I'm back ! J'espère que les fêtes ont été bonnes avec plein de super cadeaux.
De mon côté, c'était bien sympa... à part l'accident de voiture (responsable) dès le lendemain par monsieur qui a pas bien regardé après le stop avant de s'engager. Bon, plus de peur que de mal, pas de blessés, rien de grave mais galérer 3 heures dans le froid après ne plus avoir de voiture plus la galère à joindre les assurances et gérer pour trouver un véhicule de remplacement à plus de 400 bornes de chez toi, on est très contents!
Bref, on s'en fout, z'êtes pas là pour lire ce genre d'histories :) Allez, un tit peu de Astarion x Silesta comme promis !
Journal des reviewers
Seulie : Merci pour ton indéfectible soutien, même dans les chapitres moins palpitants :)
Liline37 : Certes, il se passe des choses mais rien qui sort du cadre déjà connu du jeu et j'ai bien conscience que ce n'est pas le plus fun à lire parce qu'on sait déjà ce qui va se passer plus ou moins. J'essaie d'intercaler des petits trucs de temps en temps mais je n'ai pas envie de faire du Astarion x Silesta juste pour faire du Astarion x Silesta. Je m'impose d'y mettre du sens.
Merci en tout cas pour la mention aux descriptions:) J'ai toujours un peu peur d'en mettre trop mais en même temps, les décors du jeu étaient tellement riches, pas évident de retranscrire une atmosphère sans en faire trop.
Annabesse : Ne t'en fais pas pour Silesta, elle n'est pas seule :)
RingoLemonadeCandy : Contente de te voir faire coucou! XD
Slyths : OMG, rien ne me fait plus plaisir que de voir un nouveau reviewer se manifester et lire que tu le fais « juste » pour moi est d'autant plus marquant ! J'ai halluciné en voyant toutes les alertes dans mes mails XD Un incommensurable merci à toi ! Je suis absolument ravie de te lire et ton retour me fait encore plus plaisir ! Je vais avoir une pression supplémentaire en sachant qu'une pro du D&D me lit :)
Petit aparté : si tu veux publier de l'original, tu as la rubrique « Producers », c'est là que j'ai catégorisé la seule histoire 100% originale de mon répertoire.
Bref, je ne sais que dire d'autre à part encore merci de ta review positive et super étayée. J'aime savoir exactement ce qui plaît/déplaît pour améliorer ou creuser. Si tu aimes les développements de relation, tu vas être servie. La crédibilité relationnelle et des caractères, c'est ma marque de fabrique.
J'espère ne pas te décevoir et avoir la chance d'avoir d'autres retours de temps à autre ! Au plaisir !
Place à la suite ! Ne faisons pas attendre notre Raphou le Magnifique...
CHAPITRE XXI – ANGE ET DEMONS
« Que diable le monde est petit, n'est-ce pas ? »
S'il y avait bien un être qu'ils n'auraient jamais cru croiser dans cette région à part l'Absolue elle-même, c'était bien lui. Raphaël savoura d'une délectation extrême et non-dissimulée les expressions mi-ahuries mi-féroces que lui renvoyèrent les cinq voyageurs. Le diable se leva de son fauteuil et les salua d'une inclinaison de buste.
« Cette modeste auberge n'a pas le faste de la Demeure de l'Espoir mais je suppose que si l'on regarde au-dehors, elle apparaît comme un phare dans la nuit. Métaphoriquement et littéralement parlant, plaisanta-t-il avec légèreté.
_ Que faites-vous ici ? » grinça Lae'zel entre ses dents.
Il étira un mauvais sourire, celui de la sournoise satisfaction qui annonçait quelque chose qu'ils n'allaient pas aimer du tout. Ses petits yeux de fouine se dirigèrent vers le plus pâle d'entre eux.
« Il me semble que vous brûlez de me demander quelque chose. »
Tous se tournèrent avec stupéfaction vers Astarion dont la splendide assurance s'en était allée.
« Disons plutôt que j'ai une proposition à vous faire. »
Les yeux de pluie de Silesta s'agrandirent un peu plus, écoutant Raphaël qui se distrayait de la pensée qu'Astarion eût voulu goûter son sang démoniaque. C'était à vivement déconseiller tant la brûlure à laquelle il s'exposerait était encore plus cuisante que celle du whisky de vouivre.
« Je ne plaisante pas, cambion », riposta l'elfe, agacé d'être moqué.
