Bonjour à tous !

Ce texte a été écrit dans le cadre du Secret Santa du Forum Francophone, qui consiste à offrir un texte en cadeau à quelqu'un dont on connaît les fandoms et les préférences de lecture. Il a donc été écrit pour Maneeya à qui je souhaite (un peu en retard) un très Joyeux Noël !

J'espère qu'il vous plaira, et tout spécialement à toi Maneeya !

ENJOY !


Sirius s'étira sur sa chaise en bâillant.

- Ouah, je suis bien content d'en avoir fini avec cette journée… J'ai bien cru que le cours de contre-sorts de magie noire ne finirait jamais…

- Quoi ? s'étonna Remus. A Poudlard tu adorais la Défense Contre les Forces du Mal, et maintenant que tu es en école d'aurors tu ne supportes plus les cours ?

- C'est différent, nuança Sirius. C'est passionnant bien sûr, et très intense. Rends-toi compte, ils font tenir en un an de formation ce qui avant la guerre et la nécessité de renouveler la garnison d'aurors régulièrement prenait trois ans ! Mais du coup, chaque cours me donne l'impression de me passer le cerveau au rouleau-compresseur… Je vais en avoir pour des heures ce soir à relire mes notes pour être sûr de ne pas oublier la moitié des sortilèges qu'on a vus aujourd'hui…

- Le brillant Sirius Black se retrouverait-il malencontreusement obligé de travailler pour se maintenir à flots pour la première fois de sa scolarité ? sourit Lily avec un air moqueur.

Sa remarque déclencha une vague de ricanements autour de la table du Chaudron Baveur où ils s'étaient installés. Avant que Sirius n'ait pu répondre, la porte du fond du bar s'ouvrit, laissant entrer Peter qui revenait du Chemin de Traverse. Celui-ci retira son capuchon trempé de pluie et s'assit à côté d'eux avec un sourire.

- Salut Queudver ! salua James. Alors, quoi de neuf ?

- J'ai validé ma période d'essai ! leur annonça-t-il fièrement. Je suis officiellement un vendeur attitré de la boutique de potions !

- Félicitations ! s'exclamèrent-ils tous en chœur.

- Ça s'arrose ! renchérit James.

Il se leva pour aller commander cinq biéraubeurres au comptoir du bar pendant que Peter reprenait :

- Tiens Remus, on a eu la visite de l'un des gérants de Fleury & Bott aujourd'hui et il m'a dit qu'ils recherchaient quelqu'un pour gérer leurs stocks et leurs inventaires. Tu voudras que je leur parle de toi ?

- Chez le libraire ? s'enthousiasma Remus. Ce serait adorable de ta part ! Bon, nuança-t-il en se renfrognant légèrement, on sait comment ça va finir, mais ce serait cool d'essayer.

- Ne laisse pas ton problème de fourrure te gâcher la vie Lunard, répondit Sirius. Bien sûr qu'il y a des crétins partout mais quiconque sera capable d'ouvrir les yeux verra bien que ça ne t'empêchera pas de travailler où que ce soit !

- Les préjugés ont la vie plus dure que tu ne le penses Sirius, grommela Remus.

Sirius ne répondit rien mais il se doutait d'à quel point la situation pesait de plus en plus sur son ami. Si sa lycanthropie avait été acceptée à Poudlard, autant par les professeurs que ses plus proches amis, à présent qu'ils avaient fini leur scolarité, il se heurtait durement à la réalité des faits : Il avait écumé les petits boulots depuis leur sortie de l'école et aucun patron ne l'avait gardé plus d'un mois, dès qu'ils avaient des débuts de soupçons sur la raison de la journée de congé qu'il demandait au lendemain de la pleine-lune. Pendant que James revenait en déposant cinq choppes devant eux, Remus changea de sujet :

- Et toi Lily, comment ça se passe ?

- Un peu comme James et Sirius, avoua-t-elle, passionnant mais très intense. Les cours de médicomagie n'ont commencé que depuis deux mois et on a déjà notre premier stage à Sainte-Mangouste la semaine prochaine, ça a un côté super angoissant ! Je me sens comme une gamine qu'on va lâcher dans le grand bain sans savoir nager…

- Bienvenue au club, confirma James en se rasseyant à côté d'elle. En vrai je doute qu'ils vous envoient sauver les personnes dans les états les plus critiques dans un premier temps. Ces stages font partie de votre formation, vous en apprendrez autant qu'en cours.

- Je suppose, confirma-t-elle.

Elle leva son verre en direction de Peter et lança :

- Encore félicitations !

Tout le groupe trinqua et un silence de quelques secondes tomba pendant qu'ils dégustaient les premières gorgées de bière. Sirius fut le premier à reposer son verre et à reprendre :

- Vous venez tous chez moi pour Noël ? Après deux ans à squatter chez les parents de James, je tiens à profiter du fait d'avoir enfin un endroit à moi où vous inviter ! Cornedrue, tes parents sont les bienvenus également s'ils le souhaitent.

- Je suis sûr que ça leur ferait super plaisir ! confirma James. Tu leur manques plus qu'ils ne veulent bien l'avouer… Je crois qu'en un sens, ils s'étaient faits à l'idée d'avoir un deuxième fils.

- Notre premier Noël d'adultes majeurs et diplômés, commenta Peter, je dois avouer que ça fait quelque chose ! J'ai l'impression d'avoir fait ma première rentrée à Poudlard il y a deux semaines et d'être encore le gamin insolent et insouciant de l'époque…

- Ne t'inquiète pas pour ça Peter, vous êtes encore tous une bande de gamins insolents et insouciants, confirma Lily avec le plus grand sérieux.

Un éclat de rire général ponctua sa remarque et Lily reprit plus sérieusement à l'adresse de Sirius :

- Je te reconfirme ça rapidement pour Noël, je ne sais pas si mes parents avaient prévu d'organiser quelque chose avec ma sœur ou non.

- Ça ne vous fait pas bizarre ? nota Remus. Prévoir un truc aussi banal que Noël dans le monde dans lequel on vit ? Il n'y a plus une journée sans drame ou sans attaque de mangemorts et… J'ai presque l'impression que Noël est devenu un événement trop ordinaire pour la période qu'on traverse.

- C'est vrai, avoua Sirius, mais je crois qu'on a justement besoin de ces événements ordinaires… On n'a aucune idée de quand et comment finira cette guerre, personne ne resterait sain d'esprit longtemps si on devait mettre nos vies et nos habitudes les plus banales en standby pendant une durée indéterminée.

Un silence songeur retomba avant qu'ils n'acquiescent d'un pâle hochement de tête en replongeant dans leurs choppes.


- Et c'est ainsi, aboya Maugrey à l'adresse des apprentis-aurors alignés face à lui, que vous aurez une mince, je dis bien une mince, chance de survivre lors d'un combat face à des adversaires supérieurs en nombre ! Mais cela demandera une vigilance de tous les inst…

L'instructeur n'eut pas le temps de finir sa phrase. Une explosion retentit derrière lui, faisant voler en éclats le mur de la salle de formation et les projetant tous au sol sous l'impact. Encaissant le choc, James releva la tête rapidement pour voir qu'une vingtaine de mangemorts s'engouffraient par la brèche ainsi créée dans le bâtiment. Si plusieurs mètres les séparaient encore du groupe d'élèves, ils étaient déjà quasiment devant Maugrey, beaucoup plus proche qu'eux du mur au moment de l'explosion. Celui-ci s'était relevé quasiment aussitôt et avait dégainé sa baguette pour riposter face à la moitié des mangemorts qui l'encerclaient. L'autre moitié se dirigeaient vers eux et, pendant que les élèves reprenaient leurs esprits et se regroupaient pour se défendre, les paroles de Maugrey revinrent en tête de James. Face à un combat à forces inégales, leurs seules chances étaient de séparer les rôles, d'être protégés par quelqu'un gardant une vision d'ensemble pour parer les sortilèges pendant que les autres se chargeaient d'attaquer. Un dernier coup d'œil sur ses camarades qui faisaient face aux mangemorts acheva de le convaincre. Eux, ils avaient encore une chance ensemble face au groupe, ce qui n'était pas le cas de Maugrey.

- Sirius, couvre-moi ! hurla-t-il.

