Without me-Eminem
Les pneus du van gris qui s'était engagé dans l'allée crissèrent sur le gravier lorsqu'il freina pour s'immobiliser. Une fois que le moteur cessa de vrombir, les portes s'ouvrirent presque simultanément et plusieurs hommes sortirent du véhicule. L'un deux failli tomber lors de sa descente, mais il se rattrapa à temps pour éviter de se retrouver face contre terre. En se remettant droit, il commença à ronchonner en maudissant tout et n'importe quoi.
–Est-ce que quelqu'un voudrait bien avoir l'amabilité de me rappeler pourquoi c'est moi qui me suis retrouvé à l'arrière ? râla-t-il en laissant son ami descendre à son tour avant de faire claquer la portière coulissante afin de la fermer.
–Parce que tu as perdu à la courte paille, lui répondit celui qui avait eu droit à la place passager. Et parce que tu étais en retard, poursuivit-il. La prochaine fois que tu veux aller devant comme un grand, prends exemple sur Bruce et soit à l'heure.
–Merci pour ce conseil si avisé, Clint, marmonna le concerné, n'empêche qu'il s'est retrouvé avec moi à l'arrière… J'aurais pu conduire, à la limite.
–Avec tout le respect que je te dois, Sam, renchérit le conducteur en jouant distraitement avec son trousseau de clés, il est absolument hors de question que je laisse une autre personne que moi prendre le volant, en particulier s'il risque de se faire arracher…
–Parce que tu crois que j'avais prévu, à l'époque, qu'un Bucky sauvage allait apparaitre, traverser le pare-brise et me piquer mon volant ? s'exclama l'autre, outré. C'est Natasha qui a cafté, c'est ça ? poursuivit-il en se calmant en prenant une profonde inspiration.
–Mes lèvres sont scellées, déclara le propriétaire du véhicule en le verrouillant, après quoi il se mit en marche vers le chalet, ses trois compagnons de route sur les talons.
–Oh allez, James, sois cool ! insista Sam en avançant à sa hauteur. De militaire à militaire, tu peux bien me le dire, non ? Tu sais que j'adore Nat, mais je suis sûr qu'elle a dû prendre un plaisir immense à te raconter comment Barnes a autrefois failli tous nous tuer, précisa-t-il, refusant de lâcher l'affaire avant d'avoir obtenu les réponses qu'il désirait.
–Tu es pire qu'un gosse, soupira Rhodes en levant les yeux au ciel avant de fourrer ses mains dans les poches de sa veste. On y est, commenta-t-il, autant pour empêcher son ami de continuer à l'embêter que pour simplement signaler leur position aux autres. Et tu sais quoi ? reprit-il. Tu vas pouvoir lui demander toi-même, l'informa-t-il en désignant l'entrée d'un mouvement de tête.
–Aucun besoin de lui demander, affirma le dernier membre de leur groupe.
–Pourquoi ça, Steve ?
–Parce que c'est moi qui lui ai dit.
A quelques pas de là, sous le porche, Natasha était confortablement installée sur une chaise, Morgan sur les genoux et discutant tranquillement avec elle. A leurs côtés, Loki était également assis et feuilletait un vieil ouvrage à la reliure craquelée, relevant de temps à autres les yeux vers le duo que formaient la rouquine et la petite fille. Rhodes songea au fait que, quelques années plus tôt, il aurait trouvé ce tableau absolument improbable un dieu nordique un brin psychotique plongé dans sa lecture –et revêtant des vêtement anormalement normaux–, une ex-assassin capable de tuer d'un simple coup d'œil et une enfant de cinq ans, tous profitant du coin paisible et reculé dans lequel ils se trouvaient, sans avoir à se préoccuper du reste du monde.
En les voyant ainsi, les nouveaux arrivants eurent des réactions confuses et mitigées, en particulier Clint, dont le regard s'attarda brièvement sur le dieu de la malice, avec qui il avait un certain passif –plutôt négatif–, et même si de l'eau avait coulé sous les ponts, ça lui faisait toujours quelque chose de bizarre de le revoir.