Raphaël s'excusa silencieusement d'un geste de la main pour l'inviter à exprimer sa demande. À peine le vampire ouvrit-il la bouche que Silesta était en train de comprendre avec horreur.
« Il y a fort longtemps, quelqu'un a gravé des runes infernales sur mon dos. Je voudrais savoir de quoi il s'agit exactement et ce que ça implique pour moi.
_ Hmmm... »
Cette manière pleine d'intérêt presque prédatrice que le démon eut d'ânonner fit grimper en flèche les doutes de Silesta qui tira un peu la manche de son compagnon. Près d'elle, elle entendit Gayle murmurer quelque chose à propos du dessin sur le parchemin.
« C'est une très mauvaise idée, Astarion. Pas comme ça. Nous trouverons un autre moyen.
_ Quel cruel manque de patience, se désola Raphaël d'une voix plaintive avant de se fixer dans les yeux attentifs de son « client ». Ces runes sont très importantes aux yeux de votre maître, mais de là à savoir s'il s'agit d'une lettre d'amour ? Un acte de propriété ? Une mise en garde ? Je vous livrerai volontiers tous les détails les plus scabreux. »
La jeune femme fusilla Raphaël des yeux, bien consciente qu'il était en train d'attirer Astarion dans ses filets. Le pire était que cette méthode fonctionna car une fragile lueur d'espoir brillait à présent dans ses prunelles amarantes. Espoir que le démon emprisonna aussitôt au creux de sa main :
« Mais d'abord, vous devrez me rendre service, vous vous doutez bien. Laissez-moi y réfléchir, je vous tiendrai au courant en temps voulu.
_ « En temps voulu » ? Quand exactement ? C'est important ! » protesta le vampire comme un enfant que l'on privait d'une friandise promise.
Raphaël dégusta avec plaisir la vision de son petit poisson qui s'agitait au bout de sa ligne et tint à le rassurer pour ne pas le perdre :
« Du calme. J'ai très envie de vous aider. Les cicatrices racontent bien souvent de fabuleuses histoires et mon instinct me dit que la vôtre est des plus délectables. Tout comme la vôtre, ajouta-t-il presque en aparté à Silesta. Nous nous reverrons très bientôt. »
Fort de cette quasi-promesse de marché, le diable disparut sous un manteau de flammes silencieuses, permettant aux trois aventuriers ignorants de laisser libre cours à leurs questions. Quelle était donc cette histoire de runes infernales ?
« Navré Gayle, nous n'étions pas assez intimes pour avoir à aborder ce sujet avec vous, ironisa Astarion qui rechignait à s'expliquer. De toute façon, vous avez tous entendu, inutile d'y ajouter les détails croustillants. »
Silesta n'arrivait pas à se défaire de l'amertume qui se diffusait dans sa bouche après ce à quoi elle avait assisté. Quelle idiote. Il était tellement évident que Raphaël était le mieux placé pour répondre à un sujet concernant l'infernal ; la logique d'Astarion était inattaquable et pourtant, son intuition lui soufflait que rien de bon ne ressortirait de ce marché.
« Il a aussi parlé de cicatrice vous concernant, Silesta, fit remarquer Ombrecoeur à son amie. De quoi parlait-il ?
_ Je... Je l'ignore complètement. »
C'était à peine si elle avait entendu cette discrète parenthèse à son attention. Elle ne portait aucune cicatrice à part celles de ses combats depuis le début de son aventure. La jeune femme interrompit ses pensées quand elle réalisa qu'elle avait inconsciemment porté la main à sa poitrine, là où elle avait le plus souffert de sa réaction au susurreau. Il n'y avait aucune marque physique sur elle mais était-ce ce à quoi le diable faisait référence ? Sa détermination ne fit que se renforcer.
« Allons trouver cette Isobel. »
Bien qu'elle s'inquiétait pour Astarion et son marché, rien n'avait encore été scellé. Elle mit cette affaire dans un coin de sa tête et convia ses alliés à monter.
Après avoir grimpé l'escalier menant à l'étage, le groupe parvint à une mezzanine qui faisait tout le tour de la pièce principale de l'auberge permettant d'apprécier la vue sur toute la partie taverne depuis un balcon en bois. Ils aperçurent à l'opposé de là où ils étaient les portes qui devaient mener aux chambres et se promirent de poser leurs bagages après avoir rencontré Isobel. Ils allèrent se renseigner auprès d'un Ménestrel qui conversait avec un collègue et il leur désigna la pièce la plus au fond de l'étage. Ils toquèrent à la porte en chêne. Pas de réponse. Gayle se hasarda à la pousser doucement ; ce n'était pas verrouillé.