James se releva et s'élança vers Maugrey. Le voyant arriver, plusieurs mangemorts lancèrent un maléfice dans sa direction mais ils se heurtèrent à l'écran de protection que Sirius, resté légèrement en arrière, avait déployé devant lui. Rejoignant son instructeur, James riposta en même temps que lui et ils parvinrent à faire reculer certains des mages noirs pendant que Sirius continuait à parer tous les sorts qui pouvaient arriver dans leur direction. Maugrey fendit l'air de sa baguette et un grand flash rouge fit tomber au sol cinq mangemorts d'un coup. Pendant que James continuait de rendre coup sur coup à ceux qui étaient encore debout, l'auror le saisit par le bras, l'obligeant à reculer et à creuser la distance avec les mages noirs pour rejoindre les autres élèves. Si deux d'entre eux étaient au sol, inconscients – James refusait d'admettre l'autre possibilité – les autres ripostaient également et parvenaient à contrer les maléfices jetés dans leur direction. Lorsqu'ils furent réunis, un nouveau mouvement de baguette de la part de Maugrey envoya trois mangemorts au sol. Bien que leurs troupes semblaient diminuer au fur et à mesure des sortilèges qu'ils parvenaient à leur infliger, James fut bientôt incapable de voir quoi que ce soit d'autre qu'un tourbillon de capes noires, de cris et d'éclairs de couleur qui fusaient dans tous les sens. Il continuait de mitrailler tous les sortilèges qu'il connaissait en direction des mangemorts sans être sûr de parvenir encore à viser suffisamment bien pour en atteindre un seul et, alors que tout devenait de plus en plus flou autour de lui et que ses jambes se dérobaient sous le poids de son corps, il sentit une étreinte ferme le retenir et le maintenir debout. Il avait suffisamment senti le bras de Sirius autour de ses épaules tout au long de sa scolarité pour reconnaître son étreinte. Il tenta de lui crier de le lâcher, de se protéger lui-même plutôt que de l'aider, mais même ses cordes vocales refusaient de réagir. Il s'effondra sur le sol au moment où les cris redoublaient et qu'un flot de capes rouges, l'uniforme des aurors d'élites diplômés, inondait la salle de formation.


James frappa et entra dans la salle devant laquelle il avait été convoqué. Suite au combat ayant eu lieu contre les mangemorts lors de leurs cours, il s'était réveillé dans l'infirmerie du centre de formation des aurors. Il y était resté deux jours à se remettre des effets du maléfice qui l'avait fait s'effondrer pendant le combat avant d'être certain de ne pas en garder de séquelles. Complètement isolé du reste de son groupe, il n'avait pu avoir aucune nouvelle des autres étudiants, les médicomages ayant eu interdiction de lui dire quoi que ce soit. Il avait juste réussi à contacter Sirius via leurs miroirs à double-sens et, si celui-ci lui avait confirmé qu'il allait bien, lui aussi était maintenu isolé sans nouvelles de quiconque d'autre. Il avait juste reçu l'ordre de se présenter devant cette salle à sa sortie de l'infirmerie et, en s'avançant pour faire face à une table composée de Maugrey, Barty Croupton, et de trois autres personnes qu'il ne connaissait pas mais qui portaient l'uniforme des langues-de-plomb, il se prit à espérer avoir au moins quelques réponses.

- Assieds-toi Potter, annonça Maugrey en désignant la chaise face à la table.

James s'exécuta avant de reprendre :

- A quoi ça rime, monsieur ? Où sont les autres élèves ?

Ce fut Barty Croupton qui répondit :

- Vous êtes tous maintenus isolés les uns des autres depuis l'attaque, en attendant cet interrogatoire.

- Un interrogatoire ? s'étouffa James. Mais… Mais ce n'est pas nous qui avons attaqué, au contraire !

- L'attaque d'il y a trois jours n'aurait pas été possible sans une complicité intérieure, expliqua Maugrey. Ces salopards me visaient clairement et très peu de gens savaient que j'interviendrai dans ce cours, dans cette salle et à cette heure de la journée. Il y a parmi vous une taupe qui a renseigné les mangemorts sur les sorts de protection autour de l'académie ainsi que sur l'emploi du temps de l'académie. Rien d'autre ne peut expliquer le succès de leur attaque surprise en plein pendant ce cours et, si vous n'aviez pas tous été aussi réactifs, je ne serais clairement plus là pour en parler. Vous allez donc tous être interrogés sous Véritasérum jusqu'à ce que nous mettions la main sur l'espion, mais nous ne pouvions prendre le risque que celui-ci ait le temps de manipuler la mémoire d'un innocent pour lui faire porter le chapeau. C'est la raison pour laquelle vous avez été maintenus isolés les uns des autres. Dans ton cas, Potter, ça devrait vite être réglé. C'est ta réactivité et celle de Black qui m'ont permis de m'en sortir vivants, une taupe ne se serait jamais jetée face à l'ennemi de cette façon. Je serai censé vous engueuler pour votre inconscience, mais je dois reconnaître que je vous en dois une. Te faire passer ici est clairement de la formalité afin d'assurer un traitement identique à chacun de vous.

James acquiesça lentement, digérant les informations que Maugrey venait de lui donner, et ses pensées dérivèrent vers ses camarades de promotion. Il ne les fréquentait que depuis à peine trois mois, mais il avait discuté et sympathisé avec chacun d'eux – il connaissait même la moitié d'entre eux depuis Poudlard.

- Il n'y a vraiment aucune autre explication ? hasarda-t-il. L'espion est forcément dans notre promotion ?

- Pour être aussi bien renseigné, trancha l'un des langues-de-plomb, il ne peut s'agir que de vous, ou bien de l'un de nous cinq, nous seuls sommes au courant des détails de votre formation.

- Êtes-vous en train de tenter de jeter le doute sur l'un des membres aguerris du ministère, mon garçon ? reprit Croupton.

James ne répondit pas tout de suite. Son regard était resté fixé sur le langue-de-plomb qui avait pris la parole. Maintenant qu'il y réfléchissait, il l'avait déjà croisé dans divers couloirs de l'institut. Augustus Rookwood, l'un des plus hauts gradés du département des mystères, reconnu et apprécié dans la majorité des services. Il le voyait souvent en compagnie d'autres directeurs de département, proposant des coups de main à droite ou à gauche ou s'inquiétant même juste de la famille de l'un d'eux. Si une personne était connue et appréciée par l'ensemble du ministère, c'était bien lui, et James finit par répondre :

- Bien sûr que non, je n'accuse personne. Je n'oserai pas, pas pour des faits aussi graves. Comme vous, je cherche juste à comprendre. Je n'imagine pas un seul de nous faire ça.

Sa réponse parut convenir à Rookwood qui reprit :

- Votre confiance est louable, mon garçon, mais elle vous conduira à votre perte si vous ne vous méfiez pas plus que ça. Nous sommes en guerre, vous devez apprendre à considérer tout le monde comme un ennemi potentiel.

Surpris par ses paroles, James ne trouva rien à répondre et Maugrey reprit :

- Maintenant, Potter, si tu veux bien ?

Il lui tendit une fiole contenant un liquide clair comme de l'eau et James acquiesça d'un hochement de tête avant de s'en emparer et de la boire.


La porte d'entrée s'ouvrit dès la seconde où James frappa et Sirius l'accueillit par une accolade soulagée. James la lui rendit instinctivement. Même après leurs interrogatoires respectifs, ils avaient été maintenus isolés les uns des autres le temps de l'enquête et ce n'était que maintenant, trois semaines plus tard, que toutes les restrictions avaient été levées. L'un de leurs camarades de promotion était passé aux aveux, leur racontant comment il avait probablement été trop bavard avec des amis d'amis rencontrés dans un bar, mais ils n'avaient pas eu plus de détails. Quand James s'était inquiété de savoir ce qu'il allait devenir, Maugrey s'était contenté de grommeler que c'était plus compliqué que ça. De son côté, Sirius avait vu des experts en modification de mémoire converser avec certains de leurs professeurs. Ils s'étaient pris à espérer que leur camarade était innocent et que, qui qu'il soit, l'espion avait malgré tout eu la possibilité de l'envouter pour lui faire porter le chapeau, mais ils n'en savaient pas plus et Maugrey avait tranché qu'aucune autre question sur l'affaire ne serait acceptée. Séparés les uns des autres pendant tout ce temps, James avait réalisé qu'il n'avait jamais depuis le début de sa première année passé autant de temps sans voir Sirius et, lorsqu'il relâcha légèrement son accolade, il constata à son visage que Sirius également avait mal supporté cet isolement forcé.

