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Chapitre 16 : Chasse Nocturne

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Bien qu'il fût réveillé depuis déjà plusieurs minutes, Harry n'osait pas ouvrir les yeux. Il ne voulait pas quitter ce rêve qui l'avait saisi durant la nuit. Pire que cela, il avait peur d'être mort de bonheur et de s'être à nouveau réincarné dans cette chambre décrépie du château qu'il occupait alors.

Ce n'était pas possible, n'est-ce pas ? Il ne pouvait pas réellement avoir passé une nuit torride avec celui qu'on appelait, à l'époque, le Prince des Serpentard ?

Un homme aussi beau que Drago Malfoy ne pouvait pas l'avoir choisi… lui.

Pourtant, malgré les protestations de son cerveau, tous ses muscles témoignaient, épuisés, du souvenir d'un effort physique intense. L'idée que tout cela n'était qu'un rêve devenait de plus en plus difficile à accepter : il se remémorait les détails de la nuit précédente, les sensations, les émotions… et cela embrasait à nouveau son corps.

Il se força à respirer calmement et ferma les yeux plus fort, craignant que la réalité ne vienne briser le cocon de félicité dans lequel il s'était retrouvé. La fraîcheur de la chambre contrastait avec la chaleur qui persistait dans sa mémoire et il hésitait à affronter la vérité.

Finalement, rassemblant tout son courage, Harry entrouvrit les paupières, laissant la lumière tamisée de la pièce filtrer doucement à travers ses longs cils.

Son cœur manqua un battement : Drago reposait à ses côtés, entièrement nu sous la fine couverture de coton. Un léger rire étouffé s'échappa de ses lèvres alors qu'il se laissait envahir par le soulagement.

La réalité dépassait ses rêves.

Il prit quelques instants pour observer le visage de Drago, cherchant à graver son image dans sa rétine.

« Potter, je vais finir par fondre si tu continues à me scruter comme ça… »

Deux yeux anthracite l'observaient avec amusement.

« C'est bien. – répondit sérieusement Harry sans le quitter du regard – Comme ça je pourrais te mettre dans une petite bouteille et t'emporter partout avec moi. »

« Potter ! Je suis bien trop beau pour finir dans une… » Il ne put finir sa phrase ; le Gryffondor avait capturé ses lèvres dans un baiser impulsif.

« Je n'en reviens pas… - murmura Harry comme pour lui-même – Je crois que je suis l'homme le plus chanceux de la Terre. »

Drago passa un doigt sur la fine cicatrice qui lui striait la joue avant de le repousser doucement : « Je vais m'habiller. Tourne-toi. »

Harry arqua un sourcil, surpris : « Je crois que… j'ai déjà tout vu, tu sais. »

Drago lui jeta un regard hautain : « Je ne veux pas te rendre jaloux en exhibant ma perfection trop tôt dans la journée. » Il se leva du lit, emportant la couverture avec lui. Puis, changeant brusquement de sujet, il ajouta : « Au fait ! C'était quoi ce truc, hier soir, avec ta magie ? C'était… c'était vraiment pas mal. »

Harry haussa les épaules, légèrement boudeur. L'expression « pas mal » de Drago titilla son ego. Les souvenirs des gémissements du blond lui revenaient en mémoire et il estimait que sa performance méritait un éloge plus élevé que simplement « pas mal ».

« Je ne sais pas trop – grogna-t-il enfin – J'étais juste… bien. Et ma magie a dû se débrider. »

Drago enfila rapidement un t-shirt : « Je ne savais même pas qu'on pouvait l'utiliser pour faire… ça. »

« Quoi ? Te faire « pas mal » jouir ? » lança Harry, un poil provocateur.

Il reçut en réponse un regard noir : « En apprenant à la maîtriser, on pourrait faire tellement plus. »

Un ricanement moqueur sortit de la gorge du brun.

« Ce n'est pas du tout ce que tu imagines ! » S'offusqua le Serpentard en rabattant la couverture sur lui.

C'était faux.

C'était exactement ce qu'il s'imaginait.

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« Rappelle-moi ce que l'on fait ici ? »

Harry et Drago observaient la tour austère du Département de Contrôle et Régulation des Créatures Magiques. Des colonnes massives encadraient l'entrée et les grandes portes de chêne semblaient accueillir un flot constant de sorciers et sorcières qui entraient et sortaient.