La vaste et belle chambre dans laquelle ils entrèrent leur apparut vide au premier abord, jusqu'à regarder un peu plus loin vers la petite terrasse du balcon. Dos à eux, une femme se tenait devant un petit autel de fortune fait à partir d'un secrétaire décoré de bougies. Sur sa cape blanche reposait une longue lance effilée à la pointe ciselée dont la couleur argent n'avait rien à envier à ses cheveux gris perle vaporeux. Dans des gestes lents et gracieux, elle fit naître et croître une boule de lumière brillante qu'elle façonna dans ses mains telle une sculptrice puis libéra l'orbe dans l'immensité du dôme protecteur. Alors qu'elle s'apprêtait à recommencer, une quinte de toux la prit, ce qui la contraignit à se tourner et elle découvrit qu'elle n'était plus seule.
« Oh, je n'avais pas remarqué que j'avais de la visite. »
Elle semblait à peine plus âgée qu'eux, à moins que ce ne fût l'épais trait de khôl noir qui cerclait ses yeux clairs qui lui donnait plus de maturité. Elle invita les visiteurs à la rejoindre à l'intérieur de sa chambre pour discuter et se présenta à eux :
« Ravie de faire votre connaissance. Je suis Isobel, dit-elle avant de les observer. Les âmes éveillées qui vont tous nous sauver...
_ Nous avons beau avoir le parasite d'une âme éveillée, nous ne partageons pas leur état d'esprit, se défendit tout de suite Ombrecoeur dont l'animosité d'être en présence d'une sélunite était palpable.
_ Heureusement pour vous. »
Isobel partageait la pensée de Jaheira : l'arrivée de personnes comme eux était un don des dieux. Être imperméables à l'influence de l'Absolue et néanmoins capables de se mêler aux cultistes, c'était presque trop beau pour être vrai mais il serait insensé de faire fi d'une telle chance.
« Laissez-moi deviner. Jaheira vous envoie implorer un sort de protection auprès de sa cléresse préférée ? » s'amusa celle-ci.
Sur ces mots, la jeune femme rassembla sa concentration et une aura de lumière fit jour autour d'elle. D'un geste de la main, elle transféra cette aura sur eux. Cette sensation était étrange, elle avait la fraîcheur d'une main qui sortait de l'eau et la tiédeur du soleil qui faisait fondre la neige. Seule Ombrecoeur n'apprécia pas l'expérience car Silesta l'entendit étouffer un bref gémissement de douleur en secouant sa main comme si elle eût été piquée.
Satisfaite de son entreprise, Isobel leur expliqua que la bénédiction qu'elle venait de leur accorder les protégerait des effets mineurs de la malédiction des ombres et leur permettrait d'approcher les tours sans encombre. Toutefois, cela ne leur suffirait pas pour fouler les zones englouties par les ténèbres absolues, là où la malédiction était la plus concentrée.
« Cette lanterne est à vous, il me semble. Elle vous servira dans ces cas-là, énonça-t-elle en allant chercher la lanterne lunaire précédemment confisquée pour leur rendre. Méfiez-vous de Ketheric Thorm. Cet homme est encore plus dangereux qu'on ne vous l'a décrit. Pendant que vous vous acquitterez de votre mission dans les tours, je veillerai à... »
Un bruit lourd de chute venant du balcon l'interrompit. Sur la terrasse venait d'atterrir un homme en armure doté d'immenses ailes noires. Il se remit debout en rétractant ses ailes et inspira profondément. Le blason qui décorait son tabard rouge et jaune arborait un poing nimbé de feu. Un soldat du Poing Enflammé ?
« Bonjour, Isobel, salua l'homme en faisant quelques pas à l'intérieur de la chambre.
_ Marcus, c'est bien vous ? Que vous est-il arrivé ? »
L'attitude supérieure de l'inconnu couplée à la peur qui perçait la voix de la jeune femme suffirent aux aventuriers pour comprendre que quelque chose n'allait pas. Ils restèrent sur leurs gardes, le temps pour leur visiteur de poursuivre.
« J'ai été béni, répondit Marcus, presque béat. Et vous pourriez l'être aussi. Venez avec moi, Isobel. Ketheric vous expliquera tout. »
La simple évocation de ce prénom les raidit davantage. Lae'zel demanda à la sélunite si elle connaissait ce soldat. C'était un Poing Enflammé, du moins ce qu'il en restait. Lui et ses compagnons avaient débarqué lorsque le refuge avait été créé. Amusé par ce souvenir, Marcus remercia son hôtesse pour l'hospitalité dont elle avait fait preuve puis se tourna vers les autres avec un regard perçant. Une onde pulsa d'un coin à l'autre de leur tête.