Ils s'installèrent sur le canapé de Sirius qui fit venir deux verres et une bouteille de whisky pur feu d'un coup de baguette. Une fois les premières gorgées avalées, Sirius parut hésiter une seconde avant de demander :

- Ma question va te paraître stupide, ne te fous pas de moi… Mais… Pourquoi tu me fais confiance ?

- Quoi ? s'étouffa James.

- Pourquoi tu me fais confiance ? répéta Sirius. Pendant l'attaque, tu t'es jeté vers Maugrey en me confiant entièrement le soin de te protéger. Tu as une idée de ce qui se serait passé si j'avais été l'espion en question ? A n'importe quelle seconde j'aurais pu vous tuer dans le dos tous les deux…

- Patmol, tu es sérieux ? Ça fait huit ans qu'on se connait, comment je serais censé pouvoir douter de toi ?

- On n'aurait douté d'aucun de nous dans la formation et pourtant il y avait un traître qui semblait prêt à nous voir tous crever dans cette attaque ! Si on ne peut même pas se fier à des apprentis-aurors qui seront en première ligne face aux mangemorts dans moins d'un an, alors comment on peut encore se fier à quiconque, même à ceux qu'on connait depuis plus longtemps ?

James prit une seconde de réflexion. Il connaissait suffisamment Sirius pour deviner ce qui le tourmentait et qu'il ne lui aurait jamais avoué explicitement. Malgré son assurance et son rejet catégorique de sa famille, Sirius restait hanté par ses origines. Quelque part derrière la façade du Gryffondor téméraire et sûr de lui, le garçon de 11 ans qui ne comprenait pas comment James pouvait l'apprécier et croire en lui malgré les convictions du reste de sa famille n'était jamais très loin. L'espace d'un instant, James se demanda si l'interrogatoire de Sirius, pourtant intervenu en même temps que lui pour protéger Maugrey, s'était aussi bien passé que le sien ou s'il avait pu être bien plus bousculé en raison de son nom de famille.

- Tu te souviens de ce que Dumbledore a dit, pendant le banquet de fin d'année ? Il nous a souhaité bonne chance pour affronter ce monde et faire le bon choix parmi les deux options qui s'offraient à nous, le bien ou la facilité.

- Oui, et ?

- Sur le moment, sa formulation m'avait surprise. J'avais toujours vu cette guerre comme une lutte entre le bien et le mal, point. Mais depuis le début de la formation… Depuis l'attaque, même, en fait, je commence à comprendre. Bien sûr qu'il y a dans les rangs de Voldemort des personnes foncièrement pourries, qui aiment se croire supérieures et faire souffrir les autres juste par amusement. Mais je doute qu'ils soient majoritaires. La plupart d'entre eux, et certainement l'espion de notre formation, ont juste peur. Pour eux, pour leurs proches ou leurs familles… Alors ils se disent que rejoindre son camp les épargnera, et tant pis s'ils doivent pour cela commettre des atrocités sur d'autres personnes qu'ils ne connaissent pas. C'est ça, le choix de la facilité. Mais dans ton cas, Patmol, ton choix il est tout sauf simple. Tu viens d'une famille de sangs-purs notables dont tu étais l'héritier. La facilité pour toi, c'était d'y rester, tu n'aurais même pas eu à combattre dans ses rangs, un peu d'argent de temps en temps t'aurait assuré la meilleure des protections. Tu aurais été assuré d'être épargné, entouré par tes parents, ton frère, tes cousines, dont tu aurais partagé les convictions, approuvé les conversations… Et pourtant tu es là, à t'être retrouvé à la rue et déshérité pour avoir osé les défier, à t'être jeté dans une formation d'aurors en sachant que tôt ou tard tu te retrouveras face à certains d'entre eux sur un champ de bataille, en supposant que tu ne te fasses pas tuer avant… S'il y a une personne dans ce monde dont on peut affirmer avec certitude qu'elle n'a pas choisi la facilité, c'est bien toi Patmol. Et si vraiment il n'y a que deux choix qui s'offrent à nous dans cette guerre, alors c'est que tu as choisi le bien. Point barre. Ne laisse personne t'accuser d'être une pourriture de mangemort en raison de ton nom ou de tes origines, déjà parce que tu vaux bien mieux que ça, mais surtout parce qu'aucun espion n'aurait eu la force et la résilience d'endurer tout ce que tu as enduré uniquement pour jouer la comédie et tromper tout le monde.

Sirius resta silencieux et, malgré son visage inexpressif, James le connaissait suffisamment pour savoir qu'il était touché par ses paroles. James esquissa un sourire et reprit :

- Peut-être que Rookwood a raison, que je ne suis qu'un crétin qui se fera tuer à la première occasion parce que j'accorde ma confiance trop vite. Peut-être aussi que ça va changer, qu'un jour je me méfierai de tout et de tout le monde, que même mes meilleurs amis seront à mes yeux des ennemis potentiels. Mais pas toi, Patmol. S'il y a bien une chose dont je ne doute pas dans ce monde de fou, c'est que je pourrais toujours avoir une confiance aveugle envers toi. Bien sûr, ajouta-t-il sur un ton beaucoup plus léger, tout cet argumentaire ne s'applique qu'à toi et pas du tout à moi donc sens-toi libre de me menacer de ta baguette et de m'accuser des pires horreurs si ça peut te rassurer.

Sirius laissa échapper un léger rire en même temps que James face à sa plaisanterie et répondit :

- Bien sûr que cet argumentaire fonctionne pour toi, pour nous quatre même. Tu es un sang-pur d'une ancienne famille, l'une des rares à concurrencer encore la fortune de mon père. La possibilité de choisir la facilité en restant planqué contre un peu d'argent de temps en temps, elle s'applique à toi aussi. Et tu es quand même en formation d'aurors et en couple avec une née-moldue qui plus est ? Peter, dont la moitié de la famille vit à l'étranger et qui reste quand même à travailler sur le Chemin de Traverse en s'affichant un soir sur deux en train de boire des coups avec nous au Chaudron Baveur ? Remus, qui est rejeté par l'ensemble de la communauté sorcière mais qui continue à essayer, à être fauché et à souffrir en silence de cette intolérance au lieu de rejoindre l'une des meutes de loups-garous aux ordres de Voldemort qui l'accueilleraient à bras ouverts ? Regarde les choses en face, Cornedrue, aucun de nous n'a choisi la facilité, clairement. Tu l'as dit, peut-être qu'un jour on doutera de tout et de tout le monde. Mais si vraiment la formulation de Dumbledore est la bonne, alors on peut partir du principe que l'on peut encore avoir confiance en nous tant qu'on reste une bande de quatre jeunes cons qui se plongent par plaisir dans toutes les galères au monde !

Sa conclusion, ainsi que le sourire amusé et fier de sa dernière phrase de Sirius, firent lâcher à James son premier véritable éclat de rire depuis l'attaque.


James transplana dans une ruelle et se précipita vers la maison au-dessus de laquelle flottait la marque des ténèbres. Maugrey étant l'un des rares au courant de sa relation avec Lily, celui-ci l'avait averti discrètement et autorisé à quitter l'académie des aurors. Lorsqu'il arriva devant la demeure, plusieurs aurors diplômés étaient encore présents sur les lieux et James se rua vers les deux qui encadraient Lily.

- Lily ! Lily bon sang, tu vas bien ?

La jeune femme releva des yeux perdus et embués de larmes vers lui. Il se laissa tomber à genoux devant elle et la serra dans ses bras pendant que ses sanglots redoublaient, autant de désespoir que de soulagement de retrouver James. Celui-ci chercha vainement des paroles de réconfort mais abandonna rapidement – tout ce qui lui venait à l'esprit lui paraissait incroyablement futile et ridicule. Lily étant trop en état de choc, l'un des aurors près d'eux s'adressa à James :

- La police moldue ne va pas tarder à arriver. Une équipe d'oubliators les attend, ils modifieront leur mémoire dès leur arrivée de façon à ce qu'ils concluent à un cambriolage ayant mal tourné. Ils devraient rapidement donner leur feu vert pour que les corps soient emmenés et inhumés.