–Je sens votre regard inquisiteur, Barton, commenta Loki sans daigner relever la tête.
–Ca faisait un bail, se justifia-t-il.
–Quelques mois seulement. Vous ai-je donc manqué à ce point ? plaisanta-t-il d'un air narquois en levant finalement les yeux vers lui, un sourire au coin des lèvres.
–J'avais oublié que vous étiez en vie, vous, lança Sam sans agressivité.
–Le plaisir est partagé, souffla Loki en retournant à sa lecture, tandis que Natasha déposa Morgan au sol, puis elle se leva pour aller à la rencontre de ses amis afin de les saluer un à un.
–Vous êtes en retard, leur fit-elle remarquer sans animosité en les étreignant, puis elle embrassa chastement Steve tout en enchainant : je n'ai pas besoin d'excuse, ce n'est pas moi qui vous ai appelés, précisa-t-elle, et Rhodes ne put s'empêcher de sourire lorsqu'il vit Loki divertir Morgan avec un minuscule feu d'artifice émanant de sa paume tournée vers les cieux. J'espère que ça ne vous a pas trop dérangé de faire le trajet aussi précipitamment.
–C'avait l'air d'être une urgence, dit Bruce, ce à quoi la rouquine acquiesça. Est-ce qu'il s'est passé quelque chose de grave ? On a vu les images de Washington, ajouta-t-il.
–Madison va bien ? l'interrogea Rhodes, inquiet pour elle.
–Vous avez réussi à chopper les deux cinglés qui s'en sont pris à elle ? voulut savoir Sam, et il remarqua que sa remarque parut légèrement dérouter Natasha et Loki. Dites-moi que vous les avez attrapés, soupira-t-il, et que vous ne nous avez pas fait venir pour qu'on se batte, parce que je ne suis ni échauffé, ni d'humeur, maugréa-t-il d'un ton plaintif.
–Aucun danger, la rassura immédiatement son amie. Mais si jamais tu souhaites leur faire une quelconque remontrance à propos de leur comportement, je t'invite à le faire tout à l'heure, affirma-t-elle en désignant un point derrière eux et lorsque Sam fit volte-face, il aperçut le duo de divinités discuter avec Freya, qu'il connaissait déjà. On s'attardera sur ce détail plus tard, si tu permets. Vous êtes attendus à l'intérieur, les pressa la jeune femme en attrapant son meilleur ami par le bras pour l'inciter à entrer au lieu d'aller confronter inutilement Freyr et Hestia. Allez, on se dépêche, les pressa-t-elle avec une voix autoritaire digne de celle d'une maitresse d'école primaire devant gérer une ribambelle d'enfants capricieux.
Sans lâcher des yeux le duo qu'ils considéraient –à juste titre– néfaste et dangereux, les quatre hommes avancèrent vers la porte, que Natasha ouvrit pour eux avant de se décaler pour les laisser passer. Marchant en file indienne –Clint ouvrant le cortège, suivi de Rhodes, Steve, Sam et enfin Bruce–, ils se stoppèrent subitement en entendant un grondement peu commun, qui attira leur attention et les fit pivoter pour tenter d'en découvrir l'origine. Aucun des cinq ne trouva les mots pour exprimer ce qu'ils pensèrent en apercevant une magnifique gazelle poursuivre en courant un imposant félin, traversant le terrain recouvert d'herbe sur toute sa longueur. Lorsque Bruce voulut dire quelque chose, Natasha les poussa gentiment à l'intérieur et ferma la porte sans leur fournir la moindre explication.
Ils se retrouvèrent donc piégés avec leurs questions sans comprendre ce à quoi ils venaient d'assister et à quoi ils n'avaient clairement pas été préparés. La première chose qui sauta aux yeux de l'archer, plus attentif que ses camarades, lorsqu'il analysa visuellement la salle de séjour durent la femme et l'homme paisiblement endormis dans le large canapé, dans les bras l'un de l'autre, trop fatigués pour les avoir entendus entrer et s'être réveillés pour les accueillir, leur dire bonjour. Ce qui perturba le plus les invités fut cette proximité qui existait entre Madison Stark et le dieu asgardien alors qu'aux dernières nouvelles, il leur était tout bonnement impossible de rester plus de trente secondes dans la même pièce sans commencer à se disputer. Sam croisa les bras, amusé, Bruce ne sut pas où se mettre, Rhodes cligna plusieurs fois des yeux sans comprendre et Clint soupira avant de s'éclaircir la gorge, bien décidé à jouer les trouble-fait.
