Gaou est le père de Kyouya. Takafumi Adachi n'a pas pu partager le nom de sa mère. Mon cœur a un faible pour Midori ou Arashi Tategami, et vous, vous avez des idées ou pensez à un nom qui lui irait bien ?

Avec cette histoire, nous remontons un peu dans la chronologie D'anciennes Ombres (même si, comme toutes les histoires de la série, cet OS peut être lu indépendamment). Je sais déjà quelle sera la dernière histoire de cet univers chronologiquement (une histoire d'une dizaine de chapitres, avec de l'aventure et des combats, mais plus sombre que D'anciennes Ombres) mais j'ai d'autres idées d'histoires. La prochaine sera sur l'emménagement de Kyouya et Ginga ensemble.


Jour 2 : Rencontrer la famille / Disney


Une soirée chez les Tategami


Kyouya ne savait pas pourquoi il se trouvait là.

Il fronça les sourcils, dardant un regard plein d'animosité sur une maison. Sa maison. Dotée d'un étage, à l'apparence soignée, elle trônait fièrement au milieu de son jardin... ou, plus exactement, d'un petit parc. La nature au milieu de laquelle Kyouya avait grandi – et, oui, il avait conscience que ça ne tenait absolument pas la comparaison avec la manière dont Ginga avait grandi, à Koma : c'était une nature domestiquée, et on n'y perdait jamais la civilisation de vue. La propriété était séparée de la voie publique et d'autres espaces privés par un mur de briques. Un portail permettait d'y accéder.

Kyouya laissa son regard errer et remarqua la présence de la voiture de son père. Il grimaça et détourna immédiatement le regard.

Il ne détestait pas la maison, bien sûr que non. Il y avait grandi entouré de sa famille aimante, jouant au Beyblade et entraînant Kakeru dans un tas d'aventures. Mais, là, tout de suite, il ne comprenait pas ce qu'il fabriquait devant.

Ginga lui prit la main. Kyouya lui jeta un regard. L'immense sourire sur son visage ne fit qu'accentuer son appréhension.

– On y va ?

Non, avait envie de répondre Kyouya.

Sauf qu'il ne pouvait plus reculer, pas vrai ?

Il détestait sa vie parfois.

Il marmonna un vague assentiment, qui sembla multiplier la joie sur le visage de son petit-ami par mille, et Ginga n'eut pas besoin de davantage d'encouragements pour l'entraîner vers la maison. Il s'arrêta devant l'interphone et sonna avec bien trop d'enthousiasme au goût de Kyouya.

Mais qu'est-ce qu'il fichait dans cette situation ?


XXX


Ça lui avait semblé être une bonne idée sur le moment.

D'un autre côté... suivre Daidouji et sauter dans le Wolf Canyon, aussi, lui avaient semblé être de bonnes idées sur le moment. Peut-être qu'il devrait utiliser un autre critère pour prendre ses décisions.

...

Non. Pourquoi devrait-il ? Son instinct était excellent – le meilleur de tous ceux que Ginga connaissait et Ginga connaissait beaucoup trop de monde. Il lui avait joué des tours une ou deux fois, et alors ? Ça ne changeait rien au fait qu'il avait raison le reste du temps. D'ailleurs, même les – extrêmement rares – fois où il avait eu tort, ça s'était réglé en sa faveur : suivre Daidouji lui avait permis d'apprendre des techniques d'entraînement qu'il n'aurait jamais imaginé et de connaître l'emplacement du Château de la Dark Nebula, quant au Wolf Canyon, Kyouya aimait s'y rendre encore aujourd'hui.

Tout tournait toujours sa faveur et ce serait encore le cas aujourd'hui. Il était prêt à le parier.

Pratiquement.

Peut-être.

...

Okay. Il priait pour que tout se passe bien.


XXX


Tout avait commencé le week-end précédent.

Ginga et lui passaient la journée ensemble, loin de ses abrutis d'amis – Madoka l'avait encore moqué sur ce qu'elle appelait ses caprices, et que Kyouya considérait comme le plus élémentaire respect à son égard... il était donc aussi charitable qu'ils le méritaient – et de ses obligations scolaires. Ils étaient assis devant le canal quand Ginga lui demanda, soudainement :

– Tu te souviens de Noël ?

Kyouya leva les yeux au ciel.

– On est en juillet, bien sûr que je m'en souviens.

Ginga hocha la tête.

– Donc... tu te souviens quand tu as dit que tu me présenterais à ta famille ?