« Vois ça comme une mesure de sécurité. On va juste se faire voir un peu. S'il nous arrive quoi que ce soit par la suite, alors… les gens sauront vers où chercher. »

Harry prit la main de Drago : « Je ne laisserai rien t'arriver. »

Mais Drago secoua doucement la tête : « Ne fais jamais de promesse comme ça, Harry. Tu ne sais pas ce qui peut se passer. Si jamais… si jamais je devais mourir alors… »

Harry le coupa : « Tu ne mourras pas. Et si jamais ça arrivait quand même, alors je mettrais le monde à feu et à sang. »

Drago laissa échapper un léger rire : « C'est totalement ridicule. – Il se tourna vers lui d'un air sérieux – Potter, si jamais… enfin… même si je ne suis plus là, je veux que tu finisses ce qu'on a commencé. Compris ? »

Harry soupira. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi le Serpentard était toujours si pessimiste.

Drago serra un peu plus fort sa main : « Je te protégerais jusqu'au bout. Quoiqu'il arrive. Tu fais partie de mon Sanctuaire, maintenant. De… de ma famille. »

Harry sentit une boule nouer sa gorge.

Merde.

Comment Drago arrivait-il toujours à trouver des mots qui le touchaient en plein cœur ?

Ils traversèrent le large hall pour attendre la plateforme montante. « 6ème étage » marmonna Drago. Aussitôt, le mécanisme se mit en branle et ils furent emportés dans les hauteurs du bâtiment.

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Drago naviguait avec aisance dans le dédale administratif ; Les bureaux en open-space du Département s'étendaient à perte de vue et étaient plongés dans une effervescence constante. Les fonctionnaires vaquaient à leurs occupations, discutant de dossiers ou consultant des parchemins. Tout cela formait un labyrinthe de paperasse duquel personne ne semblait faire attention à leur présence.

Une jeune femme, vêtue d'un tailleur ajusté, fit un signe de la main à Drago : « Monsieur Malfoy, par ici ! » Drago s'approcha, entraînant Harry à sa suite. La femme s'immobilisa en remarquant ce dernier : « Et... monsieur Potter ? Mais... où étiez-vous donc passé ? Tout le monde vous recherche ! »

Harry haussa négligemment les épaules. Drago intervint rapidement : « Nathalie, plus tard pour les questions. Je suis venu voir le Directeur... c'est à propos d'AnimaGuard... »

La petite secrétaire tritura nerveusement ses lunettes. Puis elle regarda nerveusement autour d'elle, comme si elle craignait d'être espionnée, avant de les entraîner dans un recoin plus caché : « Monsieur Malfoy, il ne faut pas. Surtout pas. Ils... ce ne sont pas des gens bien... Merlin ! Si... si jamais vous vous en prenez à eux, ils vont... Ho ! Monsieur Malfoy ! Si vous saviez tout ce que j'entends sur eux... Tous ces pauvres gens qui disparaissent après avoir été à leur contact. »

« Quelqu'un doit pourtant bien pouvoir faire quelque chose, non ? » demanda Harry en fronçant les sourcils.

« Pas ici. - murmura la secrétaire, paniquée. – Et surtout pas le Directeur. Ils sont partout. Ils se sont infiltrés jusqu'en haut. Monsieur Potter, ce n'est pas que ce département qui est pourri. C'est le ministère tout entier. »

Elle désigna du doigt un ensemble de copieurs flambants neufs : « Les crédits ont soudainement augmenté il y a deux ans. Pas de quelques mornilles, non. Drastiquement. Nous étions une équipe de quinze personnes et nous sommes plus de 130 aujourd'hui. Cet argent n'est pas tombé du ciel tout seul. »

Harry échangea un regard inquiet avec Drago. La situation au ministère semblait bien plus complexe qu'ils ne l'avaient imaginé. Ils étaient visiblement confrontés à un réseau tentaculaire qui s'étendait à tous les niveaux du gouvernement.