–Hum-HUM !
Il fut extrêmement satisfait de voir les tourtereaux se réveiller en sursauts et, dans leur « panique », tomber du divan. Sam se retint de rire, même s'il en avait très envie. Il se cacha derrière sa main afin qu'on ne voie pas son grand sourire. Pendant ce temps-là, les deux Avengers qui venaient à peine d'émerger se redressèrent maladroitement et vivement, à la fois déboussolé et un tout petit peu embarrassée.
–… Salut, finit par lâcher la brune en se frottant l'arrière du crâne. On… Ne vous attendait pas avant seize heures.
–Il est dix-sept heures moins le quart, l'informa platement Rhodes.
–… Ah.
–J'vous avais bien dit que ça ne poserait pas de problème qu'on soit en retard ! s'exclama Sam, victorieux.
–Le tigre qui se fait courser par une gazelle dans ton jardin, c'est normal ? enchaina l'archer à l'adresse de la mutante d'un ton un peu blasé.
–C'est une panthère, le rectifia poliment Madison. Et oui, c'est tout à fait normal.
–Ok, au temps pour moi. Donc, vous avez des animaux de compagnie tout à fait anormaux qui gambadent librement dehors, vous faites amis-amis avec un duo de détraqués et vous nous appelez comme si de rien n'était comme si vous vouliez juste prendre le thé. Pourquoi faut-il qu'à chaque fois qu'on vous laisse seuls cinq minutes, on frôle la fin du monde ?
–On a réussi à l'empêcher, se défendit l'asgardien.
–Après l'avoir quand même presque provoquée, insista Sam, qui s'interrompit lorsqu'il sentit une étrange pression sur son épaule droite.
Il ne sut pas tout de suite ce dont il s'agissait, mais son instinct lui souffla de ne pas bouger. Il comprit rapidement, grâce au regard amusé de Thor, au soupir surpris de Bruce aux ricanements à peine voilés de James et Clint, et à l'effort incommensurable que fournissait Madison pour ne pas rire qu'il n'était absolument pas en danger. C'était, bien sûr, sans compter le petit gazouillis joyeux qui résonna dans son oreille. Sa tête demeura immobile, seuls ses yeux bougèrent et virent partiellement l'oiseau désormais perché sur son épaule.
–… Je suppose que ça aussi, c'est normal… ? reprit-il calmement après avoir très longuement expiré, alors Eole colla sa tête contre la sienne.
–Je crois qu'elle t'aime bien, commenta la mutante. Un faucon… Sur un faucon.
Sam soupira à nouveau en fermant momentanément les yeux, avant de cette fois-ci tourner la tête et ainsi mieux voir le volatile sagement installé sur son nouveau perchoir. Ils échangèrent un long regard à l'issu duquel Sam en déduit qu'au final, la présence de l'animal n'était pas dérangeante.
–Oh, et, Clint ? reprit Madison, captant l'attention du concerné. Les détraqués en question sont comme qui dirait mon cousin et ma tante… Mais je t'accorde que nous ne sommes pas partis sur de bonnes bases, ce qui a donc pu prêter à confusion.
–Depuis quand tu as une tante ? l'interrogea James en fronçant les sourcils, dérouté. Aux dernières nouvelles, aucun de tes parents n'avait de sœur… Attends, si tu nous as fait venir pour nous révéler que tu as été adoptée mais que tu as quand même développé la personnalité d'une Stark, je ne garantis pas que je ne risque pas de faire une crise d'angoisse en réalisant que c'est potentiellement contagieux.
–C'est la sœur de ma mère, Maria Stark, le rassura-t-elle. Attends, où est-ce que tu as été cherché un truc pareil ? enchaina-t-elle en revenant sur les propos de son ami.