- Pourquoi ils ont attaqué ici ? demanda James. Ce n'est pas rare qu'ils s'attaquent à un village moldu, mais une seule maison en particulier ?

- C'est la question que nous nous posions, avoua l'auror. Le meurtre isolé des deux parents d'une née-moldue, sans aucune autre victime dans les environs géographiques, c'est loin d'être fréquent. Votre amie se serait-elle attiré les foudres de quelqu'un récemment ? Aurait-elle manifesté en public son aversion pour le groupe des mangemorts ?

- Non ! s'exclama Lily au travers ses larmes. Je n'ai pas eu affaire à eux jusqu'à maintenant, rien… Ils haïssent les nés-moldus, j'aurais compris qu'ils m'attaquent moi, mais eux ?

- Tu n'as rien à te reprocher Lily, assura James. Peu importe les raisons pour lesquelles ils s'en sont pris à tes parents, ce n'est pas de ta faute.

Lily tenta de retrouver sa respiration au travers ses sanglots avant de relever la tête vers les aurors :

- Vous pensez que c'est moi qu'ils auraient pu chercher ? Ils passent leur vie à s'en prendre à des nés-moldus, est-ce qu'ils auraient pu vouloir me tuer moi et ne tomber que sur mes parents ?

- Si vraiment vous ne vous êtes jamais opposée publiquement à eux, alors c'est peu probable, avoua l'un d'eux. Ils tuent des nés-moldus, oui, mais en tombant sur eux par hasard ou alors en organisant des expéditions dans des lieux où ils en trouveront des dizaines. Une attaque aussi ciblée et organisée pour une seule personne qui ne figure pas dans leur liste d'ennemis à abattre, c'est la première fois que nous verrions cela.

- Vous êtes une apprentie-médicomage, c'est bien cela ? demanda un autre auror. Ça en est d'autant plus incompréhensible, Sainte-Mangouste est peut-être le dernier endroit neutre du pays, celui où aurors et mangemorts sont soignés indifféremment. Malgré leurs atrocités, ils ne s'en sont jamais pris à l'hôpital ou à l'un de ses employés, ils ont trop besoin de vous.

Un silence de quelques secondes tomba sur la maison, finalement rompu par James.

- C'est à cause de moi.

- Quoi ? s'étouffa Lily. Ne dis pas ça, ce n'est…

- Ils n'avaient aucune raison de s'en prendre à toi ou à tes parents, aucune, reprit James. Mais moi, je suis en formation d'aurors, j'ai fait capoter leur expédition sur l'académie qui visait à tuer Maugrey, et surtout j'étais intouchable, le ministère nous protège trop. Pareil pour mes propres parents, ils en auraient pour des semaines à déjouer les sorts de protection mis en place chez eux.

- Mais c'est impossible ! protesta Lily. Quasiment personne n'est au courant de notre relation, on est toujours restés discrets précisément pour ne pas qu'ils se servent de l'un de nous pour atteindre l'autre !

- Personne n'était au courant non plus des protections autour de l'académie d'aurors ou de nos emplois du temps, et pourtant ils savaient quand et comment cueillir Maugrey. D'une manière ou d'une autre, ils savent pour nous et ils ont mené cette attaque en représailles.

Les aurors à côté d'eux restèrent silencieux mais leurs visages confirmèrent que c'était probablement l'explication la plus plausible.

- La police moldue arrive, finit par les informer l'un d'eux. Nous pouvons nous occuper d'eux si vous le souhaitez et vous épargner les questions qu'ils voudront forcément poser.

James acquiesça d'un hochement de tête.

- Merci. Viens Lily.

Lily ne répondit rien mais serra un peu plus la main de James qui l'emmena en transplanage d'escorte. Ils atterrirent dans le salon de James et, une fois assis sur le canapé, ce dernier laissa passer quelques secondes avant de reprendre timidement :

- Je comprendrai que tu ne veuilles plus jamais entendre parler de moi. Tu as toutes les raisons de me haïr.

- Te haïr ? répéta Lily en relevant la tête vers lui.

Ses yeux étaient encore embués de larmes mais, au travers du désespoir qui y était visible, James décela une colère sourde – et légèrement effrayante.

- Je t'interdis de te sentir responsable de ça ! reprit-elle avec forces. Les seuls coupables, ce sont les pourritures qui ont fait ça ! Peu importe leurs raisons, peu importe pourquoi ils s'en sont pris à eux spécifiquement, c'est à eux de se sentir coupables, pas à toi !

- Tu as entendu les aurors, nota timidement James, rien ne les prédestinait à être ciblés…

- Et alors ? demanda Lily avec colère. Rien ne prédestine personne à être tué dans une guerre aussi injuste, pour des motifs aussi stupides ! Et pourtant, il n'y a plus un seul jour sans attaque ! Alors, si se faire petits en évitant les conflits avec eux ne suffit pas, qu'est-ce qu'on peut faire d'autre que riposter et nous battre ? Nous battre ensemble, et sans nous séparer à cause d'eux, parce que c'est précisément ce qu'ils voudront, c'est comme ça qu'ils arriveront à bout de nos forces !

James acquiesça lentement.

- On leur fera payer ça, je te le promets. Tu as raison, ils veulent probablement nous diviser pour mieux nous affronter. On ne leur donnera pas cette satisfaction, on se battra ensemble et on vengera tes parents ensemble.

Le regard de Lily brilla étrangement devant la détermination de James et son désespoir s'effaça légèrement pour laisser la place à ce qu'il interpréta comme de la reconnaissance.

- Épouse-moi, finit-elle par répondre.

- Quoi ? s'étouffa James.

- Épouse-moi, répéta-t-elle. Si vraiment on doit continuer ensemble et se battre ensemble, ça finira par arriver. Alors pourquoi pas tout de suite, tant qu'on en a encore le temps ?

James parut touché par sa demande mais il prit quelques secondes de réflexion. Bien qu'il ne doutait pas de la sincérité de sa formulation et de son envie de continuer avec lui, il savait que d'autres sentiments avaient guidé la proposition de Lily. Elle venait de perdre ses parents dans une attaque aussi brutale qu'imprévue et ses relations avec sa soeur étaient loin d'être au beau fixe. Une personne aussi attentionnée et aimante qu'elle ne pourrait trouver la force et l'envie de se battre et d'avancer comme elle le disait qu'en étant entourée d'une famille, qu'en ayant au milieu de cette guerre un foyer où elle serait sûre de trouver des gens qui l'aiment. Et même si James savait qu'à cet instant présent, Lily désirait plus que tout concrétiser leur amour, que c'était lui qu'elle voulait comme nouvelle famille, une part de lui refusait de profiter de ses sentiments et de son traumatisme pour la laisser s'engager de manière aussi rapide.

- Tu sais que j'ai passé sept années à Poudlard à rêver de t'entendre me dire ça et je te jure que je crève d'envie de te répondre oui, cent fois oui. Mais si tu le permets, je vais quand même attendre d'être sûr que ce n'est pas uniquement l'émotion du moment qui te fait dire ça et que tu ne le regretteras pas dès la seconde où le choc sera passé.

Lily approuva d'un hochement de tête compréhensif et, alors que ses larmes commençaient à se tarir, une détermination féroce se mélangea à la colère dans son regard.


James et Sirius transplanèrent dans la salle de réunion de l'académie d'aurors où Barty Croupton et Augustus Rookwood les attendaient. La quasi-totalité des élèves de leur promotion était déjà là et, quand les derniers furent arrivés en transplanant également, Rookwood annonça :

- Écoutez-moi attentivement ! Une attaque de mangemorts de grande ampleur est en cours sur le Chemin de Traverse. L'intégralité des aurors diplômés est déjà sur le terrain mais ils vont avoir besoin de renforts pour espérer les maîtriser et limiter la casse !

Un brouhaha emplit la salle.

- C'est sérieux, ils nous envoient sur un champ de bataille avant même d'avoir fini notre formation ?! s'étonna Sirius, mi-choqué mi déterminé.

- Ça veut dire que si on se fait tous tuer, reprit un autre élève à côté d'eux, il n'y aura plus aucun auror en fonction avant deux ans, le temps que la prochaine promotion obtienne ses ASPICS et fasse sa formation ?