Nathalie hésita un instant avant de chuchoter : « Et ce n'est pas tout… Ho ! Monsieur Malfoy, croyez-moi, vous ne savez rien ! Cette société… il y a tellement de bruits de couloirs ici… on… on raconte qu'ils sont impliqués dans certaines expériences... On dit que des créatures sont utilisées comme cobayes, que des potions interdites sont fabriquées… Tout le monde sait ça, tout le monde. Mais… mais… »

« Mais certains employés ne sont pas corrompus, n'est-ce pas ? Comme vous, par exemple. »

Elle eut un rire triste : « Monsieur Malfoy, regardez-moi. Je n'arrive même pas à demander une augmentation, alors combattre la corruption... et puis... certains ont essayé, au début... de dénoncer ces pratiques. Pas un... je veux dire... je n'en ai plus revu un seul. Mon frère... mon frère… - Un sanglot terrifié la parcourut. - C'est un véritable cauchemar. »

Drago s'appuya légèrement contre le bras d'Harry, laissant ses pensées vagabonder. Nathalie, visiblement préoccupée, tira doucement la manche de son manteau : « Monsieur Malfoy, je sais ce que vous vous apprêtez à faire. Je vous en conjure, ne le faites pas. Tout aussi puissants que Monsieur Potter et vous soyez, ils sont trop nombreux. Tout ça... ne vaut pas le coup. »

Drago lui jeta un regard doux : « Je crois au contraire que nous devons le faire. Certains combats méritent d'être menés, même s'ils sont difficiles et risqués. »

Les larmes montèrent à nouveau aux yeux de la secrétaire : « Je ne peux rien faire pour vous faire changer d'avis ? »

Harry lui adressa un sourire réconfortant : « Ne vous inquiétez pas. Tout ira bien. »

Indécise, elle les regarda un instant, puis se précipita vers son bureau. À son retour, elle glissa un petit objet rectangulaire dans la main de Drago et chuchota : « Je ne peux rien faire pour vous, mais prenez au moins ça. C'est mon frère qui me l'a laissé, avant de disparaître. Il travaillait au département des Recherches. Il sentait que quelque chose ne tournait pas rond ici. Vous en aurez une meilleure utilité que moi. »

Intrigué, Drago demanda : « Qu'est-ce que c'est ? »

« Un mécanisme d'ouverture. Il fonctionne dans un rayon de 50 mètres et ouvre toutes les serrures magiquement fermées. Rendez-le fier de son invention, Monsieur Malfoy. Puisse Merlin vous accompagner. C'est un but louable que vous poursuivez. Monsieur Malfoy, Monsieur Potter... »

Sans un regard de plus, elle s'inclina docilement avant de disparaître dans les couloirs bondés.

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Harry passa une main lasse sur son visage avant de se tourner vers Drago : « Essayons autre chose, tu veux bien ? Je connais personnellement Barnabas Cuffe de la Gazette du Sorcier. Peut-être qu'il pourrait nous aider à faire éclater cette affaire au grand jour. »

Le bureau de Barnabas Cuffe était un véritable musée de l'information : chaque mur était couvert d'éditions soigneusement encadrées de la Gazette du Sorcier. Lorsqu'Harry y pénétra, il fut accueilli par le directeur comme la figure légendaire qu'il était. Mais ce fut Drago Malfoy qui attira le plus l'attention.

Aussitôt, une plume se dressa sur un parchemin, prête à enregistrer chaque mot prononcé dans la pièce.

Barnabas, avide, lança une salve de questions à Harry : « Monsieur Potter ! C'est un plaisir de vous voir. Où étiez-vous passé tout ce temps ? Mais je vois que Drago Malfoy vous accompagne. Quelle est la nature exacte de votre relation ? Allez-vous vous impliquez plus profondément dans la guerre ? Quelles tactiques allez-vous mettre en place pour vaincre Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom ?

