Chapitre 71

Boya reposa le livre qu'il lisait lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit d'un coup.

"- Boya !"

"- Bonjour Seimei."

Le vieux maitre referma la porte du petit appartement derrière lui. Il dut pousser un peu du cul les six bambins endormis contre leur shixiong pour s'asseoir sur le bord du lit. Les trois séniors étaient eux aussi dans la chambre, assis sur des coussins autour du meuble bas.

"- Comment allez-vous, Boya ? je suis venu dès que j'ai eu l'information."

"- J'ai perdu beaucoup de sang mais je vais bien."

"- Vos shidi ?"

"- Mes poussins ont été secoués mais ils se remettent aussi."

Seimei resta saisit une seconde. Ses poussins ? Ce n'était pas la première fois que Boya utilisait ce terme pour ses élèves mais cette fois, la possessivité était davantage qu'un petit surnom mignon pour ses shidi. Boya les considéraient vraiment comme sien

Seimei était soulagé que Boya soit cohérent et pour ainsi dire, intact.

"- Vous m'avez fait très peur, Boya."

"- Ce n'est pas ma faute."

"- Je sais, j'ai seulement eut peur." Insista Seimei qui avait pris une main de Boya dans la sienne pour la serrer doucement.

Boya le laissa faire. Il avait l'habitude du contact avec Seimei. Il avait l'habitude de cette douce odeur sucrée qui... qu'il avait découverte chez un autre ?

Le jeune homme se retint de toute réaction. C'était un indice de plus dans une enquête qu'il se savait avoir déjà élucidé. Il ne savait pas trop comment c'était possible, mais était certain du résultat. Un autre aurait dit que lorsque l'évident et le possible étaient éliminés, il ne restait plus que l'impossible, n'est-ce pas ? Et avec un vieux, très, très vieux monsieur comme Seimei, était-ce vraiment impossible ou simplement improbable ?

S'ils n'avaient pas eu ses poussins avec eux, Boya aurait confronté Seimei. Ce n'était hélas, ou heureusement ? ni le lieu, ni le moment.

"- Je ne suis plus si fragile, Seimei. Pas comme à mon arrivée."

"- Je le sais, Boya. J'en suis désolé. Je suis juste... très attaché à vous."

Boya se sentit rosir doucement.

"- Seimei..."

"- Ha, mes excuses, Boya. Je n'ai pas eu d'ami depuis si longtemps, j'ai peut-être tendance à être trop possessif." Mais il ne lâchait pas la main de Boya.

Les trois séniors dans la pièce échangèrent un coup d'œil. La tension croissante entre les deux hommes les mettait de plus en plus mal à l'aise. Ils allaient finir par se grimper dessus ou bien ? A l'idée de voir un vieux débris comme Seimei sexué, les trois jeunes gens étaient un peu vert. Quand même. C'était comme imaginer leur arrière grand-papi se balader tout nu dans la pampa en courant après des jeunes filles en fleur : un cauchemar.

Leur inconfort ne dura pas trop longtemps heureusement. On toqua à la porte de la chambre.

Seimei se tourna vers le huis avec irritation qui redoubla lorsque Fangyue entra.

"- Boya. Comment allez-vous ? Seimei ? Je me n'attendais pas à vous voir ici."

"- Fangyue," Le vieux maitre était boudeur.

"- Pouvez-vous nous laissez, Seimei ? je dois parler à Boya."

L'ancien se redressa comme s'il allait protester mais Boya serra sa main.

"- Allez-y, Seimei. Si vous pouviez aller me chercher quelque chose à boire et manger?

Le vieux maitre se dégonfla comme un soufflé.

"- Très bien."

"- Et emmenez donc les poussins de Boya manger quelque chose, voulez-vous ?" Sourit Fangyue.

Il fallait qu'elle discute avec Boya seule à seule. Elle savait déjà qu'il allait être très partagé sur ce qu'elle avait à lui dire.