– Tu veux les rencontrer ?

– Eh bien... J'ai réfléchi et... Finalement...

– Continue de tourner autour du pot et je t'envoie Leone à la figure.

Ginga eut un demi-sourire provocateur.

– Comme si tu pourrais m'atteindre.

– C'est un défi ?

– Un fait, plutôt.

Kyouya afficha un air amusé. Voilà pourquoi il voulait Ginga dans sa vie : il ne se laissait pas impressionner et répondait coup pour coup à ses piques. C'était bien plus amusant que tous ces gens qui s'inclinaient dès qu'il faisait ne serait-ce que montrer les crocs.

(Bon, ça avait quelques désavantages, comme Ginga qui ne prenait pas ses vraies menaces au sérieux, mais il préférait ça à l'alternative.)

– Est-ce que je vais rencontrer ta famille ?

– Tu as déjà rencontré Kakeru.

– C'est vrai, et je l'adore, sourit Ginga.

Kyouya n'essaya pas de lutter contre son sourire. Il adorait que Ginga et Kakeru s'entendent aussi bien. Il s'agissait des deux personnes les plus importantes de sa vie... même s'il ne comptait pas le leur dire. Il ne fallait pas exagérer non plus.

Quant à ses parents, ils pouvaient se garder leur avis, merci bien.

...

OK. Ils aimaient déjà Ginga – ils l'aimaient depuis que Kyouya leur avait parlé de lui, la première fois, après... l'incident avec Daidouji et le Wolf Canyon et ne t'avons-nous pas appris à ne pas suivre des inconnus Kyouya et bla bla bla. Bref. Kyouya n'avait donc pas à s'inquiéter de la réaction de ses parents. Ils demandaient des nouvelles régulières de Ginga avant même qu'ils commencent à sortir ensemble, comme s'ils n'auraient pas pu lire son état de santé sur n'importe quel site internet. C'était franchement ridicule.

– Mais... tes parents ?

– Tu voudrais les rencontrer ?

Le sourire de Ginga s'effrita quelque peu.

– J'aimerais bien... sauf si tu as changé d'avis bien sûr. Tu as le droit.

– Je n'ai pas changé d'avis. Je suis Kyouya Tategami, pas une girouette.

Quand il prenait des décisions, il s'y tenait. Ginga et lui n'étaient-ils pas rivaux depuis plus de cinq ans ? Il devrait savoir, depuis le temps, qu'il ne disait rien à la légère. Même s'il ne l'avait pas encore vaincu.

Mais ça viendrait. Plus tôt que tard.

– T'es sûr que t'as envie de perdre du temps avec ça ? On ne se voit déjà pas beaucoup et Kakeru est le seul qui soit intéressant.

– Ne sois pas méchant.

Le commentaire de Ginga aurait été un brin plus efficace s'il n'affichait pas un sourire amusé.

– Et oui, j'ai vraiment envie de les rencontrer.

Ils se regardèrent un moment. Les yeux dorés de Ginga ne contenaient pas une seule once de doute. Kyouya les voyait briller d'enthousiasme, comme il aimait tant, même si cet enthousiasme n'avait rien de comparable avec celui qu'il affichait quand il répondait à ses défis.

Kyouya soupira.

– Okay. Je pense qu'on peut organiser ça dimanche prochain.

– Génial !

Et Kyouya s'était retrouvé à échanger des textos avec sa mère pour organiser une brève rencontre qui, avant qu'il ne s'en rende compte, s'était transformée en dîner chez les Tategami.

Le grand désavantage à traiter avec Madame Tategami : elle gagnait toujours – et, parfois, vous n'aviez même pas conscience qu'il y avait une compétition.

Il fallait bien ça pour supporter Gaou au quotidien, et être le chef officieux de la famille Tategami.


XXX


...

Kyouya avait le sentiment de s'être fait avoir.

Il accompagna Ginga jusqu'à la porte. Son petit ami jetait des coups d'œil intrigués tout autour d'eux alors que ce n'étaient qu'un jardin et une maison. Kyouya ne voyait vraiment pas ce qui méritait autant de curiosité.

Attends une minute.

Ses parents avaient invité Ginga chez eux dès la première fois au lieu de reléguer cette rencontre au restaurant comme des gens civilisés. Bon, Ginga ayant grandi au fin fond d'une montagne, il ne s'en rendait pas compte... mais Kyouya réalisait bien tous les tenants et aboutissants, lui. Et, dès que la porte leur fut ouverte, il adressa un regard méfiant à sa mère qui se contenta d'offrir un immense sourire à Ginga. Kyouya fronça le nez. Tout cela était très suspect.

