Chapitre XVIII : Bienvenue à Pré-Aux-Ruines
Ce monde avait manifestement souffert. Le chemin de terre entre Poudlard et le village était jonché de calèches abandonnées et de squelettes à demi-enterrés, la plupart étaient trop petits pour être adultes. Plus que la peine ou la douleur, le sentiment qui émanait de tout ça, c'était la folie. Cette armée, cette horde n'avait pas détruit ce monde pour un objectif politique, ou pour un obscur désir de conquête mais pour le plaisir du massacre et du chaos
Dans la nuit embrumée, les quatre compagnons marchèrent lentement, prudemment jusqu'à atteindre le dernier détour de la route avant le petit pont de pierre qui lui-même formait l'entrée principale du village. Neville s'arrêta et expulsa de sa baguette une étincelle bleue. C'était manifestement un signe pour annoncer l'arrivée d'un allié auprès des gardes.
-Ils seront sans doute surpris, voir inquiets… Vous n'êtes pas nos Harry et Drago, mais ils l'ignorent, ils ne feront pas la différence tant que nous ne leur auront pas dit.
-Risque t-il de s'en prendre à Drago ? Demanda le Survivant, en posant la main sur la pochette de sa baguette.
-Vous êtes avec moi, les miliciens savent à quoi s'en tenir. Les autres ne sont pas en état de se battre. En revanche, contre les questions, je ne pourrais rien faire.
Les deux gardes virent bien l'étincelle bleue et répondirent d'une même étincelle mais verte cette fois. Bientôt, les quatre silhouettes se manifestèrent devant eux. D'abord le chef du village et de la milice, Neville. Ensuite, une femme âgée mais au regard vif et curieux qu'ils ne connaissaient pas. Enfin, les deux dernières ombres se dévoilèrent comme des fantômes. Harry Potter et Drago Malefoy, tous deux disparus depuis plus de dix ans, tous deux ennemis, marchaient côte à côte comme des compagnons de toujours. Les miliciens, les yeux ouverts, incapables du moindre mot, s'écartèrent pour laisser l'étrange cortège de revenant prendre le chemin du quartier général.
Drago tout au long de la rue, contempla les corps faibles et amaigris, des habitants de ce lugubre lieu. Harry lui se tourna vers la colline derrière Pré-Au-Lard, pour voir que les champs étaient abandonnés. Les attaques quotidiennes des détraqueurs avaient sans doute réduit le périmètre de sécurité à sa part congrue et les champs n'étaient pas inclus dans ce dernier. A la place, des potagers de fortune étaient installés partout où il était possible de faire pousser une fleur, un légume ou quelques céréales.
L'auberge des Trois Balais était devenu la mairie ainsi que le quartier général de la milice. Les chambres servaient aux gardes et le bar et le réfectoire servait autant de salle de repos que pour les diverses réunions. Lorsqu'ils entrèrent, une dizaine de personne discutaient tranquillement. Harry et Drago pass le cadre de la porte, un silence de mort inonda la pièce, et une tension lourde s'installa. Durant plusieurs instants, on entendit pas un seul mot.
-Harry ?! Fit finalement un demi-géant d'une voix familière qui se rompit à la moitié du prénom, sans doute sous le coup de l'émotion.
-Ce n'est pas exactement Harry, répondit Neville. C'est compliqué.
-Est-ce que ce n'est pas toujours le cas avec lui ? fit George qui apparut de derrière le bar.
Harry reconnu également Luna Lovegood et Lavande Brown mais également quelques autres anciens élèves moins familiers.
-Ce n'est pas le plus étrange, lança une voix qui, cette fois-ci retint l'attention de Drago. Qu'est-ce que Drago Malefoy fait avec le Survivant ?
C'était la voix de Marcus Flint, l'ancien capitaine de l'équipe de Quidditch de Serpentard. Drago avait jusqu'à ce jour, complètement oublié son existence, ça n'avait été qu'une silhouette passagère et sans importance dans son existence. Il était encore plus laid que dans les vagues souvenirs du blond, une énorme balafre entaillait son visage du coin inférieur de la bouche jusqu'à l'arcade sourcilière. Ce n'était certainement pas une blessure liée au Quidditch, Flint avait combattu, sans aucun doute.