Les poussins ronchonnèrent un peu d'être réveillé de leur sieste avec leur shixiong mais la promesse de pouvoir manger les consola rapidement. A leur âge et avec une secte comme le Yin Yang, ils n'étaient pas forcés de grandir trop vite. Pouvoir se comporter comme des enfants jusqu'à l'adolescence leur était permis dans une certaine mesure. Une fois seule avec Boya, Fangyue s'assit sur le bord du lit déserté par Seimei. Le chasseur n'aimait pas avoir qu'un d'autre que ses poussins ou son renard aussi proche de lui mais il resta cordial.

"- Qu'y a-t-il Fangyue ?"

"- Zhong Xing ne veut pas qu'on t'en parle, mais je crois que c'est indispensable. Ça te concerne et je veux que tu puisses prendre tes décisions en connaissance de cause. Mais ne vois pas dans ce que je vais te dire une manière quelconque de te forcer à quoi que ce soit, d'accord ?" Boya pinça les lèvres. D'accord, quelle était la dernière catastrophe en date ? "Le Seigneur Anbei a envoyé au temple l'équivalent d'une rançon de roi pour obtenir l'autorisation de pouvoir te faire la cour."

Boya resta figé un instant avant de lentement se mettre à rougir. Une rançon de roi ? Connaissant la tendance de QingMing à l'excès, si Fangyue disait ça, ce que le renard avait envoyé devait vraiment être affreusement excessif.

"- Excessif à quel point?"

"- Je doute que les dots de toutes les impératrices des cent dernières années puissent se comparer même de loin à ce qu'il a envoyé." Souriait Fangyue.

Boya gémit en se prenant le visage dans les mains.

"- Mais quelle baderne poilue et graisseuse imbécile et stupide !" Boya avait beau insulter son renard, le ton était ouvertement attendrit.

"- Il a bien été martelé qu'il pouvait certes te faire la cour, mais que la décision finale serait la tienne et uniquement la tienne."

Boya secoua la tête. La décision, il l'avait prise depuis longtemps. Il était déjà Anbei Furen, il s'imaginai parfaitement avoir des petits avec QingMing, il voulait se réveiller tous les matins avec le renard dans les bras, est-ce que le mariage était même une question ?

"- J'ai déjà décidé, Fangyue, Je compte sur vous pour mener les négociations pour moi et obtenir le meilleur prix possible pour mon mariage, mais je veux passer les années qui me restent à élever des petits renards avec QingMing."

Fangyue ne put retenir un roucoulement d'affection qui fit rougir Boya.

"- Jamais je n'aurais imaginé que vous seriez aussi sucrés l'un avec l'autre !" Elle repris son sérieux. "Tu es sur de l'aimer n'est-ce pas ?"

"- J'imagine."

"- Boya..."

"- Non, je ne veux pas le dire comme ça Fangyue. C'est juste... je n'ai jamais été amoureux avant. Je ne sais pas si ce que je ressent pour lui est de l'amour. De tout ce que j'en sais, je ne suis pas assez... hystérique de sa présence pour être amoureux ? enfin... je n'en sais rien." Tout ce qu'il savait de l'amour venait de mauvais romans après tout. "Je sais qu'il me manque, que je veux me réveiller le matin avec sa présence entre mes bras, que je veux protéger son Domaine avec lui et élever des poussins avec lui. Je sais que je veux protéger ce qui lui est cher et que sa Capitale est à moi. C'est mon devoir et mon privilège de m'occuper d'eux."

Fangyue faisait une drôle de tête à l'écouter. L'amour, elle n'en connaissait pas grand-chose non plus. Elle n'avait jamais aimé que Zhong Xing. Ce qu'elle éprouvait pour le chef de secte était moins chargé de devoir et bien plus de "eux" si tant est que cette description pouvait avoir un sens. Mais l'amour était ce qu'on en faisait et ce qui convenait à chaque partenaire après tout, n'est-ce pas ? Alors si QingMing et Boya étaient heureux avec ça ?