–Probablement parce que dès qu'il se passe quelque chose dans votre famille, c'est toujours grandiose, se justifia Steve en levant les yeux au ciel, bras croisés.
–Du Stark tout craché, confirma Bruce.
–Et ils avaient une bonne raison de vouloir te tuer ? voulut savoir Clint en adoptant un air un peu blasé.
–Un léger manque de communication, résuma l'asgardien en posant les yeux sur la terrienne, qui lui sourit avant de se rappeler de la raison pour laquelle elle leur avait initialement prié de faire le déplacement jusqu'au chalet.
–Messieurs, j'ai à vous parler, s'exclama-t-elle très sérieusement.
–Très solennel, commenta Sam.
–Et surtout très important, parce que je vais vous expliquer pourquoi je n'ai plus donné de signe de vie au cours des derniers mois, au cas où ça en intéresserait quelques-uns, indiqua-t-elle, et les cinq hommes cessèrent toute agitation, désireux d'enfin connaitre la vérité sur sa brusque disparition. Bon. Avant toute chose, de la même manière que je l'ai spécifié aux personnes à qui j'en ai parlé avant vous, je vous prierai de bien vouloir faire preuve de discrétion quant à ce que je m'apprête à vous révéler, mais également d'énormément d'ouverture d'esprit, mais vous connaissant, vous en tant que personne et votre parcours, je pense que vous devriez pouvoir assimiler ça sans vous mettre à paniquer. Du moins, je l'espère, parce que c'est un des projets des plus… Ambitieux et délirants sur lesquels j'ai travaillé.
Ils échangèrent un bref coup d'œil, perplexes et un peu inquiets. Thor déposa délicatement sa main sur l'épaule de Madison dans l'optique de la rassurer et lui rappeler qu'en plus de ne pas être seule, elle n'avait pas à s'en faire.
–Est-ce qu'il est trop tard pour nous sauver en courant ? la questionna Rhodes. Parce que j'ai l'impression que tu vas nous annoncer que tu as fabriqué une arme de destruction massive dont le contrôle t'aurait échappé…
–Pourquoi tout le monde pense toujours que quoi que soit ce sur quoi je travaille, ça tourne forcément mal ? s'indigna-t-elle tout en s'interrogea réellement sur la question. Non, poursuivit-elle, je n'ai rien créé de dangereux. Attends, se reprit-elle en se tournant vivement vers l'asgardien, ce n'est pas dangereux, ce que j'ai fait, pas vrai ?
–… Ehm… Alors… Comment dire… s'emmêla-t-il, ne sachant trop quels mots utiliser. Techniquement, lorsqu'on y réfléchit, il est possible que, d'une certaine manière, cela soit potentiellement interprété comme ét…
–Non, non, tu sais quoi ? Je préfère ne pas entendre quelqu'un me rappeler que c'était en effet dangereux, l'interrompit-elle, ce à quoi il acquiesça, soulagé qu'elle l'ait coupé. Comme je disais, dit-elle ensuite en se tournant à nouveau vers ses amis, j'ai dû prendre un peu de distance pour avancer en toute tranquillité d'esprit sur ces travaux, qui consistaient à, globalement, sauv…
–Est-ce qu'il reste du jus de pomme ? lança une voix masculine depuis le couloir qui avoisinait la pièce où les six héros étaient réunis et, quelques secondes plus tard, Bucky Barnes fit son entrée, Arthur dans les bras, et il se stoppa net en voyant le groupe. Ah.
Le soldat déposa l'enfant au sol, qui se précipita vers les nouveaux arrivants pour les saluer gaiment un à un. Bucky ouvrit machinalement la porte du frigo, récupéra la brique de jus qui se trouvait rangée dans la porte et, sans lâcher ses camarades des yeux, alla ensuite chercher un verre dans un placard situé en hauteur.
–Salut les gars. Vous avez fait bon voyage ? leur demanda-t-il naturellement.