– Ginga, je suis si heureuse de te rencontrer enfin. Kyouya nous a beaucoup parlé de toi.

Elle lança un regard amusé à Kyouya mais il se contenta de faire la moue. Évidemment qu'il avait parlé de Ginga : il était son rival. Sans compter que sa famille n'arrêtait pas de lui poser des tonnes de questions à son sujet.

– Je suis content de vous rencontrer aussi, répondit Ginga, d'une politesse remarquable tant qu'il n'était pas au beau milieu d'un duel Beyblade.

La mère de Kyouya sourit et s'écarta pour les laisser passer. Kyouya referma la porte derrière lui. Ginga troquait ses chaussures contre une paire de chaussons – bleus, ne put s'empêcher de noter Kyouya en adressant un regard méfiant à sa mère, qui souriait innocemment. Il fit de même et ils purent s'enfoncer dans la maison. Ginga regardait partout, comme s'il avait peur de laisser un seul détail lui échapper.

Kyouya regarda autour de lui, mais c'était la maison qu'il avait toujours connue. Il en connaissait chaque détail par cœur – et leur histoire.

Ses yeux se posèrent sur un enfoncement dans le mur. Ça lui avait valu d'être privé une semaine de Beyblade. En même temps, comment il était censé savoir que Leone pourrait faire autant de dégâts ?

(Il ne l'avait pas su avant mais après... eh bien, il n'avait pas pu s'empêcher d'expérimenter pour voir à quel point Leone pouvait être destructeur. Et qui pourrait le lui reprocher ? C'était important à découvrir.)

Ils entrèrent dans le salon. Une tornade verte et noire se jeta au cou de Ginga.

– Ginga ! s'exclama Kakeru.

Kyouya ne put s'empêcher de grimacer devant ses manières d'Américain et Ginga, tout aussi mal élevé, lui rendit son étreinte sans une arrière-pensée.

– Salut Kakeru ! Ça faisait longtemps !

– N'est-ce pas ?! s'exclama Kakeru en s'écartant.

Kyouya soupira. Ça ne faisait pas longtemps. Ginga et Kakeru se croisaient tous les quatre matins à Bey-City. Kakeru était revenu au Japon l'année dernière et il semblait avoir décidé de passer tout son temps libre avec la clique de Ginga. Ce que Kyouya n'aurait pas considéré comme une mauvaise chose – même si c'était une perte de temps absolue – si ce n'était pour Yuu.

Parce que, bien sûr, tant qu'à faire, il avait fallu que son petit frère et le gamin infernal deviennent les meilleurs amis du monde.

...

Voilà qui lui faisait mettre les choses en perspective. Tout ne se passait pas merveilleusement bien pour lui – pas toujours en tout cas.

...

Il était trop tard pour annuler la rencontre, pas vrai ?

Vu qu'ils étaient dans le salon de leur maison, Kyouya supposait que oui. Au pire, si ça se passait trop mal, il pourrait toujours utiliser le Rugissement Tempétueux du Lion. Personne ne pensait plus à l'agacer une fois qu'il sortait son coup spécial.

– J'imagine qu'Aniki voulait te garder seulement pour lui.

Kakeru lui lança un sourire fier. Kyouya fronça les sourcils. Quelle peste ! Pas étonnant qu'il ait supporté Yuu aussi bien pendant la quête des bladers légendaires. Kakeru et lui étaient de la même trempe.

– Peut-être que je n'avais pas envie de perdre de temps avec tes bêtises.

Kakeru s'approcha de son frère et lui donna un coup d'épaule.

– Tu voulais juste rester en amoureux~, il chantonna, parce qu'il n'avait pas la moindre dignité. Tu peux l'avouer, tu sais. Il n'y a aucun mal.

Kyouya fronça le nez et détourna la tête.

– Il n'y a rien à avouer.

Kakeru pouffa. Évidemment. Il n'aurait pas pu avoir une réaction plus prévisible même en essayant.

– Où est Père ?

Kakeru fit la moue.

– En train de se préparer psychologiquement à votre rencontre sans doute... Ne pourriez-vous pas éviter de vous disputer ne serait-ce qu'un repas ? C'est lassant à la longue.

– Père n'a qu'à arrêter de donner des ordres stupides.