"- Je suis sûr que tu l'aimes à ta façon, Boya. L'amour, ça reste personnel. Tant que tout le monde est content, la façon de le ressentir et de le faire est encore une fois personnel."

Un nœud que Boya ne savait pas avoir entre les épaules se dénoua doucement. Il n'était pas bizarre dans sa façon d'aimer, alors ? Etrangement, l'intimité physique ne faisait pas réellement partie de l'équation pour lui. Sans doute parce qu'il avait passé des années à vendre son cul pour survivre. Pour que le sexe devienne une part d'une relation amoureuse, il faudrait avant tout que Boya le purge de toute connotation glauque et mercantile que les années y avait donné. Connaissant QingMing, ça ne prendrait sans doute pas très longtemps.

Alors se marier pour de bon ? Boya ne savait pas trop comment vivre la demande du renard pour lui faire la cour. D'un côté, s'était...attendu, normal presque. Evident à tout le moins. Et en même temps...

A sa grande consternation personnelle, Boya était un peu... vexé. Vexé que QingMing ait envoyé ses deux vieux amis pour demander l'autorisation, au lieu de venir simplement prendre directement sa main lui-même. C'était d'autant plus ridicule que les bonnes mœurs auraient été une fois de plus scandalisées si QingMing était venu lui-même sans prendre de gant.

Boya grogna. C'était ce qu'il aurait voulu. Il adorait quand QingMing envoyait les convenances par-dessus les moulins pour lui. Ha qu'il était tordu. A croire que le renard commençait à déteindre sur lui.

Sans le vouloir, Boya avait un sourire tendre aux lèvres.

Lui fait la cour hein ? Non, il attendait que QingMing l'épouse en le jetant sur son épaule comme une couverture roulée et parte en courant.

Il se mit à glousser.

Fangyue hésita.

"- Boya ?"

"- Je suis déçu que QingMing ne soit pas simplement venu m'enlever comme une jeune fille."

"- Boya ! Enfin !" Mais elle riait aussi.

Ca n'aurait pas été très étonnant et aurait effectivement bien mieux convenu au couple.

L'assassin était resté caché pendant que sa proie et ses petits avaient été attaqué par les loups bizarres. Il avait été surpris. Il avait vraiment cru être le dernier sur l'affaire mais non !
Quoi que, ce qu'il avait vu n'avait pas grand-chose d'humain, il fallait avouer.

Des démons qui voudraient sa tête ?

L'assassin s'était renseigné sur son client. De ce qu'il en savait, il était le meilleur tueur de démon avant de perdre la vue. Qu'il ait des ennemis n'avait rien d'étonnant.

Par contre, l'assassin ne pouvait pas le laisser être tué par quelqu'un d'autre sinon, il ne toucherait jamais sa prime.

Il devait le capturer et le ramener dans l'Est.

Ha, que de complexité !

Comment allait-il forcer ce type à le suivre dans une balade de beaucoup trop de jours et de kilomètres ? Impossible.

Il fallait qu'il le force à venir de lui-même. Ou qu'il le suive s'il y allait.

Comment faire ?
Devant autant de problèmes, l'assassin hésitait vraiment sur la conduite à tenir.

Il pouvait aussi retourner dans l'Est. Il ne serait pas le premier à laisser tomber une mission. Après tout, il avait été payé pour prendre la mission. Pas pour l'accomplir.
Ça, ce serait pour un second paiement.

L'idée d'abandonner était de plus en plus tentante.

Il n'était pas meilleur que parce qu'il était le plus doué. Il l'était aussi parce que contrairement à d'autres, il savait quand renoncer.