–Il aurait certainement été meilleur si nous avions reçu davantage d'informations concernant la requête de notre présence, répondit Sam en croisant les bras d'un air boudeur et, étrangement, Eole adopta une attitude quelque peu similaire en plissant les yeux. Et aussi si j'avais eu droit à un siège décent, ajouta-t-il en marmonnant. Tu ne m'avais pas dit que tu avais retrouvé Madison.
–C'est arrivé un peu comme ça, c'est sorti de nulle part, se justifia son ami avant de marcher vers la baie vitrée entrouverte qui menait vers le jardin situé à l'arrière du chalet.
–Mouais, maugréa l'autre, peu satisfait par cette réponse en l'observant sortir. J'ai quand même bien flippé, moi.
–C'est vraiment très gentil, Sam, souffla Madison, sincèrement touchée qu'il se soit inquiété pour elle, ce à quoi il lui répondit silencieusement par un clin d'œil amical et complice, mais comme tu le vois, je vais bien. Tout le monde va bien, tout va bien. Plus personne n'a besoin de s'en faire pour quoi que ce soit, à part peut-être que mon agacement ne s'intensifie si je ne parviens pas à expliquer clairement ce qui nous a tous amenés là, précisa-t-elle en souriant.
–A moins que tu aies créé un sabre-laser à doubles-lames ou que tu aies réussi à creuser un tunnel jusqu'au centre de la terre, qu'est-ce qui t'a pris plus de huit mois à concevoir et qui expliquerait pourquoi tu te serais évanouie dans la nature pour avoir la paix ? dit Clint avant d'écarquiller les yeux, le visage figé dans une expression de stupeur, d'interpellation et de dépassement. ATTENDS. Tu…
–NON, s'exclama-t-elle, comprenant immédiatement ce qui venait tout juste de lui traverser l'esprit, PAS de deuxième enfant, assura-t-elle.
Arthur, occupé à embêter Steve –que cela ne dérangeait pas et qui avait chaleureusement salué son petit « champion »–, se tourna vivement vers sa mère, la mine attristée. Il lâcha la jambe de pantalon du soldat, fit quelque pas vers la mutante et leva la tête vers elle.
–… Mais je veux un petit frère ou une petite sœur, moi… réclama-t-il, chagriné, en la regardant avec insistance, avant de se mettre à alterner son regard entre elle et le dieu nordique, qui était surtout amusé par ce dialogue.
Madison, qui était sur le point de lui répondre, remarqua l'implication discrète de Thor dans leur échange, ainsi que le fait qu'il n'ait pas l'air particulièrement contre cette idée qui venait d'être évoquée, sans pour autant avoir besoin de prononcer le moindre mot pour se faire comprendre.
–Non, répéta-t-elle avec douceur en regardant son fils, avant de fixer l'asgardien, auprès de qui elle ajouta simplement et naturellement, pour pouvoir plus rapidement passer au sujet principal peut-être plus tard.
L'asgardien eut beau sourire sobrement, intérieurement, son bonheur était à son comble. Tandis que Madison reprenait calmement son souffle, prête à enfin reprendre ses explications là où elles avaient été interrompues, les informations se lièrent dans les cerveaux de ses amis à peu près simultanément, qui eurent alors comme une déconnexion commune qui les fit ensuite réagir en même temps, et ce fut Clint qui fit office de « porte-parole » pour exprimer leurs pensées en désignant Thor.
–Une minute, c'est TON fils !? Depuis quand !?
–Depuis qu'il est né, je suppose, soupira Madison, qui sentait qu'à ce train-là, elle ne parviendrait pas à leur parler. Vous avez fini ? On peut reprendre ?
–Excuse-nous, la pria Bruce, c'est juste que c'est…
–Inattendu ? proposa Rhodes.
–C'est clair, compléta Sam, tandis qu'Eole battit brièvement des ailes comme pour confirmer ses dires. Si jamais ton projet secret est plus énorme que cette nouvelle, je vais peut-être avoir un AVC. Je vais essayer de tenir bon, mais je ne promets rien.
–Docteur Bruce pourra t'aider ! claironna Arthur, tout sourire.