Harry l'arrêta d'un geste de la main : « J'ai un marché pour vous. Je répondrais à toutes vos questions si vous faites un article sur la société AnimaGuard. »

La plume, qui avait jusque-là tracé chaque mot avec zèle, s'arrêta nette dans les airs, retombant mollement sur le parchemin. Le visage de Barnabas Cuffe se figea dans une expression d'inquiétude. Il sortit un mouchoir de sa poche et épongea rapidement la sueur qui coulait sur son front. Puis il se leva précipitamment pour refermer la porte : « Monsieur Potter… je ne comprends pas de quoi vous voulez parler. »

Harry s'assit dans l'un des fauteuils et croisa tranquillement ses jambes : « Barnabas, il y a d'étranges rumeurs qui circulent : corruption, trafic d'animaux, disparitions, expériences illégales… Je suis surpris que la Gazette, d'habitude si prompte à chercher l'information par tous les moyens, n'ait pas encore fait ses gros titres de cette affaire. »

Le regard de Barnabas se fit évasif : « Monsieur Potter, j'ai peur de ne pas vous suivre… »

Le ton d'Harry se durcit : « Je pense que vous savez exactement de quoi je parle, mais que vous avez trop peur pour faire quoi que ce soit. »

Le directeur eut un rire tendu : « Vous ne savez pas à quoi vous vous attaquez. C'est un terrain glissant. Dangereux. Je ne peux pas risquer tout le journal pour un peu de sensationnalisme. »

« Vous savez parfaitement qu'il s'agit de bien plus que "d'un peu de sensationnalisme" ! »

Barnabas sourit poliment et rouvrit la porte, invitant les deux hommes à sortir : « Je n'ai aucune idée de ce dont vous voulez parler. »

Drago prit la parole d'un ton calme : « Cuffe, vous ne comprenez pas. Nous ne demandons pas un simple article racoleur. Nous voulons que la vérité éclate, peu importe les conséquences. Depuis plusieurs années, AnimaGuard empoisonne le monde sorcier. C'est un nid de corruption et de cruauté envers les créatures magiques. Si la Gazette reste silencieuse, elle devient complice. »

Barnabas balbutia, cherchant des mots pour se défendre. « Vous ne comprenez pas le danger. Ce sont des gens puissants, influents. S'opposer à eux, c'est jouer avec le feu. Je ne peux rien faire avec vos seules paroles. Revenez avec des preuves concrètes, des témoins à foison. Alors peut-être que j'y réfléchirais. »

Puis, sans plus de ménagement, ils furent mis à la porte.

Harry, fatigué, s'appuya contre un mur : « Désolé. Je pensais vraiment pouvoir trouver un allier ici. »

Drago esquissa une moue indifférente, son regard fixé sur l'horizon : « Personne n'osera se dresser contre AnimaGuard. Ils ont infiltré le Ministère, la presse... c'est comme si le monde sorcier était enchaîné par la peur. Ils ont trop de pouvoir, trop d'influence. Et même si nous avons des preuves, j'ai bien l'impression que personne n'osera les affronter ouvertement. – Il se redressa soudainement – Enfin, je ne suis pas seul. Je t'ai, toi. »

Harry passa ses bras autour de ses épaules et posa doucement son front contre celui de Drago : « Quoi qu'il arrive, je serais là. »

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Il était tard quand ils transplanèrent dans la zone autorisée du village de Castleton. Ils observèrent autour d'eux, mais rien d'inhabituel ne semblait perturber la tranquillité des lieux.

Ils traversèrent les ruelles calmes dans l'air frais de fin de soirée. Les maisons en pierre s'alignaient le long des rues étroites, leurs façades éclairées par les lumières tamisées des fenêtres. De nombreux volets de bois étaient déjà fermés, conférant au village une atmosphère paisible, presque endormie.

Niché au cœur du parc national, entouré de collines verdoyantes et de vastes étendues de nature préservée, Castleton offrait un cadre idyllique et bucolique à tous ceux qui souhaitaient s'y perdre.

À cette heure de la journée, le soleil déclinant teintait le ciel d'une palette de couleurs chaudes, créant une toile pittoresque au-dessus de leur tête. Alors que la nuit s'installait doucement, Harry et Drago scrutèrent les environs, cherchant des signes de l'activité suspecte qu'ils étaient venus démasquer.

