Bonsoir à toustes !
Voici le dernier chapitre de l'année, je n'aurais finalement pas réussi à tout poster avant le 31.
Les trois dernier arriveront début 2024 pour clôturer cette histoire pour de bon.
Passez une excellente fin d'année et bonne lecture à vous !
F.
Il y a du bruit dans la cuisine, mais si j'ouvre les yeux, c'est surtout en constatant l'absence de Lexa à mes côtés. Je grogne, et repousse le drap qui me couvre. Je n'ai aucune envie de me lever. Ça signifierait rejoindre le monde réel, et je préfère rester sur mon petit nuage. Alors à la place, j'appelle d'une voix plaintive.
— Lexaaaa?
Comme une enfant capricieuse, je veux qu'elle revienne. À moi ! Je refuse de partager avec Raven. L'effet est immédiat, car Lexa rapplique sans tarder, un petit déjeuner improvisé sur un grand plateau. Mon estomac gronde en apercevant le paquet de cookie et la tasse de café fumante. Sagement, on partage ce frugal repas assises sur mon lit, se jetant des regards à la dérobé, profitant de la présence de l'autre. Par habitude, je cherche mon réveil, m'apercevant avec effroi de l'heure avancé de la matinée, me rappelant à mes obligations.
— Lexa ?
— Mmmh ?
— J'ai dit à ma mère que j'irai dîner chez eux ce midi, je me demandais si tu viendrais avec moi.
Le plateau vole dans la chambre quand elle bondit loin de moi, comme si ma mère venait de faire irruption dans la pièce. J'étais loin de m'attendre à une réaction aussi brutale.
— Moi ? Chez tes parents ? C'est un déjeuner de famille Clarke.
— Tu fais partie de cette famille. Tu en as toujours fait partie. Et encore plus aujourd'hui. Je veux que tu sois à mes côtés aux repas du dimanche, je veux que tu sois là à Noël. Je veux que mes parents sachent ce que tu représentes pour moi, qu'ils sachent que je t'aime et que tu me rends heureuse. Mon père t'adore. Et ma mère, je sais qu'elle a parfois des façons un peu particulières de le montrer, mais elle tient beaucoup à toi également. S'il te plaît, ça signifierait beaucoup pour moi.
C'est sorti tout seul, j'ai l'impression de l'avoir demandé en mariage sans m'en rendre compte. Heureusement, elle est encore trop focalisée sur le problème en cours pour analyser ce que je viens de lui dire. Il va falloir que je mesure mes ardeurs. Cela a cependant l'effet escompté, car elle accepte de m'accompagner. De joie, je l'attire dans un baiser que je veux chaste. Mais les souvenirs de la nuit se ravivent à ce contact, nous entraînant malgré nous dans un échange plus intense. Sa main se fraye un passage sous les draps, cherchant une partie de mon corps accessible. Elle ne met pas beaucoup de temps à trouver, et bientôt je suis de nouveau déconnectée de la réalité, incapable de me concentrer sur autre chose que le contact frais de ses doigts sur ma peau brûlante. Contrairement à cette nuit, elle ne prend pas son temps. Sous l'effet de la surprise, je plante mes dents dans son épaule en tremblant, j'ignorais qu'il était possible de jouir aussi vite. Si je n'y connais pas grand-chose au sexe, je ne suis pas naïve et je sais que ce que nous partageons est spécial, on se connaît trop bien, trop vite. J'ai l'impression qu'elle lit dans mes pensées parfois. Ceci dit, je ne vais pas m'en plaindre. Quelques minutes plus tard, Lexa m'abandonne en sortant du lit où nous étions enlacés.
— Où tu vas comme ça ? J'en ai pas fini avec toi.
— Si tu ne veux pas qu'on arrive en retard chez papa et maman Griffin, tu "en finiras" plus tard.
— Si tu ne veux pas que ce "plus tard" soit chez mes parents, tu ferais mieux de revenir ici.
Sa peau rosit et je lui lance un sourire carnassier.
— Clarke Griffin, tu es diabolique. Mais c'est non. On doit se doucher, et j'aimerais au moins passer chez le fleuriste pour ne pas arriver les mains vides.
— Tu n'as pas besoin d'apporter quoi que ce soit.
— C'est une question de politesse.
— Mes parents te connaissent Lexa, tu n'as pas besoin de faire ce genre de chose.