He Shouyue s'était faufilé dans l'antichambre des appartements du chef de secte avec plus de discrétion qu'il n'aurait du pouvoir le faire. Mais avec son Node retrouvé, il pouvait cacher sa présence. Maintenant qu'il pouvait à nouveau utiliser l'enseignement reçut de son temple d'origine, il lui était facile d'ouvrir de petits portails discrets pour se déplacer ou déplacer des objets. Les boucliers du temple étaient solides, mais prévu pour empêcher quelqu'un de rentrer. Pas pour empêcher quelqu'un de se balader à l'intérieur. Après avoir vu Seimei, il s'était douté que les boucliers ne le bloqueraient pas. Il avait eu raison. He Shouyue avait eu le cœur battant d'angoisse lorsqu'il avait tenté la première fois. Personne n'était venu voir, aucune alarme ne s'était déclenché. Alors il avait remplacé la potion pour l'estomac du maitre des archers par le poison qu'il s'était procuré.

Le maitre était mort en pleine nuit, seul dans sa chambre.

Récupérer le poison pour le remplacer par la potion médicinale avait été tout aussi aisé que le précédent échange.

Ça avait été son dernier meurtre en plusieurs semaines.

Depuis, il avait surtout été occupé à faire sa place de disciple de JingYun avec l'aide de ses nouveaux frères.

Une partie de lui avait honte d'avoir abandonné sans un regard en arrière la secte qui l'avait vu naitre. Il n'avait demandé la permission à personne. Il n'avait pas réfléchit une seule seconde à ça que sa désertion pourrait faire à ses parents.

Il avait juste réalisé qu'il se sentait mieux ici qu'il ne s'était jamais sentit avant dans le nord. Ici, il avait une place qu'il s'était taillé lui-même. Ici, il était He Shouyue pour l'instant, Yuan quelque chose à terme probablement. Il n'était pas juste "le fils de", ici.

La seule chose qui lui manquait encore était son shishen et…. Mais il avait accès à sa cultivation maintenant ! Il pouvait l'appeler !

He Shouyue régna sur son excitation pendant qu'il plaquait son oreille à la porte pour écouter ce qui se passait dans la chambre du chef de secte. Il avait gardé ouvert un portail près de lui pour fuir au besoin.

A l'intérieur, le chef de secte était seul. He Shouyue le savait. Pourtant, il l'entendait se plaindre auprès de quelqu'un. Régulièrement, le nom de Boya revenait.

L'homme avait été convoqué par l'Empereur mais n'avait toujours pas renoncé.

Son obsession serait sa perte. Tout le monde le savait.

Petit à petit, meme les alliés les plus proches du vieux cultivateur s'éloignaient. Ils ne tomberaient pas avec lui.

He Shouyue se figea soudain. Des assassins ? Il avait embauché des assassins pour tuer Boya ?

Est-ce que He Shouyue pouvait le tuer, là, tout de suite ? S'il avait été sûr qu'il pouvait le faire sans risque, il l'aurait fait.

Le nordique passa dans son portail pour sa petite chambre. Il avait eu le droit d'abandonner son placard pour un véritable logement.

C'est roulé en boule autour d'un coussin élimé qu'il prit le temps de réfléchir à ce qu'il devait faire et dans quel ordre. Prévenir Tànli bien sûr. Boya également. Et rappeler à lui son shishen. Ça, il ne pourrait le faire que lorsqu'il serait hors du temple.

Cette espèce de respiration retenue dans le cours des choses le mettait mal à l'aise. Il sentait que quelque chose allait se produire mais n'arrivait ni à savoir où ni pourquoi.
C'était usant pour les nerfs.

Le calme avant une tempête qui risquait de tous les emporter.

Sur un coup de tête, il s'agenouilla devant sa toute petite table pour écrire à ses parents. Ils lui manquaient soudain très, très fort. Comme s'il risquait soudain de les perdre. Il n'y avait pas qu'a Boya qu'il devait des excuses.

L'heure n'était plus à bouder comme un gamin mais à assumer comme l'adulte qu'il était.

"- VOUS AVEZ FAIT QUOI ?"

Le rugissement de QingMing faillit jeter Sha ShengShi par terre.