« Ça ne doit pas être au sein même du village. – dit Harry – La livraison prévue était énorme. Pour stocker autant de cages, il faut beaucoup d'espace et je suppose qu'ils veulent être discrets. »

Drago repéra un paysan, penché sur son champ, arrachant méticuleusement les mauvaises herbes à la main. Il se tourna vers Harry, les sourcils froncés, et murmura : « Eh bien, allons chercher les informations à la source : cet homme pourrait en savoir plus sur ce qui se trame ici. Si tu permets… »

Drago s'avança vers le paysan, un léger sourire aux lèvres, et héla l'homme calmement : « Bonsoir ! Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer le soin que vous apportez à ces champs. »

Le paysan leva son regard fatigué vers eux, scrutant leurs visages avec méfiance : « Ah ouais ? Je fais juste mon boulot. »

« J'en parlais justement hier avec mon voisin : tous ses champs de pommes-de-terre ont été ravagés en moins d'une semaine. - mentit Drago - Vous ne seriez pas aux prises avec une invasion de doryphores en ce moment, vous aussi ? »

Le paysan haussa un sourcil, surpris : « J'ai failli ! De vraies saloperies. Heureusement pour moi, j'ai vu les signes avant-coureurs ! »

Drago sourit, ravi que son approche fonctionne. « Ho vraiment ? Vous n'auriez pas des astuces à nous donner pour nous éviter une nouvelle hécatombe, l'année prochaine ? »

Harry, observant la scène de loin, était impressionné par l'aisance de Drago à entrer dans des rôles inhabituels. Il se demanda combien d'autres talents cachés son compagnon avait.

Le paysan relâcha sa vigilance. « Eh bien, l'huile de coude, y a que ça de vrai. Faut tous les retirer un par un, à la main. »

Drago poursuivit un instant la conversation sur les méthodes de lutte contre les nuisibles, avant de glisser habilement vers un autre sujet : « Nous sommes juste de passage dans la région, vous savez. Les gens de Castleton ne doivent pas voir beaucoup de touristes, n'est-ce pas ? »

Le paysan fronça les sourcils : « Vous plaisantez ? En été, c'est une destination assez prisée. Mais en ce moment, je dois reconnaitre qu'il y a des gens un peu étranges qui rôdent dans le coin. Vous voyez le genre ? Et rien que ce soir, plusieurs camions de FRET ont traversé le village en direction du parc. Plutôt inhabituel. Suspect même. Enfin, c'est pas mes affaires. »

Drago remercia le paysan pour ces informations précieuses, ajoutant : « Vous connaissez sûrement bien les environs. Y a-t-il des coins que vous recommandez particulièrement pour les touristes comme nous ? »

Le paysan, visiblement heureux de partager ses connaissances locales, esquissa un sourire chaleureux. Il leur donna quelques conseils touristiques, mentionnant des endroits pittoresques à visiter.

Harry et Drago le remercièrent et prirent congé. « C'est bien ça alors. La transaction va se faire dans le parc, loin des regards curieux. Un choix plutôt judicieux. »

Ils observèrent un moment la direction que leur avait pointé le paysan quelques minutes auparavant.

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Ils avaient à peine parcouru quelques kilomètres dans les bois qu'ils repérèrent les premiers camions garés en bordure d'un sentier forestier. La lueur des phares dissipait partiellement l'obscurité et Drago et Harry se glissèrent discrètement entre les véhicules immobiles : tous étaient déjà vidés de leur marchandise.

Un silence pesant planait, rompu seulement par le murmure du vent entre les arbres.

Drago examina les environs, cherchant tout signe révélateur : « Ils ne sont pas allés bien loin, - murmura-t-il en désignant de profondes entailles dans le sol boueux. - Le passage des cages a laissé des traces. Plus qu'à suivre la piste. »

Ils s'enfoncèrent dans la forêt dense, suivant les cicatrices dans la terre. Si les premiers mètres furent éclairés par la lueur résiduelle des phares des camions, bientôt les arbres massifs et touffus les engloutirent dans une semi-obscurité oppressante. La boue collait à leurs chaussures, rendant chaque pas difficile.

« Lumos » chuchota Drago. Un rayon discret jaillit de sa baguette et éclaira un instant leur silhouette.

Harry et Drago avançaient avec prudence, leurs sens en alerte, cherchant tout signe de mouvement ou de présence ennemie.

« Il y a un truc que je me demande depuis que je t'ai vu, la première fois. » murmura Harry.