— Ils me connaissaient. Et c'est différent maintenant…
— Maintenant que tu couches avec leur fille ?
Cette fois-ci, elle vire carrément au rouge pivoine, incapable de me regarder dans les yeux. Je m'étire lascivement sur le lit, en lui lançant un regard lourd de sens.
— Je peux faire vite.
— Non tu ne peux pas. Tu aimes trop prendre ton temps. Je vais à la douche.
— Attends-moi.
— Aucune chance qu'on gagne du temps en y allant ensemble, rit-elle en repassant ma vieille chemise pour sortir dans le couloir.
Incapable de m'avouer vaincue, j'enfile un peignoir et la suis dans la salle de bain. Elle est déjà sous l'eau quand je la rejoins. Timidement, je toque contre la paroi, attendant son autorisation. La porte coulissante se débloque et je me débarrasse de mon vêtement pour me faufiler auprès d'elle. L'eau cascade sur ses cheveux et ses épaules, ses pupilles sont complètement dilatées lorsqu'elle pose les yeux sur moi. Je déglutis avec difficulté devant son corps nu et ruisselant. Elle a raison, je n'ai aucune envie de faire vite. Son regard se promène déjà avec convoitise sur moi, pourtant, je la colle contre les faïences glacées, me délectant du frisson qui la parcoure avant de m'agenouiller pour la prendre dans ma bouche sans attendre. Ses bras s'écartent pour se plaquer de part et d'autre de la petite cabine, en soutien à ses jambes qui se dérobent sous elle, tandis que ma langue explore minutieusement son intimité, m'arrêtant avec zèle sur le point sensible. Elle lâche un grognement rauque juste avant la contraction caractéristique de ses muscles annonçant l'orgasme. Je dépose un dernier baiser avant de me relever pour la prendre dans mes bras, l'aidant à garder une posture verticale.
— Alors ? Je ne peux pas faire vite ?
Je murmure dans son cou, reprenant conscience du martèlement de l'eau sur nos corps entrelacés.
— Rappelle-moi de ne jamais te défier, bafouille-t-elle le souffle court tout en saisissant le gel douche.
Κ∞Λ
Par un petit miracle, nous sommes à l'heure lorsqu'on arrive chez mes parents. Je le cache bien, mais au fond je suis un peu nerveuse. Il est hors de question que l'on cache notre relation, c'est d'ailleurs pour cela que j'ai insisté pour qu'elle m'accompagne aujourd'hui. Mais si je sais qu'ils adorent Lexa, une petite part de moi ne peut pas s'empêcher de me demander comment ce repas va tourner.
J'aime beaucoup la maison qu'ils ont achetée. Bien plus que toute les maisons dans lesquelles on a vécu. Ça vient peut-être du fait qu'ils en soient propriétaires, ou simplement qu'ils ont fait moins de concessions que lorsqu'ils étaient en location. La grande cour en gravier où nous garons la voiture est accueillante, au centre, un bosquet de camélia fait office de rond-point pour se remettre dans le sens du départ. Mon père m'a toujours appris à me garer dans le sens du départ, en cas d'urgence, on gagne de précieuses secondes. Je chasse ces pensées parasites de ma tête, aucune raison que l'on doive s'enfuir en urgence de chez mes parents. C'est l'angoisse qui parle. Lexa contemple la balancelle avec intérêt et je nous imagine un soir d'hiver, ses bras protecteurs autour de moi, couverts d'un plaid et un chocolat chaud à la main, à compter les étoiles. Maman surgit de l'entrée sans prévenir, elle a probablement entendu la voiture arriver, brisant le doux rêve éveillé. Son regard nous balaye rapidement, imperturbable en découvrant Lexa, là où elle s'attendait à voir Raven. Une lueur d'interrogation flotte dans ses yeux quand ils s'attardent sur moi. J'ai feinté sur ce coup-là, mais si je lui avais annoncé que je venais avec Lexa, et pas ma colocataire, j'aurais eu droit à toute une flopée de questions auxquelles je n'avais pas envie de répondre par téléphone. Il était hors de question que j'invite également Raven, autant mettre toutes les chances de mon côté pour éviter une catastrophe.
— Bonjour maman.
Sans lui laisser le temps de répondre, je la prends dans mes bras, resserrant brièvement mon étreinte dans une demande silencieuse. Sois sympa. J'ai beau avoir l'air sûre de moi, il y a cette toute petite part de moi qui craint leur réaction. De manière rassurante, elle me dépose un baiser sur la joue avant de se tourner vers Lexa.