– Je suis prêt à parier ma moto que, pendant que tu dis ça, Père pense : Kyouya n'a qu'à arrêter de faire tout ce qui lui passe par la tête et écouter. Non mais. Vous êtes de la même trempe.

Kyouya dévisagea son frère, bouche bée. Comment...? Que...? Le comparer à leur mère était une chose, mais le comparer à leur père ? Kyouya et lui n'avaient rien de commun si ce n'était quelques brins d'ADN. Et le nom de famille. Et le boulot... Ils n'avaient rien de commun dans leurs personnalités. Même physiquement il ressemblait davantage à leur mère.

C'était d'autant plus vexant que Kakeru faisait écho à ses pensées à propos de lui et Yuu.

Kakeru sourit innocemment, comme s'il savait parfaitement à quoi pensait Kyouya. C'était peut-être le cas. Ils avaient grandi ensemble, après tout. Ils avaient tendance à lire l'un en l'autre facilement.

– Nous aimons bien dîner des plats en libre-service, expliquait leur mère à Ginga pendant que Kyouya tentait de trouver une répartie contre Kakeru. Je me suis laissée tenter par quelque chose de plus formel ce soir.

– Ce que Mère veut dire, c'est que nous aurons chacun notre plat, comme ça Père et Aniki ne pourront pas se battre pour le dernier morceau de viande.

– Je ne me battrai pas ! se vexa Kyouya.

Kakeru lui adressa le regard le plus incrédule du monde. Kyouya préférait quand il se vantait à tout le monde qu'ils étaient frères.

– Tu l'as littéralement fait hier, mon cœur, fit remarquer leur mère.

Kyouya ouvrit la bouche pour répliquer, réalisa qu'elle avait raison et se pinça les lèvres. Venir était vraiment une mauvaise idée.

– Et si nous passions au repas ?

– Excellente idée ! Gaou ne devrait pas tarder à nous rejoindre.

On n'est pas forcés de l'attendre, non plus, pensa Kyouya.

Plus ils resteraient, plus sa famille trouverait des moyens de l'embarrasser devant Ginga, et ça c'était hors de question. Kyouya n'avait pas travaillé si dur à être son rival pour être ridiculisé de la sorte, merci bien.

Il réfléchissait à la manière de leur faire accélérer le mouvement quand sa mère les guida dans la salle à manger. Elle s'assit à sa place habituelle, à côté de la chaise vide de Gaou, et fit signe à Ginga de s'installer à côté d'elle. Ginga obtempéra. Il semblait complètement sous le charme.

Chaque seconde qui passait était une preuve supplémentaire que cette soirée était une mauvaise idée. Kyouya ne savait pas ce qui lui avait pris d'accepter. Pire : de l'organiser, d'une certaine façon. Il décida, en voyant le sourire détendu de Ginga tandis qu'il écoutait leur mère, que c'était la plus grande erreur de toute sa vie.

Et, selon lui, le Wolf Canyon n'était pas une erreur.

Sa mère – douée et aimant la vie en société – entama une conversation avec Ginga. Kyouya n'avait jamais vu son rival se détendre aussi rapidement en présence de quelqu'un. Même lorsqu'il était en compagnie de ses amis, il gardait une certaine distance.

Sa mère était tout bonnement terrifiante.

Évidemment, la partie que préférait Ginga était sur leurs bêtises, à Kakeru et lui. Les mots de sa mère, pas les siens. Kyouya, lui, parlerait plutôt d'aventures qui avaient forgé sa personnalité et donné son goût de l'indépendance.

Elle évoqua quelques histoires dont Kyouya ne se souvenait pas, comme ce jour où Kakeru et lui avaient décidé de créer une machine volante avec des cartons... qu'ils avaient réellement voulu faire voler en utilisant le Rugissement Tempétueux du Lion, à l'horreur absolue de leur père qui avait dû traverser tout le jardin en courant pour les arrêter.

Elle tira quelques histoires de Ginga. Le rouquin raconta des épisodes de son enfance à Koma – certains que Kyouya connaissait, d'autres non – ainsi que des jours de détentes avec ses amis.

Ils en avaient eu quelques uns, malgré tout.

Ce fut dans cette atmosphère paisible – hormis pour les nerfs de Kyouya – que Gaou fit son apparition. Il se tenait au seuil de la salle à manger, sa carrure impressionnante frôlant chaque côté de l'encadrement de leur porte sur-mesure.