Imperméables à la fureur mâtinée d'incrédulité du renard-démon, Xue TianGou et Kuang HuaShi époussetèrent dignement les postillons que le renard géant venait de leur cracher à la figure.

"- Ce que tu aurais dû faire depuis longtemps, QingMing. Maintenant tu peux officiellement faire la cour à Boya."

"- Mais… mais…"

"- Pense à lui au lieu de penser un peu à toi. Quel impact pour son honneur d'être courtisé par un renard alors que tu n'as meme pas demandé l'autorisation à son représentant ? Boya n'est pas une fille de rue que tu peux ramasser à ta convenance mais un digne maitre du Yin Yang qui a une valeur, une fonction et un statut !"

Le renard démon se laissa tomber les fesses sur le sol tout en pestant dans ses moustaches. Il voulait encore hurler sur ses deux vieux amis. Malheureusement, ils avaient totalement raison. En la circonstance, c'était lui qui était en tort.

"- …. Et qu'est-ce que vous avez envoyé au Bureau pour obtenir le droit que je lui fasse la cour ?" La Multitude lui fournit une longue liste que le Seigneur Démon lu avec attention. "C'est tout ?

"- N'en fais pas trop, QingMing. Il y a déjà de quoi acheter la moitié de la Capitale de l'Empire au moins."

"- ma Furen vaut bien plus que ça !"

"- Et bien tu pourras négocier proprement le mariage toi-même. Mais ne ruine pas ton Domaine pour lui." Aboya Kuang HuaShi. "Si tu te ruines toi-même, comment vas-tu faire pour qu'il ait une vie confortable ici ?"

QingMing parut partagé. C'était vrai. Il fallait raison garder. S'il vendait son Domaine aux clous pour avoir Boya, sur quoi allaient-ils régner ensemble ? Ce qui avait été donné au Yin Yang était effectivement beaucoup. Heureusement, une fois marié, la moitié lui reviendrait pas la bande.

"- MiChong !"

"- Seigneur Anbei ?"

"- Penses-tu être capable d'organiser mon mariage ?"

Les yeux de la petite démone se mirent à briller.

"- ENFIN ! Ne vous occupez de rien, tout sera prêt quand vous le voudrez !" Et elle fila de toute la vitesse de ses petites ailes pour lancer le branlebas de combat. Meme la Maison elle-même semblait prête à tout pour se préparer pour le mariage.

QingMing eut un petit sourire amusé. Il était heureux que la jeune démone ait dépassé sa jalousie envers Boya. Les quelques aides qu'elle avait recruté n'y étaient sans doute pas pour rien. MiChong était moins stressée depuis quelques temps.

"- Et vous deux ?"

"- Je crois que nous avons déjà fait bien assez pour toi." Railla Xue TianGou.

Kuang HuaShi était d'accord. Il était encore fatigué d'avoir dut préparer la déclaration de cour.

"- Quand tu l'auras épousé, n'oublie pas de lui donner ton Nom et de lui demander le sien." Insista quand meme l'esprit.

"- Pour ses yeux ?"

"- Je doute qu'il y ait quelque chose à faire pour eux. Mais vous aurez besoin de vous connaitre pleinement pour avoir des petits." Peut-être. Probablement. Sans doute ? Kuang HuaShi n'était pas Sage-femme mais en général, chanter le Nom de l'autre était une bonne solution pour à peu-près tout. La quasi stérilité de QingMing pourrait être compensée par la fertilité délirante de Boya s'ils Chantaient leurs Noms ensemble.

QingMing resta silencieux.

"- J'y penserai." Une fois que Boya serait à l'abri dans ses bras et ses queues.

Pour l'instant, c'était le plus important. La balade de QingMing dans son Domaine avait été suffisant pour s'étourdir quelques semaines mais maintenant qu'il était rentré, Boya lui manquait plus que jamais. Il devait se retenir d'aller l'enlever comme son instinct l'exigeait. Un renard ne pouvait tolérer d'être loin de sa moitié très longtemps. Sans son sang humain pour calmer ses instincts, il serait déjà au Yin Yang à supplier Boya de revenir avec lui.