-Que tous ceux qui ne connaissent pas personnellement l'un ou l'autre sortent, demanda Neville.
Progressivement, et au rythme des murmures et des protestations retenues, la salle se vida ne laissant que Hagrid, Luna, Lavande, Flint et George. Londubat invita d'un geste ses visiteurs à rejoindre la table tout en tirant de derrière le bar une bouteille de Wisky Pur-Feu dont il ne restait qu'un fond. Il vida une dose minable dans chaque verre avant de finalement prendre la parole.
-Ce n'est pas le Harry et le Drago que nous connaissons, ils viennent d'un autre monde. Semblable sur de nombreux points, différent sur de nombreux autres.
Luna fixait d'un regard étrange, les étoiles dont la lumière traversait les petites fenêtres de l'auberge.
-Quelqu'un à retrouver l'épée alors, lâcha t-elle d'un ton surpris.
-Ce « quelqu'un » est une femme, et elle sème le chaos dans notre monde depuis plusieurs semaines. Est-ce que quelqu'un sait qui c'est ?
-Seul un Gryffondor peut retirer l'épée du Choixpeau, expliqua Hagrid.
-Ce n'est pas d'une grande aide, le Choixpeau a disparu en même temps que les deux tiers de l'école, nota Flint. C'est trop bizarre, vous ressemblez beaucoup au Potter et au Drago que j'ai connu.
-Je peux t'assurer que ces deux-là sont trop proches pour être les notre, affirma Neville en se remémorant avec gêne le baiser que les deux visiteurs avaient partagé dans les ruines de Poudlard.
-J'ai vu une librairie sur le chemin, nota Albertine, peut-être que nous trouverons des informations dans les livres qui s'y trouvent...
-Ce n'est pas impossible, fit Lavande. Si vous voulez, je peux vous accompagné.
-Pendant ce temps, expliqua Drago, nous allons commencer à soigner vos blessés et vos malades. Est-ce que quelqu'un est compétent en soins magiques ?
Hagrid et Luna levèrent la main.
-Bien, Luna trouve moi un endroit convenable pour servir de clinique. Il y aura sûrement plusieurs opérations chirurgicales à faire donc il faut un endroit qu'on peut stérilisé.
-Tu as besoin de mon aide ? Demanda Harry.
-Pas cette fois, fit Drago. Toi et Neville, vous devez mettre en place un plan pour repousser les détraqueurs de manière définitive.
-Ce sera difficile tant que nous ne connaîtrons pas les soldats en état de combattre. Je vais faire une ébauche de plan, et on modifiera en fonction du nombre de personne que tu arriveras à remettre sur pieds.
-Très bien, acquiesça également Luna, puis elle ajouta, Hagrid vous pourriez faire le tour des maisons pour convoquer tout le monde pour une visite médicale ?
-Qu'ils se présentent tous, donnez des papiers rouges aux mourants, oranges aux malades ordinaires et blessures graves, et verts aux blessés légers, ordonna Drago en faisant apparaître trois feuilles différentes pour le demi-géant.
-Je ne suis pas sur d'apprécier d'être sous les ordres de Drago Malefoy, fit ce dernier.
-Je ne vous fait pas confiance pour faire correctement ce travail. Donc un point partout, rétorqua l'héritier blond.
Il mentait. L'année précédente sa propre version d'Hagrid avait pris soin de l'Oiseau-Tonerre que Drago avait sauvé, et ce géant n'était peut-être pas bien malin, mais sa magie était plus subtile que son apparence pataude ne le laisser supposée. Si ce monde était au moins un peu semblable au leur, ce Hagrid là était également doué, naïf et gaffeur, mais d'un soin infini avec les blessés et les malades, peu importe leur espèce. C'était une chose qu'un médecin, fut-ce Malefoy, ne pouvait que respecter.
La clinique fut aménagée dans l'ancienne auberge de la Tête-de-Sanglier. Dans le réfectoire des lits furent installés, et les deux pièces du sous-sol furent réaménagées pour les opérations de chirurgies et les examens ordinaires. Durant tout l'après-midi, Drago et Luna virent défiler les gardes et les citoyens du village, les blessures infectées, les malades bénignes qui s'étaient aggravées. Tout cela évoquait à Drago, les cours qu'il avait eut sur les soins magiques en zone de guerre lorsqu'il étudiait encore à Toulouse.