« Âmes éveillées. Mes instructions sont claires : j'ai ordre de ramener la fille à Ketheric. Vivante. »
Mal à l'aise du silence qui régnait entre eux tous, Isobel exigea de lui dire ce qu'il se passait.
« Il veut vous enlever pour vous livrer à Thorm, prévint Silesta en foudroyant l'homme des yeux. Hors de question de vous laisser l'emmener et condamner tous ces innocents à la malédiction des ombres.
_ Et nous avec », compléta Lae'zel.
Marcus fronça les sourcils d'un air mauvais. Pathétique. L'Absolue ne laisserait pas cette trahison impunie.
« L'Absolue... répéta lentement Isobel avec dépit. Ne tombez pas dans son piège, Marcus. Quoi qu'il vous ait promis, jamais Ketheric n'honorera sa part du marché.
_ Oh, mais il l'a déjà fait, contra le Poing Enflammé en déployant ses ailes avec fierté. Maintenant, il est temps d'y aller. »
Il poussa un rugissement sonore et d'ignobles créatures décharnées aux ailes flétries de chauve-souris déchirèrent le ciel pour foncer en piqué droit vers la chambre d'Isobel dans des cris stridents. Resté le plus proche de la fenêtre menant au balcon, Astarion attrapa son arc et tira sur l'horreur ailée qui volait droit sur lui. Il fit mouche directement entre les deux yeux mais sa consœur qui volait à ses côtés lui tomba dessus de tout son poids. Silesta voulut aller l'aider mais une autre créature fit barrage entre elle et son allié.
« Mère Lune, guide mon bras ! » pria Isobel en attrapant sa lance.
Trop tard. Marcus se jeta sur elle avec l'impulsion renforcée par l'aérodynamisme de ses ailes et tous deux traversèrent la chambre dans un formidable coup de vent vers l'intérieur de l'auberge. Au rez-de-chaussée, les cris affolés des occupants et les rugissements autoritaires de Jaheira laissèrent entendre que tout le bâtiment se faisait assiéger. Gayle repoussa l'assaut d'une autre horreur ailée d'une vague de tonnerre puis se tourna vers les deux guerrières de leur groupe.
« Il faut protéger Isobel à tout prix ! »
Lae'zel et Ombrecoeur échangèrent un rapide coup d'œil puis se ruèrent à l'extérieur de la chambre. Vers le balcon, Silesta n'avait pas eu le temps de prendre ses bolas qu'un démon s'était jeté sur elle pour chercher à la lacérer de ses longues griffes. La jeune femme avait beau essayer de repousser son assaillant, la rage qu'il déployait dans la violence de ses assauts décuplait la pression contre laquelle elle devait se battre et son poids l'écrasait complètement. Un mouvement de tête miraculeux lui évita de se faire directement énucléer d'un coup d'estoc griffu mais ne la priva pas d'une vive brûlure qui stria sa tempe. Elle grimaça de douleur et de fatigue. Aussi entraînés et résistants étaient ses bras, ses forces étaient en train de ployer de seconde en seconde. La créature n'était plus qu'à quelques centimètres d'elle ; son souffle putride sulfureux échaudait son visage.
Le clair d'une lame zébra les cris de l'horreur qui tressaillit dans un hurlement suraigu avant de s'écrouler de tout son long sur le corps d'une Silesta tremblotante. Des éclaboussures de sang clairsemant sa peau albâtre et son habit, Astarion récupéra son souffle quelques instants avant d'offrir un sourire goguenard à celle qu'il venait de sauver.
« Si vous vouliez un câlin, il suffisait de m'appeler. »
Silesta rejeta le cadavre qui l'entravait et accepta la main qu'il lui tendit pour se relever.
« Vite. Marcus ne doit pas emporter la cléresse. »
Silesta et Astarion se précipitèrent vers le balcon de la mezzanine et tombèrent sur un champ de bataille. De nombreuses horreurs ailées assistées de goules répugnantes attaquaient Ménestrels, Poings Enflammés et réfugiés en bas et aussi à l'étage. Sur le balcon d'en face, Isobel luttait contre les attaques répétées de Marcus. Quand le Poing Enflammé corrompu parvint à lui asséner un coup d'épée qui la blessa au bras, une même tension horrifiée traversa tous ceux qui entendirent le cri de la jeune femme.