"- Je vous rappelle que la moitié des seigneurs locaux vous attends, Seigneur. Et l'autre moitié n'ose pas entrer en ville."

QingMing soupira lourdement. Bah, ce serait quelque chose pour l'occuper encore un peu.

"- Faites prévenir de par la ville que je recevrais tous les seigneurs dans deux jours pour un grand repas de midi tous ensembles avant de tenir cour avec eux."

Sha ShengShi sauta sur ses pieds pour transmettre les ordres. Il avait un besoin physique d'être utile à son maitre. Il lui avait trop manqué.

"- Je m'en occupe !"

QingMing soupira. Il haïssait toujours autant d'être un Seigneur. Il fallait bien faire avec.

Boya était ronchon.
Ronchon mais soumis à la raison.
Quelqu'un avait tenté de le tuer, de tuer Anbei-Furen, il ne pouvait prendre le risque de retourner se balader tout seul dans la pampa. Et meme avec ses élèves, ça restait être seul dans la pampa. Devoir les protéger était prendre le risque pour tous si quelqu'un était encore après lui.

La seule chose qui était "rassurante" était que ce n'était pas JingYun après lui. Boya pourrait se défendre sans arrière-pensée s'il le fallait.

Pour faire passer sa frustration, il jetait des cailloux des hauteurs des murs du temples que Zhuque lui apportait en volant. C'était comme jouer à la balle avec un chien sauf que le chien aurait pu faire fondre le temple s'il avait voulu.

Lorsque le jeune homme entendit quelqu'un s'approcher lourdement derrière lui, il jeta son dernier caillou de toutes ses forces. Zhuque plongea avec un cri de plaisir à la suite du caillou.

"- Je ne peux vraiment pas sortir, Shixiong ?"

"- Boya… Soit raisonnable."

"- Mais si je suis avec mes shishen ? Et si je passe par un portail ?" Insista le jeune homme.

Son ainé pinça les lèvres.

"- D'accord. Mais à la condition que tu raffines ton portail. Le tien est catastrophique."

Boya ne protesta pas. C'était vrai.

"- Il a fait le boulot quand meme. Comment fais-je ?"

"- Nous allons t'entrainer sur les Plaines de Glace. Va mettre des chaussettes."

Boya ne se fit pas prier. L'idée de pouvoir faire QUELQUE CHOSE était tout ce qu'il demandait. Il était à cran. QingMing lui manquait si fort… Et puis, s'il parvenait à ouvrir proprement un portail, rien ne l'empêcherait de pouvoir revenir auprès de ses poussins quand il le voulait. Trouver l'équilibre entre son devoir de Furen et ses élèves serait délicat mais… Il avait déjà fait plus compliqué.

Une réelle excitation lui remonta dans le dos.

L'idée soudaine de chasser QingMing directement dans les couloir du Domaine Intérieur comme le chasseur qu'il était jusqu'à le conquérir était également très tentant. Quelque chose lui disait que la Maison elle-même l'aiderait tout autant que QingMing en serait ravi.

Le jeune homme remonta à son petit appartement aussi vite que sa cécité le lui en laissait latitude.

Boya retrouva son shixiong qui l'attendait dans les jardins.

"- Ha ! tu as pensé à mettre une cape bien chaude."

Boya se sentit rosir. Bien chaude hein ? Qu'est ce qui était plus chaud qu'une cape faite avec la fourrure de son QingMing ? Il aurait sans doute pu faire cuire du pain dessous s'il le fallait.

Le gloussement de son shixiong lui donna encore plus envie de lui tirer la langue, comme un gosse. Comme Boya n'en était plus un depuis bien longtemps, il se contenta de renifler avec hauteur.

"- Nous y allons ?"

"- Oui oui." L'amusement dans la voix de son ainé était évidente lorsqu'il ouvrit son portail

Le froid glaciaire des Plaines les gifla rudement.