— Bonjour ma chérie. Et bonjour Lexa. J'avoue être un peu surprise de te voir, quand Clarke m'a dit qu'elle amenait quelqu'un pour le déjeuner, je pensais plutôt à Raven...mais à la réflexion, je ne devrais pas l'être.
Un grognement étouffé m'échappe. Merci maman, pour les pieds dans le plat. Elle embrasse Lexa à son tour qui se détend sous la pression exercée par ma mère. Les muscles de son visage se relâchent tandis qu'elle ferme brièvement les yeux, profitant du câlin offert. Cette vision émouvante m'arrache un sourire, assailli par les souvenirs de ma mère assise sur le bord de mon lit, lorsqu'elle venait mettre un terme à nos soirées pyjama, nous embrassant tour à tour pour nous souhaiter bonne nuit, comme si nous étions soeurs. Mon sourire se transforme en grimace au moment où je me remémore les moments nettement moins fraternels que nous avons partagés cette nuit, je détourne les yeux pour ne pas croiser le regard curieux de Lexa et éviter de piquer un fard.
Les retrouvailles terminées, ma mère m'entraîne à la cuisine sous prétexte de l'aider. À contrecoeur, j'abandonne Lexa dans la pièce à vivre qui sert de salon et de salle à manger. Peu encline à me faire cuisiner par ma mère d'entrée de jeu, j'attrape la vaisselle qui traîne sur le plan de travail et fait demi-tour. En entrant à nouveau dans le salon, je découvre Lexa devant le buffet, un cadre à la main, les sourcils froncés, signe d'une intense réflexion. Je sais pertinemment quelle photo elle regarde, car c'est moi qui l'ai mis là. Lexa, Lincoln et moi, le jour de son anniversaire. J'imagine sans mal les souvenirs que provoque la vue de ce cliché. Sans un bruit, je m'approche, posant délicatement une main sur son bras pour attirer son attention. Elle tressaille avant de m'adresser un regard légèrement humide. J'ignore si son trouble est dû aux souvenirs de sa mère, à la mélancolie de nos jeunes années insouciantes ou un mélange des deux. Son baiser me prend par surprise, il n'est ni tendre, ni passionné, mais exigeant avec une pointe de désespoir qui me serre le coeur. Malgré son geste inattendu, mon corps lui répond avec vigueur avant que mon esprit n'ait le temps d'analyser la situation. Je pose une main apaisante sur sa joue, de l'autre je la plaque contre moi pour laisser la passion nous emporter quelques secondes avant de ralentir la cadence en déplaçant mes caresses vers des endroits moins dangereux. J'entrelace nos doigts, capturant ses mains baladeuses pour les faire glisser entre nous deux, remettant de la distance sans la repousser. Mon front vient s'appuyer sur le sien, nous laissant le temps de reprendre contenance.
— Si tu ne veux pas que je te fasse l'amour sur ce canapé, devant le portrait de mes parents, avec ma mère dans la pièce d'à côté, tu ferais mieux de refréner tes ardeurs Lexa Primheda.
Elle esquisse un adorable sourire, ses mains me retenant toujours, paraissant considérer avec sérieux ma proposition. Je me dégage, faussement indignée alors qu'elle explose de rire.
— Qu'est-ce qu'il y a de si drôle par ici ?
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine en entendant la voix de mon père. Heureusement, il vient à peine d'entrer et n'a rien vu ni entendu. Je me dégage discrètement pour plonger dans ses bras sans réserve. Il m'écrase contre sa poitrine en déposant un baiser sur ma tête, comme il le faisait quand j'étais enfant. Puis, me délaissant, il réserve le même traitement à Lexa, qui s'envole quand il tournoie sur lui-même, la faisant décoller du sol quelques secondes. Je me retiens de rire devant la tête que fait Lexa. Est-ce qu'elle aussi, elle se demande si elle aura toujours droit à ce genre de démonstration, une fois que papa saura pour nous ? Probablement, si j'en crois son air embarrassé.
C'est l'heure de rejoindre ma mère, nous nous installons autour du bar dans la cuisine, pendant qu'elle termine les préparatifs. L'olive tournoie au fond du verre pendant qu'elle verse une bonne dose de Martini. J'ai toujours trouvé ça très mondain, et le seul endroit où je bois ce type d'apéritif, c'est avec maman. Ça me donne l'impression d'être une adulte. Peut-être que c'est ce que je suis après tout. Une adulte.
