit de l'homme, lui, était resté intact. Madison pouvait lire un millier de choses dans son regard, un flot d'émotions qu'elle partageait.

–Ca te va bien, reprit-il, faisant allusion à son ensemble de combat un peu sali par la terre et quelques éclaboussures du sang séché de ses ennemis.

A peine eut-il achevé sa phrase que Tony vit sa petite sœur faire un premier pas en avant. Ce fut comme un signal pour lui et il l'imita, il marcha droit vers elle. Son sourire avait beau s'être volatilisé, l'émotion demeurait constante. Ils s'arrêtèrent une fois qu'ils se retrouvèrent face à face, d'abord incapables de dire quoi que ce soit. Qu'était-on supposé dire exactement dans une situation telle que celle-ci en dehors de…

–… Salut, lâcha-t-elle en s'efforçant de ne pas bégayer.

–Salut, répondit-il tout aussi calmement avant qu'ils ne tombent dans les bras l'un de l'autre.

Ils s'étreignirent avec tout l'amour du monde durant de longues, très longues secondes, craignant chacun qu'il ne s'agisse que d'un rêve duquel on ne tarderait pas à les arracher. Tony ferma les yeux, berçant doucement Madison, la gorge nouée. En apprenant la vérité autour de ce qu'il s'était passé pendant son absence, il avait senti un vent de panique le parcourir. Perdre à nouveau sa petite sœur était inconcevable. Il estimait qu'ils méritaient de passer du temps côte à côte, en particulier après tous les événements chaotiques qu'ils avaient affrontés et dont ils étaient ressortis plus grands, mais parfois plus vulnérables psychologiquement parlant. Leur histoire avait débuté en mille-neuf-cent quatre-vingt-trois, lors de la naissance de la mutante, et était loin d'être achevée. Tant qu'ils auraient besoin de la présence de l'autre, ils se débrouilleraient pour que plus rien ne les sépare.

Natasha put enfin souffler. Ils en avaient terminé –au moins pour le moment– avec le danger. Elle savait également que désormais, elle n'avait plus à s'en faire autant pour sa meilleure amie. Elle l'avait tant de fois vue à l'œuvre depuis qu'elles se connaissaient qu'elle était une des premières à affirmer qu'en temps de crise, cette dernière était largement qualifiée pour s'en sortir. Evidemment, elle ne cesserait jamais de s'inquiéter à son sujet et répondrait toujours présente en cas de coup dur. Quoi qu'il arrive, Natasha et Madison se soutiendraient coute que coute et se réjouiraient à chaque fois que quelque chose de positif arriverait à l'autre c'était pourquoi cela fit un bien fou à la rouquine d'assister aux retrouvailles des Stark.

–Je suis tellement fier de toi, Maddie, murmura Tony à l'oreille de sa petite sœur.

La mutante n'eut pas besoin de plus pour se sentir comblée.

–Bienvenue à la maison, dit-il ensuite.

Ce ne fut que lorsqu'ils se séparèrent que Loki se décida à prendre la parole, s'adressant directement à Natasha :

–Ai-je le droit de savoir ce que tu as dit à Barton, désormais ?