Outragé, Zhuque s'accrocha aux robes de son maitre qu'il tortura jusqu'à pouvoir se cacher contre sa peau.

"- Zhuque, enfin !"

L'oiseau sortit juste son bec du col des robes de son maitre.

"- Vous êtes des grands malades de venir ici ! Il fait aussi froid que dans le cul d'une veuve !"

"- ZHUQUE ! TON LANGAGE !"

"- Ha ça va !" Il en claquait presque du bec tellement il avait froid au croupion.

Heureusement que Boya portait la robe offerte par QingMing. L'oiseau de feu augmenta sa température corporelle jusqu'à ce que Boya et lui cessent de trembler.

Shao Zhiqiang riait en silence des manières de son shidi et de son shishen. Le second shishen de Boya avait refusé de venir. Le démon ratel était très policé comme garçon. Il avait toute la dignité tranquille qu'il fallait à un prêtre du Yin yang et qui manquait à Boya. Aller se geler la queue sur la banquise sans ordre spécifique de son maitre n'était meme pas une option.

"- Quand tu seras prêt, didi."

Boya appuya sur la tête de Zhuque pour qu'il rentre complètement sous ses robes et cesse de se plaindre du froid. Il s'agenouilla sur la glace. Contrairement aux enfants qui avaient grandi dans les neiges éternelles du nord, les deux anciens de JingYun avaient froid aux genoux tous les deux.

"- Essaye d'ouvrir un portail pour ta chambre, Boya."

Le jeune chasseur se concentra sur l'image de sa chambre vue par son troisième œil avant de tracer le sigil et de le nourrir de son qi pour l'ouvrir. Le portail s'expansa sur une vingtaine de centimètres avant de se refermer.

"- Pas mal. Il faut que tu conserves l'image mentale de ta destination jusqu'à ce que le portail soit complétement ouvert."

Shao Zhiqiang tut à Boya l'image que son portail projetait. Un portail permettait de voir l'image que le créateur avait de ce qu'il y avait de l'autre côté.
Là…
Si Boya voyait ce que l'ancien de JingYun avait entraperçu, il ne comprenait pas comment il pouvait parvenir à comprendre le monde qui l'entourait. L'image avait été si distordue, les images si bizarre et… Malaisantes.

Un lourd frisson remonta dans le dos de Shao Zhiqiang. Ce n'était pas une forme de vision qu'il trouvait agréable de voir.

"- Recommence."

Boya obéit avec diligence. A mesure qu'il essaya encore et encore, ses gestes se firent de plus en plus assurés, son portail de plus en plus définit. Il finit par parvenir à l'ouvrir à chaque tentative et à le maintenir ouvert assez longtemps pour qu'il soit considéré comme une réussite. Boya avait le qi pour s'en sortir sans difficulté maintenant qu'il avait des références visuelles. Avec Zhuque collé à lui, le froid n'était même pas un problème jusqu'à ce que la toux de son shixiong le sorte de la transe dans laquelle il était tombé.

"- Shixiong ?"

"- Je commence à avoir un peu froid."

Boya sauta sur ses pieds. Il souleva son ainé dans ses bras pour l'aider. Avec le froid, les jambes déjà fragile du quadragénaire étaient toutes ankylosées. Il ne pouvait marcher ainsi.

"- Je vous laisse nous ramener au temple."

"- Tu pourrais le faire toi-même, Boya."

"- Je vous porte, c'est déjà pas mal !"

"- Dis tout de suite que je suis lourd ?!" Shao Zhiqiang était scandalisé.

"- Disons que vous êtes dans le nord depuis longtemps." Il avait fait le gras et le muscle idoine pour résister au froid.

Boya aussi s'était remplumé, mais comparé à un nordiste, il restait toujours sec comme un coup de trique. QingMing voudrait surement lui faire prendre encore une dizaine de kilos pour l'estimer en bonne santé pour une vie dans le froid glacé du nord.