Sa mère leva la tête et de la lumière sembla emplir son expression. Kyouya grimaça. Il ne manquait plus que ça. Il était désensibilisé à leurs élans d'affection depuis le temps qu'il les côtoyait – toujours – mais ça restait ridicule. Surtout en présence d'un invité.

Kyouya fronça le nez et jeta un regard à Ginga. En fait, ses parents gardaient leur niaiserie romantique pour leur vie privée, loin des regards des étrangers.

Okay, Ginga et lui, c'était du sérieux. Kyouya n'aurait pas accompli tout cela pour lui, autrement. Par contre, ses parents pourraient se calmer un peu parce que leur comportement donnait l'impression à Kyouya qu'il avait parlé mariage.

Gaou s'installa à sa place. Il échangea un regard plein d'affection avec sa femme. Kyouya roula des yeux. Ils se conduisaient toujours comme des personnages de shojo. Passer du temps avec eux, quand ils n'étaient pas ensemble, était bien plus supportable.

– Il est temps de préparer le repas, déclara sa mère en souriant. Tu viens m'aider Kyouya ?

– Bien sûr.

Il suivit sa mère hors de la salle à manger. Il jeta un regard curieux par-dessus son épaule. Gaou reportait son attention sur Ginga, sûrement prêt à lancer un autre sujet de discussion.

Un autre avantage à sortir avec Ginga Hagane : il ne fuyait pas Gaou Tategami. Certains jetaient à peine un regard à son père avant de se mettre à bafouiller et à couiner.

– J'aime beaucoup Ginga, déclara sa mère en entrant dans la cuisine.

– C'est ce que tu as dis la première fois que je t'ai parlé de lui, lui indiqua Kyouya.

– Peut-être bien.

Ils préparèrent le dîner en silence. Kyouya ne se préoccupait plus de ce qui se passait dans la salle à manger : Gaou n'était pas le genre de personne à parler de la pluie et du bon et Kakeru... bien... Kakeru profitait de chaque opportunité pour parler à Ginga. Une de plus ou de moins n'aurait aucun impact sur son image.


XXX


Le dîner continua sans encombre. Gaou en profita, bien évidemment, pour parler de la TC. Kyouya était satisfait tant que son enfance n'était pas évoquée. Les gamins avec qui Ginga avait l'habitude de traîner étaient bien plus immatures qu'il ne l'avait jamais été, mais entendre ces récits restait agaçant, surtout avec la manière dont Ginga les écoutait, captivé.

Kyouya en entendrait parler dans les prochains jours.

Personne ne laissa une miette du repas et, plus rapidement que Kyouya s'y attendait, ce fut l'heure pour Ginga de partir.

Gaou le salua poliment, d'un mouvement de la tête, et Kakeru, bien entendu, lui sauta au cou comme un Américain. Sa mère le remercia d'être venu et souhaita le revoir rapidement.

Kyouya escorta Ginga hors de la maison. Il marcha avec lui jusqu'au portail.

– Tu veux que je te raccompagne à Bey-City ?

Bey-City n'était qu'à une demi-heure de marche. Il ne proposait pas un immense sacrifice.

– Non merci. J'ai bien envie d'une promenade en solitaire sous les étoiles.

– D'accord.

Kyouya ouvrit le portail. Ginga le dépassa et s'arrêta sur le trottoir. Il se retourna pour le regarder. Même la pénombre n'amoindrissait pas l'éclat de ses yeux. Il sourit doucement.

– J'ai passé une super soirée. J'aime beaucoup ta famille.

Kyouya fut surpris par le fourmillement qui lui parcourut la peau. Non. Hors de question. Il n'allait pas être émotif pour si peu. Il n'allait pas être émotif du tout.

– Tant mieux, dit-il du ton le plus détaché qui existait.

Le sourire de Ginga se teinta d'amusement. Kyouya prétendit ne rien remarquer.

– On se voit demain ?

– Si tu veux.

Ginga se pencha vers lui et posa un baiser sur ses lèvres. Il s'écarta avant que Kyouya ne le remarque vraiment.

– À demain Kyouya.

– À demain Ginga.

Ginga s'éloigna de quelques pas avant de se retourner, tout sourire.

– Tu ressembles vraiment à ta mère.

Kyouya grogna. Sérieusement ?

Il devrait sans doute s'estimer heureux que Ginga ne fasse pas référence aux récits de son enfance, mais...

– Dégage avant que je ne lâche Leone.

