Dormir était un bien grand mot lorsqu'on était du genre angoissé, hyperactif et bavard. Si Liam et lui ne s'étaient pas couché trop tard, la définition de cette action ne s'appliquait qu'au fait qu'ils avaient simplement allongé leurs corps dans le lit. Le plus ? Les draps, soigneusement remontés jusqu'à leurs épaules.
Mis à part cela, ils parlaient. Ils ne faisaient que ça. Parfois, Stiles menait la conversation : Liam prenait le relais à d'autres moments, lorsqu'il sentait son compère chercher ses mots. Alors oui, il lui évitait le silence, celui que Stiles abhorrait. Lui qui n'avait pas l'habitude de parler à outrance se découvrait là un talent insoupçonné. Le pire, c'est que la chose n'était pas si difficile car Stiles trouvait toujours le moyen de rebondir, d'enchaîner, de relever. La conversation, inépuisable, n'avait pour l'instant connu aucune fin.
Et bordel, Liam adorait cette idée.
Parce que l'ambiance était bonne enfant : elle lui rappelait ses années d'école, lorsqu'il invitait des amis à dormir, ou dormait chez eux. C'était le temps de la veille, où l'on se lançait le défi de tenir le plus tard possible dans la nuit. Le temps de l'insouciance, de l'innocence. L'époque où l'on rêvait d'aventures et de jouets, de super-héros et de fées.
Si les sujets avaient quelque peu changé avec l'âge, l'atmosphère y était semblable et Liam… Appréciait beaucoup ce fait. Avec Stiles, c'était facile.
Puis le voir sourire lui faisait du bien. Liam appréciait l'idée que Stiles réussisse à se détendre en sa présence. Il s'agissait notamment d'une chose qu'il pouvait vérifier grâce à son odeur : avec lui, l'hyperactif ne pourrait pas mentir. De toute façon, il n'avait pas l'air d'en avoir envie – Liam n'allait pas mentir, ce fait lui facilitait les choses. Par l'honnêteté, Stiles s'ouvrait. Pas besoin de confessions, son attitude suffisait à lui faire comprendre que pour l'instant, ça allait. Que cette conversation sans fin qu'ils avaient lui changeait les idées, lui faisait se souvenir de cette époque qu'il avait sans doute lui aussi connue.
- Je persiste à dire que tu as des goûts de chiottes, fit Stiles à voix basse. Indiana Jones, ça va cinq minutes : tu regardes le premier film, tu connais tous les autres.
Le débat qui, cinq minutes plus tôt, concernait l'élection de la meilleure espèce surnaturelle selon leur avis personnel, se penchait désormais sur leurs films et séries de films de cœur. S'ils s'étaient aisément mis d'accord sur le loup-garou par rapport au premier sujet – les précédents n'ayant tendu vers aucun débat –, la discorde maniait leurs langues sans pour autant que le ton devienne houleux. La sympathie et la maturité des deux jeunes hommes allaient de pair avec le chuchotement, technique qu'ils utilisaient depuis qu'ils s'étaient « couchés », de sorte à ne pas se faire réprimander par les parents de Liam. Si leur enfant était grand, ils tenaient à ce qu'il ait un rythme de vie normal et ne veille pas trop. Loup-garou ou non, il restait leur fils et il était hors de question qu'il change sa façon de vivre. Crocs acérés et griffes aiguisées ne changeaient rien au fait qu'il n'était qu'un adolescent de seize, presque dix-sept ans.
Oui mais voilà, Liam était heureux de désobéir à l'autorité parentale, de parler de tout et de rien avec Stiles. Minuit était passé de deux heures et aucun des deux ne montrait le moindre signe de fatigue. Côte à côte, un peu plus proches que l'heure d'avant, ils s'amusaient, faisaient les gamins, se découvraient des points communs et des différences qui les amusaient. Se donnaient de petites tapes dans l'épaule, sur le ventre… Et dans leurs mouvements destinés uniquement à s'embêter l'un l'autre, rien de plus que de la taquinerie et la consolidation d'une amitié non pas superficielle, mais jamais réellement développée. Ils se découvraient complices, dans l'intimité de la chambre du premier et l'ouverture fragile du second. Car si Stiles était pleinement dans le moment et n'y mettrait fin pour rien au monde, il faisait de réels efforts pour ne pas céder à cette ombre qui ne faisait que l'appeler. Or, la laisser gagner allait contre ses principes et habitudes. Il ne voulait pas se retrouver dans cet état apathique qui avait mené la danse sitôt que Scott l'avait détruit : il s'agissait d'une chose qu'il désirait oublier et ne jamais revivre. Stiles aimait la vie, le mouvement, les plaisanteries, la proximité avec autrui. Passer sa journée à fixer le plafond et ruminer, il détestait ça.