En proie à trois goules qui l'encerclaient, Ombrecoeur serra les dents et croisa son bouclier et sa masse devant elle.
« Ira et dolor ! »
Des êtres ailés immatériels baignés de lueur dorée apparurent en formant une ronde autour de la demi-elfe et purgèrent de leur lumière les aberrations qu'ils touchèrent. Une fois les créatures mortes, la sharéenne tendit la main vers Isobel.
« Macte virtute ! »
Une lueur imprégna la cléresse de Séluné et la main que tendait Marcus vers elle se heurta à une protection invisible qui lui assena au passage une petite décharge. Silesta vit Lae'zel foncer dans le dos de l'homme pour profiter de l'effet de surprise mais n'eût pas le temps de voir l'issue de cette attaque car une puissante détonation explosa juste devant elle, faisant voler en éclat le balcon près duquel elle se tenait. La jeune femme et Astarion basculèrent dans le vide, prêts à se rompre la nuque sur le plancher du rez-de-chaussée lorsque la voix de Gayle retentit plus loin.
« Veni et adiuva me ! »
Au lieu de rencontrer la dureté mortelle du sol, les deux jeunes gens tombèrent dans une étrange mollesse au toucher inconnu. Quand ils ouvrirent les yeux, une énorme main éthérée les tenait dans sa paume translucide. En haut du balcon d'en face, Gayle demanda si tout allait bien, sa main illuminée formant un creux comme sa copie magique.
« Oui, ça ira ! lui répondit le vampire d'une voix forte pour couvrir le vacarme environnant.
_ Oh, vous étiez là aussi, Astarion ? Je ne vous avais pas vu ! Quelle chance ! »
L'elfe plissa les yeux, prêt à retourner une réplique bien vénéneuse lorsqu'une horreur ailée s'élança droit sur lui, toutes griffes dehors. Lui et Silesta s'apprêtèrent à esquiver l'impact lorsque l'ombre gracile d'une panthère noire surgit de nulle part pour attraper le monstre directement au cou. L'animal roula sur plusieurs mètres avec sa proie en secouant la tête avec véhémence, resserrant sans pitié ses crocs dans sa jugulaire. Après une courte lutte, la bête recracha sa proie morte et s'assura d'un coup d'œil que tout danger était écarté.
« Merci, Jaheira », sourit Silesta qui reconnut l'éclat châtaigne derrière les yeux ronds du félin.
La saltimbanque se remit vite debout pour analyser la situation. Les Ménestrels ainsi que quelques membres du Poing Enflammé retenaient les attaques menées vers l'entrée et le chaos côté taverne semblait plus ou moins maîtrisé. À l'étage, ils avaient perdu les autres de vue mais les exclamations qui retentissaient permettaient de dire que Marcus devait être en difficulté. D'un regard entendu, Silesta et Astarion traversèrent la taverne à grandes enjambées pour regagner les escaliers. Une goule surgit devant eux à la dernière marche mais un coup de bolas de revanche la dissuada bien vite de se relever.
Une fois parvenus au balcon, ils aperçurent Isobel acculée contre un mur lancer une rafale de lumière aveuglante sur Marcus qui se cambra. Voilà l'ouverture tant espérée pour Ombrecoeur et Lae'zel qui d'un mouvement commun, abattirent leurs armes droit sur lui. L'homme vacilla sous la violence des coups et recula, toujours privé de ses yeux jusqu'à buter contre la rambarde. Ce fut Isobel qui porta le coup de grâce en le poussant dans le vide d'un coup de lance et la chute de plusieurs mètres acheva la funeste tâche.
« Oui ! » s'exclama Silesta en bondissant de joie avant d'accourir vers les combattantes.
Sa forme humaine retrouvée, Jaheira arriva en même temps qu'elle auprès de la sélunite et s'empressa de vérifier si tout allait bien.
« Plus de peur que de mal, grimaça un peu Isobel en tenant son bras sanguinolent.
_ Ils nous surveillaient depuis le début, enragea la druidesse. Cette tentative d'enlèvement n'est pas un hasard, ils savent très bien à quel point vous êtes vitale pour nous.
_ Je sais. S'il m'arrivait malheur, tous ceux qui sont dans cette auberge seraient condamnés. »
Entre deux respirations sifflantes, Lae'zel lui demanda pourquoi elle devait être capturée vivante. Si Ketheric voulait marquer un grand coup, la tuer aurait été plus facile car il se débarrassait de tout le monde au passage. Isobel n'en avait pas plus idée qu'elle et ne tenait pas à le savoir.