Du haut de mes vingt ans, je n'en ai pourtant pas encore l'impression. J'ai encore trop de choses à découvrir pour me considérer comme telle. Trop de chose à apprendre. Et surtout, je ne suis pas encore totalement la personne que j'aimerais être. Même si mes bonnes résolutions vont m'aider à y parvenir. Je vais commencer tout de suite en officialisant notre couple auprès de mes parents. C'est un truc d'adulte ça.
— Alors les filles, comment c'était vos vacances ?
S'ensuit un rapide résumé de ces dernières semaines, où l'on s'attarde un bon moment à parler chevaux. Juste avant que la naïveté de mon père ne fasse des siennes quand on commence à parler rencontre.
— Donc vous rentrez toutes les deux célibataires ?
Lexa pique immédiatement un fard en plongeant dans son verre sans un regard pour quiconque, très visiblement mal à l'aise. Mon coeur bat la chamade, mais je reste maîtresse de moi. C'est mon père, je suis capable de lui dire la vérité. Tant que je ne regarde pas ma mère, qui heureusement n'est pas dans mon champ de vision, si je ne quitte pas mon père des yeux. Il se reprend maladroitement devant la réaction trop spontanée de Lexa.
— Oh pardon Lexa. Désolé, je ne sais pas pourquoi j'assumais que…enfin, Clarke parle souvent de toi, et elle ne nous a jamais dit que tu avais quelqu'un donc…j'ai supposé.
— Non, pas de souci. Effectivement j'étais célibataire.
— Jake, arrête d'être aussi indiscret. Ce ne sont pas tes affaires.
Se pourrait-il que ma mère se porte à mon secours, m'offrant une porte de sortie ? Devant les regards insistants de Lexa, je décide de ne plus attendre pour me jeter à l'eau. Après tout, il m'a tendu la perche idéale pour mon coming-out. Et si toute ma volonté me pousse à différer, je me suis juré de ne plus reculer, surtout que je ne suis plus seule. Un dernier coup d'oeil vers Lexa qui parait se liquéfier sur place me décide enfin.
— En fait papa...Lexa était bien célibataire en partant en vacances. Mais elle ne l'est plus. Et moi non plus.
Pour marquer mon point, je déplace ma main dans un geste possessif vers celle de Lexa. On échange un regard, je lis du soulagement et de la gratitude au fond des yeux verts qui me sourient.
— Oh super ! Alors, quand est-ce qu'on va rencontrer les heureux élus ?
On se tourne de concert vers mon père, cherchant une trace d'humour dans sa dernière requête. Il est sérieux ? Maman s'étrangle de rire lorsqu'elle intervient.
— Jake…
— Quoi ? Je ne suis pas indiscret, je m'intéresse juste à leur vie.
— Papa…
— Mais enfin, ce n'est pas anormal de vouloir rencontrer…
— Jake ! intervient finalement Lexa au bord de la crise de nerfs, en levant nos mains liées bien en évidence. Un lourd silence emplit soudain la pièce, alors que son regard fait des vas et viens entre nous trois, tentant de raccrocher les wagons. Au fond de ses yeux aussi bleus que les miens, je vois soudain la lumière se faire alors qu'il comprend enfin. Un doute fulgurant me broie les entrailles devant son mutisme soudain. Le seul bruit que l'on entend vient de ma mère, qui débouche la bouteille de whisky pour lui en resservir une bonne rasade. Elle semble tout à fait à l'aise avec cette révélation, mais je n'aurais jamais pensé que mon père puisse y voir un quelconque problème.
— Ça n'a pas l'air de te surprendre maman ?
— Et bien, si on fait abstraction de la scène dont j'ai été témoin hier...Ça fait longtemps que j'ai compris qu'il se passait quelque chose entre vous. Je me demandais si vous oseriez nous l'avouer un jour. Je suis contente que vous l'ayez fait. Mieux vaut tard que jamais.
Je n'avais vraiment aucun souci à me faire, ma mère avait déjà accepté notre relation avant même que nous ne soyons prêtes à la vivre. Papa m'inquiète toujours cependant. Et il inquiète Lexa aussi visiblement.
— Ça va Jake ? ose-t-elle demander.