Puis il voyait les efforts de Liam pour l'aider à maintenir sa tête hors de l'eau et il voulait les apprécier à leur juste valeur en leur faisant honneur. A côté de cela, il se découvrait une entente avec lui, encore meilleure que celle qu'il avait déjà… Et il comprenait mieux pourquoi il avait accepté de l'entraîner à se maîtriser.
Dans un sens, il arrivait aisément à le cerner et le trouvait bien plus précautionneux et soucieux de tout qu'il n'en avait l'air. Liam avait en lui un grand pouvoir… Qu'il avait peur d'utiliser. Le problème avec lui, c'était sa peur. Le jeune homme était terrifié à l'idée de perdre le contrôle de ses griffes, de ses crocs, de cet instinct lupin qu'il n'avait jamais demandé.
Alors, naturellement, Stiles orienta la discussion vers ce sujet. De toute façon, à ses yeux, jamais Indiana Jones n'arriverait à la cheville de Star Wars et aucun débat ne réussirait à le faire changer d'avis à ce sujet.
Il aborda donc les prochains points qu'il aimerait travailler avec lui – et le louveteau, buvant ses paroles, acquiesça à chacune d'elles. Ce qui était bien avec Stiles, c'est qu'il arrivait aisément à se faire comprendre : il s'exprimait avec clarté et creusait chaque élément qu'il comprenait peu ou lui posait problème. Liam masqua toutefois sa surprise quant au fait que Stiles désirait continuer leur entraînement commun sans citer Scott : il avait cru que ceux-ci se stopperaient, à cause de ce qu'il s'était passé… Que cette demande lui rappellerait trop l'alpha, dont les actes les plus récents n'avaient rien fait d'autre que le faire descendre plus bas que terre. De ce qu'il lui semblait, Stiles faisait la part des choses – et ça ne l'étonnait pas. A sa manière, il lui montrait qu'il désirait avancer, retrouver un cours de vie normal et oublier au plus tôt le cauchemar que Scott lui avait fait vivre. Sa durée, courte, n'enlevait rien à la gravité des blessures psychiques qu'il lui avait infligées.
Et ils finirent par en parler.
Pour être honnête, Liam ne savait plus vraiment qui de Stiles ou lui avait remis le sujet sur la table. Une chose était certaine, son regard s'était voilé. En contrepartie, le louveteau s'était rapproché de lui jusqu'à poser sa main sur son épaule et la presser doucement. Face à face, les deux jeunes hommes se parlaient sans tabou, se disaient les choses telles qu'elles étaient.
- Je ne veux plus jamais me retrouver seul avec lui, je… Quand je le ferai, quand ça arrivera… Restez dans le coin, s'il vous plaît.
Stiles parlait de Liam et Lydia, les seuls à savoir que Scott n'était pas un alpha sans tâches. Un message pour mettre officiellement fin à leur relation n'était pas suffisant – il trouvait d'ailleurs ça complètement lâche. Il lui faudrait lui dire les choses en face à face et ça… Il aurait bien du mal s'il se savait seul. Stiles avait besoin que l'on puisse intervenir en cas de problème. S'il ne voulait mettre personne en danger, il ne désirait pas non plus prendre le risque que Scott puisse lui faire à nouveau du mal dans le plus grand secret. C'était simple : l'alpha ne lui inspirait plus le moindre sentiment de confiance ou de sécurité.
- Ne t'inquiète pas, on ne prendra pas ce risque, lui assura Liam en esquissant un sourire timide.
Tout louveteau qu'il était, il n'avait pas véritablement peur de son alpha, qui ne lui inspirait plus le moindre respect depuis qu'il avait osé lever la main sur Stiles. Sur cet ami auquel il tenait beaucoup et qui ne méritait rien de moins que le bonheur. Alors qu'importe les sentiments potentiels qu'il pouvait ressentir à son égard, Liam ferait passer son bien-être avant le reste.
En retour, Stiles essaya de lui rendre son sourire et y parvint partiellement. A son tour, il se rapprocha de Liam, jusqu'à laisser sa tête reposer sur son épaule. Ferma les yeux.
A lui, il accordait toute sa confiance par besoin, par envie… Néanmoins, Stiles avait peur. Peur, mais il faisait au mieux pour faire taire cette voix qui le dérangeait.
A la façon dont la main du blond pressait doucement son épaule à lui, l'hyperactif se convainquit qu'il avait fait le bon choix.