Drago leva un sourcil interrogateur, prêt à entendre la question de son compagnon : « Vas-y. »

« Tu n'aurais pas du sang de Vélane en toi ? »

Drago roula des yeux, jetant un regard exaspéré à Harry : « C'est VRAIMENT le moment, Potter ? »

Harry se défendit avec un haussement d'épaules : « Je posais juste la question. »

Drago, ne voulant pas laisser le sujet s'éterniser, répondit d'un ton sec : « Non, je n'ai pas d'origine Vélane. Du moins pas à ma connaissance. »

Harry grogna et sembla perdu dans ses pensées. En marchant, son bras frôlait régulièrement celui de Drago. Ce dernier, agacé, brisa le silence : « Pourquoi cette question ? »

Harry lui jeta un regard en coin et son visage refléta un instant un peu de gêne : « Je ne comprends pas comment quelqu'un peut me faire autant d'effet même quand il ne fait rien du tout. Je pense que tu dois m'avoir ensorcelé pour que j'aie toujours envie de... toi. Enfin, je veux dire… on est en mission, nos vies sont probablement en danger, mais je ne peux pas m'empêcher de penser à… à la nuit dernière. »

Drago pouffa, incapable de contenir sa moquerie : « Ah oui, je ne vois que cette solution. Je t'ai sûrement jeté un sort ! Ou fait boire un filtre d'amour ! »

Harry se joignit à son rire avant de retrouver son sérieux : « Je ne plaisantais pas quand je disais que tu étais le premier pour qui je ressentais ça. »

« Je sais. » murmura Drago. Il s'arrêta un instant et observa le sommet des arbres au-dessus d'eux : « Merlin, Potter, il y a tellement de choses que je voudrais te dire. Quand je suis avec toi, je me sens… j'ai l'impression de pouvoir enfin être moi-même. J'ai l'impression que quoique je puisse dire ou faire, tu seras toujours là, derrière moi, à me soutenir, à me protéger. Je me sens respecté. Compris… En sécurité. Je voudrais tellement pouvoir revenir en arrière, quand nous étions enfants, et apprendre à te connaître à ce moment-là. J'ai l'impression d'avoir perdu tellement d'années… »

Harry, la gorge serrée, enveloppa délicatement le visage de Drago de ses mains en coupe : « Tu ne mesures pas l'impact que tu as eu sur ma vie. Tu m'as sauvé, mais c'est bien plus que ça. Tu as touché chaque fibre de mon être, préservé mon âme... Je te dois tout. »

Un long silence les enveloppa et Drago rougit violemment : « Putain, Potter, ça devient trop mièvre là. Je ne vais pas y survivre. »

D'un doigt, il désigna le chemin devant eux qui se scindait en deux. Il semblait, pour une étrange raison, que la cargaison avait subi le même sort. Drago regarda la piste de gauche : « Je vais aller par là. Toi, tu prends l'autre chemin. »

Harry s'immobilisa : « On ne reste pas ensemble ? »

« La clé du succès, dans ce genre d'opération, c'est la discrétion et la rapidité. On est deux. Si chacun libère les animaux de son côté, on ira deux fois plus vite. Je pense qu'il y aura beaucoup de gardes dans les parages. Nous devons être aussi discrets que possible et surtout, rester cachés. Évite les confrontations directes, du moins dans la mesure du possible. Si on peut libérer les animaux sans se faire repérer, c'est notre meilleure chance. - Drago lança à Harry un petit sac en cuir – Tu te souviens comment j'ai fait avec la goule ? Même principe. Tu miniaturises et tu envoies au Sanctuaire. »

Harry réceptionna la bourse avant de grimacer : « Je ne suis pas sûr... Je n'aime pas te laisser seul… »

« Potter, je suis un grand garçon. Je sais prendre des décisions et agir par moi-même. Je ne t'ai pas attendu pour ça. On a qu'à se retrouver ici, à la jonction, d'ici dix minutes. Si l'un d'entre nous ne revient pas, l'autre part à sa recherche. »

Drago commença à s'engager sur le chemin, mais Harry le retint par le poignet : « Sois prudent. »

« Parle pour toi, Potter. De nous deux, c'est toi le plus impulsif. Si je dois venir te sauver, tu en entendras parler jusqu'à ta mort. - Drago passa ses bras autour du cou d'Harry et l'embrassa tendrement – Ne sois pas en retard. Ne te laisse pas distraire. Je t'attendrai. »