— Hein ? Oui ! Bien sûr, oui. Désolé les filles, je ne m'y attendais pas. En fait, je t'ai toujours considérée un peu comme ma fille Lexa...alors du coup, ça fait un peu bizarre.
Ce n'est pas une surprise, si j'ai toujours considéré Lexa et Lincoln comme des membres de ma famille, c'était également le cas pour mes parents. N'ayant jamais pu avoir de deuxième enfant, ils se sont toujours montrés très attachés à mes amis. Rassurée sur la tournure des évènements, je lâche un soupir ravi, incitant les autres à passer à table pour changer de sujet. Lexa s'est détendue, et papa reprend la conversation comme si de rien n'était. Je lui jette de rapides coups d'oeil par moment, pour m'assurer que sa réaction n'était provoquée que par le choc de la nouvelle, mais au bout de cinq minutes, son attitude est on ne peu plus normale. Je commence à me dire que cette journée ne pourrait pas se passer mieux, jusqu'à ce que mon père aborde à nouveau un sujet sensible. C'est le spécialiste des pieds dans le plat. Et une fois là, il piétine et patauge, éclaboussant tout ce qu'il se trouve autour.
— Au fait Clarke, ta candidature a été acceptée pour le stage ?
Évidemment, il fallait qu'il aborde spécifiquement le seul sujet que je n'ai pas a eu le temps d'éclaircir avec Lexa. Très honnêtement, avec les vacances et tout ça, ça m'était complètement sorti de la tête. D'ailleurs, elle n'est même pas au courant que j'ai un stage à faire. Je me traite de tous les noms, ça m'apprendra à repousser au lendemain toutes mes décisions. La réponse à ma candidature étant arrivée un peu avant les vacances, j'ai différé cette discussion, la reléguant au plan de « détail », étant donné notre relation à l'époque. Sauf qu'aujourd'hui les choses sont différentes, tout est allé si vite. C'est étonnant cette rapidité avec laquelle je nous ai considérés comme un couple, avec tous les changements subtils que ça entraîne dans ma vie.
Alors pour la deuxième fois de la journée, je fais mon coming out, et raconte à Lexa comment j'ai décroché un stage de rêve au Japon, pour la durée d'un mois. Après l'instant de panique que j'ai vu dans ses yeux, elle commence à poser des questions pratiques, elle s'intéresse. Je suis soulagée qu'elle le prenne de cette façon, à sa place, j'aurais sans aucun doute pété un plomb. Je n'en reviens pas de la chance que j'ai de l'avoir. Le seul hic, c'est que plus je lui parle de ce stage qui me faisait briller les yeux il y a quelques mois, plus je prends conscience que je n'ai aucune envie d'y aller, aucune envie de quitter Lexa, pas maintenant, pas encore.
Par un petit miracle, on a réussi à s'esquiver de chez mes parents avant la nuit. Je mets ça sur le compte de l'effet de surprise sous lequel mon père est encore. Il n'y a plus aucun doute de ses sentiments au sujet de Lexa et moi, et il n'a pas eu besoin de dire quoi que ce soit pour me le faire comprendre. Rien qu'à la façon dont il m'a étreinte pour me dire au revoir, c'était une bénédiction paternelle.
Avec appréhension, nous prenons la route de la maison de Lexa, je n'y ai pas remis les pieds depuis plus de cinq ans. Tout a changé depuis, Lincoln et Anya vivent là-bas. C'est donc sans surprises que nous trouvons Octavia dans la cuisine en train de se faire un sandwich en arrivant.
— Salut.
— Salut O', Aden est là ? Il va bien ?
— Du calme Lexa, il est dans sa chambre, et comme j'ai perdu a FIFA, c'est moi qui lui apporte à bouffer. Je t'assure que ton frangin est tout à fait capable de se débrouiller seul, grogne-t-elle en tartinant avec hargne une tranche de pain de mie sans défense.
— Tu cherches aussi, en le défiant sur son terrain. Je vais le voir.
Hésitante, elle se retourne vers moi avant de franchir la porte qui mène à l'étage.
— Tu m'attends ? Je te ferais à manger après.
— J'ai pas vraiment faim. Mais je ne dirais pas non à une soirée film tranquille.
— Ok, on parlera de ton voyage plus tard.
Octavia profite de l'hésitation de Lexa pour lui fourrer une assiette avec un sandwich tout écrabouillé dans les mains.