« Mais maintenant que vous êtes là, j'espère que cela n'arrivera pas. Merci de m'avoir porté secours. Surtout vous, enfant de Shar. »
Ombrecoeur fronça le nez et fit une moue pincée. Isobel avait donc découvert son allégeance aussi facilement ? Astarion guetta avec enthousiasme le clash des religions qui s'annonçait.
« Honnêtement, je suis très surprise que vous ayez accepté de nous aider, reconnut la sélunite envers sa consœur noire. Les vôtres ne sont pas connus pour leur morale, d'autant plus lorsqu'une malédiction sharéenne nous menace. Mais si ma déesse ne m'a pas foudroyée lorsque je vous ai accordé ma bénédiction tout à l'heure, c'est qu'elle doit approuver cette alliance de fortune.
_ Je ne tenais pas à ce que mes compagnons et moi-même mourrions ici, voilà tout. »
Isobel ne prit pas ombrage de la farouche défiance de son homologue et se contenta de lui réitérer ses remerciements ainsi qu'aux autres aventuriers. Elle les pria une nouvelle fois de mettre fin à la tyrannie de Ketheric et de frapper vite et fort car il n'en resterait pas là.
« Nous le ferons, promit Gayle qui les rejoignait à son tour. Avant de vous laisser vous remettre de vos émotions, Isobel, je crois que quelqu'un ici à une doléance pour vous. »
Silesta se redressa quand Isobel dirigea ses yeux d'argent sur elle. La prêtresse eut beau lui demander avec toute la gentillesse du monde ce qu'elle pouvait faire pour l'aider, la jeune femme rousse était prise d'une sorte de trac. Elle jugeait que le moment n'était pas des plus appropriés car la sélunite était une personne très occupée avec le maintien du dôme magique. C'était pourtant le moment ou jamais.
« Veuillez pardonner cette demande égoïste, Isobel, s'excusa Silesta en inclinant la tête avec respect. J'espérais qu'une sœur de Séluné puisse m'aider. Je souffre d'une étrange amnésie que ni le temps, ni les élixirs des druides et ni l'aide d'Ombrecoeur n'ont pu me défaire et dont j'ignore la cause. Alors... »
La prêtresse lui rendit un sourire compatissant et tendit la main vers elle pour toucher son front. Une faible lueur illumina sa main puis elle recula en rouvrant les yeux.
« Il y a en effet quelque chose. Quelque chose qui fait barrage. Mais pour en savoir davantage, il faudrait procéder à un rituel d'un niveau supérieur. Malheureusement, vous comprendrez que toute mon énergie doit se concentrer sur la protection de l'auberge. »
Silesta vit son espoir se dégonfler comme un ballon. Sa gorge s'étriqua soudainement.
« J'accomplirai ce rituel, Silesta, la rassura Isobel, attristée par ce visage peiné. Une fois Ketheric vaincu et la menace écartée, venez me retrouver et je lèverai le voile sur votre esprit.
_ Merci infiniment, Isobel. Vous êtes mon dernier espoir, murmura-t-elle, les yeux brillants.
_ Je vous laisse prendre vos quartiers avant que vous ne repartiez pour Hautelune. Faites vite. Le temps n'est pas notre allié », rappela Jaheira.
En dépit d'avoir essuyé une bataille à peine arrivés, nos amis n'avaient par chance pas souffert de terribles blessures. Néanmoins, ce fut avec une joie incommensurable qu'ils allèrent trouver des chambres pour se poser un instant. Silesta poussa la porte d'une pièce de taille moyenne dont les tentures rouge cardinal aux fenêtres, le brillant du vernis du bois des meubles et la douceur de l'éclairage émise par des candélabres étaient aussi accueillants et chaleureux que ce lit confortable aux draps lisses et frais. Elle se laissa choir sans aucune grâce dans le rebondi du matelas, tel l'ivrogne raide d'ivresse.
« Par les dieeeeeux, je ne pourrai jamais attendre le soir », gémit-elle, trop bien blottie dans la surface moelleuse.
Elle finit par s'arracher au confort de sa literie et alla ranger les quelques affaires qu'elle avait en surplus et qui ne lui serviraient pas pour la suite lorsqu'on toqua à sa porte. La jeune femme alla ouvrir et Astarion se glissa directement de l'embrasure vers la chambre.
« Me voici. Quels sont vos deux autres vœux ? plaisanta-il en détaillant les lieux. Je venais voir si vous n'aviez pas cédé à la tentation d'une trop grosse sieste.