Ginga eut l'audace de rire – évidemment, pour lui, il s'agissait plus d'une promesse que d'une menace – avant de se retourner et de reprendre sa marche. Il lui adressa un signe de la main avant de disparaître dans la nuit. Kyouya laissa échapper un son exaspéré. Il referma le portail et retourna dans la maison. Il entendait ses parents et Kakeru parler dans le salon. Il remit ses chaussons et traversa l'entrée. Il s'arrêta en croisant son reflet dans le miroir. Ses cheveux verts ondulés. La forme de ses yeux – et leur bleu. La moue qu'il affichait actuellement.

Il soupira. Kakeru et Ginga n'avaient pas vraiment tort. Il ressemblait à leur mère.

Pas question qu'il l'avoue un jour à voix haute par contre.

Il rejoignit sa famille dans le salon et se laissa tomber dans le canapé. Il haussa un sourcil quand le silence se fit et que l'attention générale se reporta sur lui.

– Un problème ?

– Ginga est adorable, déclara leur mère. Je l'aime beaucoup et vous allez vraiment bien ensemble.

– Es-tu en train de me donner l'expérience des parents encourageants que vos parents vous ont refusé ? plaisanta Kyouya.

– Attrapée !

Gaou fronça les sourcils et sa mâchoire se crispa de rage. Malgré les nombreuses années qui étaient passées, ça restait un sujet douloureux pour lui. La famille de mère, extrêmement stricte, n'avait pas vu d'un bon œil sa relation avec Gaou qui n'avait pas... la meilleure des réputations. Et comme des idiots – ou, plus exactement, comme des personnes qui ne connaissaient pas, mais alors pas du tout sa mère – ils n'avaient rien trouvé de mieux à faire que lui interdire de le fréquenter. Puis la renier quand ils s'étaient fiancés. Comme si une chose pareille l'aurait fait renoncer.

– Mais, plus sérieusement, j'aimerais beaucoup que nous refassions une soirée comme celle-ci. C'était très agréable.

Sa mère avait raison. C'était très agréable.

Kyouya dut réprimer un sourire. Il détourna la tête.

– Je suppose qu'on pourrait le refaire, un jour.

– Merveilleux ! Que dirais-tu de la semaine prochaine ? Il me semble que Gaou peut se libérer dimanche soir, n'est-ce pas mon amour ?

Kyouya tourna la tête vers sa mère si vivement que sa nuque craqua. Comment ça dimanche ?

– Bien entendu.

– Non. C'est hors de question ! Pas ce dimanche-là.

Sa mère lui sourit.

– Tu viens de dire que tu étais d'accord.

– Mais pas tout de suite.

– C'est la semaine prochaine, pas immédiatement.

– Ne joue pas sur les mots.

Sa mère laissa échapper un rire léger. Kyouya plissa les yeux, sur ses gardes. Elle n'était jamais plus dangereuse que lorsqu'elle paraissait civilisée et inoffensive.

(Kyouya n'avait jamais dit qu'ils se ressemblaient en tous points.)

– J'aime la précision, voilà tout. Et puis... Soyons honnêtes, mon cœur. As-tu véritablement envie de perdre ton temps à essayer de me convaincre de changer mes plans ?

Une veine battit à la tempe de Kyouya. Il toisa sa mère. Sa mère continuait de lui sourire, représentation du raffinement féminin. Sauf que... elle avait raison. S'engager contre elle dans une bataille n'était pas comme s'engager contre son père. Kyouya n'avait aucune chance de gagner, à part si elle changeait miraculeusement d'avis.

Il la jaugea.

Elle sourit.

Il poussa un soupir hargneux. Elle ne changerait pas d'avis à ce sujet.

– Très bien ! lança-t-il en se mettant debout. Faites comme vous voulez.

Kyouya sortit du salon et se dirigea vers sa chambre d'un pas fier. Peut-être qu'il avait perdu cette bataille, mais cela ne signifiait pas qu'il devait adopter une attitude de perdant. Peu importait le nombre de ses échecs, le plus important était de continuer d'avoir une apparence digne et d'être fier de soi.

Kyouya ferma la porte derrière lui et s'assit sur son lit. Il jeta un regard à son téléphone, sur la table de chevet. Il le déverrouilla. Il avait reçu un message.

"J'ai passé une super soirée. Merci."

Bon, peut-être qu'un autre dîner dimanche ne serait pas si mal.

Kyouya reposa son téléphone sur la table de nuit et s'allongea, les bras croisés derrière la tête.

Il avait toute une semaine pour s'habituer à l'idée.


FIN