— Tiens, profites-en pour nourrir la bête.
En un clin d'oeil, ma petite amie disparaît dans l'escalier.
— Ton voyage ? Demande Octavia en levant un sourcil.
— Pour mon stage. J'ai été accepté dans un studio d'animation.
— Oh, cool. Je savais pas que tu voulais faire des dessins animés.
— Et bien c'est pas forcément ce que je veux faire à terme, mais ce serait une opportunité pour découvrir plein de choses. Le problème c'est que c'est un peu loin.
— Loin ? C'est quoi ce studio ?
— Les studios Ghibli.
— Ghibli comme dans Totoro ?
J'acquiesce en souriant, plutôt contente qu'Octavia s'intéresse à ce que je fais, juste avant de déchanter devant l'explosion qui me prend au dépourvu.
— Au Japon ? Comment tu peux lui faire ça ? Encore !
— Je ne lui fais rien du tout ! J'ai dit que je ne partirai pas.
Je n'ai aucun compte à rendre à Octavia, et pourtant, ma poitrine se serre devant son accusation. Au fond de moi, c'est aussi ce que je ressens.
— Tu feras ce qu'il te parait bien de faire pour toi, qu'importe ce que les autres peuvent bien ressentir. Car tu t'en fiches n'est-ce pas ?
Ma mâchoire se tend tandis que je serre les dents pour ne pas répondre. Ma culpabilité bataille avec mon indignation, ne me permettant pas de savoir quelle émotion gagnera si je riposte. Lexa choisit ce moment pour entrer dans la pièce, prenant aussitôt ma défense. Une immense tristesse m'envahit en constatant qu'elle est prête à se disputer avec une de ses amies pour moi, alors que je ne le mérite pas.
— Explique-moi ce qui vaut d'abandonner et d'oublier ses meilleurs amis ?
Lexa se raidit, toisant Octavia d'un regard féroce qui me rappelle instantanément la guerrière de mes rêves. Résignée, je pose ma main sur son bras pour l'apaiser. Ce sont mes erreurs, à moi d'assumer.
— Rien. Rien ne justifie cela Octavia. J'ai fait une erreur. Parce que je croyais faire ce qui était juste. Faire ce qui était le mieux pour tout le monde. J'avais tort, et je suis désolée.
— Tu es désolée ?
— Je suis désolée, et je suis désolée de ne pas t'avoir demandé pardon plus tôt. Mais je ne peux pas revenir en arrière, je ne peux pas changer ce qu'il s'est passé. Tout ce que je peux faire, c'est te demander pardon, et espérer que tu veuilles bien m'accorder une seconde chance.
Immobile, j'essaye de calmer le rythme de mon coeur qui s'emballe à mesure que le temps passe. Les secondes me paraissent interminables. Ses yeux noirs ne me quittent pas, ses sourcils toujours froncés alors qu'elle juge de ma sincérité. De minuscules tressaillements autour de ses lèvres me confirment que mes mots ont eu un impact sur elle. Reste à savoir lequel.
— Je ne suis pas Lexa, Clarke. Je ne peux pas repartir à zéro et te tomber dans les bras comme si rien ne s'était passé.
— Tu veux dire que tu ne me pardonneras jamais ?
La gorge serrée à cette éventualité, je termine ma phrase de façon étranglée, interdisant aux larmes de me monter aux yeux.
— Je veux dire que je vais avoir besoin de temps.
Sur ces mots, elle disparaît dans le salon sans plus de cérémonie.
— J'imagine que ça aurait pu être pire.
Mes lèvres tremblent en prononçant ces mots, juste avant de m'effondrer dans les bras de Lexa. Incapable de retenir mes larmes plus longtemps, je les laisse sortir librement, me sentant en totale sécurité. Si cette discussion terriblement éprouvante m'apparaît comme un échec, elle aura au moins eu le mérite de crever l'abcès.
Κ∞Λ
Les journées passent trop vite, l'après-midi touche déjà à sa fin, et Lexa est encore nue dans mon lit. Mes doigts tracent sur sa colonne des cercles. Sept pour être exact. Sans préavis, elle m'abandonne et va ramasser l'un des dessins qui jonchent le sol suite à notre étreinte un poil trop passionnée, un peu plus tôt.
— Qu'est-ce que c'est ?