_ Je vous en prie, entrez », soupira son hôtesse en roulant des yeux pendant qu'elle refermait la porte.
Silesta alla s'adosser contre le bureau qui trônait de l'autre côté de la pièce et laissa le vampire faire sa petite visite d'inspection. Elle remarqua des restes de griffures dans le dos de sa tunique, sûrement une conséquence de son affrontement avec les horreurs aillées. Encore une autre marque qui viendrait compléter le chef d'œuvre de Cazador.
À cette pensée, la réminiscence d'un certain diable revint au premier plan de son esprit.
« Allez-vous vraiment traiter avec Raphaël ? »
Il n'y avait pas de reproche dans sa voix, juste une triste appréhension.
« Vous êtes encore là-dessus ? s'étonna Astarion en se tournant vers elle. J'attends déjà de voir quels seront les termes de son marché. »
Son interlocutrice ne se rasséréna pas de cette réponse car elle anticipait qu'il y aurait très certainement un vice de procédure ou pire encore, Astarion accepterait le deal peu importe le prix demandé. Quand l'expression ennuyée du roublard finit par lui mettre trop de pression, elle se sentit obligée de se justifier :
« Je m'inquiète pour vous, voilà tout. C'est normal, non ? »
Sa réponse était l'évidence même et pourtant, la drôle de figure que fit le vampire en retour à ces mots aurait pu laisser entendre le contraire. S'inquiéter pour lui ? Voilà des mots qui, bien qu'il en comprenait le sens, lui étaient totalement étrangers.
Pas tant que ça en fait... Si Astarion passait en revue le détail de son aventure jusqu'à présent, il y avait effectivement une chose qui revenait de nombreuses fois.
Silesta ne comprit pas l'inhabituel sérieux qui habitait le visage du vampire. Son cœur se contracta dans sa poitrine.
« Astarion ?
_ De tous les visages que j'ai pu croiser, vous êtes celle qui reste près de moi. »
La surprise de la saltimbanque monta d'un cran quand il porta la main près de sa tempe et écarta délicatement les cheveux argile qui la cachaient. Il y traça une ligne avec son pouce. Elle en avait oublié sa blessure et il lui faudrait très peu de temps pour oublier bien d'autres choses si elle continuait à se laisser emprisonner par ce reflet rubis penché sur elle.
Trop tard. L'envie de l'embrasser s'insinuait déjà dans chaque parcelle de peau que l'acte concernerait. Ses paupières, pour se sceller et laisser toute la place à ses autres sens ; ses lèvres, prêtes à caresser les siennes ; ses mains, que ce fût pour les glisser dans sa nuque ou aller fermer le loquet de la porte mais dans ce dernier cas-là, elle ne donnerait pas cher du reste de sa raison et de sa pudeur.
Accrochée à l'infime fil de sa conscience qui bridait sa tentation, Silesta savait qu'Astarion lisait l'envie qui la mettait au supplice, que ce fût par ses yeux à la fois inviteurs et quémandeurs ou par l'affolement de son sang qui galopait dans ses veines. Elle crut déceler une subreptice surprise le traverser.
Le vampire était lui aussi accaparé dans un dialogue avec lui-même. Pourquoi ne succombait-elle pas ? Il sentait qu'elle n'attendait que cela. Ses pensées le menèrent de ces yeux de pluie gorgés d'envie vers ces lèvres impatientes.
Il finit par sourire à contrecœur.
« Le besoin passionnel est la plus violente de nos envies, le désir de nos désirs, murmura-t-il d'une douceur qui lui était peu commune. Le moment n'est pas le bon et nous le savons tous les deux. Mais quand nous reviendrons de Hautelune... »
Il se pencha et sa bouche alla recueillir les quelques perles de sang qui restaient sur la blessure de Silesta. Cette dernière ferma les yeux pour calmer l'incendie qui consommait son être alors que son envie charnelle évacuait son corps. Son toucher était aussi doux qu'il la tuait et cette douleur douce-amère éveilla une pensée inconcrète qu'elle ne sut mettre en forme tout de suite. Ses doigts se refermèrent davantage sur le rebord de la table qu'elle tenait.
Astarion se sépara d'elle et la laissa sans grandiloquence, moquerie ou quelconque autre marque de sa flamboyante personnalité. Cette absence de grands mots laissèrent à la jeune femme esseulée le sentiment que quelque chose était en train de changer. Chez lui ou chez elle ? Sa pensée vagabonde chercha à esquisser ses traits mais Silesta la retint encore. Non. Pas maintenant. Astarion avait raison ; ce n'était pas le bon moment.