Certains refusèrent de se faire soigner par lui, croyant qu'il était son double, mais Luna résonna la plupart et assomma les autres d'un sort. Alors que le blond soignait l'un d'entre eux, elle l'interrogea.
-Tu es très talentueux. Est-ce que je peux savoir comment quelqu'un comme toi est devenu médecin ?
-C'était l'idée de mon oncle avant son décès, et je voulais réparer mes erreurs en quelques sortes. J'imagine que ce n'est pas une chose que mon double a réussi à faire.
-Ce n'est pas grave, expliqua t-elle. Vos vies n'étaient pas identiques, vos choix ne peuvent donc pas l'être. Il n'est pas une autre version de toi, il est une autre personne qui te ressemblait un peu.
-Tu t'entendrais bien avec notre Harry, s'amusa Drago. Je n'ai pas besoin de savoir si votre Drago et moi sommes des versions différentes d'une même âme ou si nous sommes différents pour tout. Je fais ce qui est nécessaire pour tenir mon serment de médicomage et protéger les gens.
-J'avais fait serment de protéger les animaux magiques pour ma part, dit-elle en terminant de bander l'épaule d'une femme endormie. La Horde m'a privé de mon serment, les animaux magiques sont devenus si rares que mon métier est inutile, c'est peine perdue.
-Ce n'est pas de ton fait, considéra Drago. L'année dernière, Harry et moi avons fait une nouvelle fois face à Voldemort, et j'ai utilisé un rituel qui inflige des blessures à l'âme pour le vaincre. C'est une chose que mon serment m'interdit théoriquement de faire. Seulement c'était ça, ou laisser advenir la mort de centaine de personnes. Les promesses et les pactes prévoient rarement ce genre de situation, il faut se laisser une marge de manœuvre et apprendre à vivre avec un peu de culpabilité. Je me suis rendu coupable d'assez de chose pendant la guerre, pour que mes écarts actuels paraissent anecdotiques.
-Nous avons bientôt fini, il reste encore quatre habitants à soigner, les autres auront simplement besoin de repos ou alors ils sont condamnés, conclu Luna. Je vais faire le décompte et faire un rapport à Neville, pendant que tu termines.
Pendant ce temps, Potter et Londubat avaient établi un plan afin d'éradiquer définitivement la menace des détraqueurs du village ; Ils allaient attendre la prochaine attaque puis Drago et Harry utiliseraient leurs patronus pour faire fuir les créatures, avant de les poursuivre jusque dans leur tanière et depuis cette dernière ils les feraient quitter cette région de manière définitive. Ni Neville, ni Drago, ni même Harry n'avait la moindre idée de ce à quoi un repaire de détraqueur pouvait ressembler, mais nul doute qu'à l'image d'Azakaban, cela devait être gris, sombre et froid.
-Et Drago et toi ? Tenta Neville, alors que lui et le brun étaient attablés au bar des Trois Balais devant une carte de la région, un verre à la main.
-Tu l'as dit, on vient d'un monde différent, un monde où c'était possible.
-Franchement depuis tout à l'heure, j'y réfléchi et en fait, c'est pas si étonnant que ça, c'est même un peu cliché, les deux ennemis mortels qui finissent par se grimper dessus. Tu as vraiment réussi à tout lui pardonner ?
-Je n'en n'ai pas besoin, Neville. J'arrive à le comprendre, et ça dépasse toutes les formes de pardon. Drago ne fonctionne pas comme moi, il refuse de sacrifier le bonheur pour le bien. Parfois, je me dis que c'est une bonne chose que nous ne soyons tomber amoureux qu'après la guerre, si nous nous étions aimé avant, il aurait refusé que je me sacrifie pour tuer la part d'âme que Voldemort avait logé en moi.
Un soldat ouvrit la porte de la taverne avec violence, en hurlant : « Les détraqueurs, ils reviennent ! Sonnez l'alerte ! »
Harry et Neville se fixèrent, et tout en terminant leur choppe, ils prirent leur baguette pour partir au front. Un combat pour la survie de l'humanité, cela faisait bien longtemps que la sensation de vide qui accompagnait ce genre de fardeau n'avait pas frapper Harry...