Sur la feuille qu'elle tient, on voit celle que j'appelle "Lexa, la guerrière", faute de mieux. Les traits de leurs visages sont identiques, et malgré la peinture et la lourde armure, on la reconnaît sans trop de mal. C'est la première fois qu'elle voit l'un de mes dessins que je m'emploie de cacher à tous. Si ce n'est pas totalement conscient, ce n'est pas non plus un hasard si je me suis mise à les laisser traîner un peu trop en évidence. Nous n'avons jamais reparlé de ma vision, je n'ai jamais non plus eu l'occasion de lui parler des autres.
— C'est...hum...c'est toi.
— Moi ?
— Enfin...en quelque sorte.
Je me baisse pour rassembler les autres feuilles, elle s'en saisit de plusieurs, représentant des scènes de mes visions, au plus proche de ce dont je me souviens. Elle observe avec attention le moindre détail, troublée. Je lui tends le dernier que j'ai fait, celui où j'ai utilisé les visages d'Octavia et Lincoln pour compléter ma mémoire défaillante quand il s'agit des visions. Deux guerriers également. Cela me semble étrangement juste.
Elle s'attarde sur le dessin de la guerrière de dos, on voit clairement son tatouage sur celui-ci.
— Ce dessin. Tu l'as déjà vu quelque part ? me demande-t-elle.
— Oui. Je ne me souviens pas où. Mais je l'ai revu dans mes rêves, ça, c'est certain.
— Tu crois que c'est possible que ça vienne d'un film qu'on aurait vu quand on était enfant ? Je connais ça. Et elle aussi ?
J'essaye de déterminer quelle part d'elle me prend pour une imbécile, et laquelle cherche réellement des réponses. On a passé que quelques nuits ensemble, mais à l'agitation qui trouble parfois son sommeil, je soupçonne déjà un phénomène similaire à celui qui me hante depuis tant d'années. Peut-être est-ce récent chez elle ? Peut-être que ça vient de moi, que c'est ma proximité qui lui provoque ça ? Comme j'ai cru que la sienne était responsable de ces horreurs. Pourtant, malgré la séparation d'un continent et d'un océan, je n'ai jamais pu me débarrasser de ces visions. Et si c'était moi le problème ?
— Tu sais bien que non.
Mon ton est un peu plus sec que voulu, mais je cherche à la faire réagir. C'est un échec, je ne réussis qu'à la faire changer de sujet, ramenant mon stage sur le tapis. Je refuse toujours de partir, je n'ai fait aucune démarche pour.
— Est-ce qu'on peut parler d'autre chose ?
— Que ton stage ? Si tu dois partir un mois, j'aimerais savoir ce que tu vas faire là-bas.
— Je n'irai pas Lexa.
— Je croyais qu'on avait réglé cette affaire. C'est à cause d'Octavia ? De ce qu'elle t'a dit hier ? Clarke c'est complètement stupide. Tu sais bien qu'au fond ce n'est pas ça son problème. Et quand bien même, tu ne peux pas la laisser diriger ta vie. Je ne te laisserai pas renoncer à cette opportunité pour si peu.
— Ce n'est pas à cause d'Octavia. Je ne veux pas partir. Je ne veux pas passer un mois loin de toi. C'est au-dessus de mes forces. Je ne peux pas. Je ne peux plus.
Ma voix se brise sur ces derniers mots, elle m'entoure de ses bras puissants en me ramenant vers le lit. J'ai dû la quitter bien trop de fois pour accepter bien tranquillement cette éventualité. Je me revois dans la voiture, Lexa disparaissant dans le rétroviseur, mon coeur se serre. Non, hors de question. Même pour si peu de temps. Pourtant, elle m'attire à elle, m'embrasse sur la tempe, et me murmure des mots rassurants.
— Clarke, regarde toutes les épreuves qu'on a traversées. Tu ne crois pas qu'on est plus fortes que ça ? Franchement, un mois, c'est rien.
Ses mots auraient pu me faire mal, si ne n'était pas assez proche de son coeur pour en sentir le changement de rythme à l'idée d'être séparé de moi. Un petit sourire triste se dessine sur mes lèvres. Au fond, je sais qu'elle a raison. Mon esprit pratique et raisonnable se fraye lentement un passage au milieu de toutes mes peurs, extirpé par la confiance de Lexa, la force de ses bras autour de moi, l'amour que je sens vibrer en elle à chaque inspiration. Et avant que le soir n'arrive, la décision est prise. Japon, me voilà.