- Silence ! ordonna Croupton. Nous sommes conscients du risque que nous vous faisons courir et cette décision a été mûrement réfléchie avec les encadrants de votre formation, notamment avec Monsieur Rookwood qui a convenu que c'était l'une des seules solutions envisageables. Vous connaissez les bases du combat de terrain, appliquez-les vigoureusement, restez groupés, et je vous promets que tout se passera bien ! Vous transplanerez à l'intérieur de Gringotts où plusieurs aurors vous attendent pour vous indiquer vos postes et vos directives ! Des questions ?

Le regard stupéfait de la majorité des élèves laissèrent comprendre à James et Sirius qu'ils étaient tous encore trop sous le choc pour formuler la moindre question et Rookwood reprit :

- Dans ce cas, bonne chance à tous ! Allez-y !

Ils transplanèrent tous les uns après les autres et James et Sirius atterrirent en même temps qu'eux dans le hall de Gringotts. De l'autre côté des grandes portes barricadées et maintenues fermées par plusieurs aurors, des bruits d'explosion et des flashs de couleur retentissaient régulièrement. Maugrey était déjà près d'eux, aboyant à chacun d'eux le nom de l'auror qu'ils allaient devoir accompagner sur le terrain.

- Potter, Black, Cooper, McMillan, vous serez avec moi pour sécuriser l'accès entre l'artère principale et le Chaudron Baveur le temps que le groupe de Dawlish finisse de faire évacuer les civils ! conclut-il. Le bar sert également de poste de premier secours pour les blessés graves, une délégation de Sainte-Mangouste y prend en charge ceux qui ne sont plus en état de fuir. Protéger le lieu et son accès est donc notre priorité absolue si on veut encore sauver quelques personnes ! On reste en formation de combat de groupe, si l'un de nous est tué, on la resserre mais on ne la brise sous aucun prétexte ! Vigilance constante, respectez la formation et ne vous laissez pas distraire ! On y va !

Ils suivirent Maugrey jusqu'aux portes de Gringotts où les aurors qui en maintenaient la sécurité les laissèrent passer. Dès qu'ils mirent un pied dehors, James se sentit submergé par un déluge de cris et de flashs de couleur. Les rayons de sortilèges qui fusaient de toutes parts se mélangeaient à la poussière et aux gravats des bâtiments en ruine et l'ensemble de l'artère ne ressemblait qu'à un brouillard épais illuminé par endroits. L'un des sorts lui apparut plus nettement au fur et à mesure que le rayon se rapprochait d'eux et James déploya un bouclier pour le faire ricocher.

- Bien joué Potter ! approuva Maugrey. On continue, on rejoint l'entrée du Chaudron Baveur !

Ils avancèrent en formation serrée, chacun déviant ou contrant les sortilèges dont les rayons jaillissaient vers eux. Ils étaient entourés de silhouettes de leur taille mais le brouillard de poussière était trop épais pour leur permettre de discerner s'il s'agissait de mangemorts, d'aurors ou de civils et James n'essaya pas de les attaquer. Au bout d'un moment qui lui parut interminable, ils cessèrent d'avancer et James repéra derrière lui les lumières du Chaudron Baveur dans lequel des civils paniqués se bousculaient pour partir par cheminée ou se ruaient côté moldu en courant. La proximité du bâtiment éclairé lui permit de reconnaître un autre groupe d'aurors à leurs robes rouge écarlate, mais il ne voyait les visages des gens qu'ils laissaient passer au compte-gouttes que lorsque ceux-ci franchissaient la porte du bar. L'espace d'une seconde, il se demanda comment l'autre groupe parvenait à identifier aussi formellement les civils en fuite, mais cette question disparut de son esprit lorsqu'un rayon vert fusa vers eux.

- Attention ! hurla Sirius.

Maugrey et les deux apprentis-aurors se baissèrent pendant que Sirius tirait violemment James vers lui pour le dévier de la trajectoire du sort et celui-ci s'écrasa contre le mur du bar derrière eux. James se gifla mentalement. C'était l'un des rares conseils de Maugrey, ne pas se laisser distraire. Laissant aux autres aurors la tâche de reconnaître les civils, il se concentra à nouveau sur le déluge de gravats et de sortilèges, parant ou contrant ceux qui se rapprochaient trop d'eux ou des personnes qui passaient derrière eux pour fuir les combats. Il avait perdu toute la notion du temps ou même de l'espace, le combat étant uniquement rythmé par les contre-sorts qu'il enchaînait, les flashs de lumière, les détonations et les civils qui passaient derrière eux. Combien avaient pu fuir ? Combien restaient encore à évacuer ? Combien de mangemorts ou d'aurors restaient-ils dans les combats ? Depuis combien de temps étaient-ils là à protéger le bâtiment comme ils le pouvaient ? Il l'ignorait totalement et avait de toute façon compris qu'il ne pouvait pas se permettre de laisser son esprit diverger. Toutes ses forces étaient concentrées à repérer tout ce qui fusait vers eux, rayon de lumière ou bloc de pierres détaché d'un édifice, afin de les dévier avant qu'ils ne soient atteints. Il discernait vaguement à côté de lui la silhouette de Sirius qui faisait de même et ne pouvait qu'entendre Maugrey et leurs deux camarades de promotion en faire autant. Alors que les aurors à côté d'eux laissaient passer un nouveau groupe de civils, le mouvement de l'un d'eux attira son regard. Il lutta une seconde contre l'envie de se retourner vers lui – il avait déjà manqué une fois de se faire tuer bêtement en relâchant sa vigilance – et analysa mentalement ce qui l'avait dérangé dans la démarche de cette personne. Elle était lente. Qui qu'il soit, cette personne marchait lentement, presque calmement, comparé aux dizaines d'autres civils paniqués qui étaient passés derrière eux à toute allure pour rejoindre le bar. Un coup d'œil aux alentours lui assura qu'aucun sortilège ne se dirigeait vers eux, il avait peut-être une seconde ou deux pour en avoir le cœur net. Il laissa son regard dévier vers lui au moment où la personne arrêtait de marcher et brandissait sa baguette vers Maugrey.

- STUPÉFIX ! s'écria James.

L'homme avait retourné sa baguette contre lui en l'entendant lancer sa formule et leurs deux sortilèges s'entrechoquèrent. James n'entendit qu'à peine l'exclamation surprise de Maugrey et des trois autres élèves, celle-ci fut couverte par la détonation provoquée par leurs sorts au milieu de leur formation. Une onde de choc provenant de l'impact souffla violemment James en arrière, le projetant contre un bâtiment adjacent déjà à moitié effondré. Il eut l'impression que son cerveau explosa quand son dos et l'arrière de son crâne percutèrent le mur de plein fouet et, quand il retomba sur le sol, il mit quelques secondes à parvenir à rouvrir les yeux. Un voile épais était tombé sur son regard en plus du brouillard ambiant et il ne discerna que la silhouette de l'homme qu'il avait tenté d'arrêter se dresser face à lui et relever sa baguette. Il tenta vaguement de se relever mais l'intégralité de son corps refusa de lui répondre, trop sonné par la violence du choc.

- Avada…

- Everte Statim !

Un rayon rouge faucha l'homme et le propulsa plusieurs mètres plus loin. Avant que celui-ci n'ait pu se redresser, une vague de personnes en capes rouges l'entourèrent et l'empêchèrent de revenir attaquer James. Celui-ci laissa son regard se diriger vers la personne qui l'avait protégé, mais, encore sonné, il ne distingua qu'une chevelure rousse et deux yeux verts qui brillaient d'inquiétude.

- James ! cria-t-elle en se laissant tomber à côté de lui. James, dis-moi quelque chose !

Une multitude de phrases se bousculèrent dans sa tête. Que faisait-elle ici, pourquoi était-elle sortie du bar où elle prodiguait les premiers soins aux blessés graves, qui était cet homme, où en étaient les combats qui faisaient rage autour d'eux. Seuls deux mots parvinrent à franchir ses lèvres.

- Épouse-moi.

Un rire nerveux s'échappa de la bouche de la jeune fille qui répondit :

- Quand tu seras sûr que tu ne le regretteras pas dès la seconde où le choc sera passé, c'est promis.