Tout à coup très fatiguée par la perte subite du typhon de dopamine qu'elle avait amassé pour rien, Silesta ne sut comment elle trouva l'énergie de se débarbouiller. Le visage presque tendre de l'elfe s'affichait dans chaque recoin de sa tête et une nouvelle bouffée d'envie frustrée revenait se jouer d'elle. Quand elle rencontra son reflet dans le miroir accroché au mur de sa chambre, la jeune femme préféra rediriger ses pensées vers l'espoir qu'Isobel lui avait offert. Si le rituel fonctionnait, elle saurait enfin qui elle était vraiment.
Elle pointa un index menaçant au miroir et se para de son air le plus féroce.
« Ketheric Thorm. Pour ces terres ravagées, pour ta connivence avec l'Absolue, pour Isobel, pour ma mémoire volée, pour une autre nuit avec Astarion. Tu vas mourir. »
Si ce n'était pas de la motivation. Requinquée par la rage de vaincre, Silesta rassembla les affaires nécessaires à la route qui l'attendait et redescendit au rez-de-chaussée pour y attendre le reste de son équipe. Les Ménestrels s'occupaient de se débarrasser des corps des abominations qui les avaient attaqués quand d'autres cherchaient à nettoyer le sang imprégné dans les lattes du parquet.
Au milieu du petit salon où s'était tenu plus tôt Raphaël, Silesta fut étonnée de trouver un chat qui se promenait entre les fauteuils. C'était un gracieux sphinx à la peau fripée et aux grands yeux vert amande perçants. Un chat. Dans cette auberge perdue dans les limbes. Elle adorait les chats. Elle jeta un rapide coup d'œil autour d'elle, tel le félon qui assurait ses arrières avant de faire quelque chose de répréhensible. La tentation était trop forte et elle venait d'en renoncer à une autre tout aussi forte. Ni une ni deux, la jeune femme tira de sa besace un petit flacon qu'elle avait acheté chez les druides et le vida d'une gorgée. Depuis le temps qu'elle voulait l'essayer !
Quand elle s'avança vers le chat, elle fut accueillie par un gros dos et un feulement courroucé.
« Hssss ! siffla l'animal farouche. J'ai dit Hssss ! Du vent ! »
Silesta était aussi ravie qu'époustouflée par son nouveau don. Dire que les druides pouvaient naturellement parler aux animaux. Dommage que sa première expérience fût avec l'animal le plus inconstant du monde mais qu'importe.
« Hé, du calme, s'amusa-t-elle. Pourquoi tu es aussi grognon ?
_ Vous êtes sur mon territoire et vous n'y êtes pas la bienvenue, cracha-t-il, mauvais.
_ Ah tiens ? Le cambion de tout à l'heure était le bienvenu, mais pas moi ? »
Le chat s'assit, droit de toute sa fierté féline et leva le menton dans un jansénisme splendide.
« Exactement. »
La jeune femme s'autorisa un sourire discret pour ne pas froisser le félin. Comme elle avait raison quand elle pensait qu'Astarion ferait un chat parfait. Un Chastarion. Une envie de rire la prit à cette pensée. Elle décida de pousser la comparaison un peu plus loin :
« M'autoriserais-tu toutefois à t'admirer d'un peu plus près ? » essaya-t-elle avec déférence.
Le sphinx fit tilter une oreille et un vague ronronnement roula de sa gorge. Il se dressa mieux encore.
« D'accord, vous avez ma permission. »
Astarion était définitivement la réincarnation d'un chat. Silesta s'autorisa une rapide gratouille sous le menton du félin qui ronronna un peu plus fort en couchant les oreilles puis elle se releva, très satisfaite de sa petite expérience coupable. Derrière le bureau qui occupait le recoin de la pièce, un gnome chauve à la peau anthracite la dévisageait. Quand il la reconnut, il la salua d'un grand sourire.
« Il me semblait bien vous avoir aperçue. Re-bonjour !
_ Barcus ? »
La potion de communication avec les animaux est la meilleure de toutes (avec celle de vitesse, coucou le Trône de Fer). Et les chats sont les meilleurs interlocuteurs du jeu (avec le bébé hibours).
Je suis méchante avec Silesta... XD MAIS ! Dites-vous que je ne fais qu'accumuler pour mieux tout faire péter (du bon côté des choses, bien sûr)