–Tu sais ce qu'est un AVC, toi ? lança Rhodes, curieux, ce à quoi le petit garçon acquiesça. On aura vraiment tout vu, dans cette famille… Entre toi qui est beaucoup trop mature pour ton âge, dit-il avant de lever les yeux vers Madison, toi qui devrais te montrer un brin plus prudente lorsque tu es sur le terrain et Tony qui avait un de ces dons pour toujours se sortir des pires situations avec ses plans foireux, situations dont il était très généralement à l'origine, je me demande ce qui pourrait encore n…
–Maddie, je prends la veste grise ou la bleue pour quand l'équipe arrivera ?
Tout le monde se tut. On aurait presque pu croire que le temps avait été suspendu, car tous s'étaient figés en même temps lorsqu'une voix s'était élevée depuis la pièce voisine. Les cinq invités ne furent pas certains d'être bien réveillés, mais en échangeant de rapides coups d'œil, ils comprirent qu'aucun d'eux n'avait halluciné en croyant reconnaitre quelqu'un qu'ils croyaient ne plus jamais avoir un jour l'occasion d'entendre. Ce fut Madison qui brisa ce silence en répondant à l'homme qui lui avait adressé la parole à distance, d'un ton non dénué d'une pointe d'agacement.
–Je n'en sais rien, et je m'en fiche !
Après cela, elle emprunta le même chemin que Bucky en traversant le salon pour aller directement vers la baie vitrée entrouverte qui la conduirait à l'extérieur, sous le regard amusé de Thor, qui savait qu'elle n'était pas réellement fâchée. Ce ne fut que très peu de temps après que Tony fit son entrée dans la salle de séjour, une veste dans chaque main, suivant des yeux sa petit sœur, qu'il avait eu le temps d'apercevoir sortir.
–Maddie ? dit-il, ne comprenant pas sa « fuite ». Qu'est-ce que tu…
Il s'interrompit lorsqu'il vit les invités. Il arrêta de marcher, ne s'étant pas attendu à ce que ces derniers soient là, et tous les six se fixèrent en silence, ne sachant par où commencer. Seuls Thor et Arthur se délectaient de ce spectacle, et tous deux avaient bien l'intention de laisser l'inventeur se débrouiller avec les explications.
–… Hum… Salut, dit ce dernier, pris de court. J'imagine que je n'ai plus besoin de choisir, ajouta-t-il en délaissant les vestes sur le dossier d'un fauteuil. Ca risque de prendre un moment, mais j…
–Je ne veux rien savoir, le coupa Rhodes en marchant directement vers Tony –qui était sur le point de se perdre dans un flot d'explications vagues–, après quoi le militaire prit son ami de longue date dans ses bras.
C'est sans aucune hésitation que Tony lui rendit son étreinte en lui soufflant : « Tu m'as manqué aussi, Rhodey. ». Sam esquissa un sourire, réalisant qu'à lui aussi, l'inventeur lui avait beaucoup manqué. Lorsque les deux hommes s'écartèrent l'un de l'autre, le miraculé sourit également à Sam avant de se focaliser sur les deux autres, qui ne s'étaient pas encore exprimés. Bruce semblait complètement chamboulé et sous le choc, mais néanmoins incroyablement heureux de le revoir. Ce fut Tony qui alla à sa rencontre et, après avoir échangé une brève accolade avec lui, il fit de même avec Sam.
–Cap, dit-il ensuite à Steve.
–Tony, répondit-il.
Après une poignée de main solennelle, ils laissèrent tomber les formalités et se serrèrent dans les bras comme les deux vieux amis qu'ils étaient.
–Pas trop déçu d'avoir eu tort ? reprit l'inventeur, qui dut détailler ses propos en voyant l'air intrigué de Steve. Tu sais, le fait que je ne sois pas si égoïste que ça, que je me sois sacrifié pour l'univers ? le nargua-t-il par rapport à un de leurs premiers échanges qui datait de deux-mille douze.
–J'accepterai mes torts si tu acceptes les tiennes en admettant que je suis plus qu'une expérience de laboratoire, répliqua son ami.
–Rogers, au cas où tu ne l'aurais pas encore compris, je ne t'ai jamais vu comme ça. Et je tiens à toi.