James avait perdu la notion du temps. Dès qu'il avait pu se relever, Lily et lui étaient revenus près du Chaudron Baveur, lui pour rejoindre le groupe de Maugrey et elle pour retourner à son poste de premiers soins d'où elle l'avait vu être attaqué. Il ne savait pas pendant combien d'heures les combats s'étaient enchaînés avant que les cris ne deviennent plus espacés, que les rayons de sortilèges deviennent de plus en plus rares et les civils qui fuyaient inexistants. La poussière des gravats aux alentours commençait à se dissiper, suffisamment pour qu'il puisse voir des aurors se disperser dans l'allée et contrôler l'absence de tout combattant en cape noire qui ne soit pas étendu sur le sol, mais pas assez pour lui donner une indication sur l'heure de la journée. Est-ce que la poussière était seule responsable de la semi-obscurité ambiante, ou est-ce que la nuit était véritablement en train de tomber ?

Au fur et à mesure que la luminosité se dégageait légèrement, James put constater les dégâts autour de lui : La plupart des magasins et bâtiments de l'allée étaient en ruines et de nombreux agents du ministère les inspectaient à la recherche de survivants blessés. Des aurors inspectaient les corps étendus des mangemorts et ligotaient ceux qui respiraient encore avant de les faire partir par portoloin. L'espace d'une seconde, James se demanda s'ils étaient envoyés au ministère pour interrogatoire ou s'ils atterrissaient directement à Askaban pour une durée indéterminée. Alors que, sous les ordres de Maugrey, ils rejoignaient les troupes qui recherchaient des blessés à évacuer, un mouvement de capes rouges attira le regard de James. Cinq d'entre eux venaient de s'engouffrer dans la boutique de l'apothicaire dont les murs, la vitrine et l'intérieur absolument intacts contrastaient avec le reste de l'avenue. Ils en ressortirent rapidement en retenant Peter qu'ils poussaient devant eux sans ménagement.

- EH ! s'écria Sirius.

Il s'élança vers eux et James l'imita, ignorant tous deux les cris de Maugrey qui leur ordonnait de revenir. Sirius fut le premier à s'arrêter devant le groupe et à s'exclamer :

- Pourquoi vous l'emmenez ? Qu'est-ce qu'il a fait ?

Peter parut soulagé de les voir mais ce fut l'un des aurors qui répondit :

- Il va devoir s'expliquer devant une commission d'enquête sur les raisons pour lesquelles les mangemorts l'ont épargné, lui et sa boutique. Ce n'est pas leur genre de décider d'être cléments, à moins que la personne face à eux ne soit l'un des leurs.

- QUOI ? s'exclama James. C'est vraiment tout ce que vous lui reprochez, d'avoir survécu ?

- D'avoir été épargné, corrigea-t-il. Il devra s'en expliquer devant une commission de la justice magique.

- Ce n'est pas possible, rugit Sirius, vous ne pouvez pas l'emmener arbitrairement pour si peu !

- Ce n'est pas à vous d'en décider, trancha sèchement l'homme face à eux. Ne vous opposez pas à nous, je regretterai d'avoir à vous accuser de complicité envers un potentiel mangemort.

Peter laissa échapper un glapissement angoissé à l'idée que James et Sirius puissent être emmenés en même temps que lui et, s'il resta silencieux, son regard leur fit clairement comprendre de ne pas se mettre dans la même situation que lui. D'abord hésitants, James finit par lui répondre :

- Ne t'inquiète pas Peter, on te sortira de là.

Il acquiesça d'un hochement de tête légèrement rassuré avant d'être emmené en transplanage par les aurors.


- Ça fait deux jours que vous le retenez ! s'écria James. Si vous aviez vraiment quelque chose contre lui vous l'auriez envoyé à Askaban depuis longtemps ! Pourquoi vous ne voulez pas reconnaître qu'il n'a rien à voir avec eux ?

- Si nous n'avions vraiment rien contre lui il serait déjà dehors, trancha Croupton. Je ne prendrais pas le risque de remettre un mangemort en liberté tant que toute la lumière sur son implication n'aura pas été tirée au clair !

- Alors vous préférez garder un innocent en détention ? s'exclama Sirius.

- Si cela peut nous assurer qu'il n'ira pas commettre un nouveau carnage sitôt remis en liberté alors oui !

Sirius laissa échapper une exclamation choquée devant l'assurance de Croupton. Depuis leur retour au ministère après le combat du Chemin de Traverse, ils s'étaient évertués à chercher ce qui était arrivé à Peter et, à force de harceler Maugrey, celui-ci avait accepté de leur organiser une rencontre avec Croupton. En charge du département de la justice magique, si quelqu'un savait ce qui était arrivé à Peter et avait le pouvoir de le faire sortir, ça ne pouvait qu'être lui.

- Pourquoi ça prend aussi longtemps de vous en assurer ? protesta James. Vous aviez interrogé une formation d'aurors entière sous Véritasérum en quelques jours, qu'est-ce qui vous empêche de recommencer ?

- Le Véritasérum est une potion trop rare et longue à préparer pour que nous puissions nous permettre d'en faire boire à chaque potentiel suspect. C'est précisément parce que vous étiez des aurors en formation, soit l'un des corps de métiers qui nous est à ce jour le plus précieux, que nous avons décidé d'en consacrer autant pour faire la lumière sur l'affaire de l'attaque pendant votre cours. Votre ami est loin d'être suffisamment important à nos yeux pour avoir le même traitement de faveur.

Ce fut cette fois James qui ne put retenir une protestation et qui sembla se faire violence pour ne pas sauter à la gorge de Croupton. Sirius semblait dévoré par la même envie mais, après une longue inspiration, il reprit :

- Qu'est-ce qu'il vous faut pour le relâcher ? Qu'est-ce que vous attendez de lui ?

- Nous attendons une explication sur la raison pour laquelle il a été épargné, c'est tout, et jusqu'à maintenant ses propos sont tout sauf clairs !

- Vous l'avez embarqué de force après qu'il ait miraculeusement survécu à l'attaque la plus violente de ces dix dernières années, bien sûr qu'il panique ! protesta James.

- Laissez-nous lui parler ! demanda Sirius. Il nous fera confiance à nous, laissez-nous le voir et je vous jure que vous aurez vos explications !

- Vous n'êtes pas des aurors diplômés en poste, vous ne pouvez prétendre participer à un interrogatoire !

- Alors on est suffisamment compétents pour être envoyés se faire tuer dans un combat à dix contre un mais pas assez pour poser des questions à un prisonnier désarmé ? s'insurgea James.

Croupton resta silencieux devant sa remarque et James comprit qu'il avait tapé dans le mille. Au bout de plusieurs secondes, il finit par approuver :

- Dix minutes. Je vous accorde dix minutes avec lui, et si vous ne m'apportez pas une explication des plus convaincantes à ce qu'il s'est passé dans sa boutique, il part à Askaban.


Peter avait levé un regard angoissé quand la porte de la salle s'était ouverte mais son visage s'éclaira en reconnaissant James et Sirius. Les gardes du département de la justice refermèrent les portes derrière eux et Peter s'écria :

- James, Sirius ! S'il vous plaît, dites-moi que vous allez me faire sortir de là !

- On va tout faire pour, assura James, mais on n'a pas beaucoup de temps. On doit savoir pourquoi ils ne t'ont pas attaqué, ni toi ni la boutique, sur le Chemin de Traverse.

Peter pâlit légèrement et Sirius reprit :

- On sait qu'ils ont déjà dû te poser la question cent fois, mais c'est le seul moyen de te faire sortir de là, Queudver. Fais-nous confiance, s'il te plaît.

Peter acquiesça d'un hochement de tête mais son visage angoissé laissait comprendre qu'il hésitait encore à parler. Il fit les cent pas devant eux avant de se laisser tomber sur le banc au fond de la cellule, seul meuble de la pièce obscure. James et Sirius s'assirent autour de lui mais n'essayèrent pas de dire autre chose, semblant comprendre à quel point Peter semblait dévoré par un dilemme impossible.

- Je peux vous le dire à tous les deux, finit-il par souffler, vous êtes peut-être les dernières personnes en ce monde à qui on peut faire confiance. Mais si quelqu'un d'autre l'apprend au ministère, je suis mort…

- Dis-le nous, confirma Sirius, et ensuite on cherchera une solution pour te protéger.

Peter approuva, l'air légèrement plus déterminé, avant de reprendre :

- Ils voulaient tout saccager. Ils sont entrés à dix dans la boutique et allaient lancer des sorts de destruction, mais un autre mangemort est entré. Il était cagoulé, mais je peux jurer à sa voix que c'était Rogue.

- M'étonne pas de cette enflure, grommela Sirius.

- Il a interdit aux autres de toucher à cette boutique, continua Peter, il leur a dit qu'il en avait trop besoin pour faire les potions que Vous-Savez-Qui lui réclame. Mais il a eu l'air de comprendre que j'avais reconnu sa voix. Ils se sont demandé un moment s'ils devaient me tuer, mais Rogue semblait au courant que je suis en ce moment le seul vendeur de la boutique. Sans moi, le propriétaire serait obligé de fermer la moitié du temps et leur problème resterait le même. Ils ont fini par me menacer : Si je révèle à quelqu'un du ministère que Rogue est l'un des leurs, ils reviendront s'en prendre à moi. Ils m'ont aussi promis qu'ils le sauront si je parle, qu'ils ont des espions dans tous les départements. J'aurais voulu dire tout ça aux aurors ou aux gens du Magenmagot, je vous le jure ! Mais je peux pas, pas sans risquer de les voir débouler chez moi dès que je serai sorti !

James et Sirius acquiescèrent d'un hochement de tête, comprenant enfin pourquoi il n'avait rien pu dire auparavant.

- Je te jure que tu as bien fait de nous en parler, assura James. Mais contrairement à ce que tu penses, il y a effectivement des personnes au ministère qui sont au-dessus de tout soupçon. Maugrey et Croupton sont de ceux-là, ils ont capturé et fait enfermer beaucoup trop de mangemorts pour être des leurs. Laisse-nous leur raconter ce que tu viens de nous dire, et je te jure qu'ils te feront sortir de là en s'assurant que tu ne risqueras rien.

- Vous en êtes sûrs ? demanda-t-il d'un ton anxieux.

- On te le promet, confirma Sirius. On assurera ta sécurité nous-mêmes s'il le faut, mais je te promets que tout se passera bien et que tu seras dehors et à l'abri en deux temps trois mouvements si tu nous laisses parler de ça à Maugrey.

Peter semblait toujours tétanisé par la peur et l'angoisse mais il finit par accepter d'un pâle hochement de tête.


- L'attaque sur le Chemin de Traverse il y a de ça deux semaines était sans précédent en termes de violence, de cruauté, de terreur, annonça la voix de Croupton au travers du poste de radio. Cette journée d'horreur nous a tous plongés dans la peur de voir de tels actes se reproduire. Aujourd'hui, je suis là pour le dire : La peur doit, et va, changer de camp. En tant que directeur de la justice magique, et avec l'aval du Ministre de la Magie, j'ai signé ce matin même une série de lois qui nous permettront de répondre à la force par la force, à la violence par la violence. A partir de demain matin, les aurors dans l'exercice de leurs fonctions auront l'autorisation d'user des trois sortilèges impardonnables contre toute personne formellement identifiée comme appartenant au groupe des mangemorts, sans qu'ils ne puissent être inquiétés d'aucune poursuite que ce soit. De la même manière, afin d'être assurés de nous battre avec les mêmes armes contre le camp adverse, les aurors seront autorisés à tuer tout combattant mettant d'une quelque manière que ce soit leur vie ou celle de civils en danger. Lorsqu'ils seront capturés vivants, les mangemorts seront immédiatement transférés à Askaban en l'attente de leur procès afin de garantir l'impossibilité de leur évasion…

Les maraudeurs et Lily s'étaient regroupés chez James autour de la radio pour suivre la conférence de presse de Croupton. A chacune de ses annonces, James pouvait voir Peter se ratatiner davantage dans son fauteuil. Après que Sirius et lui eurent révélé à Maugrey les raisons pour lesquelles il avait été épargné, celui-ci s'était longuement entretenu avec plusieurs autres hauts responsables du ministère. Si ses explications avaient paru crédibles à Croupton, c'était finalement Rookwood qui s'était proposé pour régler cette histoire. Celui-ci s'était longuement entretenu avec Peter sans que quiconque ne puisse savoir ce qu'ils s'étaient dit. A l'issue de cet entretien, Peter était ressorti libre avec l'aval de Croupton et l'assurance de Rookwood que tout serait fait pour veiller à sa sécurité. Malgré le dénouement de cette affaire, Peter semblait depuis constamment tétanisé de peur et d'angoisses qu'il tentait manifestement de gérer en s'intéressant plus que jamais aux récits que James et Sirius pouvaient faire sur les activités des aurors. Leurs mines s'étaient assombries au fur et à mesure du discours de Croupton et, quand celui-ci conclut sa conférence, Lily pesta :

- La violence par la violence, hein… Il n'y a pas à dire, ils n'ont pas fait dans la demi-mesure. Vous allez vraiment être autorisés à tuer quiconque s'opposera à vous sur le terrain ?

- Il y aura certainement des aurors qui voudront jouer aux justiciers, concéda James, mais pour ma part je n'ai pas l'intention d'en faire plus que maintenant. On avait déjà l'autorisation de tuer si notre vie était en danger, et vu les méthodes de combat des mangemorts, sur le terrain cette loi ne changera pas grand-chose.

- Elle risque surtout de faire mal aux potentiels suspects, nota Remus.

Il ne continua pas dans son explication, ils savaient tous à quoi ils pensaient. Passées deux semaines plus tôt, ces lois auraient autorisé les aurors ayant emmené Peter à l'exécuter sur le champ ou à le torturer à l'aide du sortilège Doloris pour lui faire avouer tout et n'importe quoi.

- Je ne sais pas si Maugrey va vouloir nous débrieffer pour expliciter un peu ce que ça nous autorisera à faire ou non, nuança Sirius, mais une chose est sûre, Croupton a pris un sacré tournant dans cette guerre. Dumbledore nous avait parlé de choix entre le bien et la facilité, mais Croupton vient d'offrir sur un plateau le choix de la facilité à ceux qui sont dans le bon camp. Tuer d'abord et poser les questions ensuite, torturer et enfermer dans le doute tous ceux qui se seraient trouvés au mauvais endroit au mauvais moment… Si on a toutes ces possibilités… Si on a l'autorisation d'attaquer quiconque dont la tête ne nous revient pas, alors comment on peut être sûrs de toujours valoir mieux qu'eux ?

- Vous valez mieux qu'eux parce que vous ne ferez que rendre les coups, assura Lily. Peu importe les armes utilisées, le responsable d'une guerre est toujours celui qui décide d'attaquer en premier.

- Mais pour la peur qui va changer de camp, c'est raté, fit remarquer Remus. Je ne sais pas vous, mais moi ça m'inquiète juste doublement de me retrouver au mauvais endroit au mauvais moment. Je comprends que ça vous donne de quoi avoir une chance de vous en sortir en tant qu'aurors mais pour les civils… Ça ne fait que doubler la menace.

- Vous pensez que ça a au moins une chance de porter ses fruits ? s'inquiéta James. Que des mangemorts vont hésiter à passer à l'acte, ou que des personnes vont renoncer à s'enrôler auprès de Vous-Savez-Qui, à cause de ces nouvelles menaces s'ils se font prendre ?

- C'est une bonne question, grimaça Sirius. On ignore tout de la force des troupes de Voldemort, s'il a assez de fidèles pour se permettre d'en perdre par dizaines dans des attaques comme celle du Chemin de Traverse ou s'il va vouloir économiser ses partisans en ne leur faisant courir aucun risque.

- C'est la même inconnue pour la question de qui va hésiter à le rejoindre, nota Peter. James avait sans doute raison l'autre jour, le monde ne foisonne pas de pourritures qui torturent et tuent pour le plaisir.

- On voit que tu ne connais pas ma famille, signala Sirius avec un sourire en coin.

Peter lui répondit avec un léger rire avant de reprendre :

- Peut-être qu'effectivement, les gens dont les convictions se rapprochent de celles de tes parents ou tes cousines vont y réfléchir à deux fois avant de s'engager. Mais ceux qui sont menacés ou qui ont peur pour leurs proches, leur famille ? Au moins, les aurors ne s'en prendront qu'à eux seuls, ils ne menaceront pas de décimer tous ceux auxquels tu tiens…

Son regard grave et éternellement angoissé laissa James se poser la question qui tournait en boucle dans son esprit depuis son arrestation : Que lui était-il arrivé pendant ces deux jours où il avait été arrêté et interrogé par les aurors ? Et surtout, qu'avait bien pu lui dire Rookwood de si confidentiel concernant les conditions de sa libération et sa capacité à le protéger de toutes représailles ?