Steve lui sourit en guise de réponse. Lui aussi tenait à lui, et le revoir après plusieurs moi lui faisait du bien. Leurs retrouvailles chaleureuses ne furent interrompues que lorsque Clint se manifesta enfin.
–Moi, je veux savoir comment tu es revenu, indiqua-t-il, ayant l'impression d'être le seul à avoir l'impression d'halluciner et de nager en plein rêve. Qui a fait un pacte avec un démon pour que tu sois là ?
–Aucun pacte, lui assura le concerné. Aucun rituel étrange, enchaina-t-il. Simplement de la science, et de la magie, compléta-t-il. Beaucoup, beaucoup de magie. Je pense que nous sommes tous habitués à ce que cette combinaison fasse des étincelles. Mais moi aussi, je suis ravi de te revoir, Legolas.
–Il faut toujours que tu fasses les choses en grand, soupirant l'archer en secouant la tête. Tu nous offres ton numéro de sacrifice héroïque et tu reviens comme une fleur des mois plus tard comme si de rien n'était, et tu sais ce qu'il y a de pire dans tout ça ? C'est que dans le fond, je ne suis pas si surpris que ça, parce que… Eh bien, parce que c'est toi.
–C'est un truc de famille, commenta-t-il, sachant désormais que niveau entrées, sorties et retours soudains, il avait de qui tenir. J'ai droit à un petit câlin de bienvenue, ou tu comptes bouder encore longtemps ? déclara-t-il en faisant mine de s'impatienter.
–T'es le roi des emmerdeurs, Stark, rétorqua Clint en répondant à sa demande en l'étreignant chaleureusement. Mais tu n'as plus intérêt à t'en aller.
Cela n'avait peut-être jamais été flagrant aux yeux des personnes de leur entourage, mais ils tenaient beaucoup l'un à l'autre. Chacun se rappelait de ces quelques nuits d'insomnie où ils finissaient par se retrouver dans la cuisine du QG des Avengers à siroter un café avant d'aller s'enfermer dans un labo pour travailler sur le développement, l'amélioration ou les éventuelles réparations de l'arc de Clint tout en discutant soit de choses parfaitement banales, soit des cauchemars qui les maintenaient éveillés sans qu'ils aient à craindre d'être jugé par l'autre.
C'était donc avec une grande joie partagée qu'ils se retrouvaient aujourd'hui et que le groupe profitait pleinement de ces retrouvailles.
Depuis l'extérieur, Madison et Bucky pouvaient les entendre rire. La mutante avait rejoint son ami et, tous deux appuyés contre la barrière du perron qui surplombait le vaste jardin ouvert, ils observaient silencieusement le loup de la terrienne jouer avec le renard du géant des glaces. L'apparence des animaux demeurait plus traditionnelle, moins « guerrière » que dans les Limbes, même si leur pelage reflétait quelque fois des couleurs plus pastel.
–Tu sais s'il a prévu d'annoncer publiquement son retour ? demanda alors l'homme à son amie, sachant qu'il lui était inutile de préciser à qui il faisait allusion.
–Je pense qu'il préfère rester tranquille, lui apprit-elle, ce qu'il comprenait et soutenait. Happy arrive demain, et je vais appeler Scott et les jumeaux, si Freya n'a pas déjà prévenu Peter. Je vais peut-être appeler au manoir, mais sinon, les personnes les plus importantes, on va dire, ont été mises au courant. Cela suffit à Tony et si ça peut nous éviter de créer un mouvement de panique, alors autant laisser les choses ainsi pour le moment.
Bucky acquiesça en portant son verre à ses lèvres, pensif. Il était d'accord avec le fait que la famille méritait d'avoir la paix, et il était prêt à les aider si besoin, mais il y avait tout de même un détail qui le chiffonnait. Laissant échapper un long soupir, il baissa légèrement la tête.
–Ca faisait un moment que je n'avais pas vu Steve. Il a été pas mal occupé avec ses missions à l'étranger avec Romanoff, dernièrement, et on n'a pas eu l'occasion de se voir avant le gala. J'aurais aimé pouvoir lui parler de ce que j'ai accompli de mon côté pour remonter la pente. J'ai vraiment fait de mon mieux, tu sais ?