- Bienvenue ! lança Sirius en ouvrant la porte. Entrez, entrez !

Il s'écarta pour laisser entrer Fleamont et Euphémia Potter, les parents de James, qui le suivirent dans le salon. James, Lily, Remus et Peter étaient déjà là, assis dans les canapés et fauteuils à côté d'une grande table dressée et décorée. James se leva pour saluer ses parents et leur rendit leur accolade heureuse de se retrouver.

- Je suis si contente de vous revoir, les garçons ! lança Euphémia. La maison est beaucoup trop vide sans vous !

- Tu as passé dix-huit ans à râler sur les bêtises que je pouvais faire, et je te manque au bout d'un mois ? s'étonna James, déclenchant un éclat de rire général.

Sa mère aussi rigola à sa remarque et son père précisa :

- Au moins, quand tu mettais le feu à tout un étage de la maison, on savait que tu étais en bonne santé. C'est vrai que l'on n'était plus habitués à ce que ce soit aussi calme depuis votre sortie de Poudlard.

Un mois plus tôt, James avait déménagé de chez ses parents, emménageant avec Lily dans une maison de Godric's Hollow. Bien que Sirius, Lily et lui revenaient manger chez les parents de James de temps en temps, cela faisait plusieurs semaines que leurs emplois du temps respectifs les avaient empêchés de passer. Ce repas de Noël chez Sirius avait beau être prévu de longue date, James réalisait à cet instant à quel point la guerre faisait peser sur eux une incertitude totale, à quel point il n'avait pas osé croire avant cet instant qu'il les reverrait bel et bien pour ce réveillon. Sirius servit des apéritifs à tout le monde et, une fois tous assis autour de leurs verres, il reprit :

- Alors Cornedrue ? Quelle était cette grande nouvelle à nous annoncer pour laquelle tu attendais que tout le monde soit là ?

- Ah oui ! On a enfin réussi à fixer une date ! On va se marier le 8 avril !

Bien qu'ils aient déjà annoncé leurs fiançailles quelques semaines plus tôt, toute la table explosa en félicitations et exclamations de joie.

- Vous vous rendez compte ? nota Peter. Il y a quelques mois, nous retrouver tous ensemble pour Noël nous paraissait complètement surréalistes… Et là, un mariage ! C'est bien la preuve que les choses commencent à évoluer dans le bon sens, non ? Si on parvient de plus en plus à vivre normalement ?

- Je dirais surtout qu'on se dépêche de vivre normalement tant qu'on le peut encore, nuança Lily avec une ombre dans le regard.

Elle n'eut pas besoin d'en dire plus. Bien qu'elle ait choisi d'aller de l'avant et de se battre, la mort de ses parents avait laissé un vide béant dans sa poitrine que ni l'accueil chez la famille de James, ni la présence des maraudeurs à ses côtés ne pourraient jamais combler. Quelques semaines plus tôt, James et elle avaient retrouvé Pétunia et son propre fiancé pour un dîner au cours duquel, malgré les efforts de tous pour rester courtois, ils s'étaient rendus compte qu'un gouffre séparait désormais les deux sœurs. Pétunia continuait à la considérer comme la première responsable de la mort de leurs parents, une accusation que Lily n'avait pas pu – et ne pourrait probablement jamais – nier en bloc et ils s'étaient quittés en réalisant que leur relation n'avait désormais plus la moindre chance de s'améliorer un jour. Après de longues hésitations, Lily avait renoncé à inviter Pétunia et Vernon à leur mariage, refusant de rendre les choses encore plus compliquées qu'elles ne l'étaient déjà entre eux. Elle se joignait à James à chaque fois qu'il rendait visite à ses parents, ceux-ci l'avaient acceptée avec autant de joie que Sirius, elle considérait les maraudeurs comme ses frères plus que comme des amis et, lors des soirées comme celles-ci, cette famille de substitution parvenait parfois à lui faire oublier sa peine et sa rancœur pendant quelques instants.

- Ne sois pas si pessimiste, Lily, nota doucement Fleamont. Personnellement je trouve qu'en effet, James et Sirius ont bien meilleure mine que la dernière fois qu'on vous a vus ! Vous parvenez enfin à suivre une formation normale à l'académie ?

- Ça s'est bien calmé, confirma James. Depuis l'attaque du Chemin de Traverse… Enfin, depuis les annonces de Croupton qui ont suivi, en fait, il n'y a plus eu beaucoup d'attaque de grande ampleur et aucune de suffisamment grave pour que l'académie soit impliquée.

- Vous pensez vraiment qu'il y a eu un lien de cause à effet ? demanda Remus. Que les mesures qu'il a prises les ont refroidis et dissuadés de mener de telles attaques ?

- J'en doute, nota Sirius. De telles pourritures qui ne reculent devant aucune torture ou aucun meurtre, ce ne sont pas quelques menaces qui vont les arrêter. Mais peut-être que ça les a effectivement forcés à réfléchir. On a dû avoir raison dans nos suppositions après ces annonces, si Voldemort n'a pas assez de troupes pour risquer de les envoyer se faire tuer face à des aurors, alors ça a dû l'obliger à faire une pause. Le temps de se réorganiser ou de recruter, au moins…

- A l'époque, vous sembliez sous le choc de ces annonces, fit remarquer Euphémia. Finalement, elles auraient pu avoir du bon ?

James réfléchit quelques secondes avant de répondre :

- A l'époque, on avait peur que ces règles nous rabaissent à leur niveau. De voir au contraire les attaques se multiplier parce que des aurors aussi violents et impitoyables que Croupton auraient décidé de rendre la justice eux-mêmes et de se jeter tête en avant pour tuer le moindre suspect. A l'évidence, ce n'est pas le cas. A moins que ces affaires n'aient été beaucoup trop étouffées, aucun auror n'a encore eu à utiliser un impardonnable ou à tuer un mangemort sur le terrain. Il faut croire qu'on n'était pas les seuls à être déterminés à rester du côté du bien.

- Le bien ou la facilité, hein, nota Lily. Dumbledore avait finalement raison sur toute la ligne. Même pour vous à présent c'est devenu tellement facile de choisir de tuer d'abord… Tant que vous vous y refusez malgré toutes les atrocités commises par le camp d'en face… Alors il n'y a pas de doute possible sur le côté pour lequel on se bat.

- J'ignore ce qu'il en est des autres, mais je refuse d'avoir du sang sur les mains, trancha Sirius. Vous vous imaginez fêter un Noël ou un mariage en sachant que quelques jours plus tôt, vous avez empêché quelqu'un d'en faire autant juste parce que vous aviez des soupçons contre lui ? Je préférerai démissionner que détruire des vies aussi arbitrairement.

- Aucun de nous ne serait capable de continuer à vivre dans de telles conditions, confirma Remus. Cette certitude que l'on fait de notre mieux pour sauver des vies dans ce monde de fou, c'est peut-être bientôt la seule chose qui nous fera tenir et avancer.

James approuva d'un hochement de tête et prit une seconde pour savourer l'image qu'il avait devant les yeux. Ses parents, sa fiancée, et ses trois meilleurs amis, tous soigneusement habillés en tenue de fête avec l'air sincèrement heureux de se retrouver ici et ensemble.

- Et la seule chose qui nous permettra d'apprécier sincèrement ce genre de moments ordinaires, conclut-il. Peu importe combien de Noël ou combien de mariages on devra encore célébrer dans ce monde de fou… Tant qu'on est ensemble et entourés de gens qui savent qu'ils sont du bon côté, moi ça me va.

Un murmure approbateur parcourut la table et leurs sourires acheva de convaincre James qu'ils pensaient la même chose. L'espace d'une seconde, et peut-être pour la première fois depuis le début de sa formation d'auror, il se persuada que tant qu'ils resteraient ensemble et tant qu'il aurait une confiance infinie en cette famille de cœur, alors ils survivraient à toutes les guerres et vivraient ensemble des dizaines d'autres Noëls.


En espérant que ça vous ait plu, et tout spécialement à toi, Maneeya !

Il est un peu tard pour vous souhaiter un Joyeux Noël, alors bon réveillon à tous !