–Son optimisme et sa confiance en toi ne se sont pas trompés, souligna-t-il. Il est aussi fier de toi que je le suis, poursuivit-il en passant son bras gauche autour de ses épaules. Aussi fier qu'il l'a toujours été.
Ils soupirèrent à l'unisson, songeant à leur ami à quelques pas de là, occupé à échanger avec leur groupe.
–Dis, princesse…
–Mh ?
–Je ne sais toujours pas comment vous vous êtes réconciliés.
Cette remarque amusa Madison, qui laissa échapper un petit rire discret.
–J'imagine que cela fait partie des grands mystères de l'univers, déclara-t-elle avec une pointe de malice. A en juger par la façon dont tu me regardes, poursuivit-elle, j'imagine que tu aimerais être mis dans la confidence ? devina-t-elle, et même si Bucky ne répondit pas, ses yeux brillants parlaient pour lui.
Madison laissa volontairement flotter le silence un instant, sentant que l'homme faisait tout son possible pour contenir son impatience naissante, mais elle choisit de ne pas être trop cruelle et ne se lança qu'après une petite dizaine de secondes seulement.
–Tu es au courant pour les lettres que je lui ai envoyé à l'époque ?
–On m'en a parlé une ou deux fois, confirma-t-il. Pour avoir tenu chaque semaine pendant deux ans, tu as dû être drôlement inspirée.
–Tu n'as pas idée, approuva-t-elle.
–Mais il a dû souffrir de la page blanche de son côté, ajouta Bucky. D'après Natasha, la correspondance n'allait que dans un sens.
–J'étais persuadée que s'il ne répondait pas, c'était parce qu'il n'avait récupéré mes lettres que pour les jeter directement sans prendre la peine de les ouvrir, ou alors qu'ils les avait bien lues mais qu'il n'avait tout simplement pas envie de me répondre, dit-elle, se rappelant parfaitement avoir exposé ce point de vue à Steve en personne lorsqu'elle l'avait justement confronté à ce sujet. Pendant deux ans, je me suis accrochée à cette idée, et même si je continuais de lui écrire, j'avais l'impression qu'il ne voulait plus entendre parler de moi. Ça paraissait plutôt clair.
–Que s'est-il passé ?
–Il s'est passé que je n'avais pas pris en compte l'option numéro trois, dit-elle en haussant les épaules.
–Qui consistait en quoi ?
–Que Steve avait bel et bien récupéré mes lettres, lui révéla-t-elle, un sourire au coin des lèvres, mais qu'il n'avait juste jamais osé les ouvrir parce qu'il croyait qu'il ne méritait pas que je lui adresse la parole et lui donne des nouvelles après notre différend.
Bucky se retint de faire un facepalm à l'entente de cet aveu.
–Mais quel… commença-t-il, sur le point de clamer haut et fort combien il trouvait –pas pour la première fois d'ailleurs– son meilleur ami ridicule, mais il voyait la situation comme étant tellement aberrante qu'il n'alla pas jusqu'au bout. Et en plus, ça ne m'étonne pas de lui, reprit-il en se tournant vers la baie vitrée. Steve, tu es vraiment un idiot, lâcha-t-il fortement, attirant l'attention du concerné qui n'y comprenait visiblement rien.
Les deux amis rirent de bon cœur devant son air abasourdi.
–Il est vraiment pas croyable…. Est-ce toi qui a dû aller lui tirer les vers du nez ?
–Même pas.
Elle marqua un court temps de pause durant lequel ils se calmèrent et redevinrent plus sérieux. Ils respiraient enfin librement, comme si le plus dur était désormais loin derrière eux. Ils se sentaient bien.
–Et donc ? reprit le soldat. Comment s'y est-il pris ?
–Quelques semaines après que la moitié de la population ait disparu, il a décidé qu'il était temps de faire bouger les choses. Alors il a pris son courage à deux mains et, une à une, il a lu les lettres.
